Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Martine Berthet, rapporteure de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à faciliter la transformation de bureaux inutilisés en logements.
Il est issu d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale au mois de décembre dernier et adoptée par les députés le 7 mars. Le calendrier de son examen au Sénat est un peu curieux, sachant que nous discuterons en séance du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables dans moins d’un mois. Ce dernier n’est donc pas le grand texte englobant qui nous avait été promis… Mais là n’est pas la question aujourd’hui.
Si la présente proposition de loi est un texte de niche, un texte technique, elle n’en contribue pas moins à étoffer utilement la palette des outils dont disposent les maires pour faire du logement en se focalisant sur le cas des bâtiments réversibles.
Ainsi, pour faciliter la transformation des bâtiments existants, le texte autorise les permis de construire à déroger au cas par cas aux règles du PLU relatives aux destinations avec l’accord de l’autorité compétente.
Il procède aussi à la modification des règles de majorité en copropriété lorsqu’il s’agit d’autoriser la transformation d’un local affecté à une activité tertiaire en logement même si le règlement de copropriété l’interdit.
Afin de faciliter l’adaptation par les communes de l’environnement des bâtiments reconvertis aux besoins des nouveaux habitants, et en complément des articles relatifs à la fiscalité, que mon collègue Stéphane Sautarel évoquera, il ouvre la possibilité de recourir aux projets urbains partenariaux (PUP), qui permettent de faire participer les porteurs de projet au financement des équipements publics nécessités par ces opérations.
Enfin, pour les constructions nouvelles, il crée un permis de construire innovant à destinations multiples, sur le modèle du « permis à double état » mis en place pour les jeux Olympiques ; vous l’avez souligné, monsieur le ministre.
Le texte comporte également des mesures plus ponctuelles en faveur des résidences étudiantes, rouvrant aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) la possibilité de recourir aux marchés de conception-réalisation et leur permettant de bénéficier de bonus de constructibilité.
La réversibilité des bâtiments est un enjeu majeur là où il s’agit de penser et de construire la ville de demain dans un contexte où les contraintes du « zéro artificialisation nette » (ZAN), entre autres, imposent d’accélérer le recyclage urbain.
La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, dispose d’ailleurs déjà que tous les bâtiments, avant leur construction ou leur démolition, doivent désormais faire l’objet d’une étude de potentiel de réversibilité et d’évolution future. Le permis à destinations multiples est l’aboutissement logique de cette réflexion.
Mais cette proposition de loi vise surtout à accélérer dans l’immédiat la valorisation du stock de bâtiments existants. Dans un contexte de crise du logement, bien décortiqué par nos collègues Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques, Viviane Artigalas et Amel Gacquerre dans leur récent rapport d’information, je me réjouis que nous puissions apporter une petite pierre à ce chantier titanesque.
Rien qu’en Île-de-France, la surface de bureaux vacants est estimée à 4,4 millions de mètres carrés, dont un quart environ en état de vacance structurelle. Le développement soudain du télétravail a rendu très visibles dans l’espace public ces vacances, dont la surface a bondi de 1 million de mètres carrés depuis 2019. Mais les racines de la crise sont plus profondes : essor des technologies numériques, développement de nouvelles méthodes de travail en entreprise, mais aussi, plus globalement, ralentissement de la croissance des emplois de bureau, sur lequel les promoteurs ont tardé à s’aligner. Nous parlons bien de 4,4 millions de mètres carrés : quel gisement !
Même si tous les bureaux vacants ne pourront pas être transformés en logements, et ce principalement pour des raisons techniques et de coût, ce texte a le mérite de lever plusieurs obstacles juridiques, notamment ceux qui peuvent découler des zonages fonctionnels des PLU ou encore des règles de copropriété, ces dernières pouvant être excessivement contraignantes pour ce qui est du changement d’usage.
La commission des affaires économiques a cherché à rendre ces simplifications plus opérantes, mais aussi à améliorer, autant que faire se pouvait, l’équilibre économique des opérations de transformation.
Dans le même temps, fidèles à notre esprit sénatorial, nous avons voulu sécuriser la maîtrise par les collectivités de leurs projets d’aménagement, en garantissant que ces opérations, souvent de grande ampleur, ne pourront se faire qu’en coconstruction avec les élus.
Ainsi, pour répondre à l’urgence des besoins en logement, nous avons souhaité accélérer les procédures mises en place par le texte et en élargir le champ. Nous sommes allés jusqu’au bout de la logique du texte en étendant son champ d’application à toutes les opérations de transformation de bâtiments existants en habitations, car d’autres types de bâtiments que les immeubles de bureaux se prêtent particulièrement bien à la transformation en habitations ; tel est le cas des hôtels, des bâtiments d’enseignement ou encore des garages.
Comparées aux gisements que représentent les bureaux, les perspectives de création de logements dans les vieilles zones commerciales d’entrée de ville sont incommensurablement plus élevées : elles pourraient s’élever à pas moins d’un million de logements. En cohérence avec une telle évolution, nous avons modifié le titre de la proposition de loi.
Ainsi que je l’ai indiqué tout à l’heure, pour faciliter les transformations de bureaux en logements dans les copropriétés même quand le règlement de copropriété s’y oppose, le texte assouplit les règles de majorité. Là aussi, la commission a étendu le champ de la proposition de loi en y incluant les locaux commerciaux.
Nous avons également abordé les questions de l’équilibre économique des opérations et de leur sécurité juridique, afin d’encourager les promoteurs à les réaliser.
Ainsi avons-nous sécurisé la possibilité pour les promoteurs d’utiliser les dérogations permises par le texte pour l’ensemble du projet de transformation en prévoyant explicitement les cas d’extension ou de surélévation qui permettent d’augmenter la surface commercialisable.
Les bâtiments sur lesquels débouchent ces transformations pourront de surcroît avoir un usage mixte, et non plus seulement un usage exclusif d’habitation. Je pense notamment à des commerces en pied d’immeuble, précieux pour la vie de quartier, mais aussi à une part de locaux tertiaires, dont les prix à la vente ou à la location sont plus intéressants pour les promoteurs, ce qui est susceptible d’améliorer le bilan des opérations.
Nous avons par ailleurs voulu sécuriser les maires. C’est là une condition pour qu’ils n’hésitent pas à se saisir pleinement des nouveaux outils d’aménagement qui leur sont donnés. Si nous avons rationalisé les procédures dérogatoires prévues en matière d’urbanisme aux articles 1er et 4, afin de les rendre plus opérationnelles et plus conformes à la répartition actuelle des compétences, nous avons toujours conservé l’avis de la commune. En outre, nous n’avons pas souhaité rendre de droit les dérogations aux PLU, qui peuvent déjà être accordées au cas par cas par le maire, pour ce qui est notamment des majorations du volume constructible.
Ne sachant pas de quoi les décrets de demain seront faits – chat échaudé craint l’eau froide –, nous avons également fixé à dix ans la durée du permis à destinations multiples, avec possibilité de prorogation, afin d’assurer que les bâtiments qui en bénéficieront n’échapperont pas pour une durée indéterminée aux évolutions des documents d’urbanisme souhaités par les collectivités.
Le maire pourra en outre, s’il l’estime nécessaire, exiger que le porteur de projet indique la première destination de la construction projetée.
Enfin, la commission a supprimé la servitude de résidence principale de trois ans pour les locaux professionnels transformés en logements dans les copropriétés. Cette disposition était en pratique inapplicable, puisqu’elle aurait nécessité, le cas échéant, d’annuler juridiquement la transformation physique d’un local et d’exiger sa remise en état des années après ladite transformation.
Le texte sur les meublés de tourisme que nous venons d’adopter donne au contraire aux collectivités les moyens d’imposer de telles servitudes là où c’est nécessaire, et bien au-delà des seuls locaux ayant fait l’objet d’une transformation en logements dans les copropriétés.
Je le répète, ce texte ne résoudra pas toutes les difficultés, et les cas d’application ne seront peut-être pas fréquents, mais il pourra apporter des solutions lorsque cela sera nécessaire. J’espère donc qu’il pourra être adopté dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du logement n’appelle pas une réponse unique, et cette proposition de loi l’aborde sous un double aspect : alors que des surfaces de bureaux sont libérées, du fait notamment de l’essor du télétravail dans certaines régions, le nombre d’autorisations de construction de logements neufs a chuté en France de 20 % environ, soit près de 100 000 logements autorisés en moins chaque année.
Une telle situation appelle des mesures de tous ordres. J’aborderai pour ma part celles qui portent sur la fiscalité.
En premier lieu, les articles 2, 3 et 3 bis B prévoient l’application de la taxe d’aménagement aux opérations de transformation de bureaux en logements, qui n’y sont en effet pas soumises dans le droit actuel si elles n’occasionnent pas de création de surface. On pourrait y voir un paradoxe : pourquoi accroître la fiscalité pesant sur des opérations dont on veut encourager la réalisation ?
Il faut bien voir que les opérations de transformation de bureaux en logements, même si elles ne créent pas de surface nouvelle, font venir des populations nouvelles et créent donc des besoins nouveaux, par exemple lorsque des établissements scolaires ou destinés à l’accueil de la petite enfance doivent être créés ou étendus, ce que la taxe d’aménagement a pour objet de financer. L’assujettissement à la taxe d’aménagement apparaît donc comme une mesure utile, voire indispensable.
À l’article 2, la commission des finances a cherché à trouver le juste équilibre entre deux nécessités : elle a souhaité à la fois réduire l’impact de la taxe sur l’équilibre économique des projets et préserver l’apport aux collectivités du bloc communal de ressources adaptées aux besoins créés par lesdits projets. Elle a ainsi adopté un amendement visant à transformer l’assujettissement facultatif prévu par le texte en assujettissement de droit, tout en permettant aux collectivités d’exonérer les opérations concernées, en fonction de la situation locale.
Nous assujettissons à la taxe d’aménagement toutes les transformations de locaux en logements, quelle que soit leur destination d’origine – ma collègue l’a rappelé –, car la limitation aux transformations de bureaux n’est pas justifiée au regard de l’objet de la proposition de loi.
L’objectif étant de favoriser l’attribution des autorisations d’urbanisme tout en limitant le coût pour les porteurs de projet, il est proposé de n’instituer, pour ces opérations, que la part communale de la taxe d’aménagement. De surcroît, comme les équipements nécessaires sont déjà partiellement financés, nous proposons d’introduire un abattement de 50 % sur l’assiette de la taxe.
L’article 3 a été supprimé, parce que ses dispositions ont été intégrées à l’article 2.
Quant à l’article 3 bis B, aux termes duquel l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pourrait reverser aux communes membres une partie du produit de la taxe ainsi instituée, il est satisfait par le droit existant ; il est donc supprimé.
En second lieu, l’article 3 bis A prévoit l’exonération des bureaux faisant l’objet d’une transformation en logements de la taxe sur les bureaux et autres locaux professionnels (TSB) due en Île-de-France et dans les départements littoraux de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il s’agit d’une bonne mesure, mais nous l’avons adaptée, afin de l’étendre, derechef, à des transformations de locaux autres que les bureaux.
Nous ciblons en outre l’exonération sur les locaux destinés à être transformés en locaux à usage d’habitation, ce qui garantit qu’elle ne favorisera pas les transformations de bureaux et autres locaux professionnels en meublés de tourisme ou en résidences de tourisme.
Enfin, nous précisons que les locaux doivent être vacants et qu’une amende devra être payée si le projet n’est pas réalisé.
Telles sont les modifications apportées sur ce texte en matière fiscale par la commission des finances, sous la présidence de Claude Raynal, que je salue. Vous le voyez, mes chers collègues, ces mesures n’ont pas vocation à résoudre la crise du logement dans son ensemble – voilà qui serait bien présomptueux – ni à répondre à un objectif de rendement. Mais elles relèvent d’un principe que nous devons avoir à l’esprit : la transformation du modèle de développement urbain ne se fera pas sans les maires.
Ces opérations s’inscrivent en effet pleinement dans l’objectif du ZAN et de son financement, sujet sur lequel nous travaillons par ailleurs sous l’égide de notre collègue Jean-Baptiste Blanc. Le zéro artificialisation nette ne saurait être seulement une contrainte réglementaire. Il doit reposer sur des mécanismes qui récompensent les collectivités et facilitent les projets sobres en surface, ce qui nécessite l’adaptation de notre fiscalité locale, à laquelle nous travaillons également.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre écoute et de la qualité de nos échanges. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante-sept.)
M. Vincent Louault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera évidemment ce texte : tout ce qui renforce les maires et leur pouvoir de modifier la destination d’un local est bienvenu.
Il faut un peu de variété dans ces discussions générales, qui sont toujours un peu longues et répétitives : je n’utiliserai donc que trente secondes de mon temps de parole ! (Exclamations amusées. – Mmes Amel Gacquerre et Nadège Havet applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Amel Gacquerre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Amel Gacquerre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, nous traversons une crise du logement sans précédent. Il ne se passe pas un jour dans notre pays sans que la pénurie de logements et le mal-logement soient dénoncés.
La crise est multiforme : chute de la construction neuve, recul de 22 % des mises en chantier sur un an, parcours résidentiel bloqué, marché locatif asséché, accès à la propriété éloigné comme jamais de nos concitoyens, alors même que devenir propriétaire reste le rêve de la majorité des Français.
Elle a de graves conséquences sociales et économiques. Récemment encore, un nouveau plan social a malheureusement été annoncé par un grand groupe immobilier ; et je n’omets pas toutes les entreprises plus petites qui, plus silencieusement, mettent la clé sous la porte.
C’est dans ce contexte que les textes législatifs en matière de logement se multiplient : voilà déjà le troisième que nous examinons en deux mois,…
Mme Amel Gacquerre. … alors que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut mettre un terme à l’inflation législative.
C’est la troisième boîte à outils dans le domaine du logement sur laquelle nous votons en deux mois. N’y a-t-il pas là un problème de méthode ? N’aurait-il pas été plus judicieux de dresser une grande loi d’orientation relative au logement pour sortir de la crise ? N’aurait-il pas été plus pertinent de donner des perspectives de long terme à tous les acteurs du logement ? Les boîtes à outils auraient ensuite trouvé toute leur place dans la feuille de route politique ainsi tracée…
Face à la conjoncture actuelle, le choc d’offre annoncé par le Premier ministre et décliné par le Gouvernement est le bienvenu, même s’il demeure insuffisant – vous le savez, monsieur le ministre. Il est en effet nécessaire de relancer la demande et, pour cela, il est impossible de faire l’impasse sur le volet fiscal et budgétaire du problème.
La proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements est appréciable, mais, nous le savons tous, elle ne résoudra pas la crise actuelle. Ce texte technique est une énième boîte à outils à destination des maires et des promoteurs, consistant à jouer sur des aspects exclusivement réglementaires.
Il s’agit, par cette boîte à outils, de sécuriser davantage les élus, en particulier les maires, dans les procédures de changement d’usage. Il s’agit également de permettre une accélération des procédures et une simplification des règles d’urbanisme, afin que l’action des maires en la matière soit plus efficace et plus rapide. En effet, les règlements des plans locaux d’urbanisme et des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, dans le cadre du zonage, peuvent empêcher des opérations de transformation de bureaux en logements. Certains zonages actuels n’étant plus adaptés aux évolutions de l’environnement urbain, ils peuvent bloquer des projets engagés par les maires pour transformer certains quartiers. Ce texte permet de lever des obstacles en ce domaine, ce qui est une excellente chose. Donner aux maires la faculté de déroger au document d’urbanisme va dans le bon sens.
La possibilité de reconvertir des bureaux en logements sans passer par des opérations de démolition-reconstruction, fortement émettrices de gaz à effet de serre, relève du bon sens. Une telle reconversion contribue en outre à la lutte contre l’étalement urbain. Grâce à elle, nous consommerons moins de terrains agricoles ou naturels.
La reconversion est également vertueuse en ce qu’elle entraîne moins d’oppositions et de recours que la construction. Là encore, les élus se trouvent mieux sécurisés.
Je voudrais saluer le travail de notre rapporteure, Martine Berthet, qui a enrichi le texte lors de l’examen en commission la semaine dernière. Je me réjouis également des différents apports sénatoriaux qui prennent en compte les problématiques liées à la ruralité. C’est une excellente chose en effet que d’avoir étendu le champ d’application du texte à l’ensemble des bâtiments de destination autre qu’habitation pouvant être transformés en logements. Pourront ainsi être concernés les locaux commerciaux, mais également des bâtiments industriels ou agricoles ; je pense notamment aux corps de ferme.
Sur le volet fiscal, je tiens à saluer le travail et les apports de Stéphane Sautarel, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il est opportun d’avoir transformé l’assujettissement facultatif à la taxe d’aménagement prévu par la proposition de loi en assujettissement de droit : voilà qui facilitera l’instauration de la taxe dès le début de 2025, étant entendu que les autorités locales pourront y renoncer en fonction de la situation locale.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera évidemment en faveur de cette proposition de loi.
J’espère sincèrement que ce texte sera suivi d’effets et que nombre de projets de transformation de locaux non destinés au logement en logements verront le jour.
Demeurent toutefois deux freins non négligeables à l’atteinte de cet objectif.
D’une part, le coût de la transformation reste extrêmement élevé, bien plus que celui de la construction neuve, de quoi dissuader nombre d’opérateurs et d’élus. D’autre part, le rendement annuel moyen de l’immobilier de bureau reste deux à trois fois plus élevé que celui de l’immobilier d’habitation. Sans mesures incitatives, je redoute des résultats très limités…
Malgré tous les apports que j’ai évoqués, je maintiens, comme je l’ai souligné en commission, notamment lors de votre audition la semaine dernière, monsieur le ministre, que ce texte ne résoudra pas la crise du logement.
Nous avons adopté ce soir une proposition de loi encadrant davantage la location de meublés de tourisme. Nous discutons actuellement du texte qui facilite la transformation de bureaux en logements. Puis, au mois de juin, nous examinerons le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables. Pour ce qui est de ce dernier texte, la tâche est immense, à la hauteur des attentes de l’ensemble des acteurs du logement, aujourd’hui en souffrance. Avec ma corapporteure Sophie Primas, nous sommes d’ores et déjà à l’œuvre pour renforcer les dispositions de ce projet de loi. Nous savons pouvoir compter sur votre écoute dans cette entreprise, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Antoinette Guhl. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Antoinette Guhl. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 6 février 2014, la presse titrait : « Les écologistes [parisiens] font une proposition-choc pour trouver une issue aux problèmes de logements dans la capitale : recycler les bureaux vacants en logements. »
Telle était donc notre proposition de campagne à Paris en 2014. Le constat était simple : il y avait plus de 1 million de mètres carrés de bureaux inoccupés dans la capitale. L’idée était tout aussi simple : passer d’une production excessive de bureaux à une utilisation plus efficace des ressources de logements. Nous étions bien loin, à l’époque, de la crise du covid-19 et de ses effets sur le télétravail ou de la guerre en Ukraine et de ses conséquences en matière d’inflation et de coût de l’énergie.
Les bureaux vacants posent un problème social alors que 14 millions de Français sont fragilisés par la crise du logement. Les bureaux chauffés, éclairés, climatisés et sous-occupés du fait du télétravail posent aussi un problème écologique majeur. Une étude récente indique d’ailleurs qu’ils représentent un gaspillage écologique de 600 000 tonnes de CO2 chaque année en France, soit l’équivalent de 750 000 vols Paris-New York.
Il y a sur le territoire francilien plus de 4 millions de mètres carrés de bureaux vacants. Ils sont là ! Nous pouvons donc les utiliser, et les utiliser à bon escient : nul besoin de construire des tours Triangle ou des milliers de mètres carrés de surface de plancher, comme pour le projet de l’Agence française de développement (AFD) à Austerlitz. Quand tant de mètres carrés sont disponibles, de tels projets sont économiquement hors-sol et écologiquement d’un autre temps.
Paris n’a donc pas attendu cette proposition de loi pour lancer des transformations de bureaux en logements. Nous l’avons d’ailleurs constaté ensemble au sein de la commission des affaires économiques, madame la présidente, lorsque nous avons visité l’îlot Saint-Germain, un ancien site du ministère de la défense dont les travaux de transformation ont permis la création de 250 logements sociaux, d’un gymnase et d’une crèche. Voilà une belle illustration de transformation vertueuse de bureaux : ce projet répond aux besoins des habitants en logements, mais également en équipements publics, en commerces, en proximité et en transports !
Oui à la transformation des bureaux en logements, mais encore faut-il pouvoir aller acheter son pain, faire du sport et disposer d’un mode de garde pour ses enfants à proximité ! Il est donc impératif que les communes disposent de moyens financiers pour faire face à l’accroissement de population résultant de ces transformations, ce qui suppose notamment de soumettre les projets ainsi engagés à la taxe d’aménagement.
Oui, un grand « oui », à la transformation des bureaux en logements – c’est l’objet de cette proposition de loi –, mais cela ne doit pas se faire n’importe comment, ni pour n’importe qui !
À qui doivent prioritairement profiter ces transformations ? Aux mal-logés, aux ménages relevant du droit au logement opposable (Dalo), aux demandeurs d’un logement social et aux étudiants : ainsi pensent les écologistes.
Et ces transformations ne doivent pas se faire n’importe comment : beaucoup de dérogations aux plans locaux d’urbanisme sont envisagées dans le texte qui nous est présenté ; il est indispensable de laisser aux maires et aux élus la main sur la décision et de respecter les grandes orientations stratégiques de leurs plans.
La réforme ne doit pas non plus enrichir davantage les 3,5 % de ménages qui possèdent la moitié des logements en location.
Enfin, les résidences étudiantes, seniors ou de coliving privées favorisent la spéculation des investisseurs et ne résolvent pas la crise du logement, pas même pour les étudiants. Mais nous en reparlerons demain, monsieur le ministre…
Selon un rapport d’Oxfam, les trois niches fiscales, dont le dispositif Censi-Bouvard et le statut LMNP (location meublée non professionnelle), ont coûté à l’État environ 11 milliards d’euros ces dernières années. Avec 11 milliards d’euros, l’État aurait pu construire plus de 70 500 logements sociaux supplémentaires !
Monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, vous nous présentez des réformes qui aboutissent à une forme de consensus ; cela ne signifie pas que tout va bien.
Oui, nous voterons ce texte, comme nous avons voté le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement, devenu loi éponyme du 9 avril 2024, ou encore la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale.
Toutefois, nous estimons que ces mesures ne répondent pas à la crise du logement. Les petites lois que j’ai citées ne suffisent pas en effet à résoudre cette crise structurelle. Au contraire, les incitations fiscales à la spéculation immobilière, combinées à l’absence de réglementation des prix du foncier, aggravent les inégalités en matière de logement.
Nous ne répondons pas non plus – vous ne répondez pas, monsieur le ministre ! – aux besoins des 4 millions de mal-logés et des 2 millions de personnes en attente de logement social.
Derrière ces chiffres, il y a des êtres humains, des jeunes, des familles, des enfants, des précaires ; ce sont elles et ce sont eux qui doivent guider nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Margaté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)