M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 6, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
tenant à l’absence d’héritiers mentionnés au 1° de l’article 734 du code civil, au nombre des comptes et produits d’épargne à clôturer, à la constitution de sûretés sur lesdits comptes et produits ou à l’existence d’éléments d’extranéité, et empêchant la réalisation de ces opérations dans un délai raisonnable
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Le texte de la commission prévoit la gratuité des frais pour les successions dites simples dès lors qu’il n’y a pas de « complexité manifeste », en renvoyant à un décret la définition de ce que recouvre cette notion.
Or la « complexité manifeste » est une notion qui peut prêter à interprétation et qu’on ne retrouve pas, jusqu’à présent, dans le code monétaire et financier.
Nous ne voulons pas revenir sur ce renvoi à un décret, mais nous voulons encadrer un peu les choses. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’indiquer que la « complexité manifeste » concerne quatre situations : l’absence d’héritiers directs, un nombre de comptes et de produits très importants, la constitution de sûretés ou – j’insiste sur ce « ou » – l’existence d’éléments d’extranéité, sous réserve que l’un de ces éléments empêche la réalisation des opérations dans un délai raisonnable.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’avis est défavorable.
La commission a elle-même prévu qu’un décret précisera les choses. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu’entrer dans le détail relève du niveau réglementaire. Nous devons mener des discussions avec les principales parties prenantes, notamment les banques, pour construire une liste la plus précise possible. En inscrivant déjà des éléments dans la loi, on risque d’être en décalage lorsque nous mènerons les consultations, certains points pouvant alors être trop ou insuffisamment précis ou pouvant manquer leur cible.
C’est donc d’abord pour des raisons pratiques et opérationnelles que nous préférons que cette disposition ne figure pas dans la loi. Suivons l’idée première de la commission qui a choisi de renvoyer à un décret ! Il revient au pouvoir réglementaire de mener ce travail.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur le ministre, cet amendement est d’abord là pour vous aider et vous devriez m’en remercier. (M. le ministre délégué se récrie.) Si, monsieur le ministre ! Je trouve que vous ne me remerciez pas beaucoup et je le regrette. (Sourires.)
Cet amendement permettra justement d’encadrer les discussions que vous aurez avec les professionnels. Vous savez très bien qu’ils ont une notion un peu extensive de ce que peut être une succession ou une situation complexe… Je l’ai bien compris lors de mes entretiens avec leurs représentants.
Il existe donc un risque, s’il n’y a pas un minimum d’encadrement, qu’une pression très forte fasse entrer dans la « complexité manifeste » des situations qui, à mon avis, n’en relèvent pas.
Une deuxième lecture aura lieu à l’Assemblée nationale, puisque le texte ne sera pas voté conforme ce soir. Nous aurons ensuite une deuxième lecture ici, puis une commission mixte paritaire. Cela laisse le temps d’affiner les critères que je propose aujourd’hui d’adopter. Si, durant la navette, on s’aperçoit que certains critères ne sont pas des plus pertinents, qu’il faut en enlever ou en ajouter, pourquoi pas ? Je serai le premier à le faire, je ne vais pas m’arc-bouter sur la rédaction que je vous propose aujourd’hui.
Pour les raisons que je viens d’indiquer, je pense qu’il est important de préciser un peu les choses.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je veux remercier le rapporteur pour son amendement. De toute façon, le texte ne sera pas adopté conforme et je suis sûr que cet amendement apporte une amélioration.
On sait bien, cela a toujours été le cas dans les discussions avec les organismes bancaires, que les opérations les plus simples peuvent facilement devenir complexes… Cette notion de complexité s’élargit souvent beaucoup trop.
Une liste limitative, comme cela est proposé, garantit au législateur et aux Français que la « complexité manifeste » est bien réelle et qu’elle ne s’étend pas à des cas qui sont en fait simples.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Bilhac, Mme M. Carrère, M. Daubet, Mme N. Delattre, MM. Gold, Grosvalet et Guiol, Mme Jouve, MM. Laouedj et Masset, Mme Pantel et MM. Cabanel et Fialaire, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le mot :
mineur
par les mots :
âgé de moins de trente ans
La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Je salue cette proposition de loi qui prévoit la gratuité pour les enfants mineurs décédés.
Vous savez, j’ai été maire d’une commune rurale pendant une quarantaine d’années et, dans un petit village, on est au cœur de la douleur. J’ai vu des parents perdre des enfants, j’ai vu des parents perdre des adolescents, j’ai vu des parents perdre des garçons ou des filles de 22 ans, de 25 ans… Je peux vous assurer que, quel que soit l’âge de l’enfant, la douleur est la même.
C’est pourquoi je propose d’élargir la gratuité aux personnes de moins de 30 ans – il faut quand même fixer une limite.
On me dira peut-être que cela va ruiner le secteur bancaire… Je ne le crois pas. En tout cas, j’ai davantage d’empathie pour les parents qui perdent un enfant, même s’il est jeune majeur – il y a beaucoup de parents dans ce cas –, que pour le secteur bancaire, qui s’est assez engraissé pendant des années avec les frais sur succession !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Je crois que le dispositif que nous avons adopté est déjà suffisamment large. La notion de mineur correspond à quelque chose de précis. Si on élargit, autant dire qu’on généralise la gratuité.
M. Christian Bilhac. Non, je propose 30 ans !
M. Hervé Maurey, rapporteur. Pourquoi 30 ans ? Pourquoi pas 25 ans, 35 ans ? Et puis, si vous me permettez de parler, comme vous le faites vous-même, avec un peu d’humour, normalement, à 30 ans, on n’est plus un enfant.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je comprends tout à fait le sens de cet amendement. Comme vous l’avez dit à la tribune, c’est un texte d’humanité.
Pourtant, je crois que nous avons trouvé, avec le critère objectif de la minorité, un ciblage qui correspond, me semble-t-il, aux cas très douloureux que le législateur souhaitait traiter.
Enfin, je rejoins le rapporteur : sans ce critère, qu’est le « bon » âge ?
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Bilhac, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Bilhac. Oui, monsieur le président.
Vous ne m’empêcherez pas de penser que la minorité a été retenue sur la proposition du secteur bancaire. Les mineurs ont évidemment beaucoup moins d’argent sur leurs comptes que les jeunes majeurs…
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. – Le I entre en vigueur trois mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Cet amendement vise à sécuriser la date d’entrée en vigueur du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mme Florennes, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 312-1-4-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-4-…. – Dans le cas d’une succession comportant plusieurs héritiers, en cas de désaccord entre eux, il revient à l’établissement de crédit teneur des comptes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-1-4-1 de répartir les fonds sans perception d’aucuns frais. »
La parole est à Mme Isabelle Florennes.
Mme Isabelle Florennes. Actuellement, malgré les dispositions du code monétaire et financier, il y a deux choix possibles dans le traitement du versement des fonds issus de successions comportant de multiples héritiers, et ce quel que soit le montant de ces fonds.
Des établissements bancaires peuvent verser ces fonds à un seul héritier répondant aux critères définis à l’article L. 312–1–4 du code monétaire et financier, à charge pour lui de les répartir auprès des autres héritiers.
En cas de mésentente entre héritiers, l’établissement bancaire renvoie alors la répartition des fonds vers un notaire, cette saisine pouvant générer des frais.
D’autres établissements bancaires répartissent eux-mêmes les fonds entre les héritiers.
Cet amendement vise à assurer la cohérence du traitement par les établissements bancaires de la répartition des fonds liés à une succession et à simplifier le traitement des successions en évitant tout renvoi vers un notaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission estime que cet amendement suscite des interrogations et des difficultés. Nous voyons mal comment les banques pourraient verser l’ensemble des fonds à un héritier en lui laissant la charge de les répartir entre les autres héritiers, surtout s’il n’y a pas d’accord entre eux. Nous craignons que ce soit source de possibles contentieux avec les banques.
Nous allons entendre l’avis du Gouvernement. Sauf avis contraire de sa part, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame la sénatrice, si je comprends bien la logique qui sous-tend cet amendement, il revient à demander aux banques de faire le travail d’un notaire, dans le cas de successions qui ne sont pas réglées.
Cela déstabiliserait complètement la manière dont les successions sont réglées dans notre pays. Nous ne pouvons pas demander aux établissements bancaires d’endosser une telle responsabilité.
Par ailleurs, j’insiste sur le fait que cette disposition fragiliserait le présent texte, car elle ne manquerait pas de susciter des interrogations auprès des principaux acteurs concernés, voire de les pousser à engager d’autres démarches.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Florennes, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Isabelle Florennes. Monsieur le ministre, la rédaction de cet amendement n’est peut-être pas idoine, j’en conviens. Toutefois, le problème que je soulève est réel.
En effet, le cas s’est déjà posé : une succession est ouverte, l’acte a été transmis, mais deux établissements bancaires fonctionnent différemment pour le versement des fonds. Le premier, une fois la succession réglée, envoie le solde du compte à l’un des héritiers, en le chargeant de le répartir. Le second effectue lui-même la répartition prévue par l’acte qui lui a été transmis.
En l’absence d’acte établi et pour des sommes plus modiques, si la succession est versée à l’un des héritiers qui n’est pas en contact avec les autres, ces derniers peuvent ne jamais percevoir les fonds. La question s’est posée et visiblement, les établissements bancaires traitent les soldes de ces comptes de façon différente.
J’entends vos avis, mais il convient de régler le problème. C’est pourquoi je tenais à appeler votre attention sur cette différence de traitement qui existe selon les établissements bancaires, en dépit des dispositions prévues au code monétaire et financier. Il faut travailler sur ce sujet.
Cela étant dit, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.
Article 1er bis
(Non modifié)
Après la septième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 752-2, L. 753-2 et L. 754-2 du code monétaire et financier, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
L. 312-1-4-1 |
la loi n° … du … visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession |
» |
– (Adopté.)
Après l’article 1er bis
M. le président. M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de la présente loi s’appliquent aux successions en cours non encore clôturées.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement porte sur le point de départ de l’application de cette remarquable proposition de loi : je propose qu’elle soit applicable aux successions ouvertes non encore liquidées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Il semble compliqué – je pense que M. le ministre le confirmera – de changer tout à coup les tarifs applicables à une succession qui est en cours. Certains actes peuvent avoir été déjà réalisés par les banques, voire facturés. Cela occasionnerait donc, dans certains cas, des demandes de remboursement.
Sous réserve de l’avis du ministre, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je partage les arguments que le rapporteur vient d’avancer. Comme vous le savez, madame la sénatrice, cette disposition touche au droit des contrats. Dans ce cadre, le juge constitutionnel veille à ce qu’il n’y soit pas porté atteinte de façon disproportionnée.
Dès lors, il ne nous semble pas opportun d’agir sur des successions qui sont en cours de règlement. Les banques appliquent actuellement des tarifs qui sont en quelque sorte contractualisés. Ne fragilisons pas le dispositif.
Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je comprends vos arguments, mais nous aurions pu imaginer que cette proposition de loi s’applique à certaines successions qui mettent un temps infini à être réglées.
Cela étant dit, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.
Article 2
Dans un délai d’un an à compter de la publication du décret d’application prévu au dernier alinéa de l’article L. 312-1-4-1 du code monétaire et financier, le Gouvernement remet au Parlement un rapport permettant d’évaluer l’impact de la présente loi sur l’évolution des frais appliqués dans le cadre des opérations liées à la clôture des comptes et des produits d’épargne du défunt. Ce rapport s’appuie notamment sur les travaux du Comité consultatif du secteur financier – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures sept.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Saisie et confiscation des avoirs criminels
Adoption définitive des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (texte de la commission n° 561, rapport n° 560).
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous exposerai en quelques mots les conclusions auxquelles nous sommes parvenus au terme de la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels, en espérant que vous les avaliserez.
L’intitulé de ce texte en définit clairement les enjeux : il s’agit tout simplement d’appréhender le patrimoine des délinquants. Il ne s’agit pas d’une ressource très importante pour l’État français, mais elle pourrait, à terme, le devenir. Surtout, il s’agit d’un moyen pour lutter contre la criminalité et la délinquance.
Nous savons que l’appât du gain est souvent la première motivation pour commettre une infraction. La commission d’enquête sur le narcotrafic l’a encore démontré. Au cours des auditions qui ont été menées dans ce cadre, nous avons pu constater qu’un certain type de délinquants avaient totalement accepté le risque carcéral, mais formaient de plus en plus de recours sur les saisies de leur patrimoine, notamment sur la partie issue de l’infraction.
Il est important de lutter contre la délinquance par la saisie et la confiscation des avoirs. Le Parlement s’est saisi de cet enjeu il y a quelques années, sur l’initiative de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, dont la proposition de loi a créé l’un des piliers en la matière, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).
Ce texte a été appliqué pendant plusieurs années avant de faire l’objet d’une évaluation en 2019 par ce même Jean-Luc Warsmann et l’un de ses collègues députés, à la demande du Premier ministre de l’époque. Ils avaient alors formulé plusieurs préconisations : certaines ont été mises en œuvre, d’autres non. Le texte qui nous a été soumis est issu de ces préconisations.
Nous avons adopté ce texte au Sénat, et nous avons fini par trouver un accord avec l’Assemblée nationale en vue d’améliorer chacune des phases de la saisie et de la confiscation des avoirs criminels. La saisie est le moment de l’enquête où l’on bloque les avoirs criminels de diverses façons. Sur ce point, le texte comportait quelques manques.
Tout d’abord, il convenait de formaliser le fait que l’Agrasc constitue en la matière le premier organisme de formation de la police et de la gendarmerie, mais aussi des magistrats. En effet, pour mettre en œuvre une telle procédure, il faut bien la connaître, ce qui n’est pas encore totalement le cas dans toutes les juridictions.
Ensuite, la rédaction finale de ce texte nous permet de saisir des avoirs nouveaux, en particulier les comptes d’actifs numériques. Ces derniers, qui représentent des sommes très importantes, notamment pour ce qui concerne le narcotrafic, ne pouvaient, jusqu’alors, pas être saisis. À cet égard, la procédure sera donc largement améliorée.
Par ailleurs, nous avons simplifié les recours pour qu’ils durent moins longtemps, de manière à rendre les procédures plus efficaces.
Un élément essentiel faisait également défaut en ce qui concerne la gestion des biens saisis : dès lors qu’une juridiction était saisie, il n’existait plus de possibilité juridique de gérer ces biens. Nous avons comblé ce manque en l’autorisant à l’échelle de la juridiction saisie, sachant que les procédures durent plusieurs années, durant lesquelles les biens étaient, jusqu’alors, paralysés.
Nous avons aussi introduit une mesure pouvant donner de bons résultats : désormais, l’Agrasc sera systématiquement informée des saisies ordonnées par les magistrats au cours de l’enquête.
Enfin, il existe une marge d’amélioration importante sur la confiscation des biens. En effet, seuls 30 % des biens saisis sont confisqués. Désormais, certains biens feront l’objet d’une confiscation obligatoire et automatique, de sorte que les magistrats n’auront pas de question à se poser sur ce point. Chacun en escompte un très bon résultat.
Voilà, dans les grandes lignes, l’accord que nous avons trouvé avec l’Assemblée nationale dans le cadre de cette commission mixte paritaire. J’espère qu’il vous agréera et que, sous réserve de l’adoption de quelques amendements rédactionnels du Gouvernement, nous le scellerons et ferons ainsi avancer la lutte contre la délinquance.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi dont l’ultime étape de l’examen parlementaire nous réunit ce soir marque une nouvelle avancée importante pour renforcer un volet majeur de notre arsenal de lutte contre la criminalité organisée : la saisie et la confiscation des avoirs criminels.
Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait abouti à un texte dont les dispositions justes et efficaces font largement consensus. À cet égard, je tiens d’emblée à souligner l’engagement de la rapporteure, Mme Muriel Jourda, que je salue.
Ce consensus est, je le crois, le reflet de celui qui traverse la société sur la nécessité d’adopter des mesures fortes afin de toujours mieux lutter contre le crime organisé, sur tous les fronts.
C’est dans cette optique que le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti a annoncé, il y a quelques jours, la mise en place d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco) et de cours d’assises spécialement composées pour les règlements de comptes, la création d’un véritable statut de repenti, ou encore celle d’un crime d’association de malfaiteurs, puni de vingt ans de réclusion.
Ce n’est bien sûr pas l’objet du texte qui nous occupe ce soir, mais je tenais à le mentionner pour replacer cette proposition de loi dans le cadre d’une action globale, forte et volontariste, à laquelle elle contribue de manière tout à fait substantielle.
Investir pour mieux saisir, confisquer pour mieux sanctionner et ainsi donner corps à l’adage selon lequel le crime ne paie pas a toujours constitué un axe majeur de la politique pénale du Gouvernement.
Notre arsenal législatif a évolué en ce sens pour favoriser l’engagement des enquêteurs et des magistrats, qui saisissent et confisquent toujours plus. Je salue leur action qu’illustrent les chiffres records d’une politique pénale parfaitement intégrée : les saisies réalisées en 2023 s’élèvent à 1,44 milliard d’euros et ont été multipliées par dix depuis 2011, tandis que le montant des confiscations prononcées a atteint le chiffre inégalé de 175,5 millions d’euros, soit une augmentation de 105 % en trois ans.
Parallèlement, dès 2020, les moyens de l’Agrasc ont été renforcés, l’agence rayonnant désormais à travers tout le territoire grâce à ses huit antennes régionales et au doublement de ses effectifs en trois ans.
En somme, le dispositif de saisie et de confiscation des avoirs criminels a régulièrement été amélioré, car frapper les délinquants au portefeuille est triplement gagnant.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est une arme extrêmement puissante de répression ; cela renforce l’indemnisation des victimes ; et cela envoie un message de fermeté particulièrement dissuasif.
Le texte que vous allez, je l’espère, adopter définitivement tout à l’heure donnera un nouvel élan à cette dynamique vertueuse, en nous dotant de moyens à la hauteur de l’enjeu et de nos ambitions.
Avant de revenir rapidement sur les principales dispositions du texte, je tiens à saluer le travail qui a été mené en commission mixte paritaire pour tenir compte des nombreux enrichissements venant tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, comme des exigences constitutionnelles et des difficultés pratiques auxquelles les magistrats sont confrontés.
En effet, pour donner leur plein effet aux procédures de confiscation, il convient avant tout de les rendre suffisamment simples et suffisamment pratiques pour que les magistrats puissent efficacement s’en emparer. Ce texte permet d’atteindre cet objectif, en simplifiant notamment la procédure de recours contre les saisies, qui a incontestablement gagné en lisibilité et en efficacité.
Par ailleurs, l’un des apports principaux de ce texte est de faire de la confiscation une peine complémentaire obligatoire. Concrètement, cela veut dire que les biens qui sont l’instrument, l’objet ou le produit direct ou indirect d’une infraction seront systématiquement saisis.
Cela constitue un tournant important dans la pratique judiciaire, qui renverse la logique qui prévalait jusque-là. Désormais, sauf décision motivée, la juridiction doit confisquer, afin de s’assurer que le crime ne paie plus, et que bien mal acquis ne profite jamais.
Une autre avancée mérite d’être soulignée.
La proposition de loi a élargi l’affectation avant jugement des biens saisis au profit des services judiciaires, de l’administration pénitentiaire et des établissements publics sous tutelle du ministère de la justice, parmi lesquels l’Agrasc.
Je tiens également à revenir sur un apport important du Sénat, qui comble une lacune qui a été révélée par la pratique, à savoir l’absence d’acteur judiciaire désigné pour statuer sur les biens une fois la juridiction de jugement saisie. Il fallait alors attendre, parfois longtemps, que le tribunal ait définitivement tranché sur le sort de ces derniers.
Afin d’y remédier, une procédure a été élaborée en accord avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement pour que soit désigné un magistrat compétent, à savoir le président du tribunal judiciaire ou un juge désigné par lui, pour statuer sur le sort des biens saisis une fois que la juridiction de jugement a été saisie.
Enfin, les travaux de la commission mixte paritaire consacrent une demande du Gouvernement en permettant à l’Agrasc d’être informée de toutes les décisions de saisie et de confiscation. Grâce à cette vision panoramique, l’agence pourra pleinement jouer son rôle de tour de contrôle.
Au bout du compte, ce texte contribue à mieux protéger les Français et profitera directement à nos concitoyens ayant été lésés. En effet, ces derniers pourront désormais obtenir le paiement de leurs dommages et intérêts non seulement sur les biens confisqués, mais également sur les biens dévolus à l’État et sur ceux qui auront fait l’objet d’une décision de non-restitution.
Enfin, la confiscation d’un immeuble constituera désormais un titre d’expulsion à l’encontre du propriétaire condamné et de sa famille. Seul le locataire de bonne foi sera protégé. Les proches du délinquant ou du criminel ne pourront plus profiter de l’immeuble saisi et en seront chassés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte donne des outils concrets aux enquêteurs et aux magistrats pour rendre les saisies plus rapides et plus efficaces, pour accélérer les procédures, pour étendre la confiscation et la rendre obligatoire et pour améliorer l’indemnisation des victimes. Il incarne cette justice vertueuse qui rassemble, qui protège et qui nous oblige.
Je tiens une fois encore à saluer les rapporteurs, le député Jean-Luc Warsmann et la sénatrice Muriel Jourda, ainsi que l’ensemble des sénateurs et des députés de tous bords qui se sont investis sur ce texte. L’engagement du Gouvernement pour lutter contre la délinquance et la criminalité reste total, et cette proposition de loi y contribue résolument en faisant un pas supplémentaire dans la bonne direction.
C’est pourquoi je vous invite à l’adopter largement.