Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, enfin ! Je commencerai par souligner les efforts de deux de mes collègues pour faire adopter cette convention, qui était très attendue : il s’agit de Véronique Guillotin, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Moldavie, et d’Olivier Cadic, sénateur représentant les Français établis hors de France.
Signé le 15 juin 2022 en Moldavie, ce texte a été ratifié le mois suivant par le Parlement moldave, mais il a fallu attendre le début de cette année pour que l’Assemblée nationale en soit saisie et, enfin, ce jour, pour que le Sénat puisse en débattre. Le ministre a rappelé ses principaux points, et je n’y reviendrai pas. Cette convention est importante parce qu’elle permettra d’éviter la double imposition. Depuis la dénonciation, en 1985, de la convention qui existait entre la France et la Moldavie, aucun texte n’avait été signé. Il faut dire que la Moldavie ne répondait pas aux standards requis pour signer de telles conventions bilatérales avec nous.
Aujourd’hui, elle a apporté un certain nombre de réponses, notamment sur les standards exigés par l’OCDE. Nous le devons largement à l’élection, en 2020, de Maia Sandu, qui était proeuropéenne, à la présidence de la République moldave. Les relations entre la France et la Moldavie se sont notoirement accrues depuis lors.
D’abord, ce pays a fait acte de candidature pour rejoindre l’Union européenne en juin 2022.
Puis, sa position proeuropéenne a favorisé le développement du courant d’affaires entre nos deux pays.
La France accompagne dorénavant le développement de la Moldavie, puisque l’Agence française de développement (AFD) y possède désormais une antenne et mène des programmes d’accompagnement et de soutien.
La convention fiscale intègre les principaux standards de l’OCDE, comme la définition modernisée de l’établissement stable, la clause générale anti-abus ou un mécanisme d’élimination des doubles impositions. Nous avons choisi, pour ce qui concerne la France, la méthode dite de l’imputation, qui permet d’imputer par crédit d’impôt d’éventuelles impositions moldaves.
Je souligne, monsieur le ministre, que nous avons obtenu, dans les négociations, l’abaissement des taux de retenue à la source sur les revenus passifs que sont les dividendes, intérêts et redevances. La convention fixe ainsi un taux de retenue à la source de 10 % pour les dividendes et de 5 % pour les intérêts et redevances. Vu l’importance de l’aide publique au développement, nous avons retenu le principe d’imposition exclusive dans l’État de résidence pour les intérêts relatifs aux investissements réalisés ou garantis par les personnes publiques. Le partage dans la répartition des investissements sera plutôt favorable au Trésor français, je pense, ce qui est une très bonne chose.
Ce texte sécurisera la situation des particuliers comme des entreprises par un cadre clair d’élimination des doubles impositions. Contrairement à des conventions fiscales récentes que notre commission a eu l’occasion d’examiner – avec la Grèce ou le Danemark, par exemple –, la convention bilatérale franco-moldave ne vient pas répondre à des situations particulières de double imposition. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère de l’économie et des finances ne nous ont pas signalé de cas spécifiques en la matière.
L’abaissement des taux de retenue à la source sur les revenus passifs devrait soutenir la croissance des échanges commerciaux et financiers bilatéraux. Le ministre l’a rappelé : la Moldavie n’est que le cent treizième client de la France, mais le commerce entre nos deux pays connaît une croissance à deux chiffres !
En dehors des considérations fiscales et économiques, l’entrée en vigueur de cette convention fiscale bilatérale, dans le contexte géopolitique complexe que nous connaissons, est de nature à encourager la Moldavie dans sa démarche d’intégration européenne. C’est pourquoi la commission des finances vous propose d’adopter cette convention fiscale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la convention avec la Moldavie qu’il nous est proposé d’adopter intervient vingt-cinq ans après la suspension du dernier accord fiscal entre nos deux pays, en 1998, lorsque la Moldavie dénonça l’accord entre la France et l’Union soviétique, qui datait de 1985 et s’appliquait encore. Depuis lors, nos deux États appliquaient chacun leur droit interne, ce qui a créé des situations de double imposition et une insécurité juridique globale pour les contribuables concernés, mais aussi un risque accru de fraude.
S’il y a peu de ressortissants français en Moldavie, les entreprises françaises sont, elles, toujours plus nombreuses à y être implantées, et leur part de marché connaît une croissance de près de 15 % chaque année depuis quelque temps. Ce nouvel accord constitue donc une bonne nouvelle, à la fois pour le développement de leurs activités et de leurs investissements, et pour mieux prévenir l’évasion et la fraude fiscales.
J’ai envie de dire, comme le rapporteur : enfin !
Je déplore toutefois la légèreté de l’étude d’impact préalable à l’examen de ce projet de loi – même s’il en est souvent ainsi pour les conventions, fiscales ou non, que nous sommes amenés à adopter dans notre assemblée. Les études d’impact, comme le suivi post-adoption, sont généralement insuffisantes, ce qui se traduit par une absence de vision et de communication d’ensemble au Parlement, que nous ne pouvons que regretter. Une structure de suivi dédiée avait été prévue, mais, sauf erreur de ma part, elle n’est toujours pas créée. Monsieur le ministre, où en est ce projet ? Quelles sont les intentions réelles du Gouvernement en la matière ? Des progrès sont indispensables, et attendus par le Parlement.
Cette convention a tardé à voir le jour, malgré une première tentative en 2006. C’est la réintroduction par la Moldavie d’un impôt sur les sociétés et son adhésion au Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE qui ont permis de relancer le processus en 2019. La présente convention a ensuite été signée en 2022, alignée sur les standards de l’OCDE. C’était il y a déjà deux ans. Il aura donc fallu attendre assez longtemps, alors que la Moldavie est signataire d’un accord d’association avec l’Union européenne depuis 2014, et que le Parlement moldave a ratifié ce texte il y a déjà plusieurs mois.
La Moldavie est un pays très francophile, où une grande partie des élèves du secondaire apprennent notre langue. L’Alliance française de Moldavie est l’une des plus importantes d’Europe.
Politiquement, elle a engagé un virage très important depuis l’élection de Maia Sandu à la présidence. Nous devons soutenir cette orientation, tant les défis à relever sont importants dans le contexte géopolitique que nous connaissons actuellement. Il y a le défi démocratique, d’abord, dans un pays qui fait l’apprentissage de la démocratie et qui est marqué par une corruption contre laquelle le gouvernement actuel lutte avec détermination. Il y a le défi de souveraineté, ensuite, rendu particulièrement difficile par la présence d’une région sécessionniste en Transnistrie. Il y a le défi du rapprochement avec l’Union européenne, enfin. La Moldavie est devenue candidate à l’adhésion en 2022 et a signé en septembre dernier une lettre d’intention sur la coopération bilatérale en matière de défense avec la France.
Face à ces défis, nous devons soutenir la Moldavie. C’est un petit pays, mais ce n’est pas n’importe quel État, vu sa situation au cœur du continent européen.
Au lendemain du vote favorable de l’Assemblée nationale, puis du Sénat, au soutien à l’Ukraine, quelques jours après la visite de la présidente moldave à Paris, adopter cette convention enverra un message de reconnaissance et un signal de rapprochement à la Moldavie. En adoptant cette convention fiscale bienvenue, nous témoignerons notre attachement à la Moldavie, ainsi qu’au lien qui unit nos deux nations européennes.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi d’approbation de la convention fiscale bilatérale avec la Moldavie a été adopté à l’Assemblée nationale le 25 janvier dernier. Les conventions fiscales restent mal connues, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, alors que la France en a conclu pas moins de 126. Il y a donc de la pédagogie à faire !
Je salue le travail de la commission des finances et de son rapporteur Michel Canévet. Le document mis à notre disposition est agrémenté d’une carte géographique. La République de Moldavie est bordée à l’ouest par la Roumanie et à l’est par l’Ukraine. Elle compte 2,6 millions d’habitants, pour 34 843 kilomètres carrés. Son PIB était de 14,4 milliards de dollars en 2022. Les échanges avec la Moldavie peuvent sembler modestes, mais ils progressent. Les exportations françaises y représentent 105 millions d’euros, les importations, 71 millions.
Ce texte vise à éliminer la double imposition sur le revenu, et à prévenir l’évasion et la fraude fiscales, ce qui est de circonstance pour nos finances ! Je salue au passage le travail de nos collègues représentant les Français établis hors de France, ainsi que les membres du groupe interparlementaire d’amitié France-Moldavie : leur rôle est important. Sur le plan de l’enseignement et de l’éducation, l’AFD a aussi une place majeure.
La Moldavie était l’un des rares pays européens, avec la Suède, à ne pas avoir signé de convention fiscale bilatérale avec la France. Or elle est notre cent treizième client, et plusieurs entreprises françaises importantes y sont implantées, comme l’a rappelé à juste titre le ministre.
Cette convention, signée le 15 juin 2022, est alignée sur les derniers standards de l’OCDE et sur la pratique française. Elle a pour objectif de simplifier la situation fiscale des particuliers – soixante-cinq ressortissants français en Moldavie, 90 000 ressortissants moldaves en France – mais aussi des entreprises. Ce projet de loi offrira une sécurité juridique à chacun. C’est pourquoi, et à la lumière de toutes les précisions qui ont été apportées par les uns et les autres, le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.
M. Pierre Jean Rochette. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conventions fiscales constituent un puissant levier de notre diplomatie économique. Avec plus de 120 conventions signées, la France dispose du réseau le plus étendu au monde. Renforcer ce réseau, c’est renforcer notre influence dans le monde.
C’est particulièrement vrai avec la Moldavie, dont l’histoire, la géographie et l’actualité confèrent à cette convention une coloration particulière.
C’est d’abord une question d’histoire. Voilà près de quatre décennies que plus aucune convention fiscale ne lie nos deux pays. En effet, le 4 octobre 1985, la Moldavie a décidé de dénoncer la convention franco-soviétique qui régissait encore les relations entre nos deux pays sur le plan fiscal. En 2006, puis en 2012, des tentatives pour établir une convention bilatérale entre la France et la Moldavie ont échoué.
Les choses se sont débloquées en 2019 : un accord a été trouvé pour aligner nos relations fiscales sur les derniers standards de l’OCDE en la matière. C’est un signal très positif de la part de la Moldavie, qui a signé par ailleurs plusieurs autres conventions de même teneur avec d’autres pays européens.
Depuis l’élection de Maia Sandu à la présidence en 2020, la Moldavie n’a cessé de renforcer ses liens avec l’Occident. Elle fait désormais partie des pays officiellement candidats à l’intégration à l’Union européenne. Bien sûr, il lui reste beaucoup de chemin à parcourir pour espérer intégrer un jour l’Union. Mais cette volonté politique démontre une inclination vers l’Occident. Nous aurions tort de la décevoir.
Car l’avenir de Moldavie tient aussi à sa géographie : coincée entre la Roumanie et l’Ukraine, son sort dépend pour une large part de ce qui se joue actuellement en Ukraine. Une grande majorité des Moldaves refusent que leur pays vive sous la férule de Vladimir Poutine.
À cet égard, la situation en Transnistrie, où les séparatistes œuvrent au rapprochement avec la Russie, est un facteur de déstabilisation géopolitique, tant pour la Moldavie que pour l’Europe. Le rapporteur du projet de loi a d’ailleurs précisé, en commission des finances, que la convention fiscale ne s’appliquerait pas à la Transnistrie, et ce jusqu’à son plein retour sous la souveraineté moldave. Il a bien fait ! Car sans cette précision, nous n’aurions pas voté ce texte.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe est très favorable à l’adoption de cette convention fiscale, qui est à la fois un outil diplomatique à la main de la France et un pas de plus vers l’Union européenne pour la Moldavie.
J’espère que cette convention pourra être rapidement adoptée. En effet, le rythme de la diplomatie tranche parfois avec celui de la politique. Je rappelle ainsi que les négociations ont débuté en 2019 et que la convention n’a été signée qu’en juin 2022.
Près de six mois après l’adoption de ce projet de loi par l’Assemblée nationale, il est grand temps que le Sénat adopte également ce texte, pour envoyer un signal fort aux autorités moldaves. Alors que la présidente Maia Sandu remettra son mandat en jeu dans quelques mois, il est important que la France donne des gages pour renforcer nos relations bilatérales avec la Moldavie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé tout à l’heure Michel Canévet, dont je tiens à saluer le travail fourni et de qualité, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui revêt, au-delà des considérations strictement fiscales, une importance géoéconomique et géostratégique majeure, pour la France comme pour la Moldavie. Je me réjouis que cette importance soit enfin reconnue.
L’objectif d’une convention fiscale est avant tout d’éviter la double imposition, que ce soit pour les personnes morales ou physiques.
Lors de ma visite en Moldavie, en septembre 2018, la France était, avec la Suède, l’un des deux seuls États de l’Union européenne à ne pas avoir de convention fiscale avec la République de Moldavie.
J’avais été alerté sur ce sujet par Pascal Le Deunff, ambassadeur de France à l’époque, Benoît Mayrand, conseiller des Français de l’étranger, ainsi que par Emmanuel Skoulios, président de la chambre de commerce France-Moldavie et par des représentants de nos entreprises implantées sur place. Nous étions convenus que la signature d’une convention fiscale serait ma priorité d’action pour ce pays, afin de favoriser le développement de nos échanges commerciaux.
Je remercie Véronique Guillotin, présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Moldavie, d’avoir toujours soutenu nos efforts collectifs. Sitôt revenu de Chisinau, j’avais interpellé le ministre de l’économie et des finances sur une situation ubuesque qui obligeait les entreprises françaises souhaitant faire du commerce avec la Moldavie à passer par l’intermédiaire de filiales dans des pays tiers, en particulier les Pays-Bas ou la Roumanie, afin d’éviter le risque de double taxation.
Il aura fallu les conséquences de la guerre en Ukraine pour accélérer des négociations que le ministère de l’économie ne jugeait pas prioritaires jusqu’alors. Comme le disait Jean Monnet, les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise.
À la faveur de la visite du Président de la République, le 15 juin 2022, quatre années d’efforts ont été couronnées par la signature d’une convention fiscale bilatérale entre Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et son homologue moldave, Nicu Popescu.
Comme tous ceux qui ont milité pour la signature de cette convention fiscale, je me réjouis de la conclusion de cet accord, qui était très attendu des investisseurs, comme l’avait alors souligné Mme Colonna.
Garantir la sécurité juridique aux acteurs économiques en prévenant la fraude fiscale constitue un progrès majeur pour le développement de nos liens commerciaux et un facteur majeur de convergence vers les normes européennes pour la Moldavie.
Pour que l’objectif soit atteint, il nous faut ratifier le texte qui nous est soumis aujourd’hui. L’accord trouvé me paraît assurément être gagnant-gagnant.
Il est gagnant pour la France, d’abord. Faute de cadre conventionnel depuis la dénonciation de la convention franco-soviétique il y a près de quarante ans, France et Moldavie appliquent chacune de leur côté leur propre législation fiscale, au détriment de la sécurité juridique des contribuables, susceptibles de se retrouver doublement imposés, et de la prospérité des investissements et des échanges économiques entre nos deux pays.
La présente convention fiscale comporte une définition modernisée de la notion d’établissement stable et une clause générale anti-abus, en adéquation avec les nouveaux standards de l’OCDE. Elle prévoit un mécanisme clair d’élimination des doubles impositions, au bénéfice des contribuables, qu’il s’agisse des entreprises ou des particuliers.
Bénéfiques pour les contribuables, et en particulier pour les 240 entreprises françaises installées en Moldavie, les termes de cette nouvelle convention fiscale le seront aussi pour le Trésor public français. Compte tenu du niveau nécessairement asymétrique des investissements entre la France et la Moldavie, l’abaissement des taux de retenue à la source applicables aux dividendes, aux intérêts et aux redevances assurera un partage des recettes fiscales plus favorable à nos finances publiques.
Toujours au titre de la sauvegarde de nos intérêts, et au vu de l’importance de l’aide publique au développement apportée par la France à la Moldavie, je me félicite que la convention fiscale retienne un principe d’imposition exclusive dans l’État de résidence pour les investissements réalisés ou garantis par les personnes publiques.
Mais l’accord fiscal bilatéral, dont nous nous apprêtons à autoriser l’approbation, est également gagnant pour la Moldavie. Je le précise, car pour un Chinois, un accord gagnant-gagnant signifie que la Chine gagne deux fois ! (Sourires.)
Après l’agression russe en Ukraine, l’action diplomatique de la France a tout de suite consisté à soutenir la République de Moldavie, financièrement à travers la plateforme de soutien à la Moldavie, et plus globalement, dans sa démarche d’adhésion à l’Union européenne.
Or, en fixant un cadre propre à dynamiser les échanges commerciaux avec ce pays d’Europe orientale, l’adoption de ce projet de loi et, à travers elle, l’approbation de cette convention fiscale bilatérale feraient plus que combler un vide conventionnel. Elles enverraient un signal fort à destination de ce pays frontalier de l’Ukraine, qui a épousé, depuis 2020 et l’accession au pouvoir de Maia Sandu, les valeurs libérales et proeuropéennes. L’attente est grande en Moldavie, où je suis retourné en mars l’an dernier.
Je sais que Benoît Mayrand, conseiller des Français de l’étranger, Emmanuel Skoulios, président de la chambre de commerce France-Moldavie, et notre ambassadeur Graham Paul suivent à distance cet épilogue. Je salue leurs efforts, qui, je n’en doute pas, vont être récompensés aujourd’hui.
Le groupe Union Centriste votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette convention fiscale entre la France et la Moldavie comble un vide assez rare dans nos relations internationales avec les autres États. En effet, la Moldavie, depuis son retrait de la convention fiscale entre la France et l’Union soviétique en 1985, était un des très rares pays à ne pas avoir de convention fiscale avec notre pays.
Cette convention va permettre de renforcer nos relations avec ce pays limitrophe de l’Ukraine, menacé par l’impérialisme russe de Vladimir Poutine. Elle représente, dans ce contexte, un jalon important dans le processus d’intégration européenne de ce jeune État, indépendant depuis seulement 1991.
En faisant le choix de l’Europe et du rapprochement avec ses États membres, la Moldavie opte pour un alignement sur les valeurs démocratiques, sur les principes de l’État de droit et pour la coopération régionale. Cette aspiration coïncide étroitement avec notre vision d’une Europe unie et solidaire, fondée sur le respect mutuel, la coopération et la justice sociale.
La convention négociée par le Gouvernement vise non seulement à simplifier les échanges commerciaux et à faciliter les investissements, mais aussi à renforcer le lien culturel et linguistique qui unit nos deux pays. Nous ne devons pas sous-estimer l’importance de la francophonie en Moldavie, où la langue française reste enseignée et appréciée.
En cette année où l’Union européenne occupe une place singulière dans le débat public, du fait du renouvellement de ses institutions, cette convention est un signal politique fort de notre engagement à soutenir la Moldavie dans son rapprochement avec l’Union européenne. Elle témoigne de notre volonté de bâtir des ponts, de favoriser les échanges économiques et culturels et de participer activement à la stabilité et au développement de cette région stratégique de l’Europe.
Je formulerai deux réserves à ce stade.
La première concerne l’ampleur de l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, qui, cette fois encore, ne nous éclaire pas réellement sur les conséquences de l’entrée en vigueur de cette convention, notamment sur nos recettes fiscales. Dans le contexte français d’austérité budgétaire, marqué par une course à l’économie et un refus catégorique de mobiliser les leviers fiscaux, cette question ne saurait être éludée. Elle est plus large que le périmètre de cette convention franco-moldave.
De manière globale, nous avons besoin, monsieur le ministre, d’une évaluation fine, dans le temps, des conséquences économiques et budgétaires des négociations fiscales internationales.
La seconde réserve concerne la lutte contre l’évasion fiscale. L’alignement sur les standards internationaux pour prévenir la double imposition et la fraude fiscale ne nous semble pas suffisant. L’évasion fiscale prive les États de ressources cruciales pour le financement des services publics et la lutte contre les inégalités. Nous ne pouvons donc nous satisfaire de mesures symboliques ou superficielles.
Le Gouvernement doit mener sans relâche un combat contre la fraude fiscale, dans cette convention spécifiquement, comme dans toutes les autres, en se dotant de tous les outils utiles et en faisant preuve d’une réelle volonté politique.
Cela étant, cette convention est un acte important pour les relations franco-moldaves. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires la votera.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de convention fiscale est sous-tendu par la perspective d’une adhésion de la Moldavie à l’Union européenne. La procédure d’adhésion est menée au pas de charge et a été légitimée soudainement après le début de la guerre en Ukraine. Ce processus d’intégration n’est d’ailleurs pas forcément de nature à permettre l’engagement d’un processus de paix dans la région, il faut le noter.
La Moldavie dépose sa candidature d’adhésion le 3 mars 2022, laquelle est annoncée par la présidente du pays, Mme Maia Sandu, le même jour que la Géorgie et trois jours après l’Ukraine. Le 23 juin, le statut de candidat à l’adhésion est accordé par l’Union européenne. En décembre 2023, les dirigeants de l’Union européenne ont décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Moldavie et ont invité le Conseil à adopter le cadre de négociations une fois que les mesures pertinentes auront été prises.
L’ambition est de mener des réformes sur l’État de droit et dans le domaine de la justice, mais également dans le secteur économique et financier afin d’accroître l’intégration de la Moldavie au sein du marché intérieur.
L’accord d’association est à cet égard une forme de cheval de Troie libéral pour faire tomber les frontières, au nom d’une mondialisation des échanges.
Des accords de libre-échange approfondis et complets entre l’Union européenne et la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine sont en discussion.
Le salaire minimum brut en République de Moldavie, qui est de 46,29 euros par mois, est le plus bas d’Europe. Il est environ trente-quatre fois plus bas que celui du Luxembourg, dont nous avons parlé précédemment, sept fois plus bas que le Smic bulgare, qui est aujourd’hui le plus faible de l’Union européenne. Le salaire moyen n’est guère plus satisfaisant.
Comme dans le programme de Vladimir Filat intitulé L’intégration européenne : liberté, démocratie, bien-être, lancé en septembre 2009, la stabilisation repose sur le rapprochement avec les structures européennes, sur la base des acquis communautaires.
La fin du régime de Vladimir Voronin, président de 2001 à 2009, est marquée par un regain d’intérêt des bailleurs internationaux. La relance économique passe par une politique de rigueur pour tenir les engagements pris à l’égard du Fonds monétaire international.
La Moldavie est sans doute l’un des pays où le poids de l’oligarchie dans la vie politique est le plus important. En 2014, les trois principaux oligarques, Vladimir Filat, Vladimir Plahotniuc et Ilan Sor – le parti Sor a été interdit sur décision de la Cour constitutionnelle le 19 juin 2023 –, ont été accusés d’avoir commis le « casse du siècle ». À eux trois, ils ont dérobé en 2014 l’équivalent de 12 % du PIB du pays ! Les deux derniers ont été contraints à l’exil. Corruption et argent roi ont sévi.
En somme, l’intérêt majeur de nouer une relation fiscale avec la Moldavie est d’envoyer un signal en vue de l’adhésion du pays à l’Union européenne.
Notre réseau conventionnel couvrait déjà en 2019, selon la Cour des comptes, 97 % des importations et 98 % des exportations. L’excédent commercial de la France avec ce pays ne représentait que 0,018 % du total de nos exportations, soit 105 millions d’euros en 2022, pour 71 millions d’importations. Nous comptons soixante ressortissants français en Moldavie.
La Moldavie, après avoir adopté un taux d’imposition sur les sociétés de 0 %, l’a rehaussé sous la pression des bailleurs internationaux à 12 %, soit un taux inférieur de plus de la moitié au nôtre.
Finalement, toutes ces asymétries et l’ambition de faire de la Moldavie un espace de concurrence élargi ont conduit la France à balayer dans cet accord les volontés moldaves : un établissement stable pour les services numériques, disposition que le Sénat a votée à de nombreuses reprises, sur notre initiative ; des dispositions sur les prix de transfert qui profiteront certes à nos finances publiques, mais permettront de délocaliser tous les bénéfices de Moldavie alors que nos multinationales y créent de la valeur ; des retenues à la source bien plus faibles que celles qui sont pratiquées en Moldavie, notamment sur les dividendes.
Cette convention fiscale est donc plus symbolique que destinée à résoudre un problème fiscal spécifique. Nous voterons contre, habités par le doute que suscite de manière systématique chez nous le modèle des conventions fiscales bilatérales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)