M. Rachid Temal. Et l’inflation ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Voilà qui nous ramène, tout simplement, au premier septennat du président Mitterrand !
M. Mickaël Vallet. C’est même trop, n’en jetez plus !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Quelque 14 milliards d’euros – pas moins ! – ont été alloués au financement de ces mesures salariales destinées à l’ensemble des agents de la fonction publique ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
On peut toujours dire que ce n’est pas assez, mais qu’ont fait les vôtres en trente-sept ans ? Permettez-moi de vous poser la question, mesdames, messieurs les sénateurs.
Il importe de donner des exemples concrets des efforts qui ont été consentis : en début de carrière, un agent d’accueil gagne 230 euros net de plus par mois qu’en 2022 ; un gardien de la paix, 240 euros net de plus ; un professeur des écoles, 320 euros net de plus !
On peut toujours dire que cela ne suffit pas, mais voilà des faits concrets !
M. Pierre Barros. La fonction publique n’arrive plus à embaucher !
Mme Catherine Vautrin, ministre. J’en viens à la deuxième partie de votre intervention, madame la sénatrice.
Le meilleur moyen d’accompagner nos concitoyens, c’est de les ramener vers l’emploi. Tel est le sens de l’investissement que nous réalisons aujourd’hui par le biais de France Travail (Mme Émilienne Poumirol s’exclame.), car la meilleure des émancipations est celle qui consiste à lever les freins à l’emploi, c’est-à-dire à former. C’est précisément ce que nous avons fait en augmentant le budget de France Travail, donc en améliorant l’accompagnement des personnes.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et où sont-ils, les moyens ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. Plus de 150 000 personnes devraient ainsi cette année retourner vers l’emploi, donc retrouver le chemin de l’émancipation.
Il y a ceux qui réclament toujours plus d’aides, et il y a ceux qui agissent pour toujours plus d’émancipation. Nous comptons parmi les seconds, car s’émanciper c’est aussi, et de beaucoup, augmenter ses revenus ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre, mais vos chiffres, je les conteste ! La réalité quotidienne de nos concitoyens, celle des fonctionnaires, est tout autre. Vous avez tout simplement oublié de mentionner le taux d’inflation… (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Rachid Temal. Ah !
Mme Corinne Féret. Vous pouvez toujours nous renvoyer des décennies dans le passé, ce que vous dites est faux !
Pour ce qui est de l’assurance chômage, il y a là encore un engagement que le Gouvernement et le Président de la République ne tiennent pas. Leur réforme de l’assurance chômage devait aussi tenir compte de l’évolution du chômage ;…
M. Rachid Temal. Où est l’argent ?
Mme Corinne Féret. … or le niveau d’emploi est de nouveau en berne : le chômage remonte. Cet engagement, vous l’avez oublié, tout comme vous oubliez de préciser combien de millions d’euros initialement destinés à abonder le budget de France Travail vont être supprimés dans le cadre des 10 milliards d’euros d’économies annoncés par le Premier ministre !
M. le président. Il faut conclure !
Mme Corinne Féret. Combien ? Dites-le ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
narcotrafic à rennes
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a dix jours, deux bandes rivales s’adonnant au trafic de drogue se tirent dessus : une heure de fusillade en plein cœur de Rennes. Cinq jours plus tard, on retrouve les mêmes, vraisemblablement, sur l’autoroute A84, à proximité du paisible village de Coglès, pour une course-poursuite et une fusillade à l’arme lourde. Trois des passagers, armés et ensanglantés, finissent par débarquer dans le bourg de Coglès pour y demander des secours.
Monsieur le ministre de l’intérieur, je suis tenté de vous adresser la question qui m’a été posée ce week-end par les habitants d’Ille-et-Vilaine : dans quel pays vivons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, dans quel pays vivons-nous ?
Nous vivons dans un pays qui, depuis plus de quarante ans, a laissé la drogue investir non seulement les lieux publics, mais les consciences, via des débats que l’on peut qualifier d’irresponsables sur la légalisation. (M. André Guiol applaudit. – Protestations sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Nous vivons dans un pays qui est dans un monde où partout la drogue tue. Là où la drogue n’a pas été contrecarrée par l’ordre républicain, des narco-États prospèrent, comme aux portes de l’Europe, aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, et qui menacent les avocats, les hommes politiques ou les policiers et mettent des contrats sur leur tête, jusqu’à les assassiner.
Nous vivons dans un pays qui est dans un monde où les drogues de synthèse se sont tant et si bien imposées, grâce à l’argent sale, que la première cause de mortalité aux États-Unis est le fentanyl. Nous avons quant à nous réussi, jusqu’à présent, à éviter à la France ce genre de drame, car nous avons une police et une justice courageuses, qui se battent contre cette pieuvre dont sans cesse les tentacules repoussent.
Dans votre département, monsieur le sénateur, il a fallu mobiliser, en six ans, 150 représentants supplémentaires des forces de l’ordre, car il en manquait ; 21 points de deal ont été démantelés à Rennes et aux alentours, plus de 150 interpellations supplémentaires ont eu lieu en 2023 par rapport à 2022 et les saisies ont quintuplé.
En l’espèce, les personnes blessées sont connues pour de multiples inscriptions à leur casier judiciaire pour trafic de stupéfiants.
C’est parce que la police et la gendarmerie travaillent inlassablement dans votre département que, lorsque les points de deal y sont écrasés, les trafiquants essaient de les remplacer, parfois depuis le cœur même des prisons ; il y a là, d’ailleurs, un problème que nous traitons avec le garde des sceaux. Le trafic se poursuit aussi depuis l’étranger, des Émirats arabes unis par exemple ; nous pouvons à cet égard remercier nos amis marocains qui, il y a quelques jours encore, ont arrêté un très grand dealer international.
Notre travail est de faire en sorte que notre pays ne soit pas celui qui a été laissé aux générations actuelles, mais que nous le changions ; nous le devons à nos enfants, y compris à ceux d’Ille-et-Vilaine. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour la réplique.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, soyons francs ! Vous avez dit que le trafic de drogue remontait à plus de quarante ans ; je suis tenté de vous demander : depuis sept ans, qu’avez-vous fait ?
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est complètement démago… Et le nombre de policiers que nous y consacrons ?
M. Dominique de Legge. Voici ce que je peux vous dire avec certitude : à force de tenir un discours dont on ne voit pas les résultats sur le terrain, on mine la confiance de la population dans la parole publique. À vous qui invoquez si souvent la République, je réponds que le plus sûr moyen pour que les Français ne s’en détournent pas est de faire en sorte qu’effectivement la République les protège. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
maîtrise de la langue française dans le secondaire
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Notre président, Gérard Larcher, l’a rappelé tout à l’heure : nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale de la francophonie. Le français, nous pouvons en être fiers, est une langue parlée sur les cinq continents, dans plus de 112 pays, par 320 millions de personnes. C’est la cinquième langue la plus parlée dans le monde et la langue officielle des jeux Olympiques, avec l’anglais, depuis 1896. Voilà pour le « Cocorico ! »…
Mais – car il y a un « mais » –, comme dit le dicton, le cordonnier n’est pas forcément le mieux chaussé…
En témoigne une étude du ministère de l’éducation nationale publiée en juin dernier, qui montre que 10 % des élèves du secondaire sont en grande difficulté dans le domaine de la lecture du français. Parmi eux, la moitié est en situation d’illettrisme !
Compte tenu des difficultés d’insertion que de telles lacunes entraînent pour les 2,5 millions de Français touchés, selon l’Insee, par l’illettrisme, ces statistiques sont très préoccupantes. Rédiger un chèque, lire un mode d’emploi, naviguer sur internet, remplir un formulaire administratif, voilà autant de petits gestes banals du quotidien et autant d’actes pourtant irréalisables pour toutes ces personnes. Ce handicap, souvent invisible, qui remonte la plupart du temps à l’enfance, non seulement les rend dépendantes, mais les exclut souvent socialement.
Madame la ministre, vous venez de prendre la tête du ministère de l’éducation nationale. Vous partagez avec moi l’idée qu’il est difficilement concevable, pour ne pas dire irresponsable, de laisser entrer au collège ou au lycée un élève qui ne maîtrise ni la lecture ni l’écriture du français. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour endiguer ce terrible phénomène qui, une fois de plus, contribue à creuser des inégalités dans le pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Demilly, je partage un nombre important de vos observations.
Vous avez raison de le souligner, la francophonie ne se résume pas seulement à une organisation internationale ou à un sommet, elle s’appuie aussi sur une langue vivante qui ne cesse de s’enrichir et qui est partagée par tous. Pour cela, il faut que nous, Français, nous maîtrisions cette langue correctement. Cela suppose que nous puissions renforcer les acquis du français à l’école et au collège.
Beaucoup de vos collègues – je pense notamment aux parlementaires qui récemment m’ont rendu un rapport sur ce sujet, Mme Genevard et M. Le Vigoureux – se préoccupent également de cette question.
Comment allons-nous essayer d’y répondre à l’école ? Par un certain nombre de mesures importantes et précises, s’agissant d’un enjeu majeur.
Je pense à la diversité des pratiques. Nous devons maîtriser l’écrit, l’oral et, évidemment, la syntaxe. Tout cela suppose que, tous les jours, les élèves travaillent. Des temps de lecture précis sont donnés dans les programmes. Dès l’année prochaine, le quart d’heure de lecture sera un quart d’heure de lecture francophone. Des dispositifs d’accompagnement sont également prévus ; je pense au dispositif Devoirs faits, mais également aux heures de soutien, en français notamment. La labellisation des manuels de français respectant le programme, qui donnera une base commune à l’ensemble de nos professeurs, est également à l’ordre du jour. La création des groupes en sixième et en cinquième dans le cadre du « choc des savoirs » que Gabriel Attal a présenté devra aussi contribuer à l’acquisition du français.
À tous les niveaux, à l’école comme au collège, des évaluations nationales nous permettront de mesurer l’avancée de nos élèves.
Je souhaite également signaler que nous sommes en train de procéder à la réécriture des programmes – c’est en cours, ce n’est pas encore à l’œuvre –, pour assurer la maîtrise complète de cette langue, tant à l’oral qu’en lecture et en écriture, je le répète.
Les « attendus » de fin d’année seront clairement précisés dans ces programmes. Par exemple, on y définira exactement le nombre et la longueur des textes écrits que les élèves doivent maîtriser. Le fonctionnement de la langue sera également prévu.
Bref, sera ainsi fixé un niveau d’exigence, qui nous permettra, je l’espère, de garantir vraiment la maîtrise complète de la langue. La langue française est une extraordinaire liberté ; il faut que chacun puisse l’utiliser en en maîtrisant les bases. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
circulation des véhicules crit’air 3 dans les zones à faibles émissions
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-François Longeot et Alain Duffourg applaudissent également.)
M. Philippe Tabarot. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Dans un contexte où l’État avait été condamné par trois fois pour pollution de l’air, Mme Pompili a voulu généraliser en 2021, en toute hâte, les zones à faibles émissions (ZFE), restreignant ainsi dès le 31 décembre 2024 la circulation dans 43 agglomérations.
Si l’objectif sanitaire était louable, ici, au Sénat, nous préconisions de desserrer l’étau.
Or voilà qu’hier, au cours d’une conférence de presse, vous avez effacé le problème de la pollution de l’air. En une conférence de presse, vous avez résolu une menace vieille de cinquante ans ! En une conférence de presse, plus de pollution venant du port de Marseille ou des industries rouennaises !
Monsieur le ministre, comment a-t-on pu passer du cauchemar annoncé pour des millions de Français à la magie d’un air frais et pur en quelques mois ? Comment a-t-on pu passer d’une interdiction massive à une liberté de circulation sur la quasi-intégralité du territoire, en un claquement de doigts ?
La véritable raison de ce manque de cohérence n’est-elle pas ailleurs ? Votre décision ne repose-t-elle pas sur une autre asphyxie : l’asphyxie financière de notre pays, dont votre gouvernement est largement coupable ? Leasing social avorté, taillage du bonus écologique, financement non pérenne des transports en commun, coup de rabot de plus de 2 milliards sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : voilà autant d’exemples montrant le manque de moyens pour accompagner les Français dans l’effort de transition que vous leur imposiez.
Monsieur le ministre, si vous avez effacé l’ardoise pour la majeure partie de nos territoires, quel soutien comptez-vous apporter aux près de 900 000 automobilistes des métropoles de Paris et de Lyon, et aux millions d’automobilistes qui viennent y travailler et qui vont devoir envoyer leurs voitures à la casse d’ici neuf mois, en Afrique ou en Europe de l’Est ? Car c’est bien cela la triste réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Philippe Tabarot, si je résume les épisodes précédents, vous considériez que 43 ZFE c’était trop, qu’il y avait un risque et qu’il fallait tenir compte de l’amélioration tendancielle de la qualité de l’air. Et maintenant j’ai le sentiment que vous me reprochez qu’il n’y ait plus que 2 ZFE actives et 41 qui ne le sont plus. Je serais tenté de répondre que, de ce point de vue, nous avons écouté vos remarques et tenu compte de la nécessité de prendre en considération les résultats, sans se braquer sur les modalités.
Par ailleurs, vous avez évoqué les annonces que j’ai faites à l’occasion d’une récente conférence de presse. Oui, les chiffres de la qualité de l’air pour 2023 montrent que nous avons enregistré sur cinq ans une amélioration de 46 % de la qualité de l’air, qu’il s’agisse du dioxyde d’azote ou des particules fines. Seuls deux territoires dépassent aujourd’hui les seuils.
On peut évidemment se réjouir que la qualité de l’air s’améliore tendanciellement et de façon accélérée, notamment en raison de l’électrification d’une partie du parc, de l’augmentation de la pratique du vélo, etc.
Vous souhaitez que l’on s’emploie à mieux soutenir les Français dans ces changements de motorisation. Je citerai un seul chiffre : au cours de la seule année dernière, 1 million de véhicules sont sortis des catégories Crit’Air 3, 4, 5 et « non classés ». Ce résultat n’est pas seulement le fruit des mesures gouvernementales, sans doute, mais les 1,5 milliard d’euros que nous y avons consacrés y ont toutefois contribué.
Sur le leasing, il y a quelques mois, vous nous disiez qu’il fallait prendre garde à mettre en œuvre une politique qui favoriserait les importations chinoises. Nous vous avons écoutés et nous avons restreint le dispositif aux véhicules construits en France et en Europe. Nous avons donc plafonné les aides aux 50 000 premiers véhicules, soit le double de ce que nous avions initialement prévu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je m’attendais à ce que vous vous réjouissiez, à ce que vous me disiez que j’avais fait droit à quatre des sept articles de la proposition de loi relative aux zones à faibles émissions mobilité que vous avez déposée sur le bureau du Sénat le 7 juillet dernier ; pour les remerciements, je repasserai, mais l’essentiel est que nous avancions ensemble dans la même direction… (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, vous étiez un roi de la communication : vous êtes désormais un as de la magie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des centres de rétention administrative
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christophe Chaillou. Monsieur le ministre de l’intérieur et des outre-mer, un nouveau centre de rétention administrative (CRA) a ouvert le 5 février dernier à Olivet, dans le département du Loiret, dont je suis élu.
Cette ouverture s’est déroulée dans un contexte difficile, avec le sentiment d’une certaine impréparation, le Loiret étant un département particulièrement sous-doté en policiers, en magistrats, en greffiers et en médecins, tous indispensables dans les processus liés à la rétention administrative, d’où l’inquiétude manifestée devant la montée en puissance très rapide de ce centre.
Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter et alerter par la même occasion le reste du Gouvernement sur la nécessité de pourvoir le plus rapidement possible tous les postes – police, justice, préfecture – liés à l’ouverture de ce centre.
Les agents affectés aux CRA – dont de nombreux jeunes policiers sortis de l’école – doivent être soutenus et accompagnés, y compris pour veiller à ce que leurs missions s’exercent dans le respect des droits fondamentaux de la personne humaine, alors même que le profil des individus retenus est de plus en plus difficile – et aussi de plus en plus jeune –, compte tenu des instructions visant à privilégier le placement des profils les plus dangereux pour l’ordre public.
Au-delà du centre d’Olivet, le constat est largement partagé : la mobilisation des moyens financiers et humains pour ces centres est considérable, y compris au regard de l’effectivité réelle des mesures d’éloignement. Les interrogations sont nombreuses : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté nous alertait l’an dernier sur ce sujet.
Il est temps de nous interroger sur les procédures, sur le fonctionnement et, plus largement, sur le sens que nous devons donner à ces centres de rétention, et ce dans le respect des principes fondamentaux de notre République.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : la trajectoire établie par la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) – plus de 1 000 places supplémentaires – est-elle réaliste au regard des moyens budgétaires à mobiliser et des mesures d’éloignement réellement exécutées ? Permettra-t-elle d’améliorer les conditions d’exercice pour les policiers et les magistrats et de mieux prendre en charge les personnes retenues dans le respect de leurs droits fondamentaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Monsieur le sénateur, oui, la Lopmi prévoit – je remercie d’ailleurs le groupe socialiste, auquel vous appartenez, de l’avoir soutenue, et c’était un soutien franc et massif ; le fait que le groupe socialiste vote pour un texte du ministère de l’intérieur est chose assez rare pour que je m’en souvienne…
M. Rachid Temal. Nous sommes exigeants !
M. Gérald Darmanin, ministre. La Lopmi prévoit, disais-je, la création de places dans des centres de rétention administrative, centres qui, d’ailleurs, ont été imaginés et créés par un gouvernement socialiste voilà plus de quarante ans.
Les places en CRA sont importantes et leur nombre doit doubler d’ici à 2027. J’ai annoncé en octobre dernier les sites retenus : Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac, Mayotte ainsi que le Dunkerquois. Ces constructions sont en cours, et certaines seront même inaugurées prochainement. Je me rendrai dans quelques jours à Olivet, dans le Loiret, pour inaugurer le nouveau centre de rétention administrative, qui a déjà commencé à fonctionner.
Pourquoi la rétention est-elle très importante ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question !
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, parce que nous avons changé de stratégie : nous plaçons désormais dans les centres de rétention administrative uniquement les personnes qui posent des problèmes d’ordre public ou qui constituent une menace de nature terroriste pour le territoire.
Ainsi, nous ne mettons désormais plus dans ces centres les mineurs, conformément à la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration ; celle-ci, vous ne l’avez pas votée en revanche, chacun s’en souvient, et je regrette d’ailleurs que vous n’ayez pas voté pour l’interdiction, proposée pour la première fois par un gouvernement, de placer des mineurs dans des centres de rétention administrative.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous avons voté pour cette mesure !
M. Gérald Darmanin, ministre. On n’y trouve donc plus que des personnes poursuivies pour des faits qui touchent à l’ordre public. Aussi, en effet, pour les magistrats comme pour les policiers, le travail y est plus difficile, car il s’agit d’individus dangereux. Pendant le temps de leur placement dans les CRA, ces personnes ne sont donc plus à l’extérieur et attendent, sous l’autorité du juge des libertés et de la détention, leur décision d’éloignement. On expulse trois fois plus de personnes lorsqu’elles sont placées dans des CRA que quand elles ne le sont pas. C’est la raison pour laquelle je vous remercie d’avoir voté pour la Lopmi, qui nous permet d’ouvrir 30 000 places de CRA. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’était pas la question !
M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou, pour la réplique.
M. Christophe Chaillou. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question, qui portait sur les moyens prévus pour faire fonctionner ces centres. Vous êtes le bienvenu dans le Loiret, où vous avez d’ailleurs annoncé le 1er janvier dernier la création de dix postes de policiers supplémentaires à Montargis ; on les attend encore !
Dans ce domaine, on peut communiquer, on peut inaugurer, mais il faut aller à l’essentiel…
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Chaillou. … en donnant des policiers, des gendarmes et des magistrats si l’on veut que cela fonctionne réellement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
sécheresse dans les pyrénées-orientales
M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Lauriane Josende. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Monsieur le ministre, vous êtes le ministre de la cohésion des territoires. Chacun connaît la sécheresse historique qui sévit dans les Pyrénées-Orientales. Nous vivons un véritable drame, dans lequel nous ne cessons de nous enfoncer ! Chaque jour, des élus, des habitants et des acteurs économiques manifestent leur colère. Ils proposent des solutions, font preuve d’inventivité, se battent pour faire de cette crise climatique une force, un atout pour l’avenir, mais rien ne bouge, aucun projet n’avance !
Samedi dernier, 4 000 personnes ont manifesté contre un projet de golf, largement approuvé par les autorités, à Villeneuve-de-la-Raho, certains manifestants menaçant de « zadiser » notre territoire.
Depuis des mois, nous attendons un message d’espoir, celui d’un État qui prendrait enfin ses responsabilités. Nous attendions notamment la nomination d’un « préfet de l’eau » en Occitanie. Or, vendredi dernier, votre gouvernement a publié l’avis de vacance d’emploi. Quelle déception, monsieur le ministre : il sera chargé « de la gestion de l’eau sur le bassin Adour-Garonne »…
On nous dit que nos départements littoraux dépendent du préfet d’Auvergne-Rhône-Alpes, une autre région que la nôtre. Cette annonce est totalement incompréhensible, sauf à vouloir dire, monsieur le ministre, que nous allons enfin bénéficier de l’eau du Rhône, le tuyau actuel s’arrêtant à Narbonne…
La sécheresse que nous subissons est unique en France par son intensité et par ses conséquences. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Monsieur le ministre, ma question est simple : allez-vous vous engager personnellement pour que l’eau du Rhône soit enfin acheminée jusque dans les Pyrénées-Orientales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Josende, il y a quelques jours, nous avons présenté, comme chaque année au mois de mars, l’état des nappes phréatiques au début du printemps.
Il y a un an, les trois quarts des nappes étaient en dessous des normales de saison, contre seulement un tiers aujourd’hui. Pour autant, certaines situations nous préoccupent, dont celle d’un département, qui est dans une situation unique en France – et je corrobore d’ailleurs tous vos propos –, ce sont les Pyrénées-Orientales. Dans ce département, le déficit d’humidité des sols atteint 90 % ; il n’est quasiment plus tombé une goutte d’eau depuis le mois de juin 2022 et, depuis cette date, le département n’a pas connu un seul mois sans restriction d’usage…
Avant de vous répondre, je veux vous saluer, vous et l’ensemble des élus et responsables de votre département, qui vivez ainsi depuis deux ans, en faisant front. La consommation d’eau potable a diminué de 30 % l’été dernier à l’échelle de la communauté urbaine de Perpignan ; quand on sait que ce territoire vit du tourisme et de l’agriculture, on mesure l’effort que cela représente !
Je me rendrai demain, à l’occasion du salon des maires, dans les Pyrénées-Orientales, pour une séance de travail sur l’eau. J’aurai évidemment l’occasion de prendre la parole sur les sujets que les élus et les chambres d’agriculture ont signalés au préfet : les canaux, les fuites, la réutilisation des eaux usées et les projets beaucoup plus structurants, comme celui que vous avez cité, qui représente un demi-milliard d’euros ; vous comprendrez donc que l’hémicycle du Sénat pendant la séance de questions d’actualité au Gouvernement ne se prête pas à des annonces sur de tels projets…
Je viens sur place demain pour discuter et pour dialoguer avec les élus. Je viens pour valoriser les six projets de retenue et de réutilisation d’eaux usées qui ont été autorisés au cours des six derniers mois à la demande des élus. Et je viens pour tracer un chemin. Il y a une nécessité absolue sur ce territoire, il faut apporter des réponses exceptionnelles. Ce sera la raison de ma présence à vos côtés dans quelques heures. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)