Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis est très intéressant et je remercie son auteur Michel Masset, qui nous offre l’occasion de revenir sur plusieurs grands enjeux de biodiversité.
Certains de mes collègues l’ont déjà souligné, cette proposition de loi porte sur la lutte contre les espèces invasives, qui sont l’une des cinq causes majeures de la disparition de la biodiversité.
Je crois, monsieur le secrétaire d’État, que l’exemple du frelon asiatique prouve à quel point notre pays est peu organisé pour faire face à ces espèces.
Vous avez présenté le frelon asiatique comme la septième plaie d’Égypte ; mais attendre vingt ans avant de réagir à ce qui serait la septième plaie d’Égypte, cela montre les difficultés de l’État à s’organiser.
M. Ronan Dantec. Nous n’aurions jamais dû attendre vingt ans pour essayer de répondre à ce problème sérieux, et encore le faisons-nous grâce à une initiative non pas gouvernementale, mais parlementaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous devons profiter de nos échanges pour chercher à développer une capacité d’action rapide de l’État, totalement différente de ce qu’elle est aujourd’hui. Actuellement, dès lors qu’une espèce invasive apparaît, il s’agit d’abord de comprendre comment elle fonctionne et de commander des études, dont les résultats arrivent beaucoup trop tard pour agir.
Or il me semble qu’à travers l’action territoriale de l’Office français de la biodiversité (OFB) nous disposons d’un outil intéressant pour lutter contre les espèces invasives. Toutefois, la logique doit être inversée : il faut éradiquer une espèce invasive avant d’essayer de comprendre son fonctionnement, car plus le temps passe et moins elle peut être éradiquée. Ce renversement ferait la différence.
En outre, je souscris à ce qu’a dit notre collègue Marie-Laure Phinera-Horth sur l’enjeu majeur que constituent les territoires ultramarins, grands centres de biodiversité, où les espèces invasives provoquent d’importants dégâts.
Je rappelle, monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai déjà fait hier, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, que nous attendons les décrets d’application de la loi relative à l’accélération de la production des énergies renouvelables, qui prévoit – c’était du moins l’accord que nous avions passé au Sénat – un partage de la valeur au profit des collectivités territoriales : 15 % doivent être fléchés vers les programmes nationaux d’action sur les espèces menacées, notamment ultramarines. Ainsi, des financements très importants pourraient être déployés contre les espèces invasives, qui menacent d’autres espèces en voie de disparition.
J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez pu prendre bonne note de cette demande.
Il faut également souligner le rôle clé des pollinisateurs. Certains se laissent parfois aller à des phrases un peu trop générales, voire creuses, sur la nécessité de préserver la biodiversité, sans préciser pourquoi il faut le faire. Ce n’est pas le cas au Sénat, où chacun sait bien que l’enjeu soulevé par la question des pollinisateurs est celui de l’avenir de l’agriculture.
Le groupe d’assurances allemand Allianz, dont les responsables ne sont pas vraiment des « poètes écolos », a établi que perdre 20 % de la pollinisation représenterait un coût d’environ 3 milliards d’euros pour l’agriculture. Nous disposons de chiffres assez proches en France.
Cette approche systémique est intéressante : s’il faut hiérarchiser, il faudra d’abord s’en prendre à la cause principale de disparition des abeilles. Ma chère collègue Pluchet, je me tourne, car il suffira de reprendre le texte en remplaçant la mention de « frelon asiatique » par celle de « néonicotinoïdes », la cause principale de la disparition des pollinisateurs restant tout de même les pesticides ! Nous aurons ainsi un texte tout prêt pour nous opposer à certaines propositions de loi récemment examinées à l’Assemblée nationale.
Il faut adopter une approche systémique de l’agriculture. Autoriser l’usage des néonicotinoïdes pour le traitement des betteraves, comme le souhaitent certains collègues députés, c’est aller contre l’agriculture française, car cela entraînerait un coût bien plus important.
Mme Kristina Pluchet. Il n’y a pas de fleurs sur les betteraves !
M. Ronan Dantec. Mais je pense qu’il y a consensus sur le sujet.
M. Laurent Burgoa. Idéologie !
M. Ronan Dantec. Ce texte est important ; j’espère que nous le voterons tous. Il doit nous permettre de relancer notre réflexion sur la lutte contre les espèces invasives ainsi que sur la protection des abeilles, qui sont notre bien commun. (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, le frelon asiatique, arrivé en France par accident en 2004, est désormais présent sur plus des deux tiers du territoire national et continue de s’y étendre.
Aussi, de nombreuses collectivités territoriales doivent faire face à ce redoutable prédateur d’abeilles. Contrairement aux abeilles asiatiques, celles qui sont présentes en France n’ont pas encore mis en place de stratégie de défense efficace contre ses attaques dévastatrices. Or les dégâts du frelon asiatique sont considérables.
D’un point de vue environnemental, avec les pesticides et la monoculture, le frelon asiatique est aujourd’hui considéré comme l’une des causes majeures de la surmortalité des abeilles.
D’un point de vue économique, la perte du chiffre d’affaires pour la filière apicole est estimée à 12 millions d’euros par an – pour certains apiculteurs, les pertes peuvent atteindre jusqu’à 100 % de leur chiffre d’affaires. Pis, dans certaines zones, il est devenu impossible de pratiquer l’apiculture. Qu’en sera-t-il demain ?
Cela représente aussi un coût pour les collectivités locales : une étude du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) met en avant que le contrôle du frelon asiatique par destruction des nids a coûté 23 millions d’euros entre 2006 et 2015 et que le coût annuel ne cesse d’augmenter.
La France, qui est le pays européen le plus touché par ce prédateur, est aussi celui où la réponse politique a manqué de cohérence, de moyens et de coordination, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur.
S’il y a eu quelques efforts en matière de recherche et de financement, comme le rappelle l’Union nationale de l’apiculture française, l’État n’a jamais mis en œuvre de plan d’action visant à réduire la pression sur les ruches ou à soutenir les apiculteurs français face à cette espèce invasive.
La lutte repose actuellement sur la seule mobilisation des apiculteurs, aidés par les collectivités locales. La réglementation n’est à ce jour pas suffisamment contraignante pour l’État, qui n’est soumis à aucune obligation de destruction de nids de frelons ou de financement du piégeage. Pire encore, il n’y a aucun plan d’action cohérent coordonné par l’État.
Nous saluons donc la présente proposition de loi, qui met bien en exergue les effets de la prolifération du frelon asiatique.
Le principe d’une participation financière de l’État aux côtés des collectivités et celui d’une compensation des apiculteurs victimes du frelon asiatique sont bienvenus. Toutefois, nous regrettons que cet accompagnement financier ainsi que l’indemnisation des dommages causés ne soient pas davantage précisés – les modalités de leur mise en œuvre restent floues.
Nous regrettons également que l’obligation générale à laquelle serait soumis le préfet de faire procéder à la destruction des nids de frelons ait été remplacée par un régime laissant à ce dernier une marge d’appréciation. Certes, il faut respecter le cycle de vie du frelon asiatique, mais il faut aussi penser à limiter sa prolifération.
En la matière, la science progresse. La recherche et les expérimentations menées à La Réunion ont montré, par exemple, qu’il était possible de stériliser une population de moustiques pour en contrôler la prolifération.
Nous regrettons aussi que l’indemnisation des apiculteurs ne soit ouverte qu’aux chefs d’exploitation apicoles.
Nous ne sommes pas naïfs. Ce texte, inscrit dans la niche du groupe RDSE, offrira au Gouvernement – nous l’espérons – l’occasion d’impulser une vraie politique de lutte contre les espèces invasives, qui attaquent à la fois nos écosystèmes et nos exploitations agricoles. Il faut une large politique, qui pense cette lutte en s’appuyant sur tous les moyens de la recherche et de l’innovation pour mettre en œuvre des actions concrètes et concertées avec l’ensemble du monde agricole. Les menaces qui pèsent sur l’apiculture sont multiples : en sus du frelon asiatique, elle doit aussi faire face à la loque américaine et au varroa.
Malgré les réserves que je viens d’exprimer, nous voterons ce texte attendu par toute la filière. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE. – Mme Nicole Bonnefoy et MM. Guislain Cambier et Pierre Cuypers applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le frelon asiatique, présent en France depuis vingt ans, prolifère de façon inquiétante et se révèle un fléau redoutable pour les abeilles et l’activité apicole.
Son expansion sur l’ensemble du territoire est inéluctable. Aujourd’hui, seulement 30 % à 40 % des nids sont détruits, alors qu’il faudrait atteindre un taux de 60 % pour seulement freiner sa progression. Le coût actuel des frais de destruction est estimé à 11,9 millions d’euros.
Cette prolifération nous oblige à faire face à trois enjeux majeurs : un problème sanitaire pour les apiculteurs ; la protection de la biodiversité face aux espèces exotiques envahissantes ; la protection de la population face aux attaques de frelons.
Aujourd’hui, il faut trouver une solution pour vivre avec le frelon asiatique tout en limitant ses nuisances. C’est le sens de cette proposition de loi.
Je voudrais dire que certaines collectivités territoriales sont déjà engagées sur ces questions. Je pense à ma région des Pays de la Loire, où une organisation est en place grâce à un maillage associatif efficace. Je pense aussi au réseau Polleniz, un organisme à vocation sanitaire, qui guide efficacement les particuliers et les entreprises vers des professionnels de l’éradication du frelon.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, un plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes a été publié en février dernier afin de protéger les ruchers, la population et la biodiversité. Il a été décliné par les fédérations d’organismes à vocation sanitaire (OVS), par le groupement de défense sanitaire GDS France ou encore par Fredon France, qui est le premier réseau d’experts au service de la santé, du végétal, de l’environnement et des hommes. Monsieur le président de la commission, je précise que ce réseau s’inscrit dans une démarche d’« une seule santé » – One Health.
Il me paraît important de mettre en valeur ces actions qui ont été menées sur le terrain sans attendre l’intervention de l’État et qui fonctionnent.
Si la proposition de loi va dans le bon sens en prévoyant notamment, dans les territoires qui ne sont pas encore suffisamment organisés, que le préfet sera chargé d’alerter la population en cas de présence de nids de frelons, je suis inquiet quant au risque de suradministration qu’une telle mesure pourrait générer et qui perturberait une organisation efficiente dans un certain nombre de départements. Je pense en particulier aux petites entreprises déjà investies sur ces missions d’éradication.
La proposition de loi ne détaille pas non plus comment les préfectures se saisiront concrètement du problème. Rien n’est précisé sur la mise en œuvre d’appels d’offres ni sur la manière de rendre effective l’obligation de déclarer la présence d’un nid de frelons pour nos compatriotes.
C’est pourquoi je présenterai un amendement visant à permettre aux OVS de prendre le relais des préfectures dans les départements où sont déjà mis en place des dispositifs efficaces. Cela permettra de ne pas ajouter une lourdeur administrative inutile et de laisser libre champ aux OVS, qui effectuent un bon travail. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, il faut faire preuve de pragmatisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’apiculture, très discrète, ne manifeste pas, n’arrose pas de lisier les préfectures, n’établit pas de barrages de ballots de paille, mais souffre considérablement.
Agriculteur moi-même, je mesure combien le déficit de pollinisation met en danger le fragile équilibre de la biodiversité et par là nos récoltes, donc notre souveraineté alimentaire.
Le remembrement des bocages, la disparition des haies ont fait chuter le nombre d’insectes de près de 70 %, dont de nombreux pollinisateurs. Or sans pollinisation, pas de fruits ni de légumes, donc pas de culture.
La France importe 60 % de sa consommation de miel : du miel bon marché, venu de Chine, souvent de mauvaise qualité, voire frelaté, tout en conservant l’appellation « miel ». Là encore, l’Empire du Milieu tire son épingle du jeu. On nous envoie du frelon asiatique et on nous vend du miel dans la foulée.
Les filières du miel français tiennent à bout de bras, qu’elles soient alimentaires ou cosmétiques. Mon département, la Seine-et-Marne, peu touché jusqu’en 2020, subit depuis trois ans une pression énorme de cet insecte vorace et destructeur de ruches.
Il est nécessaire, pour lutter contre ce fléau, de disposer d’un réseau fort, compétent et disponible de personnes au plus près des territoires ; de disposer d’outils pour recenser et cartographier les nids ; de structurer les interventions pour piéger les insectes et détruire les nids.
La présente proposition de loi prévoit des mesures, mais tout dépendra des moyens de financement qui seront définis dans le décret d’application. Sans moyens significatifs, comme c’est malheureusement le cas pour de nombreuses lois de notre pays, ce texte ne s’appliquera que dans le Journal officiel.
Face au réchauffement et au dérèglement climatique et compte tenu de la globalisation des échanges commerciaux, d’autres invasions sont à prévoir, dont certaines sont déjà en cours. La présence du frelon oriental a été constatée dans les Bouches-du-Rhône et le frelon bicolore est déjà en Espagne.
Que se passera-t-il si le frelon géant asiatique invasif, déjà présent aux États-Unis, arrive un jour sur le continent européen ? Cet hyménoptère mesure entre quatre et sept centimètres, soit la taille d’un colibri, et peut tuer jusqu’à 300 abeilles en une seule heure. Son arrivée, sans réaction immédiate des pouvoirs publics, sonnerait le glas net et sans appel de toute forme d’apiculture française.
Monsieur le secrétaire d’État, cette proposition de loi, qui est une nécessité absolue non seulement pour les apiculteurs, mais aussi pour l’équilibre de la biodiversité, arrive vingt ans trop tard. Il faudra bien retenir la leçon : n’attendons pas que les catastrophes prennent une ampleur nationale pour légiférer et prendre les décisions qui s’imposent contre les menaces en cours et à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et INDEP.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole
Article unique
I. – Après l’article L. 411-9 du code de l’environnement, sont insérés des articles L. 411-9-1 à L. 411-9-3 ainsi rédigés :
« Art. L. 411-9-1. – I. – Dans le cadre des plans mentionnés à l’article L. 411-9, il est institué un plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes qui détermine :
« 1° Les orientations nationales et les indicateurs de suivi des actions de surveillance, de prévention, de piégeage sélectif et de destruction mises en œuvre dans le cadre des plans départementaux de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes définis au II du présent article ;
« 2° La classification des départements en fonction de la pression de prédation et des dégâts causés aux ruchers et aux pollinisateurs sauvages par le frelon asiatique à pattes jaunes ;
« 3° Les financements alloués à l’information du public, à la connaissance scientifique et à la recherche d’outils de lutte efficaces et sélectifs ;
« 4° L’accompagnement financier des collectivités territoriales dans le cadre des plans départementaux de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes prévus au même II, notamment pour l’acquisition de systèmes de prévention et de lutte contre la prédation.
« Le plan mentionné au premier alinéa du présent I est élaboré par l’État en concertation avec les organismes à vocation sanitaire, les associations représentatives des élus locaux, des représentants d’acteurs socio-économiques directement touchés par la mise en danger des pollinisateurs, d’associations de protection de l’environnement et de membres de la communauté scientifique.
« II. – Le plan départemental de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes est élaboré par le représentant de l’État dans le département en concertation avec le président du conseil départemental, les représentants des communes et de leurs groupements, la section départementale des organismes à vocation sanitaire, les acteurs socio-économiques directement touchés par la mise en danger des pollinisateurs, des associations de protection de l’environnement, l’Office français de la biodiversité et des usagers de la nature.
« Le plan départemental décline territorialement le plan national prévu au I. Le plan départemental est mis à jour au plus tard six mois après chaque modification du plan national.
« III (nouveau). – Un décret fixe les conditions d’application du présent article.
« Art. L. 411-9-2. – Tout occupant légal d’une parcelle au sein de laquelle se trouve un nid de frelons asiatiques à pattes jaunes est tenu de procéder à la déclaration de ce nid au représentant de l’État dans le département. Ce dernier détermine s’il y a lieu de faire procéder à la destruction du nid au regard du danger qu’il représente pour la santé publique et du cycle biologique de l’espèce.
« Art. L. 411-9-3. – Tout dommage imputé au frelon asiatique à pattes jaunes subi par un chef d’exploitation apicole ouvre droit à une indemnisation proportionnée aux dommages. Les montants forfaitaires d’indemnisation et les modalités de calcul de l’indemnisation sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture, pris après avis de l’interprofession apicole et de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation. »
II. – Les éventuelles conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales du I sont compensées, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Anglars. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Aveyron, avec ses 671 apiculteurs et ses 32 700 colonies d’abeilles, n’est pas épargné par le fléau que représente la prolifération du frelon asiatique pour l’apiculture et la culture fruitière.
Cela fait une vingtaine d’années que l’on constate les dégâts grandissants de cette espèce invasive et destructive sur l’écosystème.
L’augmentation du nombre des frelons asiatiques a des conséquences particulièrement violentes sur l’activité des abeilles et sur les ruches, qui sont la cible de la prédation des frelons. Dans certains départements, 40 % des abeilles ont été décimés. Localement, les ravages peuvent être pires encore.
Or le taux élevé d’extinction des abeilles entraîne de grandes difficultés de pollinisation des plantes et des arbres et des conséquences en chaîne pour la biodiversité ainsi que pour la filière apicole.
Pour les apiculteurs et les spécialistes du frelon asiatique, le problème provient essentiellement du fait que 95 % des nids de frelons ne sont pas détruits, alors que chaque nid peut contenir jusqu’à 500 reines, qui feront ensuite 500 nouveaux nids dans un rayon de quelques kilomètres seulement.
Ces constats sont alarmants et plongent les apiculteurs dans l’inquiétude. Il est donc tout à fait regrettable que l’État ne réagisse pas davantage. Je rappelle que le frelon asiatique n’est pas classé en catégorie 1 des espèces nuisibles, ce qui ne manque pas de surprendre.
Globalement, l’absence de cohérence et de financement adéquat a limité l’efficacité des actions menées. Les moyens de lutte dont nous disposons sont insuffisants, raison pour laquelle il est indispensable d’adopter un nouvel arsenal législatif.
Si les solutions proposées dans ce texte vont dans le bon sens, elles ne peuvent constituer qu’une première étape dans la lutte contre les frelons asiatiques. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard pour les apiculteurs, pour la biodiversité et pour la santé publique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Roux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à apporter davantage de souplesse dans la détermination des objectifs et des grandes lignes du plan national de lutte contre le frelon asiatique à pattes jaunes.
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par MM. Dantec, Benarroche et G. Blanc, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
destruction
insérer les mots :
non nocives pour l’environnement
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement de précision est le fruit de l’expérience du terrain.
Nous savons que des marchands sans scrupules préconisent parfois des méthodes de destruction de nids de frelons faisant appel à des produits interdits.
Il s’agit donc de préciser que la destruction des nids doit se faire au travers de moyens non nocifs pour l’environnement, surtout dans la durée. Cet amendement de précisions fait aussi écho aux propos de Nicole Bonnefoy.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Roux, rapporteur. Cet amendement est cohérent avec l’esprit du texte, tout en répondant à la préoccupation de mise en œuvre de systèmes de piégeage sélectifs et efficaces ainsi que de techniques de lutte qui n’endommagent pas la biodiversité.
La rédaction proposée par notre collègue Ronan Dantec et les membres du groupe GEST me paraît tout à fait utile. La lutte contre le frelon asiatique doit conduire à un bilan environnemental positif, sans quoi l’action publique ne serait pas cohérente : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Dantec, premièrement, votre amendement ne s’appuie pas sur une réalité juridique, ce qui est essentiel quand il s’agit de faire la loi.
Deuxièmement, une étude de l’Institut de l’abeille est en cours pour vérifier l’efficacité d’appâts empoisonnés et leur incidence sur l’environnement. Il ne faudrait pas à ce stade que nous nous fermions des possibilités, ce que pourrait entraîner l’adoption de votre amendement.
Troisièmement, il me paraît important de rappeler – et le Sénat y sera sensible – que nous souhaitons déployer la stratégie nationale, tout du moins la décliner, dans le cadre des plans départementaux. Il faut donc laisser à la main des départements le soin de déterminer les différentes techniques à utiliser en prenant en compte les spécificités et les enjeux locaux.
Pour ces trois raisons, je sollicite le retrait de votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Antoine. Je souscris à l’argument de mon collègue selon lequel il faut détruire les frelons en utilisant les méthodes les moins dangereuses pour l’environnement.
Mon propos vise à demander une précision à M. le secrétaire d’État. Les apiculteurs recourent à différents moyens pour venir à bout du frelon asiatique. Ils ont ainsi testé les cannes à vapeur en faisant bouillir de l’eau à 100 degrés Celsius, sachant que le frelon asiatique ne survit pas au-delà de 50 degrés Celsius.
La réglementation en vigueur prévoit qu’il est possible, dans le cadre d’un plan de prévention et de lutte contre un insecte, d’utiliser des cannes à insecticides. Or le protocole à l’eau chaude n’est pas validé, faute d’utiliser un insecticide.
Il y a là un petit non-sens, qui nécessite que l’on revoie la réglementation pour y intégrer d’autres moyens. Il s’agit de répondre à l’attente de nos collègues et à leurs inquiétudes. À cette fin, nous pourrions tous ensemble faire évoluer intelligemment la réglementation à la marge.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Que M. le rapporteur m’en excuse, mais je ne suivrai pas sa position tant l’argument de M. le secrétaire d’État me semble relever du bon sens.
Avec tout le respect que j’ai pour mon collègue Dantec, son amendement de précision est très orienté, de sorte qu’il faut rester prudent. Et comme je suis très prudent et que j’ai beaucoup apprécié votre argumentation, monsieur le secrétaire d’État, je suivrai votre avis et demanderai à mon collègue Dantec de bien vouloir retirer son amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Bien évidemment, je ne vais pas retirer mon amendement. Je tiens d’ailleurs à remercier le rapporteur de son soutien.
Monsieur le secrétaire d’État, la loi définit un cadre. Comment pouvez-vous vous opposer à l’ajout de la précision « non nocives pour l’environnement » ? C’est totalement inexplicable et je n’ai pas bien compris votre argumentation.
En outre, nous sommes tous d’accord sur le fait que la manière dont est menée la lutte contre les espèces invasives ne fonctionne pas : il faut faire étude sur étude avant de pouvoir décider d’une stratégie, lorsqu’il est déjà trop tard…
Vous nous demandez de ne pas voter cet amendement, parce qu’une étude est en cours. Il faudrait donc, en attendant les résultats de ce travail, accepter l’utilisation de produits nocifs pour l’environnement. Vos propos me semblent comporter une contradiction assez forte…
Il est évident – et cela devrait faire consensus – que les techniques de lutte contre le frelon asiatique ne doivent pas nuire à l’environnement ni aux autres hyménoptères. Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, je ne comprends absolument pas votre position ; j’irai même jusqu’à vous proposer de retirer votre avis, car je ne retirerai pas mon amendement. (Sourires.)