Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme ceux qui se sont exprimés avant moi, je veux remercier notre collègue Samantha Cazebonne d’avoir déposé au Sénat cette proposition de loi, qui vise deux objectifs.

Le premier consiste à pérenniser, en l’insérant dans le code civil, le premier volet de l’expérimentation, à savoir la dématérialisation de la délivrance des copies intégrales et des extraits d’actes d’état civil. La simplification et le gain de temps pour les Français de l’étranger sont indéniables.

Certains de nos compatriotes sont contraints de faire de longues heures de trajet, parfois en avion, pour se rendre au consulat le plus proche ou doivent attendre le passage aléatoire des tournées consulaires ; d’autres peinent à mener à bien leurs démarches en raison de la défaillance des services postaux de leur pays de résidence.

Cette expérimentation est utile et a fait ses preuves : 2,5 millions d’actes ont été délivrés par voie dématérialisée depuis sa mise en place en 2021. Il est donc tout à fait logique que nous accueillions positivement sa pérennisation.

Le second objectif tend à proroger la durée de ses autres volets, qui concernent l’établissement, la conservation et la mise à jour des actes d’état civil dans le cadre du registre électronique.

Cinq ans se sont déjà écoulés depuis le lancement de cette expérimentation ; son coût est d’ores et déjà de 5 millions d’euros et le montant total devrait doubler. Malgré une première prolongation de deux ans, cette partie du dispositif n’a été lancée qu’en janvier 2024.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous aimerions connaître les causes des retards accumulés et des coûts supplémentaires qui les accompagnent. Les problèmes en matière de développement informatique sont-ils liés à un manque de personnel et d’investissement dans les outils nécessaires ?

Vous comprendrez également que nous souhaitions instaurer un contrôle budgétaire accru, au vu du manque d’anticipation des dépenses, dès lors que 61 % de l’expérimentation a été financée grâce à des cofinancements, notamment par la mise à contribution du programme 151.

Nous dénonçons chaque année le manque de moyens alloués aux affaires consulaires, un domaine qui ne saurait supporter des ponctions supplémentaires. D’ailleurs, les onze équivalents temps plein supprimés n’auraient-ils pas pu être redéployés au sein d’un ministère qui manque cruellement de moyens afin, justement, d’accélérer la dématérialisation ?

Il est important pour nous d’obtenir ces réponses, même si, sur le fond, nous sommes favorables à une nouvelle prolongation – formons toutefois le vœu qu’il s’agisse bien de la dernière ! – afin de permettre l’achèvement d’un projet bénéfique tant aux usagers qu’à l’administration. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste demandera au Gouvernement la transmission au Parlement du point d’étape annuel présenté à l’Assemblée des Français de l’étranger, de manière que nous puissions exercer notre mission de contrôle.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi répond parfaitement aux besoins du Gouvernement de modifier l’ordonnance prise en 2019.

J’ajoute un mot à ce propos.

Mon groupe, comme la plupart de nos collègues présents, a eu l’occasion de dénoncer avec raison le recours outrageux aux ordonnances, qui est une constante depuis 2017. Ce véhicule législatif implique naturellement la possibilité de ne pas solliciter l’avis du Conseil d’État, ce qui est toujours utile lorsque l’on a à craindre une saisine ultérieure du Conseil constitutionnel ; il se caractérise également par l’absence d’étude d’impact, c’est-à-dire de cette obligation faite à l’administration d’estimer le coût d’une réforme, ses effets induits ou son calendrier de déploiement. Cet exercice de prospective rationnelle et construite a pour avantage d’informer le Parlement, et pour inconvénient de pouvoir lui être ultérieurement opposé. Tel aurait sans doute pu être le cas ici.

L’excellent rapport présenté par notre collègue Christophe-André Frassa sur cette proposition de loi relève les deux écueils auxquels cette dématérialisation s’est heurtée : celui du coût et celui du temps, avec un dérapage de 100 % pointé par l’inspection générale et un retard d’au moins trois ans et demi par rapport au premier délai fixé par loi Essoc. C’est cela que votre recours aux ordonnances a rendu possible et nous ne saurions nous en satisfaire.

Cependant, cette proposition de loi nous offre l’occasion d’aller plus loin, tant les chantiers sur la simplification et la modernisation des services rendus aux usagers à l’étranger sont importants. À nous de nous en saisir !

La première priorité serait de régler une bonne fois pour toutes les difficultés de connexion à la plateforme FranceConnect. Dans l’attente du déploiement du programme France Identité, qui devrait permettre à terme à chaque personne de justifier de son identité en ligne de manière simple, sécurisée et garantie par l’État, nombre de nos compatriotes sont confrontés à un véritable parcours du combattant, souvent sans issue, pour mener à bien leurs démarches administratives.

La plupart d’entre eux ne sont ni résidents fiscaux ni assurés sociaux en France et ne disposent donc pas de numéro fiscal ou de numéro de sécurité sociale pour se connecter via le portail impots.gouv.fr ou ameli.fr. L’application Yris ne fonctionne pas dans certains pays et l’identité numérique de La Poste, quant à elle, ne reconnaît toujours pas le numéro de téléphone de 20 % des usagers.

Les retraités établis hors de France, par exemple, qui ont besoin de transmettre leur certificat de vie et de faire valoir leurs droits à pension, se trouvent ainsi dans une impasse : l’accès à leur espace personnel de l’assurance retraite n’est possible que via FranceConnect.

Monsieur le ministre, il est urgent de prendre enfin des mesures pour résoudre ce dysfonctionnement majeur en y consacrant les moyens financiers et humains nécessaires ; à défaut, la modernisation se limiterait à une fausse simplification. Avant de chercher à élargir la gamme de la dématérialisation, assurons-nous que les services publics de base fonctionnent et sont accessibles à tous.

Le deuxième chantier prioritaire concerne le renouvellement à distance des cartes nationales d’identité (CNI) et des passeports. Votre ministère a lancé une expérimentation relative à ce dernier document en octobre dernier au sein de cinq postes consulaires au Canada et au Portugal. Cette facilité administrative répond à une demande forte et récurrente des usagers éloignés de leur consulat et n’étant pas en mesure de s’y rendre.

La France accuse pourtant un retard par rapport à d’autres pays, comme le Royaume-Uni, où ces documents sont reçus dans un délai de quarante-huit heures. L’effet dissuasif lié à la lenteur et à la complexité de l’obtention du passeport français est tel que certains binationaux vont jusqu’à y renoncer. Vous en conviendrez : c’est regrettable !

Cette expérimentation, dont l’échéance est prévue en février 2025, gagnerait donc à être accélérée, généralisée, mais aussi élargie. En effet, les statistiques montrent que 50 % des demandes au Portugal concernent non seulement les passeports, mais aussi les CNI, alors même que celles-ci sont pour l’instant exclues du champ du dispositif.

Monsieur le ministre, nos compatriotes peuvent-ils espérer avoir accès au renouvellement à distance de leur titre d’identité ?

À l’approche des élections européennes, comment ne pas évoquer enfin le vote et l’établissement des procurations par voie électronique ?

Nos postes consulaires déploient des efforts remarquables pour assurer le bon déroulement des opérations électorales, notamment en offrant la possibilité du vote à l’urne. Cependant, trop peu de nos compatriotes en bénéficient. Dans des circonstances extrêmes, certains d’entre eux paient un éloignement trop important de l’impossibilité même d’exercer leur droit constitutionnel de désigner leurs représentants.

La mise en place d’un service en ligne de gestion des procurations le leur permettrait et soulagerait les équipes consulaires en tension. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer semble projeter la mise en place d’un tel système, mais bute, une fois encore, sur la question de l’authentification des votants. Monsieur le ministre, où en est donc cette réflexion, menée conjointement avec votre ministère ?

Je souhaite enfin souligner que l’ensemble de ces évolutions doit se faire au bénéfice de tous nos compatriotes. Les plus âgés d’entre eux, en particulier, ne disposent ni d’identité numérique, ni d’ordinateur, ni de smartphone, et se tournent souvent vers leurs élus de proximité, qui réalisent un travail exceptionnel pour les assister. J’ai ainsi à l’esprit ces conseillers qui tiennent des permanences, qui portent des dossiers auprès des consuls honoraires ou des consulats et qui les relaient en direction des parlementaires.

Pour toutes ces personnes, le contact humain est essentiel. Nous défendrons donc un amendement tendant à veiller à ce que toutes les voies d’accès aux services publics, physiques comme numériques, restent ouvertes. Il s’agit d’ailleurs d’une préconisation que la Défenseure des droits a rappelée dans son dernier rapport annuel.

Le MEAE devient, grâce à cette expérimentation, un véritable laboratoire, en proposant un service innovant aux Français de l’étranger, qui a vocation à s’étendre, à terme, à l’ensemble des usagers de l’Hexagone et des outre-mer. Aussi, nous ne pouvons qu’espérer que celle-ci aboutisse.

Sous réserve des conditions que j’ai mentionnées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ronan Le Gleut. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues : « un parcours du combattant » ! Combien de fois au cours de mes déplacements à la rencontre des communautés françaises à l’étranger ai-je entendu cette expression dans la bouche de nos compatriotes pour qualifier leurs démarches administratives auprès de nos postes diplomatiques et consulaires ?

Les Français résidant en France se plaignent souvent, également, de leurs relations avec l’administration, mais lorsque l’on vit à l’étranger, les difficultés sont démultipliées. Nous, Français établis hors de France, avons coutume de dire que les consulats sont nos mairies. Or, lorsque vous résidez à plusieurs centaines de kilomètres du consulat, obtenir un document, refaire son passeport ou voter sont autant d’opérations compliquées.

Au 31 décembre 2023, le nombre d’inscrits au registre des Français établis hors de France s’élevait à 1 692 978. Ainsi, si les Français de l’étranger constituaient un département, ce serait le cinquième le plus peuplé de France, après le Nord, Paris, les Bouches-du-Rhône et le Rhône.

Cependant, l’inscription au registre des Français établis hors de France n’étant pas obligatoire, on estime que le nombre global de Français qui vivent à l’étranger serait plutôt de l’ordre de 3 millions, soit une population comprise entre celle de la région Bourgogne-Franche-Comté et celle de la Bretagne.

Or nos compatriotes établis hors de France peuvent parfois vivre à des centaines de kilomètres du consulat le plus proche et le seul moyen de transport raisonnable pour l’atteindre est alors l’avion. Citons par exemple les situations que l’on rencontre au Canada, en Australie ou encore au Brésil. Dans de telles circonstances, on mesure combien la dématérialisation des actes de l’état civil répond à une nécessité.

Tout ce qui tend à simplifier la vie des Français de l’étranger est bienvenu. L’expérience de dématérialisation menée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, initiée par la loi Essoc en 2018, a ainsi bénéficié de notre soutien, d’autant plus qu’elle restera – nous en avons reçu l’assurance – une option, n’excluant pas le recours aux demandes papier pour ceux de nos compatriotes qui ne maîtrisent pas le numérique.

Pour autant, si nous pouvions nous attendre à un retard de mise en œuvre, voire à une prolongation de l’expérimentation, aucun d’entre nous ne s’attendait à un quasi-triplement du délai. Quand vous faites venir un entrepreneur pour effectuer des travaux dans votre appartement et que celui-ci vous annonce une durée de trois mois, vous savez que cela va peut-être prendre quatre ou cinq mois, mais vous n’anticipez pas neuf mois de retard.

Je partage donc la réserve circonspecte de notre collègue Christophe-André Frassa, que je remercie de son excellent rapport, quant à cette nouvelle prorogation de l’expérimentation, laquelle – hélas ! – ne fait pas mentir l’adage « jamais deux sans trois ». Veillons toutefois à ne pas donner naissance à une nouvelle expression : « Jamais trois sans quatre ! »

L’amendement de Christophe-André Frassa visant à imposer une présentation annuelle par le Gouvernement d’un état d’avancée de l’expérimentation devant l’Assemblée des Français de l’étranger apparaît à ce titre comme une excellente initiative. Cette communication spécifique, en lieu et place d’une vague évocation diluée au sein du bilan général présenté par le ministre délégué chargé des Français de l’étranger à l’AFE, aura pour effet d’obliger le Gouvernement à la transparence et, surtout, à l’action.

L’examen de cette proposition de loi me donne l’occasion de dresser un constat global quant aux choix opérés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans le domaine numérique.

Si certaines administrations françaises ont bien géré la transition numérique, celle du MEAE semble avoir de grandes difficultés à faire des choix cohérents et efficaces sur ces sujets techniques. Cette expérimentation de dématérialisation avec des prolongations à rallonge en est une illustration supplémentaire, mais les immenses couacs à répétition lors des votes électroniques le démontraient aussi de manière éclatante. Je pourrais citer bien d’autres exemples de tout ce qui ne fonctionne pas dans le domaine numérique pour les Français de l’étranger, à l’image des difficultés rencontrées pour utiliser FranceConnect.

Monsieur le ministre, où est la start-up nation annoncée et voulue par le Président de la République dès sa première élection en 2017 ? Quel échec ! Sept ans après, la France est infiniment moins avancée que tant d’autres pays en termes de transition numérique !

Formons le vœu, pour le bien de la Nation et des Français, que, de manière générale, les progrès s’accélèrent enfin et que, concernant en particulier la question de la dématérialisation des actes d’état civil, qui nous intéresse aujourd’hui, la nouvelle prolongation de l’expérimentation soit la dernière, que ce troisième délai de mise en œuvre soit enfin le bon.

Dans cet espoir, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à pérenniser la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ainsi qu’à proroger jusqu’au 10 juillet 2027 l’expérimentation de la dématérialisation de l’ensemble des champs du traitement de l’état civil.

Même s’il est frustrant de constater que, depuis le début de cette démarche permise par le législateur en 2019, l’ensemble de la dématérialisation n’a pu être mise en œuvre par le ministère et que celui-ci n’a pas fait preuve, selon mes collègues de la commission des lois du Sénat, de la plus totale transparence, il convient d’accompagner ce processus, qui est utile pour nos concitoyens.

Nous considérons que la dématérialisation des actes d’état civil permet de faire de la France un État moderne, efficace et rigoureux quant à la gestion de ses finances publiques.

Un État moderne, d’abord, qui fait un pas de plus vers la dématérialisation de documents authentiques, permettant ainsi aux Français de bénéficier en ligne de ces avancées concrètes, en particulier pour nos compatriotes de l’étranger qui vivent parfois à des centaines, voire à des milliers de kilomètres du premier service consulaire.

Un État efficace, ensuite, simplifiant les démarches des usagers, qui pourront disposer des copies ou extraits d’actes d’état civil dans des conditions optimales de sécurité et dans de meilleurs délais. Il leur sera également possible de déclarer en ligne des événements d’état civil de leur vie quotidienne, sans avoir à effectuer de longs déplacements en distance et en temps d’attente.

Enfin, un État soucieux de ses finances publiques, grâce à la réalisation d’économies d’échelle liées à la suppression du papier, à une meilleure gestion des parcours et des carrières et à la réaffectation de l’administration à des tâches clés. En l’espèce, nous visons la nécessité pour le ministère de compter, à effectifs constants, sur davantage d’emplois d’attaché scientifique et culturel dans nos ambassades ou encore de conseiller politique dans des pays où la France doit renforcer sa présence.

Grâce à l’amélioration du texte par la commission des lois du Sénat, qui a notamment conditionné la poursuite de cette expérimentation à une meilleure gestion des coûts et à un effort accru de transparence, nous pouvons voter sereinement cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er du décret du 20 septembre 1792 confiait aux municipalités les actes destinés à consacrer les naissances, les mariages, les décès, autrefois établis par le clergé.

Aujourd’hui, nous examinons le texte visant à parachever l’établissement du registre de l’état civil électronique géré par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Il s’agit de la dématérialisation des données de l’état civil dans toutes ses composantes : établissement, mise à jour, délivrance, conservation. Désormais, les actes figurant dans le registre ont la même valeur juridique que les copies ou extraits délivrés auparavant sur support papier. Vous reconnaîtrez avec moi qu’il s’agit d’une avancée considérable pour nos compatriotes Français de l’étranger.

Nous tous, nos familles, nos amis, nos relations connaissons les affres de l’accès aux services de l’état civil de Nantes pour les Français nés à l’étranger ou vivant à l’étranger. Depuis une dizaine d’années, ceux-ci peuvent solliciter la délivrance d’un acte par internet ; toutefois, son acheminement par voie postale peut prendre des semaines, voire des mois.

L’expérimentation de la dématérialisation, décidée en 2019 et prévue initialement pour trois ans, puis prorogée jusqu’en juillet 2024, a débuté par la délivrance des actes d’état civil sur support électronique.

Cette possibilité a, d’une part, permis de réduire le délai à quelques jours seulement et, d’autre part, suscité un fort engouement des usagers. Pour rappel, en 2022, plus d’un million d’actes d’état civil ont été délivrés par voie électronique, contre 25 000 sur papier. Au cours des trois premiers trimestres de 2023, on compte 925 000 actes électroniques, contre seulement 3 000 documents papier.

Que reste-t-il à faire ? Tout d’abord, il faut achever la mise en place technique du dispositif pour permettre l’établissement, la mise à jour et la conservation des actes d’état civil, puis leur mise à la disposition des usagers. C’est la raison pour laquelle une nouvelle prorogation est nécessaire.

Les bénéfices attendus du développement des autres volets pour les usagers sont la simplification des démarches et la réduction des délais. Ainsi, un Français de l’étranger ne sera plus contraint de prendre l’avion pour déclarer la naissance de son enfant dans un poste consulaire très éloigné de son lieu de résidence, et ne sera plus dépendant des services postaux locaux, parfois défaillants, voire inexistants.

Les bénéfices pour les postes consulaires sont également connus : les agents chargés de l’état civil gagneront du temps. Ils pourront se consacrer à d’autres missions et soulager, par exemple, les services des visas, en tension dans de nombreux pays.

L’administration, quant à elle, vise une réduction des coûts liés à la gestion des documents papier, le redéploiement des effectifs du service courrier vers d’autres tâches ainsi que la facilitation des échanges d’informations avec les différentes institutions et administrations : l’Insee, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), la sous-direction de l’accès à la nationalité française, les préfectures et les services de retraite de l’État.

Je ne peux donc qu’apporter mon soutien à ces évolutions importantes et je voterai, bien entendu, en faveur de ce texte.

Toutefois, monsieur le ministre, j’appelle à la vigilance sur trois points qui me paraissent fondamentaux.

Le premier est la nécessité d’une sécurité numérique sans faille pour protéger les informations personnelles et sensibles contre les cyberattaques et les violations de la vie privée.

Deuxième point : les besoins en matière de développement pour l’achèvement du registre doivent faire l’objet d’une évaluation juste et réaliste, et le coût de son déploiement être précisément chiffré et davantage maîtrisé. Nous constatons aujourd’hui que tous les crédits le concernant ne sont malheureusement pas sécurisés : son budget, évalué à 5 millions d’euros à l’origine, s’établirait en réalité à 11,35 millions d’euros.

Enfin, le troisième point s’attache au nécessaire accompagnement des populations, notamment des seniors, dans l’usage de ces nouveaux outils ; une mission en ce sens pourrait être confiée aux conseillers des Français de l’étranger, car certains d’entre eux s’en chargent déjà.

Du succès de la dématérialisation des actes d’état civil du service de Nantes dépend le déploiement d’un registre électronique à une plus large échelle, celle du territoire national, une simplification attendue tant par les municipalités que par les usagers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close, nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’europe et des affaires étrangères

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Article 2

Article 1er

Après le premier alinéa de l’article 101-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les copies intégrales ou les extraits des actes de l’état civil établis par le ministère des affaires étrangères peuvent être délivrés sur support électronique. »

Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.

M. Yan Chantrel. Le champ de cette proposition de loi est restreint, alors que la dématérialisation ne saurait se réduire à la seule question de l’état civil. J’ai souhaité intervenir maintenant, dans la mesure où nous n’avions pas la possibilité de déposer des amendements visant à l’étendre à d’autres dispositions, en vertu de l’article 45 de la Constitution.

Nous sommes actuellement en pleine campagne pour les élections européennes et nous sommes toutes et tous attachés à ce que le plus grand nombre de nos compatriotes participent à ce scrutin. Or l’absence de vote électronique, corrélée à une diminution du nombre de centres de vote, laisse malheureusement présager qu’un grand nombre d’entre eux ne pourront pas voter, alors même que la France est l’un des rares pays à permettre à ses ressortissants établis hors de ses frontières de prendre part aux élections.

Une mesure de facilitation est pourtant envisageable : la dématérialisation de l’établissement des procurations. Le Gouvernement s’étant engagé sur cette question, pouvez-vous nous informer de l’état d’avancement de ce dossier et nous préciser à partir de quelles élections cette évolution entrera en vigueur ?

Par ailleurs, des compatriotes établis à l’étranger et qui seraient victimes d’incivilités ou d’infractions en France n’ont pas la possibilité de déposer plainte par internet, contrairement à ceux qui résident en France. Nous échangeons à ce sujet avec le ministère de l’intérieur, mais pouvez-vous vous engager à faire avancer cette question ?

Enfin, dématérialisation ne saurait rimer avec réduction des effectifs. Ma collègue Hélène Conway-Mouret a évoqué les expérimentations menées au Canada et au Portugal. Je me suis moi-même rendu au Canada pour observer le processus en cours ; j’y ai constaté un alourdissement significatif de la charge de travail, qui nécessite, finalement, d’augmenter le nombre d’agents, le temps consacré à chaque usager passant d’un quart d’heure à trois quarts d’heure, voire à une heure.

Pouvez-vous vous engager à ce que cette dématérialisation s’accompagne d’un renforcement des effectifs dans nos consulats afin de les épauler dans cette transition numérique ?

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, MM. Durain, Temal et Bourgi, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Darras, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Marie, Mme Narassiguin, MM. Roiron, M. Vallet, Vayssouze-Faure, Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ou par courrier sur demande

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le rapporteur, je vais peut-être un peu anticiper sur votre réponse, car l’article 1er prévoit la possibilité de délivrer par voie dématérialisée un acte d’état civil. Par cet amendement, nous souhaitons toutefois lever toute ambiguïté en précisant que la délivrance sur papier se fera à la demande de ceux qui le souhaitent. C’est le cas actuellement, mais nous souhaitons qu’il en aille de même dans les années qui viennent.

Nous sommes attachés à la planète et notamment aux arbres, et nous partons donc du principe que les personnes connectées peuvent imprimer elles-mêmes les actes reçus, si elles le souhaitent. Cette délivrance ne se ferait donc que sur demande des personnes non connectées.

Comprenez cet amendement comme un appel au secours au nom de ceux qui n’ont pas accès aux services en ligne, par exemple de certains retraités qui ne parviennent pas à toucher leurs pensions et qui se retrouvent en situation de détresse après avoir épuisé toutes leurs économies.

Si la dématérialisation représente un progrès indéniable pour la grande majorité de nos concitoyens, elle ne doit en aucun cas emporter une désincarnation totale des rapports avec l’administration consulaire, dont le cœur de métier reste le contact humain, déjà passablement abîmé par des années d’économies et de suppressions de postes.

Nous avons la volonté de ne laisser personne sur la touche et de permettre à tout le monde de bénéficier de cet ambitieux projet.