Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur, votre question est primordiale. Il est vrai que les Français voient souvent l’hôpital au travers du prisme des urgences.
Beaucoup a été fait, même si cela ne suffit malheureusement pas. La question des urgences est liée à celle des lits d’aval. Il faut donc faciliter la création de ces lits, qui permettent de désengorger les urgences.
De même, la régulation doit être mieux coordonnée. La création des services d’accès aux soins doit y contribuer d’ici à la fin du mois d’août. Soixante-cinq des cent départements français en sont déjà dotés, ce qui a permis une amélioration de la régulation de la médecine de ville. Les SAS visent en effet à orienter les personnes qui ne sont pas dans une situation d’urgence avérée vers la médecine de ville, avec un rendez-vous dès le jour même ou sous un très bref délai.
Par ailleurs, le décret n° 2023-1376 du 29 décembre 2023 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité autorisée de médecine d’urgence a permis la création de Smur paramédicaux, qui n’embarquent pas de médecin, lorsque la situation le permet. Nous pourrions également envisager la création d’antennes d’urgence, fonctionnant sur une base de douze heures et non de vingt-quatre heures, la très faible activité en nuit profonde sur certains territoires ne rendant pas toujours nécessaire la mise à disposition de personnels soignants à ces horaires.
Ces ajustements doivent permettre de répondre au mieux à la problématique lancinante des urgences. Cependant, cette question reste liée à celle de l’accès aux soins de premier recours. Un travail doit donc être mené avec la médecine de ville. La négociation conventionnelle en cours entre l’assurance maladie et les syndicats de médecine a précisément pour objectif d’améliorer la réponse de la médecine de ville aux soins primaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.
M. Jean Sol. Monsieur le ministre, j’entends bien votre réponse, mais ne croyez-vous pas que la situation dramatique de nos établissements, publics et privés, mérite mieux qu’une forme d’indifférence ou des annonces qui n’y répondent pas ou seulement partiellement, et qui divisent, plus qu’elles ne fédèrent, autour de la qualité et de la sécurité de la prise en charge des urgences que nous devons à nos concitoyens ? Je vous demande donc un véritable plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile), un plan d’urgence pour panser nos urgences !
Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Bélim. En France, la couverture et l’organisation des systèmes de santé demeurent très hétérogènes d’une région à l’autre. À ces disparités s’ajoutent dans les outre-mer des problématiques territoriales spécifiques qui peuvent constituer des barrières ou retarder l’accès aux soins pour les patients.
Si l’on évoque les disparités démographiques, la Martinique deviendra en 2050 le plus vieux département de France. Cette singularité doit nous obliger à prendre en compte les nouveaux besoins en santé, telle que la prise en charge des polypathologies ou encore des mesures d’accompagnement pour maintenir l’autonomie des personnes.
On peut aussi évoquer les disparités épidémiologiques. En 2005, lors de l’épidémie du chikungunya, la population réunionnaise avait été infectée à hauteur de 35 %.
Ces spécificités sont nombreuses, et appellent à des considérations propres à chaque territoire et bassin régional. Or les financements dont dépendent nos établissements répondent à des règles prétendument égalitaires, mais qui ne permettent pas d’établir une réelle égalité. L’hôpital public a pourtant toute sa place dans nos bassins régionaux. L’isolement géographique doit être un levier pour le rayonnement du savoir-faire français en matière de recherche et de soins.
Le CHU de La Réunion, hôpital de référence de l’océan Indien, a besoin d’un soutien pérenne pour faire face aux défis du territoire réunionnais, avec un potentiel développement lucratif à destination de la clientèle au sein du bassin océanique.
Si l’ensemble des acteurs ont accueilli avec satisfaction les annonces de novembre et février dernier, des questions se posent néanmoins. La revalorisation prévue sera-t-elle conduite en un seul temps ? Le Gouvernement travaille-t-il à une actualisation pour 2025 ? Les évacuations sanitaires, marqueurs de solidarité nationale, seront-elles enfin prises en compte parmi les charges ?
Plus généralement, alors que les outre-mer rassemblent plus de 2,8 millions d’habitants, des actions adaptées sont nécessaires pour réduire les écarts et améliorer l’accès aux soins des patients, quel que soit leur lieu de prise en charge. Le Gouvernement travaille-t-il à une véritable vision pour ces populations ultramarines en matière de santé ?
Oui à la continuité des soins, mais nous exigeons également de la qualité et des politiques adaptées ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, on ne peut pas dire que l’outre-mer soit délaissé en matière d’investissements publics destinés à accompagner le développement de l’offre de soins.
J’ai cité la rénovation du centre hospitalier de Mayotte et la création d’un deuxième hôpital sur ce même territoire. La reconstruction du CHU de la Guadeloupe est l’un des plus gros investissements hospitaliers de notre territoire, avec celle du CHU de Nantes. La création d’un CHU en Guyane représentera en outre un effort de modernisation important pour ce département.
L’État accompagne également le CHU de La Réunion, au travers d’une aide en trésorerie pour aider cet établissement à faire face aux difficultés financières aiguës qu’il traverse. La mission de l’Igas devra nous permettre de comprendre les causes du dysfonctionnement de cet hôpital dont la situation s’est très fortement et rapidement dégradée, bien plus que dans tous les autres CHU de France, outre-mer compris. Le rapport de l’Igas nous aidera à tirer un constat clair, précis et transparent.
Tous les gouvernements précédents ont agi de la sorte : jamais l’État n’a abandonné un hôpital, que ce soit en outre-mer ou en métropole. L’État sera au rendez-vous de l’urgence financière, mais aussi des restructurations à opérer si cela est nécessaire. L’hôpital n’est pas une entreprise, mais il doit tout de même répondre à des critères de gestion, ce qui n’est pas le cas actuellement : il faut donc remettre la rivière dans son lit.
Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Khalifé Khalifé. Monsieur le ministre, nous avons une chose en commun : vous étiez président de la FHF, j’ai été pendant plus de quarante ans médecin hospitalier et près de vingt ans président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalier régional de Metz-Thionville. Je peux donc, comme vous, saluer le travail quotidien des hospitaliers, mais aussi mesurer le malaise qui les affecte ces derniers temps.
Néanmoins, mon intervention concernera la formation paramédicale et médicale. Grâce aux efforts des conseils régionaux, la formation paramédicale est territorialisée : ainsi, même les plus petites communes de France comptent des infirmières, notamment libérales.
C’est loin d’être le cas des formations médicales. Vous avez évoqué une augmentation de 15 % du nombre d’étudiants par rapport à 2019. Cependant, vous savez comme moi que les facultés de médecine dépendent très peu du ministère de la santé, mais bien davantage d’un autre ministère. Nous aimerions vous entendre sur ce sujet, car si l’on part de zéro, une augmentation de 15 % ne représente pas grand-chose ! Aussi, cette augmentation est plus théorique qu’autre chose.
Par ailleurs, les épreuves classantes nationales (ECN) favorisent certains territoires ; elles ont ainsi entraîné des disparités territoriales dans la répartition des médecins. Du temps de la régionalisation, moins de médecins étaient formés, mais leur répartition sur le territoire était plus homogène. L’avis du ministère de la santé sur cette question mériterait d’être entendu, notamment par les autres ministères. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Khalifé, je connais votre investissement dans la cause hospitalière depuis des années, et l’expertise pointue qui est la vôtre au sein de cet hémicycle.
Sur la formation, vous avez raison de pointer la difficulté de concilier l’intention d’augmenter massivement le nombre d’étudiants formés et la propre dynamique des universités, qui fonctionnent de manière autonome. Nous devons obtenir de celles-ci qu’elles ouvrent les vannes de la formation pour accueillir des promotions bien plus importantes.
Je me réjouis de constater que nous comptons 15 % à 20 % d’étudiants en médecine de plus qu’en 2019. Ce n’est pas un miroir aux alouettes : ces étudiants, dans une dizaine d’années environ, selon la spécialité, pourront prendre en charge la santé des Français. Néanmoins, il faut aller plus vite et plus loin. Nous devons travailler avec les doyens afin de favoriser l’accélération de l’ouverture des filières de formation.
Par ailleurs, nous devrions aussi nous pencher sur le cas des étudiants français partis suivre une formation ailleurs en Europe, du fait de la rigueur des épreuves, et parce qu’ils étaient exclus, pour quelques dixièmes de points parfois, des filières françaises. Pour autant, ils reviendront en France dans quelques années, après avoir achevé leurs études en Belgique, en Roumanie, en Espagne ou ailleurs. Cela vaut d’ailleurs aussi pour les paramédicaux.
Une réunion aura lieu prochainement avec les doyens, au plus haut niveau du Gouvernement, afin de fédérer l’ensemble du corps enseignant autour de cette ambition. En effet, nous devons nous assurer d’avoir suffisamment de professeurs et de terrains de stage – quitte à ouvrir ces derniers dans d’autres établissements que les seuls hôpitaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, pour garantir le service public hospitalier, c’est-à-dire l’accès de tous à des soins de qualité, sans dépassements d’honoraires, l’État ne peut pas faire tout seul !
Je veux ici rendre hommage aux établissements de santé privés sans but lucratif, qui font tenir le service public, en particulier dans certaines disciplines comme la psychiatrie ou la réadaptation, et dans toutes les grandes métropoles. Je pense à Paris, bien sûr, avec l’hôpital Saint-Joseph, l’Institut mutualiste Montsouris et le groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, ou encore l’hôpital Foch de Suresnes. À Bordeaux, à Marseille, à Lille : comment les urgences seraient-elles assurées sans ces établissements ?
Pourtant, plus de 80 % de ces établissements sont en déficit – un taux qui atteint 90 % en région parisienne. Et quand il n’y a plus de trésorerie, plus de soutien bancaire, il n’y a pas d’actionnaire, il n’y a pas l’État, il n’y a rien ! Plusieurs établissements, dont certains fleurons de l’hospitalisation reconnus comme des exemples de bonne gestion, risquent d’aller au tapis.
S’ils souffrent, c’est parce que l’État a organisé une concurrence totalement déloyale au sein même du service public hospitalier. À missions égales, à activité égale, les établissements de santé privés sans but lucratif sont systématiquement pénalisés. J’en veux pour preuve les coefficients de pondération et de minoration qui leur sont appliqués. Les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic), qui représentent 10 % de l’activité, n’ont bénéficié que de 2 % des crédits consacrés aux établissements en difficulté.
J’en appelle, monsieur le ministre, à des mesures d’urgence et à une réforme globale visant à garantir l’égal traitement des acteurs du service public hospitalier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Carrère-Gée, vous avez raison de rappeler le rôle éminent des établissements privés à but non lucratif. Dans beaucoup de spécialités, ce sont des établissements d’excellence, qui sont des références dans le monde entier – je pense notamment à l’hôpital Gustave-Roussy. Il faut donc soutenir ces établissements, au même titre que les hôpitaux publics.
Je serai moins sévère que vous sur les différenciations de traitement que vous évoquez. Prenons l’affaire des tarifs hospitaliers, que plusieurs orateurs ont évoquée. Les établissements privés à but non lucratif bénéficieront des mêmes augmentations de tarif que les établissements publics. Il n’y a pas de différenciation.
Le coefficient de majoration mis en œuvre de manière temporaire durant la crise sanitaire sera diminué de 50 % cette année et disparaîtra en 2025. C’était un engagement du Président de la République : il sera tenu. J’y ai veillé, afin de corriger l’anomalie de la période covid, durant laquelle le Gouvernement a beaucoup plus aidé les établissements qui étaient en première ligne – à savoir les hôpitaux publics. Ces mécanismes de financement sont en train de disparaître.
Il n’y a donc pas de différence de traitement. Au contraire, nous nous efforçons d’accompagner tous les établissements qui participent à la prise en charge des Français : c’est le cas de nombre des établissements privés à but non lucratif, qui se démarquent dans beaucoup de domaines par leur excellence.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Le coefficient de minoration a effectivement été réduit de moitié cette année, monsieur le ministre, mais son maintien même demeure injustifiable.
Au reste, la réduction du coefficient de minoration est de la poudre aux yeux, car, dans le même temps, le coefficient de pondération – cette autre règle à laquelle les hôpitaux publics ne sont pas soumis – a lui été augmenté de 0,7. En clair, ce que l’on a donné aux établissements privés sans but lucratif d’une main, on leur reprend de l’autre. Ce n’est pas acceptable !
Il faut au contraire prendre des mesures d’urgence pour soutenir les établissements qui en ont besoin, ainsi que tous leurs soignants. Ces derniers se dévouent à l’extrême pour garantir le service public au plus près des territoires. Ils travaillent dans l’urgence partout, sans dépassement d’honoraires, et, eux, ils ne peuvent compter sur le back-up de l’État.
Pour éviter que ces soignants n’aillent au tapis, il faut les soutenir et cesser de les décourager, voire de les accabler ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Pour vous rassurer, madame Carrère-Gée, je rappelle que la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap), qui représente les établissements privés non lucratifs à l’échelon national, a récemment publié un communiqué pour se féliciter des arbitrages de la campagne tarifaire.
Si la Fehap est satisfaite, c’est bien que ces établissements se sentent soutenus et reconnus. C’est en tout cas ce que leurs représentants m’ont indiqué il y a quelques jours quand je les ai reçus.
Soyez donc rassurée, madame la sénatrice : il n’y a pas de différence de traitement, et s’il a pu en exister pendant la covid-19, ces règles vont disparaître, de manière que s’applique le droit commun, c’est-à-dire la pleine reconnaissance du rôle et de la place éminente de ces établissements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. La Fehap s’est en effet réjouie que les tarifs des établissements privés non lucratifs augmentent de 4,3 % comme pour l’hôpital public, ce qui est une très bonne chose.
Toutefois, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, un coefficient de minoration, certes réduit de 50 %, et un coefficient de pondération demeurent. Les règles ne sont donc, hélas ! pas les mêmes.
Certains établissements dont la trésorerie est affectée et qui connaissent une situation très difficile ne s’en remettront pas sans votre soutien et des mesures urgentes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Un État qui ne peut plus prendre soin de ses malades, c’est une nation qui faillit à sa mission.
Personne ici ne peut le nier, l’hôpital français est en crise : fermetures de lits subies, notamment dans les services de pédiatrie, postes vacants, majoritairement en pédopsychiatrie, démissions, déficits… Des symptômes qui se sont aggravés depuis la crise sanitaire et que le Ségur de la santé n’a, hélas ! pas fait disparaître.
Le rapport sénatorial de mars 2022 intitulé Hôpital : sortir des urgences, confirme d’ailleurs ce malaise : une crise qui s’éternise et des soignants qui s’épuisent.
Je défends une institution que vous connaissez par cœur, monsieur le ministre, la FHF, notamment celle de Provence-Alpes-Côte d’Azur, où les attentes sont nombreuses.
Si les enjeux inhérents à la situation budgétaire et au modèle de financement irriguent nos débats ce soir, je souhaite attirer votre attention sur la question de l’investissement, qui est tout aussi cruciale.
Dans le département des Alpes-Maritimes, dont je suis élue, plusieurs projets sont aujourd’hui bloqués, comme la reconstruction du bâtiment médico-technique de l’hôpital d’Antibes. Cette modernisation, indispensable pour s’adapter au nombre exponentiel de demandes, permettrait notamment un agrandissement des urgences. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce sujet cristallise une grande partie des tensions.
Ce n’est toutefois pas le seul exemple. Les urgences du centre hospitalier de Menton, dont la structure date de 1979, doivent aussi absolument être rénovées. Ce sont les seules urgences publiques françaises présentes sur un territoire transfrontalier ne comptant pas moins de 100 000 habitants. Ce projet essentiel, je dirais même vital, n’a pas bénéficié du Ségur, l’intégralité des crédits ayant d’ores et déjà été épuisés.
Plus qu’une question financière, être capable d’accueillir aux urgences nos concitoyens et de les soigner est une question de dignité.
Je sais quels efforts ont déjà été consentis, monsieur le ministre. Ils sont toutefois insuffisants pour permettre à nos établissements de fonctionner correctement et à nos hospitaliers de travailler décemment. Il est donc urgent de mettre en place un « Ségur II » pour soutenir l’investissement, afin de remettre nos hôpitaux à niveau, c’est-à-dire de placer leurs moyens à la hauteur des enjeux.
L’adaptation à l’évolution des besoins de santé n’est pas une option : c’est une urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. J’ai été fier et honoré de présider la vénérable institution qu’est la Fédération hospitalière de France, madame la sénatrice. Deux de mes prédécesseurs, Gérard Larcher, qui préside désormais vos débats dans cet hémicycle, et Jean Leonetti, auquel j’ai immédiatement succédé, m’ont tous deux beaucoup appris.
J’en viens au plan d’aide à l’investissement du Ségur de la santé. Avant d’envisager un « Ségur II », madame la sénatrice, il nous faut aller au bout du volet investissements du Ségur actuel.
Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Le volet investissements emporte un financement de 15,5 milliards d’euros. Sur les 36 projets qui ont été validés, 23 sont en cours d’instruction nationale. Une grande partie des fonds n’a toutefois pas encore été affectée.
Je n’ai pas en tête les données relatives aux projets d’Antibes et de Menton. Certains montants méritent peut-être d’être ajustés, car, depuis que les coûts ont été estimés, il y a quelque mois, l’inflation est passée par là.
En tout état de cause, soyez assurée que je souhaite accélérer le déploiement des projets d’investissement, tels qu’ils ont été prévus. Il nous faut pour cela faciliter l’instruction administrative des dossiers, qui est parfois pénalisante et qui emporte des allers et retours sans fin, de manière à pouvoir trancher rapidement. Comme je l’indiquais, il nous faut sans doute aussi réajuster les coûts pour tenir compte de l’inflation.
Je vais examiner l’ensemble des dossiers, de manière que nous puissions avancer très rapidement. Dès demain, j’étudierai les projets de Menton et d’Antibes, cette dernière commune étant particulièrement chère à mon cœur, pour les raisons que vous devinez.
Mme la présidente. La parole est à M. Clément Pernot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Clément Pernot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, nous pouvons le dire, l’hôpital se moque de la charité ! Il n’est plus le lieu de compassion, de bienveillance, d’attention et de soins que nous avons connu dans un trop lointain passé.
Cela, c’était la France d’avant, quand la population rurale pouvait compter sur un service public médical de proximité, construit autour d’hôpitaux vivants et respectés. Maternité, chirurgie et urgences œuvraient avec humanité. Nos anciens, un peu soigneurs dans l’âme, avaient sûrement compris que la présence des proches était médicamenteuse.
Votre France d’après, du sud au nord, d’est en ouest, accentue, elle, l’agonie de nos hôpitaux ruraux. Nous sommes les tristes témoins de la poursuite de la dégénérescence de la compétence régalienne de votre ministère.
L’hôpital de la commune dont je fus élu, Champagnole, dans le Jura, dont le territoire embrasse un bassin de vie de 50 000 habitants, voit, après la disparition de sa maternité et de son service de chirurgie, ses urgences fermées et remplacées par une unité mobile hospitalière paramédicale, naturellement dépourvue de médecin urgentiste !
La main sur le cœur, vos hommes de main, les responsables des ARS, nous promettent que c’est bien suffisant pour le bon peuple rural. De qui se moque-t-on ? La perte de chance est une réalité. Vous pouvez ne pas entendre la représentation nationale, mais gare à vous, monsieur le ministre, car le peuple des mal-soignés gronde.
De nombreuses associations se créent, les lettres de plainte prolifèrent, la judiciarisation de masse se profile. Vos directeurs d’hôpitaux ne pourront pas tout vous dissimuler encore bien longtemps.
Monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier que, dans notre pays, l’accès aux véritables soins d’urgence dépende du code postal ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur, j’ai moi-même été maire durant dix-sept ans dans le sud de la Seine-et-Marne, qui est le 97e ou le 98e département du pays en termes de densité médicale ; en tenant compte de sa population, toutefois, sans doute le Jura a-t-il de quoi en conter à la Seine-et-Marne.
En tout état de cause, je ne méconnais pas la situation des territoires et je ne m’informe pas uniquement au travers des directeurs d’hôpitaux ou de fonctionnaires cachés je ne sais où.
La mortalité infantile a beaucoup reculé en France depuis plusieurs décennies.
Mme Émilienne Poumirol. Elle augmente désormais !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Aussi, quand vous faites référence à « la France d’avant », j’ignore si vous pointez la France d’il y a quarante ans, cinquante ans ou soixante ans, monsieur le sénateur.
Les progrès de la médecine nous permettent de prendre en charge les femmes dans des conditions de sécurité qui n’étaient pas assurées pour nos mères ni a fortiori pour leurs aïeules.
Il nous faut aujourd’hui concilier le progrès médical, les normes de sécurité souhaitées par la population et l’enjeu de la proximité, qui est essentiel.
Je souhaite que les hôpitaux de proximité soient réinvestis. Il ne s’agit pas de promettre que nous les transformerons tous en CHU ou en maternités, car, pour les naissances comme pour tout acte médical, en particulier chirurgical, la sécurité doit primer.
Je préfère pour ma part me faire opérer par un chirurgien qui effectue le geste dont j’ai besoin à longueur de journée, quitte à parcourir 300 kilomètres, plutôt que par un chirurgien de proximité qui ne réaliserait ce même geste que deux fois par an.
Mme Annie Le Houerou. Les plus vulnérables n’ont pas les moyens de se déplacer pour se faire soigner !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Il faut donc parvenir à graduer les soins. Et comme vous, monsieur le sénateur, je crois que cela passe par un réinvestissement de la proximité, de manière à faire des hôpitaux de proximité des lieux de vie, de soins et de prise en charge qui soient des lieux d’humanité.
Contrairement à vous, j’estime toutefois que l’humanité n’a pas quitté l’hôpital. Si les hospitaliers sont soumis à des pressions et à des rythmes qui peuvent les éloigner de l’humanité, nous entendons tous, autour de nous, de nombreux patients hospitalisés témoigner du dévouement des personnels qui les ont pris en charge.
Si je suis donc moins sévère que vous, je vous rejoins sur la nécessité de réinvestir les hôpitaux de proximité pour les doter d’un véritable statut, de missions définies et des financements suffisants.
Mme la présidente. La parole est à M. Clément Pernot, pour la réplique.
M. Clément Pernot. Je me réjouis de vos propos sur l’hôpital de proximité, monsieur le ministre, mais après les mots, il convient de poser des actes. Nous avons connu six ministres en six ans. Il est temps d’agir pour corriger cette incurie sanitaire dans les territoires.
Le XVIIe siècle a inventé le malade imaginaire ; ne devenez pas le ministre imaginaire ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Conclusion du débat