M. Ronan Dantec. Très bien !

M. Raphaël Daubet. Je ne trouve pas, dans le texte issu de la commission mixte paritaire, les garanties que j’espérais.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est dommage !

M. Raphaël Daubet. J’estime notamment que faire d’un expert un décideur du jour au lendemain – et inversement – n’est pas un bon choix. Personnellement, je n’ai jamais rencontré un expert capable de décider. Les experts tirent leur force de leur acuité, de leur esprit d’analyse, de leur capacité à s’attacher aux détails.

À l’inverse, je doute fort de la capacité d’un décideur à développer des expertises pointues dans quelque domaine que ce soit. En revanche, les décideurs sont aptes à trancher et à prendre des risques.

Il me semble donc assez ubuesque, voire dangereux de permettre aux acteurs concernés de changer ainsi de casquette d’une instruction de dossier à l’autre.

Par ailleurs, je m’inquiète du net recul qu’induit ce projet de loi en matière de transparence. La publication des avis d’experts en amont de la décision constitue le fondement de leur contre-pouvoir, c’est-à-dire de leur capacité à influer sur la décision – n’en déplaise aux décideurs. Repousser la publication des rapports au moment de l’annonce de la décision, comme le prévoit le texte, revient à sacrément affaiblir le rôle et l’intérêt de ceux-ci.

Au bout du compte, je ne suis pas convaincu de la plus-value d’une telle fusion des instances, a fortiori dans un contexte d’urgence. Pis encore, les garde-fous qui prévenaient une forme d’opacité de la prise de décision et un affaiblissement de la qualité d’expertise ont disparu de cette version du texte.

Pourtant, d’autres choix sont possibles. Par exemple, nous pourrions augmenter substantiellement les ressources et les moyens humains des deux structures et les inciter à mener un travail en interne pour alléger les procédures.

Le groupe du RDSE, à une très large majorité, considère que, en l’état, ce projet de loi ne nous permettra pas de maintenir le degré d’exigence que nous attendons pour notre sûreté nucléaire.

Toutefois, j’y insiste, en rejetant ce texte, nous ne nous opposons pas au nucléaire. Au contraire, nous réitérons notre volonté de renforcer nos instances de sûreté nucléaire et d’en améliorer l’indépendance et la transparence, en vue de relever le défi hors norme de la relance de notre filière nucléaire. (M. Sébastien Fagnen applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi portant sur la gouvernance de la sûreté nucléaire est primordial pour accompagner la relance historique de notre filière nucléaire. Surtout, il s’inscrit dans un contexte particulier et traduit une ambition, celle de faire de la France le premier grand pays industriel au monde à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles.

Il s’agit d’un défi d’une ampleur considérable. Pour le relever, nous devons nous appuyer sur la stratégie française pour l’énergie et le climat, en produisant, d’une part, une énergie décarbonée, nucléaire comme renouvelable, et en diminuant, d’autre part, notre consommation énergétique.

Nous le faisons, tout d’abord, grâce à la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui a été adoptée l’année dernière. Pour la première fois, en 2022, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’électricité en France a atteint 30 %, après une augmentation de six points en un an.

Dans la même optique, Bruno Le Maire et vous-même, monsieur le ministre, avez fait, la semaine dernière, plusieurs annonces visant à dynamiser le secteur de l’énergie solaire, notamment en soutenant la fabrication de panneaux photovoltaïques en France.

Ensuite, c’est également tout le sens de la loi d’accélération du nucléaire, que nous avons adoptée il y a quelques mois, et du cap très ambitieux que notre majorité a fixé en la matière. À cet égard, je salue une nouvelle fois le travail de la précédente ministre chargée de l’énergie, Agnès Pannier-Runacher.

Comme je l’ai rappelé lors de la première lecture de ce texte, nous n’avons pas le nucléaire honteux. Nous soutenons la relance du secteur pour répondre à plusieurs enjeux : réduire nos émissions grâce à la production d’une énergie décarbonée ; baisser la facture pour les ménages ; tenir notre engagement à sortir des énergies fossiles ; participer à la réindustrialisation de la France – nos chantiers d’EPR2 seront les plus importants d’Europe ; enfin, renforcer la souveraineté énergétique de notre pays, dans un contexte géopolitique instable.

M. Yannick Jadot. Certainement pas !

Mme Nadège Havet. Si l’histoire du nucléaire a été couronnée de succès et que le secteur bénéficie d’un large niveau de confiance, c’est avant tout grâce au cadre de sûreté qui a été mis en place. Celui-ci repose avant tout sur la responsabilité des exploitants, mais aussi sur une organisation permettant un contrôle indépendant.

Le chantier qui nous attend est complètement hors norme, tant en volume qu’en complexité. Alors que nous n’avons développé qu’un seul EPR en France durant les dix-neuf dernières années, la relance du nucléaire va demander une montée en charge et en capacité inédite pour la filière depuis le plan Messmer. Il s’agit d’un changement complet de paradigme. Aussi apparaît-il nécessaire de réformer la gouvernance de notre sûreté nucléaire.

Lorsque nous avons entamé, en commission, l’examen de ce projet de loi le 31 janvier dernier, une grande partie des cinquante-cinq amendements qui ont été adoptés visaient à répondre aux inquiétudes qu’il suscitait, en apportant des précisions sur la séparation entre les activités d’expertise et de décision au sein de la future autorité et sur la publication des avis d’expertise.

En séance, nous avons confirmé ces avancées. L’Assemblée nationale a ensuite rendu sa copie, comportant quelques points de divergence avec la nôtre. Mercredi dernier, grâce au travail des rapporteurs, nous sommes parvenus à un accord lors de la commission mixte paritaire, exprimant une position d’équilibre.

Tout d’abord, nous nous sommes accordés sur la fusion de l’ASN et de l’IRSN en une autorité administrative indépendante unique, l’ASNR.

Ensuite, nous nous sommes accordés pour distinguer l’expertise et la décision dans l’organisation des instructions. Nous avons rétabli les dispositions, voulues par le Sénat, qui consacrent, pour chaque dossier, une distinction entre le personnel chargé de l’expertise et celui chargé de la décision, en précisant que cette distinction s’opère pour une instruction donnée et ne concerne que les dossiers pour lesquels l’instruction recourt à une expertise.

Enfin, nous nous sommes accordés sur le projet de règlement intérieur de la future autorité, qui devra être présenté, comme les projets de modification, à l’Opecst.

Par ailleurs, plusieurs points nécessiteront une attention particulière dans le contexte d’une activité démultipliée : le respect de l’engagement pris par le Gouvernement d’un rattrapage des rémunérations des salariés et des contractuels publics ; l’accompagnement des changements majeurs dans les procédures de travail ; la mise en œuvre claire des dispositions sociales ; enfin, l’accompagnement du plan de recrutement massif, 100 000 postes devant être pourvus en dix ans – il s’agit, là encore, d’un défi colossal à relever.

Pour toutes ces raisons, mon groupe se prononcera en faveur de ce texte de compromis. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Gilbert-Luc Devinaz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la transition énergétique passe par le nucléaire.

Le Président de la République nous a présenté sa stratégie en la matière ; le premier étage de la fusée est un plan de construction de quatorze EPR. Quel dommage que, en 2015, le ministre de l’économie ait décidé de brader la branche énergie d’Alstom à l’américain General Electric, privant ainsi la France de ses turbines stratégiques !

Ce projet de loi, qui est le deuxième étage de la fusée, va déstabiliser le secteur qui assure notre sûreté et notre sécurité, alors que personne n’a su nous démontrer les limites de ce modèle, riche de vingt-cinq ans d’expérience.

Pour la première fois dans l’histoire du nucléaire français, l’unanimité ne sera pas de mise, le Gouvernement s’entêtant dans la politique de clivage qu’il mène depuis sept ans.

Les défenseurs de cette réforme ont une obsession : l’expert ne doit pas dicter la décision. Aussi ce texte permettra-t-il, malheureusement, au décisionnaire de faire taire l’expert.

Compte tenu des moyens de communication en réseau et du foisonnement de fausses informations, le meilleur moyen d’assurer la confiance est la transparence : plus l’organisation sera transparente, plus le doute sera éliminé.

Dès lors, pourquoi faire l’inverse ? Pour faire plus vite, moins cher et mieux ? Le cas de Boeing, qui a appliqué cette logique, devrait vous refroidir…

Par ailleurs, ce texte est un vecteur d’affaiblissement pour la recherche. Cela s’explique sans doute par l’idée fausse selon laquelle la recherche porterait forcément un risque de surenchère, alors qu’elle permet au contraire de répondre rationnellement aux inquiétudes et ainsi d’éviter les blocages insolubles.

La réflexion sur la différence entre les fonctions d’évaluation et de décision a été insuffisante ; les proximités, les équilibres et les différences entre les deux n’ont pas été pris en considération. Alors qu’une imbrication forte entre expertise et recherche est gage de pertinence et d’efficacité en matière de maîtrise des risques, cette réforme vise, semble-t-il, à dissoudre l’expertise dans la fonction de décision. Dans ce contexte, il aura été difficile de réfléchir à la place à donner à la recherche dans le système de gouvernance unifié qui est proposé.

Ce manque de vision et l’absence d’une évaluation sérieuse des risques d’une telle fusion ont conduit à retenir le statut d’autorité administrative indépendante pour le futur organisme, alors qu’une administration n’est pas un lieu approprié pour mener des projets de recherche.

Cette question est tout particulièrement prégnante au vu de la part importante des moyens humains, mais surtout financiers, qu’il faudrait consacrer à la recherche au sein de la future autorité, comme l’a souligné l’ancien délégué aux risques majeurs Philippe Vesseron.

Nous ne pourrons le constater que dans la durée, mais nul doute que l’organisation instaurée par ce texte sera contre-performante, car elle nuira à la viabilité de notre capacité de recherche, à la proportionnalité des mesures de sûreté, aux liens de sûreté et de sécurité entre le nucléaire civil et le nucléaire de défense, et à la transparence, donc à la confiance.

En effet, l’IRSN a permis de partager les connaissances scientifiques avec la société civile ; son action a été soutenue et encouragée par le débat public.

Par ailleurs, ce projet de loi met en péril notre organisation à court terme : il fragilise les équipes, la fusion conduisant nécessairement à un choc culturel, dans un contexte clé de relance du nucléaire ; il déconnecte la sûreté nucléaire de la sécurité nucléaire, alors qu’elles sont intimement liées ; il réduit la transparence, laissant les choix de publication au bon vouloir de la nouvelle structure ; enfin, il renvoie l’essentiel à un futur règlement intérieur, qui ne dit rien de l’équilibre organisationnel.

Pour réussir notre transition énergétique, nous aurons besoin de l’électricité nucléaire. Par cette réforme, nous allons retarder cette transition, désorganiser nos structures et nous exposer à des risques. Avec ce texte, les énergies fossiles ont de belles années devant elles, alors que le réchauffement climatique ne nous permet pas de continuer d’y recourir.

Nous regrettons que les voix qualifiées n’aient pas été entendues et nous restons opposés à cette réforme à risque. Notre groupe votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger la séance afin d’achever les points inscrits à l’ordre du jour.

Il n’y a pas d’observations ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable applaudit également.)

M. Patrick Chaize. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les projets de loi ordinaire et organique que nous examinons comportent trois réformes techniques destinées à accompagner la relance de la filière nucléaire, qui a été actée par la loi dite Nouveau Nucléaire du 22 juin 2023.

La commission des affaires économiques était chargée de l’examen au fond des articles 12 et 16 à 18 du projet de loi ordinaire, relatifs à la simplification des règles de la commande publique et au repositionnement du haut-commissaire à l’énergie atomique. Elle s’est saisie pour avis des autres articles de ces projets de loi concernant la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Je me félicite que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord. Ce ne fut pas facile, car la réforme était bien mal engagée. L’an passé, la commission des affaires économiques avait rejeté des amendements présentés à la hâte par le Gouvernement pour leur préférer une saisine de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. C’était indispensable.

Cette année, le remaniement nous a privés pendant un mois d’un ministre chargé du dossier. Aussi n’avons-nous pu auditionner personne en commission !

Heureusement, notre travail de fond a payé : nous avons fait prospérer de nombreux apports sénatoriaux. En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, j’ai fait adopter en première lecture une trentaine d’amendements : un tiers sur les articles dont la commission était saisie au fond et deux tiers sur ceux où elle l’était pour avis. Plus d’une vingtaine de ces dispositions subsistent dans les textes finaux, ce dont je me réjouis.

Il en va ainsi de l’article 12 sur le haut-commissaire à l’énergie atomique. Nous avons ajouté à ses missions la possibilité d’indiquer au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et à toute autorité administrative l’orientation scientifique et technique qui lui paraît souhaitable.

De plus, nous avons veillé à ce qu’il puisse émettre un avis sur le projet de loi de programmation de l’énergie, qui a été mise en attente, de même que sur le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est en préparation.

En ce qui concerne ses modalités d’actions, nous nous sommes assurés que le haut-commissaire pourra être saisi pour avis sur un projet de texte législatif ou réglementaire, un projet d’acte de l’Union européenne ou une question relative aux activités nucléaires civiles. J’ai également souhaité qu’il évalue chaque année l’état des activités nucléaires civiles.

Quant à son mode de désignation, si l’Assemblée nationale n’a pas souhaité qu’il relève de la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution, je me réjouis que, en contrepartie, ce choix ait prévalu pour le président du conseil d’administration de la société Orano. Alors que le cycle du combustible nucléaire prend un tournant plus stratégique que jamais, il s’agit d’un progrès historique pour le contrôle parlementaire des décisions du Gouvernement comme des orientations de la filière nucléaire.

En ce qui concerne les articles 16 à 18, relatifs à la commande publique, je me félicite du maintien de deux facultés introduites par le Sénat pour les porteurs de projet : le critère de crédibilité des offres et le recours à des avenants. Ces souplesses additionnelles étaient demandées par la filière nucléaire.

Nous sommes aussi parvenus à ajuster utilement le périmètre des souplesses administratives initiales en y intégrant, aux côtés des marchés uniques, les marchés mixtes, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices, ainsi que les installations idoines, dont celles d’entreposage et de gestion des déchets.

En outre, nous avons obtenu de conserver l’obligation pour les porteurs de projet de notifier à l’État le recours aux dérogations aux règles de publicité et de mise en concurrence, dont le Gouvernement rendra compte à son tour au Parlement.

Je suis convaincu que la simplification a priori des normes doit s’accompagner d’un renforcement a posteriori des contrôles. C’est une exigence économique pour prévenir toute dérive des délais et, in fine, des coûts.

J’aurai un dernier mot sur la création de l’ASNR, pour me féliciter du maintien de dispositions que j’avais proposées : l’instauration d’un préfigurateur pour mener à bien la fusion ; l’application d’une règle de parité ; l’exigence de publication concomitante des résultats d’expertise et des décisions ; la protection du secret des affaires ; l’interdiction, dans certains cas, du recours à du personnel étranger ; enfin, l’évaluation des besoins financiers et humains du CEA.

Je me réjouis également que des dispositions que j’ai soutenues aient été conservées, notamment la possibilité pour l’Opecst de prendre connaissance du règlement intérieur de l’autorité, la séparation entre les fonctions d’expertise et de décision, l’institution d’une commission de déontologie, ou encore le recours à un groupe permanent d’experts.

Au total, les mesures que j’ai citées étant indispensables à la relance du nucléaire, tant espérée par la filière, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de ces deux textes, comme le fera mon groupe. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement du Sénat, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 174 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 233
Contre 109

Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Louis Vogel applaudit également.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique

 
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 233
Contre 109

Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi quau banc des commissions. – M. Louis Vogel applaudit également.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le ministre, je vous remercie, ainsi que votre collègue Christophe Béchu, de votre engagement.

Je remercie également le président de l’Opecst, Stéphane Piednoir, de même que Sophie Primas, qui, alors présidente de la commission des affaires économiques, avait saisi l’Office de ce projet de réforme.

Enfin, je tiens à saluer l’excellente collaboration entre la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques, dont je remercie la présidente, Dominique Estrosi Sassone, et le rapporteur pour avis, Patrick Chaize. Ce dernier a réalisé avec Pascal Martin un excellent travail. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDPI.)

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Mes chers collègues, permettez-moi d’adresser un remerciement particulier au rapporteur Pascal Martin, qui a réalisé un travail remarquable et s’est montré attentif et à l’écoute. Son labeur et sa volonté de dialogue ont permis à la commission mixte paritaire d’aboutir à un accord. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDPI.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution
 

9

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
Article 1er

Diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du Gouvernement, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (texte de la commission n° 513, rapport n° 512).

La parole est à M. Pascal Allizard, au nom de la commission mixte paritaire. (Mme Frédérique Puissat applaudit.)

M. Pascal Allizard, au nom de la commission mixte paritaire. Je serai bref : la commission mixte paritaire qui s’est réunie jeudi dernier pour examiner ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, mieux connu sous l’acronyme auquel nous avons fini par nous habituer de « Ddadue », a été conclusive.

Au sein des nombreux articles de ce texte, trois points ont fait l’objet de plus de débats que les autres.

Le premier point portait sur les retours de congé maladie : l’alignement avec le droit européen impose une information des salariés, notamment du secteur privé, sur les congés payés auxquels ils ont droit après ce retour. Nous avons trouvé un accord.

Le second point avait trait au rôle des chambres d’agriculture. Il fallait, à l’article 34, définir l’articulation des contrôles entre les chambres d’agriculture et leurs partenaires, qu’il s’agisse des départements ou des interprofessions.

Le troisième point portait sur l’harmonisation du droit de la garde à vue. À titre personnel, je m’étonne, depuis que j’ai été nommé président de la commission spéciale chargée de ce texte, que nous traitions un sujet aussi important – la garde à vue est une mesure privative des libertés individuelles – par le truchement d’une loi-balai un peu fourre-tout. Quoi qu’il en soit, nous avons fini par parvenir à un accord avec nos collègues députés et, surtout, avec le garde des sceaux.

Pour conclure, je rappelle que nous avons mené une expérience intéressante au Sénat : nous avons partagé le texte en deux et avons eu recours à la procédure de législation en commission sur dix-huit articles – cela s’est très bien passé et nous a permis d’être proactifs – tout en laissant de côté, en accord avec tous les membres de la commission spéciale, les sujets les plus sensibles pour qu’ils fassent l’objet d’un débat en séance publique.

Voilà, mes chers collègues, la synthèse que je puis faire des travaux de la commission mixte paritaire. Je ne doute pas que nous adopterons ce texte à l’issue de la discussion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Bernard Buis applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez ce soir le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière de numérique, d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole.

Ce projet de loi a fait l’objet d’une commission mixte paritaire conclusive le 4 avril dernier, ce dont le Gouvernement se réjouit. Cet accord est le fruit d’un dialogue constant et exigeant, notamment avec les rapporteurs Cyril Pellevat et Daniel Fargeot, dont je tiens à saluer le travail.

Le droit français s’enrichit régulièrement des décisions prises conjointement avec les autres États membres. La création d’un cadre européen unifié est la meilleure protection et le meilleur moyen d’accompagnement que nous puissions garantir à nos entreprises et à nos concitoyens, et ce partout en Europe.

C’est cette exigence de disposer d’un droit national conforme aux évolutions législatives européennes que nous souhaitons maintenir, exigence qui nous a permis de placer la France au premier rang du classement des États membres, établi par la Commission européenne, en matière de transposition des directives. Actuellement, sur un stock non négligeable de près de mille directives concernées par le marché intérieur qui devaient être transposées en droit interne, une seule reste en attente. Nous pouvons nous en réjouir et être collectivement fiers de ce bilan.

Les Ddadue sont des objets particuliers et s’attellent bien souvent à des points très techniques. C’est la raison pour laquelle ce texte contient des habilitations à légiférer par ordonnance, dont je sais que les parlementaires ne sont généralement pas très friands. J’en conviens, mais soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement s’est efforcé de limiter au maximum leur nombre dans ce texte. De plus, nous avons veillé à ce que les délais octroyés soient raisonnables, tout en tenant compte de la complexité d’un certain nombre de dispositions à transposer.

Sans revenir dans le détail sur les sujets variés que le texte aborde, je souhaite m’arrêter un instant sur plusieurs points qui m’intéressent plus particulièrement en tant que secrétaire d’État chargée du numérique.

Tout d’abord, l’article 3 habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance, pour y apporter les correctifs nécessaires, la loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, adoptée sur l’initiative du député Stéphane Vojetta, qui en fut en outre le rapporteur.

C’est primordial pour que cette loi soit conforme au droit européen et donc pleinement applicable sans risque juridique, puisque la Commission nous avait alertés en ce sens.

En effet, le règlement sur les services numériques, ou Digital Services Act (DSA), étant entré en vigueur postérieurement à son adoption, certains articles de ladite loi étaient devenus redondants. C’est donc à juste titre que le présent article 3 permet leur abrogation.

D’autres articles du titre Ier de cette loi doivent également faire l’objet de modifications.

Il convient notamment d’insérer explicitement dans la loi, telle qu’elle sera réécrite par ordonnance, la possibilité d’utiliser les procédures de dérogation au principe du pays d’origine (PPO) afin que des règles protectrices des consommateurs français puissent s’imposer à des influenceurs installés dans un autre État membre de l’Union européenne, quand cela sera nécessaire et de manière proportionnée.

Enfin, je me félicite que la commission mixte paritaire ait opté pour une durée d’habilitation de neuf mois. Ce délai est en effet nécessaire pour mener à bien les consultations juridiquement obligatoires, notamment celles de la Commission européenne et du Conseil d’État. Tout cela demande du temps et un tel délai nous permettra de mener à bien ces échanges.

Par ailleurs, aux termes de l’article 35 du présent texte, le Gouvernement remettra, dans un délai de trois mois à compter de sa promulgation, un rapport au Parlement sur la mise en œuvre de la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, texte issu d’une proposition de loi du président du groupe Horizons de l’Assemblée nationale, Laurent Marcangeli.

Ce rapport nous permettra de mieux prendre en compte les observations transmises par la Commission européenne dans le cadre de la procédure de notification préalable.

L’enjeu de la vérification d’âge en ligne est très important ; tel est d’ailleurs l’objet des articles 1er et 2 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dit projet de loi Sren.

Sur les plans économique et financier, je salue l’accord trouvé en commission mixte paritaire pour donner le temps nécessaire aux échanges entre la Commission européenne et les différentes parties prenantes.

Plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance sont données au Gouvernement, en matière tant de protection des consommateurs que de droit financier, pour protéger nos sociétés commerciales.

Les amendements proposés par le Gouvernement aux articles 5 et 6 tendent à sécuriser, au regard de l’article 38 de la Constitution, les habilitations telles qu’elles ont été rédigées par la commission mixte paritaire.

La première habilitation, à l’article 5, porte sur la directive relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées, ou directive Women on Boards.

La seconde habilitation, à l’article 6, permettra, quant à elle, d’adapter notre droit au règlement européen révisé sur les transferts de fonds, ou Transfer of Funds Regulation (TFR), qui renforcera considérablement notre dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux.

Nous aurons ainsi, en sus du règlement sur les marchés de crypto-actifs, ou Markets in Crypto-Assets (Mica), qui fait également l’objet d’une habilitation dans ce projet de loi, transposé les deux piliers du cadre européen de régulation des activités des prestataires de services sur crypto-actifs.

En matière de transition écologique, ce Ddadue traduit en droit français la définition de l’hydrogène renouvelable et de l’hydrogène bas-carbone, éléments clés de notre politique de souveraineté énergétique.

En matière de coopération judiciaire, je tiens à souligner l’importance du texte pour soutenir les dispositions renforçant notre lutte antiterroriste. Désormais, un égal accès des services répressifs de tout État membre aux informations disponibles dans d’autres États est garanti.

En matière de protection sociale, plusieurs décisions de justice récentes portant sur le régime des congés payés avaient conduit le Gouvernement à présenter un amendement, sur lequel l’avis du Conseil d’État avait été demandé avant son dépôt, pour remédier à l’inconventionnalité d’un article du code du travail. Cette clarification est nécessaire pour tous les employeurs et tous les salariés.

Enfin, en matière agricole, la gestion par les régions d’une partie des aides relevant du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour la programmation 2014-2022 est facilitée. Le préfet pourra désormais déléguer sa signature aux autorités de gestion régionales pour ce qui concerne les décisions restant à prendre au titre des aides de la précédente programmation de la politique agricole commune (PAC) dont la gestion a été confiée aux régions et qui ont été cofinancées par l’État. Il s’agit d’une mesure de simplification qui était très attendue par les régions.

L’article 34 vise, quant à lui, à garantir la mise en œuvre du règlement européen du 9 mars 2016 relatif à l’identification des animaux et à leurs mouvements, sécurisant le rôle de chambres d’agriculture dans la collecte et l’utilisation de ces données. Je vous présenterai un amendement de clarification sur ce point.

Enfin, les crues exceptionnelles par leur durée et leur intensité que nous avons affrontées récemment et auxquelles nous sommes encore malheureusement confrontés, en particulier dans le nord de la France et dans les Alpes, ont souligné de nouveau l’attente par les collectivités d’un cadre simplifié pour mener les actions de prévention des risques d’inondation prévues par la directive européenne du 23 octobre 2007. Des amendements ont été adoptés pour alléger et simplifier les procédures en la matière.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons nous féliciter que, sur ce Ddadue, les travaux menés de concert nous permettent de disposer d’un droit national conforme aux évolutions législatives européennes récentes, au service de nos entreprises et de nos concitoyens.