7
Accord judiciaire avec le Kazakhstan
Adoption définitive en procédure accélérée et en procédure d’examen simplifié d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan (projet n° 212, texte de la commission n° 451, rapport n° 450).
Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
projet de loi autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la république française et la république du kazakhstan
Article unique
(Non modifié)
Est autorisée la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan, signé à Nour-Soultan le 28 octobre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
8
Convention d’extradition avec le Cambodge
Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge (projet n° 665 [2021-2022], texte de la commission n° 393, rapport n° 392).
Discussion générale
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux. Madame la présidente, monsieur le rapporteur – cher Christian Cambon –, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre la République française et le royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015 par les ministres de la justice des deux pays.
La France et le Cambodge entretiennent une relation dynamique, qui a vocation à se renforcer encore davantage et à se diversifier.
Cette relation est fondée sur des coopérations d’excellence, par exemple dans le domaine de la santé ou du patrimoine. La préservation du site d’Angkor illustre la richesse de ce travail commun.
Les relations bilatérales avec le Cambodge se sont encore renforcées sous l’impulsion du Président de la République.
Le Cambodge adhère aux ambitions de l’accord de Paris ; il pourra compter sur la France comme partenaire sur les enjeux globaux.
Nos deux pays partagent une communauté de valeurs, notamment un attachement à la Charte des Nations unies. Cet attachement s’est matérialisé par la prise de position du Cambodge à l’Assemblée générale des Nations unies contre l’agression russe de l’Ukraine ainsi que par l’organisation de formations au déminage pour l’armée ukrainienne.
La situation de la démocratie cambodgienne reste toutefois un sujet de vigilance. La France, coprésidente de la conférence qui a conduit à la signature des accords de paix à Paris, le 23 octobre 1991, y veille avec une attention particulière. Ces accords appellent le royaume du Cambodge à mettre en œuvre les mesures qui permettront d’assurer une réelle démocratie, pluraliste et respectueuse des libertés fondamentales.
Pour ces raisons, et au regard de la dynamique de notre relation et du rôle historique de la France, nous avons avec le Cambodge un dialogue franc et constructif sur la question de la démocratie et des droits de l’homme.
Nous n’éludons aucun sujet. Nous n’avons ainsi pas hésité à déplorer les mesures restrictives à l’encontre de médias indépendants et de membres de l’opposition dans les mois qui ont précédé les élections législatives de 2023.
Le Cambodge sait que le renforcement de notre partenariat suppose de veiller au respect des droits de l’homme.
La convention d’extradition soumise à votre approbation est une illustration de la dimension opérationnelle de cette coopération.
Ce texte vient compléter le tissu conventionnel avec ce pays dans le domaine judiciaire, la France et le Cambodge étant d’ores et déjà partie à plusieurs conventions multilatérales spécialisées, adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations unies : la convention unique sur les stupéfiants, adoptée en 1961 ; la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée en 1984 ; la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée en 1988 ; la convention contre la criminalité transnationale organisée, adoptée en 2000 ; la convention contre la corruption, adoptée en 2003.
Cependant, aucune convention bilatérale ne lie nos deux pays en matière de coopération judiciaire.
La coopération en matière d’extradition repose actuellement sur le principe de réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale.
Depuis le 1er janvier 2009, quatre demandes d’extradition ont été échangées entre la France et le Cambodge : trois ont été émises par les autorités françaises, une par les autorités cambodgiennes.
Les demandes d’extradition émises par la France ont concerné des faits de viol sur mineur de 15 ans, agressions sexuelles aggravées, trafic de stupéfiants, abus de confiance, escroquerie, faux et blanchiment. Elles avaient pour fondement tant des poursuites que l’exécution d’une peine. Toutes ces demandes ont donné lieu à la remise de la personne recherchée.
L’unique demande d’extradition passive a quant à elle donné lieu à un avis défavorable de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Paris en raison du caractère incomplet des réponses apportées par le gouvernement cambodgien.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la convention qui est aujourd’hui soumise à votre approbation a pour double objectif de faciliter et d’encadrer les demandes d’extradition entre nos deux États. Elle énonce un engagement d’extradition fondée sur une infraction pénale ou une condamnation pénale comportant une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l’autre partie à la suite d’une infraction pénale.
Cependant, la convention prévoit plusieurs motifs de refus obligatoires ou facultatifs.
Ainsi, l’extradition ne sera pas accordée lorsque la partie requise considère que la personne recherchée est réclamée pour une infraction politique ou encore lorsqu’elle a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une ou l’autre de ces raisons.
En outre, conformément au principe de respect des droits de la défense, une demande d’extradition sera rejetée si la personne réclamée doit être jugée dans la partie requérante par un tribunal d’exception n’assurant pas les garanties fondamentales de procédure ou si elle doit exécuter une peine infligée par un tel tribunal.
L’extradition sera également refusée si les faits qui la motivent sont passibles de la peine de mort. Je tiens cependant à rappeler que la peine de mort a été abolie au Cambodge en 1989.
Je sais que plusieurs sénateurs ont émis en commission des réserves sur cette convention, fondées sur une inquiétude en matière de respect des droits de l’homme. Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, cette question a bien été intégrée et les dispositions de la convention sont protectrices des droits et libertés fondamentales.
Pour conclure, il convient de relever que le royaume du Cambodge a ratifié cette convention le 14 octobre 2020.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle la convention d’extradition signée en 2015 avec le royaume du Cambodge, qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui soumis à votre approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
(M. Pierre Ouzoulias remplace Mme Sylvie Vermeillet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias
vice-président
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Christian Cambon, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet l’approbation d’une convention d’extradition entre le Gouvernement français et celui du royaume du Cambodge, signée à Paris le 26 octobre 2015 par Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, et M. Ang Vong Vathana, ministre cambodgien de la justice. Le royaume du Cambodge a, pour sa part, achevé la ratification de cette convention depuis le 14 octobre 2020.
Précisons-le d’emblée, il est manifeste que l’enjeu de ce texte ne se limite pas à sa portée opérationnelle, qui est assez modique : seulement trois demandes d’extradition ont été formulées par la France et une par le Cambodge entre 2009 et 2013, et aucune au cours des dix dernières années.
Ces échanges extraditionnels, jusqu’à présent réalisés sur le fondement d’un principe informel de réciprocité, se trouvent tributaires du bon vouloir des parties ; leur sécurisation juridique pâtit de cette absence de cadre formel. Cependant, compte tenu de leur caractère sporadique, la signature d’une convention bilatérale ne s’imposait pas vraiment d’un point de vue strictement opérationnel.
C’est pourquoi, au cours de sa réunion du 6 mars dernier, c’est sur le double contexte dans lequel s’inscrit ce texte que la commission des affaires étrangères a essentiellement débattu : d’une part, le contexte de la détérioration de la situation des droits de l’homme au Cambodge depuis 2017, qui nous a interpellés et qui a motivé la demande de nos collègues du groupe CRCE-K de retour à la procédure normale pour l’examen de ce projet de loi ; d’autre part, le contexte de notre relation bilatérale, qui connaît quant à elle une dynamique très positive. Tout cela explique la tenue de ce débat en séance publique.
En matière de droits de l’homme, la commission n’a pu que regretter le profond décalage entre le droit affiché et la pratique. Certes, la Constitution comme la loi pénale cambodgiennes garantissent le respect des droits de l’homme, la liberté d’expression, l’indépendance des juges, la séparation des pouvoirs, les droits de la défense, la présomption d’innocence et encadrent strictement la garde à vue et la détention provisoire. Toutefois, il est clair que la mise en pratique de cette panoplie de garanties, qui n’a rien à envier aux démocraties les plus abouties, n’est pas à la hauteur des principes affichés.
Ainsi, les élections législatives du mois de juillet 2023 ont été précédées d’une vague de répression envers l’opposition au parti gouvernemental, qui a empêché toute opposition crédible : condamnation à vingt-sept ans de prison de l’opposant Kem Sokha et dissolution de son parti ; condamnation par contumace de Sam Rainsy et de soixante-dix autres opposants à des peines allant de vingt ans de prison à la perpétuité ; diverses mesures entravant le droit de vote et la liberté de la presse… Les syndicalistes, les défenseurs des droits fonciers, les militants écologistes font également l’objet d’intimidations et d’arrestations, que les ONG dénoncent régulièrement.
Cette situation interne a valu au royaume du Cambodge de se voir retirer par l’Union européenne, dès 2020, une partie des préférences commerciales qui lui avaient été accordées au titre du régime « Tout sauf les armes » (TSA), dont il bénéficiait depuis 2001.
Aussi la commission des affaires étrangères a-t-elle abordé avec une certaine circonspection, dans un premier temps, l’examen de ce texte, dont la ratification est repoussée depuis neuf ans en raison de la situation politique intérieure cambodgienne.
Si, à l’issue des auditions menées avec les services du ministère de la justice et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, j’ai, en tant que rapporteur, proposé à la commission l’approbation de cette convention, c’est pour un certain nombre de raisons.
D’abord, la commission a jugé rassurantes les garanties apportées aux justiciables par le texte. Sa rédaction, qui reprend le texte proposé par la France, est conforme en tous points aux standards juridiques nationaux et internationaux. Les motifs de refus qu’elle prévoit – les infractions politiques, les demandes paraissant motivées par l’origine ethnique, le sexe, la nationalité ou la religion de la personne réclamée, ainsi que le fait de posséder la nationalité de la partie requise – entraînent le rejet immédiat du dossier et interdisent toute demande d’extradition abusive ou formulée à l’encontre d’un opposant au régime.
Par ailleurs, la commission a observé qu’alors même que la peine capitale a été abolie au royaume du Cambodge en 1989 et que sa prohibition est inscrite dans sa constitution depuis 1993, la convention prévoit fort prudemment une clause de substitution de cette peine, afin de parer à toute tentation de retour en arrière.
Enfin, une clause dite humanitaire permet de rejeter une extradition susceptible de mettre en danger la personne réclamée en raison de son âge ou de son état de santé, ce qui nous est également apparu tout à fait pertinent.
Cet arsenal de précautions constitue autant de garde-fous qui encadrent la mise en œuvre de la future convention. La commission des affaires étrangères a estimé que, dans ces conditions, rien ne s’opposait à opérer, en cas de besoin, des échanges extraditionnels avec le royaume du Cambodge, comme la France le fait déjà, dans le cadre de conventions bilatérales similaires, avec cinquante-quatre États, dont la Chine ou l’Iran. Ainsi, les extraditions, qui sont aujourd’hui réalisées sur le fondement d’un principe informel de réciprocité, n’en seront que mieux cadrées et sécurisées, tant sur le fond que sur la forme.
Le second élément de contexte qui a nourri nos échanges en commission lors de l’examen de cette convention est la relation bilatérale franco-cambodgienne. En effet, après un temps d’arrêt pendant la pandémie et la période post-covid, celle-ci connaît une dynamique particulièrement constructive, avec la visite officielle de Sa Majesté Norodom Sihamoni, roi du Cambodge, au mois de novembre 2023, et celle du nouveau Premier ministre Hun Manet, le 18 janvier dernier. À cette occasion, les dirigeants cambodgiens ont réaffirmé leur volonté d’approfondir cette relation et se sont montrés demandeurs d’un partenariat renforcé avec la France.
Ces contacts récents s’inscrivent dans la continuité d’une coopération de longue date, héritée à la fois d’une histoire commune et du rôle central joué par la France dans le développement du pays et dans la mise en place de ses institutions, depuis les accords de Paris de 1991. La présence très active de la communauté cambodgienne en France et la place importante de la francophonie au sein du royaume contribuent à nourrir ces liens. Il y a donc une logique historique au renforcement de notre partenariat, à laquelle notre commission a été sensible.
En outre, la commission a jugé que, dans le contexte mondial actuel, où l’influence française est de toutes parts et par tous moyens remise en question, une telle volonté de rapprochement avec la France, clairement affirmée par le royaume du Cambodge, méritait d’être soulignée, voire encouragée.
De plus, cette relation privilégiée peut constituer un cadre efficient pour accompagner des évolutions positives dans le domaine des droits de l’homme, notamment au regard de la lutte contre l’impunité, de la question de l’égalité des droits des personnes LGBT+, du droit de l’environnement, ou pour œuvrer en faveur de la grâce d’opposants au régime.
Tel est le sens que je souhaite donner à l’adoption de ce projet de loi, qui a été approuvé par la commission des affaires étrangères dans sa majorité : un regard sans naïveté ni complaisance sur la situation intérieure du royaume, mais aussi le choix d’approfondir notre relation bilatérale avec un pays qui se trouve à la croisée des chemins, entre une influence chinoise particulièrement présente et une volonté de cultiver ses liens avec la France en renforçant et en diversifiant un partenariat ancré dans notre histoire commune.
En utilisant le levier de cette convention, laquelle renforcera objectivement, sans risque juridique notable, la lutte contre la criminalité menée par nos deux pays, notre diplomatie est dans son rôle. C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite à approuver ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRCE-K et le groupe GEST ont demandé un débat sur la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Cambodge, convention qui attend sa ratification depuis 2015. En effet, depuis sa signature par Mme Taubira, alors garde des sceaux, ce texte a été déposé trois fois à l’Assemblée nationale ou au Sénat ; à chaque fois, il a fini par être retiré.
Ces rétropédalages successifs sont liés à la détérioration très préoccupante de la situation des droits de l’homme dans le royaume du Cambodge.
Plusieurs rapports, notamment celui du Comité des droits de l’homme des Nations unies, décrivent une situation des droits civils et politiques au Cambodge plus que problématique. Le rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge a par ailleurs fait état, dans son rapport en date du 20 juillet 2023, d’arrestations et de poursuites injustifiées à l’encontre de défenseurs des droits humains, de journalistes ainsi que de dissidents politiques.
Notons par ailleurs que le parti du sauvetage national du Cambodge, principale formation d’opposition, reste interdit et que les actions engagées contre ses membres et les militants du parti de la bougie, qui lui a succédé, se poursuivent encore aujourd’hui. D’ailleurs, cette situation a conduit l’Union européenne à retirer dès 2020 une partie des préférences commerciales accordées au Cambodge au titre du régime « Tout sauf les armes », dont il bénéficiait depuis 2001.
En outre, l’augmentation considérable de la population carcérale et les conditions de vie dans les prisons du pays sont pointées par ces différents rapports. Le taux de surpopulation serait de 300 % selon le rapporteur spécial de l’ONU, lequel souligne également un accès insuffisant des prisonniers à la nourriture, à l’eau potable et aux soins médicaux.
Les observations finales concernant le troisième rapport périodique du Cambodge, publié le 18 mai 2022, sont plus préoccupantes encore. En effet, si le Comité des droits de l’homme se félicite que les droits consacrés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques soient traduits dans la législation, il s’est tout de même déclaré profondément préoccupé par les graves allégations de tortures et de mauvais traitements infligés en garde à vue et dans d’autres lieux de détention.
Dès lors, après lecture de ces différents rapports, soutenir la ratification de cette convention, c’est, une fois de plus, signer un « deux poids, deux mesures » en matière de défense et de respect des droits humains. Ce double standard ulcère légitimement nos concitoyens et décrédibilise la voix de la France sur la scène internationale.
C’est pourquoi nous pensons nécessaire de voter contre ce texte tant que nous n’aurons pas de solides garanties montrant la fin de telles exactions contre les droits humains. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. André Guiol. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. André Guiol. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France et le Cambodge sont partenaires dans plusieurs domaines, sous l’égide des Nations unies.
La convention unique sur les stupéfiants, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ou encore la convention du 31 octobre 2003 contre la corruption permettent déjà une offre de réciprocité entre nos deux pays. Cependant, pour une meilleure sécurisation juridique de l’extradition, cet arsenal multilatéral mérite d’être complété par une coopération bilatérale directe.
Aussi nous faut-il regarder avec intérêt le présent projet de loi de ratification, qui a déjà été retiré de l’ordre du jour à plusieurs reprises, ce qui appelle notre prudence et notre vigilance.
Malgré la faiblesse du nombre de cas potentiellement concernés, cette convention d’extradition entre nos deux pays permettra de renforcer la lutte commune contre la criminalité.
Enfin, cette convention répond à une exigence plus globale d’adaptabilité de la coopération judiciaire, au regard d’enjeux autour de litiges transnationaux, majoritairement d’ordre intrafamilial, ou de la question de l’exploitation sexuelle.
Bien évidemment, nos débats sur ladite convention ne doivent pas occulter la situation très fragile des droits de l’homme dans ce pays, ainsi que la dérive autoritaire du régime. À ce titre, le haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a qualifié la situation démocratique du pays de « très préoccupante ».
Lors des élections législatives du mois de juillet dernier, les partis d’opposition, les syndicats et les médias ont été ciblés par des procédures judiciaires, des intimidations et, parfois, des menaces physiques…
Ne pas retenir la procédure d’examen simplifié pour ce texte sert la vigilance, dont notre assemblée doit faire preuve.
C’est également l’occasion de rappeler la nécessité pour nos entreprises françaises de ne pas contribuer au désordre environnemental qu’engendre la stratégie dite du pentagone, mise en place par le Premier ministre cambodgien.
De jeunes militants écologistes sont jetés en prison parce qu’ils défendent les forêts cambodgiennes, menacées par des projets économiques d’envergure. Par ailleurs, le Vietnam s’inquiète du grand risque de désastre écologique qu’entraînerait le détournement des eaux du Mékong projeté par son voisin.
Au-delà de ces exigences, on ne peut nier la nécessité de conserver le dialogue avec le pouvoir en place, dans un contexte et une région du monde en proie aux velléités impérialistes de l’axe sino-russe.
Dès lors, nous considérons que cette convention s’inscrit dans une dynamique de rapprochement de nos deux pays, au nom de la stabilité régionale.
Les récents échanges diplomatiques entre le président Macron et le roi Norodom Sihamoni, puis le Premier ministre cambodgien, illustrent les efforts déployés pour renforcer nos relations bilatérales. Ceux-ci ont permis de s’engager vers une relation basée sur un « nouveau partenariat stratégique », en d’autres termes le plus haut niveau de relation diplomatique.
Le groupe RDSE se réjouit de ce rapprochement, qui s’inscrit en effet dans la stratégie indo-pacifique de la France, mais sans perdre de vue les efforts que Phnom Penh doit fournir en matière démocratique pour arriver à un niveau de responsabilité satisfaisant.
Espérant que ce projet de loi y contribuera, même modestement, le groupe RDSE l’approuvera. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà presque neuf ans, le 26 octobre 2015, la France et le Cambodge concluaient une convention d’extradition.
Depuis lors, le projet de loi d’approbation de ladite convention a connu un parcours difficile, symptôme des remous diplomatiques qui ont animé les relations entre la France et le Cambodge. Celles-ci se stabilisent, comme en témoigne la rencontre entre le Président de la République et le Premier ministre du royaume du Cambodge, le 18 janvier 2024.
Voilà donc l’occasion pour notre Parlement de débattre enfin sur ce texte, qui a été déposé, puis systématiquement retiré à plusieurs reprises entre 2016 et 2022.
Aboutissement des négociations bilatérales entre la France et le Cambodge, cette convention entend permettre le renforcement de la coopération entre les deux pays. Son approbation serait également un pas de plus vers la concrétisation du projet de convention d’entraide en matière pénale, second aspect des négociations entre la France et le Cambodge.
Président de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) en 2022, le Cambodge est un acteur de premier plan dans la région indo-pacifique, avec lequel l’Union européenne, a fortiori la France, souhaite collaborer.
Alors ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, M. Olivier Becht affirmait au mois de janvier 2023 que la relation économique entre la France et le Cambodge était déjà forte, mais qu’elle pouvait se renforcer davantage.
Ce souhait est toujours d’actualité, les chefs d’État français et cambodgien ayant depuis réitéré leur souhait de voir les investissements bilatéraux fleurir et les partenariats économiques se renforcer.
J’ai souhaité rappeler le rôle géopolitique et économique qu’occupe le Cambodge pour souligner l’importance d’une bonne entente et d’une coopération solide entre ce pays et le nôtre.
N’oublions pas que nous partageons une histoire et des valeurs communes.
La France souhaite que le Cambodge soit représenté à haut niveau au XIXe sommet de la francophonie, au mois d’octobre prochain. Le Cambodge fait par ailleurs preuve d’exemplarité en matière de promotion de la francophonie : le pays a officialisé son souhait d’accueillir la XXe édition de ce sommet en 2026.
En matière environnementale, nous partageons et nous soutenons l’ambition cambodgienne d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Par ailleurs, les liens culturels et historiques qui lient nos deux pays sont de toute évidence très forts et inaltérables. Notre histoire commune s’écrit en français et en cambodgien.
Poursuivre l’écriture de cette histoire à deux plumes nécessite de voter le présent projet de loi et d’approuver définitivement la convention d’extradition qui erre dans les limbes législatifs depuis trop longtemps.
Au-delà du contexte politique et géopolitique dont nous avons déjà discuté, concentrons-nous sur le texte en lui-même.
La convention comprend des dispositions importantes et poursuit un but vertueux, à savoir le renforcement des capacités communes de la France et du Cambodge dans la recherche et l’appréhension de malfaiteurs en fuite.
Le Cambodge, où continue malheureusement de prospérer le trafic d’êtres humains, notamment des enfants, à des fins d’exploitation sexuelle, peut être un pays refuge pour des Français auteurs d’infractions à caractère sexuel.
Que dire, à part que cette convention est un pas dans la bonne direction pour assurer l’extradition de ces malfaiteurs, la bonne tenue de leurs procès et, le cas échéant, la bonne application de la peine qui en résultera ?
Enfin, je tiens à préciser que je respecte mes collègues qui s’inquiètent des manquements cambodgiens en matière de droits de l’homme, de la liberté de l’information et du pluralisme politique. Ces manquements sont indéniables et les inquiétudes exprimées sont toutes légitimes.
Je pense cependant que l’histoire récente laisse entrevoir une évolution positive du Cambodge sur de nombreux sujets.
Dans leur déclaration commune faisant suite à leur entretien du mois de janvier dernier, le Président de la République et le Premier ministre cambodgien ont tous deux reconnu la nécessité du pluralisme politique et la protection des droits fondamentaux, deux piliers de la démocratie. Ils ont tous deux exprimé leur souhait de coopérer en ce sens.
Cette nette amélioration des relations entre la France et le Cambodge s’accompagne du témoignage de la bonne volonté du Cambodge dans le respect de la démocratie et l’application de ses valeurs, qui sont chères à la France.
En conséquence, la majorité des membres du groupe RDPI votera pour ce texte, certains s’abstiendront.