Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

2. Communication relative à une commission mixte paritaire

3. Congrès et assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi constitutionnelle modifié

Vote sur l’ensemble

Mme Corinne Narassiguin

M. François-Noël Buffet

M. Pierre Médevielle

M. Philippe Bonnecarrère

Mme Mélanie Vogel

M. Robert Wienie Xowie

M. André Guiol

M. Olivier Bitz

Adoption, par scrutin public solennel n° 168, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc

4. Sécurisation et régulation de l’espace numérique. – Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Mme Catherine Morin-Desailly, au nom de la commission mixte paritaire

Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

article 1er

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption.

article 2

Amendement n° 2 du Gouvernement. – Adoption.

article 2 bis

Amendement n° 3 du Gouvernement. – Adoption.

article 3 bis A

Amendement n° 4 du Gouvernement. – Adoption.

article 4 AD

Amendement n° 5 du Gouvernement. – Adoption.

article 5 bis

Amendement n° 6 du Gouvernement. – Adoption.

article 15

Amendement n° 8 du Gouvernement. – Adoption.

article 15 bis

Amendement n° 7 du Gouvernement. – Adoption.

article 22

Amendement n° 9 du Gouvernement. – Adoption.

article 26

(Pour correction d’une erreur matérielle)

Amendement n° 11 du Gouvernement. – Adoption.

article 32

Amendement n° 10 du Gouvernement. – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Patrick Chaize

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Loïc Hervé

M. Thomas Dossus

M. Pascal Savoldelli

M. Bernard Fialaire

M. Ludovic Haye

Mme Florence Blatrix Contat

Adoption, par scrutin public n° 169, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.

Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État

Mme Catherine Morin-Desailly, au nom de la commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

5. Engagement bénévole et vie associative. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. Yan Chantrel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

M. Joshua Hochart

Mme Laure Darcos

M. Pierre-Antoine Levi

Mme Mathilde Ollivier

M. Gérard Lahellec

M. Ahmed Laouedj

M. Martin Lévrier

Mme Colombe Brossel

Mme Anne Ventalon

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.

6. Mise au point au sujet de votes

Suspension et reprise de la séance

7. Candidature à une commission

8. Lutte contre les dérives sectaires. – Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

Discussion générale

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois

Mme Laure Darcos

Mme Olivia Richard

M. Guy Benarroche

M. Pierre Ouzoulias

Mme Nathalie Delattre

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Christophe Chaillou

M. Roger Karoutchi

M. Jean-Baptiste Blanc

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion n° 5 de la commission. – Mme Lauriane Josende, rapporteure ; Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État. – Adoption de la motion entraînant le rejet du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

9. Situation de l’hôpital. – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention

Débat interactif

Mme Anne-Sophie Romagny ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

Mme Anne Souyris ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Anne Souyris ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué ; Mme Anne Souyris.

Mme Evelyne Corbière Naminzo ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

Mme Véronique Guillotin ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

Mme Nadège Havet ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

Mme Annie Le Houerou ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

M. Alain Milon ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Alain Milon.

M. Joshua Hochart ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Joshua Hochart.

M. Daniel Chasseing ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Daniel Chasseing ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué.

Mme Élisabeth Doineau ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée de la santé et de la prévention.

Mme Émilienne Poumirol ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Émilienne Poumirol ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué ; Mme Émilienne Poumirol.

M. Jean Sol ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Jean Sol.

Mme Audrey Bélim ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

M. Khalifé ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Alexandra Borchio Fontimp ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention.

M. Clément Pernot ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; M. Clément Pernot.

Conclusion du débat

Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains

10. Ordre du jour

Nomination d’un membre d’une commission

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Congrès et assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi constitutionnelle modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public solennel, sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (projet n° 291, rapport n° 441).

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, les huissiers sont à votre disposition.

Vote sur l’ensemble

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de passer au scrutin public solennel, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’écrivait Jean-Marie Tjibaou en 1988 : « L’État ne peut pas s’abriter derrière une position d’arbitre. Il n’est pas juge, il est acteur. » Mais il doit être un acteur humble et impartial, ce qui, hélas ! n’est plus le cas.

Nous l’avons dit au cours des débats sur ce texte, le dégel du corps électoral est une nécessité constitutionnelle. Trop de personnes nées en Nouvelle-Calédonie et qui y vivent depuis de nombreuses années ne peuvent pas voter. Ce n’est plus acceptable.

Le texte proposé est toutefois plus que baroque. Alors que le Gouvernement tentait de contourner le Parlement, l’adoption des amendements du rapporteur Philippe Bas a heureusement permis de le remettre au cœur du processus. Leur adoption a également permis de laisser la priorité à un accord global, en ne faisant de ce texte qu’un filet de sécurité pour assurer le fonctionnement démocratique.

Dans une démarche responsable, notre groupe a choisi d’appuyer la démarche du rapporteur par ses votes lors de l’examen du texte en séance publique, car nous n’avons pas réussi à vous convaincre, madame la ministre, de retirer ce projet de loi constitutionnelle, ce que de nombreux spécialistes du sujet préconisent pourtant.

Vous avez réussi l’exploit de ne satisfaire personne. Les indépendantistes dénoncent un passage en force et réclament une mission de médiation conduite par une personnalité garantissant l’impartialité de l’État, quand Mme Backès sombre dans une attitude de plus en plus rebelle, considérant que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie n’est pas légitime et menaçant d’appel à l’émeute ceux qui ne voteraient pas comme elle l’entend. Est-ce également la position de votre majorité et du Gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre ?

Le Gouvernement semble penser que les partenaires politiques calédoniens ont besoin d’être bousculés pour avancer, comme s’ils ne savaient pas à quelles contraintes institutionnelles ils font face, comme s’ils ne comprenaient pas les enjeux du texte pour leurs conditions de vie et pour l’avenir de leurs enfants sur leur propre territoire.

Oui, les discussions ont été saccadées, mais n’oublions pas que leur suspension pendant un an et demi a résulté d’un troisième référendum mené à marche forcée. Elles avaient repris en septembre 2023 de façon officieuse, quand le dépôt de ce projet de loi constitutionnelle, imposé sans discussion, a ravivé les tensions politiques, et ce dans un contexte économique et social qui se dégrade chaque jour.

L’avenir des trois usines métallurgiques traitant le nickel, qui fournissent un quart de l’emploi local, n’est en effet pas assuré. Or comme René Dosière et Jean-Jacques Urvoas le rappelaient dans une récente tribune parue dans Libération, « répondre aux difficultés du nickel est une impérieuse nécessité, car, jusqu’à présent, chaque étape politique a été précédée d’un préalable minier ».

Dans toute démocratie, le corps électoral est non pas un objet administratif de mécanique électorale, mais un objet éminemment politique.

En Nouvelle-Calédonie, le corps électoral restreint pour les élections provinciales est l’essence même de la construction d’un destin commun des Néo-Calédoniens fondé sur la définition d’une citoyenneté néo-calédonienne au sein de la citoyenneté française. C’est aussi une condition sine qua non d’un processus de décolonisation réussi.

On ne peut donc pas imposer unilatéralement le dégel du corps électoral et ses nouveaux contours en amont de tout accord global sans abîmer durablement un processus qui assure le maintien de la paix civile depuis tant d’années.

Le Gouvernement pensait accélérer le cours des événements avec ce projet de loi constitutionnelle. Il n’a réussi qu’à donner plus de force à ceux qui, des deux bords, veulent le moins avancer ensemble. Il radicalise toutes les oppositions historiques les plus dures, une partie des non-indépendantistes et les indépendantistes.

En imposant aux partenaires calédoniens la date des prochaines élections, ainsi qu’un corps électoral glissant dont la composition ne fait pas consensus, vous faites un nouveau faux pas, guère propice à une gestion apaisée de la sortie de l’accord de Nouméa, madame la ministre.

Le temps calédonien n’est pas le nôtre. J’ai bien conscience qu’il s’agit sans doute d’un concept contraire au tempérament du ministre de l’intérieur, mais en Nouvelle-Calédonie, pour être plus efficace, il faut parfois donner du temps au temps.

Le rôle du Parlement n’est pas de décider pour les Néo-Calédoniens si un accord global est possible ou non, ni quand il le sera. Depuis quarante ans, les Néo-Calédoniens ont su démontrer qu’ils savent souvent, contre toute attente et dans les contextes les plus difficiles, trouver le chemin d’un accord qui serve au mieux la Nouvelle-Calédonie.

Nous voulons faire le choix de la confiance. Nous continuons donc d’affirmer notre opposition totale à la méthode du Gouvernement, qui, comme l’ont notamment montré les propos tenus par le ministre de l’intérieur lors des débats en séance, refuse de retrouver l’esprit d’impartialité qui devrait guider ses choix.

En choisissant de passer ainsi en force, l’État montre, hélas ! qu’il a choisi son camp. Pour autant, le point de non-retour n’a pas encore été franchi. Il est encore temps d’emprunter un autre chemin, afin d’éviter l’étincelle qui provoquera un embrasement de tout l’archipel.

Je remarque qu’en ce jour de vote solennel sur un projet de loi constitutionnelle qui exacerbe toutes les tensions en Nouvelle-Calédonie, le garde des sceaux et, surtout, le ministre de l’intérieur, qui s’enorgueillit pourtant d’avoir pris ce dossier à bras-le-corps, vous laissent bien seule au banc, madame la ministre. Après bientôt quatre ans d’absence en première ligne, il serait bienvenu que Matignon s’intéresse de nouveau à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Accompagner l’aboutissement d’un accord global exige une vue d’ensemble transversale de ses enjeux. Il est indispensable de laisser le temps et la possibilité aux différentes communautés constituant la Nouvelle-Calédonie de créer un « nous », un destin commun avec le peuple kanak : un peuple calédonien.

Plus que jamais, un accord politique local doit être trouvé avant toute intervention du législateur, comme cela a toujours été le cas depuis l’accord de Matignon.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Robert Wienie Xowie et Éric Bocquet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis cet après-midi au chevet de la Nouvelle-Calédonie, pour débattre d’un sujet important.

L’histoire contemporaine récente de ce territoire de passions a été marquée par un drame, qui a donné naissance à plusieurs accords, notamment ceux de Nouméa, aux termes desquels, grâce au couple inséparable qu’ont formé Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, indépendantistes et loyalistes – que je nomme ainsi par simplicité de langage – ont fini par trouver un accord.

Cet accord prévoyait toutefois un terme et des conditions, dont la dernière consultation intervenue en Nouvelle-Calédonie, lors de laquelle les Néo-Calédoniens se sont prononcés en faveur de leur maintien au sein de la République française.

L’accord de Nouméa prévoyait également que l’ensemble des parties devaient ensuite, à l’issue de cette consultation, se remettre autour de la table pour trouver un nouvel accord. Les discussions ont été engagées, et elles ont plus ou moins bien commencé, mais elles ne seront pas achevées d’ici aux élections provinciales et au congrès, dont l’échéance est fixée à mai 2024, et dont je rappelle qu’elles emporteront la constitution du gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Le Gouvernement a pris l’initiative de reporter ces élections afin de garantir leur tenue dans des conditions juridiques sérieuses, le Conseil d’État ayant considéré que le corps électoral de ces élections devait être revu. Si seulement 7 % des Néo-Calédoniens étaient exclus du scrutin de 1998, 20 % d’entre eux ne pourraient pas voter aujourd’hui. Le Conseil d’État a donc demandé que le corps électoral soit dégelé, dans un délai qu’il a fixé.

Le Gouvernement a proposé au Parlement de reporter ces élections au 15 décembre prochain. Le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ayant été adopté par le Sénat et par l’Assemblée nationale, cette date butoir est désormais actée.

Le texte constitutionnel que nous examinons porte, quant à lui, sur le dégel du corps électoral. Il en prévoit non seulement le principe, mais aussi les conditions d’application, singulièrement la date du 2 juillet prochain, au-delà de laquelle, même si les parties ne sont pas parvenues à un accord, les élections seront organisées.

Tel est le contexte dans lequel nous examinons ce texte, mes chers collègues. Comme toujours avec la Nouvelle-Calédonie – je le dis très librement –, il nous faut être à la fois fermes et souples : avoir des objectifs clairs et être ouverts à la discussion.

Dans le cadre de nos travaux, Philippe Bas et moi-même, accompagnés de deux de nos collègues, nous sommes rendus à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, il y a quelques semaines. Nous avons constaté qu’il était de toute évidence utile de desserrer l’étau de la discussion, et partant, de supprimer la date butoir, pour ne pas dire la date de censure du 2 juillet prochain, afin de maintenir la date précédemment fixée au 15 décembre prochain, tout en permettant qu’un accord puisse intervenir à tout moment, et ce jusqu’à dix jours avant l’élection du 15 décembre.

Certains – ils sont peut-être majoritaires – considèrent que les conditions ne seront jamais réunies pour parvenir à un accord entre toutes les parties et qu’elles le seront d’autant moins à la veille d’élections tant les enjeux sont forts. D’autres estiment au contraire qu’il reste toujours un espoir et que si un accord peut être trouvé, il ne faut pas l’empêcher. Telle est la position de la commission des lois, madame la ministre.

Il convenait également de trancher sur la portée du dégel du corps électoral : ne devait-il s’appliquer qu’à cette élection, ou, dans le cadre d’un accord global ultérieur, à toutes les élections futures ? La commission a décidé, sur proposition de son rapporteur, que ce dégel serait pérenne, qu’il serait glissant et qu’il s’appliquerait désormais aux élections provinciales.

Toutefois, il reste possible de revenir sur ce dégel dans le cadre d’un accord global de toutes les parties de la Nouvelle-Calédonie. Elles sont libres d’en rediscuter entre elles. Cette liberté, nous y tenons, pour ce choix comme pour tous les autres qui pourront être faits.

Je rappelle que le texte qui nous est soumis ne porte du reste que sur un point précis, en aucun cas sur d’autres sujets liés à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. À juste raison, le Gouvernement a laissé – et le Parlement le soutient – à l’ensemble des acteurs la liberté de pouvoir en discuter.

Le dernier point qui restait en discussion porte sur la demande du Gouvernement à être habilité à organiser l’ensemble du processus électoral sans passer par le Parlement, y compris, si accord il devait y avoir, à faire simplement constater l’existence de celui-ci par le Conseil constitutionnel.

Nous avons été unanimes à dire non. Non, madame la ministre – mon adresse n’a rien de personnel –, le Gouvernement ne peut pas priver le Parlement, singulièrement le Sénat, d’avoir à connaître des conditions dans lesquelles pourront se dérouler les élections en Nouvelle-Calédonie ni de débattre de toute autre disposition relevant du domaine législatif, celui-ci étant au cœur du travail du Parlement. Nous avons donc dit non, et je me félicite que l’ensemble du Sénat ait unanimement suivi le rapporteur sur ce point. Tant mieux !

Après l’examen du texte, voici venu le moment de voter, mes chers collègues.

La Nouvelle-Calédonie connaît de grandes difficultés, de nature institutionnelle, liées à l’organisation de ces élections, mais aussi économique. La crise économique que subit la Nouvelle-Calédonie entraîne d’ores et déjà une crise sociale majeure. L’ensemble de nos concitoyens établis sur la terre de Nouvelle-Calédonie traversent une période extrêmement difficile.

Dans ce contexte, il nous revient, mes chers collègues, de faire passer à cette tribune le message suivant à tous ceux, qu’ils soient indépendantistes ou loyalistes, qui vivent la Nouvelle-Calédonie : « Votre destin et votre avenir sont entre vos mains. C’est vous qui ferez la Nouvelle-Calédonie de demain. Des choix ont été faits lors du dernier référendum. Écrivez la suite des pages que vos grands anciens ont écrites. Prenez ce destin en main, il vous appartient, et le moment venu, quand vous aurez porté ces nouvelles pages sur les bureaux du Parlement, nous ferons ce qu’il faut. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, passage en force, ultimatum, manque d’impartialité : tels sont les mots que certains emploient pour décrire ce projet de loi, qui vise à dégeler le corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Pour ma part, je parlerai plutôt de courage politique, d’impartialité et de sens des responsabilités.

Alors que les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un point essentiel, que les élections doivent se tenir et que ces dernières sont exposées à un fort risque d’inconstitutionnalité, il incombe à l’État de faire en sorte que ces élections aient lieu de façon constitutionnelle.

L’État ne décidera rien à la place des Néo-Calédoniens. Il crée au contraire les conditions pour que ces derniers décident.

Sur le Caillou, le corps électoral pour les élections provinciales est totalement gelé depuis 2007, après avoir été restreint en 1998. Conformément à l’accord de Nouméa, cette exception calédonienne devait être transitoire, mais l’accord étant caduc depuis le troisième référendum de 2021, une telle disposition n’a plus de raison d’être.

Il est donc nécessaire de dégeler le corps électoral. À défaut, les prochaines élections, qui doivent se tenir cette année, pourraient être considérées comme inconstitutionnelles.

Ce texte propose de revenir à une situation plus démocratique en étendant le droit de vote aux personnes nées en Nouvelle-Calédonie ou qui y sont domiciliées depuis au moins dix ans. Il s’agit d’un compromis, à mi-chemin entre la situation actuelle et un dégel total. Avant le gel total de 2007, l’accord de Nouméa prévoyait du reste la même durée de domiciliation.

Ce projet de loi permettra donc que les prochaines élections aient lieu et soient valides. La Nouvelle-Calédonie pourra ainsi se doter de représentants dans ses propres institutions. Surtout, 25 000 nouveaux électeurs pourront s’exprimer par les urnes.

Parmi ces nouveaux électeurs, nombreux sont ceux qui sont nés sur ce territoire et y vivent depuis plus de vingt-cinq ans. Il s’agit donc de leur redonner leurs droits et leur statut de citoyens néo-calédoniens. Par l’intermédiaire de leurs représentants, ils pourront ainsi décider de leur destin commun.

Plus largement, il s’agit aussi de redonner tout leur sens aux règles démocratiques au sein de notre République. La Nouvelle-Calédonie est l’autre bout, non pas du monde, mais de la France.

Comme en témoignent la qualité de notre travail et l’intensité de nos débats dans cet hémicycle mardi dernier, le Sénat est pleinement impliqué sur le sujet de la Nouvelle-Calédonie.

Notre groupe relève que la version du texte élaborée au Sénat laisse toute sa place au dialogue et à un possible accord local. Il a par ailleurs soutenu à l’unanimité le sous-amendement du président de la commission des lois, qui a permis de redonner un sens et de la cohérence au texte en pérennisant le dégel du corps électoral.

En revanche, nous n’étions pas favorables à un dégel transitoire du corps électoral, assorti d’une prolongation possible lors de nouvelles élections. La situation est assez ambiguë comme cela. Ce qu’il nous faut, ce qu’il faut aux Néo-Calédoniens, c’est de la clarté.

La Nouvelle-Calédonie a en effet besoin d’un horizon et de stabilité. Elle doit pouvoir se projeter dans l’avenir, au-delà des cinq ou dix prochaines années.

Le contexte économique et social, vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission, ne nous permet pas ou ne nous permet plus de perdre du temps. La situation s’est en effet fortement dégradée en quelques mois.

La crise du nickel et ses conséquences sur les usines locales sont d’ores et déjà dramatiques, alors que ce secteur concentre la moitié des emplois dans le territoire.

Par trois fois, en 2018, en 2020, en 2021, les Néo-Calédoniens ont réaffirmé vouloir pour leur territoire un destin aux côtés de la France. La France se doit donc d’être aux côtés des Néo-Calédoniens.

À titre personnel, je regrette que nous ne soyons pas allés au bout du rétablissement d’un processus démocratique en procédant à un rééquilibrage de la représentativité.

Je rappelle que, en 1985, lors de la mise en place des provinces et du statut Fabius-Pisani, le Conseil constitutionnel avait censuré un écart de représentativité de 2,1 – il fallait alors 2,1 fois plus d’habitants dans la province Sud que dans la province des îles Loyauté pour avoir un élu. Aujourd’hui, avec le fort tropisme pour la province Sud, ce coefficient est monté à 2,4.

Je regrette également, monsieur le rapporteur, que malgré votre périple de 37 000 kilomètres, vous n’ayez pas présenté vos amendements sur place, ce qui vous aurait permis de juger par vous-même de l’accueil qui leur a été réservé.

Je regrette enfin que vous soyez passé à côté de l’essentiel, à savoir l’urgence de la situation. Il ne vous aura pas échappé que, au lendemain de nos débats sur ce texte, des milliers de Néo-Calédoniens sont descendus dans la rue pour dire stop aux tergiversations et aux coups de billard à trois bandes sur un texte gouvernemental pourtant limpide et indispensable ; pour dire stop aux spéculations sur le grand accord tant attendu, alors que l’on sait très bien que, s’il doit intervenir, ce sera après la tenue des élections ; pour dire stop enfin au matraquage fiscal effectué par le Gouvernement dans le seul but de dissuader les contribuables de rester sur le Caillou.

Nous n’avons que trop attendu depuis les trois référendums. Aujourd’hui, les citoyens, les entrepreneurs et les investisseurs de Nouvelle-Calédonie ont besoin de visibilité, de stabilité institutionnelle et de sérénité. Il est de notre devoir de les entendre et de les rassurer. Ils sont en droit d’attendre une attitude impartiale de l’État et de nos deux chambres.

La Nouvelle-Calédonie possède un formidable potentiel marin, humain, agronomique et touristique. Ne le gâchons pas, mes chers collègues. Sachons redonner un nouvel élan à ce territoire.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte. Vive la Nouvelle-Calédonie ! Vive la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos concitoyens de la Nouvelle-Calédonie regardent-ils en direction du palais du Luxembourg cet après-midi ? Je n’en suis pas certain ! Leurs sujets de préoccupation sont bien plus immédiats : ils s’interrogent sur la possibilité de faire face à leurs besoins, tant est grande la crise économique qu’ils traversent. Le secteur du nickel ainsi que celui du bâtiment et des travaux publics (BTP) sont en grande difficulté. Quant au secteur du tourisme, il peut être qualifié de faible, seuls 120 000 à 130 000 touristes se rendant chaque année en Nouvelle-Calédonie.

Il convient donc d’aborder le sujet de la Nouvelle-Calédonie avec modestie, mais aussi de manière transversale. Après l’examen du texte par la commission des lois, il revient aujourd’hui à l’ensemble de notre assemblée de s’en saisir et de le voter.

Si nos débats sont présidés par l’un des meilleurs connaisseurs de la situation néo-calédonienne, le sujet concerne aussi l’ensemble du Sénat.

Il concerne ainsi la commission des finances, alors que le système social et de retraite néo-calédonien est en difficulté et que le régime de chômage partiel instauré le 28 mars dernier n’est pas financé pour plus de trois mois.

L’usine du Nord est par ailleurs endettée à hauteur de 13 milliards d’euros. Je suppose qu’une partie de cette dette est garantie par l’État, mais je ne suis pas certain qu’elle soit provisionnée dans les comptes nationaux.

Ce sujet concerne également la commission des affaires économiques, puisque le pacte Nickel n’est toujours pas signé. Selon l’inspection générale des finances, le coût de l’énergie, qui constitue une difficulté majeure en Nouvelle-Calédonie, représente de 50 % du prix de revient du nickel.

Sur le volet économique, j’évoquerai également le rôle de l’État investisseur. L’État est actionnaire à hauteur de 27 % d’Eramet, qui effectue des investissements considérables dans la première mine de nickel au monde, située en Indonésie. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé la création, en 2030, d’un fonds d’investissement dans les métaux rares et dans les minerais critiques.

Ce sujet concerne aussi la commission des affaires étrangères. Dans les mines d’Indonésie que je viens d’évoquer, les capitaux chinois sont majoritaires. Quelles sont les perspectives à cet égard, madame la ministre ?

Il concerne enfin la commission des affaires européennes. Les pays et territoires d’outre-mer ne sont pas dans l’Union européenne. La Nouvelle-Calédonie ne faisant pas exception, elle ne bénéficie pas des subventions particulièrement intéressantes que perçoivent les régions ultrapériphériques.

Quel est le contenu du contrat d’association, madame la ministre ? Quelle est la part de souveraineté européenne ? Je rappelle que le nickel de Nouvelle-Calédonie est un enjeu pour la filière automobile électrique.

Si le sujet dont nous débattons est donc constitutionnel, mes chers collègues, il ne peut pas se régler par la seule intervention du constituant. À l’heure actuelle, nous n’avons pas l’accord global que nous attendons et souhaitons. Dans cette attente, il nous faut donc permettre le bon fonctionnement de la démocratie, c’est-à-dire la tenue des élections provinciales.

Il s’agit d’une étape nouvelle et, partant, douloureuse. Si l’accord de Nouméa reste valable dans ses principes, le scénario qui avait été écrit est arrivé à son terme. Une nouvelle histoire doit donc être écrite, qui doit trouver son origine dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie à bien des égards exceptionnelle, lourde et nullement comparable à celle de notre territoire.

Mon groupe est favorable à l’adoption du texte qui nous est soumis. Il s’agit de la moins mauvaise solution. Nous aurions été beaucoup plus réservés s’il avait été question du nombre de représentants au congrès ou du découpage territorial, qui relèvent de ce que j’appelais les principes de l’accord de Nouméa.

En conclusion, en prolongeant le délai de négociation jusqu’à la fin du mois de novembre, nos travaux ont contribué à envoyer un premier signal.

En proposant que les critères d’admission au corps électoral puissent être pérennisés, dans le cas où un accord interviendrait avant le 15 décembre prochain, dans une proposition de loi organique ordinaire, plutôt que par décret, nous envoyons un second signal.

Si le choix entre les deux options que constituent le décret et la loi organique peut donner matière à débat, chacune emportant des avantages, j’avoue avoir un faible pour la seconde, même s’il convient de ne pas écarter la première, madame la ministre.

Elle met en effet le Parlement en situation de constater l’existence ou non d’un accord, ce qui le place en surplomb des partis appelés à la négociation. De plus, c’est un élément positif qui montre aux Néo-Calédoniens que le Parlement est impliqué dans leur effort pour parvenir à un accord. Enfin, c’est pour nous une marque de responsabilité.

En effet, j’ai lu des propos inutilement discourtois selon lesquels les parlementaires seraient « tremblants ». Or, nous ne le sommes pas : nous sommes responsables, car il nous revient de préserver les conditions d’une situation apaisée, afin de permettre l’expression d’un destin commun.

Le Sénat, qui comprend un sénateur loyaliste et un sénateur indépendantiste, a la culture du débat, ce qui ne peut être qu’un élément utile en l’occurrence. Je me permets d’appeler à une initiative politique, mais pas forcément à une médiation. Cette notion, en effet, me déplaît parce qu’elle a un côté binaire, de sorte qu’elle aboutirait à opposer les uns aux autres, alors que la situation en Nouvelle-Calédonie est nettement plus compliquée. J’en appelle donc tout simplement à un accompagnement politique des partis, qui, me semble-t-il, pourrait, en particulier, relever de l’action du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion, la semaine dernière, d’expliquer les raisons qui poussent notre groupe à ne pas soutenir le texte du Gouvernement : l’intuition selon laquelle nous nous apprêtons à briser les conditions qui avaient rendu possible et maintenu la paix civile, l’impression que nous cédons au vieux et si dangereux réflexe permis par la détention d’un pouvoir que nous ne parvenons pas à nous empêcher d’exercer, la conviction, enfin, que, après une série d’erreurs sur le dossier calédonien, nous allons commettre celle de trop.

Notre position pourrait se résumer ainsi : à la différence de l’émeute révolutionnaire décrite par Victor Hugo, un État démocratique ne peut pas avoir raison sur le fond en ayant à ce point tort sur la forme. Passer en force sur un point si fondamental d’un si fragile processus de décolonisation – le seul que la France n’avait pas encore raté –, c’est se condamner mécaniquement à avoir tort, tout court.

La décolonisation a été consacrée par l’accord de Nouméa comme « le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps ».

Or, ce vivre-ensemble, ce lien social durable, ce pays commun, nous risquons de le menacer nous-mêmes aujourd’hui, en imposant unilatéralement une réforme du corps électoral à des gens à qui nous avons fait la promesse de ne pas le faire et envers qui nous avons pris l’engagement solennel, comme État, d’être impartial.

Oui, il est vrai que les restrictions actuelles ont été pensées comme transitoires, et elles doivent bien évidemment être réformées. Personne, et aucune partie sur place, ne le conteste. Peut-être même qu’un accord sur place aboutirait à une solution très proche de celle qui est proposée par le Gouvernement.

Mais, parce que la Nouvelle-Calédonie a été une colonie de peuplement, et que nous le savons et le reconnaissons, nous, les représentants de la Nation, la question de son corps électoral, et donc de sa citoyenneté, ne pourra jamais être traitée comme ailleurs ni être séparée des autres grandes ou très grandes questions qui se posent sur l’avenir institutionnel de l’archipel.

D’ailleurs, l’accord de Nouméa prévoit explicitement que l’organisation politique actuelle devra rester en vigueur tant qu’il n’y aura pas de nouvel accord global. Or, il n’y en a pas. Pis, il n’y a aucune perspective d’accord sur un nouveau corps électoral en dehors d’un accord global sur le statut de la Nouvelle-Calédonie. Pis encore, le calendrier imposé de fait par le Gouvernement rend l’accord impossible dans les temps.

Dans cet hémicycle, nous sommes tous des élus ; nous avons tous fait des campagnes électorales. Nous savons très bien comment cela fonctionne. Personne ne peut imaginer qu’il soit possible de faire campagne les uns contre les autres pendant la journée, puis de s’entendre, le soir venu, sur un avenir commun, dans une négociation on ne peut plus délicate.

Il faut donc trouver un accord sur place pour que la composition du corps électoral satisfasse aux principes du suffrage universel tout en garantissant les moyens de l’autodétermination à un territoire qui reste à décoloniser. Cet accord doit venir des Calédoniens. Il n’y a pas d’autre bonne idée qui soit.

Nous avons été nombreux, sur toutes les travées, à chercher les voies d’une atténuation des dangers que comportait ce texte. Bien des propositions visant à faciliter les négociations ont été faites, mais pour la plupart d’entre elles, elles ont été rejetées.

Rejetée, la proposition d’appliquer la réforme uniquement aux prochaines élections pour faciliter la recherche d’un accord global ; rejetée, la proposition de consulter le congrès de la Nouvelle-Calédonie sur cette réforme ; rejetée, la proposition de garantir l’impartialité de l’État dans les négociations ; rejetée, encore, la demande de reporter l’entrée en vigueur du présent texte d’une année.

Même l’unique petit élément positif, à savoir la fixation des modalités d’organisation du scrutin par le Parlement – il en a le droit –, et non plus par le Gouvernement, le ministre a peiné à le concéder. Quelle image donnons-nous !

Madame la ministre, je vous le dis avec la plus grande sincérité, je souhaite de toutes mes forces me tromper, je souhaite profondément avoir tort.

Alors que nous en sommes là, alors que nombreux sont ceux qui sont venus nous alerter en nous disant de ne pas persister dans l’adoption unilatérale d’une réforme qui vient toucher au cœur et à la substance même de ce sur quoi repose la possibilité de s’entendre pacifiquement en Nouvelle-Calédonie sur un destin commun, j’aimerais tellement que vous ayez raison, madame la ministre ! Et que votre belle histoire soit vraie, selon laquelle en agissant de façon partiale nous résoudrions le problème.

Mais, jeudi dernier, des manifestations réunissant des milliers de personnes ont eu lieu à Nouméa. Alors que les indépendantistes dénonçaient le dégel du corps électoral, Sonia Backès déclarait : « Le bordel, c’est nous qui le mettrons si on essaie de nous marcher dessus ! » Vous conviendrez que l’atmosphère n’est pas à l’apaisement.

Vendredi, le journal Le Monde titrait : « La Nouvelle-Calédonie s’enfonce dans la crise politique », le chapeau de l’article précisant : « Loyalistes et indépendantistes ont manifesté chacun de leur côté jeudi 28 mars à Nouméa, où la réforme constitutionnelle modifiant le sujet ultrasensible du corps électoral échauffe les esprits. »

Oui, madame la ministre, je souhaite réellement avoir tort. Je souhaite que la rupture unilatérale du contrat sur lequel l’État s’était engagé, les erreurs répétées de ces dernières années, le vote unilatéral d’un nouveau corps électoral qui ne reflète en rien un consensus local, en dehors de tout accord politique global, dans un calendrier ayant vocation à faire pression sur les Calédoniens, je souhaite que tout cela, malgré tout, ne conduise pas à un nouvel embrasement de la Nouvelle-Calédonie et que les violences ne reviennent pas.

Je le souhaite, mais, pour le dire franchement, je ne parviens pas à m’en convaincre. La conviction que j’ai aujourd’hui, renforcée par les événements de la semaine dernière, c’est que la seule solution est un accord global négocié par toutes les parties prenantes avant que le Parlement ne se prononce et non après. La conviction que j’ai, c’est que si nous jouons avec le feu, ce n’est pas nous que nous brûlerons, mais les Calédoniens.

Comme écologistes, nous voulons redire ici que nous ne sommes pas obligés de faire ce choix. Nous pouvons laisser sa chance à un accord. Il existe un monde où la France pourrait ne pas rater un processus de décolonisation.

C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer et à remercier ceux qui ont participé aux grandes mobilisations contre ce projet de loi qui se sont tenues, ce 2 avril, à Nouméa, dans les villages et les tribus du pays, ainsi que ceux qui seront présents cet après-midi pour manifester devant le Sénat.

Lors de son dernier passage en Kanaky, Emmanuel Macron déclarait dans son discours, place des Cocotiers à Nouméa, en parlant du chemin du pardon : « C’est un chemin que nous devons parcourir ensemble, faire ensemble. Ce n’est pas un chemin de repentance : c’est un chemin de fraternité, de vérité et de courage. […] Je dis humblement devant vous aujourd’hui que moi, j’y suis prêt et que je pense que ce chemin est important. Il faut l’imaginer, il faut le faire ensemble, avec beaucoup d’humilité. » Après ce beau discours, je ne peux que vous faire part de toute ma déception et de mon inquiétude.

Le 28 mars dernier, s’est tenue devant le congrès de la Nouvelle-Calédonie une manifestation des loyalistes : « Je le dis à Paris aujourd’hui, aux parlementaires qui tremblent : le bordel, c’est nous qui le mettrons » : tels sont les propos qu’a tenus la présidente de la province Sud, qui conteste la légitimité du gouvernement indépendantiste.

Veuillez m’excuser, mais qu’avons-nous volé aux loyalistes ? Qu’est-ce qui leur appartient ? Pourquoi serions-nous moins légitimes qu’eux ? Et c’est ainsi qu’ils veulent construire un pays multiculturel ? Nous avons été élus démocratiquement, élus selon les mêmes règles démocratiques que celles qui leur ont permis de gouverner pendant des décennies. Nous ne pouvons cautionner de tels propos venant de dirigeants politiques, encore moins d’une ex-ministre d’État à la citoyenneté.

Vous avez là un aperçu de l’atmosphère dans laquelle nous avançons aujourd’hui, certaines personnes se sentant plus légitimes que d’autres à exercer des fonctions dans les institutions calédoniennes et à les diriger.

Au regard de la démarche odieuse, récurrente et fourbe du Gouvernement, M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer est-il toujours légitime à porter le dossier calédonien ?

Aujourd’hui, le pays est au bord d’une crise politico-économique et sociale sans précédent. La crise du nickel pourrait avoir de profondes conséquences sociales, dans un contexte politique tendu autour de l’avenir institutionnel du pays. Le 28 mars dernier, deux marches parallèles ont été organisées, l’une par les indépendantistes, l’autre par les loyalistes, au sujet du corps électoral.

Chers collègues, puisque nous souhaitons emprunter ce chemin de pardon, permettez-moi de citer le président Jean-Marie Tjibaou : « Nous voulons que soit brûlée la haine, et que soit clair le chemin de notre avenir, et fraternel le cercle que nous ouvrons à tous les autres peuples, tel est le cri que je lance. » Sinon, ce chemin sera juste un semblant de main tendue à des dos tournés.

J’ai noté avec un grand intérêt lors de vos différentes interventions au Sénat, au cours de l’examen du présent projet de loi, la volonté d’emprunter ce chemin d’apaisement pour encourager la voie du dialogue. La modification du texte initial par les amendements que vous avez votés disqualifie toutefois les porteurs du projet de loi et démontre le manque de confiance du Sénat dans la manière que le Gouvernement a d’aborder le dossier calédonien.

Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) a une nouvelle fois été scandalisé par le comportement méprisant et manipulateur du ministre de l’intérieur lors de la discussion générale le 26 mars, par la lecture qu’il a faite du fameux document signé par certains élus du FLNKS et qui appellerait à dégeler le corps électoral. En effet, il a délibérément omis de lire le passage le plus important du document, dans lequel il est indiqué que « le FLNKS se positionnera sur ce sujet à l’issue des résultats de ces travaux », c’est-à-dire après la simulation des impacts de l’ouverture du corps électoral. En omettant cette phrase, le ministre a dénaturé le contenu même des échanges avec le FLNKS.

Nous en étions certains, mais nous en sommes d’autant plus convaincus aujourd’hui que le parti pris de M. Darmanin nous le prouve, sans aucun doute : M. le ministre prend position sans souci de justice ni de vérité et représente ainsi un État partial sur le sujet. Il s’agit là d’un fait et non plus d’une opinion.

Le 23 mars dernier, le FLNKS s’est prononcé lors de son congrès et a réaffirmé son opposition ferme au dégel du corps électoral en dehors d’un accord global. L’État a décidé unilatéralement d’ouvrir le corps électoral aux natifs et aux résidents pouvant justifier de dix ans de présence sur le sol calédonien. Malgré cela, lors des discussions bilatérales, le FLNKS a fait savoir qu’il était prêt à accepter une ouverture du corps électoral aux natifs dans le cadre d’un accord global, ce qui permettait d’inscrire le droit du sol au sein de notre loi organique. Cette ouverture aboutirait à l’inscription de 12 400 nouveaux électeurs, ainsi que de 2 000 jeunes majeurs, enfants de non-citoyens, nés en Nouvelle-Calédonie entre 1998 et 2005.

Or la présente proposition d’ouverture du corps électoral provoquera l’inscription d’environ 25 900 nouveaux électeurs, ce qui correspond à une augmentation de 14,46 % du corps électoral spécial. Si l’on appliquait un tel pourcentage d’augmentation au corps électoral français, cela reviendrait à inscrire en une seule fois un peu plus de 7 millions de nouveaux électeurs. Quel responsable politique français serait d’accord pour procéder à un tel ajout avant des élections nationales ?

Cette ouverture ne ferait que diluer la citoyenneté calédonienne dans la citoyenneté française, consacrant la volonté affirmée du Gouvernement de faire disparaître toute perspective d’indépendance du peuple kanak.

La difficile et périlleuse conjugaison de la démocratie et de la décolonisation nécessite une politique pragmatique, adaptée à la réalité du Caillou, celle qui est issue de l’histoire de la colonisation des Kanaks, lesquels cheminent vers la volonté de construire ensemble une société calédonienne démocratique.

Le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, Louis Mapou, a appelé à éviter les mots que l’on entend et à construire dans la sérénité. Les crises que traverse la Nouvelle-Calédonie nourrissent la colère des Calédoniens. Or, nous ne pouvons pas laisser les intérêts politiques des uns et des autres faire croître cette colère au travers de ce genre d’agissements. Nos responsabilités nous obligent.

De plus, au lieu d’apaiser les tensions, la course à la campagne électorale raidit les positions des uns et des autres et empêche l’instauration d’un dialogue. Le terreau sur lequel on moissonne est vaseux, les équilibres sont fragilisés et les signaux sociétaux s’allument en orange. Mes chers collègues, ne faisons pas de ce texte le déclencheur d’une crise que personne ne pourra maîtriser.

C’est dans ce contexte que le FLNKS appelle, dans sa motion de politique générale, à maintenir la voie du dialogue comme unique moyen de trouver une solution sur le corps électoral dans le cadre d’un accord global. Le FLNKS sollicite une mission de médiation afin de garantir l’impartialité de l’État.

En outre, nous demandons solennellement au Gouvernement français de retirer ce projet de loi et de respecter les engagements pris en faveur d’une évolution politique consensuelle, garantissant l’intégrité de notre processus de décolonisation et le respect des accords de paix précédemment conclus.

Nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Émilienne Poumirol et M. Didier Marie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. André Guiol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 26 juin 1988, à la suite des événements survenus dans la grotte d’Ouvéa, les loyalistes et les indépendantistes topaient dans la douleur un processus d’émancipation inédit qui allait libérer la parole des indépendantistes.

Avant d’ouvrir la voie à la paix, les accords de Matignon ont succédé à ce que l’on appelle encore pudiquement « les événements », quand certains historiens préfèrent parler de « guerre civile ». Quelle que soit leur qualification, les faits ont été dramatiques : boycott d’élections, assassinats, prise d’otages, barrages et manifestations ont ponctué cette décennie.

Aussi, le souvenir tragique de cette période nous oblige à faire preuve de beaucoup de prudence. Tous les groupes en ont fait le constat la semaine dernière : les enjeux de ce texte vont bien au-delà du simple dégel électoral.

Certes, les circonstances rendent acceptable de ne donner la parole qu’à une partie de la population, présente sur l’île depuis toujours. Cependant, comme nous l’avons déjà répété à cette tribune, le gel d’une partie du corps électoral représente une situation inédite dans notre République.

Notre groupe est profondément mal à l’aise face au débat qui se pose. D’un côté, comment tolérer une telle entorse démocratique à l’égard d’une partie de nos concitoyens et à nos principes constitutionnels les plus élémentaires, au premier rang desquels je citerai l’universalité du suffrage posée à l’article 3 de notre Constitution ?

De l’autre, nous constatons que les efforts politiques pour parvenir à un accord, depuis le processus référendaire, s’essoufflent. La ligne de fracture entre le nord et le sud – entre Européens et Kanaks – semble s’étendre. Les initiatives de rééquilibrage, lancées par les gouvernements successifs, n’ont rien donné.

En trente ans, les inégalités économiques entre Européens et Kanaks ont continué de se creuser. Aux divisions sociales s’ajoute la fracture politique sur la question de l’indépendance.

Lors des élections locales de 2014, la répartition des votes entre loyalistes et indépendantistes recouvrait parfaitement celle de la population kanak et non kanak sur le territoire. Pourtant, l’accord de Nouméa énonçait : « Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun. »

Mes chers collègues, la question de l’indépendance est une chose, mais celle de la décolonisation en est une autre. Pouvons-nous considérer les conditions du rééquilibrage satisfaisantes ? Permettent-elles de revenir sur le statu quo qui prévalait depuis l’accord de Nouméa ? Sommes-nous parvenus au bout du chemin du pardon évoqué par le Président de la République, Emmanuel Macron ? Ces questions se posent naturellement, alors même que le dégel du corps électoral est une exigence juridique.

Au nom des principes démocratiques et républicains, ce dégel s’impose à nous, mais il ne faudrait pas qu’il apparaisse comme une victoire aux yeux des loyalistes.

En ce sens, le texte du Sénat nous semble aller vers un chemin plus raisonnable. En effet, mes chers collègues, il faut laisser plus de temps aux parties de trouver un accord. Les modifications du rapporteur vont dans le bon sens. Il faut réaffirmer les valeurs portées par l’accord de Nouméa. Il nous paraît essentiel de débattre d’un texte qui rappelle le destin commun qui lie les Calédoniens.

Toutefois, n’oublions pas qu’une partie du corps électoral restera gelée. Dès lors, les exigences portées en 2005 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’imposeront de nouveau. Nous serons tenus de prévoir des dispositions transitoires permettant d’atteindre un seul et unique but : l’autodétermination.

Malgré les efforts de notre assemblée, ce texte nous permettra-t-il d’aboutir à un véritable processus d’autodétermination ? Nous craignons, au contraire, qu’il ne mette un coup d’arrêt à la stabilité qui prévaut depuis l’accord de Nouméa. La situation de statu quo pourrait être fortement compromise si aucune garantie politique n’était octroyée.

Mes chers collègues, nous attendions beaucoup du débat de la semaine dernière. Le texte du Sénat a adouci une position que nous jugions trop volontariste. Au regard de l’histoire qui est la sienne et des spécificités territoriales qu’elle englobe, la Nouvelle-Calédonie mérite un accord politique qui respecte la volonté du peuple premier.

Nous souhaitons que cet accord aboutisse, mais donnons à la Nouvelle-Calédonie le temps nécessaire d’avancer de manière apaisée. Jean Jaurès a dit que la République était un grand acte de confiance. Elle doit être capable d’une telle confiance, laissons-lui encore un peu de temps…

Dans cette attente, et pour prendre en considération l’aspect juridique et constitutionnel du sujet, une majorité des membres du groupe RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les accords de Matignon et de Nouméa ont permis à la Nouvelle-Calédonie de connaître plus de trois décennies de paix civile.

La troisième consultation sur l’indépendance le 12 décembre 2021 est venue clore le processus engagé en 1988 : les Calédoniens ont rejeté, pour la troisième fois consécutive, l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

C’est donc au sein de la République que doivent s’inscrire les prochaines perspectives politiques de ce territoire ; il nous faudra cependant toujours garder à l’esprit que le principe du droit à l’autodétermination des Calédoniens est inaliénable, au regard de notre droit interne comme du droit international.

Nous devons aujourd’hui trouver collectivement, en Nouvelle-Calédonie et en métropole, les moyens de réussir ce que nos prédécesseurs étaient parvenus à réaliser : permettre aux Calédoniens de se donner une perspective politique partagée, un « destin commun », selon l’expression consacrée.

L’absence d’accord que nous connaissons actuellement vient encore prolonger la période d’incertitude inhérente à la tenue des trois consultations qui étaient prévues par l’accord de Nouméa, alors que la Nouvelle-Calédonie a aujourd’hui besoin de stabilité et de visibilité sur son avenir.

Chacune et chacun le sent bien, nous sommes à un point de bascule. Le défi politique à relever, auxquels il faut ajouter les défis économiques, sociaux et géopolitiques, est important. La grave crise des finances publiques qui frappe depuis des années la Nouvelle-Calédonie complique encore davantage l’équation à résoudre.

La situation étant complexe, nous sommes tous attachés à ce qu’un accord sur l’avenir politique et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie intervienne au plus vite.

L’histoire nous renseigne sur les éléments qui permettraient d’avancer sur la voie d’un accord. Sur le fond, l’État doit rester impartial, ce qui ne signifie pas toutefois « inactif ». En effet, nous pouvons relever que, en 1988, c’est la mission du dialogue pilotée par Christian Blanc, à la demande de Michel Rocard, qui avait permis, dans un contexte de crise, de dégager les pistes permettant d’aboutir à un accord.

Depuis 1988, nous l’avons vu également, la Nouvelle-Calédonie a été un sujet que le Premier ministre a toujours suivi avec une particulière attention, dans les moments les plus stratégiques de son évolution, qu’il s’agisse de Michel Rocard, de Lionel Jospin ou d’Édouard Philippe.

Si un accord tarde à être conclu, ce retard ne peut cependant pas bloquer le processus démocratique normal. La vie démocratique doit se poursuivre pendant cette transition et les élections provinciales doivent se tenir dans les meilleures conditions possible. Tel est le sens du report de quelques mois de la consultation électorale provinciale, qui a déjà été adopté.

Il s’agit aujourd’hui de permettre que les élections des conseillers des provinces puissent se tenir régulièrement avec un corps électoral dégelé, comprenant des citoyens nés ou arrivés en Nouvelle-Calédonie après 1998.

Je tiens à souligner l’excellence du travail réalisé par le rapporteur de la commission des lois, M. Philippe Bas, et l’esprit dans lequel se sont déroulés les échanges sur ce texte au sein de cette même commission.

Nous savons que l’évolution qu’il contient est absolument indispensable au regard du principe de l’égalité du suffrage et que bloquer encore l’évolution du corps électoral poserait non seulement un problème démocratique, mais aussi, et surtout, une difficulté juridique.

En effet, les élections se font bien évidemment sous le contrôle du juge, et le Conseil d’État a envoyé un message très clair en indiquant qu’une consultation électorale qui se tiendrait sur la base d’une liste électorale arrêtée en 1998 serait frappée d’irrégularité. Le dégel du corps électoral n’est donc aujourd’hui pas une option politique ; c’est une nécessité juridique.

Nous regrettons que les parties calédoniennes n’aient pas pour l’instant réussi à se mettre d’accord sur les conditions du nécessaire dégel, tout en comprenant que ce point fait partie des éléments constitutifs de la nationalité calédonienne, sujet par nature sensible, qui peut difficilement être détachable d’un accord global.

Puisqu’il nous faut bien avancer pour garantir la régularité juridique des prochaines élections provinciales, le Gouvernement nous propose de retenir une durée de résidence minimale de dix ans en Nouvelle-Calédonie et de consacrer ainsi le caractère glissant du corps électoral.

Cette proposition nous paraît raisonnable en ce qu’elle permet de s’assurer d’un lien suffisamment fort et constant entre le nouvel électeur et la Nouvelle-Calédonie. Elle ne remet donc pas en cause l’existence d’une spécificité du territoire calédonien en matière électorale, dans la mesure où un corps restreint d’électeurs est maintenu, ni le principe d’une citoyenneté calédonienne.

Cette proposition ne semble pas susciter d’opposition marquée du côté des loyalistes comme du côté des indépendantistes. Cependant, afin de ne pas préempter les conclusions de cet accord entre les parties calédoniennes, l’État doit intervenir le moins possible de manière unilatérale.

Nous avons ainsi bien conscience que le mode d’action prévu dans ce texte constitue une exception pour l’État. Seule la contrainte juridique impérieuse liée à la régularité des élections à venir vient la justifier. Cette exception ne peut exister que sous la réserve qu’un accord n’ait pas été conclu. L’État doit, en effet, demeurer un acteur actif et impartial pour que les Calédoniens puissent déterminer ensemble leur destin commun.

L’État doit aussi pouvoir s’adapter en temps réel aux évolutions de la situation politique calédonienne. Aussi, en retirant une part de l’agilité que le texte du Gouvernement permettait en confiant au pouvoir réglementaire la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, le Sénat a pris un risque qu’il ne nous semblait pas indispensable dans un contexte déjà tendu.

Nous voterons cependant en faveur de ce projet de loi constitutionnelle, qui doit impérativement aboutir parce qu’il faut bien que la question du corps électoral soit réglée pour permettre la tenue des élections dans un cadre juridique sécurisé. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, modifié, l’ensemble du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 168 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 332
Pour l’adoption 233
Contre 99

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

La parole est à Mme la ministre déléguée. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser l’absence aujourd’hui du ministre de l’intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin, qui est retenu à l’étranger pour défendre les intérêts de la France. Son absence ne saurait remettre en cause son engagement sur le dossier calédonien, qui s’est traduit par de nombreux déplacements en Nouvelle-Calédonie et sa présence dans cet hémicycle tout au long des débats sur ce texte.

Vous venez d’adopter le projet de loi constitutionnelle relatif aux élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, que le Gouvernement a souhaité vous soumettre quelques semaines après le vote du projet de loi organique prévoyant le report de ces élections.

Depuis la révision constitutionnelle de 2007, seules les personnes qui étaient inscrites sur les listes électorales au moment de l’accord de Nouméa de 1998 ont le droit de voter aux élections provinciales. La volonté du Gouvernement était alors d’instaurer un gel transitoire : Dominique de Villepin avait lui-même précisé devant le Congrès réuni à Versailles qu’il ne vaudrait que pour les élections provinciales de 2009 et de 2014. Il en a été autrement.

Or ce gel du corps électoral, qui ne concernait que 8 338 électeurs en 1999, soit 7,5 % de l’électorat, concerne dorénavant près de 42 000 personnes. Ainsi, un électeur sur cinq est actuellement exclu du corps électoral. Cela n’est conforme ni aux principes essentiels de la démocratie ni aux valeurs de la République. Le Gouvernement s’est donc engagé à corriger cette distorsion devenue contraire à la Constitution, comme l’ont rappelé les sénateurs Médevielle et Guiol.

Alors que les indépendantistes étaient opposés au dégel du corps électoral, les non-indépendantistes proposaient de retenir des durées de résidence comprises entre trois et cinq ans pour intégrer le corps électoral. Après avoir échangé avec les différentes parties, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a suggéré de retenir une période de dix ans, ce qui lui semblait un compromis acceptable par tous. Tel est l’objet du projet de loi que vous venez d’adopter.

Compte tenu des échanges qui ont eu lieu lors de l’examen du texte la semaine dernière, je pense pouvoir dire que ce compromis a reçu l’assentiment de cet hémicycle.

Pour autant, comme l’a souligné le ministre la semaine dernière, l’adoption en séance publique de trois amendements de la commission des lois est susceptible de déstabiliser le processus engagé. En effet, les habilitations à légiférer par ordonnances que le Gouvernement demandait pour organiser le scrutin de 2024 d’un point de vue pratique et pour déclencher un éventuel second report, dans le cas où un accord politique global sur l’avenir du territoire serait conclu d’ici au scrutin, ont été supprimées.

J’insiste sur le fait que le texte du Gouvernement a toujours ménagé la possibilité qu’un accord soit conclu après le 1er juillet. Je remercie le sénateur Bitz de l’avoir rappelé.

L’article 1er du projet de loi prévoyait que le Gouvernement puisse fixer les nouvelles modalités d’organisation du scrutin par décret : révision de la liste électorale, inscription d’office de certains électeurs facilement identifiables et détermination des motifs légitimes d’absence du territoire durant le délai de dix ans prévu par le projet de loi.

D’un point de vue calendaire, il faut compter un délai incompressible de quatorze semaines entre l’entrée en vigueur des textes d’application et le scrutin : quatre semaines pour que les électeurs puissent déposer leur demande d’inscription volontaire et pour mettre à jour la liste électorale générale, support de la liste électorale provinciale ; huit semaines pour réviser la liste électorale, compte tenu des délais de recours ; et quinze jours avant la date du scrutin, pour arrêter définitivement la liste électorale.

Par conséquent, l’ensemble des textes législatifs et réglementaires – y compris le décret d’application qui fixera le détail de la procédure – doit être publié avant le 1er septembre pour que le scrutin ait lieu avant la date limite du 15 décembre.

Le texte que vous venez d’adopter prévoit de passer par une loi organique d’application. Compte tenu du délai d’un mois nécessaire à la consultation du congrès de Nouvelle-Calédonie et du temps d’examen du décret d’application par le Conseil d’État, cette loi devrait être promulguée avant le 1er août. C’est pourquoi le ministre de l’intérieur et des outre-mer a jugé douteuse l’adoption d’une telle loi organique dans un délai aussi serré, quand bien même elle serait d’ordre purement technique.

Nous avons bien noté les propos du rapporteur Philippe Bas, qui s’engage à ce que le Sénat fasse preuve de diligence – nous l’en remercions –, de même que ceux du sénateur Bonnecarrère quant à la responsabilité du Sénat. Je forme le vœu que ces propos soient également entendus dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

L’article 2 du projet de loi prévoyait que le Gouvernement puisse suspendre l’organisation du scrutin de 2024 en cas de conclusion d’un accord global et reporter de nouveau les élections jusqu’au 30 novembre 2025 au plus tard.

Une telle habilitation ne figure plus dans le texte qui a été adopté, lequel prévoit l’examen d’un projet de loi organique dans des délais exceptionnellement raccourcis. De plus, tel qu’il est actuellement rédigé, le projet de loi constitutionnelle prévoit que le dépôt du projet de loi organique suffit dorénavant à interrompre le processus électoral. Cela signifie qu’une décision de l’exécutif pourrait reporter l’élection alors même que la représentation nationale n’en aurait pas décidé ainsi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il était de la responsabilité du Gouvernement de vous alerter de nouveau sur les conséquences qu’emportent les mécanismes nouvellement introduits dans le texte que vous venez de voter. (Mme Sophie Primas sexclame.) Ces derniers nous posent problème à plusieurs égards.

Ce sera une gageure pour le Conseil d’État et le congrès de Nouvelle-Calédonie de respecter les délais qui ont été fixés. Ce le sera également pour le Parlement, qui s’impose un calendrier extrêmement serré, même si, après vous avoir entendus, le Gouvernement lui fait toute confiance pour relever ce défi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de M. Alain Marc.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie
 

4

 
Dossier législatif : projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique
Article 1er

Sécurisation et régulation de l’espace numérique

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (texte de la commission n° 470, rapport n° 469).

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly, au nom de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce fut long – très long ! –, mais aussi très compliqué, mais c’est fait : la commission mixte paritaire que j’ai présidée mardi dernier au Sénat est parvenue à un accord sur le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

Pour commencer, je tiens à remercier l’ensemble de nos collègues de la commission spéciale qui se sont profondément investis sur ce texte. Nous pouvons être fiers du résultat, car le chemin était ardu à plusieurs égards.

Tout d’abord, les délais et les conditions d’examen étaient serrés. Nous avons adopté ce texte au Sénat en juillet, l’Assemblée nationale s’est prononcée en octobre, et, depuis, nous avons vécu au rythme d’une correspondance plus ou moins cordiale avec la Commission européenne. Bien entendu, le fait que le remaniement gouvernemental se soit quelque peu éternisé n’a pas aidé…

Ensuite, le Gouvernement a choisi d’ajouter à ce texte, qui devait à l’origine simplement adapter en droit français des règlements européens sur les services numériques et sur le marché numérique, un très important volet sur la protection des mineurs face à l’industrie pornographique, directement issu des travaux de notre délégation aux droits des femmes, que je salue. Il y a également intégré un début de réglementation des jeux à objets numériques monétisables (Jonum).

De ce fait, le projet de loi initial comportait déjà trente-six articles. Après sa lecture au Sénat et, surtout, à l’Assemblée nationale, il a presque doublé de volume, chacun ayant saisi l’occasion pour avancer sur la régulation de ce monde numérique qui occupe une telle place dans nos vies aujourd’hui.

Les nombreux apports ont débouché sur un projet de loi très imposant, qui brasse une pluralité de thèmes, tous plus techniques les uns que les autres.

Les contributions du Sénat, je le souligne, ont été nombreuses, comme les rapporteurs pourront en témoigner. Les articles 10 bis A et 10 bis B relatifs à notre souveraineté numérique et à la protection de nos données, issus des amendements que Patrick Chaize et moi-même avions déposés, me tiennent particulièrement à cœur.

Les dispositions ainsi introduites reconnaissent dans la loi le caractère sensible de certaines données, qui ne sauraient, à ce titre, être confiées à n’importe quelle entreprise au gré de je ne sais quelle décision. Elles instaurent une doctrine, une transparence et une redevabilité du Gouvernement quant au choix des entreprises auxquelles sont confiées ces données.

À cet égard, elles anticipent le règlement européen sur la gouvernance des données, le DGA (Data Governance Act), et nous donnent des armes pour combattre les abus de position dominante d’acteurs extraeuropéens et pour encourager – du moins je l’espère – le développement d’une industrie européenne de l’informatique en nuage très prometteuse.

Je rappelle que, depuis 2020, nous interpellons le Gouvernement sur la gestion des données de santé des Français. Malgré des lois extraterritoriales et un accord sur le transfert de données de l’Union européenne vers les États-Unis peu protecteur, la migration depuis Microsoft vers des solutions souveraines tarde à intervenir. Il faut absolument l’encourager et nous comptons sur vous, madame la secrétaire d’État, pour le faire en vous appuyant sur ce projet de loi.

Je salue également le fait que ce texte comporte un début d’encadrement des Jonum. À cet égard, nous revenons de loin – n’est pas, cher Patrick Chaize ? –, car le projet initial du Gouvernement prévoyait une simple ordonnance à cet effet, alors que treize pages y sont consacrées dans le texte que nous examinons.

Par ailleurs, le Sénat a adopté de très importantes dispositions sur l’initiative de Loïc Hervé afin d’assurer une sanction plus rapide et efficace de propos odieux tenus en ligne, par le biais d’une amende forfaitaire délictuelle.

J’en viens aux trois principaux défis qui se trouvent devant nous.

Le premier est d’ordre méthodologique : nous ne tenons pas suffisamment compte de la place du droit européen dans notre manière de légiférer. En tant que membre de la commission des affaires européennes, je partage la conviction que nous devons nous saisir des textes très en amont en y travaillant dès leur dépôt. En effet, notre voix portera mieux à Bruxelles à ce moment qu’une fois les règlements adoptés !

Le second défi est de mettre en œuvre concrètement les dispositions de ce projet de loi et d’y consacrer les moyens nécessaires, notamment pour permettre à nos autorités de régulation de remplir les nombreuses missions qui leur sont confiées.

Enfin, le troisième défi concerne l’Europe, qui s’est enfin dotée, en avance sur le reste du monde, il faut bien le reconnaître, d’une véritable régulation du numérique. Même si celle-ci demeure imparfaite – je suis de ceux qui trouvent que nous aurions pu aller plus loin –, elle est le fruit d’un compromis, et le compromis est frustrant par nature…

Il nous faut donc d’ores et déjà envisager l’étape suivante. De nombreux textes sont en cours d’élaboration, notamment le règlement sur l’intelligence artificielle et les directives sur la cybersécurité. Au-delà de ces textes, je plaide depuis des années pour que nous luttions sans relâche pour développer enfin un véritable régime de redevabilité et de responsabilité des plateformes.

Pour conclure, je remercie avec une certaine émotion les deux rapporteurs Patrick Chaize et Loïc Hervé, qui ont fourni un travail d’une qualité exceptionnelle – je tiens vraiment à le souligner. Messieurs les rapporteurs, cela a été un plaisir d’échanger avec vous en parfaite intelligence tout au long de nos travaux. Nous pouvons être fiers du chemin parcouru sur le texte que nous allons voter dans quelques instants, lequel porte indéniablement la marque du Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un grand honneur pour moi de me tenir devant vous pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire qui est parvenue à un accord le 26 mars dernier sur le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

Comme vous l’avez rappelé, madame Morin-Desailly, il s’agit d’un texte de compromis, qui a été amendé et amélioré grâce aux consultations menées par le Conseil national de la refondation (CNR) et, bien évidemment, grâce aux travaux de tous les groupes parlementaires, qui ont pu exprimer leurs différentes sensibilités lors de son parcours législatif.

Je remercie chaleureusement Catherine Morin-Desailly pour le travail qu’elle a accompli en sa qualité de présidente de la commission spéciale, ainsi que les rapporteurs Patrick Chaize et Loïc Hervé. Je salue également le travail de mon prédécesseur, Jean-Noël Barrot, sur ce projet de loi.

Il s’agit aussi et surtout d’un texte d’intérêt général, qui est attendu par des millions de nos concitoyens. S’il est adopté, il nous donnera les moyens de peser face aux grandes plateformes et de garder le contrôle de notre espace numérique pour mettre fin aux dérives et protéger en ligne nos concitoyens, mais aussi nos collectivités et nos entreprises.

L’époque où les plateformes se retranchaient derrière l’éclatement des législations des différents États membres et les mettaient même en concurrence pour freiner toute régulation et évolution de leur modèle économique et algorithmique est désormais révolue.

Nous avons réussi à y mettre fin en Européens, sous l’impulsion de la présidence française de l’Union européenne, qui a été décisive dans l’adoption des règlements sur les services et les marchés numériques. Dorénavant, grâce au règlement sur les marchés numériques, le DMA (Digital Markets Act), les grandes plateformes en ligne désignées comme contrôleurs d’accès ne pourront plus imposer à leurs clients ou à leurs concurrents des pratiques commerciales déloyales sans risquer de lourdes amendes. Ces dernières pourront représenter jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise à l’échelle mondiale, et même 20 % en cas de récidive.

Grâce au règlement sur les services numériques, le DSA (Digital Services Act), les plateformes en ligne devront prendre leurs responsabilités pour lutter activement et efficacement contre la diffusion de contenus illicites et dangereux. Elles devront s’employer à corriger les risques systémiques qu’elles font peser sur le bien-être et la santé de leurs utilisateurs, sous peine de sanctions, allant jusqu’à l’interdiction d’exercer leur activité sur le marché européen.

La France ayant été à l’initiative de ce nouveau cadre novateur et protecteur, elle doit être exemplaire dans sa mise en œuvre opérationnelle. L’impact réel de ces règlements réside dans notre capacité collective – État, régulateurs, entreprises, chercheurs – à se saisir de ces nouveaux outils.

C’est toute l’ambition de ce projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (Sren), qui vise à assurer la pleine effectivité de ces règlements sur le sol français en adaptant notre droit national au nouveau cadre européen et en créant un environnement qui favorise la confiance et l’équité des échanges sur ces interfaces.

Toutefois, si ces législations européennes sont inédites par leur ampleur et par leur force, elles ne signent pas encore la fin de notre combat en faveur d’un espace numérique plus sûr et plus équitable. Chaque jour, nous en sommes tous témoins, de nouvelles dérives émergent au gré d’évolutions technologiques et de nouvelles pratiques sociales.

Forts de ce constat, nous avons fait en sorte que ce projet de loi ne se contente pas d’adapter notre droit national aux nouvelles réglementations européennes. Il apporte également des réponses concrètes et efficaces à ces usages.

Plusieurs mesures fortes permettront ainsi d’accroître significativement la protection de nos concitoyens en ligne.

Premièrement, nous créerons un filtre anti-arnaques. C’était – vous le savez – un engagement du Président de la République, et cette promesse sera tenue. Ce dispositif protégera les Français de tentatives d’escroquerie et d’hameçonnage.

Deuxièmement, nous sanctionnerons la diffusion de deepfakes en ligne, nouveau risque lié à l’intelligence artificielle générative, en nous assurant du consentement des personnes concernées.

Troisièmement et enfin, nous renforcerons l’arsenal du juge, lequel pourra prononcer une peine de bannissement numérique en cas de condamnation pour haine en ligne, pour cyberharcèlement ou pour d’autres infractions graves.

Avec le projet de loi Sren, nous offrirons également à nos enfants un espace numérique plus sûr.

Il y a quelques mois, un rapport sénatorial mettait en lumière « l’enfer du décor » de certaines pratiques de l’industrie pornographique. Je tiens à saluer la détermination dont ont fait preuve les rapporteures Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol : leur remarquable travail a montré la nécessité de renforcer notre cadre législatif face aux sites pour adultes qui exposent les mineurs à des contenus pornographiques, faute de vérifier sérieusement l’âge de leurs visiteurs.

Ce projet de loi apporte une réponse directe et concrète aux abus dénoncés dans leur rapport. Les sites pornographiques qui persisteront à violer la loi, en refusant de mettre en place un vérificateur d’âge fiable et sans fichage, seront sanctionnés, que ce soit via un blocage et un déréférencement ou via une amende pouvant atteindre 4 % de leur chiffre d’affaires mondial, voire 6 % de ce chiffre d’affaires en cas de récidive.

Enfin, avec le projet de loi Sren, nous protégerons nos entreprises, trop souvent prisonnières des pratiques commerciales déloyales d’une poignée d’acteurs qui dominent aujourd’hui le marché du cloud et abusent de leur position.

Les fournisseurs de cloud ne pourront octroyer de crédits informatiques en nuage que pour une durée limitée. En parallèle, ils ne pourront plus imposer à leurs clients des frais de transfert de données. Ils devront, en outre, assurer les conditions de portabilité de leurs services avec des offres tierces. Ainsi, les entreprises utilisatrices pourront plus facilement faire migrer leurs données vers des offres plus compétitives et plus diversifiées.

Grâce à ce projet de loi, enrichi par l’examen parlementaire, nous protégerons mieux les données de santé de nos concitoyens, ainsi que les données sensibles de l’État et de ses opérateurs, contre tout risque d’ingérence. En vertu de l’article 10 bis A, par symétrie avec la circulaire « cloud au centre », les administrations et opérateurs de l’État devront en effet héberger leurs données sensibles sur des solutions souveraines certifiées SecNumCloud.

L’entrepôt national des données de santé, le Health Data Hub (HDH), a été inclus dans le champ de cet article lors des travaux de la commission mixte paritaire (CMP).

Le Gouvernement – je tiens à le rappeler – est soucieux d’éviter toute confusion entre les certifications nationales relatives à la protection des données hébergées dans des services d’informatique en nuage, notamment entre le référentiel Hébergeur de données de santé (HDS) et le référentiel SecNumCloud. Ces deux outils ont leurs propres buts, légitimes tous autant qu’ils sont, mais il serait hasardeux de les confondre.

Cela étant, je prends acte de l’inscription du HDH dans le champ de l’article 10 bis A et de la conséquence logique de ce choix : le basculement du HDH, à terme, vers une offre de cloud labellisée SecNumCloud.

Le Gouvernement avait déjà pris cet engagement. Il avait d’ailleurs commandité plusieurs études techniques très concrètes pour rendre cette annonce opérationnelle et permettre aux acteurs de préparer les futurs appels d’offres.

En complément, nous poursuivons une stratégie nationale ambitieuse pour le cloud, qui vise à accompagner nos entreprises vers la qualification SecNumCloud tout en renforçant la diversité et les performances de leurs offres.

Je compte particulièrement sur le dernier appel à projets de cette stratégie, que j’ai dévoilé le 22 mars dernier à Strasbourg, pour nous faire franchir une étape supplémentaire vers la disponibilité en nombre suffisant d’offres SecNumCloud comprenant des briques logicielles dernier cri, notamment pour les plateformes de gestion de données, d’analyse de données et d’intelligence artificielle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez : le projet de loi Sren apportera dès demain des réponses concrètes, ambitieuses et proportionnées aux attentes des Françaises et des Français, dont je sais, tout comme vous, les inquiétudes et les doutes face à l’accélération des mutations technologiques, face à l’impact de ces dernières sur notre espace numérique.

Je sais pouvoir compter sur votre engagement et sur votre mobilisation pour mettre en œuvre ces réponses. Nous devons bâtir collectivement un espace numérique plus sûr et plus protecteur pour nos compatriotes et pour les générations futures !

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

En conséquence, les amendements seront mis aux voix, puis le vote des articles sera réservé.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique

TITRE Ier

PROTECTION DES MINEURS EN LIGNE

Section 1

Renforcement des pouvoirs de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en matière de protection en ligne des mineurs

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique
Article 2

Article 1er

I. – L’article 10 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi rédigé :

« Art. 10. – I. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille à ce que les contenus pornographiques mis à la disposition du public par un éditeur de service de communication au public en ligne, sous sa responsabilité éditoriale, ou fournis par un service de plateforme de partage de vidéos au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ne soient pas accessibles aux mineurs.

« Elle établit et publie à cette fin, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, un référentiel déterminant les exigences techniques minimales applicables aux systèmes de vérification de l’âge. Ces exigences portent sur la fiabilité du contrôle de l’âge des utilisateurs et sur le respect de leur vie privée. Ce référentiel est actualisé en tant que de besoin dans les mêmes conditions. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut exiger des éditeurs et fournisseurs de services mentionnés au premier alinéa du présent I qu’ils conduisent un audit des systèmes de vérification de l’âge qu’ils mettent en œuvre afin d’attester de la conformité de ces systèmes avec les exigences techniques définies par le référentiel. Le référentiel précise les modalités de réalisation et de publicité de cet audit, qui est confié à un organisme indépendant disposant d’une expérience avérée.

« L’éditeur de service de communication au public en ligne et le fournisseur d’un service de plateforme de partage de vidéos mentionnés au premier alinéa du même I prévoient l’affichage d’un écran ne comportant aucun contenu à caractère pornographique tant que l’âge de l’utilisateur n’a pas été vérifié.

« II. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, le cas échéant après avis du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, mettre en demeure les personnes mentionnées au premier alinéa du I qui permettent l’accès à un contenu pornographique de se conformer, dans un délai d’un mois, au référentiel mentionné au deuxième alinéa du I. Elle rend publiques ces mises en demeure.

« Lorsque la personne ne se conforme pas à la mise en demeure à l’expiration de ce délai, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, prononcer une sanction pécuniaire dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

« Le montant de cette sanction ne peut excéder 150 000 euros ou 2 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent, le plus élevé des deux montants étant retenu. Ce maximum est porté à 300 000 euros ou à 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes, le plus élevé des deux montants étant retenu, en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première sanction est devenue définitive.

« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

bis. – (Supprimé)

II. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique établit et publie le référentiel mentionné au I de l’article 10 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans sa rédaction résultant de la présente loi, dans un délai de deux mois à compter de sa promulgation. Elle rend compte, dans le rapport d’activité mentionné au II bis de l’article 10-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, des actualisations du référentiel et des audits des systèmes de vérification de l’âge mis en œuvre par les services concernés.

III. – Les personnes mentionnées au I de l’article 10 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans sa rédaction résultant de la présente loi, dont le service permet l’accès à des contenus pornographiques mettent en œuvre un système de vérification de l’âge conforme aux caractéristiques techniques du référentiel mentionné au même I dans un délai de trois mois à compter de la publication du référentiel par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et du numérique.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique
Article 2 bis

Article 2

I. – Après l’article 10 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, sont insérés des articles 10-1 et 10-2 ainsi rédigés :

« Art. 10-1. – I. – Lorsqu’une personne dont l’activité est de fournir un service de communication au public en ligne sous sa responsabilité éditoriale ou de fournir un service de plateforme de partage de vidéos permet à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique en violation de l’article 227-24 du code pénal, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique lui fait part de ses observations motivées par une lettre, remise par tout moyen propre à en établir la date de réception. À compter de la date de réception, le destinataire de cette lettre dispose d’un délai de quinze jours pour présenter ses observations.

« À l’expiration de ce délai, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre en demeure la personne mentionnée au premier alinéa du présent I de prendre, dans un délai de quinze jours, toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs à ces contenus. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend publique cette mise en demeure.

« I bis. – Lorsque la personne mentionnée au I du présent article ne se conforme pas à la mise en demeure à l’expiration du délai de quinze jours mentionné au second alinéa du même I, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut prononcer une sanction pécuniaire dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

« Le montant de la sanction prend en compte la nature, la gravité et la durée du manquement, les avantages tirés de ce manquement et les manquements commis précédemment.

« La sanction prononcée ne peut excéder 250 000 euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent, le plus élevé des deux montants étant retenu. Ce maximum est porté à 500 000 euros ou à 6 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes, le plus élevé des deux montants étant retenu, en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première sanction est devenue définitive.

« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« II. – En cas d’inexécution de la mise en demeure prévue au I du présent article, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut notifier aux fournisseurs de services d’accès à internet ou aux fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine mentionnés au II de l’article 12, par tout moyen propre à en établir la date de réception, les adresses électroniques des services de communication au public en ligne ou des services de plateforme de partage de vidéos ayant fait l’objet de la procédure prévue au I du présent article ainsi que celles des services qui reprennent le même contenu, en totalité ou de manière substantielle, et qui présentent les mêmes modalités d’accès. Ces fournisseurs doivent alors empêcher l’accès à ces adresses dans un délai de quarante-huit heures. Toutefois, en l’absence de mise à disposition des informations mentionnées aux I et II de l’article 1-1, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut procéder à la notification prévue au présent II sans avoir mis en œuvre la procédure prévue au I.

« Les utilisateurs des services de communication au public en ligne et des services de plateforme de partage de vidéos auxquels l’accès est empêché sont avertis par une page d’information de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique indiquant les motifs de la mesure de blocage.

« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut également notifier les adresses électroniques de ces services ainsi que celles des services qui reprennent le même contenu, en totalité ou de manière substantielle, et qui présentent les mêmes modalités d’accès aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels disposent d’un délai de quarante-huit heures afin de faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne.

« Une copie des notifications adressées aux fournisseurs de services d’accès à internet, aux fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine et aux moteurs de recherche ou aux annuaires est adressée simultanément à la personne dont l’activité est d’éditer le service de communication au public en ligne ou de fournir un service de plateforme de partage de vidéos concernée.

« Les mesures prévues au présent II sont prononcées pour une durée maximale de deux ans. Leur nécessité est réévaluée, d’office ou sur demande, au moins une fois par an. Lorsque les faits mentionnés au premier alinéa du I ne sont plus constitués, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique avise sans délai les destinataires des notifications prévues au présent II de la levée de ces mesures.

« II bis. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend public chaque année un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de décisions d’injonction, les suites qui y ont été données, les éventuelles décisions de justice prises sur les recours engagés contre ces décisions d’injonction et le nombre d’adresses électroniques qui ont fait l’objet d’une mesure de blocage d’accès ou de déréférencement. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.

« III. – Sans préjudice des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, les personnes mentionnées aux I à II du présent article peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation des mesures mentionnées aux mêmes I à II dans un délai de cinq jours à compter de leur réception.

« Il est statué sur la légalité de la mesure de blocage ou de déréférencement dans un délai d’un mois à compter de la saisine. L’audience est publique.

« Les jugements rendus en application des deux premiers alinéas du présent III sont susceptibles d’appel dans un délai de dix jours à compter de leur notification. Dans ce cas, la juridiction d’appel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

« IV. – Pour tout manquement aux obligations définies au II du présent article, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut prononcer une sanction pécuniaire dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée.

« Toutefois, aucune sanction ne peut être prononcée lorsque, en raison de motifs de force majeure ou d’impossibilité de fait qui ne lui sont pas imputables, la personne concernée est placée dans l’impossibilité de respecter l’obligation qui lui a été faite ou, lorsque la procédure prévue au III du présent article a été engagée, tant qu’elle n’a pas fait l’objet d’une décision devenue définitive.

« Le montant de la sanction prend en compte la nature, la gravité et la durée du manquement, les avantages tirés de ce manquement et les manquements commis précédemment.

« Le montant de la sanction ne peut excéder la somme de 75 000 euros ou 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent, le plus élevé des deux montants étant retenu. Ce maximum est porté à 150 000 euros ou à 2 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes, le plus élevé des deux montants étant retenu, en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première sanction est devenue définitive.

« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« V. – Les agents de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent, s’ils ont été spécialement habilités à cet effet par l’autorité et assermentés dans les conditions prévues au 2° du I de l’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, constater par procès-verbal qu’un service de communication au public en ligne ou un service de plateforme de partage de vidéos permettant l’accès à des contenus pornographiques ne met pas en œuvre un système de vérification de l’âge conforme aux exigences techniques minimales du référentiel mentionné à l’article 10 de la présente loi ou permet à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique en violation de l’article 227-24 du code pénal.

« VI. – Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État.

« Art. 10-2 (nouveau). – I. – Les dispositions des articles 10 et 10-1 s’appliquent aux éditeurs de service de communication au public en ligne et aux fournisseurs de services de plateforme de partage de vidéos établis en France ou hors de l’Union européenne.

« II. – Lorsque les conditions mentionnées au a) du paragraphe 4 de l’article 3 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sont remplies et au terme de la procédure prévue au b) du paragraphe 4 ou, le cas échéant, au paragraphe 5 du même article 3, les dispositions des articles 10 et 10-1 s’appliquent également aux éditeurs de service de communication au public en ligne et aux fournisseurs de services de plateforme de partage de vidéos établis dans un autre État membre de l’Union européenne, dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’arrêté conjoint du ministre chargé de la culture et de la communication et du ministre chargé du numérique les désignant. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut proposer aux ministres la désignation de ces personnes et fournit à l’appui tous les éléments de nature à justifier sa proposition. L’arrêté est pris après avis de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, sauf lorsqu’il fait suite à une proposition de l’Autorité portant sur chacun des fournisseurs désignés par cet arrêté. »

II. – L’article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales est abrogé.

Article 2
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Article 2 ter

Article 2 bis

Après l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-8 ainsi rédigé :

« Art. 6-8. – I. – En cas d’inexécution de la mise en demeure prévue au II de l’article 6-7, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux boutiques d’applications logicielles d’empêcher le téléchargement de l’application logicielle en cause. Ces boutiques disposent d’un délai de quarante-huit heures pour satisfaire cette demande.

« II. – En cas d’inexécution de la mise en demeure prévue au I des articles 10 et 10-1 et dans l’hypothèse où l’éditeur du service de communication au public en ligne concerné donne accès aux contenus pornographiques au moyen d’une application logicielle ou édite des applications qui reprennent ces contenus, en totalité ou de manière substantielle et selon les mêmes modalités d’accès, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux boutiques d’applications logicielles d’empêcher le téléchargement des applications logicielles en cause. Ces boutiques disposent d’un délai de quarante-huit heures pour satisfaire cette demande.

« III. – Les mesures prévues aux I et II du présent article sont demandées pour une durée maximale de deux ans. Leur nécessité est réévaluée, d’office ou sur demande, au moins une fois par an. Lorsque les faits justifiant les demandes prévues aux mêmes I et II ne sont plus constitués, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique avise sans délai les destinataires de celles-ci de la levée des mesures.

« IV. – Le fait pour une boutique d’applications logicielles de ne pas satisfaire aux obligations prévues aux I à III est puni d’une amende ne pouvant excéder 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent.

« V. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, détermine les modalités d’application du présent article. »

Article 2 bis
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Article 3

Article 2 ter

(Supprimé)

Section 2

Pénalisation du défaut d’exécution en vingt-quatre heures d’une demande de l’autorité administrative de retrait de contenu pédopornographique

Article 2 ter
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Article 3 bis A

Article 3

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée est ainsi modifiée :

1° AA (nouveau) L’article 6-5 est abrogé ;

1° A L’article 6-2 devient l’article 6-5 ;

1° L’article 6-2 est ainsi rétabli :

« Art. 6-2. – I. – Si un fournisseur de services d’hébergement n’a jamais fait l’objet d’une demande en application de l’article 6-1 en vue de retirer une image ou une représentation de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal, l’autorité administrative mentionnée à l’article 6-1 de la présente loi communique à ladite personne des informations sur les procédures et les délais applicables, au moins douze heures avant d’émettre la demande de retrait.

« II. – Si le fournisseur mentionné au I du présent article ne peut se conformer à une demande de retrait pour des motifs tenant à la force majeure ou à une impossibilité de fait qui ne lui sont pas imputables, y compris pour des raisons techniques ou opérationnelles objectivement justifiables, il informe de ces motifs, sans retard indu, l’autorité administrative qui a émis la demande de retrait.

« Le délai indiqué au deuxième alinéa de l’article 6-1 commence à courir dès que les motifs mentionnés au premier alinéa du présent II ont cessé d’exister.

« Si le fournisseur mentionné au I ne peut se conformer à une demande de retrait, au motif que cette dernière contient des erreurs manifestes ou ne contient pas suffisamment d’informations pour en permettre l’exécution, il informe de ces motifs, sans retard indu, l’autorité administrative qui a émis la demande de retrait et demande les éclaircissements nécessaires.

« Le délai indiqué au deuxième alinéa de l’article 6-1 commence à courir dès que le fournisseur de services d’hébergement a reçu les éclaircissements nécessaires.

« III. – Lorsqu’un fournisseur de services d’hébergement retire une image ou une représentation de mineurs présentant un caractère pornographique et relevant de l’article 227-23 du code pénal, il en informe, dans les meilleurs délais, le fournisseur de contenus, en précisant les motifs qui ont conduit au retrait de l’image ou de la représentation, la possibilité de solliciter la transmission d’une copie de l’injonction de retrait et les droits dont il dispose pour contester la demande de retrait devant la juridiction administrative compétente.

« Sur demande du fournisseur de contenus, le fournisseur de services d’hébergement transmet une copie de l’injonction de retrait.

« Les obligations prévues aux deux premiers alinéas du présent III ne s’appliquent pas lorsque l’autorité compétente qui a émis la demande de retrait décide qu’il est nécessaire et proportionné de ne pas divulguer d’informations pour ne pas entraver le bon déroulement des actions de prévention, de détection, de recherche et de poursuite des auteurs de l’infraction prévue à l’article 227-23 du code pénal.

« En pareil cas, l’autorité compétente informe le fournisseur de services d’hébergement de sa décision, en précisant sa durée d’application, qui ne peut excéder six semaines à compter de ladite décision, et le fournisseur de services d’hébergement ne divulgue aucune information sur le retrait du contenu au fournisseur de ce dernier.

« Ladite autorité compétente peut prolonger cette période d’une nouvelle période de six semaines, lorsque la non-divulgation continue d’être justifiée. En pareil cas, elle en informe le fournisseur de services d’hébergement. » ;

2° Après le même article 6-2, sont insérés des articles 6-2-1 et 6-2-2 ainsi rédigés :

« Art. 6-2-1. – I. – Le fait, pour les fournisseurs de services d’hébergement, de ne pas retirer les images ou les représentations de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la réception de la demande de retrait prévue à l’article 6-1 de la présente loi est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

« Lorsque l’infraction définie au premier alinéa du présent I est commise de manière habituelle par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté à 4 % de son chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent.

« II. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies au I du présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 2° et 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction prévue au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée maximale de cinq ans et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.

« Art. 6-2-2. – I. – Sans préjudice des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, les fournisseurs de services d’hébergement et les fournisseurs de contenus concernés par une demande, faite en application de l’article 6-1 de la présente loi, de retrait d’une image ou d’une représentation de mineurs présentant un caractère pornographique relevant de l’article 227-23 du code pénal ainsi que la personnalité qualifiée mentionnée à l’article 6-1 de la présente loi peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation de cette demande, dans un délai de quarante-huit heures à compter soit de sa réception, soit, s’agissant du fournisseur de contenus, du moment où il est informé par le fournisseur de services d’hébergement du retrait du contenu.

« II. – Il est statué sur la légalité de l’injonction de retrait dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine. L’audience est publique.

« III. – Les jugements rendus sur la légalité de la décision en application du I du présent article sont susceptibles d’appel dans un délai de dix jours à compter de leur notification. Dans ce cas, la juridiction d’appel statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

« IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

Article 3
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Article 3 bis

Article 3 bis A

I. – À titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter de l’entrée en vigueur du décret prévu au présent article, l’autorité administrative peut, lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion des images d’actes de tortures ou de barbarie relevant de l’article 222-1 du code pénal le justifient, demander à toute personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne ou aux fournisseurs de services d’hébergement de retirer les contenus qui contreviennent manifestement au même article 222-1. Elle en informe simultanément les fournisseurs de services d’accès à Internet.

En l’absence de retrait de ces contenus dans un délai de vingt-quatre heures, l’autorité administrative peut notifier aux fournisseurs de services d’hébergement la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant audit article 222-1. Ces personnes doivent alors empêcher sans délai l’accès à ces adresses. Toutefois, en l’absence de mise à disposition par la personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne des informations mentionnées au III de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, l’autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la première phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa du présent article.

L’autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées, respectivement, aux premier et deuxième alinéas à une personnalité qualifiée, désignée en son sein par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique pour la durée de son mandat au sein de l’autorité. La personnalité qualifiée s’assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l’autorité administrative d’y mettre fin. Si l’autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.

L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent à l’article 222-1 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. La procédure prévue au troisième alinéa du présent article est applicable.

II. – A. – Si un fournisseur de services d’hébergement n’a jamais fait l’objet d’une demande en application du I du présent article de retirer une image d’actes de tortures ou de barbarie relevant de l’article 222-1 du code pénal, l’autorité administrative mentionnée au I du présent article communique à ladite personne des informations sur les procédures et les délais applicables, au moins douze heures avant d’émettre la demande de retrait.

B. – Si le fournisseur mentionné au A du présent II ne peut se conformer à une demande de retrait pour des motifs tenant à la force majeure ou à une impossibilité de fait qui ne sont lui pas imputables, y compris pour des raisons techniques ou opérationnelles objectivement justifiables, il informe de ces motifs, sans retard indu, l’autorité administrative qui a émis la demande de retrait. Après examen de ces motifs, l’autorité administrative peut enjoindre au fournisseur mentionné au même 1° de se conformer à la demande de retrait.

Le délai indiqué au deuxième alinéa du I du présent article commence à courir dès que les motifs mentionnés au premier alinéa du présent B ont cessé d’exister.

Si le fournisseur mentionné au A ne peut se conformer à une demande de retrait, au motif que cette dernière contient des erreurs manifestes ou ne contient pas suffisamment d’informations pour en permettre l’exécution, il informe de ces motifs, sans retard indu, l’autorité administrative qui a émis la demande de retrait et demande les éclaircissements nécessaires.

Le délai indiqué au deuxième alinéa du I du présent article commence à courir dès que le fournisseur de services d’hébergement a reçu les éclaircissements nécessaires.

C. – Lorsqu’un fournisseur de services d’hébergement retire une image d’actes de tortures ou de barbarie relevant de l’article 222-1 du code pénal, il en informe, dans les meilleurs délais, le fournisseur de contenus, en précisant les motifs qui ont conduit au retrait de l’image, la possibilité de solliciter la transmission d’une copie de l’injonction de retrait et les droits dont il dispose pour contester la demande de retrait devant la juridiction administrative compétente.

Sur demande du fournisseur de contenus, le fournisseur de services d’hébergement transmet une copie de l’injonction de retrait.

Les obligations prévues aux deux premiers alinéas du présent C ne s’appliquent pas lorsque l’autorité compétente qui a émis la demande de retrait décide qu’il est nécessaire et proportionné de ne pas divulguer d’informations pour ne pas entraver le bon déroulement des actions de prévention, de détection, de recherche et de poursuite des auteurs de l’infraction prévue à l’article 222-1 du code pénal.

En pareil cas, l’autorité compétente informe le fournisseur de services d’hébergement de sa décision, en précisant sa durée d’application, qui ne peut excéder six semaines à compter de ladite décision, et le fournisseur de services d’hébergement ne divulgue aucune information sur le retrait du contenu au fournisseur de ce dernier.

Ladite autorité compétente peut prolonger cette période d’une nouvelle période de six semaines, lorsque la non-divulgation continue d’être justifiée. En pareil cas, elle en informe le fournisseur de services d’hébergement.

III. – A. – Sans préjudice des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, les fournisseurs de services d’hébergement et les fournisseurs de contenus concernés par une demande, faite en application du I du présent article, de retrait d’une image d’actes de tortures ou de barbarie relevant de l’article 222-1 du code pénal ainsi que la personnalité qualifiée mentionnée au I du présent article peuvent demander au président du tribunal administratif ou au magistrat délégué par celui-ci l’annulation de cette demande, dans un délai de quarante-huit heures à compter soit de sa réception, soit, s’agissant du fournisseur de contenus, du moment où il est informé par le fournisseur de services d’hébergement du retrait du contenu.

B. – Il est statué sur la légalité de l’injonction de retrait dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine. L’audience est publique.

C. – Les jugements rendus sur la légalité de la décision en application du A du II du présent article sont susceptibles d’appel dans un délai de dix jours à compter de leur notification. Dans ce cas, la juridiction d’appel statue dans un délai d’un mois à compter de sa saisine.

IV. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret.

V. – Au plus tard trois mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer l’opportunité d’une éventuelle pérennisation. Ce rapport porte notamment sur le nombre de signalements effectués auprès de l’autorité administrative, le nombre de demandes de retrait, le nombre de sollicitations du ministère public, le nombre de sanctions prononcées, les difficultés constatées en matière notamment de caractérisation des contenus en cause.

Article 3 bis A
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Article 4 AA

Article 3 bis

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’extension des compétences de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, selon la procédure prévue à l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, au retrait des contenus présentant des traitements inhumains et dégradants, des viols et des situations d’inceste.

TITRE II

PROTECTION DES CITOYENS DANS L’ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE

Article 3 bis
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Article 4 ABA

Article 4 AA

L’article L. 312-9 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Après le mot : « numériques », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « et de l’intelligence artificielle, de tous types de contenus générés par ceux-ci et des réseaux sociaux, aux dérives et aux risques liés à ces outils et aux contenus générés par l’intelligence artificielle ainsi qu’à la lutte contre la désinformation. » ;

2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Cette attestation est obligatoire pour tous les élèves à l’issue de la première année de collège et doit être renouvelée à l’issue de la dernière année de collège.

« Afin de renforcer et de valoriser la culture numérique professionnelle des membres du personnel enseignant et d’éducation, les membres du personnel volontaires peuvent également bénéficier d’une attestation de leurs compétences numériques professionnelles.

« Une information annuelle sur l’apprentissage de la citoyenneté numérique est dispensée au début de chaque année scolaire aux représentants légaux des élèves par un membre de l’équipe pédagogique. Elle comprend notamment des messages d’information relatifs au temps d’utilisation des écrans par les élèves et à l’âge des utilisateurs, une sensibilisation à l’exposition des mineurs aux contenus illicites et à la lutte contre la diffusion de contenus haineux en ligne, une sensibilisation contre la manipulation d’ordre commercial et les risques d’escroquerie en ligne, une sensibilisation à l’usage des dispositifs de signalement des contenus illicites mis à disposition par les plateformes, une sensibilisation à l’interdiction du harcèlement commis dans l’espace numérique ainsi qu’un renvoi aux différentes plateformes et services publics susceptibles de les accompagner.

« Cette formation inclut une sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles commises par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique. »

Article 4 AA
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Article 4 AB

Article 4 ABA

Le deuxième alinéa de l’article L. 611-8 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle comporte également une sensibilisation à la citoyenneté numérique, aux droits et aux devoirs liés à l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux, à la prévention des violences sexistes et sexuelles commises par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique et à l’usage des dispositifs de signalement de contenus illicites mis à disposition par les plateformes. »

Article 4 ABA
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Article 4 AC

Article 4 AB

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les actions de prévention et de sensibilisation au harcèlement, y compris au cyber-harcèlement, mises en place dans les établissements scolaires.

Ce rapport évalue la possibilité de rendre obligatoire une session annuelle de sensibilisation aux enjeux de harcèlement, dont le cyber-harcèlement.

Il évalue également la façon dont la lutte contre le harcèlement, dont le cyber-harcèlement, est incluse dans la formation initiale et la formation continue de l’ensemble des personnels des établissements scolaires.

Article 4 AB
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Article 4 AD

Article 4 AC

I. – L’État se fixe l’objectif qu’au 1er janvier 2027 100 % des Français puissent avoir accès à une identité numérique gratuite.

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur sa capacité à généraliser l’identité numérique pour les Français et les actions et les modifications législatives nécessaires pour mettre en œuvre cette généralisation.

Article 4 AC
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Article 4 A

Article 4 AD

I. – L’État met en place un service agrégeant l’accès à l’ensemble des services publics nationaux et locaux, incluant les organismes de sécurité sociale et les organismes en charge des droits et des prestations sociales, et sécurisant la communication efficace des données entre administrations, organismes et collectivités territoriales. Ce service simplifie la réalisation par les utilisateurs de l’ensemble de leurs démarches administratives et sociales à partir d’une fédération d’identités reconnues pour ces usages. L’identité numérique régalienne, développée par le ministère de l’intérieur, permet notamment l’accès à ce service.

II. – Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant sa mise en œuvre.

III. – Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés détermine les modalités de mise en œuvre du présent article.

Article 4 AD
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Article 4 B

Article 4 A

Après l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 1-3 ainsi rédigé :

« Art. 1-3. – Les producteurs mentionnés à l’article L. 132-23 du code de la propriété intellectuelle qui produisent des contenus à caractère pornographique simulant la commission d’un crime ou d’un délit mentionné au deuxième alinéa du présent article affichent un message avertissant l’utilisateur du caractère illégal des comportements ainsi représentés. Ce message, visible avant tout accès par voie électronique audit contenu puis pendant toute la durée de visionnage, est clair, lisible et compréhensible.

« Le premier alinéa est applicable aux infractions prévues aux paragraphes 1 et 3 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal.

« Le contenu et les modalités de présentation du message prévu au premier alinéa du présent article sont précisés par un décret pris après avis de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

« Tout manquement à l’obligation prévue par le présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

« Tout contenu qui ne fait pas l’objet du message prévu par le présent article est illicite au sens du paragraphe h de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques). »

Article 4 A
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Article 4

Article 4 B

Après l’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, il est inséré un article 6-1-1 A ainsi rédigé :

« Art. 6-1-1 A. – Les fournisseurs de services d’hébergement définis au 2 du I de l’article 6 de la présente loi agissent promptement pour retirer tout contenu pornographique signalé par une personne représentée dans ce contenu comme étant diffusé en violation de l’accord de cession de droits, ou pour rendre l’accès à celui-ci impossible, dès lors que ce signalement est notifié conformément à l’article 16 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE. »

Article 4 B
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Article 4 bis

Article 4

I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :

1° A À la première phrase du premier alinéa du III de l’article 33-1, après la référence : « 43-5 », sont insérés les mots : « ou mentionnés au second alinéa de l’article 43-2 » ;

1° B L’article 33-3 est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Par dérogation aux I et II, les services de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France en application des articles 43-4 et 43-5 ou mentionnés au second alinéa de l’article 43-2 peuvent être diffusés sans formalité préalable. » ;

1° C Au premier alinéa de l’article 42, après le mot : « audiovisuelle », sont insérés les mots : « , les personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne » ;

1° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les éditeurs et les distributeurs de services de communication audiovisuelle, les opérateurs de réseaux satellitaires et les prestataires techniques auxquels ces personnes recourent peuvent être mis en demeure de respecter les obligations imposées par les dispositions prises sur le fondement de l’article 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne portant sur l’interdiction de diffusion de contenus de services de communication audiovisuelle. » ;

2° Le premier alinéa de l’article 42-10 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « ou de la réglementation européenne prise sur le fondement de l’article 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne portant sur l’interdiction de diffusion de contenus de services de communication audiovisuelle » ;

b) À la seconde phrase, après le mot : « satellitaire », sont insérés les mots : « , une personne dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne », après le mot : « télévision », sont insérés les mots : « ou d’un service de médias audiovisuels à la demande » et, après le mot : « France », sont insérés les mots : « ou mentionné au second alinéa de l’article 43-2 » ;

3° L’article 43-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles 1er, 15, 42, 42-1, 42-7 et 42-10 de la présente loi sont applicables aux services de télévision et aux services de médias audiovisuels à la demande diffusés en France et ne relevant pas de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un autre État partie à la convention européenne sur la télévision transfrontière du 5 mai 1989. » ;

4° Au II de l’article 43-7, après le mot : « sens », sont insérés les mots : « du premier alinéa ».

II. – L’article 11 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 11. – I. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre en demeure les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne mentionnées au I de l’article 1-1 de la présente loi et les fournisseurs de services d’hébergement définis au 2 du I de l’article 6 de retirer les contenus ou de faire cesser la diffusion des contenus qui contreviennent aux dispositions prises sur le fondement de l’article 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne portant sur l’interdiction de diffusion de contenus provenant des personnes visées par les sanctions. La personne destinataire de la mise en demeure dispose d’un délai de soixante-douze heures pour présenter ses observations.

« II. – À l’expiration de ce délai, si les contenus n’ont pas été retirés ou si leur diffusion n’a pas cessé, l’autorité peut notifier aux fournisseurs de services d’accès à internet ou aux fournisseurs de systèmes de résolution de nom de domaine définis au II de l’article 12 de la présente loi la liste des adresses électroniques des personnes ayant fait l’objet d’une mise en demeure en application du I du présent article, afin qu’ils empêchent, dans un délai fixé par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’accès à ces adresses. Toutefois, en l’absence d’éléments d’identification des personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne mentionnées au I de l’article 1-1 et des fournisseurs de services d’hébergement définis au 2 du I de l’article 6, l’autorité peut procéder à cette notification sans avoir préalablement demandé le retrait ou la cessation de la diffusion des contenus dans les conditions prévues au I du présent article.

« L’autorité peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent au I du présent article aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement.

« III. – L’autorité peut agir soit d’office, soit sur saisine du ministère public ou de toute personne physique ou morale.

« IV. – En cas de méconnaissance de l’obligation de retirer les contenus ou de faire cesser la diffusion des contenus mentionnés au I du présent article, l’autorité peut prononcer à l’encontre de l’auteur de ce manquement, dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, une sanction pécuniaire dont le montant, fixé en fonction de la gravité du manquement, ne peut excéder 4 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois ou, en l’absence de chiffre d’affaires, 250 000 euros. Ce maximum est porté à 6 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ou, en l’absence de chiffre d’affaires, à 500 000 euros. La méconnaissance de l’obligation d’empêcher l’accès aux adresses notifiées ou de prendre toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne en application du second alinéa du II du présent article peut être sanctionnée dans les mêmes conditions. Dans ce dernier cas, l’amende ne peut toutefois excéder 1 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois ou, en l’absence de chiffre d’affaires, 75 000 euros. Ce maximum est porté à 2 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ou, en l’absence de chiffre d’affaires, à 150 000 euros.

« Lorsque sont prononcées, à l’encontre de la même personne, une amende administrative en application du présent article et une amende pénale en application de l’article 459 du code des douanes en raison des mêmes faits, le montant global des amendes prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.

« V. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. »

Article 4
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Article 5

Article 4 bis

L’article 226-8 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Le mot : « publier » est remplacé par les mots : « porter à la connaissance du public ou d’un tiers » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Est assimilé à l’infraction mentionnée au présent alinéa et puni des mêmes peines le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore généré par un traitement algorithmique et représentant l’image ou les paroles d’une personne, sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un contenu généré algorithmiquement ou s’il n’en est pas expressément fait mention. » ;

2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende lorsque les délits prévus au présent article ont été réalisés en utilisant un service de communication au public en ligne. » ;

3° Au second alinéa, les mots : « le délit prévu par l’alinéa précédent est » sont remplacés par les mots : « les délits prévus au présent article sont ».

Article 4 bis
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Article 5 bis A

Article 5

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 131-35-1 est ainsi rétabli :

« Art. 131-35-1. – I. – Pour les délits mentionnés au II, le tribunal peut ordonner à titre de peine complémentaire la suspension des comptes d’accès à des services en ligne ayant été utilisés pour commettre l’infraction. Le présent alinéa s’applique aux comptes d’accès aux services de plateforme en ligne définis au 4° du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

« La suspension est prononcée pour une durée maximale de six mois ; cette durée est portée à un an lorsque la personne est en état de récidive légale.

« Pendant l’exécution de la peine, il est interdit à la personne condamnée d’utiliser les comptes d’accès aux services de plateforme en ligne ayant fait l’objet de la suspension ainsi que de créer de nouveaux comptes d’accès à ces mêmes services.

« La décision de condamnation mentionnée au premier alinéa du présent I est signifiée aux fournisseurs de services concernés. À compter de cette signification et pour la durée d’exécution de la peine complémentaire, ces derniers procèdent au blocage des comptes faisant l’objet d’une suspension et peuvent mettre en œuvre, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, des mesures strictement nécessaires et proportionnées permettant de procéder au blocage des autres comptes d’accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d’empêcher la création de nouveaux comptes par la même personne.

« Le fait, pour le fournisseur, de ne pas procéder au blocage des comptes faisant l’objet d’une suspension est puni de 75 000 euros d’amende.

« Pour l’exécution de la peine complémentaire mentionnée au premier alinéa du présent I et par dérogation au troisième alinéa de l’article 702-1 du code de procédure pénale, la première demande de relèvement de cette peine peut être portée par la personne condamnée devant la juridiction compétente à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la décision initiale de condamnation.

« II. – Les délits pour lesquels la peine complémentaire mentionnée au I du présent article est encourue sont :

« 1° Les délits prévus aux articles 222-33, 222-33-2, 222-33-2-1, 222-33-2-2 et 222-33-2-3 et au deuxième alinéa de l’article 222-33-3 ;

« 2° Les délits prévus aux articles 225-4-13, 225-5 et 225-6 ;

« 2° bis Les délits prévus aux articles 226-1 à 226-2-1, 226-4-1, 226-8 et 226-8-1 ;

« 3° Les délits prévus aux articles 227-22 à 227-24 ;

« 3° bis Le délit prévu à l’article 223-1-1 ;

« 3° ter (Supprimé)

« 3° quater Les délits de provocation prévus aux articles 211-2, 223-13, 227-18 à 227-21 et 412-8 et au deuxième alinéa de l’article 431-6 ;

« 3° quinquies (nouveau) Les délits prévus aux articles 413-13 et 413-14 ;

« 4° Le délit prévu à l’article 421-2-5 ;

« 4° bis Les délits prévus aux articles 431-1, 433-3 et 433-3-1 ;

« 4° ter Le délit prévu à l’article 223-15-2 ;

« 5° Les délits prévus aux articles 24 et 24 bis, aux deuxième et troisième alinéas de l’article 32 et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

« 6° Le délit prévu à l’article L. 2223-2 du code de la santé publique ;

« 7° (Supprimé)

2° L’article 131-6 est ainsi modifié :

a) Après le 12°, il est inséré un 12° bis ainsi rédigé :

« 12° bis L’interdiction, pour une durée maximale de six mois, d’utiliser les comptes d’accès à des services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ayant été utilisés pour commettre l’infraction, si la personne a été condamnée pour une infraction mentionnée au II de l’article 131-35-1 du code pénal ; »

b) Au dernier alinéa, après la référence : « 12° », est insérée la référence : « , 12° bis » ;

3° Après le 13° de l’article 132-45, il est inséré un 13° bis ainsi rédigé :

« 13° bis S’abstenir, pour une durée maximale de six mois, d’utiliser les comptes d’accès à des services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ayant été utilisés pour commettre l’infraction, si la personne a été condamnée pour une infraction mentionnée au II de l’article 131-35-1 du présent code ; »

4° Le premier alinéa de l’article 434-41 est complété par les mots : « ou d’interdiction d’utiliser les comptes d’accès résultant de la peine complémentaire prévue à l’article 131-35-1 du présent code ».

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le 20° de l’article 41-2, il est inséré un 21° ainsi rédigé :

« 21° Ne pas utiliser, pour une durée qui ne peut excéder six mois, les comptes d’accès à des services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ayant été utilisés pour commettre l’infraction. Le présent alinéa s’applique aux infractions prévues au II de l’article 131-35-1 du code pénal. » ;

1° bis (nouveau) À la quatrième phrase du vingt-neuvième alinéa du même article 41-2, les mots : « vingt-cinquième à vingt-septième » sont remplacés par les mots : « vingt-sixième à vingt-huitième » ;

2° Après le 18° de l’article 138, il est inséré un 19° ainsi rédigé :

« 19° Pour les infractions mentionnées au II de l’article 131-35-1 du code pénal, ne pas utiliser les comptes d’accès à des services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ayant été utilisés pour commettre l’infraction. Cette interdiction est prononcée pour une durée maximale de six mois. »

III. – Le code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° Après le 7° de l’article L. 112-2, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Une interdiction, pour une durée maximale de six mois, d’utiliser les comptes d’accès à des services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ayant été utilisés pour commettre une des infractions mentionnées au II de l’article 131-35-1 du code pénal. Le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention adresse à la victime un avis l’informant de cette mesure ; si la victime est partie civile, cet avis est également adressé à son avocat ; »

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 323-1, la référence : « 7° » est remplacée par la référence : « 7° bis » ;

3° Après le 14° de l’article L. 331-2, il est inséré un 16° ainsi rédigé :

« 16° Pour les infractions mentionnées au II de l’article 131-35-1 du code pénal, ne pas utiliser les comptes d’accès à des services de plateforme en ligne définis au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ayant été utilisés pour commettre l’infraction. Cette interdiction est prononcée pour une durée maximale de six mois. Le juge des enfants, le tribunal pour enfants, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention adresse à la victime un avis l’informant de cette mesure ; si la victime est partie civile, cet avis est également adressé à son avocat. » ;

4° (nouveau) À la seconde phrase du cinquième alinéa de l’article L. 422-4, le mot : « vingt-huitième » est remplacé par le mot : « trentième ».

Article 5
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Article 5 bis B

Article 5 bis A

L’article 312-10 du code pénal est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« La peine d’emprisonnement est portée à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque le chantage est exercé par un service de communication au public en ligne :

« 1° Au moyen d’images ou de vidéos à caractère sexuel ;

« 2° En vue d’obtenir des images ou des vidéos à caractère sexuel. »

Article 5 bis A
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Article 5 bis

Article 5 bis B

I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, un dispositif de médiation des litiges de communication en ligne peut être mis en œuvre par la voie d’une convention entre des associations et les services de réseaux sociaux en ligne, définis à l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Ce dispositif conventionnel offre la possibilité aux utilisateurs de services de réseaux sociaux en ligne de recourir gratuitement à un médiateur en vue de la résolution amiable du litige qui les oppose à un autre utilisateur du fait d’un contenu.

Les associations mentionnées au premier alinéa justifient d’un objet social couvrant les questions de civisme sur Internet.

Les conditions de mise en œuvre de ce dispositif sont librement définies dans la convention agréée entre les associations et les services de réseaux sociaux.

II. – Au plus tard le 31 mai 2027, les services de réseaux sociaux en ligne et les associations parties à l’accord rendent public, après consultation de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, un rapport d’évaluation de ce dispositif.

Article 5 bis B
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Article 5 ter A

Article 5 bis

Après la section 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :

« Section 4 bis

« De loutrage en ligne

« Art. 222-33-1-2. – I. – Est puni de 3 750 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement le fait, hors les cas prévus aux articles 222-17 à 222-18-1, 222-33-1 et 222-33-2 à 222-33-2-3 du présent code et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de diffuser en ligne tout contenu qui soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

« Est considéré comme diffusé en ligne au sens du présent article tout contenu transmis au moyen d’un service de plateforme en ligne défini au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, d’un service de réseaux sociaux en ligne ou d’un service de plateformes de partage de vidéo au sens du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828.

« Les personnes reconnues coupables du délit prévu au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La peine de stage prévue aux 1°, 4°, 5° ou 7° de l’article 131-5-1 du présent code ;

« 2° L’interdiction d’utiliser un compte d’accès à un service en ligne prévue au 12° bis de l’article 131-6 ; cette interdiction est prononcée pour une durée de six mois au plus.

« II. – Pour le délit prévu au I du présent article, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 300 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 600 euros.

« Art. 222-33-1-3. – I. – L’infraction définie à l’article 222-33-1-2 est punie de 7 500 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement lorsqu’elle est commise :

« 1° Par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

« 2° Sur un mineur ;

« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse est apparente ou connue de son auteur ;

« 4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

« 5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;

« 6° En raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime ;

« 7° Par une personne qui commet la même infraction en état de récidive dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 132-11.

« II. – Pour le délit prévu au I du présent article, y compris en cas de récidive, l’action publique peut être éteinte, dans les conditions prévues aux articles 495-17 à 495-25 du code de procédure pénale, par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 600 euros. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 500 euros et le montant de l’amende forfaitaire majorée est de 1 200 euros. »

Article 5 bis
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Article 5 ter

Article 5 ter A

L’article 131-5-1 du code pénal est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° Le stage de sensibilisation au respect des personnes dans l’espace numérique et à la prévention des infractions commises en ligne, dont le cyber-harcèlement. »

Article 5 ter A
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Article 5 quater A

Article 5 ter

Après l’article 226-8 du code pénal, il est inséré un article 226-8-1 ainsi rédigé :

« Art. 226-8-1. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, le montage à caractère sexuel réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement. Est assimilé à l’infraction mentionnée au présent alinéa et puni des mêmes peines le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers, par quelque voie que ce soit, un contenu visuel ou sonore à caractère sexuel généré par un traitement algorithmique et reproduisant l’image ou les paroles d’une personne, sans son consentement.

« Lorsque le délit prévu au premier alinéa est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

« Les peines prévues au premier alinéa sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque la publication du montage ou du contenu généré par un traitement algorithmique a été réalisée en utilisant un service de communication au public en ligne. »

Article 5 ter
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Article 5 quater B

Article 5 quater A

Le deuxième alinéa de l’article L. 611-8 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle comporte également une sensibilisation aux addictions comportementales au numérique. »

Article 5 quater A
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Articles 5 quater et 5 quinquies

Article 5 quater B

I. – Le titre II du livre III du code des postes et des communications électroniques est complété par un article L. 136 ainsi rétabli :

« Art. L. 136. – Il est institué une réserve citoyenne du numérique ayant pour objet de concourir à la transmission des valeurs de la République, au respect de l’ordre public, à la lutte contre la haine dans l’espace numérique et à des missions d’éducation, d’inclusion et d’amélioration de l’information en ligne.

« La réserve citoyenne du numérique fait partie de la réserve civique prévue par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Elle est régie par le présent code et, pour autant qu’ils n’y sont pas contraires, par les articles 1er à 5 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 précitée.

« Tout membre de la réserve citoyenne du numérique qui acquiert, dans l’exercice de sa mission, la connaissance d’un délit ou qui constate l’existence d’un contenu illicite au sens du paragraphe h de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements qui y sont relatifs.

« L’autorité de gestion ainsi que les conditions d’admission et de fonctionnement de la réserve citoyenne du numérique sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Les périodes d’emploi au titre de la réserve citoyenne du numérique n’ouvrent droit à aucune indemnité ou allocation. »

II. – Après le 6° de l’article 1er de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2022-1336 du 19 octobre 2022 relative aux droits sociaux des personnes détenues, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° La réserve citoyenne du numérique prévue à l’article L. 136 du code des postes et des communications électroniques. »

Article 5 quater B
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Article 6

Articles 5 quater et 5 quinquies

(Supprimés)

Articles 5 quater et 5 quinquies
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Article 6 bis

Article 6

L’article 12 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 12. – I. – Lorsque l’un de ses agents spécialement désignés et habilités à cette fin constate qu’un service de communication au public en ligne est manifestement conçu pour réaliser des opérations constituant les infractions mentionnées aux articles 226-4-1, 226-18 et 323-1 du code pénal et à l’article L. 163-4 du code monétaire et financier ou l’escroquerie, au sens de l’article 313-1 du code pénal, consistant à mettre en ligne ou à diriger l’utilisateur vers une interface dont les caractéristiques sont de nature à créer la confusion avec l’interface en ligne d’un service existant et d’inciter ainsi l’utilisateur de cette interface, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à fournir des données à caractère personnel ou à verser une somme d’argent, l’autorité administrative met en demeure la personne dont l’activité est d’éditer le service de communication au public en ligne en cause, sous réserve qu’elle ait mis à disposition les informations mentionnées à l’article 1-1 de la présente loi, de cesser les opérations constituant l’infraction constatée. Elle l’informe également de la mesure conservatoire mentionnée au deuxième alinéa du présent I prise à son encontre et l’invite à lui adresser ses observations dans un délai de cinq jours à compter de la notification de cette mesure.

« Simultanément, l’autorité administrative notifie l’adresse électronique du service concerné aux fournisseurs de navigateurs internet, au sens du 11 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques), aux fins de la mise en œuvre de mesures conservatoires.

« La personne destinataire d’une notification prend sans délai, à titre conservatoire, toute mesure utile consistant à afficher un message avertissant l’utilisateur du risque de préjudice encouru en cas d’accès à cette adresse. Ce message est clair, lisible, unique et compréhensible et permet aux utilisateurs d’accéder à un site internet officiel défini par le décret mentionné au V du présent article.

« Cette mesure conservatoire est mise en œuvre pendant une durée de sept jours à compter de la notification de cette mesure.

« Lorsque l’autorité administrative, le cas échéant après avoir pris connaissance des observations de la personne dont l’activité est d’éditer le service de communication au public en ligne en cause, estime que le constat mentionné au premier alinéa du présent I n’est plus valable, elle demande sans délai à la personne destinataire d’une notification de mettre fin aussitôt aux mesures conservatoires.

« I bis. – (Supprimé)

« II. – Lorsque la personne dont l’activité est d’éditer le service de communication au public en ligne en cause n’a pas mis à disposition les informations mentionnées à l’article 1-1, lorsque celles-ci ne permettent pas de la contacter ou lorsqu’au terme du délai mentionné au premier alinéa du I du présent article, le cas échéant après que cette personne a fait valoir ses observations, il apparaît que le constat mentionné au même premier alinéa est toujours valable, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, enjoindre aux fournisseurs de services d’accès à internet ou aux fournisseurs de systèmes de résolution de noms de domaine de prendre sans délai toute mesure utile destinée à empêcher l’accès à l’adresse de ce service pour une durée maximale de trois mois. Dans les mêmes conditions, elle peut enjoindre aux fournisseurs de navigateurs internet, au sens du 11 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 précité, d’afficher sans délai un message clair, lisible, unique et compréhensible avertissant les utilisateurs qui tentent d’accéder au service concerné du préjudice encouru, subordonnant l’accès à ce service à une confirmation explicite de l’utilisateur et lui permettant d’accéder au site internet officiel défini par le décret mentionné au V du présent article, pour une durée maximale de trois mois.

« Les utilisateurs des services de communication au public en ligne dont l’accès est empêché en application des mesures mentionnées au premier alinéa du présent II sont dirigés vers une page d’information indiquant les motifs de la décision de l’autorité administrative et mentionnant le site internet officiel défini par le décret prévu au V du présent article.

« Au terme de la durée prescrite au même premier alinéa, la mesure prise sur le fondement dudit premier alinéa peut être prolongée de six mois au plus. Une prolongation supplémentaire de six mois peut être décidée.

« Pour l’application du même premier alinéa, on entend par fournisseur de systèmes de résolution de noms de domaine toute personne mettant à disposition un service permettant la traduction d’un nom de domaine en un numéro unique identifiant un appareil connecté à internet.

« Les décisions prises en application des premier et troisième alinéas du présent II sont notifiées par l’autorité administrative, sous la réserve mentionnée au premier alinéa du I, à la personne dont l’activité est d’éditer le service de communication au public en ligne en cause.

« L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent au même I aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement.

« L’autorité administrative peut à tout instant demander aux fournisseurs mentionnés au premier alinéa du présent II de mettre fin aux mesures mentionnées au même premier alinéa lorsque le constat sur lequel elles étaient fondées n’est plus valable.

« III. – L’autorité administrative transmet sans délai les demandes mentionnées aux I et II ainsi que les adresses électroniques des services de communication en ligne concernés à une personnalité qualifiée désignée en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour la durée de son mandat au sein de la commission. La personnalité qualifiée s’assure du caractère justifié des mesures et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste des adresses électroniques concernées. Elle peut saisir le collège de la Commission nationale de l’informatique et des libertés lorsque l’enjeu le justifie. Elle peut, à tout moment, enjoindre à l’autorité administrative de mettre fin aux mesures qu’elle a prises sur le fondement des mêmes I et II.

« Lorsque la personne dont l’activité est d’éditer le service de communication au public en ligne en cause saisit la personnalité qualifiée d’un recours administratif dans les conditions fixées par le décret mentionné au V, la mesure prise sur le fondement des I ou II est suspendue le temps de l’instruction de ce recours par la personnalité qualifiée.

« La personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d’activité, annexé au rapport public prévu à l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, qui comporte des éléments relatifs notamment :

« 1° Au nombre et aux motifs des mesures conservatoires demandées en application du I du présent article ;

« 2° Au nombre, aux motifs et à la nature des mesures demandées en application du II ;

« 3° Au nombre d’adresses de services de communication au public en ligne concernées ;

« 4° Au nombre et à la nature des recommandations formulées à l’égard de l’autorité administrative ;

« 5° Au nombre de recours administratifs dont elle a été saisie, aux délais moyens d’instruction de ces recours et aux issues qui leur ont été réservées ;

« 6° Aux moyens nécessaires à l’amélioration de ses conditions d’exercice.

« III bis. – Les adresses électroniques des services de communication au public en ligne faisant l’objet des demandes mentionnées aux I et II sont rendues publiques par l’autorité administrative dans un format ouvert soixante-douze heures après l’envoi de la notification ou de l’injonction, dans une liste unique mise à jour régulièrement.

« IV. – Tout manquement aux obligations définies au présent article par la personne destinataire d’une notification ou d’une injonction de l’autorité administrative est puni des peines prévues au 3 du IV de l’article 6.

« V. – Les modalités d’application du présent article, notamment la désignation de l’autorité administrative compétente ainsi que le contenu et les modalités de présentation des messages d’avertissement mentionnés aux I et II, sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

Article 6
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Article 7

Article 6 bis

I. – Après l’article 15-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 15-2 ainsi rédigé :

« Art. 15-2. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille à l’adoption, par les services de très grandes plateformes en ligne, au sens du i de l’article 3 du règlement 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), des chartes prévues au II de l’article 6 bis de la loi n° … du … visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

« Elle publie un bilan périodique de l’application et de l’effectivité de ces chartes. À cette fin, elle recueille auprès de ces services, dans les conditions fixées à l’article 19 de la présente loi, toutes les informations nécessaires à l’élaboration de ce bilan. »

II. – Les services de très grandes plateformes en ligne, au sens du i de l’article 3 du règlement 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), adoptent des chartes de suivi et de soutien des modérateurs de contenus en ligne qui ont notamment pour objet :

1° De fournir une formation complète aux modérateurs pour les préparer aux défis liés à leur travail de modération de contenus en ligne ;

2° De sensibiliser les modérateurs aux risques pour leur santé mentale et de les informer des ressources de soutien disponibles ;

3° De mettre en place un programme de soutien psychologique accessible à tous les modérateurs et de prévoir la possibilité de séances individuelles avec des professionnels de la santé mentale pour discuter de leurs expériences et de leurs émotions liées à leur travail ;

4° De prévoir une rotation des tâches pour éviter de surcharger les modérateurs avec des contenus difficiles et éprouvants ;

5° D’encourager la formation de groupes de soutien entre les modérateurs, où ils pourront partager leurs expériences, s’entraider et se soutenir mutuellement ;

6° D’élaborer des politiques de bien-être au travail spécifiquement adaptées aux besoins des modérateurs qui visent à assurer un environnement de travail sain et favorable à leur santé mentale ;

7° De reconnaître publiquement et régulièrement le travail effectué par les modérateurs pour assurer la sécurité et la qualité des contenus en ligne et récompenser leur contribution positive à la protection de tous les usagers des plateformes de services en ligne ;

8° De respecter la confidentialité des échanges entre les modérateurs et les professionnels de soutien psychologique, sauf en cas de signalement de situations critiques nécessitant une intervention appropriée ;

9° De procéder régulièrement à une évaluation de l’efficacité des programmes de suivi et de soutien en prenant en compte les commentaires et les suggestions des modérateurs.

TITRE III

RENFORCER LA CONFIANCE ET LA CONCURRENCE DANS L’ÉCONOMIE DE LA DONNÉE

Chapitre Ier

Pratiques commerciales déloyales entre entreprises sur le marché de l’informatique en nuage

Article 6 bis
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Article 7 bis

Article 7

I. – La section 2 du chapitre II du titre IV du livre IV du code de commerce est complétée par un article L. 442-12 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-12. – I. – Pour l’application du présent article, on entend par :

« 1° “Service d’informatique en nuage” : un service numérique, fourni à un client, qui permet un accès par réseau en tout lieu et à la demande à un ensemble partagé de ressources informatiques configurables, modulables et variables de nature centralisée, distribuée ou fortement distribuée, qui peuvent être rapidement mobilisées et libérées avec un minimum d’efforts de gestion ou d’interaction avec le fournisseur de services ;

« 2° “Avoir d’informatique en nuage” : un avantage octroyé par un fournisseur de services d’informatique en nuage à un client, défini au 3° du présent I, utilisable sur ses différents services, sous la forme d’un montant de crédits offerts ou d’une quantité de services offerts ;

« 3° (nouveau) “Client” : une personne physique ou morale qui a noué une relation contractuelle avec un fournisseur de services d’informatique en nuage dans le but d’utiliser un ou plusieurs de ses services d’informatique en nuage ;

« 4° “Autopréférence” : le fait, pour un fournisseur de services d’informatique en nuage qui fournit également des logiciels, de fournir un logiciel à un client par le biais des services d’un fournisseur de services d’informatique en nuage tiers dans des conditions tarifaires et fonctionnelles qui diffèrent sensiblement de celles dans lesquelles le fournisseur fournit ce même logiciel par le biais de son propre service d’informatique en nuage, lorsque ces différences de tarifs et de fonctionnalités ne sont pas justifiées.

« II. – Un fournisseur de services d’informatique en nuage ne peut octroyer un avoir d’informatique en nuage à une personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services que pour une durée limitée.

« L’octroi d’un avoir d’informatique en nuage ne peut être assorti d’une condition d’exclusivité, de quelque nature que ce soit, du bénéficiaire vis-à-vis du fournisseur de cet avoir.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent II, notamment les différents types d’avoirs d’informatique en nuage. Il définit pour chacun d’eux une durée de validité maximale, qui ne peut excéder un an y compris si l’octroi de cet avoir est renouvelé.

« III. – (Supprimé)

« IV. – Toute conclusion d’un contrat en violation du II est punie d’une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 200 000 euros pour une personne physique et un million d’euros pour une personne morale. Le maximum de l’amende encourue est porté à 400 000 euros pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

« V. – Il est interdit à toute personne de subordonner la vente d’un produit ou d’un service à la conclusion concomitante d’un contrat de fourniture de services d’informatique en nuage dès lors que celle-ci constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 121-1 du code de la consommation.

« VI. – L’Autorité de la concurrence peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé du numérique ou de toute personne morale concernée, se saisir de tout signalement effectué vis-à-vis des pratiques d’autopréférence. Elle les sanctionne ou adopte toute mesure nécessaire, le cas échéant, sur le fondement des titres II et VI du présent livre. L’Autorité de la concurrence dispose, pour la mise en œuvre de ces dispositions, des pouvoirs qui lui sont reconnus au titre V du présent livre. »

II. – Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’Autorité de la concurrence remet au Parlement et au Gouvernement un rapport présentant son activité au titre de la pratique d’autopréférence et des améliorations procédurales ou législatives éventuelles.

Article 7
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Article 8

Article 7 bis

I. – Pour l’application du présent article et des chapitres II et II bis du présent titre, on entend par :

1° « Service d’informatique en nuage » : le service défini au 1° du I de l’article L. 442-12 du code de commerce ;

2° « Frais de transfert de données » : les frais facturés par un fournisseur de services d’informatique en nuage à un client pour l’extraction, par un réseau, des données de ce client depuis l’infrastructure du fournisseur de services d’informatique en nuage vers les systèmes d’un autre fournisseur ou vers une infrastructure sur site ;

3° « Frais de changement de fournisseur » : les frais, autres que les frais de service standard ou les pénalités de résiliation anticipée, imposés par un fournisseur de services d’informatique en nuage à un client pour les actions réalisées pour changer de fournisseur en passant au système d’un fournisseur différent ou à une infrastructure sur site, y compris les frais de transfert des données ;

4° « Client » : le client défini au 3° du I de l’article L. 442-12 du code de commerce.

II. – Il est interdit à tout fournisseur de services d’informatique en nuage de facturer, dans le cadre des contrats qu’il conclut avec un client, des frais de transfert de données définis au I du présent article dans le cadre d’un changement de fournisseur supérieurs aux coûts supportés par le fournisseur et directement liés à ce changement.

III. – Il est interdit à tout fournisseur de services d’informatique en nuage de facturer, dans le cadre des contrats qu’il conclut avec un client, des frais de changement de fournisseur, autres que ceux mentionnés au 2° du I, supérieurs aux coûts supportés par le fournisseur et directement liés à ce changement.

IV. – Il est interdit à tout fournisseur de services d’informatique en nuage de facturer, dans le cadre des contrats qu’il conclut avec un client, des frais de transfert de données supérieurs aux coûts supportés par chaque fournisseur et directement liés à ce transfert lorsque le client recourt de manière simultanée à plusieurs fournisseurs de services.

V. – Pour l’application des règles énoncées au II, les frais de transfert de données doivent être facturés dans le respect d’un montant maximal de tarification fixé par arrêté du ministre chargé du numérique après proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

VI. – Après consultation publique, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse adopte des lignes directrices portant sur les coûts susceptibles d’être pris en compte dans la détermination des frais de changement de fournisseur de services d’informatique en nuage mentionnés au III et des frais de transfert de données mentionnés au IV.

VII. – Les fournisseurs de services d’informatique en nuage communiquent aux clients et aux potentiels clients de façon claire et compréhensible, notamment avant la signature du contrat, des informations sur les frais de transfert de données et de changement de fournisseur, y compris sur la nature et le montant de ces frais. Ils informent leurs clients de toute évolution relative à ces informations pendant toute la durée du contrat.

Pour les contrats conclus à compter de la promulgation de la présente loi, la nature et le montant de ces frais éventuels doivent être mentionnés dans le contrat.

Pour les contrats en cours à la date de la promulgation de la présente loi, les fournisseurs de services d’informatique en nuage informent expressément leurs clients de la nature et du montant des frais de transfert de données et de changement de fournisseur qui leur sont imputables dans le cadre du contrat.

VII bis. – (Supprimé)

VIII. – Les obligations définies au présent article ne s’appliquent pas aux services suivants :

1° Les services d’informatique en nuage dont la majorité des caractéristiques principales ont été conçues sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques d’un client particulier ou dont tous les composants ont été développés pour les besoins d’un client spécifique et qui ne sont pas offerts à grande échelle sur le plan commercial par l’intermédiaire du catalogue de services du fournisseur de services d’informatique en nuage ;

2° Les services d’informatique en nuage fournis en tant que version non destinée à la production à des fins d’essai et d’évaluation et pour une durée limitée.

Avant la conclusion d’un contrat, le fournisseur de services indique au client potentiel si les services fournis relèvent des 1° ou 2° du présent VIII.

Chapitre II

Interopérabilité des services d’informatique en nuage

Article 7 bis
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Article 9

Article 8

I. – Pour l’application du présent chapitre, on entend par :

1° (Supprimé)

2° « Actifs numériques » : tous les éléments au format numérique, y compris des applications, sur lesquels le client d’un service d’informatique en nuage a un droit d’utilisation, indépendamment de la relation contractuelle que le client a avec le service d’informatique en nuage qu’il a l’intention de quitter ;

3° « Équivalence fonctionnelle » : le rétablissement, sur la base des données exportables et des actifs numériques du client, d’un niveau minimal de fonctionnalité dans l’environnement d’un nouveau service d’informatique en nuage du même type de service après le changement de fournisseur, lorsque le service de destination fournit des résultats sensiblement comparables en réponse à la même entrée pour les fonctionnalités partagées fournies au client en application d’un accord contractuel ;

4° « Données exportables » : les données d’entrée et de sortie, y compris les métadonnées, générées directement ou indirectement ou cogénérées par le client par l’utilisation du service d’informatique en nuage, à l’exclusion de tout actif ou des données du fournisseur de services d’informatique en nuage ou d’un tiers, lorsque cet actif ou ces données sont protégés au titre de la propriété intellectuelle ou du secret des affaires.

II. – Les fournisseurs de services d’informatique en nuage assurent la conformité de leurs services aux exigences essentielles :

1° D’interopérabilité, dans des conditions sécurisées, avec les services du client ou avec ceux fournis par d’autres fournisseurs de services d’informatique en nuage pour le même type de service ;

2° De portabilité des actifs numériques et des données exportables, dans des conditions sécurisées, vers les services du client ou vers ceux fournis par d’autres fournisseurs de services d’informatique en nuage couvrant le même type de service ;

3° De mise à disposition gratuite aux clients et aux fournisseurs de services tiers désignés par ces utilisateurs à la fois d’interfaces de programmation d’applications nécessaires à la mise en œuvre de l’interopérabilité et de la portabilité mentionnées aux 1° et 2° du présent II et d’informations suffisamment détaillées sur le service d’informatique en nuage concerné pour permettre aux clients ou aux services de fournisseurs tiers de communiquer avec ce service, à l’exception des services qui relèvent des services mentionnés au III de l’article 9.

Article 8
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Article 10

Article 9

I. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse précise les règles et les modalités de mise en œuvre des exigences mentionnées au II de l’article 8, notamment par l’édiction de spécifications d’interopérabilité et de portabilité. Elle peut, à cet effet, demander à un ou plusieurs organismes de normalisation de lui faire des propositions.

Pour l’édiction de ces spécifications, l’autorité mentionnée au premier alinéa du présent I fait la distinction entre, d’une part, les services correspondant à des ressources informatiques modulables et variables limitées à des éléments d’infrastructure tels que les serveurs, les réseaux et les ressources virtuelles nécessaires à l’exploitation de l’infrastructure, sans donner accès aux services, logiciels et applications d’exploitation qui sont stockés, traités ou déployés sur ces éléments d’infrastructure et, d’autre part, les autres services d’informatique en nuage. Elle veille également à la bonne articulation de ces spécifications avec celles éventuellement édictées par les autorités compétentes des autres États membres de l’Union européenne ou figurant au sein des codes de conduite européens relatifs aux services d’informatique en nuage.

II. – Lorsque les exigences mentionnées au II de l’article 8 sont précisées dans les conditions définies au I du présent article, les fournisseurs de services d’informatique en nuage assurent la conformité de leurs services à ces exigences et à ces modalités.

Ils publient et mettent à jour régulièrement une offre de référence technique d’interopérabilité précisant les conditions de mise en conformité de leurs services avec les exigences mentionnées au II de l’article 8, précisées, le cas échéant, par les décisions de l’autorité mentionnée au I du présent article.

III. – Les fournisseurs de services d’informatique en nuage dont les services correspondent à des ressources informatiques modulables et variables limitées à des éléments d’infrastructure tels que les serveurs, les réseaux et les ressources virtuelles nécessaires à l’exploitation de l’infrastructure, sans donner accès ni aux services, ni aux logiciels, ni aux applications d’exploitation qui sont stockés, traités ou déployés sur ces éléments d’infrastructure, prennent les mesures raisonnables en leur pouvoir afin de faciliter une équivalence fonctionnelle dans l’utilisation du service de destination, lorsqu’il couvre le même type de fonctionnalités.

III bis. – Les obligations définies au premier alinéa du II et au III ne s’appliquent pas aux services d’informatique en nuage dont la majorité des caractéristiques principales ont été conçues sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques d’un client particulier ou dont tous les composants ont été développés pour les besoins d’un client spécifique et qui ne sont pas offerts à grande échelle sur le plan commercial par l’intermédiaire du catalogue de services du fournisseur de services d’informatique en nuage.

Les obligations définies à l’article 8 et au présent article ne s’appliquent pas aux services d’informatique en nuage fournis en tant que version non destinée à la production à des fins d’essai et d’évaluation pour une durée limitée.

Avant la conclusion d’un contrat, le fournisseur de services indique au client potentiel si les exemptions aux obligations prévues à l’article 8 et au présent article s’appliquent aux services fournis.

IV. – Les conditions d’application du présent article et le délai de précision des règles et des modalités de mise en œuvre des exigences mentionnées au II de l’article 8 sont précisés par un décret pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

Article 9
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Article 10 bis A

Article 10

I. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de ses missions et sur la base d’une décision motivée :

1° Recueillir auprès des personnes physiques ou morales fournissant des services d’informatique en nuage les informations ou les documents nécessaires pour s’assurer du respect par ces personnes des obligations mentionnées aux articles 7 bis à 9 ;

2° Procéder à des enquêtes auprès de ces mêmes personnes.

Ces enquêtes sont menées dans les conditions prévues aux II à IV de l’article L. 32-4 et à l’article L. 32-5 du code des postes et des communications électroniques.

L’autorité veille à ce que les informations recueillies en application du présent article ne soient pas divulguées lorsqu’elles sont protégées par l’un des secrets mentionnés aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration.

II. – En cas de désaccord sur le respect par le fournisseur de services d’informatique en nuage des interdictions et des obligations mentionnées aux II à IV et VII de l’article 7 bis, au II de l’article 8 et aux II et III de l’article 9 de la présente loi, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut être saisie du différend dans les conditions prévues à l’article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques.

Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d’ordre technique et financier, de mise en œuvre des interdictions et des obligations mentionnées aux II à IV et VII de l’article 7 bis, au II de l’article 8 et aux II et III de l’article 9 de la présente loi.

III. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé du numérique, d’une organisation professionnelle, d’une association agréée d’utilisateurs ou de toute personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements aux obligations mentionnées aux articles 7 bis, 8 et 9 qu’elle constate de la part d’un fournisseur de services d’informatique en nuage.

Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions prévues à l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques. Par dérogation aux quatrième à dixième alinéas du III du même article L. 36-11, la formation restreinte de l’autorité mentionnée à l’article L. 130 du même code peut prononcer à l’encontre du fournisseur de services d’informatique en nuage en cause une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

IV. – Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse saisit l’Autorité de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le secteur de l’informatique en nuage. Cette saisine s’effectue dans les conditions prévues à l’article L. 36-10 du code des postes et des communications électroniques.

Chapitre II bis A

Protection des données stratégiques et sensibles sur le marché de l’informatique en nuage

Article 10
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Article 10 bis B

Article 10 bis A

I et II. – (Supprimés)

III. – Lorsque les administrations de l’État, ses opérateurs dont la liste est annexée au projet de loi de finances, ou les groupements d’intérêt public comprenant les administrations ou les opérateurs mentionnés précédemment et dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, ont recours à un service d’informatique en nuage fourni par un prestataire privé pour la mise en œuvre de systèmes ou d’applications informatiques, ils respectent les dispositions du présent article.

Si le système ou l’application informatique concerné traite de données d’une sensibilité particulière, définies au IV, qu’elles soient à caractère personnel ou non, et si sa violation est susceptible d’engendrer une atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique, à la santé ou à la vie des personnes ou à la protection de la propriété intellectuelle, l’administration de l’État, ses opérateurs et les groupements mentionnés au III veillent à ce que le service d’informatique en nuage fourni par le prestataire privé mette en œuvre des critères de sécurité et de protection des données garantissant notamment la protection des données traitées ou stockées contre tout accès par des autorités publiques d’États tiers non autorisé par le droit de l’Union ou d’un État membre.

IV. – Sont qualifiées de données d’une sensibilité particulière au sens du III :

1° Les données qui relèvent de secrets protégés par la loi, notamment au titre des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration ;

2° Les données nécessaires à l’accomplissement des missions essentielles de l’État, notamment la sauvegarde de la sécurité nationale, le maintien de l’ordre public et la protection de la santé et de la vie des personnes.

V. – Lorsque, à la date d’entrée en vigueur du présent article, l’administration de l’État, son opérateur ou le groupement mentionné au III a déjà engagé un projet nécessitant le recours à un service d’informatique en nuage, cette administration, cet opérateur ou ce groupement peut solliciter une dérogation au présent article.

bis (nouveau). – Les dispositions du III s’appliquent au groupement mentionné à l’article L. 1462-1 du code de la santé publique.

VI. – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les critères de sécurité et de protection, y compris en termes de détention du capital, des données mentionnés au III. Ce décret précise également les conditions dans lesquelles une dérogation motivée et rendue publique peut être accordée sous la responsabilité du ministre dont relève le projet déjà engagé et après validation du Premier ministre, sans que cette dérogation ne puisse aller au-delà de 18 mois après la date à laquelle une offre de services d’informatique en nuage acceptable est disponible en France, et fixe éventuellement les critères selon lesquels une telle offre peut être considérée comme acceptable.

VII (nouveau). – Dans un délai de dix-huit mois à compter la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les moyens supplémentaires pouvant être pris afin de rehausser le niveau de notre protection collective face aux risques et aux menaces que les législations extraterritoriales peuvent faire peser sur les données qualifiées d’une sensibilité particulière par le présent article ainsi que sur les données de santé à caractère personnel. Ce rapport évalue également l’opportunité et la faisabilité de soumettre les fournisseurs de services d’informatique en nuage établis en dehors de l’Union européenne à un audit de chiffrement certifié par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.

Article 10 bis A
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Article 10 bis

Article 10 bis B

I. – Le II de l’article L. 1111-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Si l’hébergeur de données mentionnées au premier alinéa du I conserve des données dans le cadre d’un service d’archivage électronique, il est soumis à l’obligation mentionnée au premier alinéa du présent II. »

II (nouveau). – Le 2° du I entre en vigueur à une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure au 1er juillet 2025.

III (nouveau). – Le IV de l’article L. 1111-8 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« IV. – La nature des prestations d’hébergement mentionnées aux II et III, les rôles et les responsabilités de l’hébergeur et des personnes physiques ou morales pour le compte desquelles les données de santé à caractère personnel sont conservées, les obligations de l’hébergeur en matière de stockage de ces données sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ainsi que les stipulations devant figurer dans le contrat mentionné au I, y compris concernant les mesures prises face aux risques de transfert ou d’accès non autorisé de ces données par des États tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen, sont précisés par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et des conseils nationaux de l’ordre des professions de santé. »

Chapitre II bis

Transparence sur le marché de l’informatique en nuage

Article 10 bis B
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Article 10 ter

Article 10 bis

I. – (Supprimé)

bis. – Les fournisseurs de services d’informatique en nuage publient et tiennent à jour sur leur site internet les informations suivantes :

1° Les informations relatives aux juridictions compétentes eu égard à l’infrastructure déployée pour le traitement des données dans le cadre de leurs différents services ;

2° Une description générale des mesures techniques, organisationnelles et contractuelles mises en œuvre par le fournisseur de services d’informatique en nuage afin d’empêcher tout accès non autorisé aux données à caractère non personnel détenues dans l’Union européenne ou le transfert de ces données par des États tiers, dans les cas où ce transfert ou cet accès est contraire au droit européen ou au droit national.

Les sites internet mentionnés au premier alinéa du présent I bis sont mentionnés dans les contrats de tous les services d’informatique en nuage offerts par les fournisseurs de services d’informatique en nuage.

II. – Les fournisseurs de services d’informatique en nuage publient des informations sur l’empreinte environnementale de leurs services, notamment en matière d’empreinte carbone, de consommation d’eau et de consommation d’énergie.

III. – Un décret précise le contenu, les modalités d’application et les délais de mise en œuvre de l’obligation mentionnée au II ainsi que les seuils d’activité en deçà desquels les fournisseurs de services d’informatique en nuage n’y sont pas assujettis.

Article 10 bis
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Article 10 quater (nouveau)

Article 10 ter

Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° L’article L. 32 est complété par un 34° ainsi rédigé :

« 34° Services d’informatique en nuage.

« On entend par service d’informatique en nuage un service numérique, fourni à un client, qui permet un accès par réseau en tout lieu et à la demande à un ensemble partagé de ressources informatiques configurables, modulables et variables partagées et de nature centralisée, distribuée ou fortement distribuée, qui peuvent être rapidement mobilisées et libérées avec un minimum d’efforts de gestion ou d’interaction avec le fournisseur de services. » ;

2° Au 2° ter du I de l’article L. 32-4, les mots : « et des fournisseurs de systèmes d’exploitation » sont remplacés par les mots : « , des fournisseurs de systèmes d’exploitation et des fournisseurs de services d’informatique en nuage » ;

3° Au 8° de l’article L. 36-6, les mots : « et des services de communications électroniques, » sont remplacés par les mots : « des services de communications électroniques et des services d’informatique en nuage » ;

4° L’article L. 36-11 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « exploitation, », sont insérés les mots : « des fournisseurs de services d’informatique en nuage, » ;

b) Le I est ainsi modifié :

– au premier alinéa, après le mot : « exploitation, », sont insérés les mots : « un fournisseur de services d’informatique en nuage, » ;

– au sixième alinéa, après le mot : « réseaux, », sont insérés les mots : « le fournisseur de services d’informatique en nuage, » ;

c) À la première phrase du II, après le mot : « exploitation, », sont insérés les mots : « un fournisseur de services d’informatique en nuage, » ;

d) À la première phrase du dixième alinéa du III, les mots : « ou du fournisseur de système d’exploitation » sont remplacés par les mots : « , du fournisseur de systèmes d’exploitation ou du fournisseur de services d’informatique en nuage ».

Article 10 ter
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Article 11

Article 10 quater (nouveau)

I. – Les dispositions des paragraphes I, II et IV de l’article 7, des articles 7 bis à 10 et de l’article 10 bis s’appliquent aux fournisseurs de services d’informatique en nuage établis en France ou hors de l’Union européenne.

II. – Lorsque les conditions mentionnées au a) du paragraphe 4 de l’article 3 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sont remplies et au terme de la procédure prévue au b) du paragraphe 4 ou, le cas échéant, au paragraphe 5 du même article 3, les dispositions prévues aux paragraphes I, II et IV de l’article 7, aux articles 7 bis à 10 et à l’article 10 bis s’appliquent également aux fournisseurs de services d’informatique en nuage établis dans un autre État membre de l’Union européenne, dans un délai qui ne peut être supérieur à un an à compter de la publication de l’arrêté du ministre chargé du numérique. L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut proposer au ministre la désignation de ces personnes et fournit à l’appui tous les éléments de nature à justifier sa proposition. L’arrêté est pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, sauf lorsqu’il fait suite à une proposition de l’Autorité portant sur chacun des fournisseurs désignés par cet arrêté.

Chapitre III

Régulation des services d’intermédiation de données

Article 10 quater (nouveau)
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Article 12

Article 11

L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse est l’autorité compétente en matière de services d’intermédiation de données, en application de l’article 13 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données).

L’autorité est consultée sur les projets de lois et de décrets relatifs aux services d’intermédiation de données. Elle est associée, à la demande du ministre chargé du numérique, à la préparation de la position française dans les négociations internationales dans le domaine des services d’intermédiation de données. Elle participe, à la demande du même ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et européennes compétentes en ce domaine.

Afin de veiller à une application coordonnée et cohérente de la réglementation, l’autorité participe au comité européen de l’innovation dans le domaine des données institué à l’article 29 du même règlement et coopère avec les autorités compétentes des autres États membres de l’Union européenne et avec la Commission européenne.

Article 11
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Article 13

Article 12

I. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de ses missions, et sur la base d’une décision motivée :

1° Recueillir auprès des personnes physiques ou morales fournissant des services d’intermédiation de données les informations ou documents nécessaires pour s’assurer du respect par ces personnes des exigences définies au chapitre III du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données) ou dans les actes délégués pris pour son application ;

2° Procéder auprès des mêmes personnes à des enquêtes dans les conditions prévues aux II à IV de l’article L. 32-4 et à l’article L. 32-5 du code des postes et des communications électroniques.

Elle veille à ce que ne soient pas divulguées les informations recueillies en application du présent article, lorsqu’elles sont protégées par l’un des secrets mentionnés aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration.

II. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut se saisir d’office ou être saisie par toute personne physique ou morale concernée, notamment par le ministre chargé des communications électroniques, par une organisation professionnelle ou par une association agréée d’utilisateurs, des manquements aux exigences énoncées au chapitre III du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité de la part d’un prestataire de services d’intermédiation de données.

Elle exerce son pouvoir de sanction dans les conditions prévues à l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques.

Par dérogation au sixième alinéa du I du même article L. 36-11, le prestataire de services d’intermédiation de données qui a fait l’objet, de la part de l’autorité, d’une mise en demeure consécutive à un manquement aux exigences mentionnées au chapitre III du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité doit s’y conformer dans un délai ne dépassant pas trente jours.

Par dérogation aux quatrième à dixième alinéas du III de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, la formation restreinte de l’autorité mentionnée à l’article L. 130 du même code peut prononcer à l’encontre du prestataire de services d’intermédiation de données en cause l’une des sanctions suivantes :

1° Une sanction pécuniaire dont le montant tient compte des critères fixés à l’article 34 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, la sanction ne peut excéder un montant de 150 000 euros, porté à 375 000 euros en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ;

2° La suspension de la fourniture du service d’intermédiation de données ;

3° La cessation de la fourniture du service d’intermédiation de données, dans le cas où le prestataire n’aurait pas remédié à des manquements graves ou répétés malgré l’envoi d’une mise en demeure en application du troisième alinéa du présent II.

Article 12
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Article 15

Article 13

L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse saisit, avant toute décision, la Commission nationale de l’informatique et des libertés des pratiques des prestataires de services d’intermédiation de données de nature à soulever des questions liées à la protection des données à caractère personnel et tient compte de ses observations éventuelles.

Dans des conditions fixées par décret, cette autorité tient compte, le cas échéant, des observations éventuelles du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés lorsqu’elle traite :

1° Des demandes formulées par les prestataires de services d’intermédiation de données en application du paragraphe 9 de l’article 11 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données) ;

2° Des réclamations des personnes physiques ou morales ayant recours aux services d’intermédiation de données relatives au champ d’application du même règlement.

L’autorité informe le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de toute procédure ouverte en application de l’article 12 de la présente loi. Elle lui communique, dans des conditions fixées par décret, toute information utile lui permettant de formuler ses observations éventuelles sur les questions liées à la protection des données à caractère personnel dans un délai de quatre semaines à compter de sa saisine. Le cas échéant, l’autorité tient la commission informée des suites données à la procédure.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés communique à l’autorité les faits dont elle a connaissance dans le cadre de sa mission de contrôle du respect des exigences en matière de protection des données à caractère personnel et qui pourraient constituer des manquements des services d’intermédiation de données à leurs obligations prévues au chapitre III du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité.

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TITRE IV

ASSURER LE DÉVELOPPEMENT EN FRANCE DE L’ÉCONOMIE DES JEUX À OBJETS NUMÉRIQUES MONÉTISABLES DANS UN CADRE PROTECTEUR

Article 13
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Article 15 bis

Article 15

I. – (Supprimé)

II. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, sont autorisés les jeux proposés par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne qui permettent l’obtention, reposant sur un mécanisme faisant appel au hasard, par les joueurs majeurs ayant consenti un sacrifice financier, d’objets numériques monétisables, à l’exclusion de l’obtention de tout gain monétaire, sous réserve que ces objets ne puissent être cédés à titre onéreux, directement ou indirectement par l’intermédiaire de toute personne physique ou morale, ni à l’entreprise de jeux qui les a émis, ni à une personne physique ou morale agissant de concert avec elle.

Constituent des objets numériques monétisables, au sens du premier alinéa du présent II, les éléments de jeu qui confèrent aux seuls joueurs un ou plusieurs droits associés au jeu et qui sont susceptibles d’être cédés, directement ou indirectement, à titre onéreux à des tiers.

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité nationale des jeux et après consultation des associations représentatives d’élus locaux et des filières du jeu d’argent et de hasard et du jeu vidéo, détermine les conditions dans lesquelles, par dérogation à ce même premier alinéa, d’autres récompenses que les objets numériques monétisables peuvent être attribuées à titre accessoire.

Ce décret détermine notamment la nature de ces récompenses, à l’exclusion de l’obtention de toute récompense en monnaie ayant cours légal. Il définit également les critères de plafonnement applicables à l’attribution de ces récompenses, y compris la valeur totale de ces récompenses que l’entreprise de jeux à objets numériques monétisables peut attribuer à l’ensemble des participants à un même jeu au cours d’une année civile. Cette valeur totale ne peut pas être supérieure à 25 % du montant total du chiffre d’affaires issu de l’activité de jeux à objets numériques monétisables de cette entreprise au cours de cette même année civile et dans la limite d’un plafond annuel fixé par joueur.

Les entreprises de jeux à objets numériques monétisables s’assurent de l’intégrité, de la fiabilité et de la transparence des opérations de jeu et de la protection des mineurs. Elles veillent à interdire le jeu aux mineurs et à prévenir le jeu excessif ou pathologique, les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

III. – La liste des catégories de jeux autorisées à titre expérimental dans les conditions prévues au présent article est fixée par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Autorité nationale des jeux, dont les observations tiennent compte notamment des risques de développement d’offres illégales de jeux en ligne, et après consultation des associations représentatives d’élus locaux et des filières du jeu d’argent et de hasard et du jeu vidéo.

III bis. – Dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement, en lien avec l’Autorité nationale des jeux, un bilan d’étape de l’expérimentation prévue au II. Ce bilan comprend des éléments relatifs notamment au développement du marché des jeux à objets numériques monétisables, à l’évaluation de l’impact économique sur les différents types de jeux et notamment sur les filières du jeu d’argent et de hasard et du jeu vidéo, à l’évaluation de l’impact sanitaire de cette expérimentation ainsi qu’à l’évaluation de l’efficacité des mesures prises par les entreprises de jeux à objets numériques monétisables pour protéger les joueurs, lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

IV. – Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur les effets de cette expérimentation, proposant les suites à lui donner.

Article 15
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Article 16

Article 15 bis

I. – A. – Toute personne morale qui entend proposer au public une offre de jeux définie à l’article 15 la déclare préalablement à l’Autorité nationale des jeux.

B. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de l’Autorité nationale des jeux, fixe les informations que l’entreprise de jeux à objets numériques monétisables doit déclarer à l’autorité pour que celle-ci puisse s’assurer que ce jeu appartient à la catégorie des jeux à objets numériques monétisables au sens de l’article 15 et que son exploitation est compatible avec le respect par l’entreprise des obligations mentionnées au II du même article 15 et au présent article.

C. – L’Autorité nationale des jeux fixe les modalités de dépôt et le contenu du dossier de déclaration.

L’Autorité nationale des jeux est informée sans délai par l’entreprise de jeux à objets numériques monétisables de toute modification substantielle concernant un élément du dossier de déclaration.

D. – L’offre de jeux ne peut être proposée au public que si le siège social de l’entreprise est établi soit dans un État membre de l’Union européenne, soit dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. L’entreprise désigne la ou les personnes, domiciliées en France, qui en sont responsables.

II. – Les entreprises de jeux à objets numériques monétisables sont tenues d’empêcher la participation des mineurs, même émancipés, à un jeu à titre onéreux. À cette fin, elles ont recours à un dispositif de vérification de l’âge conforme au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Elles mettent également en place sur l’interface de jeu un message avertissant que ce jeu est interdit aux mineurs.

III. – La participation à un jeu à objets numériques monétisables à titre onéreux est subordonnée à la création, à la demande expresse du joueur, d’un compte de joueur. Ce compte ne peut être ouvert sans vérification préalable de la majorité et de l’identité du joueur. Elle met en œuvre tout moyen utile afin de procéder à cette vérification.

L’entreprise de jeux à objets numériques monétisables ne peut ouvrir qu’un seul compte par joueur.

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité nationale des jeux, précise les modalités d’ouverture, de gestion et de clôture des comptes des joueurs par l’entreprise de jeu.

IV. – Les objets numériques monétisables de jeu émis par une entreprise de jeux, définis à l’article 15, ne peuvent être acquis à titre onéreux ni par cette entreprise, directement ou par personne interposée, ni par une société qu’elle contrôle, au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce.

V. – En vue de lui permettre d’exercer ses missions, les entreprises tiennent à la disposition de l’Autorité nationale des jeux les données relatives aux joueurs, aux évènements de jeu et aux opérations financières associées.

L’autorité peut utiliser ces données afin de rechercher et d’identifier tout fait commis par un joueur susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de l’Autorité nationale des jeux, précise la liste de ces données, leur format et les modalités de leur transmission ainsi que les modalités des contrôles réalisés par l’Autorité nationale des jeux à partir de ces données.

bis. – Les jeux à objets numériques monétisables ayant pour support des compétitions ou des manifestations sportives ne peuvent être proposés que sous réserve de respecter le droit d’exploitation prévu au premier alinéa de l’article L. 333-1 du code du sport et qu’avec l’accord des organisateurs des compétitions ou des manifestations sportives concernées.

VI. – Les fédérations délégataires au sens de l’article L. 131-14 du code du sport, le cas échéant en coordination avec les ligues professionnelles qu’elles ont créées, édictent des règles ayant pour objet d’interdire aux acteurs des compétitions ou manifestations sportives dont la liste est fixée par décret de :

1° Participer, directement ou par personne interposée, à des jeux à objets numériques monétisables ayant pour support des compétitions ou des manifestations sportives de leur discipline ;

2° Céder, directement ou par personne interposée, des objets numériques monétisables représentant un élément associé à l’une des compétitions ou des manifestations de leur discipline ;

3° Communiquer à des tiers des informations privilégiées, obtenues à l’occasion de leur profession ou de leurs fonctions, qui sont inconnues du public et qui sont susceptibles d’être utilisées dans des jeux à objets numériques monétisables ayant pour support des compétitions ou des manifestations sportives de leur discipline.

VII. – A. – Une entreprise de jeux à objets numériques monétisables ayant pour support des courses hippiques réelles ne peut organiser de tels jeux que sur les courses figurant au calendrier prévu à l’article 5-1 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux.

B. – Avant d’utiliser les données des courses hippiques mentionnées au A du présent VII, l’entreprise conclut un contrat avec la société organisatrice des courses française ou étrangère ou son mandataire. Ce contrat ne peut comporter de clause d’exclusivité au profit d’une entreprise particulière.

Le contrat prévu au premier alinéa du présent B doit stipuler que l’utilisation des données des courses hippiques par une entreprise de jeux à objets numériques monétisables respecte les valeurs découlant des obligations de service public incombant aux sociétés mères prévues par décret.

C. – Les sociétés mères des courses de chevaux intègrent au sein du code des courses de leur spécialité des dispositions ayant pour objet d’empêcher les jockeys et les entraîneurs de :

1° Participer, directement ou par personne interposée, à des jeux à objets numériques monétisables qui reposent sur des courses hippiques auxquelles ils participent ;

2° Céder, directement ou par personne interposée, des objets numériques monétisables qui reposent sur des courses hippiques auxquelles ils participent ;

3° Communiquer à des tiers des informations privilégiées, obtenues à l’occasion de leur profession ou de leurs fonctions, qui sont inconnues du public et qui sont susceptibles d’être utilisées dans des jeux à objets numériques monétisables ayant pour support des courses hippiques auxquelles ils participent.

VIII. – Les interdictions et les restrictions prévues aux articles L. 320-12 et L. 320-14 du code de la sécurité intérieure s’appliquent aux communications commerciales en faveur d’une entreprise de jeux à objets numériques monétisables autorisée à titre expérimental sur le fondement de l’article 15 de la présente loi.

La méconnaissance des interdictions et des restrictions mentionnées au premier alinéa du présent VIII est passible des peines prévues à l’article L. 324-8-1 du code de la sécurité intérieure.

Les associations dont l’objet statutaire comporte la lutte contre les addictions et qui sont régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile pour les infractions prévues au deuxième alinéa du présent VIII. Peuvent exercer les mêmes droits les associations de consommateurs mentionnées à l’article L. 621-1 du code de la consommation ainsi que les associations familiales mentionnées aux articles L. 211-1 et L. 211-2 du code de l’action sociale et des familles.

IX. – L’Autorité nationale des jeux peut, par une décision motivée, prescrire à une entreprise de jeux à objets numériques monétisables le retrait de toute communication commerciale incitant, directement ou indirectement, au jeu des mineurs ou comportant une incitation à des pratiques excessives du jeu.

X. – L’entreprise de jeux à objets numériques monétisables prévient les comportements de jeu excessif ou pathologique, notamment par la mise en place de mécanismes d’auto-exclusion et de dispositifs d’autolimitation des dépenses et du temps de jeu, selon les modalités fixées par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Autorité nationale des jeux.

Elle met également à la disposition du joueur, de manière permanente et aisément accessible, une synthèse des données relatives à son activité de jeu en vue de permettre la maîtrise de celle-ci.

XI. – L’entreprise de jeux à objets numériques monétisables est tenue de n’adresser aucune communication commerciale aux mineurs ou aux titulaires d’un compte bénéficiant d’une mesure d’auto-exclusion applicable aux jeux qu’elle exploite.

XI bis. – Les communications commerciales effectuées par une personne exerçant une activité d’influence commerciale par voie électronique, définie à l’article 1er de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dont l’objet est de promouvoir, de façon directe ou indirecte, l’offre d’une entreprise de jeux à objets numériques monétisables ou cette entreprise elle-même ne sont autorisées que sur les plateformes en ligne offrant la possibilité technique d’exclure de l’audience dudit contenu tous les utilisateurs âgés de moins de dix-huit ans, si ce mécanisme d’exclusion est effectivement activé par lesdites personnes.

XI ter. – Il est interdit à toute entreprise de jeux à objets numériques monétisables ainsi qu’à toute personne physique ou morale agissant de concert avec elle de consentir aux joueurs des prêts en monnaie ayant cours légal ou en actifs numériques, au sens de l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier, ou de mettre en place directement ou indirectement des dispositifs permettant aux joueurs de s’accorder entre eux des prêts en monnaie ayant cours légal ou en actifs numériques, au sens du même article L. 54-10-1, en vue de permettre l’achat d’objets numériques monétisables ou des autres récompenses éventuellement attribuées et fixées par le décret en Conseil d’État mentionné au II de l’article 15 de la présente loi.

Les services de communication au public en ligne sur lesquels les entreprises de jeux à objets numériques monétisables proposent une offre de jeux à objets numériques monétisables ne peuvent contenir aucune publicité en faveur d’une entreprise susceptible de consentir des prêts aux joueurs ou de permettre le prêt entre joueurs, ni aucun lien vers un site proposant une telle offre de prêt.

XII. – L’entreprise de jeux à objets numériques monétisables informe les joueurs des risques liés au jeu excessif ou pathologique par un message de mise en garde défini par un arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Autorité nationale des jeux. Les modalités techniques d’affichage du message sont fixées par l’Autorité nationale des jeux.

XIII. – A. – Les entreprises de jeux à objets numériques monétisables sont assujetties aux obligations prévues aux sections 2 à 7 du chapitre Ier et au chapitre II du titre VI du livre V du code monétaire et financier et par les dispositions européennes directement applicables en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, y compris les règlements européens portant mesures restrictives pris en application des articles 75 ou 215 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ainsi que par les dispositions prises en application du même article 215 à d’autres fins.

L’Autorité nationale des jeux contrôle le respect par les entreprises des obligations mentionnées au premier alinéa du présent XIII.

L’Autorité nationale des jeux évalue les risques présentés par les entreprises ainsi que les résultats des actions menées par ces entreprises en matière de lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elle peut leur adresser des prescriptions à ce sujet.

L’Autorité nationale des jeux adapte de manière proportionnée les modalités, l’intensité et la fréquence de ses contrôles sur pièces et sur place en fonction des risques identifiés. Elle tient compte des caractéristiques techniques du jeu à objets numériques monétisables.

Tout manquement par les entreprises de jeux à objets numériques monétisables aux obligations mentionnées au premier alinéa du présent XIII peut donner lieu aux sanctions prévues à l’article L. 561-40 du code monétaire et financier, à l’exception de celle prévue du 4° du I du même article L. 561-40.

La Commission nationale des sanctions prévue à l’article L. 561-38 du même code est saisie des manquements constatés par l’Autorité nationale des jeux et prononce le cas échéant la sanction adéquate ou les sanctions adéquates.

B. – Le présent XIII entre en vigueur dix-huit mois après la promulgation de la présente loi.

XIV. – L’Autorité nationale des jeux contrôle le respect par les entreprises de jeux à objets numériques monétisables de leurs obligations légales et réglementaires. Elle lutte contre les offres illégales de tels jeux, sans préjudice de son action de lutte contre les offres illégales de jeux d’argent et de hasard, telles que les offres de jeu de casino en ligne. Elle tient compte des caractéristiques techniques des jeux à objets numériques monétisables. Elle veille également au respect de l’objectif d’une exploitation équilibrée des différents types de jeux afin d’éviter la déstabilisation économique des différentes filières. Elle peut s’appuyer, pour mener ses contrôles, le cas échéant, sur tout signalement d’un manquement aux obligations légales et réglementaires qui s’imposent aux entreprises de jeux à objets numériques monétisables.

XV. – Le collège de l’Autorité nationale des jeux prend les décisions relatives aux jeux à objets numériques monétisables.

Dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article 37 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, le collège peut donner délégation au président ou, en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci, à un autre de ses membres pour prendre les décisions à caractère individuel relevant de sa compétence.

XVI. – Pour l’accomplissement des missions qui lui sont confiées, l’Autorité nationale des jeux peut recueillir toute information et tout document nécessaire en la possession des entreprises de jeux à objets numériques monétisables et entendre toute personne susceptible de contribuer à son information.

Les fonctionnaires et les agents de l’Autorité nationale des jeux mentionnés au II de l’article 42 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée mènent les enquêtes administratives permettant le contrôle du respect par les entreprises de leurs obligations. Dans ce cadre, ils peuvent demander aux entreprises de jeux à objets numériques monétisables toute information ou tout document utile. Ils ont accès, en présence de la personne que l’entreprise désigne à cet effet, aux locaux qu’elle utilise à des fins professionnelles, à l’exclusion de la partie de ces locaux servant, le cas échéant, de domicile. Ils y procèdent à toute constatation et peuvent se faire remettre à cette occasion copie de tout document utile.

Dans l’exercice de ces pouvoirs d’enquête, le secret professionnel ne peut leur être opposé par les entreprises de jeux à objets numériques monétisables. Les enquêtes administratives donnent lieu à l’établissement d’un procès-verbal.

Dans le but de constater qu’une offre de jeux à objets numériques monétisables est proposée par une personne qui n’a pas procédé à la déclaration prévue au I du présent article ou qu’il est fait la promotion d’une telle offre, ces fonctionnaires et ces agents peuvent également, sans en être pénalement responsables :

1° Participer sous une identité d’emprunt à des échanges électroniques sur un site de jeux à objets numériques monétisables, notamment à une session de jeu en ligne. L’utilisation d’une identité d’emprunt est sans incidence sur la régularité des constatations effectuées ;

2° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ainsi que sur les comptes bancaires utilisés ;

3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites.

À peine de nullité, ces actes ne peuvent avoir pour effet d’inciter autrui à commettre une infraction.

Les conditions dans lesquelles les fonctionnaires et les agents mentionnés au présent XVI procèdent aux constatations prévues au 1° et aux actes prévus au 3° sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Autorité nationale des jeux.

XVII. – L’Autorité nationale des jeux peut à tout moment, à l’issue d’une procédure contradictoire, lorsque l’entreprise de jeux à objets numériques monétisables méconnaît ses obligations légales, notamment celles prévues au dernier alinéa du II de l’article 15 ou au II du présent article, soit interdire la poursuite de cette exploitation, soit l’assortir de conditions qu’elle détermine.

XVIII. – Dans l’exercice de ses missions de contrôle des jeux à objets numériques monétisables, l’Autorité nationale des jeux coopère avec les autorités mentionnées à l’article 39-1 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée, dans les conditions prévues au même article 39-1.

XIX. – En vue du contrôle du respect de leurs obligations par les entreprises de jeux à objets numériques monétisables, le président de l’Autorité peut conclure, au nom de l’État, des conventions avec les autorités de régulation des jeux d’autres États membres de l’Union européenne ou d’autres États parties à l’accord sur l’Espace économique européen pour échanger les résultats des analyses et des contrôles réalisés par ces autorités et par elle-même à l’égard des entreprises de jeux à objets monétisables.

XX. – La commission des sanctions de l’Autorité nationale des jeux est chargée de prononcer les sanctions mentionnées au XXII du présent article à l’encontre des entreprises de jeux à objets numériques monétisables.

XXI. – A. – Sans préjudice de l’article L. 561-38 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l’Autorité nationale des jeux peut prononcer des sanctions à l’encontre d’une entreprise de jeux à objets numériques monétisables dans les conditions prévues à l’article 43 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée.

B. – Sans préjudice des compétences de la Commission nationale des sanctions prévues à l’article L. 561-38 du code monétaire et financier, le collège de l’Autorité nationale des jeux peut décider l’ouverture d’une procédure de sanction à l’encontre d’une entreprise de jeu à objets numériques monétisables ayant manqué ou manquant à ses obligations légales ou réglementaires ou ayant méconnu ou méconnaissant une prescription qui lui a été adressée. Il notifie alors les griefs aux entreprises en cause et en saisit la commission des sanctions.

bis. – Préalablement à cette notification, lorsqu’une entreprise de jeux à objets numériques monétisables manque à ses obligations légales ou réglementaires, ou méconnaît une prescription qui lui a été adressée, le président de l’Autorité nationale des jeux peut la rappeler à ses obligations ou, si le manquement constaté est susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité, prononcer à son égard une mise en demeure de se mettre en conformité dans un délai qu’il fixe. Ce délai peut être fixé à vingt-quatre heures en cas d’urgence. Le président prononce, le cas échéant, la clôture de la procédure de mise en demeure. Le président peut demander au collège de l’Autorité nationale des jeux de rendre publique la mise en demeure. Dans ce cas, la décision de clôture de la procédure de mise en demeure fait l’objet de la même publicité.

C. – La commission des sanctions de l’Autorité nationale des jeux peut, avant de prononcer les sanctions prévues au XXII du présent article, entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile. Les conditions de communication à un tiers d’une pièce mettant en jeu le secret des affaires sont définies par un décret en Conseil d’État.

XXII. – A. – La commission des sanctions de l’Autorité nationale des jeux peut prononcer à l’encontre des entreprises de jeux à objets numériques monétisables, en fonction de la gravité du manquement, une des sanctions suivantes :

1° L’avertissement ;

2° La suspension à titre provisoire, pour une durée maximale de trois mois, de l’exploitation du jeu ;

3° L’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de l’exploitation du jeu ou de l’ensemble des jeux concernés ;

4° L’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, pour l’exploitant d’exercer une activité d’exploitation de jeux à objets numériques monétisables.

B. – Le V de l’article 43 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée est applicable aux entreprises de jeux à objets numériques monétisables et à leurs activités d’exploitation de ces jeux.

C. – Lorsqu’une entreprise de jeux à objets numériques monétisables communique des informations inexactes, refuse de fournir les informations demandées ou fait obstacle au déroulement de l’enquête menée par les fonctionnaires ou les agents habilités en application du XVI du présent article, la commission des sanctions peut prononcer une sanction pécuniaire d’un montant qui ne peut excéder 100 000 euros.

D. – Le X de l’article 43 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée est applicable aux entreprises de jeux à objets numériques monétisables faisant l’objet des sanctions mentionnées aux A et B du présent XXII.

XXIII. – L’article 44 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée est applicable aux sanctions susceptibles d’être prononcées en application du XXII du présent article à l’encontre des entreprises de jeux à objets numériques monétisables.

XXIV. – Les peines prévues au I de l’article 56 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précitée sont applicables aux personnes physiques et morales ayant offert ou proposé au public une offre de jeux à objets numériques monétisables sans avoir préalablement déposé la déclaration prévue au I du présent article.

Quiconque fait de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur d’un site proposant au public une offre de jeux à objets numériques monétisables illégale est puni d’une amende de 100 000 euros. Le tribunal peut porter le montant de l’amende au quadruple du montant des dépenses publicitaires consacrées à l’activité illégale.

XXV. – Le président de l’Autorité nationale des jeux adresse à l’entreprise dont l’offre de jeux à objets numériques monétisables en ligne est accessible sur le territoire français et qui ne s’est pas déclarée ou à la personne qui fait de la publicité en faveur d’une offre de jeux à objets numériques monétisables en ligne proposée par une entreprise qui ne s’est pas déclarée une mise en demeure de cesser cette activité. Cette mise en demeure, qui peut être notifiée par tout moyen propre à en établir la date de réception, rappelle les dispositions de la présente loi et invite son destinataire à présenter ses observations dans un délai de cinq jours.

Le président de l’Autorité nationale des jeux adresse aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique une copie des mises en demeure adressées aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent XXV. Il enjoint à ces mêmes personnes de prendre toute mesure pour empêcher l’accès à ces contenus illicites et les invite à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours. La copie des mises en demeure et de l’injonction leur est notifiée par tout moyen propre à en établir la date de réception.

Lorsque tous les délais mentionnés aux deux premiers alinéas du présent XXV sont échus, le président de l’Autorité nationale des jeux notifie aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée ainsi qu’à toute personne exploitant un moteur de recherche ou un annuaire les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont illicites et leur ordonne de prendre toute mesure utile destinée à en empêcher l’accès ou à faire cesser leur référencement, dans un délai qu’il détermine et qui ne peut être inférieur à cinq jours.

Pour l’application du troisième alinéa du présent XXV, une interface en ligne s’entend de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finaux d’accéder aux biens ou aux services qu’il propose.

Le non-respect des mesures ordonnées en application du même alinéa est puni des peines mentionnées au B du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée. Le président de l’Autorité nationale des jeux peut également être saisi par le ministère public et par toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir, afin qu’il mette en œuvre les pouvoirs qui lui sont confiés en application du présent article.

XXVI. – (Supprimé)

XXVII (nouveau). – À compter du 30 décembre 2024, le XI ter du présent article est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il est interdit à toute entreprise de jeux à objets numériques monétisables ainsi qu’à toute personne physique ou morale agissant de concert avec elle de consentir aux joueurs des prêts en monnaie ayant cours légal ou en crypto-actifs, ou de mettre en place directement ou indirectement des dispositifs permettant aux joueurs de s’accorder entre eux des prêts en monnaie ayant cours légal ou en crypto-actifs, en vue de permettre l’achat d’objets numériques monétisables ou des autres récompenses éventuellement attribuées et fixées par le décret en Conseil d’État mentionné au II de l’article 15 de la présente loi.

« Pour l’application du présent XXVII, sont entendus comme crypto-actifs ceux entrant dans le champ d’application du règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant les règles (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 1095/2010 et les directives 2013/36/UE et (UE) 2019/1937 et autres qu’un jeton se référant à un ou des actifs au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 7) de ce règlement ou qu’un jeton utilitaire au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 9) de ce règlement. »

TITRE V

PERMETTRE À L’ÉTAT D’ANALYSER PLUS EFFICACEMENT L’ÉVOLUTION DES MARCHÉS NUMÉRIQUES

Article 15 bis
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Article 17

Article 16

Le I de l’article 36 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique est ainsi modifié :

1° Les quatre dernières phrases du cinquième alinéa sont supprimées ;

2° La première phrase de l’avant-dernier alinéa est complétée par les mots : «, notamment à des fins de recherches contribuant à la détection, à la détermination et à la compréhension des risques systémiques dans l’Union, au sens du paragraphe 1 de l’article 34 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) » ;

2° bis Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de ses activités d’expérimentation et de recherche publique mentionnées aux cinquième et sixième alinéas, le service mentionné au premier alinéa intervient en tant que responsable de traitement, au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Ce service peut mettre en œuvre auprès des opérateurs de plateforme mentionnés au même premier alinéa, des partenaires de ces plateformes et de leurs sous-traitants, des fournisseurs de systèmes d’exploitation permettant le fonctionnement des éventuelles applications de ces opérateurs et des fournisseurs de systèmes d’intelligence artificielle des méthodes de collecte automatisée de données publiquement accessibles, y compris lorsque l’accès à ces données nécessite la connexion à un compte, dans le respect des droits des bénéficiaires du service concerné et en préservant la sécurité des services de ces opérateurs, ainsi que l’accès aux données de ces opérateurs stockées ou traitées sur ses propres terminaux. Cette mise en œuvre s’effectue nonobstant les conditions générales d’utilisation ou les licences des services des opérateurs concernés ou de leurs applications mettant les données visées à la disposition du public. Ce service met en œuvre des méthodes de collecte de données publiquement accessibles strictement nécessaires et proportionnées, qui sont précisées par un décret en Conseil d’État pris après avis public motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Les données collectées dans le cadre des activités d’expérimentation mentionnées au cinquième alinéa sont détruites à l’issue des travaux, et au plus tard neuf mois après leur collecte. Les données collectées dans le cadre des activités de recherche publique mentionnées au sixième alinéa sont détruites à l’issue des travaux, et au plus tard cinq ans après leur collecte. » ;

3° Au dernier alinéa, le mot : « avant-dernier » est remplacé par le mot : « sixième ».

Article 16
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Article 18

Article 17

Le II de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « commune », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « ou l’établissement public de coopération intercommunale qui le demande a accès, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, aux données d’activité définies par décret en Conseil d’État, notamment celles de nature à lui permettre de contrôler le respect des obligations prévues au même article L. 324-1-1 ou pouvant être utiles à la conduite d’une politique publique de tourisme et de logement. » ;

b) La deuxième phrase est ainsi rédigée : « Ces données sont mises à la disposition de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale par l’organisme public unique chargé de recueillir ces données, qui lui sont transmises de manière électronique, sous un format standardisé, par les personnes mentionnées au I du présent article. » ;

c) La dernière phrase est complétée par les mots : « et est informée par l’organisme public unique lorsqu’un meublé déclaré comme résidence principale du loueur a été loué plus de cent vingt jours au cours d’une même année civile » ;

d) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les données gérées par l’organisme public unique sont agrégées et rendues accessibles pour une durée maximale et dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »;

2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « précise la fréquence et les modalités techniques de transmission des informations mentionnées au premier alinéa du présent II » sont remplacés par les mots : « désigne l’organisme public unique mentionné au premier alinéa du présent II et détermine la nature des données mentionnées au même premier alinéa, leur durée de conservation, les délais de réponse ainsi que la fréquence et les modalités techniques de leur transmission » ;

b) Les mots : « de la personne mentionnée au I à répondre aux demandes des communes » sont remplacés par les mots : « des personnes mentionnées au I à satisfaire à leur obligation de transmission de données à ce même organisme unique » ;

c) (Supprimé)

TITRE VI

RENFORCER LA GOUVERNANCE DE LA RÉGULATION DU NUMÉRIQUE

Article 17
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Article 19

Article 18

Après l’article 7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 7-1 ainsi rédigé :

« Art. 7-1. – Dans l’exercice de ses missions, le coordinateur pour les services numériques mentionné au paragraphe 2 de l’article 49 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) peut, dans le cadre d’une convention, recourir à l’assistance technique du service administratif de l’État mentionné à l’article 36 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, notamment pour toute question liée aux analyses de données, aux codes sources, aux programmes informatiques, aux traitements algorithmiques ou à l’audit des algorithmes.

« Le service administratif mentionné au même article 36 peut, pour des travaux relevant de son domaine d’expertise, proposer son assistance technique au coordinateur pour les services numériques pour la conduite des missions de ce dernier.

« Le coordinateur pour les services numériques veille à associer le service administratif aux missions de coopération relatives au développement de l’expertise et des capacités de l’Union européenne en matière d’évaluation des questions systémiques et émergentes mentionnées à l’article 64 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité.

« Lorsqu’il est sollicité ou qu’il propose son assistance technique au titre du présent article, le service administratif conduit ses travaux en toute indépendance. Il assure la confidentialité des informations recueillies dans le cadre de l’exercice de ses missions et limite leur utilisation aux seules fins nécessaires à ses missions.

« La convention mentionnée au premier alinéa précise les modalités de la coopération entre le coordinateur pour les services numériques et le service administratif ainsi que les conditions propres à garantir la confidentialité des informations qu’ils se transmettent. »

TITRE VII

CONTRÔLE DES OPÉRATIONS DE TRAITEMENT DE DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL EFFECTUÉES PAR LES JURIDICTIONS DANS L’EXERCICE DE LEUR FONCTION JURIDICTIONNELLE

Article 18
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Article 20

Article 19

Le titre Ier du livre Ier du code de justice administrative est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Contrôle des opérations de traitement de données à caractère personnel effectuées par les juridictions administratives dans lexercice de leur fonction juridictionnelle

« Art. L. 115-1. – I. – Le Conseil d’État est chargé du contrôle des opérations de traitement des données à caractère personnel effectuées dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle :

« 1° Par les juridictions administratives, sous réserve de l’article L. 453-1 du code de l’organisation judiciaire pour le Conseil supérieur de la magistrature et de l’article L. 111-18 du code des juridictions financières pour les juridictions régies par ce même code ;

« 2° Par le Tribunal des conflits.

« II. – Ce contrôle est exercé, en toute indépendance, par une autorité constituée d’un membre du Conseil d’État, élu par l’assemblée générale pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

« III. – L’autorité de contrôle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en œuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Elle est saisie des réclamations relatives aux opérations de traitements de données à caractère personnel soumises à son contrôle.

« IV. – Pour l’exercice de ses missions, l’autorité de contrôle dispose des pouvoirs mentionnés à l’article 58 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et aux articles 20, 21 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, à l’exception de ceux relatifs au prononcé d’une astreinte ou d’une amende. Pour l’application des mêmes articles 20, 21 et 22, l’autorité de contrôle exerce indistinctement les compétences dévolues au président et à la formation restreinte de la commission mentionnée à l’article 8 de la même loi. Le secret ne peut lui être opposé.

« Elle dispose des ressources humaines, matérielles et techniques nécessaires à l’exercice de ses fonctions, fournies par le Conseil d’État.

« Les agents mis à la disposition de l’autorité de contrôle sont astreints au secret pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions, sous peine des sanctions prévues aux articles 226-13 et 413-10 du code pénal.

« V. – L’autorité de contrôle adresse au vice-président du Conseil d’État et transmet au Parlement un rapport public annuel. Ce rapport établit un bilan de son activité. Il peut comporter des observations et des recommandations relatives à son domaine d’intervention.

« VI. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

Article 19
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Article 21

Article 20

I. – Le titre V du livre IV du code de l’organisation judiciaire est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Contrôle des opérations de traitement des données à caractère personnel effectuées par les juridictions judiciaires et leur ministère public dans lexercice de leur fonction juridictionnelle

« Art. L. 453-1. – I. – La Cour de cassation est chargée du contrôle des opérations de traitement des données à caractère personnel effectuées, dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle, par les juridictions judiciaires et par leur ministère public ainsi que par le Conseil supérieur de la magistrature dans l’exercice de ses fonctions disciplinaires.

« II. – Ce contrôle est exercé, en toute indépendance, par une autorité constituée d’un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, élu par l’assemblée des magistrats hors hiérarchie de ladite Cour pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

« III. – L’autorité de contrôle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en œuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Elle est saisie des réclamations relatives aux opérations de traitement de données à caractère personnel soumises à son contrôle.

« IV. – Pour l’exercice de ses missions, l’autorité de contrôle dispose des pouvoirs mentionnés à l’article 58 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et aux articles 20, 21 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, à l’exception de ceux relatifs au prononcé d’une astreinte ou d’une amende. Pour l’application des mêmes articles 20, 21 et 22, l’autorité de contrôle exerce indistinctement les compétences dévolues au président et à la formation restreinte de la commission mentionnée à l’article 8 de la même loi. Le secret ne peut lui être opposé.

« Elle dispose des ressources humaines, matérielles et techniques nécessaires à l’exercice de ses fonctions, fournies par la Cour de cassation.

« Les agents mis à la disposition de l’autorité de contrôle sont astreints au secret pour les faits, les actes ou les renseignements dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions, sous peine des sanctions prévues aux articles 226-13 et 413-10 du code pénal.

« V. – L’autorité de contrôle adresse au premier président et au procureur général près la Cour de cassation et transmet au Parlement un rapport public annuel. Ce rapport établit un bilan de son activité. Il peut comporter des observations et des recommandations relatives à son domaine d’intervention.

« VI. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 453-2. – La Cour de cassation connaît des recours formés par toute personne physique ou morale contre une décision de l’autorité de contrôle qui lui fait grief.

« La Cour de cassation connaît également des recours formés par toute personne concernée en cas d’abstention de l’autorité de contrôle de traiter une réclamation ou d’informer son auteur, dans un délai de trois mois, de l’état de l’instruction ou de l’issue de cette réclamation.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

II. – Le V de l’article 19 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par les mots : « et leur ministère public ».

Article 20
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Article 22

Article 21

Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code des juridictions financières est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Contrôle des opérations de traitement des données à caractère personnel effectuées par les juridictions régies par le présent code dans lexercice de leur fonction juridictionnelle

« Art. L. 111-18. – I. – La Cour des comptes est chargée du contrôle des opérations de traitements de données à caractère personnel effectuées, dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle, par les juridictions régies par le présent code et par leur ministère public.

« II. – Ce contrôle est exercé, en toute indépendance, par une autorité constituée d’un magistrat de la Cour des comptes, élu par la chambre du conseil pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

« III. – L’autorité de contrôle veille à ce que les traitements de données à caractère personnel soient mis en œuvre conformément au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) et à la loi n° 78-17 du 16 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Elle est saisie des réclamations relatives aux opérations de traitement de données à caractère personnel soumises à son contrôle.

« IV. – Pour l’exercice de ses missions, l’autorité de contrôle dispose des pouvoirs mentionnés à l’article 58 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité et aux articles 20, 21 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, à l’exception de ceux relatifs au prononcé d’une astreinte ou d’une amende. Pour l’application des mêmes articles 20, 21 et 22, l’autorité de contrôle exerce indistinctement les compétences dévolues au président et à la formation restreinte de la commission mentionnée à l’article 8 de la même loi. Le secret ne peut lui être opposé.

« Elle dispose des ressources humaines, matérielles et techniques nécessaires à l’exercice de ses fonctions, fournies par la Cour des comptes.

« Les agents mis à la disposition de l’autorité de contrôle sont astreints au secret pour les faits, les actes ou les renseignements dont ils ont eu connaissance en raison de leurs fonctions, sous peine des sanctions prévues aux articles 226-13 et 413-10 du code pénal.

« V. – L’autorité de contrôle adresse au premier président de la Cour des comptes et transmet au Parlement un rapport public annuel. Ce rapport établit un bilan de son activité. Il peut comporter des observations et des recommandations relatives à son domaine d’intervention.

« VI. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

TITRE VIII

ADAPTATIONS DU DROIT NATIONAL

Chapitre Ier

Mesures d’adaptation de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

Article 21
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Article 23

Article 22

I. – La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° Après l’article 1er, sont insérés des articles 1-1 et 1-2 ainsi rédigés :

« Art. 1-1. – I. – Les personnes dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne mettent à la disposition du public, dans un standard ouvert :

« 1° S’il s’agit de personnes physiques, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone et, si elles sont assujetties aux formalités d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, le numéro de leur inscription ;

« 2° S’il s’agit de personnes morales, leur dénomination ou leur raison sociale et leur siège social, leur numéro de téléphone et, s’il s’agit d’entreprises assujetties aux formalités d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, le numéro de leur inscription, leur capital social et l’adresse de leur siège social ;

« 3° Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction, au sens de l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ;

« 4° Le nom, la dénomination ou la raison sociale, l’adresse et le numéro de téléphone du fournisseur de services d’hébergement ;

« 5° Le cas échéant, le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse des personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, le stockage de données traitées directement par elles dans le cadre de l’édition du service.

« II. – Les personnes éditant à titre non professionnel un service de communication au public en ligne peuvent ne tenir à la disposition du public, pour préserver leur anonymat, que le nom, la dénomination ou la raison sociale et l’adresse du fournisseur de services d’hébergement, sous réserve d’avoir communiqué à ce fournisseur les éléments d’identification personnelle mentionnés au I du présent article.

« Les fournisseurs de services d’hébergement sont assujettis au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, pour tout ce qui concerne la divulgation de ces éléments d’identification personnelle ou de toute information permettant d’identifier la personne concernée. Ce secret professionnel n’est pas opposable à l’autorité judiciaire.

« III. – Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service.

« La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l’anonymat, au fournisseur de services d’hébergement, qui la transmet sans délai au directeur de la publication. Elle est présentée, au plus tard, trois mois après la mise à la disposition du public du message justifiant cette demande.

« Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne, sous peine d’une amende de 3 750 euros, sans préjudice des autres peines et dommages et intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.

« Les conditions d’insertion de la réponse sont celles prévues à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La réponse est gratuite.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent III.

« III bis. – Les associations mentionnées aux articles 48-1 à 48-6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse peuvent également exercer le droit de réponse prévu au III du présent article dans le cas où des imputations susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur sexe, de leur handicap, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, vraie ou supposée, de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une prétendue race, une ethnie, une nation ou une religion déterminée sont diffusées sur un service de communication au public en ligne.

« Toutefois, quand les imputations concernent des personnes considérées individuellement, l’association ne peut exercer le droit de réponse que si elle justifie avoir reçu leur accord.

« Aucune association ne peut requérir la diffusion d’une réponse en application du présent III bis dès lors qu’a été diffusée une réponse à la demande d’une des associations remplissant les conditions précitées.

« IV. – Les chapitres IV et V de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont applicables aux services de communication au public en ligne et la prescription est acquise dans les conditions prévues à l’article 65 de la même loi.

« Art. 1-2. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne, de ne pas respecter les I et II de l’article 1-1.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables des manquements aux mêmes I et II, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d’amende, suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l’article 131-39 dudit code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise. » ;

2° L’intitulé du chapitre II du titre Ier est ainsi rédigé : « Les fournisseurs de services intermédiaires » ;

3° Au même chapitre II, est insérée une section 1 intitulée : « Définitions et obligations relatives aux fournisseurs de services intermédiaires » et comprenant les articles 5 à 6 ;

4° Après l’article 5, il est inséré un article 5-1 ainsi rédigé :

« Art. 5-1. – I. – On entend par “services de la société de l’information” les services définis au b du paragraphe 1 de l’article 1er de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information.

« II. – On entend par “services intermédiaires” les services de la société de l’information définis au paragraphe g de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques). » ;

5° L’article 6 est ainsi rédigé :

« Art. 6. – I. – 1. On entend par “service d’accès à internet” un service de simple transport, au sens du i du paragraphe g de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), dont l’activité consiste à offrir un accès à des services de communication au public en ligne.

« 2. On entend par “services d’hébergement” les services définis au iii du même paragraphe g.

« 3. On entend par “moteur de recherche en ligne” un service défini au paragraphe j du même article 3.

« 4. On entend par “plateforme en ligne” un service défini au paragraphe i dudit article 3.

« 5. On entend par “service de réseaux sociaux en ligne” un service défini au paragraphe 7 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques).

« 6. On entend par “boutique d’applications logicielles” un service défini au paragraphe 14 du même article 2.

« 7. On entend par “application logicielle” tout produit ou service défini au paragraphe 15 dudit article 2.

« II. – Les personnes dont l’activité consiste à fournir un service intermédiaire au sens du paragraphe g de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité ne sont pas des producteurs, au sens de l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

« III. – (Supprimé)

« IV. – A. – Les personnes dont l’activité consiste à fournir un service d’accès à internet informent leurs abonnés de l’existence de moyens techniques permettant de restreindre l’accès à certains services ou de les sélectionner et leur proposent au moins un de ces moyens sans surcoût. Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise les fonctionnalités minimales et les caractéristiques techniques auxquelles ces moyens répondent, compte tenu de la nature de l’activité de ces personnes.

« Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent A informent également leurs abonnés de l’existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle.

« B. – Dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les fournisseurs de services d’accès à internet informent également leurs abonnés de la quantité de données consommées dans le cadre de la fourniture d’accès au réseau et indiquent l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre correspondant.

« Les équivalents d’émissions de gaz à effet de serre correspondant à la consommation de données sont établis suivant une méthodologie mise à disposition par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

« C. – Les fournisseurs de services d’accès à internet informent leurs abonnés de l’interdiction de procéder en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer à des opérations de vente à distance, d’acquisition, d’introduction en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’importation en provenance de pays tiers de produits du tabac manufacturé dans le cadre d’une vente à distance ainsi que des sanctions légalement encourues pour de tels actes.

« Tout manquement à cette obligation est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de cette infraction dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d’amende, suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l’article 131-39 dudit code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.

« D. – Lorsque les fournisseurs de services d’accès à internet invoquent, à des fins publicitaires, la possibilité qu’ils offrent de télécharger des fichiers dont ils ne sont pas les fournisseurs, ils font figurer dans cette publicité une mention facilement identifiable et lisible rappelant que le piratage nuit à la création artistique.

« E. – (Supprimé)

« V. – A. – Les personnes dont l’activité consiste à fournir des services d’hébergement concourent à la lutte contre la diffusion de contenus constituant les infractions mentionnées aux articles 211-2, 222-33, 222-33-1-1, 222-33-2 à 222-33-2-3, 222-39, 223-13, 225-4-13, 225-5, 225-6, 227-18 à 227-21, 227-22 à 227-24, 412-8, 413-13, 413-14, 421-2-5, 431-6, 433-3, 433-3-1, 521-1-2 et 521-1-3 et au deuxième alinéa de l’article 222-33-3 du code pénal ainsi qu’aux cinquième, septième et huitième alinéas de l’article 24 et à l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

« À ce titre, elles informent promptement les autorités compétentes de toutes les activités illicites mentionnées au premier alinéa du présent A qui leur seraient signalées et qu’exerceraient les destinataires de leurs services.

« Tout manquement à cette obligation d’information est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de cette infraction, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d’amende, suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l’article 131-39 dudit code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.

« B. – Les personnes qui fournissent des services d’hébergement procurent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d’identification prévues au I de l’article 1-1 de la présente loi.

« C. – La méconnaissance de l’obligation d’informer immédiatement les autorités compétentes prévue à l’article 18 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité est punie d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende.

« Lorsque l’infraction prévue au premier alinéa du présent C est commise de manière habituelle par une personne morale, le montant de l’amende peut être porté à 6 % de son chiffre d’affaires mondial hors taxes pour l’exercice précédant la sanction.

« VI. – A. – Dans les conditions fixées aux II bis à III bis de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, les personnes dont l’activité consiste à fournir des services d’accès à internet ou des services d’hébergement détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les données mentionnées au premier alinéa du présent A et détermine la durée et les modalités de leur conservation.

« B. – Tout manquement aux obligations mentionnées au A du présent VI est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende. Le fait de ne pas déférer à la demande d’une autorité judiciaire d’obtenir communication des éléments mentionnés au même A est puni des mêmes peines.

« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d’amende, suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l’article 131-39 dudit code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l’activité professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise.

« VII. – Toute plateforme en ligne dont l’activité sur le territoire français dépasse un seuil de nombre de connexions déterminé par décret, qu’elle soit ou non établie sur le territoire français, met en œuvre des procédures et des moyens humains et technologiques proportionnés permettant, lorsqu’elle a une activité de stockage de contenus, de conserver temporairement les contenus qui lui ont été signalés comme contraires aux dispositions mentionnées au A du V du présent article et qu’elle a retirés ou rendus inaccessibles, aux fins de les mettre à la disposition de l’autorité judiciaire pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales.

« La durée et les modalités de conservation de ces contenus sont définies par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« VIII. – (Supprimé)

« IX. – Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes dont l’activité consiste à fournir des services d’hébergement un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion, alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

II (nouveau). – Au 5° de l’article L. 222-16-1 du code de la consommation, après le mot : « prévues », les mots : « au I de » sont remplacés par le mot : « à ».

Article 22
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Article 24

Article 23

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° Est insérée une section 2 intitulée : « Dispositions relatives à la lutte contre les contenus terroristes et pédopornographiques » et comprenant les articles 6-1 à 6-2-2 ;

2° L’article 6-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « mentionnée au III de l’article 6 de la présente loi » sont remplacés par les mots : « dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne » et les mots : « personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de services d’hébergement » ;

b) À la fin de la seconde phrase du même premier alinéa, les mots : « personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de services d’accès à internet » ;

c) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, les mots : « personnes mentionnées au même 1 » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de services d’accès à internet » ;

– à la dernière phrase, les mots : « mentionnée au III du même article 6 des informations mentionnées au même III » sont remplacés par les mots : « dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne des informations mentionnées à l’article 1-1 de la présente loi » ;

d) Au dernier alinéa, les mots : « au 1 du VI » sont remplacés par les mots : « au C du IV » ;

3° Au second alinéa du II de l’article 6-1-3, le taux : « 4 % » est remplacé par le taux : « 6 % » ;

4° Le second alinéa des I et II de l’article 6-1-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’audience est publique. » ;

5° (Supprimé)

Article 23
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Article 25

Article 24

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° Au chapitre II du titre Ier, est insérée une section 3 intitulée : « Dispositions relatives à l’intervention de l’autorité judiciaire » et comprenant les articles 6-3 à 6-5 ;

2° Les articles 6-3 et 6-4 sont ainsi rédigés :

« Art. 6-3. – Le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire à toute personne susceptible d’y contribuer toutes les mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

« Il détermine les personnes ou les catégories de personnes auxquelles une demande peut être adressée par l’autorité administrative dans les conditions prévues à l’article 6-4.

« Art. 6-4. – Lorsqu’une décision judiciaire exécutoire a ordonné une mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne dont le contenu relève des infractions mentionnées au A du V de l’article 6, l’autorité administrative, saisie le cas échéant par toute personne intéressée, peut demander aux personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne, aux fournisseurs de services d’hébergement ou à toute personne ou catégorie de personnes visée par cette décision judiciaire, pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par cette décision, d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne qu’elle a préalablement identifié comme reprenant le contenu du service mentionné par ladite décision, en totalité ou de manière substantielle.

« Dans les mêmes conditions et pour la même durée, l’autorité administrative peut également demander à l’exploitant d’un service reposant sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès aux services de communication au public en ligne mentionnés au premier alinéa du présent article.

« L’autorité administrative tient à jour une liste des services de communication au public en ligne mentionnés au même premier alinéa qui ont fait l’objet d’une demande de blocage d’accès en application dudit alinéa ainsi que des adresses électroniques donnant accès à ces services et met cette liste à la disposition des annonceurs, de leurs mandataires et des services mentionnés au 2° du II de l’article 299 du code général des impôts. Ces services de communication au public en ligne sont inscrits sur cette liste pour la durée restant à courir des mesures ordonnées par l’autorité judiciaire. Pendant toute la durée de l’inscription sur ladite liste, les annonceurs, leurs mandataires et les services mentionnés au même 2° qui entretiennent des relations commerciales, notamment pour pratiquer des insertions publicitaires, avec les services de communication au public en ligne figurant sur cette liste sont tenus de rendre publique sur leur site internet, au moins une fois par an, l’existence de ces relations et de les mentionner au rapport annuel, s’ils sont tenus d’en adopter un.

« Lorsqu’il n’est pas procédé au blocage ou au déréférencement desdits services, le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, peut prescrire toute mesure destinée à faire cesser l’accès aux contenus de ces services. » ;

3° Au second alinéa de l’article 6-4-2, après le mot : « publique », sont insérés les mots : « , du code du sport ».

Article 24
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Article 26

Article 25

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifiée :

1° Est insérée une section 4 intitulée : « Coordinateur pour les services numériques et coopération entre les autorités compétentes » et comprenant les articles 7 à 9-2 ;

2° L’article 7 est ainsi rédigé :

« Art. 7. – Les autorités compétentes désignées en application de l’article 49 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) sont :

« 1° L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;

« 2° L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation ;

« 3° La Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est désignée coordinateur pour les services numériques, au sens du même article 49, sans préjudice des compétences de chacune des autorités administratives compétentes qui concourent à la mise en œuvre du même règlement. » ;

3° Après le même article 7, sont insérés des articles 7-2 à 7-4 ainsi rédigés :

« Art. 7-2. – Le coordinateur pour les services numériques veille à ce que les autorités mentionnées à l’article 7 de la présente loi coopèrent étroitement et se prêtent mutuellement assistance, dans le cadre de l’application du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), de manière cohérente et efficace.

« Ces autorités peuvent se communiquer librement les informations dont elles disposent et se consulter mutuellement aux fins de l’accomplissement de leurs missions respectives au titre du même règlement, sans que ni le secret des affaires, ni le secret de l’instruction, ni la protection des données personnelles y fassent obstacle.

« Lorsque, à l’occasion de l’exercice de ses compétences au titre de la présente section, l’une de ces autorités constate des faits qui relèvent de la compétence d’une autre, elle l’en informe et lui transmet les informations correspondantes.

« Les modalités de mise en œuvre du présent article sont précisées par voie de convention entre ces mêmes autorités.

« Art. 7-3. – Le coordinateur pour les services numériques siège au comité européen des services numériques mentionné à l’article 61 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques). Lorsque les questions examinées par le comité relèvent de la compétence d’une autre autorité que celle désignée à l’article 7 de la présente loi en tant que coordinateur pour les services numériques, l’autorité compétente concernée participe au comité aux côtés du coordinateur.

« Aux fins d’exercer les compétences prévues aux articles 63, 64 et 65 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité, le coordinateur pour les services numériques exerce une mission de veille et d’analyse des risques systémiques mentionnés à l’article 34 du même règlement sur le territoire national.

« Art. 7-4. – Il est créé un réseau national de coordination de la régulation des services numériques.

« Le réseau est composé de :

« 1° L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;

« 2° La Commission nationale de l’informatique et des libertés ;

« 3° L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ;

« 4° L’Autorité de la concurrence ;

« 5° L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information ;

« 6° L’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi ;

« 7° Les services de l’État compétents.

« La liste des services de l’État membres du réseau national de coordination de la régulation des services numériques est définie par décret.

« Le réseau national de coordination de la régulation des services numériques est chargé d’assurer les échanges d’informations et d’encourager la coordination entre ses membres. Il veille aux synergies des travaux des instances mentionnées au présent article en matière de régulation des services de la société de l’information, dans le respect de leurs attributions respectives et, le cas échéant, de leur indépendance.

« Il promeut une vision globale de la régulation des services numériques, qui intègre les enjeux d’équité, de protection, d’innovation et de compétitivité. Il anime des réflexions et travaux d’analyses comparées sur les pratiques de régulation des autres États membres de l’Union européenne.

« Le réseau se réunit au moins trois fois par an. Il est présidé pour une durée de dix-huit mois et de façon alternative par les ministres chargés du numérique et de la culture. Le premier exercice de la présidence est assuré par le ministre chargé du numérique. Le secrétariat du réseau est assuré par les services du ministère chargé du numérique.

« L’ordre du jour des réunions est proposé par le secrétariat du réseau et peut être complété par ses membres.

« Les travaux du réseau font l’objet de comptes rendus proposés par son secrétariat et approuvés par ses membres. Le réseau peut mettre en place des groupes de travail associant, sur une base volontaire, des représentants de ses membres en vue de conduire le partage de réflexions sur des thématiques particulières.

« Le réseau peut solliciter l’observatoire de la haine en ligne mentionné à l’article 16 de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet ou le service administratif de l’État mentionné à l’article 36 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, en vue de conduire toute analyse destinée à apporter un éclairage sur des questions relevant de ses missions. » ;

4° Après l’article 8, sont insérés des articles 8-1 et 8-2 ainsi rédigés :

« Art. 8-1. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille, dans les conditions prévues à la présente section, au respect :

« 1° Par les personnes dont l’activité consiste à fournir un service intermédiaire, des obligations prévues aux paragraphes 1 et 5 de l’article 9, aux paragraphes 1 et 5 de l’article 10 et aux articles 11 à 15 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) ;

« 2° Par les personnes dont l’activité consiste à fournir un service d’hébergement, des obligations prévues aux articles 16 et 17 du même règlement ;

« 3° Par les personnes dont l’activité consiste à fournir un service de plateforme en ligne, à l’exception des microentreprises ou des petites entreprises au sens de l’article 19 dudit règlement, des obligations prévues :

« a) Aux articles 20 à 24 du même règlement ;

« b) À l’article 25 du même règlement, à l’exception des pratiques mentionnées au 1° de l’article L. 133-1 du code de la consommation ;

« c) Aux a à c du paragraphe 1 et au paragraphe 2 de l’article 26, à l’article 27 et au paragraphe 1 de l’article 28 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité.

« Art. 8-2. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique analyse les rapports de transparence des fournisseurs de plateformes en ligne relevant de sa compétence conformément à l’article 56 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) publiés en application des articles 15 et 24 du même règlement. Cette analyse fait l’objet d’un rapport annuel remis au Parlement. » ;

5° Après l’article 9, sont insérés des articles 9-1 et 9-2 ainsi rédigés :

« Art. 9-1. – I. – Pour l’accomplissement de ses missions, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut :

« 1° Exercer auprès des fournisseurs de services intermédiaires mentionnés à l’article 8-1 ou auprès de toute autre personne mentionnée au paragraphe 1 de l’article 51 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) les pouvoirs d’enquête et d’exécution prévus au même article 51, dans les conditions prévues à la présente section ;

« 2° Recueillir, auprès de tout fournisseur de services intermédiaires qui propose un service sur le territoire national, les informations nécessaires à l’élaboration des demandes d’examen mentionnées aux articles 58 ou 65 du même règlement.

« II. – Pour la recherche et la constatation des manquements aux obligations mentionnées à l’article 8-1 de la présente loi ou pour l’application des articles 57, 60, 66 ou 69 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité, les agents habilités et assermentés de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent procéder, de 6 heures à 21 heures, à des inspections dans tout lieu, local, enceinte, installation ou établissement utilisé par un fournisseur de services intermédiaires pour les besoins de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, afin d’examiner, de saisir, de prendre ou d’obtenir des copies d’informations, sous quelque forme et sur quelque support de stockage que ce soit.

« Le procureur de la République territorialement compétent en est préalablement informé.

« Lorsqu’il y a lieu de soupçonner que les informations relatives à un manquement aux obligations prévues par le même règlement sont conservées dans des lieux, des locaux, des enceintes, des installations ou des établissements partiellement ou entièrement affectés au domicile privé, la visite ne peut se dérouler qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter, dans les conditions prévues au III du présent article.

« III. – Le responsable de ces lieux, ces locaux, ces enceintes, ces installations ou ces établissements est informé de son droit d’opposition à la visite.

« Lorsqu’il exerce ce droit, la visite ne peut se dérouler qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter. Toutefois, lorsque l’urgence, la gravité des faits à l’origine du contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents le justifie, la visite peut avoir lieu, sur autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, sans que le responsable mentionné au premier alinéa du présent III en ait été informé. Dans ce cas, ce responsable ne peut s’opposer à la visite. La visite s’effectue sous l’autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l’a autorisée, en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous l’autorité des personnes chargées de procéder au contrôle.

« L’ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire au seul vu de la minute. Elle mentionne que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi à tout moment d’une demande de suspension ou d’arrêt de cette visite. Elle indique le délai et la voie de recours applicables. Elle peut faire l’objet, suivant les règles prévues par le code de procédure civile, d’un appel devant le premier président de la cour d’appel.

« III bis. – Il est dressé un procès-verbal des vérifications et des visites menées en application du présent article ; le cas échéant, la liste des documents saisis lui est annexée. Ce procès-verbal est dressé contradictoirement lorsque les vérifications et les visites sont effectuées sur place ou sur convocation.

« Les documents saisis en application du II sont restitués sur décision du procureur de la République, d’office ou sur requête, dans un délai de six mois à compter de la visite.

« IV. – A. – Pour l’application du présent article, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut :

« 1° Enjoindre au fournisseur concerné de mettre fin à un ou plusieurs manquements aux obligations mentionnées à l’article 8-1 dans un délai déterminé et prononcer une astreinte dans les conditions prévues au III de l’article 9-2 ;

« 2° Enjoindre au fournisseur concerné de prendre toute mesure corrective de nature structurelle ou comportementale proportionnée au manquement et nécessaire pour faire cesser effectivement le manquement ;

« 3° Adopter des injonctions à caractère provisoire lorsque le manquement constaté paraît susceptible de créer un dommage grave.

« Elle peut aussi saisir l’autorité judiciaire afin que cette dernière ordonne les mesures mentionnées aux 1° à 3° du présent A.

« Elle peut également constater qu’il n’y a plus lieu de statuer.

« B. – Pour l’application du I du présent article, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut également accepter des engagements proposés par les fournisseurs de services intermédiaires de nature à mettre un terme au manquement constaté.

« La proposition d’engagements des fournisseurs de services intermédiaires est suffisamment détaillée, notamment en ce qui concerne le calendrier et la portée de leur mise en œuvre ainsi que leur durée, pour permettre à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique de procéder à son évaluation.

« L’autorité peut, de sa propre initiative ou sur demande du fournisseur concerné, modifier les engagements qu’elle a acceptés ou y mettre fin si l’un des faits sur lesquels la décision d’engagements repose a subi un changement important ou si cette décision repose sur des informations incomplètes, inexactes ou trompeuses communiquées par le fournisseur ou par toute autre personne mentionnée au 1° du I.

« V. – A. – Dans les conditions prévues au premier alinéa du paragraphe 3 de l’article 51 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut enjoindre au fournisseur concerné, dans les meilleurs délais, de :

« 1° Soumettre un plan d’action établissant les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement ;

« 2° Veiller à ce que ces mesures soient prises ;

« 3° Rendre un rapport sur les mesures prises.

« B. – Dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas du même paragraphe 3, elle peut saisir l’autorité judiciaire afin que cette dernière ordonne une mesure de restriction temporaire de l’accès au service du fournisseur concerné, mentionnée audit paragraphe 3.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article et précise les voies de recours contre les mesures prononcées en application du IV et du présent V.

« Art. 9-2. – I. – A. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut mettre le fournisseur concerné en demeure de se conformer, le cas échéant dans le délai qu’elle fixe, aux obligations mentionnées à l’article 8-1.

« B. – Lorsque le fournisseur concerné ne défère pas aux demandes de l’autorité dans le cadre d’une enquête conduite en application des I à III de l’article 9-1, elle peut prononcer une injonction de satisfaire à ces mesures, qui peut être assortie d’une astreinte dans les conditions prévues au III du présent article.

« II. – Lorsque le fournisseur concerné ne se conforme pas à la mise en demeure ou à l’injonction qui lui est adressée en application du I du présent article ou ne satisfait pas aux mesures prises en application des IV et V de l’article 9-1, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, prononcer une sanction pécuniaire.

« Le montant de la sanction pécuniaire ainsi que celui de l’astreinte dont est assortie éventuellement la mise en demeure ou l’injonction prennent en considération :

« 1° La nature, la gravité et la durée du manquement ;

« 2° Le fait que le manquement a été commis de manière intentionnelle ou par négligence ;

« 3° Les manquements commis précédemment par le fournisseur ;

« 4° La situation financière du fournisseur ;

« 5° La coopération du fournisseur avec les autorités compétentes ;

« 6° La nature et la taille du fournisseur ;

« 7° Le degré de responsabilité du fournisseur, en tenant compte des mesures techniques et organisationnelles prises par ce fournisseur pour se conformer au règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques).

« III. – La sanction pécuniaire prononcée en application du II ne peut excéder 6 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes de l’exercice précédant la sanction. Par dérogation, le montant de la sanction prononcée en cas de refus de déférer aux demandes du régulateur dans le cadre d’une enquête conduite en application des I à III de l’article 9-1 ne peut excéder 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes de l’exercice précédant la sanction.

« Le montant maximal de l’astreinte prévue au I du présent article ne peut excéder, par jour, 5 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes journalier moyen du fournisseur concerné sur l’exercice précédant l’astreinte, calculé à compter de la date spécifiée dans la décision de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

« IV. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut rendre publiques les mises en demeure, les injonctions et les sanctions qu’elle prononce. Elle détermine dans sa décision les modalités de cette publication, qui tiennent compte de la gravité du manquement. Elle peut également ordonner l’insertion de ces mises en demeure, injonctions et sanctions dans des publications, journaux et supports qu’elle désigne, aux frais des fournisseurs faisant l’objet de la mise en demeure, de l’injonction ou de la sanction.

« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

Chapitre II

Modification du code de la consommation

Article 25
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Article 28

Article 26

(Pour coordination)

Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° L’article liminaire est ainsi modifié :

a) Le 15° est ainsi rédigé :

« 15° Plateforme en ligne : une plateforme en ligne au sens du i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché intérieur des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) ; »

b) Sont ajoutés des 17° et 18° ainsi rédigés :

« 17° Moteur de recherche en ligne : un moteur de recherche en ligne au sens du j de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité ;

« 18° Comparateur en ligne : tout service de communication au public en ligne consistant en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels. » ;

2° L’article L. 111-7 est ainsi modifié :

a) Le I est abrogé ;

b) Le II est ainsi modifié :

– au premier alinéa, les mots : « opérateur de plateforme » sont remplacés par les mots : « fournisseur de place de marché en ligne ou de comparateur » ;

– au 1°, les mots : « référencement, de classement » sont remplacés par les mots : « classement, ainsi que, s’agissant des comparateurs en ligne, de référencement » ;

– au cinquième alinéa, les mots : « opérateurs de plateforme » sont remplacés par les mots : « personnes mentionnées au premier alinéa » ;

– au sixième alinéa, les mots : « opérateur de plateforme en ligne dont l’activité consiste en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels » sont remplacés par les mots : « fournisseur de comparateur en ligne » ;

– au septième alinéa, les mots : « l’opérateur de plateforme en ligne » sont remplacés par les mots : « les personnes mentionnées au premier alinéa » ;

3° L’article L. 111-7-1 est abrogé ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 111-7-2, les mots : « aux articles L. 111-7 et L. 111-7-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 111-7 » ;

5° Au premier alinéa de l’article L. 111-7-3, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2022-309 du 3 mars 2022 pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public, les mots : « opérateurs de plateformes en ligne mentionnés à l’article L. 111-7 du présent code » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de plateformes en ligne, de moteurs de recherche en ligne et de comparateurs en ligne » ;

6° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 112-8, le mot : « plateforme » est remplacé par le mot : « interface » ;

7° Le titre III du livre Ier est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Obligations des fournisseurs de plateformes en ligne

« Art. L. 133-1. – Est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros dont le montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 6 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours de l’exercice précédent pour une personne morale, le fait pour un fournisseur de places de marché :

« 1° De méconnaître ses obligations relatives à la conception, à l’organisation ou à l’exploitation d’une interface en ligne, en violation de l’article 25 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) ;

« 2° De ne pas respecter :

« a) Les obligations de traçabilité des professionnels utilisant leurs plateformes en ligne prévues à l’article 30 du même règlement ;

« b) Les obligations de conception de l’interface en ligne prévues à l’article 31 dudit règlement ;

« c) Les obligations relatives au droit à l’information des consommateurs prévues à l’article 32 du même règlement.

« Art. L. 133-2. – En cas d’infraction aux dispositions de l’article L. 133-1, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut, après en avoir avisé le procureur de la République, demander à la juridiction civile d’enjoindre à l’auteur des pratiques de se mettre en conformité. Le juge peut assortir son injonction d’une astreinte journalière ne pouvant excéder un montant de 5 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes journalier moyen réalisé par le fournisseur de services concerné au cours du dernier exercice clos.

« Dans ce cas, l’injonction précise les modalités d’application de l’astreinte encourue, notamment sa date d’applicabilité, sa durée et son montant. Le montant de l’astreinte est proportionné à la gravité des manquements constatés et tient compte notamment de l’importance du trouble causé.

« L’astreinte journalière court à compter du jour suivant l’expiration du délai imparti au professionnel pour se mettre en conformité avec la mesure notifiée.

« En cas d’inexécution, totale ou partielle, ou d’exécution tardive, le juge procède, après une procédure contradictoire, à la liquidation de l’astreinte.

« Art. L. 133-3. – Les personnes physiques coupables des délits punis à l’article L. 133-1 encourent également, à titre de peines complémentaires, l’interdiction, suivant les modalités prévues à l’article 131-27 du code pénal, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

« Ces interdictions d’exercice ne peuvent excéder une durée de cinq ans. Elles peuvent être prononcées cumulativement.

« Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du même code, des délits punis à l’article L. 133-1 du présent code encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 2° à 9° de l’article 131-39 du même code.

« L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. Les peines prévues aux 2° à 7° dudit article 131-39 ne peuvent être prononcées que pour une durée de cinq ans au plus. » ;

8° Au premier alinéa de l’article L. 224-42-4, les mots : « opérateur de plateforme en ligne, au sens de l’article L. 111-7, proposant gratuitement aux utilisateurs finals un outil de comparaison et d’évaluation » sont remplacés par les mots : « fournisseur de comparateur en ligne » ;

9° Après l’article L. 511-7, il est inséré un article L. 511-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 511-7-1. – Les agents sont habilités à rechercher et constater les infractions des fournisseurs de plateforme en ligne dont l’établissement principal est situé en France ou dont le représentant légal est établi en France aux dispositions du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) mentionnées à l’article L. 133-1 du présent code.

« Ils disposent, à cet effet, des pouvoirs définis à la section 1, aux sous-sections 1 à 5 de la section 2 ainsi qu’à la section 3 du chapitre II du présent titre. » ;

10° Le chapitre II du titre Ier du livre V est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Dispositions spécifiques aux plateformes en ligne

« Art. L. 512-66. – Pour la mise en œuvre des contrôles administratifs en vue de la recherche et de la constatation des infractions aux dispositions du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), les agents habilités agissent dans les conditions prévues par les dispositions combinées du paragraphe 4 de l’article 49 et du paragraphe 2 de l’article 50 du même règlement.

« Art. L. 512-67. – Pour l’accès aux données des fournisseurs de plateformes en ligne mentionnées à l’article 40 du règlement mentionné à l’article L. 512-66 du présent code, les agents habilités exercent leurs pouvoirs dans les conditions prévues aux paragraphes 1 à 3 de l’article 40 du même règlement.

« Art. L. 512-68. – Les agents habilités peuvent coopérer, dans l’exercice de leurs missions, avec les agents du coordinateur des services numériques mentionné à l’article 7-2 de la loi n° 2004– 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. À ce titre, ils peuvent se communiquer les informations et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions respectives, sans que les dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale ou celles relatives au secret professionnel ne leur soient opposables. » ;

11° L’article L. 521-3-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « produits », sont insérés les mots : « et des services » et, après la référence : « L. 521-1 », sont insérés les mots : « ou à une mesure prise en application des articles L. 521-7, L. 521-16, L. 521-17, L. 521-20 et L. 521-23 » ;

b) Au 1°, les mots : « opérateurs de plateformes en ligne au sens du I de l’article L. 111-7 » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de plateformes en ligne, de moteurs de recherche en ligne, de comparateurs en ligne ou d’agrégateurs de contenus » ;

c) Au a du 2°, les mots : « personnes relevant du I de l’article L. 111-7 du présent code » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de plateformes en ligne, de moteurs de recherche en ligne ou de comparateurs en ligne » ;

d) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Une interface en ligne s’entend au sens de la définition qui en est donnée au point m de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques). » ;

12° Au premier alinéa de l’article L. 524-3, les mots : « au 8 du I de l’article 6 » sont remplacés par les mots : « à l’article 6-3 » ;

13° La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre V est complétée par un article L. 531-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-7. – Pour la mise en œuvre du règlement mentionné à l’article L. 512-66 dans les conditions fixées au présent titre, toute fourniture d’informations inexactes, incomplètes ou trompeuses, toute absence de réponse ou non-rectification d’informations inexactes, incomplètes ou trompeuses ou tout manquement à l’obligation de se soumettre, sous réserve des recours applicables, à une opération de visite et de saisie, est punie de la sanction prévue à l’article L. 531-1. Le montant de l’amende est toutefois plafonné à 1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes au cours de l’exercice précédent la date des faits pour une personne morale. » ;

14° À l’article L. 532-5, les mots : « au 1 du VI » sont remplacés par les mots : « au 3 du III ».

Chapitre III

Modification du code de commerce

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Chapitre IV

Mesures d’adaptation de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

Article 26
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Article 29

Article 28

I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :

1° À la première phrase du cinquième alinéa de l’article 14, les mots : « opérateurs de plateforme en ligne, au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de plateformes en ligne, au sens du paragraphe i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), les moteurs de recherche en ligne, au sens du paragraphe j du même article 3, et les plateformes de partage de vidéos, au sens des cinq derniers alinéas de l’article 2 de la présente loi » ;

2° Au 12° de l’article 18, les mots : « codes de bonne conduite ayant pour objet de réduire de manière significative les communications sur les services de médias audiovisuels et sur les services édités par les opérateurs de plateforme en ligne, au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation, ayant un impact négatif sur l’environnement » sont remplacés par les mots : « “contrats climats” élaborés en application de l’article 14 » ;

3° À l’intitulé du chapitre Ier du titre IV, les mots : « mentionnées à l’article L. 163-1 du code électoral » sont supprimés ;

4° L’article 58 est ainsi modifié :

a) À la fin de la première phrase du premier alinéa, les mots : « opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au premier alinéa de l’article L. 163-1 du code électoral » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de plateformes en ligne au sens du paragraphe i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), aux moteurs de recherche en ligne, au sens du paragraphe j du même article 3, et aux fournisseurs de services de plateformes de partage de vidéos, au sens du 8 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques) » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique publie un bilan périodique de l’application des mesures prises par les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche, au sens de l’article 33 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité, en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public ou d’altérer la sincérité de l’un des scrutins mentionnés au premier alinéa de l’article 33-1-1 de la présente loi. Ce bilan est établi sur la base des informations communiquées par la Commission européenne concernant les mesures adoptées par ces acteurs pour évaluer et atténuer le risque systémique de désinformation en application des articles 34 et 35 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité et pour se conformer à leurs engagements en matière de désinformation pris pour l’application de l’article 45 du même règlement, des audits indépendants prévus à l’article 37 dudit règlement ainsi que des informations rendues publiques par ces acteurs en application de l’article 42 du même règlement ou recueillies auprès d’eux dans les conditions prévues à l’article 19 de la présente loi ou à l’article 40 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité. » ;

5° L’article 60 est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille, dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre II du titre Ier de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, au respect, par les services de plateforme de partage de vidéos dont l’établissement principal est situé en France ou dont le représentant légal est établi en France, des obligations mentionnées à la même section 4. »

II. – Au A du III de l’article 42 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, la date : « 31 décembre 2023 » est remplacée par la date : « 17 février 2024 ».

Chapitre V

Mesures d’adaptation de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information

Article 28
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Article 31

Article 29

Le titre III de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Les articles 11, 13 et 14 sont abrogés.

Chapitre VI

Mesures d’adaptation du code électoral

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Chapitre VII

Mesures d’adaptation de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés

Article 29
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Article 31 bis

Article 31

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :

1° L’article 8 est ainsi modifié :

a) Au début, il est ajouté un I A ainsi rédigé :

« I A. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés est une autorité administrative indépendante. » ;

b) La première phrase du premier alinéa du I est supprimée ;

c) (Supprimé)

d) Après le même I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Elle est l’autorité compétente au sens de l’article 26 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données), pour l’application du chapitre IV du même règlement. Elle veille, à ce titre, au respect des règles mentionnées au titre IV bis de la présente loi et dispose des pouvoirs mentionnés à l’article 20-1. Ses membres et les agents de ses services habilités dans les conditions définies au second alinéa de l’article 10 peuvent constater les manquements aux exigences énoncées au chapitre IV du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité. » ;

2° (Supprimé)

3° Le premier alinéa de l’article 16 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est également compétente pour prendre les mesures et prononcer les sanctions à l’encontre des organisations altruistes en matière de données reconnues qui ne respectent pas les exigences énoncées au chapitre IV du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données) ainsi qu’à l’encontre des plateformes en ligne qui ne respectent pas les obligations issues du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) mentionnées à l’article 124-5 de la présente loi. » ;

4° Après l’article 20, il est inséré un article 20-1 ainsi rédigé :

« Art. 20-1. – I. – Pour l’exercice des missions relevant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données), les membres et les agents habilités dans les conditions définies au second alinéa de l’article 10 de la présente loi peuvent obtenir communication de tous les documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission, quel qu’en soit le support. Le secret ne peut leur être opposé. Ils peuvent, à cette fin, adresser aux personnes de contact, au sens du g du 4 de l’article 19 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité, une demande motivée pour obtenir, dans le délai fixé par la demande et qui ne peut être inférieur à sept jours, les informations requises pour vérifier le respect des exigences énoncées au chapitre IV du même règlement.

« II. – Lorsqu’il est constaté qu’une organisation altruiste en matière de données reconnue ne respecte pas les exigences énoncées au chapitre IV du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés notifie ces constatations à l’organisation concernée et lui donne la possibilité de répondre dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification.

« III. – Si le manquement constaté est susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut, après avoir émis la notification prévue au II du présent article, mettre en demeure une organisation altruiste en matière de données reconnue de se conformer, dans le délai qu’il fixe, aux exigences énoncées au chapitre IV du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité.

« Le président peut demander qu’il soit justifié de la mise en conformité dans un délai qu’il fixe. Ce délai peut être fixé à vingt-quatre heures en cas d’urgence. Le président prononce, le cas échéant, la clôture de la procédure de mise en demeure.

« Le président peut demander au bureau de rendre publique la mise en demeure. Dans ce cas, la décision de clôture de la procédure de mise en demeure fait l’objet de la même publicité.

« IV. – Lorsque l’organisation altruiste en matière de données reconnue ne respecte pas les obligations résultant du chapitre IV du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut également, le cas échéant après lui avoir adressé la notification prévue au II du présent article ou après avoir prononcé à son encontre la mise en demeure prévue au III, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après une procédure contradictoire, de l’une ou de plusieurs des mesures suivantes :

« 1° L’une des sanctions énoncées au 5 de l’article 24 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité ;

« 2° Une amende administrative dont le montant tient compte des critères fixés à l’article 34 du même règlement et ne peut excéder les plafonds prévus au 4 de l’article 83 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données). » ;

5° Après le titre IV, il est inséré un titre IV bis ainsi rédigé :

« TITRE IV BIS

« DISPOSITIONS RELATIVES À LALTRUISME EN MATIÈRE DE DONNÉES

« Art. 124-1. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés, en tant qu’autorité compétente pour l’enregistrement des organisations altruistes en matière de données, au sens de l’article 23 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données), tient et met à jour le registre public national des organisations altruistes en matière de données reconnues mentionné à l’article 17 du même règlement.

« Art. 124-2. – En tant que responsable du registre mentionné à l’article 124-1, la Commission nationale de l’informatique et des libertés traite, dans les conditions fixées à l’article 19 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité, les demandes d’enregistrement formées par les personnes qui remplissent les conditions fixées à l’article 18 du même règlement.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de la procédure d’enregistrement.

« Art. 124-3. – Conformément à l’article 27 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 précité, la Commission nationale de l’informatique et des libertés reçoit et instruit toute réclamation formée par des personnes physiques et morales relevant du champ d’application du chapitre IV du même règlement. Dans un délai raisonnable, elle informe la personne physique ou morale concernée de l’issue réservée à la réclamation et de son droit de former un recours juridictionnel. »

Article 31
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Article 32

Article 31 bis

Le code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :

1° L’article L. 311-8 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Lorsque la demande implique l’interconnexion de plusieurs bases de données ou que l’administration saisie envisage de refuser d’y faire droit, cette dernière saisit le comité préalablement à sa décision. Elle est représentée devant le comité au cours de l’examen de l’avis. » ;

– à la fin de la seconde phrase, les mots : « , dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont supprimés ;

b) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités d’application du deuxième alinéa du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, y compris les délais qui incombent à l’administration saisie d’une demande. » ;

2° La sixième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 552-8, L. 562-8 et L. 574-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 311-1 à L. 311-7

Résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

L. 311-8

Résultant de la loi n° … du … visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique

L. 311-9

Résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

» ;

3° L’avant-dernière ligne du tableau du second alinéa des articles L. 553-2 et L. 563-2 et la quatrième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 574-5 sont remplacées par trois lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 311-5 à L. 311-7

Résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

L. 311-8

Résultant de la loi n° … du … visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique

L. 311-9

Résultant de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique

»

Article 31 bis
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Article 32 bis

Article 32

I. – La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifiée :

1° L’article 8 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Après le I, il est inséré un I ter ainsi rédigé :

« I ter. – Elle est l’une des autorités compétentes au sens de l’article 49 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) et pour son application. Elle veille, à ce titre, au respect des règles mentionnées au titre IV ter de la présente loi. Elle participe au comité européen des services numériques mentionné à l’article 61 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité dans les conditions prévues à l’article 7-3 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. » ;

2° (Supprimé)

3° Après le titre IV, il est inséré un titre IV ter ainsi rédigé :

« TITRE IV ter

« DISPOSITIONS APPLICABLES AUX FOURNISSEURS DE PLATEFORMES EN LIGNE RELEVANT DU RÈGLEMENT (UE) 2022/2065 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 19 OCTOBRE 2022 RELATIF À UN MARCHÉ UNIQUE DES SERVICES NUMÉRIQUES ET MODIFIANT LA DIRECTIVE 2000/31/CE (RÈGLEMENT SUR LES SERVICES NUMÉRIQUES)

« Art. 124-4. – Le présent titre s’applique sans préjudice des autres dispositions de la présente loi et du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

« Art. 124-5. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés, en tant qu’autorité compétente au sens de l’article 49 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), veille au respect par les fournisseurs de plateformes en ligne qui ont leur établissement principal en France ou dont le représentant légal réside ou est établi en France des obligations énoncées :

« 1° Au d du 1 de l’article 26 du même règlement, relatives à l’information des destinataires du service concernant la publicité présentée sur leurs interfaces en ligne ;

« 2° Au 3 du même article 26, relatives à l’interdiction de présentation de publicités fondées sur le profilage sur la base de catégories de données à caractère personnel mentionnées au I de l’article 6 de la présente loi ;

« 3° Au 2 de l’article 28 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité, relatives à l’interdiction de la présentation aux mineurs de publicités fondées sur le profilage.

« Elle dispose à ce titre, à l’égard de ces fournisseurs de plateformes en ligne et de toute autre personne agissant pour les besoins de son activité et susceptible de disposer d’informations relatives à un éventuel manquement, des pouvoirs prévus aux articles 19, 20, 22 et 22-1 de la présente loi. » ;

4° La section 2 du chapitre II du titre Ier est ainsi modifiée :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Pouvoirs d’enquête » ;

b) Le III de l’article 19 est ainsi modifié :

– à la première phrase du premier alinéa, après l’année : « 2016 », sont insérés les mots : « , du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) » ;

– la même première phrase est complétée par les mots : « avant de procéder à la saisie de ceux se rapportant à un manquement susceptible de faire l’objet d’une sanction ou d’une mesure correctrice en application de la section 3 du présent chapitre » ;

– après ladite première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le procureur de la République ou, s’il a autorisé la visite en application du présent article, le juge des libertés et de la détention est informé de la saisie par tout moyen et peut s’y opposer. » ;

– au début de la deuxième phrase du même premier alinéa, le mot : « Ils » est remplacé par les mots : « Ces membres et agents » ;

– avant la dernière phrase dudit premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils peuvent demander à tout membre du personnel ou à tout représentant du responsable de traitement ou du fournisseur de plateformes en ligne et à toute autre personne agissant pour les besoins de son activité de fournir des explications sur toute information relative à une infraction présumée et enregistrer leurs réponses, avec leur consentement, à l’aide de tout moyen technique. » ;

– le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Il est dressé procès-verbal des vérifications et des visites menées en application du présent article ; le cas échéant, la liste des documents saisis lui est annexée. Ce procès-verbal est dressé contradictoirement lorsque les vérifications et les visites sont effectuées sur place ou sur convocation.

« Les documents saisis en application du présent III sont restitués sur décision du procureur de la République, d’office ou sur requête, dans un délai de six mois à compter de la visite ou, en cas d’engagement d’une procédure visant au prononcé des mesures correctrices et des sanctions prévues à la section 3 du présent chapitre, dans un délai de six mois à compter de la décision rendue par la formation restreinte ou par son président. Si des poursuites sont engagées, la restitution est soumise à l’article 41-4 du code de procédure pénale. » ;

c) (Supprimé)

5° L’article 20 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Le II devient le III, le III devient le IV et le IV devient le VI ;

c) Le II est ainsi rétabli :

« II. – Pour l’exercice des missions relevant de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), son président peut accepter des engagements proposés par les fournisseurs de plateformes en ligne et de nature à garantir la conformité du service avec les obligations prévues à l’article 124-5 de la présente loi.

« La proposition d’engagements des fournisseurs de plateforme en ligne est suffisamment détaillée, notamment en ce qui concerne le calendrier et la portée de leur mise en œuvre ainsi que leur durée, pour permettre à la Commission nationale de l’informatique et des libertés de procéder à son évaluation.

« Au terme de cette évaluation, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut décider de rendre contraignants tout ou partie de ces engagements, pour une période donnée qui ne peut dépasser la durée proposée par le fournisseur de plateformes en ligne.

« Un décret en Conseil d’État précise la procédure selon laquelle de tels engagements sont proposés au président de la commission, puis acceptés ou rendus contraignants par celui-ci. » ;

d) Le III, tel qu’il résulte du b du présent 5°, est ainsi modifié :

– le premier alinéa est ainsi rédigé :

« III. – Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi ou lorsque le fournisseur de plateformes en ligne ne respecte pas les obligations résultant de l’article 124-5 de la présente loi ou ses engagements pris au titre du II du présent article, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut le rappeler à ses obligations légales ou, si le manquement constaté est susceptible de faire l’objet d’une mise en conformité, prononcer à son égard une mise en demeure, dans le délai qu’il fixe. Le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respectant pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi peut être mis en demeure : » ;

– au sixième alinéa, la référence : « II » est remplacée par la référence : « III » ;

e) Après le IV, tel qu’il résulte du b du présent 5°, il est inséré un V ainsi rédigé :

« V. – Lorsque le fournisseur de plateformes en ligne ne respecte pas les obligations résultant de l’article 124-5 de la présente loi ou ses engagements pris au titre du II du présent article, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut également, le cas échéant après avoir prononcé à son encontre une ou plusieurs des mesures correctrices prévues au III, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après une procédure contradictoire, de l’une ou de plusieurs des mesures suivantes :

« 1° Un rappel à l’ordre ;

« 2° Une injonction de mettre en conformité le service avec les obligations prévues au présent chapitre. Cette injonction est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à trois jours. Elle peut être assortie d’une astreinte dont le montant journalier ne peut excéder 5 % des revenus ou du chiffre d’affaires mondial journalier moyen du fournisseur de plateformes en ligne concerné au cours de l’exercice précédent et qui prend effet au terme du délai d’exécution ;

« 3° Une amende administrative ne pouvant excéder 6 % du chiffre d’affaires mondial du fournisseur de plateformes en ligne réalisé au cours de l’exercice précédent.

« Dans le cadre de l’application de l’article 124-5 de la présente loi, toute inexécution des demandes de la Commission nationale de l’informatique et des libertés émises en application de l’article 19 de la même loi ainsi que la transmission d’informations inexactes, incomplètes ou trompeuses est susceptible de faire l’objet des mesures prévues aux 2° et 3° du présent V. Toutefois, le montant maximal de l’amende administrative est ramené à 1 % du chiffre d’affaires mondial.

« Ces mesures sont précédées, lorsqu’elles ne visent pas le responsable de traitement ou le fournisseur de plateformes en ligne lui-même, d’un rappel à l’ordre comportant les informations prévues au dernier alinéa du 2 de l’article 51 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité. » ;

f) Après le premier alinéa du VI, tel qu’il résulte du b du présent 5°, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la formation restreinte a été saisie et que le manquement est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques, son président peut également adopter, après une procédure contradictoire et selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État, une injonction à caractère provisoire. Cette injonction peut porter sur toute mesure de nature à mettre fin au manquement et être assortie d’une astreinte dont le montant, qui ne peut excéder 100 000 euros par jour de retard à compter de la date figurant dans l’injonction, est fixé en tenant compte de la nature, la gravité et la durée du manquement allégué, ainsi que des avantages tirés de ce manquement et des manquements commis précédemment. L’injonction ainsi adoptée et, le cas échéant, l’astreinte dont elle est assortie prennent fin au plus tard à la date à laquelle se prononce la formation restreinte ou son président sur le fondement des articles 19 à 22 et 23 de la présente loi ou, dans le cas prévu à l’article 22-1, de la date à laquelle sont engagées des poursuites.

« Le montant de l’astreinte est fixé en tenant compte de la nature, de la gravité et de la durée du manquement allégué, des avantages tirés de ce manquement et des manquements commis précédemment.

« L’injonction ainsi adoptée et, le cas échéant, l’astreinte dont elle est assortie prennent fin au plus tard à la date à laquelle se prononce la formation restreinte ou son président sur le fondement des articles 20 à 22 et 23 de la présente loi ou, dans le cas prévu à l’article 22-1, à la date à laquelle sont engagées des poursuites.

« Les astreintes sont liquidées par la formation restreinte, qui en fixe le montant définitif, et recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. » ;

6° Au premier alinéa de l’article 22, les mots : « au III » sont remplacés par les mots : « aux IV et V » ;

7° Le deuxième alinéa de l’article 22-1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « 1°, 2° et 7° du III » sont remplacés par les mots : « 1°, 2° et 7° du IV et 1° et 2° du V » ;

b) Les mots : « même III » sont remplacés par les mots : « IV et au 3° du V du même article 20» ;

c) Les mots : « au 2° dudit III » sont remplacés par les mots : « au 2° des IV et V dudit article 20 » ;

8° (nouveau) Au deuxième alinéa de l’article 28, la référence : « II » est remplacée par la référence : « III ».

II (nouveau). – Au deuxième alinéa de l’article 226-16 du code pénal, la référence : « III » est remplacée par la référence : « IV ».

Article 32
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Article 33

Article 32 bis

Le I de l’article 3 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les titres Ier et II de la présente loi s’appliquent notamment aux traitements de données à caractère personnel de personnes qui se trouvent sur le territoire français par un responsable du traitement ou un sous-traitant qui n’est pas établi dans l’Union européenne lorsque ces traitements sont liés au suivi du comportement de ces personnes au sein de l’Union européenne, notamment par la collecte de leurs données à caractère personnel en vue de leur rapprochement avec des données liées à leur activité en ligne. »

Chapitre VIII

Mesures d’adaptation de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques

Article 32 bis
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Article 34

Article 33

Le II de l’article 15 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « opérateurs de plateformes en ligne mentionnés au I de l’article L. 111-7 du code de la consommation qui proposent » sont remplacés par les mots : « personnes physiques ou morales proposant, à titre professionnel, un service de communication au public en ligne reposant sur » ;

2° À la même première phrase, après les mots : « le référencement », sont insérés les mots : « , au moyen d’algorithmes informatiques, » ;

3° À ladite première phrase, les mots : « au II du même article L. 111-7 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 111-7 du code de la consommation » ;

3° bis Le début de la seconde phrase du même alinéa est ainsi rédigé : « Elles établissent chaque année des éléments statistiques, qu’elles rendent… (le reste sans changement). » ;

4° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Les agents mentionnés à l’article L 511-3 du code de la consommation sont habilités à rechercher et à constater les manquements aux dispositions du présent article dans les conditions prévues à l’article L. 511-7 du même code et peuvent mettre en œuvre l’injonction prévue à l’article L. 521-1 de ce code. »

Chapitre IX

Mesures d’adaptation de la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, du code de la propriété intellectuelle, de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique et du code pénal

Article 33
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Article 36

Article 34

I. – L’article 24 de la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs est ainsi modifié :

1° Les mots : « opérateurs de plateformes en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation » sont remplacés par les mots : « fournisseurs de plateformes en ligne, au sens du paragraphe i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), les moteurs de recherche, au sens du paragraphe j du même article 3, les plateformes de partage de vidéos, au sens des septième à dernier alinéas de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication » ;

2° Les deux occurrences des mots : « éditeurs de services » sont remplacées par les mots : « personnes dont l’activité consiste à éditer un service » ;

3° Les mots : « définis au III de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique » sont supprimés ;

4° Les mots : « du même article 6 » sont remplacés par les mots : « de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique » ;

5° La dernière occurrence du mot : « définis » est remplacée par le mot : « défini ».

II. – Au début du II des articles L. 137-2 et L. 219-2 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « Les 2 et 3 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ne sont pas applicables » sont remplacés par les mots : « Le paragraphe 1 de l’article 6 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) n’est pas applicable ».

II bis. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « la participation » sont remplacés par les mots : « une rémunération appropriée et ».

III. – À la première phrase du I de l’article 36 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, les mots : « opérateurs de plateforme en ligne définis à l’article L. 111-7 du code de la consommation » sont remplacés par les mots : « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non un service de plateforme essentiel tel que défini à l’article 2 du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques) ou un service de communication au public en ligne reposant sur le traitement de contenus, de biens ou de services, au moyen d’algorithmes informatiques ».

IV. – L’article 323-3-2 du code pénal est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Les mots : « pour un opérateur de plateforme en ligne mentionné à l’article L. 111-7 du code de la consommation » sont remplacés par les mots : « pour une personne dont l’activité consiste à fournir un service de plateforme en ligne mentionné au 4 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique » ;

b) Les mots : « cette dernière » sont remplacés par les mots : « ce service » ;

c) Les mots : « de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique » sont remplacés par les mots : « du même article 6 » ;

2° Au II, les mots : « de ces plateformes » sont remplacés par les mots : « d’un fournisseur de plateformes en ligne ».

Chapitre X

Dispositions transitoires et finales

˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙˙

Article 34
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Articles 37 et 38

Article 36

I. – L’article 2 entre en vigueur le 1er janvier 2024. Toutefois, les procédures déjà engagées au 31 décembre 2023 restent régies par les dispositions de l’article 23 de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales dans sa version en vigueur à cette date.

bis. – Le I de l’article 6-8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique entre en vigueur un an après la date d’entrée en vigueur mentionnée au I de l’article 7 de la loi n° 2023-566 du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

ter. – Le III bis de l’article 6 de la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2025.

II. – (Supprimé)

III. – Les articles 7 bis, 8, 9 et 10 et le I bis de l’article 10 bis de la présente loi s’appliquent jusqu’au 12 janvier 2027.

IV. – (Supprimé)

V. – Le 5° de l’article 22, les articles 23, 24, 25 à l’exception de ses 1°, 2° et 3°, l’article 26, l’article 28 à l’exception de son II et les articles 29, 30, 32 et 34 entrent en vigueur le 17 février 2024.

VI. – (Supprimé)

VII. – L’article 17 entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard douze mois à compter de la publication de la présente loi.

VIII. – À compter de l’entrée en vigueur de l’article 3 de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire, le II de l’article L. 453-1 du code de l’organisation judiciaire est ainsi rédigé :

« II. – Ce contrôle est exercé, en toute indépendance, par une autorité constituée d’un conseiller ou d’un président de chambre à la Cour de cassation ou d’un avocat général ou d’un premier avocat général à la Cour de cassation, élu par l’assemblée des magistrats du troisième grade de la cour, à l’exclusion des auditeurs, des conseillers référendaires et des avocats généraux référendaires, pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. »

Article 36
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Article 1er

Articles 37 et 38

(Supprimés)

M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.

Articles 37 et 38
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

article 1er

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant de la sanction prend en compte la nature, la gravité et la durée du manquement, les avantages tirés de ce manquement et les manquements commis précédemment.

II. – Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

Le montant de cette sanction

par les mots :

La sanction prononcée

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement a déposé une série d’amendements. Il s’agit d’amendements de coordination ou tendant à corriger des erreurs matérielles ou des omissions. Ils ne visent pas à modifier le fond du texte.

Je considère l’ensemble de ces amendements comme défendus, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, au nom de la commission mixte paritaire. Il s’agit, je le confirme, d’amendements de coordination et de correction ; la commission n’a pas pu se réunir pour les examiner, mais nous sommes en mesure d’émettre un avis favorable. (MM. Loïc Hervé et Patrick Chaize le confirment.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 1er, modifié, est réservé.

article 2

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer les mots :

du service de communication au public en ligne

par les mots :

des services concernés

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 2, modifié, est réservé.

article 2 bis

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

1° Remplacer les mots :

I des articles 10 et 10-1

par les mots :

II de l’article 10 et au I de l’article 10-1

2° Après le mot :

ligne

insérer les mots :

ou le fournisseur du service de plateforme de partage de vidéos

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 2 bis, modifié, est réservé.

article 3 bis A

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, troisième phrase

Après la référence :

III

insérer les mots :

de l’article 6

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 3 bis A, modifié, est réservé.

article 4 AD

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Remplacer le mot :

sa

par le mot :

la

2° Compléter cet alinéa par les mots :

du présent article

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 4 AD, modifié, est réservé.

article 5 bis

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

à 222-18-1

par les mots :

et 222-18

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 5 bis, modifié, est réservé.

article 15

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Remplacer les occurrences des mots :

valeur totale

par les mots :

proportion maximale

2° Dernière phrase

Supprimer les mots :

du montant total

et après le mot :

entreprise

insérer les mots :

pour ce jeu

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 15, modifié, est réservé.

article 15 bis

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7, dernière phrase

Rédiger ainsi le début de cette phrase :

L’entreprise de jeux à objets numériques monétisables met en œuvre… (le reste sans changement)

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 15 bis, modifié, est réservé.

article 22

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication, au sens de l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, et le cas échéant celui du responsable de la rédaction ;

II. – Alinéa 12, seconde phrase

Remplacer les mots :

, au plus tard,

par les mots :

dans un délai maximum de

III. – Alinéa 13

Remplacer les mots :

l’article

par les mots :

le message

IV. – Alinéa 17

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

Si les imputations… (le reste sans changement)

V. – Alinéa 28

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. 6. – I. – 1. On entend par fournisseur d’un “service d’accès à internet” toute personne fournissant un service de simple transport tel que défini au i du paragraphe g de l’article 3 du règlement… (le reste sans changement)

VI. – Alinéa 29

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« 2. On entend par fournisseur de “services d’hébergement” toute personne fournissant les services… (le reste sans changement)

VII. – Alinéa 41

Remplacer les mots :

départements d’outre-mer

par les mots :

collectivités régies par l’article 73 de la Constitution

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 22, modifié, est réservé.

article 26

(Pour correction d’une erreur matérielle)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 56

Remplacer les mots :

Au 3 du III

par les mots :

au C du V

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 26, modifié, est réservé.

article 32

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 39

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) au premier alinéa du IV, tel qu’il résulte du b du présent 5° , la référence : « II » est remplacée par la référence : « III » ;

II. – Alinéa 48, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

III. – Alinéa 49

Supprimer cet alinéa.

IV. – Alinéa 57

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

8° L’article 28 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, la référence : « II » est remplacée par la référence : « III » ;

b) Au troisième alinéa, la référence : « III » est remplacée par la référence : « IV ».

Je rappelle que le Gouvernement a déjà présenté cet amendement et que la commission a émis un avis favorable.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 32, modifié, est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 1er
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chaize. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, la commission mixte paritaire chargée d’examiner les soixante-trois articles restant en discussion du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique est parvenue à un accord le 27 mars dernier. Cette réunion, qui a duré presque quatre heures, a été interrompue par plusieurs suspensions, les négociations ayant été très difficiles.

M. Loïc Hervé. C’est vrai !

M. Patrick Chaize. À mon sens, l’adoption à venir de ce projet de loi est à la fois un échec gouvernemental et un succès parlementaire.

On le constate tout d’abord sur la forme : en effet, sous le vernis du marketing gouvernemental, ce texte demeure avant tout un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, un Ddadue qui ne dit pas son nom.

On l’observe ensuite en parcourant le calendrier : il aura fallu près d’un an pour que ce projet de loi soit adopté, en raison des deux avis circonstanciés transmis par la Commission européenne. Le Gouvernement ayant mal anticipé les contraintes procédurales inhérentes à l’examen d’un tel texte, celui-ci sera promulgué en retard par rapport au calendrier européen.

On le vérifie, surtout, sur le fond : le Gouvernement n’a pas toujours été facilitateur des initiatives parlementaires émanant des différents groupes politiques. Il a même bridé sa propre majorité jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire !

Il a donc fallu surmonter un grand nombre de difficultés. Le chemin a été semé d’embûches. Ce sera d’ailleurs de plus en plus le cas lorsque nous légiférerons afin de réguler l’économie numérique, pour faire d’internet un espace plus sûr, plus serein et moins violent.

M. Patrick Chaize. Je me félicite donc des avancées parlementaires que contient ce projet de loi, à commencer par les améliorations votées sous l’impulsion du Sénat pour défendre notre souveraineté et accroître la protection de nos données sensibles. La Haute Assemblée mène de longue date ce combat, que nous poursuivrons autant que nécessaire. Je tiens, en particulier, à saluer l’engagement tenace de Catherine Morin-Desailly.

Désormais, la loi fixera des obligations de protection face aux législations extraterritoriales pour les administrations de l’État, ses opérateurs et ses groupements d’intérêt public (GIP),…

M. Patrick Chaize. … dont la plateforme des données de santé, le Health Data Hub. C’est une avancée importante, que nous avons obtenue malgré une administration qui rechigne à se transformer et malgré le Gouvernement, qui, sur cette question, semble en plein déni de souveraineté.

Nous avons également fixé des obligations de protection et de localisation pour les prestataires d’hébergement des données de santé à caractère personnel.

Nos ambitions étaient certes plus grandes, mais ce sont là des avancées majeures, que nous avons obtenues grâce au soutien de très nombreux groupes politiques au Sénat et à l’Assemblée nationale ; je remercie encore l’ensemble de ces groupes.

Je me félicite également des avancées obtenues pour la régulation du marché de l’informatique en nuage, l’objectif étant d’établir un environnement concurrentiel plus sain afin que nos entreprises françaises et européennes puissent se développer davantage. Nous avons donc abaissé les barrières à l’entrée de ce marché, par exemple en limitant les crédits cloud à un an, et réduit les barrières à la sortie, notamment en confiant à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) un rôle de règlement des litiges relatifs à la facturation des données.

De même, je suis satisfait du travail accompli par les deux chambres afin de préciser le déploiement du filtre anti-arnaques, dont l’objectif est de lutter contre les actes de cybermalveillance qui polluent notre quotidien.

À titre personnel, j’ai veillé très attentivement au renforcement de la prévention et de la sensibilisation de nos concitoyens internautes : c’était une lacune de ce projet de loi.

En outre, je pense que nous sommes parvenus à un bon équilibre entre soutien à l’innovation et protection, en particulier pour les jeux à objets numériques monétisables. Autorisés à titre expérimental pour une durée de trois ans, ces jeux sont certes l’occasion de développer une nouvelle filière économique et de soutenir nos jeunes entreprises innovantes françaises, mais ils présentent aussi des risques. C’est pourquoi nous avons très strictement encadré cette expérimentation.

Tout d’abord, nous avons refusé catégoriquement le recours à une ordonnance, afin d’imposer un débat parlementaire que le Gouvernement souhaitait éviter. Cette discussion sera complétée par la consultation obligatoire des élus locaux, des casinotiers et des éditeurs de jeux vidéo.

Ensuite, nous avons proposé une première définition et fixé un cadre de régulation assez étoffé pour cette expérimentation.

Enfin, nous avons interdit par principe l’obtention de récompenses sous forme de gains monétaires, en autorisant par dérogation l’obtention à titre accessoire de récompenses en cryptomonnaies.

Nos collègues députés ont insisté pour que cette dérogation soit fixée par voie réglementaire. Toutefois, nous continuons d’émettre de sérieux doutes quant à la constitutionnalité de cette mesure.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Patrick Chaize. Dans l’incertitude, nous avons souhaité encadrer cette possibilité de manière très rigoureuse en fixant des critères de plafonnement, notamment un plafond annuel et par joueur.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Patrick Chaize. Mes chers collègues, telle a été notre feuille de route lors de l’examen de ce projet de loi, puis lors des négociations en commission mixte paritaire. À l’arrivée, je constate que ce texte ressemble davantage à une proposition de loi, dont le Sénat a pleinement su se saisir, et je nous en félicite collectivement. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un monde où les technologies numériques occupent une place de plus en plus grande et où les données personnelles se vendent cher – elles font désormais figure de monnaie d’échange –, il est essentiel de bâtir ensemble des règles pour mieux nous protéger.

Conçu comme le prolongement des règles européennes relatives au numérique, le présent texte contribue à garantir un avenir numérique sécurisé et mieux régulé : c’est un pas important, mais, en la matière, il faudra s’adapter au gré des évolutions.

Ce texte s’attaque à un certain nombre de sujets, au premier rang desquels la lutte contre la diffusion de discours haineux et contre la désinformation. Les fake news envahissent nos fils d’actualité et sèment la confusion dans l’esprit d’un certain nombre de nos concitoyens.

Il s’attaque ensuite au harcèlement, qui est, hélas ! de plus en plus répandu sur les réseaux sociaux. Les plus jeunes en sont souvent les premières victimes : certains élèves sont poursuivis de leur cour d’école jusque dans l’intimité de leur chambre. Le harcèlement sévit partout, tout le temps. Il est sans limites et aboutit à des situations dramatiques face auxquelles les parents sont démunis.

En parallèle, les cyberattaques se multiplient. La sécurité en ligne et la protection des données sont devenues des enjeux pour nos sociétés. Il y a quelques jours, la Fédération française de football (FFF) a été piratée : au total, 1,5 million de données des licenciés de football se trouvent menacées. Les espaces numériques de travail (ENT), outils informatiques de nos établissements scolaires, ont eux aussi été pris pour cible. Plus de 400 établissements de France, des milliers de collégiens et de lycéens ont été visés par des menaces d’attentat : chacun peut imaginer l’impact psychologique de ces cyberattaques pour les élèves concernés et leurs familles.

Ce projet de loi est une des étapes permettant de créer, dans les années à venir, un espace numérique où nous pourrons évoluer avec moins de craintes.

La commission mixte paritaire chargée d’examiner ce texte s’est réunie la semaine dernière. Elle est finalement parvenue à un accord.

Parmi les dispositions restant en discussion figurait notamment la mise en place de systèmes de vérification de l’âge sur les plateformes proposant des contenus pornographiques, afin de protéger les mineurs. Nous pensons également aux nouvelles mesures visant à renforcer la protection de nos données numériques face aux législations extraterritoriales : c’est indispensable pour assurer la souveraineté des données.

Ce texte fait de la France un pays pionnier en matière de régulation de l’espace numérique. Toutefois – je l’indiquais en préambule –, il faudra remettre l’ouvrage sur le métier pour s’adapter aux évolutions qui ne manqueront pas de survenir.

Reste un sujet sur lequel nous devons avancer dès à présent : l’anonymat, ou plutôt la fin de l’anonymat, sur les réseaux sociaux.

Notre collègue député Paul Midy propose que les utilisateurs des plateformes soient contraints de s’enregistrer : ils pourraient ainsi être identifiés par la justice en cas de besoin. Une telle mesure semble frappée au coin du bon sens. À cet égard, le présent texte se heurte pour le moment à un certain nombre de règles destinées à assurer la protection des données personnelles, mais l’enjeu est si grand qu’il faudra y revenir tôt ou tard.

Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires souscrivent aux objectifs de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent texte vise à établir les conditions d’un internet plus sûr pour nos concitoyens, en particulier pour nos enfants.

Dans ce combat, nous nous sommes heurtés à une double muraille : les limites technologiques, bien sûr, mais aussi et surtout l’impérieuse nécessité du respect plein et entier du droit européen.

Nous avons été rappelés à l’ordre par la Commission européenne, laquelle a adressé deux avis circonstanciés à la France après le vote de ce projet de loi par nos collègues députés. Dans le même temps, notre marge de manœuvre a été réduite. Par un arrêt du 9 novembre 2023, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a en effet durci son interprétation du principe du pays d’origine.

La commission mixte paritaire a dû, en responsabilité, prendre en compte ces contraintes pour éviter de placer notre pays dans une position délicate à l’égard de Bruxelles.

Les articles 1er et 2, qui imposent une vérification d’âge aux éditeurs et aux fournisseurs de plateformes de partage de vidéos mettant à disposition des contenus pornographiques, ne pourront ainsi s’appliquer aux acteurs établis dans un autre pays membre qu’après mise en œuvre des notifications spécifiques imposées par la jurisprudence de la CJUE.

Mes chers collègues, malgré ce cadre étroit, nous avons réussi à inscrire dans le texte des dispositions qui renforcent la protection de l’espace numérique. Parmi elles, deux avancées sont directement inspirées du rapport d’information que notre délégation aux droits des femmes a consacré à l’industrie pornographique – je parle sous l’autorité de la présidente Annick Billon.

Premièrement, le texte qui nous est soumis impose aux producteurs de contenus pornographiques simulant la commission d’une infraction pénale, comme le viol ou l’inceste, d’afficher à tout moment un message d’avertissement rappelant le caractère illégal des comportements ainsi mis en scène.

Deuxièmement, ce projet de loi pose les premières bases d’un droit à l’oubli, permettant aux personnes ayant tourné dans des vidéos pornographiques d’obtenir le retrait de ces documents en cas de diffusion sur internet en violation des conditions contractuelles.

Mme Annick Billon. Très bien !

M. Loïc Hervé. Il s’agit là de deux progrès essentiels pour les droits des femmes, que le Sénat a fait adopter en dépit des réticences de l’Assemblée nationale. Nous pouvons être fiers d’avoir tenu bon sur ces sujets.

De même, nous pouvons nous réjouir que l’Assemblée nationale ait fini par se rallier à l’article 5 bis dans sa rédaction issue des travaux du Sénat.

En créant un délit spécifique d’outrage en ligne, assorti d’une amende forfaitaire délictuelle (AFD), nous avons fait le choix d’une évolution juridique parfaitement proportionnée. Il s’agit d’apporter une réponse pénale rapide et efficiente à un phénomène massif.

Ainsi, un officier de police judiciaire (OPJ) pourra intervenir très rapidement pour infliger une amende forfaitaire délictuelle, qui supposera la reconnaissance des faits par l’auteur ; et, si tel n’est pas le cas, la procédure classique suivra son cours.

Contrairement à ce qu’affirment des vidéos pullulant sur les réseaux sociaux, lesquelles émanent aussi bien de l’extrême droite que de l’extrême gauche, il n’y a donc aucun risque d’arbitraire. Le texte précise clairement que seuls les contenus diffusés au public seront concernés, puisqu’il fait explicitement référence aux réseaux sociaux et aux plateformes en ligne.

Ceux qui ont dénoncé la censure des échanges privés se sont eux aussi trompés. Je tiens à les rassurer : ce n’est ni l’objet ni l’effet de l’outrage en ligne. Au Gouvernement maintenant de se saisir de ce nouveau dispositif et de le mettre en œuvre, même s’il a été adopté contre son avis.

Au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, le Sénat a accepté la création d’une réserve citoyenne du numérique : à quoi servirait-elle si elle ne contribuait pas à lutter contre les comportements illégaux en ligne et à constater la commission d’un outrage en ligne ?

Quel serait le sens de ce texte si, à l’issue de nos débats, perdurait l’impunité dont bénéficient tous ceux qui, isolément ou en meute, s’attaquent aux autres internautes ?

Enfin, quel serait le message adressé aux Français si le Gouvernement ne soutenait pas, à nos côtés, que ce dispositif est pleinement conforme à la Constitution ? L’outrage en ligne reprend presque mot pour mot la définition de l’outrage sexiste et sexuel, qui permet de lutter contre le harcèlement de rue.

Nous devons être unis pour défendre un internet plus sûr. Je sais que nous le sommes sur toutes les travées de cette assemblée et j’espère en conséquence que, comme en première lecture, nous saurons adopter ce texte à l’unanimité. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ambition initiale de ce texte était louable. Elle peut être résumée ainsi : puisqu’il ne saurait y avoir de zone de non-droit numérique, on doit pouvoir réguler cet espace comme on le fait dans l’espace public.

Aujourd’hui, neuf mois après l’adoption de ce texte en première lecture au Sénat et six mois après son vote par l’Assemblée nationale, nous examinons enfin les conclusions de la commission mixte paritaire.

Si l’ambition du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique était claire, sa rédaction s’est heurtée à de nombreuses difficultés.

En effet, depuis le début de ce parcours législatif, plusieurs allers-retours ont eu lieu entre le Gouvernement et la Commission européenne. Dans deux avis circonstanciés, rendus le premier en octobre 2023 et le second en janvier 2024, la Commission européenne s’est montrée plutôt critique. Selon elle, le présent texte empiète sur le DSA, qui lui confère la compétence de surveillance et de régulation des grandes plateformes numériques, ou anticipe trop ses dispositions.

La situation a encore été compliquée par une nouvelle jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui limite très fortement la faculté des États membres à fixer, à l’échelle nationale, des obligations aux plateformes établies dans d’autres pays de l’Union. Or le présent texte comportait de nombreuses dispositions en contradiction avec ce principe, dit du pays d’origine, qui aurait permis à la France d’appliquer un pouvoir de régulation étendu. Je pense notamment à la régulation des sites pornographiques, laquelle s’en trouve désormais complexifiée.

La CMP a donc eu pour rôle d’assurer une mise en conformité avec ces avis. Elle a également dû effectuer un rapprochement, parfois difficile, entre les positions des deux chambres du Parlement français.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? La lecture que nous, écologistes, faisons de ce texte n’a pas beaucoup changé depuis la première lecture. Il s’agit selon nous d’un catalogue de mesures relevant de domaines techniques très variés et parfois très éloignés les uns des autres. Dans certains cas, ces mesures sont bienvenues, mais elles sont souvent peu opérationnelles et quelquefois dangereuses. En définitive, on peine à cerner la cohérence globale de ce texte, si bien que l’on pourrait conclure : tout ça pour ça…

Mes chers collègues, je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.

Au sujet du référentiel pour contrôler l’accès aux sites pornographiques, le présent texte a peu évolué depuis la première lecture au Sénat. Mon analyse reste donc la même : on se décharge sur l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) pour établir le référentiel technique auquel devront se soumettre les sites pornographiques. Or, à l’heure actuelle, en France comme partout ailleurs dans le monde, personne n’a de solution suffisamment efficace et assez protectrice des données.

Les deux contrôles les plus crédibles à ce jour passent par l’usage de la carte bleue et par le recours à un tiers de confiance ; mais l’une et l’autre de ces formules demeurent facilement contournables et peu satisfaisantes. Je reste donc extrêmement réservé quant au caractère opérationnel du référentiel que nous demandons à l’Arcom de concevoir.

J’en viens à présent à l’amende forfaitaire délictuelle. La commission mixte paritaire a rétabli l’article, extrêmement vague, trop large et potentiellement dangereux, voté par le Sénat en première lecture : l’article 5 bis, qui prévoit de doter l’administration d’un très grand pouvoir pour réprimer ce qu’elle considère comme injurieux.

Entendons-nous bien : nous ne sommes pas hostiles par principe aux amendes forfaitaires. Nous avions d’ailleurs proposé d’en instaurer une pour les délits d’outrage sexiste en ligne. Mais, dans un pays où l’on peut finir au poste pour avoir écrit sur les réseaux sociaux « Macron démission »,…

M. Loïc Hervé. Mais qui a été condamné pour cela ?

M. Thomas Dossus. … le Parlement s’honorerait de jouer un rôle de garde-fou face aux dérives du Gouvernement. Il ne saurait en aucun cas lui servir de marchepied.

Monsieur le rapporteur, je ne suis pas d’accord avec vous quant au caractère proportionné de ce dispositif.

M. Loïc Hervé. C’est pourtant la réalité !

M. Thomas Dossus. J’en viens à un point dur du compromis sur les données : l’article 10 bis A.

Le Sénat avait voté un article efficace, permettant de s’assurer que les fournisseurs de services cloud hébergeant des données sensibles prennent toutes les mesures nécessaires pour empêcher tout accès ou toute ingérence d’acteurs tiers. L’article cité comportait ainsi des dispositions relatives au capital de ces sociétés.

Désormais, nombre de points sont renvoyés à un décret, comme les critères de sécurité et de protection, la détention du capital des sociétés hébergeant les données ou encore les éventuelles dérogations qui pourront être accordées. Le compromis demeure toutefois conforme à l’esprit de la rédaction sénatoriale.

Les objets numériques monétisables ont été un autre sujet de débat.

Schématiquement, deux visions s’affrontaient en la matière. Le Sénat plaidait pour un statu quo inspiré de la régulation des casinos afin de ne pas créer un nouveau Far West dérégulé, à mi-chemin entre le jeu vidéo et le jeu d’argent. À l’inverse, l’Assemblée nationale défendait une vision plus proche de celle des entreprises du secteur, au premier rang desquelles Sorare, qui souhaitent ouvrir de nouveaux marchés pour de nouveaux business.

À l’issue de la CMP, les Jonum feront bien l’objet d’une autorisation temporaire. Une des seules barrières qui leur sont fixées est de ne pas accorder de gains en euros. En revanche, elles pourront verser des gains en cryptomonnaies. Étant donné la rédaction initiale de ces dispositions, mieux vaut s’en tenir à ce compromis.

Il faut tout de même saluer les avancées du présent texte : les peines de bannissement des réseaux sociaux par le juge sont une bonne chose face aux harceleurs en ligne ; la régulation d’une industrie pornographique aux pratiques quasi criminelles fait quelques progrès – je pense notamment au droit à l’oubli –, même s’il faudra, en parallèle, doter la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) des moyens dont elle a besoin ; quant à la lutte contre les deepfakes réalisés par l’intelligence artificielle et portant sérieusement atteinte à la dignité des personnes, elle doit aussi être saluée, de même que les mesures d’encadrement des pratiques commerciales de l’économie du cloud.

Mes chers collègues, en résumé, ce texte reste assez peu satisfaisant. Il nous inquiète par certains aspects, mais offre aussi une régulation bienvenue dans certains secteurs. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le numérique façonne notre quotidien et redessine notre économie avec une influence croissante : il est impératif que notre législation embrasse cette réalité.

Le texte que nous examinons aujourd’hui témoigne de la volonté de l’Union européenne d’appréhender cet univers complexe et dynamique. Pourtant, derrière cette louable intention, se profilent des défis considérables.

Les contours flous de la technologie et les pressions géopolitiques internationales constituent des écueils à la mise en œuvre de réglementations efficaces. Actuellement, nos règlements ne sont que des balises dans un océan de changements ; car, au-delà des questions économiques, se profile un enjeu démocratique d’ampleur.

Les technologies numériques ont le pouvoir de façonner nos sociétés, nos valeurs et nos libertés. Loin d’être neutres, elles sont chargées d’intentions : celles des personnes qui les développent.

Les démocraties doivent évidemment se prémunir contre les influences exercées par tel ou tel pays autoritaire. Mais les influences étrangères ne sont pas le fait des seuls États : l’industrie du numérique est dominée par une poignée de firmes américaines concentrant des capitalisations boursières démesurées et nourrissant des ambitions politiques mondiales. Ces entreprises s’arrogent à cette fin certaines prérogatives étatiques, en toute impunité.

En effet, le capitalisme s’empare du numérique. Il transforme la vie privée en outil de marketing, tandis que les géants du secteur dictent les règles du jeu, laissant l’utilisateur seul face à une surveillance algorithmique oppressante.

Entre l’internaute et les grandes firmes, la relation est terriblement déséquilibrée. Ces dernières se livrent à un chantage au consentement sans équivoque : internet étant devenu indispensable pour échanger, trouver du travail ou encore s’informer, l’internaute n’a d’autre choix que d’offrir ses données, lesquelles sont revendues et exploitées à ses dépens.

Cette réalité ne peut être appréhendée que dans toute sa complexité. En ce sens, les débats économiques doivent céder la place à une réflexion plus vaste, prenant en compte les enjeux démocratiques, sociaux et géopolitiques de l’ère numérique.

Cela étant, la trajectoire actuelle de l’intelligence artificielle semble principalement guidée par des considérations financières : en témoigne l’annonce faite par Emmanuel Macron lors du dernier salon VivaTech à Paris.

Le Président de la République a promis, à cette occasion, 500 millions d’euros supplémentaires pour le développement de l’intelligence artificielle en France. Cette approche privilégie clairement l’investissement, en le plaçant avant la régulation. Elle révèle la volonté de favoriser une innovation sans entraves. Pourtant, derrière cette quête d’excellence technologique, se dessinent des jeux de pouvoir bien plus vastes.

Cette course effrénée vers le progrès technologique est fortement influencée par les enjeux géopolitiques entre les nations. La domination américaine et la concurrence croissante de la Chine modèlent les politiques nationales en matière d’intelligence artificielle. Cette compétition impitoyable pousse les États à tout mettre en œuvre pour rattraper leur retard, parfois au détriment de considérations politiques et sociétales plus larges.

Mes chers collègues, au cœur de cette frénésie technologique, une question essentielle émerge : quel est le prix à payer pour ce progrès ? Devons-nous sacrifier nos principes démocratiques et nos valeurs fondamentales sur l’autel des compétitions économiques et géopolitiques ?

Cette interrogation ne se limite pas au « comment » ou au « quand ». Il s’agit surtout du « qui » : qui impose sa vision ? Qui conçoit les termes du débat et quels intérêts sous-tendent les avancées technologiques ?

Il est temps de transcender les considérations purement économiques pour aborder ces questions avec la sensibilité qu’elles méritent. Notre vision de l’avenir numérique ne peut se limiter à une course effrénée vers l’innovation : elle doit être guidée par des valeurs plus profondes, en harmonie avec nos aspirations collectives et nos principes démocratiques fondamentaux.

L’éthique et l’égalité doivent être les deux mots d’ordre guidant la nouvelle réglementation et le développement de ce nouvel espace numérique aussi concurrentiel que discriminant.

Avec mes collègues du groupe CRCE – Kanaky, nous nous abstiendrons. Ce texte souffre d’un certain nombre de lacunes. Il témoigne certes d’une prise de conscience nécessaire. Mais, pour naviguer avec succès dans ces eaux numériques tumultueuses, nous devons nous interroger, nous approprier les enjeux et surtout nous écouter mutuellement ; car c’est ensemble, dans un dialogue ouvert et constructif, que nous pourrons garantir une régulation juste et efficace, respectueuse des droits et des intérêts des citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la société française est confrontée au défi majeur de la transition numérique, qui bouleverse continuellement et en profondeur nos rapports, nos modes de vie, nos économies et nos industries.

Cette transition constitue non seulement une force transformative, qui permet de nouvelles avancées et ouvre la voie à une compétitivité accrue, mais aussi un défi, car elle fait courir des risques aux individus et aux entreprises évoluant dans cet environnement numérique en constante mutation.

C’est dans ce contexte que nous examinons le présent projet de loi, qui affiche l’ambition d’établir la confiance nécessaire à la réussite de cette transition.

Si nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord, les sénateurs du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) regrettent de ne pas pouvoir participer aux réunions des commissions mixtes paritaires depuis le renouvellement sénatorial de septembre 2023, même en tant que membres suppléants. Le fait que notre groupe soit petit par le nombre ne devrait pas avoir pour conséquence notre mise au ban de la procédure législative. (Mme Nathalie Delattre opine.)

Nous déplorons aussi que les délais d’examen soient encore une fois trop contraints : ils ne permettent pas de travailler dans de bonnes conditions.

Cependant, ce projet de loi comporte des avancées notables : il vise l’objectif louable de rendre illégal en ligne ce qui l’est dans le monde physique et de rétablir une forme d’équité commerciale dans l’économie numérique.

En ce sens, l’encadrement de la facturation des transferts de données effectués par les fournisseurs de services d’informatique en nuage est une mesure juste qui doit contribuer à déconcentrer l’économie de la donnée.

Néanmoins, nous regrettons que certaines de nos propositions aient été écartées, tant en première lecture qu’en commission mixte paritaire.

Je pense notamment aux amendements de Nathalie Delattre, qui tendaient à créer un cadre légal pour protéger les lanceurs d’alerte numérique ou hackers éthiques, ce qui aurait constitué une reconnaissance de leur utilité et de leur rôle dans notre société. Sentinelles du web, ils permettent aux sites mal protégés de réduire leur vulnérabilité face à aux internautes mal intentionnés.

J’avais également suggéré de créer une nouvelle infraction réprimant la consultation, sans motif légitime, d’un site rendant disponibles des données piratées tout en sachant que celles-ci ont été volées.

Au centre hospitalier d’Armentières, on a encore récemment pu constater à quel point les conséquences des cyberattaques sont dramatiques : elles déstabilisent profondément, et parfois de manière durable, le fonctionnement des établissements ; elles entraînent aussi un ralentissement de la prise en charge des patients en plus de constituer une grave violation du droit à la vie privée.

Ces données dispersées dans la nature pourront être vendues à des tiers et sont la manne des usurpateurs d’identité. Dès lors, je regrette que notre proposition n’ait pas été retenue.

Je salue néanmoins l’introduction par nos collègues députés d’une disposition allant dans le sens d’un renforcement des contraintes de sécurisation des données de santé. Celle-ci rend obligatoire le recours à une solution de services d’informatique en nuage certifiée par le référentiel SecNumCloud de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) pour l’hébergement des données de santé.

Le Sénat avait cherché à assurer davantage la protection des populations les plus vulnérables en renforçant les mesures de bannissement sur les réseaux sociaux.

Ce texte offre des outils pour améliorer la sécurité des citoyens face aux campagnes de désinformation et de déstabilisation et protéger les utilisateurs contre les attaques de cybermalveillance au quotidien.

Il vise aussi l’objectif d’un rééquilibrage du marché européen de l’informatique en nuage tout en stimulant l’innovation, et ce pour que nos entreprises s’imposent comme des acteurs majeurs des nouveaux marchés sur la scène mondiale.

Cependant, prenons garde de ne pas pénaliser nos start-up en les privant d’avantages compétitifs. La solution réside plutôt dans la priorité que nos grandes administrations doivent donner à un hébergement national ou européen.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire va dans le bon sens. C’est pourquoi le groupe du RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions. – M. Pierre Jean Rochette applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Ludovic Haye. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’issue d’une navette parlementaire qui, malgré sa longueur, s’est révélée constructive, nous voici désormais, près d’un an après son dépôt au Sénat, à la dernière étape de l’examen du présent projet de loi.

Ce texte a pour principal objectif de protéger nos concitoyens, nos enfants, nos entreprises et notre démocratie face aux risques numériques.

Vous le savez, la transition numérique est ambivalente : elle constitue non seulement une formidable opportunité d’ouverture et de croissance, mais aussi un risque majeur pour nos sociétés démocratiques, en ce qu’elle accélère et facilite les opérations de manipulation et la divulgation de fausses informations. En outre, elle s’accompagne de l’émergence de nouvelles formes de harcèlement, de violence et de délinquance ; nous en avons malheureusement des exemples divers et variés chaque jour.

Le texte que nous avions voté à l’unanimité en juillet dernier est important. Il nous permettra de répondre en partie à ces enjeux et de mettre en œuvre trois règlements européens : le règlement sur marchés numériques, le Digital Markets Act (DMA), le règlement relatif à un marché unique des services numériques, le Digital Services Act (DSA), et le règlement sur la gouvernance européenne des données, le Data Governance Act (DGA).

Alors que nous passons de plus en plus de temps sur nos écrans et sur internet, et que nous évoluons quotidiennement dans l’espace numérique, des dérives et des comportements inappropriés fleurissent simultanément depuis plusieurs années. Il nous faut identifier et encadrer ces dérives : tel est précisément l’objet du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Aujourd’hui, avec l’anonymat qu’offre internet, nous assistons à une montée significative des cas de harcèlement en ligne, qui conduisent généralement et malheureusement à des drames et à des violences dans le monde physique.

Les deux premiers titres du texte relatifs à la protection des mineurs et des citoyens dans l’environnement numérique permettront d’y apporter des réponses concrètes, notamment en renforçant les pouvoirs de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) en matière de protection en ligne des mineurs. L’Arcom devra ainsi définir un référentiel des systèmes de vérification d’âge auquel devront se conformer les éditeurs de contenus pornographiques, sous peine de sanctions.

Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) soutient fortement cette mesure, qui fait suite à l’important rapport d’information de nos collègues de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Comme le disait Ursula von der Leyen : « Ce qui est interdit dans le monde réel doit être aussi interdit en ligne. »

M. Loïc Hervé. C’est bien de citer les grands auteurs ! (Sourires.)

M. Ludovic Haye. Par ailleurs, nous nous félicitons du rétablissement de l’article 5 bis qui instaure un délit d’outrage en ligne, afin de punir la diffusion en ligne de contenus portant atteinte à la dignité d’une personne ou présentant à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant. Ces situations qui fleurissent sur les réseaux sociaux via des vidéos cumulant des milliers de vues doivent pouvoir être sanctionnées.

Nous permettons aussi à l’Arcom de faire cesser la diffusion de contenus d’un média étranger visé par des sanctions européennes. À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie, l’Union européenne avait interdit – en adoptant divers règlements – la diffusion de contenus produits par des médias considérés comme proches du pouvoir russe, notamment les chaînes Russia Today (RT) et Sputnik.

Ces mesures ont toutefois été contournées à plusieurs reprises, en particulier par l’intermédiaire de sites internet domiciliés hors de l’Union européenne. À quelques mois des élections européennes, il apparaît urgent de répondre concrètement à ces menaces.

Rappelons que plus de 50 % des arnaques surviennent en ligne. Que nous soyons jeunes ou moins jeunes, aguerris ou non aux nouvelles technologies, nous sommes tous exposés à ces arnaques et en subissons régulièrement les frais, souvent par inadvertance, parfois par ignorance.

L’article 6 tend à apporter une réponse concrète en instaurant un dispositif national de cybersécurité grand public ciblant des actes de cybermalveillance, sous la vigilance de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Ce filtre national de cybersécurité prévoira notamment l’affichage par les navigateurs d’un message d’alerte avertissant l’utilisateur du risque encouru en cas d’accès à cette adresse.

Enfin, soulignons l’instauration d’un cadre de régulation pour les Jonum. La rédaction et les compromis trouvés en commission mixte paritaire nous semblent équilibrés et permettront d’évaluer sereinement ces nouveaux types de jeux. Ils seront toutefois bien contrôlés par l’Autorité nationale des jeux (ANJ).

En conclusion, ce texte participe à rendre illégal dans le monde numérique ce qui l’est dans le monde physique. Bien qu’il reste beaucoup à faire dans ce domaine, l’espace numérique sera, grâce à ces nouvelles mesures, plus sûr, pour nous comme pour les générations connectées à venir.

Ce texte est le pilier d’un espace numérique sécurisé et n’obère nullement les opportunités économiques qu’offre le numérique. Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en sa faveur. (Applaudissements au banc des commissions. – M. François Patriat applaudit également.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous allons adopter aujourd’hui répond à l’urgence de réguler les entreprises du numérique, dont le modèle économique repose sur une accumulation de données massivement exploitées par des algorithmes aussi puissants qu’opaques.

C’est avant tout un texte d’adaptation de notre droit aux règlements européens qui visent particulièrement les plateformes dites « systémiques » captant l’essentiel de la valeur du marché numérique européen. Ces règlements établissent par ailleurs un cadre unique européen pour lutter contre les contenus illicites.

L’objectif est de parvenir à corriger les déséquilibres résultant de la domination de quelques acteurs et à responsabiliser davantage les plateformes vis-à-vis des contenus qu’elles diffusent.

Ce projet de loi avait également pour ambition de répondre à certains enjeux de société qui préoccupent les Français, tels que l’exposition des mineurs à des contenus pornographiques, le cyberharcèlement et la haine en ligne.

Pour élaborer un texte de compromis, la commission mixte paritaire a dû tenir compte non seulement des réserves émises par la Commission européenne sur ce projet de loi, mais aussi de la décision de la CJUE du 9 novembre 2023, qui a rappelé sévèrement le principe du contrôle par le pays d’origine établi par la directive e-commerce.

J’en viens à la protection des mineurs. Ma collègue Laurence Rossignol l’a rappelé en commission mixte paritaire : depuis bientôt quatre ans, les éditeurs de sites pornographiques contournent l’obligation de procéder à un contrôle de l’âge – la loi du 30 juillet 2020 n’est tout simplement pas respectée !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 2,5 millions de mineurs, soit 12 % de l’audience des sites adultes, fréquentent dès l’âge de 12 ans des sites pornographiques. Nous craignons que l’application du présent texte continue de se heurter à l’obstruction des acteurs de l’industrie de la pornographie en ligne et que rien ne change pour la protection des mineurs.

S’agissant de la création du délit d’outrage en ligne, sanctionné par des amendes forfaitaires, notre groupe regrette que l’article 5 bis ait été réintroduit au dernier moment par la commission mixte paritaire, alors que l’Assemblée nationale l’avait supprimé en raison d’un risque sérieux d’inconstitutionnalité.

Concernant les Jonum, qui se trouvent à mi-chemin entre jeux vidéo et jeux d’argent, un cadre réglementaire était devenu nécessaire. La rédaction proposée par la commission mixte paritaire apporte des garanties sérieuses. Nous pouvons à cet égard saluer le travail du Sénat, qui en avait fait une ligne rouge.

Des gains sous forme de cryptoactifs pourront être attribués, certes de façon dérogatoire, à titre accessoire, et en tenant compte de plusieurs critères de plafonnement. Reste que la porte est désormais ouverte. Aussi, nous devons veiller à ce que l’ANJ dispose des moyens suffisants pour mener rigoureusement cette expérimentation.

Sur le volet économique, notre groupe a proposé plusieurs mesures significatives, afin de réguler le marché de l’informatique en nuage, dont les dysfonctionnements sont avérés, d’autant que sa forte croissance est captée par les principaux acteurs américains, une poignée de sociétés qui se livrent à des pratiques déloyales pour asseoir leur domination.

L’équilibre que nous avons défendu au Sénat pour permettre aux marchés français et européen du cloud de se développer davantage a été préservé. La suppression des frais de transfert en cas de changement d’opérateur, l’encadrement de la pratique des avoirs et l’interdiction de la vente liée sont autant de mesures qui contribueront à défendre un modèle de cloud ouvert, interopérable, portable et réversible. C’est aussi une manière de garantir la liberté de choix des utilisateurs.

Nous avons aussi avancé sur la protection des données face aux législations extraterritoriales : le texte permettra aux utilisateurs de savoir où sont leurs données, qui peut y accéder et ce qui en est fait.

D’autres chantiers de régulation nous attendent. Je pense notamment à la publicité en ligne, un sujet que mon groupe a tenté d’aborder au cours des débats, sans succès – l’article 45 de la Constitution nous en a empêchés. C’est dommage, car il y a urgence à renforcer l’indépendance des médias face aux pratiques anticoncurrentielles des leaders de la publicité en ligne, qui concentrent 80 à 90 % du marché.

Je souhaite enfin appeler votre attention sur les conditions de réussite des nouvelles régulations européennes. Au-delà des moyens importants à octroyer aux régulateurs et aux autorités compétentes et de leur capacité à se coordonner, nous devrons mobiliser l’ensemble des acteurs et des parties prenantes de l’écosystème numérique.

Nous devons être extrêmement vigilants sur la mise en œuvre du présent texte et sur les ajustements à venir, notamment dans la perspective de la révision du DMA. Néanmoins, la régulation n’y suffira pas ; il faudra une véritable impulsion pour inscrire l’effort de souveraineté numérique dans la durée.

Malgré ces quelques réserves, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements précédemment adoptés par le Sénat, l’ensemble du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 169 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 304
Pour l’adoption 302
Contre 2

Le Sénat a adopté.

M. Patrick Chaize. Formidable !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’ajouter quelques mots pour vous remercier de ce vote essentiel qui, il est vrai, survient après un long travail législatif.

M. le rapporteur Chaize a déploré ces délais d’examen, mais plusieurs d’entre vous, à la tribune, n’ont pas manqué d’en rappeler les causes, notamment les avis circonstanciés que nous avons reçus de la part de la Commission européenne et l’arrêt Google Ireland de la CJUE, qui nous ont obligés à revoir quelque peu notre copie.

Quoi qu’il en soit, ce texte pose des fondements que nous attendions depuis longtemps. Il permettra de mieux réguler l’espace numérique et de protéger nos concitoyens, en particulier les mineurs, un enjeu extrêmement important pour chacun d’entre nous.

Je tiens également à répondre à certaines remarques qui ont été formulées il y a quelques instants.

Oui, nous allons pouvoir sanctionner les comportements délictuels en ligne de la même manière que nous le faisons aujourd’hui dans l’espace public – et ce sans citer qui que ce soit, monsieur le rapporteur Hervé ! (Sourires.)

Contrairement à ce que j’ai pu entendre, nous ne sommes absolument pas en train de nous décharger sur l’Arcom ; nous attendons qu’elle définisse un référentiel des systèmes de vérification d’âge et qu’elle se saisisse de son rôle de régulateur, ce qui est bien normal.

Par ailleurs, je remercie sincèrement les membres de la commission mixte paritaire d’avoir défini un cadre de régulation clair pour les Jonum. En tant qu’autorité régulatrice, l’ANJ aura, elle aussi, tout son rôle à jouer. Je compte sur elle pour contrôler la façon dont cette expérimentation se déroulera.

En France, le secteur des Jonum n’est pas composé que d’une seule entreprise. Il convenait donc de trouver un modèle économique permettant d’offrir des garanties aux casinos face à ces entreprises émergentes, afin d’éviter toute concurrence.

J’abonde dans le sens des propos que plusieurs d’entre vous ont tenus : c’est bien un objectif de régulation de l’espace numérique que nous visons, mais il s’agit, au-delà, d’un vecteur indispensable de démocratie et de sécurisation de l’espace public.

Aujourd’hui, c’est grâce au cadre européen que nous sommes plus forts pour lutter contre les pratiques de certains acteurs en ligne. Compte tenu de la taille de notre marché numérique, les textes européens nous permettent de mieux répondre à la puissance économique des plateformes numériques étrangères.

Il était donc important que la France transpose le DSA et le DMA et qu’elle se montre un peu plus ambitieuse, ce qu’elle a toujours fait pour défendre la souveraineté de son espace numérique.

Enfin, je salue les avancées que comporte ce texte en matière de cloud : nous sommes en train de franchir une étape supplémentaire pour assurer la bonne protection de nos données essentielles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, au nom de la commission mixte paritaire.

Mme Catherine Morin-Desailly, au nom de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous vivons un moment historique que le Sénat attendait depuis près de dix ans.

Je le dis très clairement : cela fait bientôt dix ans que le Sénat travaille sur ces questions de souveraineté numérique. Dans ce cadre, il avait identifié les abus divers et variés auxquels s’adonnaient les plateformes, et qui pénalisaient l’Europe.

Depuis, nous n’avons cessé de sonner l’alerte à coups de rapports, de propositions de résolution européennes et d’avis politiques à Bruxelles, sur la nécessité de réguler le secteur numérique. Il aura fallu la crise de la covid-19 et la guerre en Ukraine pour comprendre que notre dépendance était dangereuse et pour mesurer à quel point il était urgent d’élaborer un texte.

Je veux ici rendre hommage à Thierry Breton : je le remercie sincèrement d’avoir pris ce problème à bras-le-corps via un ensemble de textes. (Mme la secrétaire dÉtat acquiesce.)

Selon Maria Ressa, journaliste philippino-américaine et prix Nobel de la paix, « l’Union européenne est la plus rapide des tortues ». Si nous avons gagné la course des tortues, sachons légiférer en temps utile la prochaine fois, afin de ne pas laisser s’accumuler un retard important.

Nous vous remercions pour votre écoute, madame la secrétaire d’État. Vous avez su reprendre ce texte en cours de route ; nous vous prions désormais de le mettre en œuvre. Nous serons extrêmement vigilants sur les décrets d’application des mesures qui nous tenaient particulièrement à cœur : il y va, vous le savez, du soutien et du développement de notre industrie de l’informatique en nuage.

Enfin, je pense qu’il était utile que nous puissions voter ce projet de loi avant les prochaines élections européennes. Il permettra au ministre délégué chargé de l’Europe, Jean-Noël Barrot, qui a travaillé sur ces différentes mesures dans ses précédentes fonctions, de mieux négocier le futur schéma européen de certification des services de cloud, l’EUCS (European Cybersecurity Certification Scheme for Cloud Services).

Nous retournerons plus forts devant les instances européennes en ayant adopté ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur des travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
Article 1er bis

Engagement bénévole et vie associative

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative (texte de la commission n° 481, rapport n° 480).

La parole est à M. le rapporteur.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 27 mars dernier pour examiner la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative est parvenue à établir un texte commun. Je tiens à saluer l’engagement de Quentin Bataillon, notre collègue député auteur de ce texte, ainsi que celui de nos collègues sénateurs Laurent Lafon, Cédric Vial, Anne Ventalon et Annick Billon, qui ont œuvré pour trouver un consensus tout en défendant les positions sénatoriales.

Le compromis trouvé entre nos deux assemblées conserve de nombreux apports du Sénat. Je pense notamment aux dons de congés monétisés, qui permettront à tous les salariés, y compris ceux qui ne disposent pas d’un compte épargne-temps, de pouvoir y recourir.

Nous avons également conservé la possibilité offerte aux communes d’exonérer de redevance d’occupation du domaine public les associations lorsqu’elles organisent un événement. Il s’agit ainsi de sécuriser une pratique répandue dans nos territoires.

Imposer de nouvelles contraintes aux associations sous couvert d’une meilleure communication et information des bénévoles constituait pour nous une ligne rouge. Là encore, nos collègues députés se sont ralliés à notre position.

De même, nous avons conservé le texte du Sénat, qui exclut les contractuels de la fonction publique d’une mise à disposition au profit des associations.

Comme le souhaitait le Sénat, la commission mixte paritaire a supprimé la possibilité pour un salarié partant à la retraite de conserver ses droits acquis au titre de son compte personnel de formation (CPF). Si nous sommes favorables à un meilleur accompagnement et à une formation renforcée des bénévoles, une telle disposition risquait d’ouvrir une brèche dans le principe même du CPF, en permettant au salarié de se former dans le cadre de son travail, en vue d’un projet d’évolution de carrière ou pour préparer une reconversion professionnelle.

Bien évidemment, nous avons dû faire quelques concessions.

Ainsi, nous avons accepté d’inscrire dans la loi le réseau d’associations Guid’Asso.

Il ne s’agit pas de notre part d’une remise en cause de cette politique publique : en effet, toute action permettant aux associations de mieux connaître leurs droits et de faciliter leurs démarches au quotidien est bienvenue. En revanche, nous sommes sceptiques quant à la nécessité de l’inscrire dans la loi.

Néanmoins, dans le contexte actuel de restriction budgétaire, j’entends les craintes du tissu associatif et sa volonté de graver l’existence de ce réseau dans le marbre de la loi. Madame la ministre, je connais votre attachement à ce dispositif ; il vous revient désormais de le faire vivre, y compris sur un plan budgétaire.

Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur l’article 6 ter relatif à la possibilité pour les associations de bénéficier du régime fiscal du groupe TVA.

Pour des raisons de conformité au droit européen, nous l’avons supprimé en commission mixte paritaire. Il est en effet nécessaire que le Gouvernement consulte le comité européen de la TVA en amont d’une telle mesure. Madame la ministre, je souhaite vous interpeller solennellement pour que votre gouvernement entreprenne cette démarche et ouvre ainsi la voie au vote de cette réforme fiscale par le législateur.

Mes chers collègues, nous partageons la volonté de mieux faire reconnaître l’engagement associatif et d’affirmer notre soutien aux associations. Je tiens à saluer l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui se sont engagés sur cette proposition de loi, laquelle a permis d’aboutir à une rédaction consensuelle au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui reprend des apports majeurs du Sénat, issus de toutes les travées de notre hémicycle. Aussi, je forme le vœu que le plus grand nombre d’entre nous le vote ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI, ainsi quau banc des commissions. – Mme Laure Darcos et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (M. Martin Lévrier applaudit.)

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, quinze millions, c’est le nombre de Françaises et de Français engagés en tant que bénévoles dans le million et demi d’associations que compte notre pays. Il s’agit d’une force inouïe pour la France, car ces hommes et ces femmes qui se mobilisent pour une cause qui leur tient à cœur contribuent de manière directe à la vitalité démocratique de notre Nation.

Ces visages de l’engagement, vous les connaissez tous dans vos circonscriptions. Chaque jour, vous mesurez leur infatigable dévouement au service des autres ; vous les voyez à l’œuvre lors des manifestations sportives ou culturelles, toujours prêts à donner un coup de main ; vous les accompagnez dans leurs demandes de subventions.

À l’heure où nous parlons tant de la crise de l’engagement et de la nécessité de faire Nation, souvenons-nous que les associations sont le cœur battant de nos communes, en métropole comme en outre-mer. Elles contribuent à tisser ce lien social dont nous avons collectivement tant besoin pour renforcer la résilience de nos territoires ; leur action traduit chaque jour en actes la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité.

Il est indispensable de poursuivre nos efforts pour éviter que le repli sur soi ne compromette notre cohésion nationale, et de continuer à soutenir toutes les initiatives qui créent du collectif. En cela, la vie associative apparaît comme un véritable rempart républicain.

Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité ont eu à cœur de soutenir et d’accompagner les acteurs associatifs dans tous les domaines.

Sur le plan financier, en 2024, le budget alloué au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) est passé de 50 millions d’euros à près de 70 millions d’euros, soit 20 millions d’euros supplémentaires en faveur d’un dispositif qui soutient les associations dans la formation de leurs bénévoles, dans leur fonctionnement, mais également dans leurs projets innovants.

L’an passé, le FDVA a bénéficié à pas moins de 16 000 structures. Parmi celles-ci, on dénombre une grande majorité de petites associations, actives dans l’ensemble de nos territoires et pour lesquelles ce concours financier de l’État est décisif, voire vital pour l’exercice de leur activité.

La contribution de l’État au financement du monde associatif témoigne de notre volonté d’apporter un soutien massif et ciblé à nos associations et à celles et ceux qui les font vivre au quotidien, un appui qui est souvent indispensable pour leur permettre de fonctionner et de se développer.

L’engagement de l’État aux côtés de ces acteurs ne se limite pas au volet financier : il se traduit également par des mesures concrètes permettant de faciliter et de pérenniser leurs activités.

Ainsi, depuis 2017, avec le soutien du Parlement, nous avons renforcé la protection juridique des dirigeants d’associations ; nous avons également élaboré, aux côtés des acteurs du monde associatif, des outils permettant de simplifier leur quotidien. C’est, par exemple, le cas du guichet unique Compte Asso ou de Guid’Asso.

Nous avons également lancé une plateforme de validation des acquis de l’expérience pour les bénévoles, afin de valoriser les compétences de ceux qui se mettent au service du bien commun.

Nous devons ces avancées majeures pour le monde associatif avant tout à un travail que nous avons tenu à mener en constant dialogue avec les personnes concernées. Pour aboutir à des mesures concrètes, efficaces et répondant de manière pertinente à leurs besoins, nous avons en effet écouté les acteurs associatifs eux-mêmes.

J’en viens à présent au texte qui nous occupe aujourd’hui. La présente proposition de loi a été conçue avec et pour les associations, avec et pour les bénévoles qui sillonnent notre pays. Elle s’inscrit dans la continuité des Assises de la simplification associative et de la consultation nationale lancée en 2022, qui a permis de recueillir 15 000 propositions.

Si ce texte a été conçu avec et pour les associations, je me dois de rappeler qu’il comporte des mesures concrètes grâce au travail du Parlement. C’est pourquoi je souhaite remercier très sincèrement le Sénat comme l’Assemblée nationale pour le travail fourni sur ce texte si attendu par l’écosystème associatif. Nous avons échangé à de nombreuses reprises ; nous avons partagé nos points de désaccord, lesquels sont devenus des points de bel accord à l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire, dont – je le souligne ici – les travaux ont été exemplaires.

Oui, le Gouvernement et la représentation nationale sont capables d’unité, une unité que l’on nous accuse parfois de ne jamais parvenir à atteindre. Par ce texte, nous avons montré que nous étions capables de faire de nos nuances partisanes une force pour le débat politique et de laisser de côté nos querelles polémiques.

Je tiens à affirmer ici ma conviction que ce que nous avons pu faire pour le monde associatif, pour les bénévoles de notre pays, nous pourrons le faire sur d’autres sujets à l’avenir, car il s’agit de travailler pour la grandeur de notre Nation.

Permettez-moi également de saluer le travail accompli par les rapporteurs, MM. Yan Chantrel et Quentin Bataillon.

Ce texte assouplit les conditions de recours au congé d’engagement associatif, afin de permettre aux bénévoles de mieux concilier leur activité professionnelle et leur fonction associative.

Il étend les conditions requises pour bénéficier d’un abondement du CPF via le compte d’engagement citoyen (CEC), pour valoriser l’engagement des bénévoles et leur permettre de renforcer leurs compétences.

Il ouvre le mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés et en élargit l’expérimentation dans la fonction publique, afin que les agents de la fonction publique hospitalière puissent en bénéficier.

La proposition de loi introduit également dans la loi Guid’Asso, un formidable réseau d’acteurs labellisés qui informe et accompagne gratuitement nos associations. Chaque année, les crédits de ce réseau sont en hausse, afin que son déploiement s’accélère.

Enfin, je vous l’annonce ici : le Gouvernement s’engage à évaluer la compatibilité avec le droit européen de la mesure visant à permettre aux associations composées de plusieurs entités de bénéficier du régime de groupe TVA et ainsi de pouvoir faire une déclaration unique de TVA.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la France est un pays d’engagement, un pays d’engagés. Nos associations sont une richesse pour notre pays et, par ce texte, qui a contribué à l’unité du Gouvernement et du Parlement, nous montrons qu’ensemble nous pouvons sécuriser la vie de ces engagés du quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative

Chapitre Ier

Encourager et mieux reconnaître l’engagement bénévole et le volontariat

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Discussion générale
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Articles 1er ter et 1er quater

Article 1er bis

Le code du travail est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Le II de l’article L. 6323-4 est complété par un 15° ainsi rédigé :

« 15° Les associations mentionnées au a du 6° de l’article L. 5151-9, par le compte d’engagement citoyen. »

Article 1er bis
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Article 2 bis A

Articles 1er ter et 1er quater

(Supprimés)

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Articles 1er ter et 1er quater
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Article 2 bis

Article 2 bis A

I. – Après le 3° de l’article L. 3142-54-1 du code du travail, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° À toute personne exerçant les missions de délégué du Défenseur des droits. »

II. – L’article L. 641-3 du code de la fonction publique est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Il exerce les missions de délégué du Défenseur des droits. »

Article 2 bis A
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Article 3 bis

Article 2 bis

I. – Après le chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE II BIS

« Don de congés et de jours de repos

« Art. L. 3142-131. – Par dérogation à l’article L. 3121-59 et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche concernés, tout salarié peut, en accord avec son employeur, renoncer sans contrepartie, dans une limite fixée par décret, à des jours de repos non pris, qu’ils aient été affectés ou non sur un compte épargne temps, au bénéfice d’un organisme mentionné au a ou b du 1 de l’article 200 du code général des impôts. Ces jours de repos sont convertis en unités monétaires selon des modalités déterminées par décret.

« Le congé annuel ne peut être cédé que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.

« L’organisme bénéficiaire auquel l’employeur verse ces jours de repos monétisés est choisi d’un commun accord entre le salarié et l’employeur. »

II. – (Supprimé)

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Article 2 bis
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Articles 4 et 4 bis

Article 3 bis

L’article 209 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après la référence : « L. 512-15 », sont insérés les mots : « à L. 512-17 » ;

b) (Supprimé)

c) Après la seconde occurrence du mot : « État, », sont insérés les mots : « de la fonction publique hospitalière, » ;

2° (nouveau) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

a) (nouveau) À la première phrase, après le mot : « année, », sont insérés les mots : « les établissements publics mentionnés à l’article L. 5 du code général de la fonction publique, » ;

b) (nouveau) La seconde phrase est complétée par les mots : « ou au conseil de surveillance ou d’administration des établissements publics mentionnés à l’article L. 5 du même code » ;

3° (nouveau) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « et territoriaux » sont remplacés par les mots : « , des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés à l’article L. 5 dudit code » ;

4° (nouveau) Au dernier alinéa, les mots : « et les collectivités territoriales concernées » sont remplacés par les mots : « , les collectivités territoriales concernées et les établissements publics mentionnés à l’article L. 5 du même code ».

Article 3 bis
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Article 6

Articles 4 et 4 bis

(Supprimés)

Chapitre II

Simplifier la vie associative

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Articles 4 et 4 bis
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Article 6 bis

Article 6

Le 1° bis de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« 1° bis Aux organismes sans but lucratif qui consentent, à titre accessoire à leur activité principale, des prêts à d’autres organismes sans but lucratif avec lesquels ils entretiennent des relations étroites, telles que l’adhésion, ou avec lesquels ils participent à un groupement prévu par la loi ou constitué sur une base volontaire.

« Afin d’assurer une transparence et une responsabilité accrues, les prêts ainsi accordés font l’objet d’un contrat de prêt, approuvé par l’organe de direction de l’organisme. La liste, les conditions et le montant des prêts consentis sont mentionnés dans le rapport de gestion ou d’activité et l’annexe aux comptes annuels.

« Un décret en Conseil d’État fixe la liste des organismes concernés et définit les conditions, notamment de publicité, et les limites dans lesquelles ces organismes peuvent octroyer ces prêts ; ».

Article 6
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Article 6 ter

Article 6 bis

I. – Après le I bis de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier, il est inséré un I ter ainsi rédigé :

« I ter. – Les interdictions définies à l’article L. 511-5 ne font pas obstacle à ce que les organismes sans but lucratif constituant un groupement prévu par la loi ou entretenant des relations croisées, fréquentes et régulières sur le plan financier ou économique procèdent à des opérations de trésorerie entre eux.

« Les conditions d’application du présent I ter, notamment les organismes concernés, sont fixées par décret. »

II. – (Supprimé)

Article 6 bis
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Article 7

Article 6 ter

(Supprimé)

Article 6 ter
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Article 7 bis

Article 7

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 322-3 est ainsi rédigé :

« Sont exceptés des dispositions de l’article L. 320-1 les jeux d’argent et de hasard exploités par des personnes non opérateurs de jeux et pour lesquels le gain espéré est constitué d’objets mobiliers, exclusivement destinés à des causes scientifiques, sociales, familiales, humanitaires, philanthropiques, éducatives, sportives, culturelles ou en vue de la protection animale ou de la défense de l’environnement, lorsqu’ils ont été autorisés par le maire de la commune où est situé le siège social de l’organisme bénéficiaire et, à Paris, par le préfet de police ou, pour les associations et fondations reconnues d’utilité publique, lorsque celles-ci les ont déclarés au préalable à la mairie de la commune où est situé le siège social de l’organisme bénéficiaire et, à Paris, à la préfecture de police. »

2° À la première phrase de l’article L. 322-4, les mots : « dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d’animation sociale » sont remplacés par les mots : « pour des causes scientifiques, sociales, familiales, humanitaires, philanthropiques, éducatives, sportives ou culturelles ou en vue de la protection animale ou de la défense de l’environnement ».

Article 7
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Article 7 ter

Article 7 bis

En complément de l’action des réseaux et des regroupements associatifs et en coordination avec les dispositifs locaux d’accompagnement mentionnés à l’article 61 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, l’État organise une structuration de l’appui à la vie associative locale dénommée « guid’asso ».

Les organismes composant cette structuration doivent au préalable obtenir une autorisation de l’État. Les conditions et les modalités d’octroi, de résiliation et de contrôle de cette autorisation sont précisées par voie réglementaire.

La mission d’intérêt économique général fait l’objet d’un soutien de l’État et d’autres autorités administratives, au sens de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Article 7 bis
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Article 7 quater

Article 7 ter

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport analysant l’impact de la baisse des subventions aux associations sur l’emploi associatif et la situation de l’emploi dans le secteur associatif et évaluant la performance des différents dispositifs mis en œuvre afin d’encourager et de reconnaître l’engagement bénévole, notamment le compte d’engagement citoyen, le congé pour engagement associatif et le mécénat de compétences, de faciliter l’action des associations, notamment le réseau guid’asso et les systèmes d’information de la vie associative, et de permettre aux bénévoles de mieux concilier leur vie professionnelle et leur engagement associatif. Ledit rapport évalue les différents types de congés dont peuvent bénéficier les actifs bénévoles et présente des pistes d’amélioration des dispositifs existants. Il analyse la possibilité de généraliser le maintien de la rémunération lors du congé prévu à l’article L. 3142-54-1 du code du travail pour l’ensemble des salariés ainsi que la possibilité d’instaurer une semaine de quatre jours pour les salariés bénévoles. Ce rapport présente également des pistes pour ouvrir les formations proposées aux agents des collectivités territoriales aux dirigeants d’association bénévoles, pour ouvrir la possibilité pour les bénévoles qui sont également salariés de demander à leur employeur un aménagement horaire afin de mener à bien leurs missions associatives, pour prendre en compte l’engagement bénévole des dirigeants d’association dans la détermination des droits à la retraite, pour introduire une expérience bénévole dans le parcours des jeunes lycéens et pour créer un label « jeune bénévole » valorisant l’engagement des jeunes.

Ledit rapport analyse le rôle des têtes de réseaux dans le déploiement des dispositifs de soutien aux associations, comme le compte d’engagement citoyen ou le congé pour l’engagement associatif. Ce rapport s’attache à formuler des recommandations afin de consolider leur rôle et à identifier les besoins de financement des têtes de réseaux.

Ledit rapport étudie la possibilité de maintenir les droits acquis par des salariés partant à la retraite au titre du compte personnel de formation.

Article 7 ter
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Article 9

Article 7 quater

(Supprimé)

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Article 7 quater
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 9

Après l’article L. 2125-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, il est inséré un article L. 2125-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2125-1-2. – Par dérogation aux articles L. 2125-1 et L. 2125-1-1, l’organe délibérant de la commune peut décider de délivrer à titre gratuit les autorisations d’occupation temporaire du domaine public communal sollicitées par une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou inscrite au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. »

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 9
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chaque jour, chaque soir, chaque week-end, près de quinze millions de bénévoles accompagnent, encadrent et parfois même éduquent nos jeunes, nos moins jeunes, les plus anciens et les moins anciens de nos compatriotes engagés dans des activités sportives ou culturelles.

Leur rôle est essentiel, car, sans eux, nos clubs ne fonctionneraient tout simplement pas ; sans eux, point de valeur inculquée ni transmise ; sans eux, notre vie locale et sociale serait sans doute bien pauvre. Il est important de saluer leur engagement sans faille au service de tous les Français, par tous les temps, tous les jours, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige.

Il était de notre devoir de parlementaires de soutenir cette proposition de loi, afin de leur témoigner notre gratitude et de marquer notre soutien au modèle associatif français si particulier, au moment où la crise des vocations n’épargne pas le monde du bénévolat.

Ce texte constitue une réelle avancée pour l’ensemble de nos bénévoles.

Il assouplit les conditions d’acquisition de droits dans le cadre du compte d’engagement citoyen, en permettant aux bénévoles dirigeants ou encadrants engagés dans des associations déclarées de bénéficier du dispositif, ainsi que les conditions de recours au congé d’engagement associatif et au congé de citoyenneté ; il étend le mécénat de compétences en faveur des associations aux entreprises de moins de 5 000 salariés ; enfin, il simplifie les conditions de prêt entre associations.

Ces mesures justifient notre vote en faveur de cette proposition de loi, même si je tiens à formuler deux courtes remarques.

Premièrement, il nous semble qu’il faudra favoriser une reconnaissance plus grande du bénévolat en octroyant des trimestres de retraite par quinquennat d’engagement bénévole reconnu. Il s’agit d’une question de justice sociale.

Deuxièmement, et pour faire suite à la question écrite posée par mon collègue Aymeric Durox en février dernier, madame la ministre, je vous le dis avec force et conviction : il ne faut pas taxer les organes déconcentrés des structures associatives délégataires d’une mission de service public au titre des bureaux et locaux commerciaux. Cette charge financière, qui découle d’une interprétation juridique récente, met en danger plusieurs associations. Elle ne nous semble pas pertinente, puisque ces organes déconcentrés, comme leur nom l’indique, agissent au nom d’une fédération de tutelle, elle-même exemptée de ces taxes. Je regrette que nos amendements sur ces deux sujets n’aient pas pu être examinés.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Mme Marie-Claude Lermytte et M. Martin Lévrier applaudissent.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, la France est riche de ses milliers d’associations, grandes et petites, qui œuvrent chaque jour auprès de nos concitoyens. L’action associative est garante de la cohésion de notre société ; elle est plus que jamais nécessaire alors que l’individualisme progresse et que les liens sociaux se distendent.

S’engager auprès des autres revient à incarner avec force des valeurs essentielles à mes yeux : la solidarité, l’empathie, la bienveillance et la générosité. Autant de principes qui guident au quotidien la vie de nos bénévoles. Nous pouvons être fiers de la richesse et de la grande diversité de notre tissu associatif.

Je tiens à saluer toutes celles et tous ceux qui donnent de leur temps, partout en France, pour animer leur territoire. J’ai une pensée particulière pour ces Français qui, de manière totalement désintéressée et simplement mus par la volonté d’être utiles, se dévouent aux personnes en difficulté ou en situation de pauvreté.

Je veux également rendre un hommage appuyé aux éducateurs qui accompagnent les jeunes sur le chemin de la vie d’adulte dans les associations socioculturelles et sportives.

Je n’oublie pas nos concitoyens qui travaillent à la sauvegarde de notre si précieux patrimoine, témoin du génie créateur des générations passées, que nous avons tant de mal à protéger.

Ensemble, ils nous font progresser collectivement et jettent des ponts entre les générations en contribuant aux causes qui leur tiennent à cœur. Les associations sont aussi des lieux de rencontres et d’échanges. Leurs membres y construisent des amitiés durables et vivent des moments d’engagement forts.

Nous avons besoin de ces structures diverses qui agissent dans tous les domaines du quotidien : sport, environnement, pratique culturelle, éducation, santé, prévention, humanitaire.

En Essonne, ces associations ont par exemple pour nom Olympique club giffois à Gif-sur-Yvette, ou Cultures du Cœur Essonne à Viry-Châtillon, pour l’insertion des plus démunis par l’accès à la culture, au sport et aux loisirs. D’autres s’inscrivent dans une perspective de préservation et de mise en valeur du patrimoine, comme les Amis du château et du musée de Dourdan. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.

Beaucoup de ces associations bénéficient du soutien de la puissance publique, et du département de l’Essonne en particulier. L’aide financière de nos collectivités territoriales est d’ailleurs bien souvent une condition essentielle de leur fonctionnement.

Or le tissu associatif a été durement éprouvé ces dernières années en raison de la crise sanitaire et du contexte inflationniste. Il était donc devenu urgent de lever les freins à son développement et à l’investissement des bénévoles.

Le texte que nous examinons aujourd’hui tend à supprimer les nombreuses pesanteurs réglementaires qui entravent les plus petites structures, dans lesquelles l’encadrement et le salariat sont très réduits. La simplification des démarches administratives des associations et la sécurisation de leur trésorerie sont donc des mesures qui vont dans le bon sens.

Cette proposition de loi vise également à favoriser l’engagement des bénévoles, à l’encourager et à reconnaître le rôle essentiel que ceux-ci jouent au sein de notre pays, grâce à plusieurs leviers, comme l’accès à la formation et à l’information, ou encore la promotion de l’engagement associatif des salariés et des agents publics.

La commission mixte paritaire, réunie pour examiner les dispositions restant en discussion de cette proposition de loi, est parvenue à un accord. Nous pouvons nous en féliciter, tant ce texte comporte des avancées concrètes, particulièrement judicieuses.

Très attentif au fonctionnement de la vie associative, comme l’atteste la récente proposition de loi déposée par mes collègues Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte, le groupe Les Indépendants – République et Territoires lui apportera un soutien sans réserve.

Pour conclure, je tiens à souligner la qualité du travail de notre collègue Yan Chantrel, que je salue. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour discuter et adopter une proposition de loi qui touche à l’essence même de notre cohésion sociale : le soutien à l’engagement bénévole et la simplification de la vie associative.

Notre République se distingue par la vitalité de son secteur associatif, un écosystème riche de seize millions de bénévoles, dont cinq millions d’engagés quotidiens, et près de 1,8 million de salariés qui enrichissent notre tissu social. Avec un million et demi d’associations en activité, la France incarne une tradition d’engagement et de solidarité qui fait notre fierté nationale.

Avant de poursuivre, permettez-moi de féliciter tout particulièrement M. Yan Chantrel, rapporteur de ce texte. Sa persévérance et son expertise ont permis d’aboutir à un texte équilibré et pragmatique, reflet d’un engagement partagé en faveur de notre tissu associatif. Je remercie également mes collègues sénateurs qui ont enrichi nos débats tant en commission qu’en séance, ainsi que le président de la commission, M. Laurent Lafon.

Le texte que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans une démarche ambitieuse visant à répondre aux problématiques concrètes des associations, issue des Assises de la simplification associative et d’une consultation nationale riche de 15 000 propositions.

Il s’articule autour de deux objectifs principaux : encourager et mieux reconnaître l’engagement associatif, et simplifier la vie des associations.

Parmi les mesures phares, l’ouverture des droits de formation, via le compte personnel de formation, aux bénévoles œuvrant dans des associations déclarées depuis au moins un an démontre notre volonté d’adapter le cadre législatif aux réalités de terrain. En outre, la simplification des conditions de prêt entre associations et la valorisation de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui soutiennent les associations reflètent notre engagement à renforcer le soutien au secteur associatif.

Le travail réalisé par le Sénat sur ce texte a permis d’apporter des améliorations significatives. Ainsi, l’assouplissement des conditions de recours au congé d’engagement associatif, l’élargissement du mécénat de compétences aux PME et l’extension de la durée maximale de ce mécénat de deux à trois ans sont autant de témoignages de notre volonté de faciliter et d’encourager l’engagement bénévole dans notre pays.

Les contributions de notre assemblée ont également souligné l’importance de la transparence et de la coopération financières au sein du secteur associatif, en simplifiant les conditions de prêt entre associations et en encourageant la mise en place de conventions de trésorerie entre associations membres d’un même groupe associatif. Ces mesures, cruciales pour la santé financière du secteur, éviteront le recours systématique à des emprunts bancaires.

La commission mixte paritaire a su conserver l’esprit et les objectifs de cette proposition de loi, tout en intégrant des améliorations notables. L’adoption d’amendements ayant pour objet le don de jours de repos non pris aux associations, la valorisation de la transparence des prêts entre organismes sans but lucratif et l’autorisation d’occupation temporaire du domaine public communal à titre gratuit pour les associations sont des avancées majeures qui témoignent de notre écoute et traduisent notre réponse aux besoins exprimés par le secteur associatif.

En conclusion, ce texte est le fruit d’un travail collaboratif, d’un dialogue constructif entre toutes les parties, qui illustrent notre engagement commun en faveur du secteur associatif.

En votant cette proposition de loi, nous réaffirmons notre soutien à une société engagée, solidaire et résiliente, qui reconnaît et valorise l’apport inestimable des bénévoles et des associations à la vie de notre Nation.

Le groupe Union Centriste, conscient de l’importance de ce texte pour les millions de bénévoles et pour l’ensemble des associations françaises, votera avec conviction en faveur de ce texte. Par ce vote, nous nous engageons à soutenir l’élan de solidarité qui caractérise notre société pour aujourd’hui et pour demain.

Je vous remercie de votre engagement indéfectible en faveur de cette belle et noble cause qui nous unit et qui dépasse les clivages politiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Annick Billon. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Mme Monique de Marco applaudit.)

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous examinons ce jour les conclusions de la commission mixte paritaire chargée de trouver un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative.

Ce texte comporte des avancées positives. Je me réjouis notamment de l’introduction de l’article 7 bis par mon collègue député écologiste Jean-Claude Raux, qui inscrit dans la loi le dispositif de coordination, de structuration et d’accompagnement des associations Guid’Asso, ainsi que de l’adoption de mon amendement tendant à améliorer la transparence dans les prêts entre associations à l’article 6. Je félicite aussi notre rapporteur, Yan Chantrel, pour son travail sur cette proposition de loi.

Pour autant, certains points requièrent encore notre vigilance. J’ai à l’esprit l’article 3 bis, qui prévoit l’expérimentation de la mise à disposition de fonctionnaires hospitaliers dans des fondations ou des associations reconnues d’utilité publique. À titre personnel, je reste également partagée quant à l’encouragement du mécénat de compétences.

Nous discutons cet après-midi du soutien à notre modèle de solidarité, de l’aide aux bénévoles et aux associations qui font le ciment de notre société.

Notre système de solidarité a d’abord besoin de moyens. Pourtant, madame la ministre, c’est bien le Gouvernement qui a fait le choix d’annuler 129 millions d’euros de crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Vous préférez mettre de l’argent dans le service national universel (SNU) plutôt qu’engager des efforts pour soutenir le tissu local.

Aujourd’hui, notre système de solidarité a besoin que nous nous attaquions au principal obstacle à l’engagement bénévole : la question du temps. Ayons le courage de penser l’aménagement ou la réduction du temps de travail : il nous faut nous poser la question du temps disponible pour s’engager en faveur du bien commun et de l’épanouissement de chacun.

Aujourd’hui, notre système de solidarité a également besoin de protection. La situation pourrait être comique si elle n’était pas si tragique : pendant que vous soutenez cette proposition de loi, qui émane d’un député de la majorité, le Gouvernement met en danger les associations, les collectifs qui se mobilisent pour la défense du vivant, pour le bien commun et pour notre avenir à toutes et à tous.

2,76 millions d’euros, c’est le coût de la répression des opposants à l’A69. Les alertes ne cessent de se multiplier : le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme demande même des mesures immédiates pour protéger les activistes ; il s’inquiète d’une nette augmentation de la répression et de la criminalisation des actions pacifiques de désobéissance civile partout en Europe.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi simplifiant la vie des associations qui maillent les territoires et les font vivre. Le texte aurait pu être plus ambitieux, mais – même si je garde quelques réserves – il favorise la solidarité bénévole, qui est notre bien commun.

Demain, il faudra aller plus loin pour tous les bénévoles, pour les associations et pour la solidarité. (Mme Monique de Marco applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Mme Monique de Marco applaudit.)

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, sans revenir sur les débats que nous avons eus et sur les amendements que nous avons adoptés ici même pour conforter l’engagement bénévole, qu’il me soit permis de rappeler que ce sont les initiatives des collectivités et du monde associatif qui permettent à notre société de tenir debout. Nous n’aurions donc pas été choqués de débattre d’un texte plus ample et plus ambitieux.

Pour autant, nous prenons cette proposition de loi pour ce qu’elle est : un dispositif consistant à rendre l’exercice du bénévolat plus simple, moins contraignant et plus attrayant. Bien entendu, nous souscrivons à ces objectifs.

Je relève qu’après la réunion de la commission mixte paritaire l’essentiel des amendements que nous avons soutenus et votés ici ont été retenus dans la version finale du texte. Je pense notamment à celui qui vise à autoriser la collectivité à concéder à titre gratuit l’utilisation temporaire du domaine public sans faire obligation à l’association organisant l’événement d’avoir à justifier à chaque fois de son utilité publique.

M. Pierre Ouzoulias. Très bonne mesure !

M. Gérard Lahellec. Il était souhaitable que cette disposition soit validée.

Les quelques concessions particulières faites à l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire ne venant pas contrarier les dispositions facilitatrices adoptées par le Sénat, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Monique de Marco applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, en France, nous avons la chance de disposer d’un tissu associatif actif et varié qui participe à l’animation de nos territoires.

Trop souvent pourtant, la vie associative et le bénévolat sont relégués au rang de divertissement ou de passe-temps. Vingt-deux millions de citoyens sont impliqués dans les activités bénévoles au sein d’associations, de syndicats, de mutuelles ou de partis politiques, soit plus de 43 % de la population adulte, un signe encourageant du regain de mobilisation auprès des associations. Le taux de la participation bénévole se rapproche aujourd’hui des chiffres précédant la crise de la covid-19, qui avait entraîné une baisse de l’engagement associatif.

Toutefois, la dernière enquête de France Bénévolat a fait apparaître une double tendance : un repli continu de l’engagement des plus âgés, nos concitoyens de 65 ans et plus, et une hausse de l’implication des plus jeunes. Ainsi, 25 % des moins de 35 ans étaient bénévoles en 2023.

Par ailleurs, on observe de plus en plus de bénévoles qui s’engagent de manière occasionnelle. On parle alors de bénévolat « post-it » : la moitié des bénévoles en France s’impliquent moins de quarante-cinq heures par an, ce qui pose de réels problèmes aux associations pour les accompagner et les fidéliser. Les bénévoles, qui sont le cœur battant de nos associations, sont devenus plus rares et plus difficiles à mobiliser.

Ces nouvelles formes d’engagement contraignent les associations à réviser leur mode d’organisation, à former ces nouveaux bénévoles et à faciliter au mieux leur intégration. Dans ce contexte, la reconnaissance et la valorisation de l’engagement bénévole répondent à une forte attente du monde associatif.

Par ailleurs, les associations sont fragilisées : elles sont confrontées à des contraintes administratives de plus en plus lourdes, ainsi qu’à l’augmentation des coûts auxquels elles doivent faire face.

Cette proposition de loi dresse le bilan de ces difficultés. Dans son rapport, notre collègue député Quentin Bataillon souligne celle à laquelle sont confrontés les bénévoles pour finaliser les dossiers de subvention, parachever les demandes d’agrément et remplir les formalités d’embauche. Il met également en évidence les écueils de la crise du bénévolat chez les Français âgés de 50 à 65 ans. Enfin, il constate que de nombreuses associations ont une trésorerie fragile, encore davantage minée par les crises successives – pandémie et inflation.

Dès lors, les auteurs de cette proposition de loi se sont concentrés sur la nécessité de simplifier la vie administrative et procédurale des associations.

Mes chers collègues, le présent texte a fait l’objet d’un large consensus auprès des acteurs de terrain. Cette réponse législative est donc très attendue. Elle ne permet certes pas de résoudre tous les problèmes, mais elle a le mérite de proposer des solutions concrètes au milieu associatif.

À l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire, le texte n’a pas connu de changement majeur, sinon le rétablissement du dispositif Guid’Asso et la demande de rapport sur la situation de l’emploi dans le secteur associatif en France.

L’essentiel de la première partie du texte, dans la version proposée par le Sénat, a été conservé. En outre, l’article 9, qui a été adopté par notre assemblée de manière consensuelle et qui autorise les communes à exonérer les associations de redevance d’occupation du domaine public lorsque celles-ci organisent certains événements, a été retenu dans la version finale de la proposition de loi.

Vous le savez, les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, et plus généralement les radicaux, sont très attachés à nos valeurs républicaines et citoyennes, ainsi qu’à la notion d’engagement du secteur associatif et au bénévolat. Je vous confirme donc que nous voterons le texte issu de la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (M. Ludovic Haye et Mme Laure Darcos applaudissent.)

M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, en ma qualité de sénateur représentant des Yvelines, un département riche en associations dynamiques et engagées, je suis profondément convaincu de l’importance de ce texte pour notre communauté locale et nationale.

Le contexte que nous avons rappelé est clair : notre pays compte sur le dynamisme de ses associations et de ses bénévoles pour contribuer à relever les défis sociaux, environnementaux et culturels auxquels nous sommes confrontés. Avec plus d’un million d’associations et plus de quinze millions de bénévoles dévoués, le secteur associatif est un pilier de notre société. J’en veux pour preuve le rôle indéniable qu’il joue dans la création et le maintien des liens sociaux entre les individus.

On ne saurait imaginer un monde sans électricité ; on ne saurait pas plus imaginer notre France sans son tissu associatif.

Pourtant, malgré cette vitalité, les associations sont confrontées à des défis de plus en plus complexes. Le profil des bénévoles évolue, les exigences administratives augmentent, alors que les ressources financières suivent rarement le même rythme.

En tant que législateurs, notre responsabilité est de faciliter l’action des associations et de les soutenir dans leurs missions.

Je salue les efforts que les membres de la commission mixte paritaire du 27 mars dernier ont fournis pour parvenir à un accord sur cette proposition de loi.

Le texte issu des travaux de cette commission est riche en mesures concrètes et ambitieuses. Neuf points d’accord se distinguent, illustrant la volonté d’offrir un soutien accru aux associations et de lever les freins à l’engagement bénévole ; permettez-moi d’en citer quelques-uns.

Les conditions d’acquisition de droits dans le cadre du compte d’engagement citoyen ont été assouplies. Favoriser l’accès à ce dispositif permet aux jeunes de s’engager dans des missions d’intérêt général.

En outre, l’assouplissement des conditions de recours au congé d’engagement associatif et au congé de citoyenneté facilite grandement la conciliation entre vie professionnelle et engagement bénévole.

Nous pouvons collectivement nous réjouir de l’élargissement du mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés. Cette mesure ouvre de nouvelles perspectives de collaboration entre les associations et le tissu économique local.

Par ailleurs, la simplification des conditions de prêt entre associations permettra sans aucun doute de fluidifier les échanges financiers et la solidarité entre elles.

Ces points d’accord constituent un paquet de mesures concrètes qui offrent un souffle nouveau au monde associatif, lequel mérite notre soutien et notre reconnaissance.

Évidemment, la suppression de certains articles est décevante, mais il est important de reconnaître que des compromis ont été nécessaires pour faire avancer ce texte. D’autres dispositions, comme celle qui pérennise le réseau Guid’Asso ou celle qui prévoit d’exonérer les associations de la redevance d’occupation du domaine public, ont été maintenues : ce sont là autant d’avancées significatives.

Telle est la richesse du bicamérisme, tout aussi importante dans les ajouts partagés que dans les retraits assumés.

Ainsi, je tiens de nouveau à saluer la suppression de la possibilité pour les associations d’abonder le compte personnel de formation (CPF) de leurs bénévoles. L’ouverture du CPF aux retraités remettait en cause le principe même de ce dispositif, pensé pour offrir aux salariés et aux indépendants la possibilité de développer leurs compétences tout au long de leur vie professionnelle – ne parlons même pas de la menace que faisait peser l’élargissement de son périmètre sur la soutenabilité financière de cette institution nationale.

En conclusion, et en remerciant les rapporteurs Quentin Bataillon à l’Assemblée nationale et Yan Chantrel au Sénat, nous voterons en faveur de ce texte pour envoyer un message fort de soutien à nos associations et à tous ceux qui œuvrent pour le bien commun. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (M. Christophe Chaillou et Mme Monique de Marco applaudissent.)

Mme Colombe Brossel. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au bout du chemin de l’examen de cette proposition de loi et au vote du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, qui ont été conclusifs.

Incontestablement, il s’agit d’une bonne nouvelle et d’une source de satisfaction. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, bien que ce texte ne révolutionne pas le champ associatif, il contribue à favoriser l’engagement des bénévoles et à faciliter le fonctionnement quotidien des associations.

Nous devions cet effort, nécessaire pour parvenir à un compromis, à tous les bénévoles et salariés engagés sur le terrain, lesquels font la force de l’engagement associatif.

Je remercie bien sûr les rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat. Aux côtés de Marie-Pierre Monier, Yan Chantrel a su mettre en avant ses talents de négociateur, afin d’aboutir à ce texte.

Sur le fond, nous nous félicitons qu’ait été maintenue la possibilité pour un salarié de donner, sous forme monétisée, ses jours de congé et de repos non pris au-delà des vingt-quatre jours ouvrables, qui sont un acquis social.

Alors que les formes d’engagement, protéiformes, évoluent, il est important d’entendre que ce don peut aussi être un levier d’engagement. L’extension du congé de citoyenneté aux délégués bénévoles du Défenseur des droits constitue également une bonne nouvelle.

Les moyens de valoriser l’engagement bénévole sont multiples, et aucun ne doit être négligé. Mais comment aller plus loin si l’État n’agit pas en ce sens ? Nous estimons que l’État doit prendre toute sa part dans la mise en valeur de l’implication citoyenne. C’est pourquoi la rédaction, sur l’initiative de l’État, d’un guide relatif aux droits, avantages et devoirs liés à l’engagement bénévole et au volontariat nous semblait être une bonne initiative.

Hélas, cette mesure n’a pas été retenue dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire. En revanche, une base légale a été octroyée au dispositif Guid’Asso, ce qui s’inscrit dans le sens de cette proposition de loi.

J’ajouterai quelques mots pour exprimer un regret : nous souhaitions que le compte personnel de formation des retraités puisse être abondé lorsque ceux-ci s’impliquent dans la vie associative. Nous voyons une forme de contradiction dans la suppression de cette mesure, alors que la pyramide de l’engagement s’inverse et que les retraités sont désormais moins nombreux et peut-être moins enclins à pousser les portes d’une structure associative.

Il y a quelques semaines, à cette même tribune, j’appelais de mes vœux une réflexion plus large sur le sens de l’engagement. Gageons que le rapport sur le rôle des têtes de réseaux, la situation de l’emploi associatif et le bilan du mécénat de compétences, réintroduit à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, en constituera un point de départ utile.

Parce que nous prenons toutes les victoires, et surtout toutes les avancées visant à favoriser l’engagement dans la vie associative et à simplifier la vie des associations, le groupe socialiste votera en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire.

Durant les mois qui viennent, nous resterons attentifs à ce que le secteur associatif continue d’être soutenu et ne devienne pas une victime collatérale des choix budgétaires, sans regard ni égard pour les acteurs associatifs qui font notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Christophe Chaillou applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, puisqu’il me revient de conclure, je souhaite tout d’abord saluer le travail commun qui nous a permis d’arriver à cette réussite collégiale.

Certes, ce texte n’est pas celui du « grand soir » de la vie associative, mais faut-il s’en plaindre ? Au lieu d’une longue et incertaine navette parlementaire, l’examen de cette proposition de loi arrive à son terme. Les avancées qu’elle comporte vont rapidement entrer en vigueur, pour le plus grand bénéfice des associations.

Nous le leur devons, car nous avons plus que jamais besoin de l’implication des bénévoles qui les animent en s’engageant pour une cause, un projet, la pratique d’une activité, et non pour recevoir un quelconque bénéfice, comme l’indique parfaitement la loi de 1901.

Je n’adhère pas au discours tendant à fonctionnariser nos concitoyens qui s’engagent au service d’une cause dépassant leurs intérêts. En revanche, encourager cet engagement passe par l’affirmation concrète du soutien de la Nation au travers de la loi et du règlement.

Dans sa version initiale, le texte comportait des dispositions intéressantes : elles visaient soit à simplifier l’activité des associations, soit à éviter la survenue, demain, d’incertitudes juridiques. C’est la raison pour laquelle la sécurisation du régime juridique des loteries n’est en rien anecdotique et que le mécénat de compétences ou les prêts entre associations sont des progrès qui profiteront à l’action sociale, culturelle ou sportive.

Nous saluons la qualité des travaux de notre rapporteur, qui a su enrichir le texte dès son examen en commission. Je pense notamment à la déclaration unique de TVA.

Fort logiquement dans le cadre d’un texte visant à simplifier la vie des associations, il nous a paru évident que les dispositions créant des obligations pour les bénévoles allaient à l’encontre des objectifs fixés.

Puisque nous ne légiférons pas en silo, c’est en cohérence avec l’œuvre législative du Sénat que nous n’avons pas souhaité conserver les nouvelles contraintes imposées aux entreprises. Je pense à l’obligation attachée à la déclaration de performance extrafinancière des entreprises, dont le Sénat a obtenu la suppression.

Grâce à notre assemblée, le texte comporte également une disposition relative au don monétisé de jours de repos non pris entre particuliers. Il s’agit d’une avancée de taille qui répond à une demande formulée par les associations elles-mêmes. Cette mesure figure aussi au cœur de notre problématique : qu’est-ce que l’engagement associatif si ce n’est, avant tout, une question de temps ?

Selon sa situation professionnelle ou sa vie de famille, chacun ne dispose pas d’une même capacité à s’impliquer. Permettre à celui qui ne peut pas donner son temps à un moment donné d’aider d’autres personnes à agir en leur offrant des jours de repos monétisés montre qu’avec un peu d’imagination et de bonne volonté on peut toujours faire progresser la solidarité.

Les conclusions de la commission mixte paritaire reprennent l’essentiel des dispositions défendues par les sénateurs du groupe Les Républicains, notamment par notre collègue Cédric Vial, qui s’est particulièrement impliqué sur le sujet. C’est pourquoi nous les voterons avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Mme Laure Darcos, MM. Michel Laugier et Pierre-Antoine Levi applaudissent.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative
 

6

Mise au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour une mise au point au sujet de votes.

M. Laurent Burgoa. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 168, mes collègues Jean-Marc Boyer, Daniel Gueret et Cédric Vial souhaitaient voter pour.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante et une, est reprise à dix-sept heures quarante-trois.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

8

 
Dossier législatif : projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes
Discussion générale (suite)

Lutte contre les dérives sectaires

Rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes (projet n° 455, résultat des travaux de la commission n° 478, rapport n° 477).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes
Question préalable (début)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ville, et auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, près de trois mois après nos derniers échanges, nous sommes de nouveau réunis dans cet hémicycle pour examiner ce projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.

Si le texte a largement évolué depuis le début de la navette parlementaire, les constats et les objectifs fixés restent les mêmes. Vingt-trois ans après l’adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard, l’organisation et la réponse pénale de l’État ne sont plus adaptées aux phénomènes nouveaux des dérives sectaires.

Face à ce constat, il est impératif de renforcer notre arsenal juridique pour protéger les victimes face à ces phénomènes.

Je ne suis certes pas surprise, mais je suis tout de même déçue que le groupe Les Républicains ait choisi de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.

Madame la rapporteure, dans l’objet de cette motion, vous évoquez l’importance de préserver nos « droits et libertés ». En tant que membre de la commission des lois du Sénat et avocate, il ne vous aura pourtant pas échappé que le texte a très largement évolué dans le sens que vous souhaitiez.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis clairement, car cela correspond à ma conviction profonde et à l’esprit de ce projet de loi : l’État lutte non pas contre les croyances ou les opinions religieuses, quelles qu’elles soient, mais bien contre toutes les formes de dérives sectaires.

Vous le savez, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen protège et garantit la liberté de conscience, à laquelle nous sommes tous profondément attachés. C’est pourquoi nous avons collectivement travaillé à renforcer les garanties constitutionnelles de ce texte.

Après l’examen de ce texte en première lecture, bien des apports particulièrement judicieux du Sénat ont été retenus, préservés et travaillés.

L’État se doit de protéger ses citoyens contre les dérives sectaires, fléau en constante évolution pour notre cohésion sociale, dont les pratiques dangereuses font des milliers de victimes chaque année.

Pour illustrer mon propos, je citerai le dernier rapport de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui alerte l’opinion sur les solutions miracles que certains pseudo-thérapeutes proposent contre des pathologies cancéreuses, en préconisant par exemple des injections de gui ou encore des interruptions de soins de médecine conventionnelle, qui peuvent être particulièrement dangereuses.

Voilà ce à quoi nos familles, nos enfants, nos grands-parents ou même nos élus peuvent être exposés.

Face à ces charlatans, dont les méthodes d’embrigadement évoluent sans cesse, nous ne pouvons pas laisser les victimes ou leurs proches seuls. Notre devoir est de les protéger : tel est le rôle du législateur.

Aujourd’hui, de nouvelles grandes tendances caractérisent les dérives sectaires. Ces phénomènes sont en expansion, et les signalements à la Miviludes ont doublé depuis 2010. Les difficultés sociales et la crise sanitaire ont accru la vulnérabilité de certains de nos concitoyens, qui s’en remettent à des gourous, voire à des « gourous 2.0 ». Cela n’est, soyez-en sûr, que la partie émergée de l’iceberg.

Les dérives sectaires prolifèrent grâce au développement des réseaux sociaux. Les gourous 2.0 fédèrent de véritables communautés d’adeptes en ligne – et je ne parle pas des sphères complotistes qui, elles aussi, prolifèrent en ligne. Il est nécessaire d’en finir avec ces théories dangereuses qui ont déjà tué.

Devant ces constats, nous avons lancé la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires pour la période 2024-2027, fruit d’une concertation d’une ampleur inédite. Elle se structure en trois axes : un premier est dédié à la prévention des risques de dérives sectaires ; un deuxième est centré sur un meilleur accompagnement de proximité des victimes ; un troisième est consacré au renforcement de l’arsenal juridique – ce projet de loi en constitue la mesure phare.

Contrairement à ce que certains parlementaires ont affirmé, si le présent texte prévoit un renforcement de notre arsenal pénal, il n’est aucunement question d’abandonner la prévention et l’accompagnement des victimes, lesquels ne passent pas toujours par des mesures législatives.

La prévention doit être au cœur de toutes les politiques publiques. C’est l’un des maîtres mots de ma feuille de route, le versant nécessaire de la bonne application du projet de loi que nous discutons aujourd’hui.

Les effectifs de la Miviludes ont doublé ces dernières années, afin d’assurer un soutien accru de l’État aux associations d’accompagnement des victimes, dont je tiens d’ailleurs à saluer l’engagement.

Comme vous l’avez constaté, le Gouvernement a également lancé récemment une vaste campagne de communication et de sensibilisation à l’égard du grand public – je me réjouis d’ailleurs que nombre d’entre vous l’aient partagée sur les réseaux sociaux.

Cette campagne vise directement les problématiques quotidiennes des Français et expose les facteurs de vulnérabilité que certains individus malveillants pourraient exploiter : la santé, la fortune, l’éducation ou l’éveil spirituel par exemple.

Nous sommes déterminés à agir sur tous les terrains et sur tous les fronts.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais revenir sur les dispositions de ce projet de loi qui auront une incidence significative tant sur la répression des auteurs que sur l’indemnisation et l’accompagnement des victimes.

Le Gouvernement a notamment pour ambition de proposer la création de deux nouveaux délits : à l’article 1er, le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique ; à l’article 4, la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne concernée à un risque grave pour sa santé.

On ne le répétera jamais assez : la santé est devenue un enjeu majeur dans la lutte contre les dérives sectaires, puisqu’elle représente désormais un quart des signalements à la Miviludes. Il est essentiel de répondre, notamment au travers de cette mesure, à la prolifération de pratiques dangereuses pour la santé de nos concitoyens.

Malgré ce constat partagé, les discussions au sein de cet hémicycle ont été particulièrement animées en première lecture. La rédaction de l’article 4 a pourtant grandement évolué. En l’état, son alinéa 4 garantit explicitement la liberté de conscience, quand son alinéa 6 garantit la liberté de critique médicale. Les discours occasionnels, tenus par exemple dans le cadre familial, au même titre que les lanceurs d’alerte, sont par ailleurs exclus du champ d’application de cet article.

Cette rédaction transpartisane apporte l’ensemble des garanties demandées par les deux assemblées. Je déplore donc qu’une partie de cet hémicycle se soit opposée à l’adoption du texte en commission et s’y oppose bientôt en séance publique.

Pour éviter que les drames vécus par nos concitoyens et leurs familles ne se reproduisent, cessons les postures politiques, et ayons conscience de l’urgence du vote d’aujourd’hui. Le groupe Les Républicains de l’Assemblée nationale nous a entendus sur ce point.

L’article 1er prévoit de créer un nouveau délit d’assujettissement psychologique ou physique. Nous souhaitons agir en amont de la qualification d’abus de faiblesse, en sanctionnant le fait même d’assujettir une personne par des « pressions graves ou réitérées » ou des « techniques propres à altérer le jugement ».

Ce nouveau délit permettra de cibler la mécanique néfaste de l’embrigadement sectaire, qui détruit des personnalités, coupe des personnes de leur environnement familial et ruine leur santé, et qui constitue une porte ouverte à tous les abus.

Avec cette mesure, nous visons deux objectifs. En premier lieu, nous voulons remédier à un cadre juridique désormais insuffisant pour appréhender les nouvelles formes des dérives sectaires. En second lieu, nous voulons améliorer l’indemnisation des victimes en faisant en sorte de mieux reconnaître le préjudice corporel qui résulte de l’altération de la santé psychologique ou mentale des personnes sous emprise sectaire.

En l’état actuel du droit, la réparation par les tribunaux du préjudice sur la santé est plus qu’aléatoire. Les victimes, lorsqu’elles ne sont pas découragées par les difficultés du combat judiciaire, ne la trouvent ni suffisante ni satisfaisante. Elles doivent être bien mieux protégées et indemnisées : telle est l’ambition de l’article 1er du projet de loi.

En cohérence avec la création de cet article, nous avons proposé qu’une circonstance aggravante soit instaurée pour plusieurs crimes et délits – meurtres, actes de torture et de barbarie, violences, escroquerie – commis dans un environnement sectaire.

Cette mesure doit permettre d’adapter la réponse pénale au phénomène sectaire en réprimant les agissements à la hauteur des méthodes d’emprise.

Aussi souhaitons-nous que l’accompagnement des victimes soit renforcé. Une procédure d’agrément par l’État sera mise en place pour établir la liste des associations autorisées à agir. Je le rappelle, l’agrément sera délivré par le ministère public dans des conditions particulièrement strictes définies par décret, afin de s’assurer de la solidité et de la fiabilité de ces associations.

Par ailleurs, nous prévoyons une procédure de transmission obligatoire des condamnations et des décisions de contrôle judiciaire aux ordres professionnels de santé, afin de faciliter la prise de sanctions disciplinaires à l’encontre de praticiens déviants.

Enfin, l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires sera améliorée par une meilleure association des services de l’État. Les parquets ou les juridictions judiciaires pourront les solliciter et leur demander des informations utiles, fondées sur leur expertise et de nature à les éclairer.

Madame la rapporteure, si nos points de vue divergent, ce qui est normal, je tiens à vous remercier particulièrement de votre engagement et de la qualité de nos débats.

Vous savez combien je suis attachée à l’importance du travail parlementaire. C’est pourquoi je regrette que vous proposiez d’écourter ce débat fondamental pour nos concitoyens, alors même que vos collègues de l’Assemblée nationale se sont abstenus, en formulant le souhait de poursuivre le débat et en s’en remettant à la sagesse du Sénat.

J’ai néanmoins toute confiance dans la mobilisation de la Haute Assemblée pour continuer de défendre les victimes des dérives sectaires.

J’ai une pensée pour l’ensemble des associations spécialisées, qui agissent au quotidien pour venir en aide aux victimes et à leurs familles. Leur action est cruciale. Je l’affirme avec gravité : elles ont besoin de ce texte pour aider les victimes toujours plus nombreuses à sortir des spirales néfastes. Elles ont besoin de nous pour en finir avec ce fléau qui menace nos compatriotes.

Je sais que notre débat est très suivi et j’en profite pour saluer les personnes qui assistent à cette séance depuis les tribunes. J’ai une pensée sincère pour vous, pour les victimes et pour leur famille. Je souhaite profondément que ce texte contribue à votre apaisement, ainsi qu’à celui de la société.

C’est aux victimes et à leurs familles que nous devons penser aujourd’hui. Nous devons tous répondre présents, dépasser nos clivages et nos postures politiques pour nous rassembler autour d’une cause commune : la défense et l’accompagnement des victimes.

C’est ce qui me tient le plus à cœur et me pousse à continuer indéfectiblement ce combat.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Olivia Richard applaudit également.)

Mme Lauriane Josende, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a adopté, en nouvelle lecture, le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes.

Tout en corrigeant quelques scories, l’Assemblée nationale s’est encore plus écartée de la position du Sénat sur le plan des dispositions pénales, excluant la possibilité de trouver un compromis.

Deux points, déjà soulevés en commission mixte paritaire, ont été bloquants pour notre commission des lois.

Le premier est la création d’un nouveau délit de provocation à l’abandon de traitement ou de soins médicaux et à l’adoption de pratiques non conventionnelles.

S’il est incontestable que la multiplication des pratiques consistant à promouvoir l’abandon de soins nécessaires à la santé ou l’adoption de certaines pratiques abusivement présentées comme bénéfiques à la santé appelle une réponse ferme des pouvoirs publics, nous avons été frappés par la fragilité juridique et par les difficultés tant constitutionnelles que pratiques qu’emporte la disposition proposée par le Gouvernement. Nous estimons que la nécessité de légiférer sur ce point n’est pas suffisamment établie.

Dans sa rédaction finalement adoptée par l’Assemblée nationale, l’article 4 précise que la provocation devra être caractérisée « au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées ». Mais cette nouvelle formulation nous ramène au droit existant en matière de harcèlement.

Par ailleurs, malgré les efforts consentis par le Gouvernement pour exclure les lanceurs d’alerte du dispositif, nous estimons que les deux limitations prévues ne permettent pas d’atteindre un équilibre satisfaisant, qui contribue à concilier l’exercice de la liberté d’expression, de la liberté de choisir et de refuser des soins et l’objectif de protection de la santé publique.

Il en va ainsi, a fortiori, lorsque d’autres incriminations moins attentatoires aux droits et libertés constitutionnellement garantis sont suffisantes pour atteindre cet objectif.

Paradoxalement, les tentatives du Gouvernement pour répondre aux critiques du Conseil d’État et du Sénat aboutissent, selon notre commission, à des dispositifs soit trop larges soit inefficaces.

Il semble particulièrement difficile de réunir des preuves permettant de caractériser et d’établir une provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins selon les conditions définies par cet article. Il est dès lors évident que de simples précautions de discours pourront prémunir les promoteurs de dérives sectaires, qui sont en règle générale particulièrement bien informés de l’état du droit, contre cette infraction.

À l’inverse, une provocation dans un cadre privé ou familial, indépendamment du niveau de connaissance médicale de l’auteur du propos, qu’elle soit ou non suivie d’effets, pourrait être sanctionnée.

Le droit existant est en définitive plus protecteur pour les victimes, puisqu’il existe déjà des incriminations plus sévèrement réprimées, comme l’abus de faiblesse ou l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie – dont le Sénat a d’ailleurs renforcé la portée en introduisant à leur propos des circonstances aggravantes.

Je souligne que, contrairement à ce qui a pu être répété, tous les cas sont actuellement couverts par le droit existant. Les difficultés résident dans la recherche et l’établissement de preuves, mais plus encore dans la détection des victimes par les pouvoirs publics.

Le deuxième point de blocage réside dans le rétablissement des articles 1er et 2 et dans l’élargissement de leurs dispositions aux victimes de « thérapies de conversion ».

La création d’un délit autonome réprimant le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d’altérer gravement la santé, indépendamment de tout abus éventuel, nous semble révélatrice de deux défauts de conception de ce projet de loi, qui repose sur le présupposé selon lequel, d’une part, les équilibres atteints grâce à la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard, visant à réprimer les conséquences des abus, seraient obsolètes et insuffisants et, d’autre part, l’ensemble des assujettissements ou des formes d’emprise devraient être traités de la même manière, au risque de fragiliser les dispositions pénales en vigueur, notamment en matière de violences conjugales.

Le Conseil d’État avait justement rappelé que le champ des infractions nouvelles proposées par le Gouvernement outrepassait largement celui des dérives sectaires…

Je tiens toutefois à rappeler que, s’il a écarté les évolutions du droit pénal prévues dans le projet de loi initial, le Sénat a enrichi le texte de plusieurs dispositions appelées de leurs vœux de longue date par les acteurs de terrain et les parlementaires. Je veux en citer trois, qui ont été saluées par tous, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

Je pense d’abord à la consécration du statut juridique de la Miviludes, qui permet d’inscrire cet organe dans la durée, de conforter sa vocation interministérielle, et de reconnaître l’ensemble des missions qu’elle exerce. Ce faisant, cette mission ne pourrait plus, comme cela avait un temps était évoqué, être supprimée au gré des volontés ministérielles.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Je pense ensuite à plusieurs modifications du droit pénal destinées à mieux prendre en compte les évolutions des modes opératoires des auteurs de dérives sectaires : ainsi, nous avons décidé d’accroître la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de pratique commerciale trompeuse et d’abus de faiblesse dès lors qu’ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques.

Enfin, j’ai apporté un soin particulier à la prise en compte de la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, en prévoyant que le délai de prescription ne courra qu’à partir de leur majorité, et en renforçant les sanctions applicables au placement d’un enfant dans une situation d’isolement social.

S’il est indéniable qu’un projet de loi constitue l’occasion, trop rare, d’organiser un débat sur les dérives sectaires, nous regrettons néanmoins la concentration de la réflexion et de l’action publiques sur la réponse pénale, ce qui a pour conséquence d’occulter la nécessité pour les pouvoirs publics de porter leurs efforts sur l’amplification des actions de prévention et sur le renforcement des moyens de la justice comme des services d’enquête spécialisés.

Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, l’Assemblée nationale a adopté, en nouvelle lecture, un texte souffrant des mêmes difficultés juridiques qu’en première lecture.

Dans ces conditions, malgré la marque qu’a imprimée le Sénat sur ce texte, il me paraît inutile de prolonger la discussion. La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, d’opposer à ce texte la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Olivia Richard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (MM. Pierre Jean Rochette et Martin Lévrier applaudissent.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise de la covid-19 a contribué à un essor massif de l’usage du numérique dans notre société, concourant ainsi à l’isolement de nombre de nos compatriotes, notamment parmi les plus fragiles.

Plusieurs affaires judiciaires découlant de dérives sectaires ont émaillé l’actualité, nous rappelant la dangerosité de ces mouvements, au sein desquels sont commis des abus de faiblesse, des séquestrations ou encore des viols.

Le texte que nous propose le Gouvernement tend à renforcer la répression contre les organisations qui exploitent la vulnérabilité des personnes. Nous adhérons tous, députés comme sénateurs, à l’objectif consistant à mieux lutter contre les dérives sectaires, mais les majorités de chacune de nos deux chambres divergent quant aux moyens à employer.

La création du délit de placement ou de maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique fait partie des points de désaccord. Ce nouveau délit, puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende, a été supprimé par le Sénat puis rétabli par l’Assemblée nationale. Nous comprenons les inquiétudes exprimées par la rapporteure à cet égard, mais nous considérons que ce nouveau délit contribuerait à mieux protéger nos concitoyens, en donnant à nos forces de l’ordre et à nos magistrats les moyens de poursuivre et de condamner des actes qui échappent pour le moment à la justice.

En effet, notre droit pénal ne prend pas en compte certaines situations d’emprise sectaire ayant pour conséquence une altération de la santé physique ou mentale des personnes qui en sont victimes. La création d’un délit autonome permettrait, nous en sommes convaincus, de les réprimer avec toute la rigueur nécessaire.

L’autre point de divergence concerne l’article 4, qui vise à mieux réprimer les dérives relatives aux médecines non conventionnelles, c’est-à-dire aux médecines qui n’en sont pas. En s’appuyant notamment sur les réserves exprimées par le Conseil d’État, le Sénat avait supprimé cet article, qui créait deux nouvelles infractions destinées à réprimer les atteintes à la santé résultant de discours ou de pratiques prônant des méthodes sans valeur thérapeutique ou dangereuses. Il s’agissait, d’une part, du délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique et, d’autre part, du délit de provocation à l’adoption de pratiques non conventionnelles exposant la personne à un risque de blessures ou de mort.

L’Assemblée nationale a rétabli l’article 4. Les signalements dans ce domaine sont en forte hausse ; la pandémie et les réseaux sociaux ont encouragé le développement de courants anti-science. Il est nécessaire d’y mettre un terme.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les dispositions visant à lutter contre les dérives en matière de santé. Nous comprenons, bien entendu, que des désaccords existent, mais il n’en reste pas moins qu’il nous appartient de parvenir à une solution satisfaisante.

Les positions de la majorité de l’Assemblée nationale et de celle du Sénat sur ces questions sont incompatibles, ce qui a conduit à l’échec de la commission mixte paritaire. Notre rapporteure, dont je salue le travail, nous propose en conséquence de voter une motion tendant à opposer la question préalable sur ce texte.

Notre groupe est, par principe, défavorable à de telles motions, qui empêchent notre chambre de débattre et qui affaiblissent, selon nous, le Sénat. De plus, les dérives sectaires sont des phénomènes particulièrement dangereux pour nos concitoyens, a fortiori lorsqu’elles ont trait à la santé. Or beaucoup de dispositions du texte contribueront à mieux lutter contre les sectes. Notre groupe, dans la mesure où il soutient les objectifs de ce projet de loi, votera donc contre la motion. (M. Martin Lévrier applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Olivia Richard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dès 2012, la Haute Assemblée se penchait sur les dérives sectaires, plus particulièrement dans le domaine de la santé.

Avec le développement des réseaux sociaux, les signalements ont explosé : on observe ainsi une hausse de 86 % du nombre de signalements depuis 2015 et 4 000 cas ont été rapportés en 2021, un record.

Force est de constater que notre arsenal judiciaire, qui permet pourtant de sanctionner l’exercice illégal de la médecine, les pratiques commerciales trompeuses ou les abus de faiblesse, n’est plus adapté pour lutter contre ce fléau. En outre, le développement des canaux numériques ne suffit pas à lui seul à expliquer ce phénomène.

Les pratiques sectaires dépassent le domaine religieux et investissent des champs variés, comme la santé, le bien-être ou encore le développement personnel et le coaching professionnel. Ces approches, au départ bienveillantes, sont avant tout calibrées pour cibler les publics les plus fragiles et les plus vulnérables. Bien souvent, d’ailleurs, les victimes n’ont pas conscience de leur propre fragilité et les conséquences peuvent atteindre le pire. Les gourous et les escrocs exigent tout de leurs victimes, la soumission du corps, de l’esprit et du compte en banque !

Incontestablement, il est nécessaire d’agir et je suis certaine que nos deux chambres partagent le même constat : toutes les dérives sectaires, qu’elles concernent les mineurs ou les majeurs, qu’elles aient lieu ou non dans l’espace numérique, doivent être combattues. Malheureusement, les convergences s’arrêtent là et il nous a été impossible de trouver une version commune à nos deux chambres.

Ainsi en est-il de l’article 4, qui prévoit la création d’un nouveau délit de provocation à l’abandon de traitement ou de soins médicaux et à l’adoption de pratiques non conventionnelles.

Oui, encourager l’abandon de soins médicaux vitaux dans le cadre d’une thérapie alternative nécessite une réponse ferme de notre part.

Toutefois, le dispositif proposé n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux. La rédaction finalement adoptée par l’Assemblée nationale précise en effet que la provocation devra être caractérisée par l’exercice « de pressions ou de manœuvres réitérées », mais cette nouvelle formulation nous ramène tout simplement au droit existant, qui est plus protecteur pour les auteurs de tels agissements.

En outre, il paraît particulièrement difficile de réunir des preuves permettant de caractériser et d’établir une provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins. Une simple mention de précaution permettra à ces escrocs de ne pas tomber sous le coup de la loi et, soyez-en certains, ils ont parfaitement l’habitude de jouer avec les flous et les limites de la législation.

En fin de compte, je ne peux que regretter, comme d’autres, que nous n’ayons pas trouvé une bonne rédaction, tant les associations, les magistrats et les services de police spécialisés attendent des outils efficaces permettant de combattre ces dérives.

Puisque c’est la version de l’Assemblée nationale qui fera loi, espérons seulement que nos doutes ne seront pas fondés. Comme le Sénat le fait depuis plus de douze ans, il continuera de faire œuvre de vigilance et je fais confiance à notre rapporteure, dont je salue les travaux, pour rester en alerte à ce sujet.

Enfin, même si, sur ces aspects, nos désaccords sont aujourd’hui insurmontables, tout n’est pas à jeter dans ce texte. On peut d’ailleurs souligner que plusieurs des propositions sénatoriales y figurent. Je pense ici au renforcement des sanctions pour les délits évoqués précédemment lorsqu’ils sont commis en ligne, à la prise en compte de la situation particulière des mineurs victimes ou encore au renforcement nécessaire et attendu du rôle et des moyens de la Miviludes.

Malheureusement, malgré ces avancées positives, la discussion ne peut pas progresser ; il est donc inutile de poursuivre ce débat. En conséquence, le groupe Union Centriste votera à regret, mais avec conviction, la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le phénomène sectaire dépasse ce que certains appellent une pensée ou un mode de vie en marge de la société. Si l’escroquerie financière est presque toujours au cœur de ces pratiques délétères, leurs conséquences psychiques et physiques sont également importantes.

Les dangers liés aux dérives sectaires, en constante évolution, avaient semblé faire l’objet d’un moindre intérêt de la part des pouvoirs publics, à tel point que, en 2020, la disparition de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires avait même été évoquée.

J’ai déjà pu le dire précédemment, le texte présenté par le Gouvernement me paraît pauvre et bâclé ; il présente de surcroît un risque d’inconstitutionnalité, que le Conseil d’État a relevé dans son avis du 17 novembre 2023. Cela étant, il est bon de pouvoir disposer d’une étude d’impact ; pour une fois que le Gouvernement passe par un projet de loi…

Aucune des recommandations des rapports parlementaires transpartisans de ces dernières années n’a servi à l’élaboration de ce texte. Nous le regrettons vivement et c’est en vain que nous avons proposé, en première lecture, des pistes d’amélioration, lesquelles n’ont pu éviter les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution.

Pourtant, il serait essentiel de renforcer les moyens dévolus au repérage des victimes, comme le préconisait M. Mézard dans le rapport qu’il avait fait en 2013 au nom de la commission d’enquête présidée par notre collègue Alain Milon.

Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale conserve ce que la Haute Assemblée, dans sa grande sagesse, avait contribué à assurer, à savoir la sanctuarisation de la Miviludes. Le phénomène des dérives sectaires est complexe et multidimensionnel et doit donc pouvoir bénéficier de l’implication de plusieurs administrations.

Le groupe écologiste se réjouit que la navette parlementaire ait préservé plusieurs dispositions résultant de ses différents amendements, en particulier celle qui visait à garantir les échanges entre la Miviludes et les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, où siègent les élus locaux.

Nous soutenons la version du texte adoptée par l’Assemblée nationale qui prévoit, à l’article 2 bis A, d’introduire des circonstances aggravantes pour les thérapies de conversion.

Nous regrettons en revanche que nos collègues députés n’aient pas maintenu la mesure que nous avions contribué à introduire dans le texte, et qui assure une coordination entre la Miviludes et les associations, dont l’implication et l’expertise sont à saluer. L’accompagnement des victimes et de leurs proches est une des clés de la meilleure appréhension judiciaire des faits délictueux, voire criminels.

La commission des lois, ayant pris la mesure de l’effet amplificateur des réseaux sociaux depuis quelques années, avait introduit une nouvelle circonstance aggravante : le fait que ces infractions soient commises au travers de ces réseaux.

La disparition de tous les apports du Sénat sur le volet numérique de ce texte, totalement oubliés par le Gouvernement, pose un grave problème. L’Assemblée nationale a décidé de supprimer la nouvelle circonstance aggravante en cas d’abus de faiblesse au moyen d’un support numérique ou électronique, ainsi que les peines complémentaires de fermeture des comptes utilisés sur internet lorsqu’ils ont servi à commettre le délit d’exercice illégal d’une profession médicale ou de pharmacien.

La commission avait tout autant pris la mesure des dangers liés à ces dérives pour les mineurs. Elle avait ainsi modifié les délais de prescription en cas d’abus de faiblesse. Cette avancée a également été supprimée par l’Assemblée nationale…

Depuis quelques années, nous assistons à un essor des phénomènes sectaires, qui prennent désormais de multiples formes : ils ne sont plus seulement à vocation religieuse ou spirituelle et investissent désormais les champs de la santé, de l’alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation. Dans le domaine de la santé, 892 signalements ont été adressés à la Miviludes en 2021, contre 214 en 2015.

Nous le savons tous, le climat de défiance a infusé un peu partout et les réseaux sociaux ont pu amplifier les discours anti-scientifiques, notamment depuis l’épidémie de la covid-19. Dans ces discours, les dérives sont fréquentes et apparaissent rapidement ; elles sont parfois relayées par des politiques vantant des traitements non étudiés, non validés.

Il existe un risque pour la santé publique. Les personnes vulnérables peuvent se laisser convaincre de suivre des pratiques de soins non conventionnelles, délivrées par des non-professionnels et susceptibles d’être dangereuses pour leur santé.

À l’inverse, la réécriture de l’article 4 par l’Assemblée nationale, qui protège les lanceurs d’alerte, afin de ne pas censurer les contestations des pratiques thérapeutiques, nous convient mieux ; elle répond au besoin de ne pas porter atteinte à la liberté des débats scientifiques.

Bref, il s’agit d’un texte très insuffisant, qui se compose de mesurettes visant à reconnaître, dans notre droit pénal, l’existence des phénomènes sectaires, mais qui n’agit pas sur les causes des phénomènes ni sur les moyens de repérage de ces derniers.

Les travaux de la Haute Assemblée avaient profondément modifié le projet de loi initial et contribué à compléter les dispositifs proposés par des mesures plus opérationnelles, permettant de lutter plus efficacement contre le fléau sectaire.

Notre groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut que constater l’entêtement du Gouvernement dans son approche du sujet. Il ne pourra donc se résoudre à voter un texte qui n’a pris en compte aucune des réflexions du Conseil d’État ni aucun des travaux de notre assemblée.

Nous regrettons toutefois que la discussion ne puisse avoir lieu sur un sujet aussi sensible et important, en raison de la motion tendant à opposer la question préalable, contre laquelle nous voterons.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi achève son parcours législatif et il faut reconnaître que le texte proposé par le Gouvernement, les débats qu’il a suscités et, finalement, l’incapacité des deux chambres à s’entendre sur une rédaction commune ont été très en deçà des attentes qui avaient été placées dans les récents travaux de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

Depuis la fondation de cette mission en 2002, les dérives sectaires se sont diversifiées, sous l’effet en particulier du foisonnement des expressions religieuses, de l’individualisation des croyances, de la perte de légitimité du discours politique et scientifique et des capacités données à quiconque de s’adresser au grand nombre par le biais des réseaux dits « sociaux ».

Les organisations sectaires fortement structurées du passé ont été supplantées par une prolifération de prophètes en tous genres, de charlatans, de rebouteux, de complotistes et de détracteurs de la science dite « officielle », qui abreuvent leurs fidèles de discours parfois relayés par des médias nationaux complaisants… Reconnaissons que ces exhortations peuvent avoir des conséquences particulièrement nocives quand elles conduisent les malades à renoncer à leurs traitements.

Néanmoins, il aurait été judicieux, me semble-t-il, que votre activité législative, madame la secrétaire d’État, s’intéressât aussi au domaine de l’éducation, notamment aux établissements hors contrat, dont le développement est inquiétant.

En ce qui concerne la santé, l’intention ayant présidé à la rédaction de l’article 4 est louable. Je regrette toutefois que vous n’ayez pas fait droit aux fortes réserves du Conseil d’État à son sujet. Un travail juridique plus abouti vous aurait évité de présenter au Sénat une rédaction ayant coalisé des oppositions pourtant divergentes sur le fond. Je déplore que certains députés opposés à ce texte aient développé contre cet article une argumentation déjà entendue lors de la crise pandémique pour défendre la prescription d’hydroxychloroquine.

M. Olivier Bitz. Tout à fait !

M. Pierre Ouzoulias. Les essais cliniques réalisés dans les règles avaient montré l’absence d’effet bénéfique de ce produit. Il était donc coupable de continuer de le prescrire, alors que les patients auraient pu être soignés par d’autres thérapies.

La controverse scientifique est nécessaire et utile quand elle respecte les règles de l’intégrité scientifique. Elle devient pernicieuse quand elle s’en affranchit au nom d’une clairvoyance supérieure qui refuse d’être évaluée.

Je suis révolté d’avoir entendu dire dans les deux chambres que l’article 4, dans ses diverses rédactions, aurait condamné Irène Frachon au silence. Nous devons à cette pneumologue d’une grande conscience morale d’avoir démontré scientifiquement les effets nocifs du Benfluorex. Comment peut-on comparer ses études cliniques rigoureuses aux élucubrations mortifères de gourous conseillant à des personnes vulnérables de remplacer leur traitement anticancéreux par des jus de légumes ?

Je ne suis pas sûr que l’article 4, dans sa rédaction actuelle, permette à la justice de sanctionner plus efficacement ces pratiques coupables et funestes, et il nous faudra en évaluer les bénéfices. Néanmoins, il est nécessaire de donner plus de moyens aux pouvoirs publics pour protéger la santé de nos concitoyens. Je regrette donc que la motion tendant à opposer la question préalable empêche le Sénat de poursuivre le travail sur ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDPI. – M. Christophe Chaillou applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dérives sectaires, servitudes spirituelles, financières et thérapeutiques ayant des conséquences mortelles dans les cas les plus dramatiques, voilà notre sujet du jour.

En décembre 1995, seize personnes étaient retrouvées mortes, brûlées dans une forêt du Vercors, toutes victimes de la secte de l’Ordre du temple solaire. Plus jamais cela… Pourtant, aujourd’hui, certains font croire qu’un extracteur de jus peut suffire à guérir d’un cancer ; un régime crudivore plutôt qu’une chimiothérapie, c’est tentant, mais l’issue est certaine et fatale…

Si ce projet de loi pose des difficultés, c’est parce que l’action des gourous n’a rien d’uniforme : elle s’adapte, imite, se disperse, brouille nos qualifications et nos distinctions traditionnelles jusqu’à être insaisissables. Le droit fait ici face à ses limites.

Il y a ceux qui travestissent les religions ; d’autres sont impliqués dans la culture des sciences, cherchant à fonder leurs croyances sur du rationnel, de sorte qu’un raisonnement scientifique devient un terreau idéal pour cultiver l’obscurantisme. Tout le monde se souvient des aventures délirantes du clonage raëlien dans les années 2000. Aujourd’hui, on s’autorise à remettre en cause la médecine, notamment dans la lutte contre le cancer, comme si dix années d’études universitaires exigeantes valaient quelques heures devant YouTube…

Il existe un écart criant entre l’évidente nécessité de lutter contre les sectes et l’éprouvante difficulté à bâtir des instruments juridiques capables de combattre celles-ci.

Le Gouvernement a choisi de se saisir du sujet via ce projet de loi. Je veux saluer cette initiative, mais je regrette le calendrier. Nous examinions ce texte à la fin du mois de décembre 2023, après un mois éprouvant passé à plancher sur le projet de loi de finances et le projet de loi pour contrôler l’immigration.

Le Sénat avait alors fait le choix de rejeter les principaux dispositifs du projet de loi, du fait de leur rédaction imparfaite et parce qu’il nous fallait du temps pour revoir la copie. Le groupe du RDSE avait fait des propositions, sans doute imparfaites elles aussi, mais avait refusé l’immobilisme : le sujet est trop grave pour cela !

Nous voici maintenant au début du mois d’avril ; il s’est écoulé un trimestre. La commission mixte paritaire a échoué et, malgré le temps qu’offre la navette parlementaire, la Haute Assemblée campe sur le constat d’un texte imparfait plutôt que de chercher à le parfaire.

Je trouve ce choix regrettable et, au-delà de la position de principe de mon groupe, qui consiste à ne jamais voter pour les motions parce que nous souhaitons faire vivre les textes qui nous sont soumis, j’aurais aimé que ce projet de loi soit à nouveau débattu, qu’il puisse être amendé et que nous participions le plus activement possible, au travers de notre travail législatif, à lutter contre les phénomènes sectaires.

C’est d’autant plus vrai que le texte, tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale, reprend certains dispositifs introduits par le Sénat. Je pense en particulier à l’article 2 bis, issu d’un amendement que j’avais déposé et qui prévoit un allongement du délai de prescription applicable aux abus de faiblesse à l’encontre de mineurs.

L’article 9, adopté par l’Assemblée nationale, met l’accent sur les pratiques de santé non réglementées, afin d’assurer une protection accrue des patients contre les risques de confusion et de tromperie. Le rapport de Jacques Mézard, qui date de 2013, avait mis en lumière ces potentielles dérives : c’est pourquoi j’avais déposé des amendements allant en ce sens. Aussi, je me réjouis que ces sujets soient pris en compte dans le texte.

Ce sont les articles 1er, 2 et 4 qui ont continué de ne pas vous convaincre, madame la rapporteure. Certes, vous avez des réserves légitimes, mais ils offrent de véritables solutions aux pouvoirs publics et, surtout, la perspective d’extraire certains de nos concitoyens de mécanismes d’abus qu’ils subissent.

M. Olivier Bitz. Absolument !

Mme Nathalie Delattre. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre la motion. Nous souhaitons continuer de débattre de ce projet de loi et, pour le signifier, nous avons même déposé des amendements, que j’espère pouvoir défendre tout à l’heure. Je suis optimiste ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée est de nouveau réunie pour examiner le projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires, car la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 7 mars dernier, n’a pas été conclusive.

Pourtant, ce texte s’inscrit dans le cadre de l’ambitieuse stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, présentée en novembre 2023, et des premières Assises nationales de lutte contre les dérives sectaires, réunies en mars 2023, dont il constitue l’une des traductions.

Au travers de ce texte, le Gouvernement entend répondre à une hausse préoccupante des dérives sectaires, notamment des dérives thérapeutiques, qui empruntent, pour atteindre leurs cibles, de nouveaux canaux de communication.

Comme l’indique son intitulé, le présent projet de loi a, pour ce faire, deux objectifs majeurs : adapter notre arsenal juridique, manifestement à la traîne face aux récentes évolutions des dérives sectaires, et améliorer l’accompagnement de ceux qui en sont victimes.

Il prévoit ainsi de donner la possibilité à plus d’associations de se constituer partie civile en matière de lutte contre les dérives sectaires et de permettre de mieux informer les ordres lors de la condamnation de professionnels de santé.

Il prévoit également – et c’est ce sur quoi porte le désaccord entre les deux assemblées – l’institution d’un délit de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique ou physique, ainsi qu’un délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques présentées comme bénéfiques pour la santé des personnes, quand de telles décisions entraînent, pour celles-ci, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique.

Le Sénat et l’Assemblée n’ont pas su s’entendre sur l’article 4, malgré une rédaction retravaillée, désormais équilibrée et tenant compte des critiques qui lui avaient été opposées.

Ainsi, le traitement proposé devra être présenté comme bénéfique pour la santé ; les pressions et les manœuvres devront être réitérées ; la personne malade devra présenter des chances de guérison avérées ; enfin, l’intentionnalité devra être appréciée par le juge. Un tel encadrement de l’article en cause préserve la liberté d’expression et le rôle des lanceurs d’alerte.

Le groupe RDPI regrette bien évidemment la décision de la majorité sénatoriale, qui refuse de débattre du texte en déposant une motion tendant à opposer la question préalable, et ce en totale opposition avec l’intérêt des victimes.

M. Thani Mohamed Soilihi. C’est d’autant plus regrettable que les travaux du Sénat en première lecture avaient permis d’enrichir le texte. Je pense notamment à la consécration législative du statut de la mission interministérielle chargée de la lutte contre ce phénomène, à la circonstance aggravante lorsque l’abus de faiblesse est commis en ligne ou encore aux modifications apportées au délai de prescription de l’action publique concernant ce délit lorsque la victime est mineure.

Nous aurions souhaité que le Sénat cherche au moins à parvenir à un texte commun conciliant l’exercice des libertés individuelles et la protection de la santé publique.

Hélas, l’adoption probable de la motion tendant à opposer la question préalable nous empêchera de le faire. Nous le déplorons, et c’est pourquoi nous ne voterons pas pour cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Laure Darcos applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Chaillou.

M. Christophe Chaillou. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous étions quasiment unanimes, en première lecture, pour considérer que la lutte contre les dérives sectaires constituait un enjeu majeur, notamment au regard des dommages considérables pour ceux de nos concitoyens qui y sont confrontés, pour leur entourage et pour notre société.

Rappelons la hausse importante du nombre de cas – 4 020 signalements enregistrés par la Miviludes en 2021, un chiffre record –, qui reflète le phénomène croissant des dérives sectaires ; les médias ont rapporté de nombreux faits au cours des derniers mois. Cela procède de l’utilisation massive des réseaux sociaux et de la crise sanitaire liée à la pandémie.

Les champs de la santé, du développement personnel, du coaching, de la formation sont désormais pleinement investis par nombre de charlatans, et les victimes sont de plus en plus nombreuses.

Ces phénomènes doivent donc être traités comme il se doit : ils justifient un réel débat et impliquent des évolutions législatives.

En première lecture, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait soutenu une partie des dispositions du projet de loi, mais il avait partagé les préoccupations exprimées par Mme la rapporteure, à propos notamment des difficultés posées, au regard de l’avis du Conseil d’État, par la rédaction initiale de l’article 4.

Notre groupe avait par ailleurs salué les dispositions visant à améliorer le texte et avait voté certaines des modifications proposées par la commission sur l’initiative de Mme la rapporteure.

Il nous semble que le texte proposé, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire du 7 mars dernier, répond à une grande partie des préoccupations que nous avions formulées.

Cette nouvelle version, qui nous est aujourd’hui proposée par le Gouvernement et par nos collègues de l’Assemblée nationale, contient une partie des modifications que nous avions souhaitées, sur votre proposition, madame la rapporteure. Ont notamment été retenues l’intégration dans la loi des statuts de la Miviludes ou encore des mesures de protection des mineurs contre les dérives sectaires. Nous saluons l’ajout de circonstances aggravantes pour les thérapies de conversion, apport de l’Assemblée nationale.

Nous avions insisté, lors de l’examen du projet de loi en décembre dernier, sur l’importance des moyens à accorder à la mission interministérielle, qui effectue un travail reconnu par tous les acteurs sur le terrain. Consacrer ses prérogatives et sa mission dans la loi constitue, à nos yeux, un signal particulièrement fort.

Nous avions émis des doutes liés à la rédaction de certains articles, notamment l’article 4 : l’avis du Conseil d’État soulignait que ce projet de loi posait quelques questions, entre autres d’ordre constitutionnel. Le Sénat avait fait le choix de supprimer cet article ; l’Assemblée nationale et le Gouvernement souhaitaient le réécrire, pour préciser certains points. La nouvelle rédaction, adoptée à l’Assemblée nationale, répond à un certain nombre de préoccupations du Sénat en matière de liberté de conscience, de liberté de choix, de lanceurs d’alerte ou de propos tenus dans des cercles privés. Malgré les imperfections du texte, certaines de nos demandes ont été intégrées au texte.

Les débats des dernières semaines et des derniers mois, y compris avec nos collègues de l’Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire, nous ont convaincus de la nécessité qu’il y avait à légiférer, y compris sur les sanctions. La réécriture de ce texte nous semble adaptée à l’urgence de la situation et à la forte augmentation du nombre de victimes d’abus, de cas d’emprise, d’isolement, de violences et de mise en danger de mort.

Concernant les sanctions pénales, je déplore une forme d’appréciation à géométrie variable de la part de la majorité sénatoriale : tantôt de nous dire que l’aggravation de la sanction pénale est la solution, quand bien même elle n’aurait pas d’effet réel, tantôt de nous inviter à la prudence, madame la rapporteure, car de nouvelles mesures pénales seraient sans effet… J’ai pourtant en mémoire un débat qui n’est pas si ancien sur la sécurité dans les transports, où l’apport réel d’un certain nombre de sanctions n’est pas avéré. Les appréciations sont parfois divergentes, en fonction des sujets.

Nous en sommes tous conscients, la loi seule ne suffit pas. Nous nous rejoignons sur un point : il faut une véritable politique de prévention, avec des moyens pour la mission interministérielle, tout comme pour l’éducation nationale, car il faut agir massivement auprès des plus jeunes.

La prévention, qui attaque les dérives sectaires à leur source en endiguant les discours de recrutement et de manipulation, devrait accompagner toute législation.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, nous regrettons l’approche trop restrictive de Mme la rapporteure, de la majorité sénatoriale et de la commission des lois, qui minorent les améliorations contenues dans ce texte et qui, via la motion tendant à opposer la question préalable, nous empêchent de nous prononcer sur ce texte.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain approuve ce projet de loi et votera contre cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Quel dommage, madame Delattre, il y a peu de chances que vous défendiez vos amendements (Sourires.) !

En même temps, monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que voulez-vous faire ? Le système constitutionnel est le même pour tous les textes. La commission mixte paritaire a échoué et l’Assemblée nationale a voté un texte qui ne correspond pas aux souhaits du Sénat. Donc soit nous débattons pour obtenir un vote conforme, ce qui ne présente que peu d’intérêt, soit nous adoptons le texte non conforme, et il n’y a aucune chance que l’Assemblée nationale revienne sur sa position, après une énième lecture : le texte adopté sera celui de l’Assemblée.

La motion tendant à opposer la question préalable va très probablement être votée. Il n’y a en effet aucun sens à faire travailler le Sénat, et le Parlement en général, de manière complètement illusoire en lui faisant croire à son influence, si tant est qu’il en ait encore une auprès de ce gouvernement…

Madame la secrétaire d’État, personne dans cet hémicycle ne remet en cause le fait que les dérives sectaires se soient multipliées. Mes souvenirs étant anciens, privilège de l’expérience – merci de ne pas dire de l’âge ! (Sourires.) –, je puis vous dire que nous produisons des rapports sur les dérives sectaires depuis dix ou quinze ans. Au Sénat comme à l’Assemblée, ces rapports se sont multipliés, avec des propositions plus satisfaisantes les unes que les autres. Malheureusement, à l’arrivée, il manque toujours les moyens.

L’inestimable président Ouzoulias en a parlé le premier, la remise en cause de l’existence de la Miviludes, il y a quatre ans, avait déclenché la stupeur générale, et notamment la mienne. Tous, nous dénoncions une forme de paradoxe : l’on nous dit que les dérives sectaires explosent sur les réseaux sociaux, dans la vie courante et dans tous les domaines, tandis que l’on vient remettre en cause l’existence de cette mission interministérielle qui a réalisé un travail exceptionnel.

Madame la secrétaire d’État, vous obtiendrez votre version du texte, qui est celle de l’Assemblée nationale. Vous auriez préféré avoir le tampon du Sénat, mais comme nous ne sommes pas là seulement pour voter conforme, cela n’a pas été possible.

Sans revenir sur le détail du projet de loi, je me contenterai d’évoquer des choses relativement simples. Pour ce qui concerne non seulement ce texte, mais aussi la conception globale du sujet, je ne réitérerai pas les reproches, déjà formulés par la rapporteure, liés aux réserves du Conseil d’État ou à la rédaction de l’article 4. Au fond, la question est la suivante : jusqu’où peut aller la liberté d’expression, au sens fort du terme, la liberté de conscience, et jusqu’où peut-on légiférer sans empêcher les personnes d’avoir des opinions et de les exprimer librement, et donc sans les brimer ?

Les dérives sectaires peuvent être d’ordre politique, médical, médiatique, éducatif… Elles peuvent revêtir de très nombreux aspects ! Cela doit interpeller la société française et toutes les sociétés occidentales : nous avons collectivement échoué à éduquer, à former et à sensibiliser nos concitoyens aux vrais problèmes. Nous avons échoué à faire des jeunes Français, et de tous les Français en général, des hommes libres et conscients, ainsi que l’entendait Montaigne, capables de réfléchir et d’analyser par eux-mêmes. C’est ainsi !

Quand lancerons-nous une véritable réforme portant sur la manière de faire société et de former des citoyens libres, aptes à résister aux provocations ?

Madame la secrétaire d’État, n’ayez pas d’inquiétude, nous allons voter dans la joie et l’allégresse la motion tendant à opposer la question préalable !

J’y insiste, je ne vois pas quel serait l’intérêt de refaire un débat ne servant à rien, puisque l’Assemblée nationale reprendrait sa version du texte en lecture finale. Toutefois, au-delà du succès que vous ne manquerez pas d’obtenir à l’Assemblée, demandez-vous sincèrement ce que peut faire le Gouvernement pour inverser enfin ce courant au sein de la société française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans quelques mois, les proches encore en vie des victimes de l’Ordre du temple solaire commémoreront les trente ans de la disparition de soixante-quatorze malheureux. La plupart avaient été recrutés par un médecin adepte de doctrines alternatives, qui peuvent être qualifiées de complémentaires, de douces ou même de quantiques… Ces éléments de croyance ont permis l’assujettissement qui a mené aux drames que nous connaissons.

Le délit de provocation à l’abandon de soins et à l’adoption de pratiques non conventionnelles aurait dû être abordé sous cet éclairage, car ces pratiques illusoires, au-delà du paravent des libertés derrière lesquelles elles se cachent, impliquent une perte d’esprit critique.

Chacun est libre de croire ce qu’il veut, mais à une époque où nous légiférons, à juste titre, sur la traçabilité de nos biens de consommation ordinaires pour nous protéger des risques encourus, comment pouvons-nous hésiter à protéger le fondement scientifique du soin, et ainsi laisser nos concitoyens confier leur santé à des croyances issues de l’irrationnel et nourries des fantasmes qui entourent un médecin ?

Ne perdons pas de vue le cadre posé par l’article 1er, celui de la sujétion. Demandons-nous où se situe la liberté de choix, la liberté du patient lorsque ce dernier a perdu son libre arbitre. De surcroît, lorsque de prétendues méthodes de soins sont relayées et amplifiées par les réseaux sociaux et les algorithmes qui les véhiculent, n’est-il pas urgent de protéger le consommateur de soins ?

Combien comptons-nous de victimes des dérives sectaires depuis trente ans ? Malgré toutes ces victimes, malgré tous les efforts qui ont été faits pour améliorer ce projet de loi, rien n’a suffi pour obtenir un consensus, malheureusement. Que pèsent nos désaccords par rapport à la triste réalité de ces victimes ?

L’abus de faiblesse, tel que défini par la loi About-Picard, a montré ses limites. Les praticiens de terrain demandent un instrument plus efficace. Les exemples internationaux, comme ceux de l’Espagne et de l’Italie, montrent une volonté partagée de renforcer le cadre législatif en la matière.

Les dérives sectaires méritent d’être examinées à la lumière des témoignages des victimes, ex-adeptes ou entourage d’adeptes, tout comme à celle des atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales perpétrées par certains groupements. La dimension individuelle des drames liés à l’emprise sectaire ne doit pas faire oublier que transformer un citoyen en adepte asservi désagrège insidieusement la République.

En tant que parlementaires, en tant que gardiens des valeurs démocratiques, nous sommes appelés à faire preuve d’une vigilance constante à l’encontre des dangers des mouvements sectaires, tout en respectant la pluralité des croyances et des expressions de la liberté individuelle.

Étant le dernier orateur à intervenir, je rappelle, à l’instar de mes prédécesseurs, que les victimes attendent que nous leur donnions le texte qu’elles espéraient : une protection légale réfléchie et efficace, plutôt qu’une solution hâtive.

Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes
Question préalable (fin)

M. le président. Je suis saisi, par Mme la rapporteure, au nom de la commission, d’une motion n° 5.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes (n° 455, 2023-2024).

La parole est à Mme la rapporteure, pour la motion.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. Je ne développerai pas davantage les arguments en faveur de cette motion, car j’en ai assez dit. Même si des apports du Sénat ont été maintenus, des pierres d’achoppement demeurent. Ce texte est trop imparfait pour que nous validions sa rédaction ; il n’y a donc pas lieu de débattre plus avant.

Ainsi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter la motion tendant à opposer la question préalable, et ainsi à rejeter le projet de loi.

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat. Je regrette que cette motion ait été déposée, car elle me semble mettre un terme à un travail parlementaire ayant porté de nombreux fruits – quoi qu’on en dise –, ce qui a permis de faire évoluer significativement un texte dont tous, sur ces travées, ont souligné qu’il s’attaquait à un sujet de société des plus préoccupants.

Le projet de loi soumis à l’examen du Sénat a été profondément enrichi et amélioré, notamment grâce aux préoccupations du Sénat exprimées en première lecture : la nécessité, désormais actée, de donner une assise législative à la Miviludes, pour garantir sa pérennité et son importance institutionnelle ; la volonté de faire le lien avec les instances locales de prévention de la délinquance, ce que le code de la sécurité intérieure prévoit désormais ; la prise en compte de la commission des infractions en ligne, avec des aggravations de peine ; enfin, une meilleure protection des mineurs. Ces quatre avancées significatives, l’Assemblée nationale les a conservées et le Gouvernement les soutient désormais.

Derrière ces points d’accord sont apparues en première lecture de profondes inquiétudes, que je comprends, concernant en particulier l’article 4, lequel constitue – quoi qu’on en dise, là encore – la grande avancée pénale du projet de loi. Le débat s’est très largement focalisé sur cet article : très innovant, il traite d’un sujet d’une immense sensibilité qui constitue une inquiétude majeure pour les services de l’État, les associations de victimes et les professionnels de santé.

Comme je l’ai dit devant l’Assemblée nationale, je reste convaincue que la représentation nationale ne peut pas rester sourde aux difficultés que font remonter les services opérationnels et les victimes. Oui, il y a des gourous, des influenceurs, des prétendus soignants et guérisseurs qui sont des criminels, parce qu’ils promeuvent des pratiques qui tuent. Le Conseil d’État l’a d’ailleurs bien expliqué dans son avis, considérant que « la légitimité de l’objectif poursuivi par le projet de loi est incontestable ».

La réponse apportée par le Gouvernement prend la forme d’un article qui a pour but d’empêcher des abus délétères, et souvent mortels, de la liberté d’expression.

Cet article crée une nouvelle infraction, qui réprime deux types de discours : les provocations à interrompre ou à s’abstenir de prendre un traitement, en cas de conséquences particulièrement graves pour la santé ; les provocations à s’empoisonner, ni plus ni moins.

Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont bien entendu les critiques formulées, notamment par le Sénat, contre le projet de loi initial, sur trois points essentiels : le texte doit garantir la liberté de conscience, préserver la liberté critique médicale et s’abstenir de réprimer les discours familiaux tenus, pour ainsi dire, à l’emporte-pièce.

Sur ces trois points, nous avons collectivement apporté des garanties rédactionnelles.

S’agissant de la liberté de conscience, il n’y a pas d’infraction si l’on ne prétend pas que l’interruption d’un traitement qui maintient en vie est bonne pour la santé.

J’y insiste, aux termes de l’alinéa 2 de l’article, pour que l’infraction soit constituée, l’interruption de traitement doit être présentée comme bénéfique. Seule est exigée la délivrance d’une information claire et complète permettant d’établir la volonté libre et éclairée de la personne concernée.

Concernant la liberté de critique médicale, l’alinéa 6 exclut explicitement les lanceurs d’alerte du champ d’application du texte. En outre, le critère de gravité des conséquences de l’arrêt du traitement a été rehaussé : on parle désormais de « conséquences particulièrement graves ». En la matière, il faut cesser de nous expliquer qu’Irène Frachon n’aurait pas pu alerter, parce que cela est faux ! Elle a pu le faire, grâce à des méthodes scientifiques et prouvées.

Enfin, les discours privés et les paroles en l’air sont clairement exclus du champ d’application du projet de loi, grâce à l’ajout d’une précision : les provocations concernées doivent dorénavant se faire « au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées », ce qui ne correspond pas, à l’évidence, à une conversation familiale ou entre amis.

Puisque les débats parlementaires sont une source d’interprétation du droit, je le dis ici devant la représentation nationale : il n’est dans l’intention du Gouvernement ni d’interdire la critique médicale, ni d’empêcher les malades de décider, en toute conscience et pleinement éclairés, de prendre ou de s’abstenir de prendre un traitement, fût-ce au détriment de leur santé, ni d’épingler les discussions familiales ou amicales.

En revanche, il est bien dans l’intention du Gouvernement de mettre hors d’état de nuire les gourous 2.0, les guérisseurs malhonnêtes et les escrocs qui mentent, tuent et font souffrir. Provoquer à interrompre une chimiothérapie pour lui substituer un jus de légume, ce n’est en rien un usage de bon aloi de la liberté d’expression !

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui est soumis à votre examen n’est pas le même que celui qui vous a été présenté par le Gouvernement. Cette version est le fruit d’un travail collectif auquel le Sénat a largement pris part, en l’enrichissant et en exprimant des critiques que nous avons su entendre.

De l’avis général des acteurs de la lutte contre les dérives sectaires, l’article 1er du projet de loi constitue une avancée majeure pour la protection des victimes et la réparation de leur préjudice. Le Conseil d’État a émis un avis favorable sur cet article. Il est regrettable que votre assemblée n’ait pas partagé son point de vue. Le Gouvernement reste, bien entendu, disposé à évoquer toute proposition d’amélioration, comme je l’ai dit à plusieurs reprises à Mme la rapporteure.

Lors des explications de vote en séance publique, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le groupe Les Républicains, en la personne du député Xavier Breton (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.),…

M. Laurent Burgoa. Nous sommes au Sénat ici !

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat. … a indiqué qu’il s’abstenait, en ces mots : « Si nous votions contre, nous ne prendrions pas en considération les avancées obtenues. Par son abstention, le groupe Les Républicains invite à dialoguer avec le Sénat. »

J’appelle donc le Sénat à rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable pour que le débat sur ce texte d’importance se poursuive et qu’il soit, comme le fut en son temps la loi About-Picard, le fruit d’un travail qui fait le pari de l’intelligence collective.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 170 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 189
Contre 152

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes est rejeté.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes
 

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Situation de l’hôpital

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la situation de l’hôpital.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe auteur de la demande.

M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains a fait le choix de proposer au Sénat d’organiser un débat sur l’hôpital, en raison de la situation sanitaire et financière de nos structures, qu’elles soient publiques ou privées.

Concrètement, si nous souhaitons vous entendre ce soir, monsieur le ministre, c’est pour vous interroger sur vos projets. Nous voudrions tout simplement savoir ce que le Gouvernement entend faire de notre système hospitalier.

En effet, alors que le Président de la République promettait, durant la campagne électorale de 2022, de faire de l’hôpital sa priorité, peu de projets ont émergé. Le Gouvernement se contente, depuis des années, de tenir une posture attentiste, laissant prospérer des initiatives parlementaires non évaluées, non coordonnées et parfois incohérentes.

Vous le savez bien, monsieur le ministre, grâce au travail de qualité de certains parlementaires, nous en sommes venus à introduire des mesures par petites touches, notamment sur la permanence des soins en établissements de santé et sur les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). S’il s’agit en effet de sujets importants, ils auraient mérité d’être intégrés à une réflexion globale.

Pourtant, la crise sanitaire que nous avons connue voilà quatre ans aurait dû nous faire réagir collectivement et, surtout, faire réagir le Gouvernement. Certes, il y a eu le Ségur de la santé qui a permis de renouveler – ou recycler – une série de mesures, comme l’annonce d’une réforme du financement ou un effort d’investissement de 13 milliards d’euros, présenté six mois plus tôt comme la reprise d’un tiers de la dette hospitalière.

Quel est le bilan aujourd’hui ? Les revalorisations étaient nécessaires, indispensables. Pourtant, les 10 milliards d’euros annuels que celles-ci représentent ont été perçus par les bénéficiaires non pas comme un choc d’attractivité des carrières, mais comme un rattrapage. Pire, nous n’avons de cesse depuis lors de compter les « oubliés ».

Sur le volet des investissements, force est de constater que l’enveloppe portée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) n’a pas non plus suscité de spectaculaires effets d’engouement. Surtout, quatre ans après, on peine encore à identifier les grands projets structurants que ce plan aura permis, le contexte inflationniste ayant de surcroît largement raboté les crédits effectifs.

Quatre ans après la crise sanitaire, quel est le plan du Gouvernement pour l’hôpital ? Comment renouer avec l’attractivité des postes, pour les médecins comme pour les professionnels médicaux ?

Comment permettre aux services hospitaliers de retrouver des équipes stables, gage de qualité de vie au travail pour les soignants, de permanence et de sécurité des soins pour les patients ?

Comment engager une réelle et ambitieuse transformation de l’hôpital et le préparer aux défis de demain ?

Comment préserver l’excellence de l’hôpital public et assurer la qualité des soins de proximité ?

Comment faire pour que les 105 milliards d’euros de dépenses annuelles permettent à l’hôpital de redevenir une fierté, aux Français d’être correctement soignés et aux soignants de travailler dans de bonnes conditions ? Comment sortir des déficits permanents ?

Lors de ses vœux voilà un peu plus d’un an, le Président de la République annonçait tambour battant un big-bang pour l’hôpital. Sans délai, il fallait réformer la gouvernance hospitalière et en finir avec la tarification à l’activité (T2A).

Qu’en est-il aujourd’hui ? Le tandem médico-administratif, qui devait être inscrit dans la loi avant juin 2023, n’a toujours pas été débattu au Parlement, pas plus que n’a été publié le rapport de la mission du professeur Olivier Claris et de Mme Nadège Baille, censé préfigurer cette nouvelle gouvernance.

Pour ce qui est du financement, la situation n’est guère meilleure. À la hâte, l’ancien locataire de l’avenue Duquesne a dû défendre une « sortie de la T2A », qui n’est qu’un trompe-l’œil, comme l’avait dénoncé la rapporteure Corinne Imbert lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Alors que cette réforme devait théoriquement entrer en vigueur au 1er janvier dernier, rien n’a en réalité changé s’agissant des modalités de financement des hôpitaux pour 2024. En outre, aucune clarification n’a été apportée sur la construction réelle du modèle cible.

Par ailleurs, les effets redistributifs potentiellement massifs d’une telle réforme n’ont pas été évalués, malgré ses possibles conséquences sur l’offre de soins dans nos territoires.

Surtout, dans ce débat sur la tarification et les dotations – populationnelles, socles ou à la qualité –, le Gouvernement a démontré qu’il était prêt à longuement disserter sur la réécriture du code de la sécurité sociale, mais jamais à parler de financement… L’étude d’impact annonçait une réforme à enveloppe constante, quand le ministre, ici même, reportait le débat budgétaire sine die : le comble pour la discussion d’un PLFSS !

Comme vous le savez, année après année, la commission des affaires sociales regrette un débat tronqué, focalisé sur le vote d’un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) non documenté, non justifié et – nous le pensons – souvent insincère. Plus de 100 milliards d’euros sont consacrés aux établissements de santé sans que le Parlement puisse arbitrer la finalité de la dépense publique.

Avec l’arrivée du nouveau gouvernement viennent s’ajouter en ce début d’année 2024 des annonces sur des rallonges budgétaires pour 2023, au titre de l’inflation, et une revalorisation des tarifs hospitaliers. Las ! Nous aurions aimé, monsieur le ministre, avoir plus d’informations et débattre de ces sujets lors du vote de l’Ondam, en novembre dernier.

Mme Corinne Imbert. Absolument !

M. Philippe Mouiller. Nous aurions aimé aussi pouvoir débattre du coût que cela représente, alors que le ministre de l’économie annonce un dérapage du déficit public. Nous aurions souhaité pouvoir discuter de la différence substantielle que vous faites entre le secteur public et le secteur privé, opposant deux branches du système hospitalier qui devraient au contraire mieux coopérer.

Comment comprendre la stratégie du Gouvernement avec un Ondam en progression voté en novembre 2023, une rallonge budgétaire annoncée en début d’année 2024, et maintenant, en urgence, la recherche d’économies ? Comment s’y retrouver face à toutes ces annonces ? Bien entendu, tout cela intervient dans un contexte où le Parlement ne fait qu’observer cette trajectoire budgétaire, particulièrement claire depuis six mois.

Pourtant, la situation des établissements hospitaliers se dégrade et, avec ces annonces, les professionnels de santé ne se sentent pas soutenus. Nous les auditionnons souvent au Sénat et nous sentons bien qu’ils n’ont plus confiance.

C’est aussi pour en finir avec ce contournement du Parlement que le groupe Les Républicains a souhaité ce débat, pour échanger sur les enjeux, la stratégie et les économies attendues.

Vous le voyez, monsieur le ministre, les sujets sont nombreux. Je n’en doute pas, les sénatrices et sénateurs qui interviendront dans ce débat auront des questions concrètes à vous poser. J’espère que vous vous attacherez à y apporter de vraies réponses.

Vous êtes donc attendu. Si le contexte est difficile, nous avons énormément de doutes sur la trajectoire et la stratégie portées par le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous donner l’opportunité d’échanger sur la situation de nos hôpitaux.

À l’hôpital travaillent plus d’un million de personnes, qui participent à la prise en charge de 12 millions de patients hospitalisés chaque année, dans 1 400 établissements de toute taille, sur tout le territoire.

L’hôpital est à la croisée des chemins, comme en témoigne l’organisation de ce débat. Il sort à peine de la crise sanitaire, pendant laquelle il a assuré majoritairement la gestion de l’urgence et la continuité des soins.

Il fait face à de nombreux défis, notamment des attentes très fortes, légitimes et croissantes de la population partout sur le territoire, auxquelles nous devons répondre, et une crise des ressources humaines liée au manque d’attractivité de l’hôpital et des métiers de la santé, qui a pris le relais de la crise du covid-19 et qui oblige le Gouvernement.

Pour autant, nous devons veiller collectivement à la façon dont nous décrivons la situation de l’hôpital : il nous faut être lucides sans être misérabilistes.

Certes, l’hôpital rencontre des difficultés structurelles, mais nous pouvons être fiers de ce service public ! En tout cas, moi, je le suis. Il est bien sûr le lieu où l’on soigne – on peut discuter des conditions dans lesquelles on le fait –, mais c’est aussi le lieu où l’on forme et où l’on fait de la recherche. C’est également le lieu de nombreuses premières mondiales et d’innovations, qui portent les entreprises du secteur de la santé et que nous oublions pour nous focaliser sur ce qui ne fonctionne pas.

L’année 2023 fut une année charnière pour l’hôpital. De nombreuses mesures ont été mises en place ou annoncées pour relancer l’attractivité des métiers du soin. L’activité repart à la hausse dans le secteur public, mais la situation reste assez tendue malgré la reprise, notamment dans certains services d’urgence. En réponse à ce constat, ma priorité en tant que ministre chargé de la santé et de la prévention est de continuer à soutenir l’hôpital et à lui donner les moyens d’assurer la qualité des soins et la sécurité des patients.

Pour cette année 2024, je vous confirme que le Gouvernement est plus que jamais attentif à la situation financière des établissements, préoccupante dans le secteur public, mais également dans les établissements de santé privés. Deux explications peuvent être mises en avant : premièrement, l’impact de l’inflation ; deuxièmement, le redémarrage peu dynamique de l’activité en sortie de crise, notamment dans le public, l’activité de l’hôpital étant freinée par les problématiques de ressources humaines.

J’entends souvent que l’hôpital ne bénéficierait pas de moyens suffisants. Je dénonce un tel constat, à mes yeux totalement faux. En effet, depuis 2017, les gouvernements successifs ont augmenté l’Ondam, c’est-à-dire le budget que la Nation consacre aux dépenses de santé, qui est passé de 191 milliards d’euros en 2017 à 255 milliards en 2024, soit un effort de plus de 60 milliards d’euros.

Par ailleurs, les hôpitaux publics comme les cliniques privées verront, une fois de plus, leurs tarifs augmenter cette année. Cela représente une augmentation de 3,2 milliards d’euros des ressources des établissements. Cette hausse des tarifs, qui explique sans doute la différence entre public et privé, permet de financer près d’un milliard d’euros de mesures de revalorisations salariales et d’attractivité pour les professionnels des hôpitaux publics. Elle permet enfin d’accompagner la reprise d’activité, pour que les établissements puissent répondre au mieux aux besoins de santé de la population.

En outre, la période actuelle est aussi celle de la mise en place de réformes de financement structurantes sur les urgences, la psychiatrie, ainsi que les soins médicaux et de réadaptation (SMR).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a posé les bases d’une réforme du financement de l’hôpital et de la tarification à l’activité.

L’autre chantier majeur pour l’année à venir concerne les ressources humaines en santé. Il est nécessaire d’arrêter la fuite des soignants, personnels médicaux comme non médicaux, et de les faire revenir à l’hôpital. Pour ce faire, de nombreuses actions ont été mises en œuvre pour rémunérer les personnels hospitaliers à la hauteur de leur engagement et susciter des vocations.

Le Gouvernement s’est engagé, depuis plusieurs années, dans une augmentation significative du nombre de professionnels formés, en supprimant le numerus clausus et en augmentant le nombre d’infirmiers diplômés.

Nous avons aussi annoncé l’année dernière des mesures de revalorisation du travail de nuit et de week-end. En effet, travailler à l’hôpital, c’est accepter des sujétions particulières et des contraintes horaires qui doivent être mieux reconnues et valorisées. Ces revalorisations s’ajoutent évidemment aux efforts historiques réalisés depuis 2020, en particulier grâce au Ségur de la santé.

Améliorer les conditions de travail, c’est aussi le sens du Ségur investissement, doté de 15,5 milliards d’euros. Cet effort inédit, qui n’est pas une avance de trésorerie, contrairement aux plans Hôpital 2007 ou Hôpital 2012, a permis d’accompagner la modernisation de 3 000 établissements.

Par ailleurs, pour fidéliser nos professionnels de santé, nous devons travailler pour faire évoluer les métiers. Ainsi, pour les personnels non médicaux, un chantier global sur la profession d’infirmière a été lancé ; il doit aboutir la semaine prochaine. Pour les personnels médicaux, les études médicales sont en cours de réforme, et des points restent à approfondir sur la quatrième année de médecine générale. La loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels permettra également de répondre aux difficultés rencontrées par les praticiens à diplôme hors Union européenne.

Parallèlement, l’amélioration de la situation aux urgences reste évidemment une priorité du Gouvernement. On le sait, les urgences ne fonctionnent bien que lorsque le parcours des patients, en amont et en aval, est fluide. Cela renvoie aux enjeux du nombre de lits ouverts, d’attractivité des métiers et de fidélisation des professionnels.

Mais il existe d’autres leviers d’amélioration, comme l’organisation des parcours des patients, la gestion de l’activité non programmée, ou encore le partage de la contrainte de la permanence des soins entre les établissements. Avec la loi du 27 décembre 2023, nous avons décidé une augmentation concrète de l’implication de tous les acteurs dans la permanence des soins.

De plus, conformément aux engagements du Premier ministre, le service d’accès aux soins (SAS) sera généralisé dans tous les départements d’ici à l’été 2024. Avec le SAS, nous organisons le système de santé pour que, à toute heure de la journée, les citoyens puissent trouver une réponse, par un appel téléphonique, pour des soins non programmés.

Aujourd’hui, nous avons 63 SAS actifs, qui couvrent 80 % de la population. D’ici à la fin de l’été, 100 SAS auront été ouverts. C’est un outil formidable pour l’égalité d’accès aux soins, et c’est aussi le témoin des nouvelles relations de confiance et de soutien qui se nouent entre la médecine de ville et la médecine hospitalière. En effet, pour soulager l’hôpital, il faut que la médecine de ville prenne toute sa part.

La loi que j’ai portée, en tant que député, vise justement à mieux coordonner l’organisation territoriale des soins, et à mieux répartir les compétences et les responsabilités de chacun des acteurs, en fonction des besoins, dans les territoires.

Plus largement, la réforme des autorisations ou de la permanence des soins en établissement constitue un moyen de faire évoluer l’offre sur le territoire, pour s’adapter et mieux répondre aux besoins des patients.

Outre ces chantiers incontournables, nous sommes enfin pleinement engagés dans la transition écologique et la digitalisation du système de santé.

Le Gouvernement s’est engagé à réduire de 5 % par an les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la santé. Cela passe par plusieurs axes : le bâtiment, des achats plus durables, une meilleure valorisation des déchets ou encore le développement de soins écoresponsables.

Concernant le numérique, le ministère poursuit son programme de modernisation des systèmes d’information hospitaliers.

L’intelligence artificielle (IA) et les opportunités ouvertes par l’utilisation des données de santé nous obligent également. Ce sont des chantiers majeurs des prochaines années, qui auront un impact très fort sur l’organisation et le fonctionnement de notre système de soins.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que nous pouvons dire des défis que doit aujourd’hui relever l’hôpital.

Je souhaiterais conclure mon intervention en rappelant plusieurs points.

Ne considérer que les quatre murs de l’hôpital, c’est ne voir qu’une partie du sujet. Car, de plus en plus, l’hôpital joue un rôle structurant de l’offre de soins dans les territoires et de coopération avec la médecine de ville. Cette responsabilité territoriale doit être prise en compte.

Permettez-moi également d’évoquer les choses formidables qui se passent tous les jours à l’hôpital. Je citerai ainsi les résultats de la campagne de recrutement lancée ces derniers mois. Ils sont encourageants et nous confirment que l’attention portée à la rémunération et aux conditions de travail porte ses fruits. Grâce à ces recrutements, notre objectif est de rouvrir des lits, dès maintenant, un peu partout en France.

Je veux aussi rappeler que l’activité repart à la hausse dans le secteur public, dépassant même en volume les prévisions qui avaient pu être faites.

Bien évidemment, l’hôpital représente bien plus que des chiffres et des statistiques. Il incarne le dévouement et le professionnalisme de milliers de soignants qui travaillent au quotidien pour assurer la santé de nos concitoyens. La mobilisation du Gouvernement est pleine et entière pour continuer à soutenir et moderniser notre système hospitalier, et lui garantir un avenir solide et pérenne.

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 14 février dernier, la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu publics les résultats de l’évaluation de la certification des établissements de santé qu’elle mène tous les quatre ans. Si 85 % d’entre eux répondent aux exigences de qualité des soins, 12,8 % doivent « faire preuve d’une amélioration rapide », et 2,8 % n’ont pas été certifiés en raison d’une qualité insuffisante. Ce dernier chiffre n’a jamais été aussi élevé.

Ces résultats varient largement en fonction de la taille des établissements. Selon la HAS, « les petits établissements qui ont un faible niveau d’activité, ou les établissements moyens avec un large éventail de services ont des difficultés pour être au rendez-vous de la qualité ». Ils témoignent également de fortes disparités régionales. Ainsi, un tiers des établissements des Pays de la Loire n’obtiennent pas la certification, ainsi que 20 % de ceux de Nouvelle-Aquitaine et de Normandie, et jusqu’à plus de la moitié des établissements de Guadeloupe et de Guyane.

Monsieur le ministre, vous le comprendrez, une telle situation nous interpelle. Qu’il s’agisse des critères directement liés à l’acte médical ou de ceux qui traduisent la qualité de la prise en charge – je pense notamment au respect des droits des patients ou à la prise en charge de la douleur –, ces résultats appellent des mesures correctrices en urgence.

Quelles sont les causes de ces chiffres alarmants, notamment en termes d’équité territoriale ? Les petits établissements disposent-ils véritablement des moyens nécessaires pour remplir les nouveaux critères institués en 2020 et 2021 ?

Ne craignez-vous pas qu’un cercle vicieux soit en train de s’installer, entre image dégradée dans l’esprit des patients et qualité des soins, faute pour ces établissements de disposer des personnels nécessaires au maintien de leur activité dans les meilleures conditions possibles ? Comment comptez-vous les accompagner concernant les critères qui leur posent problème ? Je pense, par exemple, au nouvel enjeu de la cybersécurité auquel plusieurs établissements ont déjà été confrontés.

Les Français sont évidemment attachés à disposer de soins de qualité en tout point du territoire. Pour ne rien sacrifier à cette exigence, comment comptez-vous mettre en œuvre sans attendre les mesures nécessaires ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, il est clair que nous n’abaisserons pas les exigences assignées aux établissements et que nous n’adapterons pas les critères en fonction des difficultés rencontrées par les établissements.

En revanche, il convient d’aider l’ensemble des établissements en jouant sur la dimension des groupements hospitaliers de territoire (GHT), institués de manière obligatoire voilà une dizaine d’années. Ces derniers visent à organiser des coopérations permettant, du centre de proximité jusqu’au plateau technique intégré, de dessiner des parcours de prise en charge les plus fluides possible.

Par ailleurs, les établissements principaux, qui possèdent une expertise sur beaucoup de sujets, doivent venir en appui, dans un esprit de coopération, des établissements de leur propre GHT. Ainsi la certification est-elle de plus en plus celle du groupement hospitalier de territoire, plutôt que celle de chaque établissement. La procédure de certification, qui remonte à une vingtaine d’années, a fait ses preuves en apportant des standards de qualité dans l’ensemble des établissements.

Sur les sujets que vous avez évoqués, notamment la sécurité informatique, surtout à l’approche des jeux Olympiques – nos établissements de santé feront très certainement l’objet d’attaques plus importantes qu’auparavant –, nous souhaitons continuer à améliorer le niveau d’intervention des établissements.

La mission doit être coordonnée à l’échelle des GHT, de manière à y adosser des financements liés à la qualité. Une telle évolution a eu lieu pour les urgences et la psychiatrie. Nous continuerons, domaine par domaine, à travailler avec les établissements et la HAS. L’absence de certification n’est pas un couperet qui tombe : on ne ferme pas un établissement pour une telle raison ! En revanche, on met les moyens pour l’accompagner et obtenir les standards souhaités par la HAS.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, huit Français sur dix ont le sentiment que l’hôpital public est en danger et estiment que la qualité des soins qu’il fournit se détériorera à l’avenir. Un tel sentiment est partagé par neuf soignants sur dix, à raison.

En effet, nous manquons de professionnels de santé. Le nombre de patients par soignant augmente sans cesse. En théorie, 12 à 14 patients sont hospitalisés par infirmière, mais en pratique souvent davantage, ce qui met en danger les patients et les soignants.

Pourtant, nous pouvons agir. En février 2023, le Sénat adoptait une proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé. Le Gouvernement se saisira-t-il de ce texte et l’inscrira-t-il à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?

Vous me direz peut-être qu’avec un tel ratio, de nombreux établissements devraient être fermés… Mais s’ils devaient fermer avec ratio, quid de la situation actuelle, sans ratio ? Nous faut-il assumer que la situation de l’hôpital met en danger patients et soignants ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, les ratios existent déjà à l’hôpital, dans de nombreux services : activité de soins critiques, obstétrique, néonatalogie, réanimation néonatale, dialyses, grands brûlés. Systématiser les ratios pour l’ensemble des services n’est pas une formule satisfaisante, pour des raisons que nous avons expliquées l’année dernière lors de l’examen de la proposition de loi déposée par Bernard Jomier.

Imposer des ratios en chirurgie ne permet pas d’encadrer et d’accompagner de manière saine l’activité d’un service, car le taux d’encadrement nécessaire varie : certains patients entrent à l’hôpital la veille d’une opération ; d’autres en sortent le jour même d’une intervention ; d’autres encore passent trois ou quatre jours à l’hôpital après avoir été opérés. Dans ces conditions, comment définir un taux d’encadrement standard ? On risquerait ainsi de désorganiser certains services, en apportant un éclairage partiel sur leurs activités, alors même qu’ils fournissent un travail de qualité.

Les certifications mises en œuvre par la HAS me paraissent plus adaptées à ce qu’est l’activité hospitalière, en tout cas pour des services qui n’ont pas besoin d’être normés – j’ai cité les cinq ou six services faisant aujourd’hui l’objet de normes d’encadrement.

Par conséquent, la systématisation des ratios me paraît constituer une approche quelque peu décalée, déconnectée, à tout le moins bureaucratique. Je suis toujours étonné d’entendre des critiques sur la trop grande bureaucratie de l’hôpital, alors même que certains souhaitent la renforcer. Je le répète, pour les activités les plus critiques, des normes existent et sont respectées ; si elles ne l’étaient pas, l’effectivité du service serait remise en cause. Dans d’autres services, il serait totalement illusoire d’imaginer une telle approche.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.

Mme Anne Souyris. Monsieur le ministre, vous le savez, cette demande n’est pas d’ordre bureaucratique puisqu’elle émane des soignants eux-mêmes, qui la réclament avec insistance et persistance, en tout cas depuis que je suis une élue. Par ailleurs, le fait d’instaurer un ratio ne signifie pas qu’il doive être identique dans tous les services.

Le ratio, appliqué en Californie depuis 2004, de six patients par soignant a permis d’améliorer les conditions de travail du personnel soignant et, in fine, d’augmenter le nombre d’infirmières recrutées. Comme vous pouvez le constater, une telle mesure répond à un double enjeu.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. À un moment donné, il faut faire confiance aux soignants, c’est-à-dire d’abord au dialogue social dans l’établissement, pour porter la question des effectifs et organiser le soin le plus adapté. Les soignants, cela veut dire le directeur d’établissement, le président de la commission médicale d’établissement (CME), la communauté médicale.

L’approche par ratio et tableau Excel ne me paraît pas correspondre à une nécessité majeure. Cette demande émane non pas des soignants, mais de certains syndicats, qui veulent ainsi dénoncer le manque de soignants à l’hôpital. Or nous connaissons la situation et travaillons à y remédier par le biais de recrutements, qui sont de plus en plus importants, ce dont je me félicite.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.

Mme Anne Souyris. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Mais vous le savez aussi bien que moi, cette demande émane non pas uniquement des syndicats, mais aussi des collectifs Inter Hôpitaux et Inter Urgences.

Du fait du manque de soignants, ceux qui exercent, qui sont amenés à changer sans cesse de service, sont victimes de burn-out et peinent à trouver un sens à leur travail. Il s’agit d’instaurer non pas des tableaux Excel, mais une humanité !

C’est la raison pour laquelle cette question revient aussi fréquemment. Elle vous sera certainement posée de nouveau. Peut-être pouvons-nous discuter de modalités permettant d’adapter ces ratios, lesquels ne doivent pas être systémiques. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas pour l’instant un ratio suffisant de soignants dans chaque unité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, entre restrictions budgétaires, fermetures de lits et manque de personnel, l’hôpital public est à bout de souffle. La tarification à l’activité l’a placé dans une logique de rentabilité. L’Ondam, est constamment inférieur au budget dont auraient besoin les hôpitaux, qui se retrouvent contraints à faire des économies.

Les fermetures de lits se poursuivent : 40 000 lits d’hôpitaux ont disparu depuis dix ans, et les hôpitaux ont perdu un quart de leur capacité d’accueil depuis 2000.

Partout sur le territoire, les centres hospitaliers universitaires (CHU) constatent une aggravation inédite de leur déficit. Le déficit cumulé des 32 CHU a triplé entre 2022 et 2023, pour s’établir à 1,2 milliard d’euros.

Les hôpitaux de l’océan Indien souffrent du désintérêt de l’État. L’hôpital de Mayotte est sous-doté par rapport aux besoins sanitaires de la population mahoraise.

Le CHU de mon département, La Réunion, aurait besoin de moyens importants en tant qu’établissement pivot de l’océan Indien. À chaque exercice, on peut constater combien les équipes sont performantes, avec une offre de soins qui s’élargit. Parallèlement, les dotations que vous accordez sont décevantes.

L’unité de formation et de recherche (UFR) et le CHU affichent un manque préoccupant d’enseignants-chercheurs hospitaliers, avec un effectif hospitalo-universitaire quatre ou cinq fois inférieur à celui des UFR hexagonales comparables en termes d’effectifs d’étudiants. Il faut donc que des postes soient créés afin de renforcer les études médicales et de former les futurs médecins de La Réunion. Cette région n’a d’ailleurs pas attendu la volonté de l’État pour rendre possible un cursus complet d’études de médecine sur son territoire.

Monsieur le ministre, quand cessera-t-on de considérer l’hôpital de La Réunion comme un hôpital de seconde zone ? Quand ouvrirez-vous les droits à la santé aux Français de l’océan Indien ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Corbière Naminzo, j’ai bien entendu vos remarques sur les difficultés de l’hôpital, que je ne méconnais pas. Pour autant, je suis toujours étonné que, au nom de la défense de l’hôpital, on systématise l’hôpital-bashing. Tout ne va pas mal à l’hôpital ! (Mme Émilienne Poumirol ironise.)

Certes, beaucoup de patients attendent trop longtemps dans les services. Mais il convient également de reconnaître que les personnels hospitaliers font le maximum pour faire face à leurs missions et apporter les meilleurs soins possible aux Français !

L’établissement de La Réunion que vous avez évoqué est effectivement en difficulté, avec 49 millions d’euros de déficit. Ce déficit s’est aggravé au cours des trois ou quatre dernières années. (Mme Evelyne Corbière Naminzo opine.) Il convient de réinterroger la politique d’emploi. Depuis la période covid, les effectifs ont énormément grossi sans pour autant que l’activité ait augmenté de manière linéaire en suivant la courbe des emplois.

Une mission de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a été diligentée pour essayer de comprendre pourquoi la situation à La Réunion s’était rapidement détériorée en deux ou trois ans, et pour établir si les causes de ce dérapage des finances de l’hôpital étaient structurelles ou conjoncturelles.

Quant à Mayotte, l’île n’est pas sous-dotée en matière d’offre sanitaire. Nous avons annoncé récemment un investissement de 127 millions d’euros pour rénover l’hôpital. Par ailleurs, un deuxième site hospitalier sera créé, en complément du premier.

Mayotte reste la première maternité de France, pour les raisons que l’on connaît et que je n’évoquerai pas ici. Quoi qu’il en soit, des moyens ont été alloués pour que chaque personne entrant à l’hôpital – et pas simplement les femmes venant accoucher – soit prise en charge dans les mêmes conditions que dans tous les hôpitaux français. Il existe également à Mayotte un réseau de soins primaires adossé à l’hôpital, qui fonctionne très bien : il permet à tous les Mahorais de bénéficier d’une offre de soins de proximité, et d’éviter ainsi de solliciter l’hôpital.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le ministre, il y a un an, j’interrogeais votre prédécesseur sur le rapport, largement adopté par l’Académie nationale de médecine et grandement commenté par la presse et les élus locaux, préconisant le regroupement des petites maternités et la fin des accouchements dans les établissements à moins de 1 000 naissances par an. Il m’avait été répondu que ces propositions n’étaient pas à l’agenda du Gouvernement.

Deux mois plus tard, en mai 2023, le ministre de la santé François Braun annonçait, lors du Conseil national de la refondation (CNR) consacré à la santé, le lancement d’une mission conjointe d’élus et de professionnels de santé consacrée aux maternités. L’objectif était « d’étudier les organisations innovantes qui fonctionnent dans une approche territoriale, pour que les femmes enceintes puissent accoucher partout en France dans les meilleures conditions, en trouvant un équilibre entre proximité et sécurité ». À ma connaissance, cette mission n’a jamais vu le jour.

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas bien !

Mme Véronique Guillotin. Aujourd’hui, les difficultés s’accumulent dans le champ de la périnatalité, avec un indicateur particulièrement inquiétant : la hausse de la mortalité néonatale.

Un seuil a été atteint en 2023, avec le taux le plus élevé depuis vingt ans. Nous sommes passés d’une situation d’excellence à la vingt et unième place au sein des pays de l’OCDE. Cette situation est évidemment multifactorielle, allant du manque de personnel dans les maternités à la santé des mères – âge plus élevé de la première grossesse, augmentation de l’obésité, facteurs de précarité.

Pour faire un état des lieux précis de la situation et envisager des réformes, le groupe RDSE a souhaité la création d’une mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, dont j’ai été nommée rapporteure. L’Académie nationale de médecine ainsi que tous les soignants que nous avons auditionnés ces dernières semaines parlent d’urgence.

Dans le contexte actuel, tout projet de réarmement démographique nécessite que l’on se penche d’abord sur l’accès et la qualité des soins pour la mère et l’enfant. Monsieur le ministre, cette piste de réflexion a-t-elle bien été identifiée par vos services ? Le cas échéant, quelles sont les mesures envisagées et selon quel agenda ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, je me réjouis que le Sénat ait lancé une mission sur les maternités. Vos travaux viendront éclairer un débat rendu compliqué, d’une part, par la baisse de la natalité et, d’autre part, par la nécessité d’adapter l’offre capacitaire de prise en charge et les tensions en termes de personnels dans tous les secteurs de l’hôpital.

Notre pays n’a pas à rougir de ses maternités, mais, pour ce qui concerne les accouchements, on observe en France une fragilisation liée – je le répète – à un manque de ressources médicales.

Ces derniers mois, nous avons revalorisé les tarifs d’obstétrique, notamment dans le cadre de la récente campagne tarifaire, pour le privé comme pour le public. Le secteur public supporte davantage l’activité obstétricale que le secteur privé, mais l’application de ces nouveaux tarifs est importante pour valoriser ces actes et les rendre plus attractifs.

Nous voulons également soutenir au maximum les maternités dès lors qu’elles offrent des soins de qualité. La qualité et la sécurité sont donc bien au cœur de notre réflexion sur l’organisation des maternités, et elles doivent le rester.

M. Jean-François Husson. Quelle est la réponse ?

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Le problème de la pérennité de certaines maternités se pose dès lors qu’elles ne sont plus en mesure d’offrir une sécurité minimale aux femmes qui viennent accoucher.

Quant aux préconisations de l’Académie nationale de médecine dans son rapport de février 2023, que j’ai lu avec attention, elles n’engagent qu’elle et ne reflètent pas forcément l’avis du Gouvernement.

M. Jean-François Husson. Que l’on ne connaît toujours pas !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, nous manquons de médecins, notamment hospitaliers. Nous le savons, certains territoires en souffrent plus que d’autres. Face à ce constat, notre majorité agit.

Il y a quatre ans, le numerus clausus qui limitait depuis cinquante ans le nombre annuel d’étudiants en médecine a été remplacé par le numerus apertus, qui a permis l’ouverture de 13 000 places supplémentaires d’ici à 2025. Il s’agit d’une avancée majeure, mais elle ne produira ses effets que dans quelques années puisque le temps de formation est long.

Il faut aussi rappeler les investissements colossaux réalisés dans le cadre du Ségur : nous le voyons aujourd’hui, ces milliards se concrétisent !

Je veux ce soir aborder le cas des médecins français ou résidents installés avec leurs familles sur le sol français, titulaires d’un diplôme hors Union européenne. J’ai été interpellée à plusieurs reprises sur ce point ces dernières semaines. Leur intégration ressemblerait encore trop souvent à un parcours du combattant, alors qu’ils contribuent de façon essentielle à améliorer les parcours de santé des patients.

Des milliers de ces professionnels travaillent aujourd’hui dans nos hôpitaux. Comme l’avait déclaré Mathias Wargon, chef de service des urgences du centre hospitalier Delafontaine, « s’ils n’étaient pas là, ce serait le chaos ». Ils sont importants en Seine-Saint-Denis comme dans le Finistère, et une réforme de leur statut a donc été votée en 2019, visant à raccourcir le délai pour devenir praticien associé et à mettre en place un nouveau système d’affectation.

Il existe aussi une procédure dérogatoire permettant à certains médecins de déposer leur dossier auprès des agences régionales de santé (ARS), sans passer par le concours. Il semblerait que de nombreux dossiers ne soient pas instruits. Une pétition vient d’être mise en ligne prévoyant des mesures concrètes. Elle se conclut par cette phrase : « J’adore la médecine, je ne me reconvertirai pas. J’aime la France, je ne la quitte pas. »

Monsieur le ministre, comment faire pour accompagner et reconnaître ces professionnels mieux que nous ne le faisons actuellement, et surtout plus rapidement ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, pendant des années, la France n’a pas bien traité les praticiens à diplôme hors Union européenne, les Padhue, et s’est satisfaite d’une zone grise. Ces praticiens intervenaient sans reconnaissance statutaire, parfois sans rémunération, en étant limités dans leurs pratiques, alors qu’ils rendent des services essentiels à nos établissements.

Il y a quelques années, le Gouvernement a eu la volonté de sortir de cette zone grise et d’accorder un statut à ces professionnels. Il s’agissait d’une juste reconnaissance de ce qu’ils apportent à l’hôpital.

En 2022 et 2023, nous avons clarifié le statut des Padhue qui travaillaient déjà dans nos établissements. Nous avons également simplifié les épreuves permettant aux nouveaux arrivants de valider leurs connaissances professionnelles.

Dans le cadre de la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, nous avons mis en place un passeport talent pour les métiers médicaux afin d’intégrer au plus vite les professionnels dont nous avons besoin en France. Ceux qui veulent venir travailler dans notre pays doivent pouvoir le faire rapidement.

Nous avons également simplifié les épreuves permettant à ces professionnels d’exercer dans nos établissements, les diplômes des praticiens à diplôme hors Union européenne n’étant pas reconnus en France, excepté pour le Québec – mais ce pays n’est qu’une province du grand monde… Il fallait donc reconnaître la validité de leur savoir-faire professionnel.

Ce sera désormais chose faite à partir de 2025, le concours étant remplacé par un examen devant une commission constituée de pairs à l’échelle d’un GHT. Il s’agissait d’éviter ainsi que les personnes encadrant les Padhue dans les services soient amenées à juger de leurs qualités, l’objectif étant toujours néanmoins de simplifier les procédures et de reconnaître le plus rapidement possible le rôle et la place de ces personnels dans le système.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, le 25 mars 2020, le Président de la République annonçait un plan massif d’investissement et de revalorisation pour l’hôpital. Le Ségur de la santé a concrétisé cette annonce avec un projet d’investissement et une revalorisation des rémunérations des soignants. Ces mesures étaient une réponse à la crise aiguë sans précédent de l’hôpital public.

Pourtant, quatre ans après, l’actualité montre qu’il y a toujours un fort mécontentement des professionnels de santé, des difficultés persistantes de l’hôpital public, des déficits qui bloquent l’investissement des établissements, une crise des vocations à tous les niveaux et dans des spécialités majeures. Les lits ferment, les maternités sont suspendues ou fermées, les urgences sont en survie. Bref l’hôpital public ne répond plus aux besoins de la population, malgré le dévouement sans faille des personnes qui y travaillent.

« On doit sortir de la T2A dès le prochain PLFSS pour aller vers un nouveau financement qu’on doit rebâtir en profondeur », affirmait le 6 janvier 2023 le Président de la République dans ses vœux aux soignants – promesse déjà faite en 2017.

De nombreux tarifs sont en décalage par rapport à la réalité des coûts. L’augmentation des tarifs que vous venez de citer permet à peine de couvrir l’inflation, et en aucun cas elle ne permet de faire face à la hausse des charges. Ces contraintes pèsent surtout sur l’hôpital public, qui ne choisit pas ses patients en fonction de ce qu’ils vont lui rapporter et se doit de prendre soin de tout le monde.

Face à ces difficultés, les gouvernements successifs ont souvent attribué les problèmes de l’hôpital public à des questions de statuts et d’organisation territoriale ou des services, ignorant les appels à un financement basé sur les besoins réels en soins plutôt que sur des objectifs budgétaires.

Face à cette situation catastrophique et à ce constat partagé, quelles mesures concrètes envisagez-vous pour réformer le financement de l’hôpital public afin de mieux répondre à ses besoins spécifiques et de garantir la pérennité de notre système de santé ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Le Houerou, je ne peux pas vous laisser dire que l’hôpital ne répond pas aux besoins de la population (Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol protestent.), alors que 21 millions de personnes sont prises en charge chaque année dans les services d’urgence !

Je rappelle que l’hôpital soigne des millions de personnes par an, et procède à de multiples interventions de traitement et de suivi de la population. On peut parler de dysfonctionnements, de difficultés ou encore de tensions, mais on ne peut pas dire que l’hôpital ne répond pas aux besoins de la population. Je m’inscris donc en faux.

Vous dites que tout va mal et vous évoquez notamment les rémunérations. Or le Ségur de la santé a engagé 8 milliards d’euros en faveur des hôpitaux – sur les 10 milliards d’euros budgétés –, soit un effort de 10 % de hausses de salaire net en bas de la fiche de paie tous les mois. Jamais aucun gouvernement n’avait augmenté ainsi les rémunérations au sein de l’hôpital public !

Le Ségur a également prévu 15,5 milliards d’euros d’aides à l’investissement. Contrairement aux différents plans d’investissement proposés aux hôpitaux, qu’il s’agisse d’Hôpital 2007 ou d’Hôpital 2012, ce ne sont pas cette fois des avances de prêts remboursables, qui pèsent sur les comptes hospitaliers, mais bien 15,5 milliards d’aides directes pour favoriser la création de certains établissements, parfois financés à 100 % par la solidarité nationale. Je pense au CHU de la Guadeloupe, qui est en train de sortir de terre sans que cela pèse sur les comptes de l’hôpital, si ce n’est pour l’exploitation du bâtiment.

Ces 15,5 milliards d’euros d’aides concernent plus d’une centaine d’établissements. L’effort de modernisation est donc bel et bien présent !

Par ailleurs, la T2A à l’hôpital représente 50 % du financement. Non, la tarification à l’activité n’a pas tué l’hôpital, d’autant que sa part régresse un peu plus chaque année à la faveur des financements au forfait et des financements pour les autres activités.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Monsieur le ministre, je comptais vous poser une question sur les arbitrages budgétaires et les investissements, mais vous venez d’y répondre. Je vous interrogerai donc plutôt sur la démographie médicale.

La suppression du numerus clausus et son remplacement par un numerus apertus ont permis d’augmenter le nombre de médecins formés de 15 %. Néanmoins, l’ancienne ministre de la santé Agnès Firmin Le Bodo rappelait que, au regard des évolutions à l’œuvre et des attentes des jeunes professionnels, il fallait désormais plus de deux médecins pour remplacer un départ à la retraite.

Par ailleurs, aucune analyse prospective n’est partagée quant aux besoins en nombre de médecins par spécialité d’ici à quinze ans, en fonction des évolutions des besoins de santé. L’évolution des compétences des professionnels paramédicaux ne suffira pas à répondre à cet enjeu.

Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour former davantage de médecins ? Allez-vous créer plus de postes hospitalo-universitaires, la Fédération hospitalière de France (FHF) en demandant 1 000 de plus ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Alain Milon, vous êtes fin connaisseur de ces sujets. Je tâcherai donc de vous apporter une réponse qui soit la plus précise possible.

On peut certes discuter de la suppression du numerus clausus, mais vous avez cité un chiffre important : il y a aujourd’hui 15 % d’étudiants en deuxième année de médecine en plus par rapport à 2019, ce qui permet d’entrevoir une hausse du nombre des médecins pour les prochaines années, car le temps de formation est long.

On m’a reproché cet après-midi, à l’Assemblée nationale, de former autant de médecins qu’en 1970. C’est exact, mais cela ne signifie pas grand-chose, car il y avait suffisamment de médecins dans les années 1970 et 1980. Quel sens cela aurait-il de comparer la situation d’aujourd’hui et celle d’il y a cinquante ans ? Je préfère m’en tenir à ce seul constat : on compte aujourd’hui davantage de jeunes dans les filières de formation.

Mme Annie Le Houerou. La population a augmenté !

Mme Émilienne Poumirol. Et elle vieillit…

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Par ailleurs, nous enregistrons une montée en puissance de la reconnaissance des autres professionnels de santé, aux côtés des médecins, la prise en charge des patients s’effectuant différemment aujourd’hui. Nous sommes passés d’un système basé sur le tout-médecin à un système fondé sur une équipe de soins.

Le médecin conserve évidemment le rôle prééminent qui est le sien puisqu’il orchestre l’intervention des différents professionnels paramédicaux ou des nouveaux professionnels – je pense, par exemple, aux infirmières en pratique avancée – qui officient aussi bien dans les services d’urgence et les différents services hospitaliers que dans les maisons de santé pluridisciplinaires et les cabinets de ville, pour assurer l’accompagnement des patients, y compris ceux touchés par des affections de longue durée (ALD).

Notre système de santé repose donc sur un ensemble de mesures. Ne jugeons pas de sa qualité en tenant compte uniquement du nombre de médecins formés ou qui s’installent ! Il faut aussi prendre en considération la façon dont nous avons su adapter les nouveaux modes de prise en charge, en répartissant les soins entre les différents professionnels qui ont un rôle à jouer aux côtés des médecins.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.

M. Alain Milon. Monsieur le ministre, la semaine dernière, j’ai assisté avec Mme Doineau à un petit-déjeuner avec votre prédécesseur Mme Agnès Buzyn – chacun sait ici à quel point j’aimais travailler avec cette dame. Elle nous a dit qu’il manquerait d’ici à quelques années entre 10 et 12 millions de professionnels de santé sur l’ensemble du globe en raison de l’arrivée de ressortissants des pays émergents, qui auront des exigences importantes en termes de santé, du vieillissement de la population et de l’apparition de maladies nouvelles liées à ce vieillissement, mais aussi de l’émergence de pratiques nouvelles chez les jeunes médecins, qui abordent différemment le métier. À cela viendra s’ajouter le coût extrêmement élevé de l’ensemble des nouveaux soins.

Il importe donc de réfléchir à tous ces enjeux afin de mettre progressivement en place un nouveau type de financement de la santé en France, sans nuire aux malades. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Monsieur le ministre, de discussion en discussion, de débat en débat, de rapport en rapport, le temps avance et l’hôpital public souffre, continuant de se dégrader. L’accès aux soins pour nos compatriotes recule, les temps d’attente s’accumulent, que ce soit aux urgences ou pour l’accès à un spécialiste.

L’attractivité des métiers du soin est en perdition. Le Ségur de la santé a certes été une avancée financière pour les professionnels. Mais si la question de la rémunération a un impact sur l’attractivité de la profession, car elle offre une reconnaissance face à la complexité de leur tâche, elle ne saurait être la seule solution.

Il faut revoir les organisations de travail pour réduire la pénibilité de ces métiers. La formation des professionnels de santé doit être repensée pour mieux préparer les étudiants à la réalité du terrain. L’hôpital, mais aussi tout le système de soins, a besoin d’être réformé, repensé et rebâti.

Comme nous l’avions proposé pendant la campagne présidentielle, il faut supprimer les ARS, qui ont conduit à cette gestion bureaucratique. Il est urgent de libérer la santé d’une logique purement comptable et financière, des coupes budgétaires incessantes, des baisses tarifaires qui ne permettent pas l’amortissement de certains équipements et qui ne sauraient être compensées par des forfaits.

Les indicateurs comptables doivent céder la primauté aux indicateurs de qualité et de pertinence des soins, ce dernier critère permettant de réaliser d’importantes économies de santé.

Anticiper et prévoir, voilà ce qui devrait guider nos gouvernants. Monsieur le ministre, quand allez-vous revoir le fonctionnement de l’hôpital, des ARS et de la T2A ? Vous avez parlé en préambule de l’hôpital dans les murs et hors les murs, et notamment des infirmiers libéraux. Quand entendrez-vous leurs revendications ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Votre question est un tout-en-un et comprend de nombreuses interrogations.

Certes, l’hôpital souffre et les Français connaissent des difficultés d’accès aux soins. Mais ce n’est pas uniquement parce que l’hôpital est dans cette situation que les Français rencontrent ces problèmes : l’hôpital n’est qu’une seule partie du sujet et tout le système de santé est en crise.

Ce sont tous les métiers du soin qui sont aujourd’hui moins attractifs. Les modes d’exercice anciens – en ville ou à l’hôpital – intéressent moins les jeunes. Ces problématiques ne sont pas propres à l’hôpital !

Pour ma part, je ne pratique pas l’hôpital-bashing et je ne mets pas sur le dos de l’hôpital des difficultés qui concernent plus largement l’ensemble du système de santé.

Certes, depuis dix, vingt ou trente ans les tâches administratives ont pris une place beaucoup trop importante dans notre système de santé. C’est vrai à l’hôpital, mais aussi en ville, comme pourraient en témoigner les médecins généralistes de votre département. Il faut améliorer ce point. C’est pourquoi l’assurance maladie finance des assistants médicaux chargés de se concentrer sur les tâches administratives, afin que les médecins puissent se consacrer à leur cœur de métier : 6 000 postes ont été créés, l’objectif étant de parvenir à 10 000 postes d’ici à la fin de l’année.

Vous évoquez la suppression des ARS. Or nous avons besoin d’un mécanisme de régulation de l’offre de soins. Le tout-libéral ne saurait exister ! Les ARS ont peut-être trop de poids, alors que le ministère n’a pas suffisamment déconcentré ses services… Nous pourrions y réfléchir.

Quoi qu’il en soit, les ARS permettent aussi d’apporter de l’ingénierie dans les territoires lorsqu’il s’agit d’ouvrir une maison de santé ou de mettre sur pied des projets. Elles ont également vocation à donner un éclairage sur la faisabilité budgétaire et juridique.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Vous évoquez des baisses de tarifs : pour ma part, je ne vois que des hausses depuis des années, comme en attestent les chiffres de l’Ondam. Je ne comprends pas à quoi vous faites allusion…

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réplique.

M. Joshua Hochart. Considérer seulement la situation de l’hôpital ne permettra pas de résoudre les problèmes d’accès aux soins… Les indicateurs du département du Nord sont parmi les plus faibles de France. Pourtant, on y ferme des services d’urgence ! Les services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) ne peuvent plus intervenir. En parallèle, le conseil départemental réduit, voire supprime, les interventions des infirmiers et des sapeurs-pompiers. Rien de cela ne va dans le bon sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, malgré l’Ondam en hausse de plus de 50 milliards d’euros depuis 2019, la situation financière de nombreux hôpitaux est déficitaire, notamment en raison de l’inflation qui touche l’alimentation et l’équipement, et de dotations insuffisantes, même si les salaires médicaux et paramédicaux ont été augmentés.

La situation des urgences reste souvent difficile, mais nous enregistrons une amélioration grâce à la mise en place du service d’accès aux soins et la mobilisation des médecins libéraux.

Cependant, il existe toujours un engorgement important des urgences lié à un manque de lits d’aval en médecine polyvalente. Les patients sans diagnostic précis, mais nécessitant des hospitalisations, sont très souvent récusés par les services de spécialité. Ils patientent ainsi des heures aux urgences alors qu’ils auraient leur place dans le service de médecine polyvalente, où ils bénéficieraient d’un bilan et seraient orientés, le cas échéant, vers un service de spécialité.

La situation de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie nécessite également un effort particulier. Dans certains départements, il n’y a pas de service de pédopsychiatrie – les demandes sont parfois faites pendant vingt ans ! – alors que les enfants de l’aide sociale à l’enfance (ASE) souffrent de troubles graves du comportement ; ils ont besoin de lieux de rupture et d’une hospitalisation.

Monsieur le ministre, malgré les difficultés de la sécurité sociale, pouvez-vous soutenir l’hôpital en obtenant un financement complémentaire pour certains hôpitaux, en créant des services de médecine polyvalente pour désengorger les urgences, en renforçant la psychiatrie et en mettant en place des lits de pédopsychiatrie ?

Mme Corinne Imbert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Chasseing, permettez-moi de rappeler les chiffres d’accompagnement des hôpitaux.

J’ai cité l’augmentation de l’Ondam à hauteur de 60 milliards d’euros depuis 2017. Au titre notamment de l’inflation, nous avons également prévu 800 millions d’euros d’accompagnement exceptionnel en 2022 et nous avons décidé en janvier dernier d’accorder 500 millions d’euros de soutien exceptionnel pour 2023.

Pour autant, l’hôpital doit continuer à faire des efforts. Notre système de santé doit mieux valoriser la pertinence des soins. Ce faisant, il s’agit de dégager des fonds pour mieux financer les salaires à l’hôpital et le tarif des consultations en secteur 1 pour la médecine libérale. Ce sera l’un de mes chevaux de bataille.

Ce débat, qui n’aura pas lieu entre les quatre murs de l’hôpital, vaudra pour l’ensemble des opérateurs de soins, qu’ils soient libéraux, publics, privés ou privés à but non lucratif. La pertinence des soins doit être valorisée : ceux qui sont utiles à la santé des Français doivent passer avant les autres !

Je partage votre constat sur la santé mentale, qui a longtemps été un angle mort des politiques de santé. La situation s’est malheureusement aggravée depuis la crise du covid-19. Nous enregistrons une très forte augmentation des besoins en termes de prise en charge et d’accompagnement, et sommes en retard en raison de la conjonction de ces deux phénomènes.

À la demande du Président de la République, j’organiserai à la fin du mois d’avril un CNR sur la santé mentale. Il s’agit non pas de partir d’une page blanche, mais au contraire de faire aboutir les travaux engagés depuis dix-huit mois, qui ont mobilisé de nombreux professionnels en santé mentale. Nous espérons des avancées sur ces questions.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, je me permets de rappeler la nécessité d’ouvrir des lits d’aval, pour que les personnes qui se rendent aux urgences soient immédiatement orientées vers un service de médecine polyvalente. Ainsi, une fois le bilan réalisé, les patients peuvent rentrer chez eux ou être admis dans le service de spécialité adapté.

Je vous remercie pour votre réponse sur la pédopsychiatrie. Ce sujet est très important, car certains enfants pris en charge par les services de l’ASE sont atteints de graves troubles du comportement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. N’oublions pas que dans le cadre de la hausse des tarifs hospitaliers pour 2024, qui a suscité une forme de débat public, nous avons revalorisé les actes de médecine, notamment pour favoriser la création des lits d’aval, dans le but de désengorger les urgences. Le tarif des actes de maternité a également été augmenté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Mme Anne-Sophie Romagny applaudit.)

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de l’organisation de ce débat sur l’initiative du groupe Les Républicains, deux ans après la publication du rapport intitulé Hôpital : sortir des urgences, issu des travaux de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France.

Je salue les interventions des orateurs précédents, car elles reflètent les différentes opinions des Français et sont l’expression de leurs angoisses, auxquelles nous devons répondre.

Que nous soyons parlementaires ou ministres, nous avons une mission : lutter contre la dévalorisation des métiers exercés au sein de l’hôpital, et apporter des solutions aux problématiques de ce secteur.

Étant rapporteure générale de la commission des affaires sociales, ma question portera – cela ne vous étonnera pas – sur le financement de l’hôpital.

L’Ondam pour 2024 a été voté à près de 255 milliards d’euros. Dans ce montant, une enveloppe de 105,6 milliards d’euros est destinée aux établissements de santé. Ce montant paraît colossal, et susceptible de garantir une forme de confort au système hospitalier ; ce n’est pas le cas, et nous venons d’en avoir la démonstration par plusieurs de nos collègues.

Nous connaissons tous les difficultés de l’hôpital, qui ont été rappelées par Philippe Mouiller et par d’autres collègues. Le déficit des hôpitaux a atteint en 2022 puis en 2023 des records successifs, atteignant le milliard d’euros. Malgré cette somme, les établissements d’excellence que doivent être nos CHU ont enregistré l’an dernier un déficit de 1,2 milliard d’euros. Ainsi, alors que 13 milliards d’euros de dette ont été transférés à la Cades pour améliorer la situation financière des hôpitaux, le financement actuel reconstitue à une vitesse préoccupante une dette hospitalière abyssale.

Aussi, monsieur le ministre, qu’allons-nous faire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Doineau, permettez-moi d’insister sur un sujet que j’ai rapidement évoqué. L’avenir du financement de notre système de santé, qui dépasse le seul champ de l’hôpital, dépend de notre capacité à mieux financer ce qui est pertinent, autrement dit ce qui est utile.

En raison du manque de communication entre les acteurs, que ce soit entre le public et le privé, ou entre la médecine de ville et la médecine hospitalière ou d’établissement, et du fait de cette organisation en tuyaux d’orgue, les pertes sont importantes. Une étude de l’OCDE datant de la fin des années 2010 estimait à 20 % la part de dépenses inutiles dans le système de santé français. Ce taux pourrait même atteindre 30 %, à en croire d’autres études. Rapportés à un budget de 255 milliards d’euros, ces taux représentent d’énormes gisements.

Il ne s’agit en rien de dénoncer une quelconque malversation. Ces dépenses ne sont pas liées à des abus, mais à des redondances, à des actes inutiles ou à l’ancrage de certaines habitudes. Elles sont parfois aussi le fait d’un codage trop ancien d’actes dont la valeur économique ne correspond plus à leur coût réel, en raison des progrès de la médecine.

Il est donc nécessaire de remettre ce système à plat. J’ai souhaité ouvrir un débat sur la valeur des actes avec la direction de la sécurité sociale. La classification commune des actes médicaux (CCAM) de la sécurité sociale répertorie plus de 2 000 actes et détermine leur tarif : nous devons vérifier que chaque acte est financé à sa juste valeur économique. Ces situations de rentes sont généralement d’une ampleur limitée, mais les petits ruisseaux faisant les grands fleuves, ces dépenses coûtent cher à la sécurité sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, des événements dramatiques ont eu lieu au mois de février 2024 au sein des urgences psychiatriques de l’hôpital Purpan du CHU de Toulouse : deux patientes ont été victimes d’agressions sexuelles et un jeune patient s’est suicidé dans les locaux de consultation après dix jours d’attente pour être hospitalisé.

Le personnel avait pourtant donné l’alerte sur les difficultés rencontrées et sur le fonctionnement dégradé des urgences face au manque de moyens humains et financiers accordés aux services psychiatriques de l’hôpital public. Des lits avaient même été fermés dans mon département, la Haute-Garonne, qui attire pourtant chaque année près de 17 000 habitants supplémentaires…

À Toulouse, le secteur privé, qui dispose de 75 % des lits d’hospitalisation en psychiatrie, se réserve le droit de refuser certains patients, en particulier ceux qui relèvent de mesures de soins sans consentement. Par conséquent, le secteur public se retrouve contraint d’accueillir des patients dans des conditions inacceptables. Nous en avons observé le résultat au mois de février.

Ces problématiques se posent sur l’ensemble du territoire français, où tous les établissements de psychiatrie décrivent des difficultés majeures et déplorent un fonctionnement dégradé en raison du manque de moyens humains ou bâtimentaires consacrés au développement de la psychiatrie publique.

En psychiatrie adulte, dans plus de la moitié des établissements, le délai moyen d’accès aux services ambulatoires est d’un à quatre mois, aggravant ainsi la situation et les pathologies de nombreux patients. Je ne reviens même pas sur la situation plus dramatique encore des services de pédopsychiatrie, qui a été évoquée par mon collègue Chasseing.

Monsieur le ministre, quels moyens entendez-vous déployer à long terme pour garantir l’accès aux soins psychiatriques et sauvegarder la psychiatrie publique dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Émilienne Poumirol, avant de répondre à votre question, je veux, comme vous l’avez fait, revenir sur la situation à Toulouse. Vous avez raison, celle-ci est emblématique de nombre de dysfonctionnements de notre système de santé. Je me suis rendu sur place pour comprendre ce qui a rendu possible cette aberrante succession de drames aux urgences psychiatriques du CHU, alors même que le nombre de lits d’accueil en santé mentale dans l’agglomération et dans l’ensemble du département semble suffisant.

J’ai découvert que les dysfonctionnements étaient liés à l’inadaptation des locaux dans lesquels sont accueillies les urgences psychiatriques, à la difficulté des services d’orienter les patients vers des lits d’aval pour désengorger les urgences, et au manque de communication entre l’hôpital privé et l’hôpital public. Cette absence de coopération, en particulier, est dramatique dans un bassin de vie où 75 % de l’offre hospitalière en santé mentale relève du secteur privé, et où les urgences sont assumées par le service public. Le secteur privé, en outre, ne respecte pas la carte de secteur, ce qui oblige l’hôpital à prendre en charge des patients issus du même territoire.

L’ensemble de ces facteurs a conduit à ces drames insupportables.

Un rapport de l’Igas permettra d’éclairer cette situation particulière. Mais au-delà du cas de Toulouse, vous soulevez la difficulté de faire coopérer des systèmes qui fonctionnaient jusqu’à maintenant de manière déconnectée. Ce n’est pas normal ! Les autorisations que nous accordons ont aussi pour objectif que les établissements assument leur mission de prise en charge des patients, quels que soient leur pathologie et leur état.

L’accueil des patients dans les services psychiatriques sera l’un des sujets du CNR sur la santé mentale qui sera organisé fin avril. Il est essentiel que le public et le privé communiquent davantage : l’exemple de Toulouse est éclairant à cet égard.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le ministre, je sais bien que vous êtes venu à Toulouse et que vous avez constaté cette absence de dialogue entre le public et le privé. Mais la loi du 27 décembre 2023 précise que les établissements de santé sont responsables collectivement de la permanence des soins en établissements de santé (PDSES). Or aucune contrainte ne pèse sur le secteur privé. Le texte prévoit que l’ARS pourra désigner des établissements pour contribuer à la PDSES en cas de « carences persistantes ».

Mme la présidente. Chère collègue, il faut conclure.

Mme Émilienne Poumirol. C’est d’ailleurs ce qui a permis, à Toulouse, de mettre en place une cellule de crise pour avancer sur ce sujet. La situation s’améliore depuis quelques jours, mais ce n’est pas la bonne solution.

Mme la présidente. Le temps de parole est écoulé.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Comme par hasard, le lendemain de ma venue, l’hôpital privé avait des lits disponibles et a pu accueillir des patients qu’il ne prenait pas en charge jusqu’alors !

S’agissant de la PDSES, la loi que vous évoquez date du 27 décembre dernier : laissez-nous quelque temps pour rédiger les décrets d’application. Nous ferons preuve d’une très grande vigilance sur la participation effective des établissements privés à la permanence des soins, en matière de santé mentale comme dans les autres domaines.

Enfin, lorsqu’une autorité publique accorde une autorisation de prise en charge de patients, celle-ci est assortie de contreparties parmi lesquelles figure la permanence des soins.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Vous dites qu’une contrepartie est nécessaire. Ce qui est anormal, c’est qu’il ait fallu un drame pour que les différents services dialoguent enfin à Toulouse, et que, soudainement, les cliniques s’aperçoivent qu’elles pouvaient ouvrir quarante lits et non seulement seize !

Nous devrions prévoir cette contrainte, quitte à l’assortir d’une contrepartie, pour que le partage entre le public et le privé se fasse en permanence sur l’ensemble des soins – outre la psychiatrie, je pense notamment à la répartition de la prise en charge des soins ambulatoires (PDSA) entre la ville et l’hôpital, et entre la médecine libérale et la médecine hospitalière, car le problème est le même.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Sol. Monsieur le ministre, les services d’urgence, véritables vitrines de nos établissements hospitaliers, ont décidé de baisser leurs rideaux la nuit à Perpignan et ailleurs en France. Quelle image ! Quel symbole de la dégradation de nos hôpitaux !

Nos urgences sont à bout de souffle, les personnels sont très éprouvés moralement et physiquement, les médecins de ville désemparés, les usagers angoissés à l’idée de se rendre aux urgences, et nos élus impuissants. Ce n’est pas une vision alarmiste, mais alarmante, monsieur le ministre !

La réalité des urgences, c’est cet usager qui souhaite passer devant un enfant en situation d’urgence vitale. Ce sont ces familles qui attendent sans information pendant des heures et des heures. Ce sont, encore, ces personnes âgées qui restent parfois vingt-quatre, quarante-huit ou soixante-douze heures sur des brancards dans un couloir et que l’on renvoie à deux heures du matin chez elles, par manque de place…

Les urgences font aujourd’hui face à l’incapacité de réguler l’augmentation exponentielle des appels, ce qui entraîne une perte de chance pour les patients et, dans le pire des cas, des décès, comme plusieurs exemples récents l’attestent. En résulte aussi une carence criante de lits d’aval, tandis que le personnel, qui manque d’effectifs comme de compétences, croule sous une charge administrative chronophage tout en devant faire face à des agressions verbales ou des menaces !

La désertification médicale amplifie naturellement cette situation inacceptable qui rompt l’accessibilité de tous aux soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, que devrait assurer le service public.

L’été arrive, avec ses traditionnels flux saisonniers. Monsieur le ministre, laisserez-vous encore longtemps se délabrer le fonctionnement de nos services d’urgence ? Qu’envisagez-vous pour y remédier ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur, votre question est primordiale. Il est vrai que les Français voient souvent l’hôpital au travers du prisme des urgences.

Beaucoup a été fait, même si cela ne suffit malheureusement pas. La question des urgences est liée à celle des lits d’aval. Il faut donc faciliter la création de ces lits, qui permettent de désengorger les urgences.

De même, la régulation doit être mieux coordonnée. La création des services d’accès aux soins doit y contribuer d’ici à la fin du mois d’août. Soixante-cinq des cent départements français en sont déjà dotés, ce qui a permis une amélioration de la régulation de la médecine de ville. Les SAS visent en effet à orienter les personnes qui ne sont pas dans une situation d’urgence avérée vers la médecine de ville, avec un rendez-vous dès le jour même ou sous un très bref délai.

Par ailleurs, le décret n° 2023-1376 du 29 décembre 2023 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité autorisée de médecine d’urgence a permis la création de Smur paramédicaux, qui n’embarquent pas de médecin, lorsque la situation le permet. Nous pourrions également envisager la création d’antennes d’urgence, fonctionnant sur une base de douze heures et non de vingt-quatre heures, la très faible activité en nuit profonde sur certains territoires ne rendant pas toujours nécessaire la mise à disposition de personnels soignants à ces horaires.

Ces ajustements doivent permettre de répondre au mieux à la problématique lancinante des urgences. Cependant, cette question reste liée à celle de l’accès aux soins de premier recours. Un travail doit donc être mené avec la médecine de ville. La négociation conventionnelle en cours entre l’assurance maladie et les syndicats de médecine a précisément pour objectif d’améliorer la réponse de la médecine de ville aux soins primaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.

M. Jean Sol. Monsieur le ministre, j’entends bien votre réponse, mais ne croyez-vous pas que la situation dramatique de nos établissements, publics et privés, mérite mieux qu’une forme d’indifférence ou des annonces qui n’y répondent pas ou seulement partiellement, et qui divisent, plus qu’elles ne fédèrent, autour de la qualité et de la sécurité de la prise en charge des urgences que nous devons à nos concitoyens ? Je vous demande donc un véritable plan Orsec (organisation de la réponse de sécurité civile), un plan d’urgence pour panser nos urgences !

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Bélim. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Bélim. En France, la couverture et l’organisation des systèmes de santé demeurent très hétérogènes d’une région à l’autre. À ces disparités s’ajoutent dans les outre-mer des problématiques territoriales spécifiques qui peuvent constituer des barrières ou retarder l’accès aux soins pour les patients.

Si l’on évoque les disparités démographiques, la Martinique deviendra en 2050 le plus vieux département de France. Cette singularité doit nous obliger à prendre en compte les nouveaux besoins en santé, telle que la prise en charge des polypathologies ou encore des mesures d’accompagnement pour maintenir l’autonomie des personnes.

On peut aussi évoquer les disparités épidémiologiques. En 2005, lors de l’épidémie du chikungunya, la population réunionnaise avait été infectée à hauteur de 35 %.

Ces spécificités sont nombreuses, et appellent à des considérations propres à chaque territoire et bassin régional. Or les financements dont dépendent nos établissements répondent à des règles prétendument égalitaires, mais qui ne permettent pas d’établir une réelle égalité. L’hôpital public a pourtant toute sa place dans nos bassins régionaux. L’isolement géographique doit être un levier pour le rayonnement du savoir-faire français en matière de recherche et de soins.

Le CHU de La Réunion, hôpital de référence de l’océan Indien, a besoin d’un soutien pérenne pour faire face aux défis du territoire réunionnais, avec un potentiel développement lucratif à destination de la clientèle au sein du bassin océanique.

Si l’ensemble des acteurs ont accueilli avec satisfaction les annonces de novembre et février dernier, des questions se posent néanmoins. La revalorisation prévue sera-t-elle conduite en un seul temps ? Le Gouvernement travaille-t-il à une actualisation pour 2025 ? Les évacuations sanitaires, marqueurs de solidarité nationale, seront-elles enfin prises en compte parmi les charges ?

Plus généralement, alors que les outre-mer rassemblent plus de 2,8 millions d’habitants, des actions adaptées sont nécessaires pour réduire les écarts et améliorer l’accès aux soins des patients, quel que soit leur lieu de prise en charge. Le Gouvernement travaille-t-il à une véritable vision pour ces populations ultramarines en matière de santé ?

Oui à la continuité des soins, mais nous exigeons également de la qualité et des politiques adaptées ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice, on ne peut pas dire que l’outre-mer soit délaissé en matière d’investissements publics destinés à accompagner le développement de l’offre de soins.

J’ai cité la rénovation du centre hospitalier de Mayotte et la création d’un deuxième hôpital sur ce même territoire. La reconstruction du CHU de la Guadeloupe est l’un des plus gros investissements hospitaliers de notre territoire, avec celle du CHU de Nantes. La création d’un CHU en Guyane représentera en outre un effort de modernisation important pour ce département.

L’État accompagne également le CHU de La Réunion, au travers d’une aide en trésorerie pour aider cet établissement à faire face aux difficultés financières aiguës qu’il traverse. La mission de l’Igas devra nous permettre de comprendre les causes du dysfonctionnement de cet hôpital dont la situation s’est très fortement et rapidement dégradée, bien plus que dans tous les autres CHU de France, outre-mer compris. Le rapport de l’Igas nous aidera à tirer un constat clair, précis et transparent.

Tous les gouvernements précédents ont agi de la sorte : jamais l’État n’a abandonné un hôpital, que ce soit en outre-mer ou en métropole. L’État sera au rendez-vous de l’urgence financière, mais aussi des restructurations à opérer si cela est nécessaire. L’hôpital n’est pas une entreprise, mais il doit tout de même répondre à des critères de gestion, ce qui n’est pas le cas actuellement : il faut donc remettre la rivière dans son lit.

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Khalifé Khalifé. Monsieur le ministre, nous avons une chose en commun : vous étiez président de la FHF, j’ai été pendant plus de quarante ans médecin hospitalier et près de vingt ans président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalier régional de Metz-Thionville. Je peux donc, comme vous, saluer le travail quotidien des hospitaliers, mais aussi mesurer le malaise qui les affecte ces derniers temps.

Néanmoins, mon intervention concernera la formation paramédicale et médicale. Grâce aux efforts des conseils régionaux, la formation paramédicale est territorialisée : ainsi, même les plus petites communes de France comptent des infirmières, notamment libérales.

C’est loin d’être le cas des formations médicales. Vous avez évoqué une augmentation de 15 % du nombre d’étudiants par rapport à 2019. Cependant, vous savez comme moi que les facultés de médecine dépendent très peu du ministère de la santé, mais bien davantage d’un autre ministère. Nous aimerions vous entendre sur ce sujet, car si l’on part de zéro, une augmentation de 15 % ne représente pas grand-chose ! Aussi, cette augmentation est plus théorique qu’autre chose.

Par ailleurs, les épreuves classantes nationales (ECN) favorisent certains territoires ; elles ont ainsi entraîné des disparités territoriales dans la répartition des médecins. Du temps de la régionalisation, moins de médecins étaient formés, mais leur répartition sur le territoire était plus homogène. L’avis du ministère de la santé sur cette question mériterait d’être entendu, notamment par les autres ministères. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur Khalifé, je connais votre investissement dans la cause hospitalière depuis des années, et l’expertise pointue qui est la vôtre au sein de cet hémicycle.

Sur la formation, vous avez raison de pointer la difficulté de concilier l’intention d’augmenter massivement le nombre d’étudiants formés et la propre dynamique des universités, qui fonctionnent de manière autonome. Nous devons obtenir de celles-ci qu’elles ouvrent les vannes de la formation pour accueillir des promotions bien plus importantes.

Je me réjouis de constater que nous comptons 15 % à 20 % d’étudiants en médecine de plus qu’en 2019. Ce n’est pas un miroir aux alouettes : ces étudiants, dans une dizaine d’années environ, selon la spécialité, pourront prendre en charge la santé des Français. Néanmoins, il faut aller plus vite et plus loin. Nous devons travailler avec les doyens afin de favoriser l’accélération de l’ouverture des filières de formation.

Par ailleurs, nous devrions aussi nous pencher sur le cas des étudiants français partis suivre une formation ailleurs en Europe, du fait de la rigueur des épreuves, et parce qu’ils étaient exclus, pour quelques dixièmes de points parfois, des filières françaises. Pour autant, ils reviendront en France dans quelques années, après avoir achevé leurs études en Belgique, en Roumanie, en Espagne ou ailleurs. Cela vaut d’ailleurs aussi pour les paramédicaux.

Une réunion aura lieu prochainement avec les doyens, au plus haut niveau du Gouvernement, afin de fédérer l’ensemble du corps enseignant autour de cette ambition. En effet, nous devons nous assurer d’avoir suffisamment de professeurs et de terrains de stage – quitte à ouvrir ces derniers dans d’autres établissements que les seuls hôpitaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, pour garantir le service public hospitalier, c’est-à-dire l’accès de tous à des soins de qualité, sans dépassements d’honoraires, l’État ne peut pas faire tout seul !

Je veux ici rendre hommage aux établissements de santé privés sans but lucratif, qui font tenir le service public, en particulier dans certaines disciplines comme la psychiatrie ou la réadaptation, et dans toutes les grandes métropoles. Je pense à Paris, bien sûr, avec l’hôpital Saint-Joseph, l’Institut mutualiste Montsouris et le groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon, ou encore l’hôpital Foch de Suresnes. À Bordeaux, à Marseille, à Lille : comment les urgences seraient-elles assurées sans ces établissements ?

Pourtant, plus de 80 % de ces établissements sont en déficit – un taux qui atteint 90 % en région parisienne. Et quand il n’y a plus de trésorerie, plus de soutien bancaire, il n’y a pas d’actionnaire, il n’y a pas l’État, il n’y a rien ! Plusieurs établissements, dont certains fleurons de l’hospitalisation reconnus comme des exemples de bonne gestion, risquent d’aller au tapis.

S’ils souffrent, c’est parce que l’État a organisé une concurrence totalement déloyale au sein même du service public hospitalier. À missions égales, à activité égale, les établissements de santé privés sans but lucratif sont systématiquement pénalisés. J’en veux pour preuve les coefficients de pondération et de minoration qui leur sont appliqués. Les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic), qui représentent 10 % de l’activité, n’ont bénéficié que de 2 % des crédits consacrés aux établissements en difficulté.

J’en appelle, monsieur le ministre, à des mesures d’urgence et à une réforme globale visant à garantir l’égal traitement des acteurs du service public hospitalier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Carrère-Gée, vous avez raison de rappeler le rôle éminent des établissements privés à but non lucratif. Dans beaucoup de spécialités, ce sont des établissements d’excellence, qui sont des références dans le monde entier – je pense notamment à l’hôpital Gustave-Roussy. Il faut donc soutenir ces établissements, au même titre que les hôpitaux publics.

Je serai moins sévère que vous sur les différenciations de traitement que vous évoquez. Prenons l’affaire des tarifs hospitaliers, que plusieurs orateurs ont évoquée. Les établissements privés à but non lucratif bénéficieront des mêmes augmentations de tarif que les établissements publics. Il n’y a pas de différenciation.

Le coefficient de majoration mis en œuvre de manière temporaire durant la crise sanitaire sera diminué de 50 % cette année et disparaîtra en 2025. C’était un engagement du Président de la République : il sera tenu. J’y ai veillé, afin de corriger l’anomalie de la période covid, durant laquelle le Gouvernement a beaucoup plus aidé les établissements qui étaient en première ligne – à savoir les hôpitaux publics. Ces mécanismes de financement sont en train de disparaître.

Il n’y a donc pas de différence de traitement. Au contraire, nous nous efforçons d’accompagner tous les établissements qui participent à la prise en charge des Français : c’est le cas de nombre des établissements privés à but non lucratif, qui se démarquent dans beaucoup de domaines par leur excellence.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Le coefficient de minoration a effectivement été réduit de moitié cette année, monsieur le ministre, mais son maintien même demeure injustifiable.

Au reste, la réduction du coefficient de minoration est de la poudre aux yeux, car, dans le même temps, le coefficient de pondération – cette autre règle à laquelle les hôpitaux publics ne sont pas soumis – a lui été augmenté de 0,7. En clair, ce que l’on a donné aux établissements privés sans but lucratif d’une main, on leur reprend de l’autre. Ce n’est pas acceptable !

Il faut au contraire prendre des mesures d’urgence pour soutenir les établissements qui en ont besoin, ainsi que tous leurs soignants. Ces derniers se dévouent à l’extrême pour garantir le service public au plus près des territoires. Ils travaillent dans l’urgence partout, sans dépassement d’honoraires, et, eux, ils ne peuvent compter sur le back-up de l’État.

Pour éviter que ces soignants n’aillent au tapis, il faut les soutenir et cesser de les décourager, voire de les accabler ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Pour vous rassurer, madame Carrère-Gée, je rappelle que la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap), qui représente les établissements privés non lucratifs à l’échelon national, a récemment publié un communiqué pour se féliciter des arbitrages de la campagne tarifaire.

Si la Fehap est satisfaite, c’est bien que ces établissements se sentent soutenus et reconnus. C’est en tout cas ce que leurs représentants m’ont indiqué il y a quelques jours quand je les ai reçus.

Soyez donc rassurée, madame la sénatrice : il n’y a pas de différence de traitement, et s’il a pu en exister pendant la covid-19, ces règles vont disparaître, de manière que s’applique le droit commun, c’est-à-dire la pleine reconnaissance du rôle et de la place éminente de ces établissements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. La Fehap s’est en effet réjouie que les tarifs des établissements privés non lucratifs augmentent de 4,3 % comme pour l’hôpital public, ce qui est une très bonne chose.

Toutefois, contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre, un coefficient de minoration, certes réduit de 50 %, et un coefficient de pondération demeurent. Les règles ne sont donc, hélas ! pas les mêmes.

Certains établissements dont la trésorerie est affectée et qui connaissent une situation très difficile ne s’en remettront pas sans votre soutien et des mesures urgentes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Un État qui ne peut plus prendre soin de ses malades, c’est une nation qui faillit à sa mission.

Personne ici ne peut le nier, l’hôpital français est en crise : fermetures de lits subies, notamment dans les services de pédiatrie, postes vacants, majoritairement en pédopsychiatrie, démissions, déficits… Des symptômes qui se sont aggravés depuis la crise sanitaire et que le Ségur de la santé n’a, hélas ! pas fait disparaître.

Le rapport sénatorial de mars 2022 intitulé Hôpital : sortir des urgences, confirme d’ailleurs ce malaise : une crise qui s’éternise et des soignants qui s’épuisent.

Je défends une institution que vous connaissez par cœur, monsieur le ministre, la FHF, notamment celle de Provence-Alpes-Côte d’Azur, où les attentes sont nombreuses.

Si les enjeux inhérents à la situation budgétaire et au modèle de financement irriguent nos débats ce soir, je souhaite attirer votre attention sur la question de l’investissement, qui est tout aussi cruciale.

Dans le département des Alpes-Maritimes, dont je suis élue, plusieurs projets sont aujourd’hui bloqués, comme la reconstruction du bâtiment médico-technique de l’hôpital d’Antibes. Cette modernisation, indispensable pour s’adapter au nombre exponentiel de demandes, permettrait notamment un agrandissement des urgences. Comme vous le savez, monsieur le ministre, ce sujet cristallise une grande partie des tensions.

Ce n’est toutefois pas le seul exemple. Les urgences du centre hospitalier de Menton, dont la structure date de 1979, doivent aussi absolument être rénovées. Ce sont les seules urgences publiques françaises présentes sur un territoire transfrontalier ne comptant pas moins de 100 000 habitants. Ce projet essentiel, je dirais même vital, n’a pas bénéficié du Ségur, l’intégralité des crédits ayant d’ores et déjà été épuisés.

Plus qu’une question financière, être capable d’accueillir aux urgences nos concitoyens et de les soigner est une question de dignité.

Je sais quels efforts ont déjà été consentis, monsieur le ministre. Ils sont toutefois insuffisants pour permettre à nos établissements de fonctionner correctement et à nos hospitaliers de travailler décemment. Il est donc urgent de mettre en place un « Ségur II » pour soutenir l’investissement, afin de remettre nos hôpitaux à niveau, c’est-à-dire de placer leurs moyens à la hauteur des enjeux.

L’adaptation à l’évolution des besoins de santé n’est pas une option : c’est une urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. J’ai été fier et honoré de présider la vénérable institution qu’est la Fédération hospitalière de France, madame la sénatrice. Deux de mes prédécesseurs, Gérard Larcher, qui préside désormais vos débats dans cet hémicycle, et Jean Leonetti, auquel j’ai immédiatement succédé, m’ont tous deux beaucoup appris.

J’en viens au plan d’aide à l’investissement du Ségur de la santé. Avant d’envisager un « Ségur II », madame la sénatrice, il nous faut aller au bout du volet investissements du Ségur actuel.

Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Le volet investissements emporte un financement de 15,5 milliards d’euros. Sur les 36 projets qui ont été validés, 23 sont en cours d’instruction nationale. Une grande partie des fonds n’a toutefois pas encore été affectée.

Je n’ai pas en tête les données relatives aux projets d’Antibes et de Menton. Certains montants méritent peut-être d’être ajustés, car, depuis que les coûts ont été estimés, il y a quelque mois, l’inflation est passée par là.

En tout état de cause, soyez assurée que je souhaite accélérer le déploiement des projets d’investissement, tels qu’ils ont été prévus. Il nous faut pour cela faciliter l’instruction administrative des dossiers, qui est parfois pénalisante et qui emporte des allers et retours sans fin, de manière à pouvoir trancher rapidement. Comme je l’indiquais, il nous faut sans doute aussi réajuster les coûts pour tenir compte de l’inflation.

Je vais examiner l’ensemble des dossiers, de manière que nous puissions avancer très rapidement. Dès demain, j’étudierai les projets de Menton et d’Antibes, cette dernière commune étant particulièrement chère à mon cœur, pour les raisons que vous devinez.

Mme la présidente. La parole est à M. Clément Pernot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Clément Pernot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, nous pouvons le dire, l’hôpital se moque de la charité ! Il n’est plus le lieu de compassion, de bienveillance, d’attention et de soins que nous avons connu dans un trop lointain passé.

Cela, c’était la France d’avant, quand la population rurale pouvait compter sur un service public médical de proximité, construit autour d’hôpitaux vivants et respectés. Maternité, chirurgie et urgences œuvraient avec humanité. Nos anciens, un peu soigneurs dans l’âme, avaient sûrement compris que la présence des proches était médicamenteuse.

Votre France d’après, du sud au nord, d’est en ouest, accentue, elle, l’agonie de nos hôpitaux ruraux. Nous sommes les tristes témoins de la poursuite de la dégénérescence de la compétence régalienne de votre ministère.

L’hôpital de la commune dont je fus élu, Champagnole, dans le Jura, dont le territoire embrasse un bassin de vie de 50 000 habitants, voit, après la disparition de sa maternité et de son service de chirurgie, ses urgences fermées et remplacées par une unité mobile hospitalière paramédicale, naturellement dépourvue de médecin urgentiste !

La main sur le cœur, vos hommes de main, les responsables des ARS, nous promettent que c’est bien suffisant pour le bon peuple rural. De qui se moque-t-on ? La perte de chance est une réalité. Vous pouvez ne pas entendre la représentation nationale, mais gare à vous, monsieur le ministre, car le peuple des mal-soignés gronde.

De nombreuses associations se créent, les lettres de plainte prolifèrent, la judiciarisation de masse se profile. Vos directeurs d’hôpitaux ne pourront pas tout vous dissimuler encore bien longtemps.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier que, dans notre pays, l’accès aux véritables soins d’urgence dépende du code postal ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Monsieur le sénateur, j’ai moi-même été maire durant dix-sept ans dans le sud de la Seine-et-Marne, qui est le 97e ou le 98e département du pays en termes de densité médicale ; en tenant compte de sa population, toutefois, sans doute le Jura a-t-il de quoi en conter à la Seine-et-Marne.

En tout état de cause, je ne méconnais pas la situation des territoires et je ne m’informe pas uniquement au travers des directeurs d’hôpitaux ou de fonctionnaires cachés je ne sais où.

La mortalité infantile a beaucoup reculé en France depuis plusieurs décennies.

Mme Émilienne Poumirol. Elle augmente désormais !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Aussi, quand vous faites référence à « la France d’avant », j’ignore si vous pointez la France d’il y a quarante ans, cinquante ans ou soixante ans, monsieur le sénateur.

Les progrès de la médecine nous permettent de prendre en charge les femmes dans des conditions de sécurité qui n’étaient pas assurées pour nos mères ni a fortiori pour leurs aïeules.

Il nous faut aujourd’hui concilier le progrès médical, les normes de sécurité souhaitées par la population et l’enjeu de la proximité, qui est essentiel.

Je souhaite que les hôpitaux de proximité soient réinvestis. Il ne s’agit pas de promettre que nous les transformerons tous en CHU ou en maternités, car, pour les naissances comme pour tout acte médical, en particulier chirurgical, la sécurité doit primer.

Je préfère pour ma part me faire opérer par un chirurgien qui effectue le geste dont j’ai besoin à longueur de journée, quitte à parcourir 300 kilomètres, plutôt que par un chirurgien de proximité qui ne réaliserait ce même geste que deux fois par an.

Mme Annie Le Houerou. Les plus vulnérables n’ont pas les moyens de se déplacer pour se faire soigner !

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. Il faut donc parvenir à graduer les soins. Et comme vous, monsieur le sénateur, je crois que cela passe par un réinvestissement de la proximité, de manière à faire des hôpitaux de proximité des lieux de vie, de soins et de prise en charge qui soient des lieux d’humanité.

Contrairement à vous, j’estime toutefois que l’humanité n’a pas quitté l’hôpital. Si les hospitaliers sont soumis à des pressions et à des rythmes qui peuvent les éloigner de l’humanité, nous entendons tous, autour de nous, de nombreux patients hospitalisés témoigner du dévouement des personnels qui les ont pris en charge.

Si je suis donc moins sévère que vous, je vous rejoins sur la nécessité de réinvestir les hôpitaux de proximité pour les doter d’un véritable statut, de missions définies et des financements suffisants.

Mme la présidente. La parole est à M. Clément Pernot, pour la réplique.

M. Clément Pernot. Je me réjouis de vos propos sur l’hôpital de proximité, monsieur le ministre, mais après les mots, il convient de poser des actes. Nous avons connu six ministres en six ans. Il est temps d’agir pour corriger cette incurie sanitaire dans les territoires.

Le XVIIe siècle a inventé le malade imaginaire ; ne devenez pas le ministre imaginaire ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur, au nom du groupe Les Républicains, de conclure ce débat, au cours duquel beaucoup a été dit sur une situation qui n’est – avouons-le – guère réjouissante.

Depuis quelques années, l’hôpital tient, mais l’abîme est devant lui. Nous le savons et nous le regardons, ensemble, s’accrocher au bord du gouffre, alors même qu’il est pris de « lassitude », d’« épuisement », de « fatigue collective », de « malaise » et de « souffrance » : ces mots sont non pas les miens, mais ceux des praticiens, des soignants, des cadres de direction ou d’autres acteurs de la communauté hospitalière, qui, obligés de garder l’équilibre, tiennent bon.

Il y a quelques jours, sur son site internet, France Bleu La Rochelle titrait : « Hôpital de Saintes : “Un jour on aura un drame, s’il n’y a pas plus d’humanité dans la prise en charge” ». J’estime que ce titre est sévère, car il y a encore, à mon sens, de l’humanité dans cet hôpital.

Ce sentiment de manque d’humanité dans les hôpitaux – vous l’évoquiez à l’instant, monsieur le ministre – et de perte de sens chez les professionnels de santé est toutefois réel. Il est la conséquence de la situation dans laquelle se trouve tout un secteur, qui est sous perfusion.

Oui, monsieur le ministre, il faut être lucide, et je crois que nous le sommes. Sans misérabilisme, je vous l’accorde, il nous faut prendre en compte les faits.

Il ne faut plus qu’un nourrisson en détresse respiratoire se voie refuser l’accès à un service de pédiatrie.

Il ne faut plus qu’un jeune homme de 25 ans atteint d’une septicémie trouve la mort à cause d’un mauvais diagnostic résultant du faible nombre de personnels soignants.

Il ne faut plus que l’on retrouve une femme de 85 ans morte dans un conteneur dans le sous-sol d’un hôpital quarante-huit heures après sa venue, et dont la fille s’entendra dire que trois personnes en urgence vitale en même temps, cela fait déborder le vase… Comment accepter tout cela ?

Non, on ne peut pas demander aux soignants d’en faire plus avec moins. On ne peut pas non plus demander aux hôpitaux de donner beaucoup lorsqu’ils n’en ont pas assez.

Comment ne pas rappeler les coups de rabots subis par l’hôpital ces dernières années, à coups de PLFSS guidés par une logique de maîtrise des dépenses de santé et de réduction du déficit de la sécurité sociale qui, naturellement, nous concerne tous ? Et je n’évoque même pas l’Ondam, dont le montant est considérable, mais dont nous ne pouvons débattre des différents postes de dépense.

Paradoxalement, tout n’est pas qu’une question de financement. Je ne suis pas certaine, par exemple, qu’une revalorisation différenciée des tarifs hospitaliers entre hôpitaux publics, établissements privés non lucratifs et établissements privés lucratifs soit la solution.

Le débat que nous avons eu ce soir appelle des réponses fortes sur l’organisation et le fonctionnement des établissements de santé, mais également une réflexion plus globale sur la place de l’hôpital dans l’organisation du système de soins.

En effet, si l’hôpital concentre un certain nombre de difficultés, c’est aussi en raison de défaillances plus générales dans l’accès aux soins et dans la coordination des moyens pour assurer la bonne prise en charge des patients.

Dans ses différents travaux, le Sénat a formulé de nombreuses recommandations.

Je pense naturellement aux travaux de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, menée en 2022 par notre ancienne collègue Catherine Deroche et notre collègue Bernard Jomier. Dans leur rapport intitulé Hôpital : sortir des urgences, ils suggéraient entre autres d’améliorer le parcours du patient en décongestionnant l’hôpital et en le décloisonnant de la médecine de ville, d’assurer les prises en charge hospitalières au plus près des besoins des patients et de fédérer les acteurs locaux de santé pour mieux répondre aux besoins dans les territoires.

Nous mesurons tous les tensions croissantes et l’usure qui fragilisent aujourd’hui les ressources humaines de l’hôpital. Pour y répondre, il faut faire confiance et redonner espoir aux acteurs hospitaliers, ce qui permettra de rendre de la liberté et de l’autonomie aux équipes soignantes et aux établissements, ainsi que de l’attractivité et du sens aux métiers du soin.

La clôture de ce débat est aussi l’occasion de porter notre regard sur l’avenir, dont le principal défi est l’attractivité des métiers pour les nouvelles générations qui seront amenées à se former.

Au-delà des conditions matérielles qui doivent être réunies, il faut transmettre un message : lorsque la solidarité est mise à l’épreuve, lorsque notre unité en est heurtée, notre perception de l’humain doit être questionnée. Une société qui prend soin des plus faibles, de ses aînés et de ses malades est une société qui s’honore.

En cette fin de ce débat, je tiens à saluer tous ceux qui tiennent bon et qui continuent, avec conscience professionnelle et abnégation, de prendre en charge chaque jour des patients.

Plutôt qu’une réforme de la gouvernance des hôpitaux – le président Mouiller l’évoquait au début de ce débat –, plutôt qu’une réforme de la gouvernance annoncée par le Président de la République lors de ses vœux en janvier 2023, réforme dont je rappelle qu’elle devait s’appliquer au 1er juin prochain, plutôt qu’un rapport que nous attendons toujours, mieux vaut faire confiance aux chefs de service et à leurs équipes soignantes, non pas seulement lorsqu’une crise sanitaire survient, comme en 2020, mais chaque jour et pour chaque patient. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la situation de l’hôpital.

10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 3 avril 2024 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement

À seize heures trente et le soir :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (texte de la commission n° 467, 2023-2024) ;

Une convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan (texte de la commission n° 451, 2023-2024) ;

Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge (texte de la commission n° 393, 2023-2024) ;

Troisième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en troisième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d’un démembrement (texte de la commission n° 473, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)

nomination dun membre dune commission

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Mireille Jouve est proclamée membre de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER