compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Di Folco,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à Jean-Claude Gaudin, ancien sénateur

M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition brutale de Jean-Claude Gaudin. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)

Nous honorons non seulement la mémoire du ministre, du député et du sénateur qu’il a été, mais aussi la mémoire de celui qui a incarné profondément Marseille, sa ville.

Rendre hommage à Jean-Claude Gaudin, c’est honorer l’un de nos plus grands élus ; son parcours politique ne pouvait que passer par l’assemblée chargée d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, à savoir le Sénat.

Dès l’âge de 15 ans, il admire par-dessus tout Vincent Delpuech, propriétaire du quotidien Le Petit Provençal, qui siégea au Sénat de 1939 à 1966.

Le 27 mars 1965, le jeune professeur d’histoire-géographie fait son entrée au conseil municipal de Marseille. Peut-il penser une seule seconde qu’il y siégera pendant cinquante-cinq ans ?

Son arrivée au Palais Bourbon, en mars 1978, sera un grand moment d’émotion.

Élu sénateur en 1989, il siège au sein du groupe des Républicains et Indépendants, et rejoint la commission des affaires étrangères. Il restera attaché à la Haute Assemblée pendant vingt-huit ans. En septembre 1995, le sénateur-maire de Marseille est élu président du groupe des Républicains et Indépendants au Sénat. Après avoir été nommé ministre de l’aménagement du territoire, de la ville et de l’intégration en 1995, il revient au Sénat et devient alors vice-président de la Haute Assemblée en 1998.

Il est un président de séance courtois, chaleureux, au savoir-faire efficace dans la conduite parfois délicate de nos débats. Ceux qui l’ont connu se souviendront de sa présidence courtoise et de sa technique de vote unique, ni numérique ni arithmétique : il « consulte du regard ». (Sourires.)

En mars 2011, les membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) du Sénat le désignent comme leur président. L’empathie et la sympathie qu’il suscite tiennent à cette estime de l’autre qu’il a développée au cours de sa jeunesse et tout au long de sa carrière, dans l’esprit même de la doctrine sociale de l’Église qu’il a incarnée au sein du groupe d’amitié France-Saint-Siège du Sénat. Je pense aussi à son empathie envers le peuple arménien, dont il a inlassablement défendu la cause au Sénat.

En juillet 2017, il décide, en application des nouvelles règles relatives au cumul des mandats, de céder son mandat de sénateur et de conserver celui de premier magistrat de la ville de Marseille, afin de privilégier le lien direct avec ses administrés, et ce jusqu’en 2020.

Un certain nombre d’entre nous ont encore en mémoire, comme les témoignages que j’ai reçus l’ont montré, l’ultime séance qu’il a présidée – c’était pendant une session extraordinaire, le 25 juillet 2017 – et l’émotion que, sur toutes les travées, nous avons alors ressentie.

Lors de la réunion de la questure décentralisée, à la fin du mois de février et au début du mois de mars, à l’invitation du maire de Marseille, nous l’avions retrouvé au Palais du Pharo, les trois questeurs et moi-même ; le lendemain, je me suis rendu chez lui, dans sa maison du quartier de Mazargues, autour d’un café et de calissons. Il adorait particulièrement les calissons, dont nous avons alors fait ensemble un usage immodéré. (Sourires.) Il était toujours aussi aigu dans sa réflexion politique, dans son regard sur notre pays.

« Jean-Claude… », « Monsieur le maire… » : il faut avoir traversé Marseille avec lui, dans sa voiture, pour comprendre ce que signifie la relation si forte qu’il avait avec les Marseillaises et les Marseillais.

Un certain nombre d’entre nous l’accompagneront demain à la cathédrale de La Major, à Marseille.

À ses proches, à tous ceux qui ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur tristesse et à leur chagrin.

Je n’oublie pas qu’il a été, à mes côtés, un vice-président engagé, fidèle, qui savait dénouer toutes les situations, même les plus inextricables. Il y avait comme une science particulière chez Jean-Claude Gaudin.

Je propose que nous partagions un moment de recueillement en sa mémoire.

À tous ceux qui l’ont connu ici, je suggère de fermer les yeux : ils le verront, à cette place qu’il a tant aimée, diriger nos débats avec autant de fermeté que de gentillesse. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Notre séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif à l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

J’excuse l’absence, pour le début de cette séance, du Premier ministre, qui revient des cérémonies organisées ce matin à Caen en hommage aux deux surveillants pénitentiaires tués le 14 mai dernier dans l’attaque de leur fourgon. La semaine dernière, le Sénat avait lui-même rendu hommage à ces deux fonctionnaires victimes d’un crime odieux. Le Premier ministre, que j’ai eu au téléphone, devrait nous rejoindre au cours de notre séance de questions.

En conséquence et avec l’accord des groupes, nous examinerons un peu plus tard les questions relatives à la Nouvelle-Calédonie, auxquelles le Premier ministre souhaite répondre personnellement.

réforme de l’audiovisuel public

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sylvie Robert. Madame la ministre de la culture, « BBC à la française », quel beau slogan, malheureusement vide de sens. Avez-vous une seule fois présenté la vision stratégique qui sous-tend cette BBC ? Non !

Avez-vous une seule fois justifié la pertinence de cette fusion, au-delà de votre autre slogan, « Se réunir pour être plus forts » ? Non plus !

Avez-vous une seule fois dissipé les doutes et les craintes que fait peser ce texte sur l’indépendance et le pluralisme de l’information ? Toujours pas !

Avez-vous également clarifié le futur financement de l’audiovisuel public, préalable indispensable à toute réforme ? Absolument pas !

Avez-vous enfin consulté les personnels de l’audiovisuel public ? La grève prévue demain par les syndicats apporte une réponse limpide.

Nous avons découvert à quel point la cacophonie au sein de l’exécutif et de la majorité règne, et à quel point vous naviguez à vue. J’en donnerai deux exemples. L’audiovisuel extérieur doit-il être inclus dans le projet de réforme ? Oui, mais en fait, non. Faut-il déplafonner ou contraindre les recettes publicitaires ? On ne sait plus. À quelques mois de cette fusion, plus on avance, moins on en sait !

Madame la ministre, si vous souhaitez réellement protéger l’audiovisuel public, comme vous le dites, ne passez pas en force et reconnaissez que votre projet n’est pas mûr. Êtes-vous prête à y renoncer ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Éric Bocquet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Madame la sénatrice Robert, vous dites que l’on vogue vers l’inconnu, mais cette réforme n’est pas tombée du ciel ! Cela fait plus de dix ans qu’elle est connue !

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains. C’est faux !

Mme Rachida Dati, ministre. Elle est connue, puisque vous en avez vous-mêmes débattu ici, lors de l’examen d’une proposition de loi que le président Lafon a fait adopter – j’en profite pour lui rendre hommage. C’est cette proposition de loi qui poursuit son parcours. Je souhaite aussi rendre hommage à l’ensemble des sénateurs qui ont travaillé sur l’audiovisuel public, depuis très longtemps, comme le sénateur Hugonet ou le sénateur Karoutchi, et bien d’autres encore.

Ici même, madame la sénatrice, les débats ont eu lieu, les enjeux ont été identifiés. Aujourd’hui, certains ont le sentiment que nous allons revenir à l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française). Cependant, le contexte est différent : tandis que 26 chaînes privées se structurent, s’organisent en groupes et rassemblent leurs forces, l’audiovisuel public voit ses propres forces encore très dispersées. Tous les rapports et études d’impact le reconnaissent.

Les pratiques de consommation de la population, notamment des jeunes, évoluent, comme en témoignent les deux indicateurs suivants : l’âge moyen des téléspectateurs de France Télévisions est de 64 ans ; il est passé, pour Radio France, de 51 ans à 57 ans en quelques années.

M. Yannick Jadot. Quel rapport ?

Mme Rachida Dati, ministre. Il est donc nécessaire de réformer l’audiovisuel public ; c’est un enjeu d’avenir, pour les générations futures. Le paysage médiatique public est très fracturé.

M. Thomas Dossus. Hors sujet !

Mme Rachida Dati, ministre. Concernant la création d’une maison commune, il ne s’agit d’uniformiser ni les métiers ni les activités. Quant au financement, nous avons réussi à créer un dispositif unique. Vous-même ne l’aviez pas obtenu ! À cet égard, je rends hommage au président Lafon, car nous avons réussi à faire avancer cette question. Nous serons les seuls en Europe à disposer de ce mode de financement tout à fait inédit.

Mme Rachida Dati, ministre. Ce sera un prélèvement sur recettes, et nous sommes les seuls en Europe à avoir sanctuarisé un tel financement. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie simpatiente.)

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Rachida Dati, ministre. Enfin, j’ai bien consulté l’ensemble des organisations syndicales, les journalistes et les rédactions. Cette réforme, très ambitieuse, est attendue par les Français eux-mêmes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.

Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, le Sénat avait voté la création d’une holding, non une fusion !

Surtout, le service public de l’audiovisuel va bien. Il est plébiscité par les auteurs, les éditeurs et les auditeurs. Pourquoi le fragiliser ? Pourquoi le déstabiliser ? Pourquoi cette précipitation ?

Comme l’ont dit plusieurs de vos prédécesseurs, cette fusion sera, je les cite, « inutile » et « inefficace ». Surtout, madame la ministre, elle va à contre-courant des urgences actuelles. Nous avions besoin d’une grande réflexion sur l’avenir des médias, car là est l’urgence ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

aides à la rénovation énergétique

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Jean-Pierre Corbisez. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du logement.

Monsieur le ministre, à l’issue de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, l’objectif initial de 200 000 logements en rénovation énergétique a été revu à la baisse, à hauteur de 140 000 logements, et ce à la suite des coupes budgétaires décidées récemment.

En janvier 2024, les monogestes d’isolation prenaient fin et les contrats de certificats d’économies d’énergie (C2E) passaient sous le contrôle de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

Il y a une semaine, monsieur le ministre, vous avez fait trois pas en arrière en réautorisant les monogestes énergétiques et en reportant au 1er janvier 2025 les décisions initialement prévues au 1er janvier de cette année.

Beaucoup de candidats n’y comprennent plus rien : j’y vais, je n’y vais pas, j’attends l’année prochaine… au risque de voir les subventions baisser voire disparaître, au vu des nouvelles économies de 20 milliards d’euros à faire pour 2025, annoncées ce matin dans la presse.

Monsieur le ministre, n’y avait-il pas moyen de faire plus simple pour les candidats à la rénovation énergétique de leur logement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Corbisez, je souhaite vous remercier de votre question, qui me permet de rappeler que MaPrimeRénov’ est un succès français dont nous pouvons nous réjouir collectivement. (MM. Yannick Jadot et Akli Mellouli ironisent.)

MaPrimeRénov’ a permis à plus de deux millions de Français de rénover leur habitation au cours des trois dernières années. Pour tous ces Français qui ont eu la chance d’en bénéficier, nous pouvons nous en réjouir.

Vous avez évoqué les questions budgétaires. En réalité, jamais le budget de MaPrimeRénov’ n’a été aussi élevé, malgré notre effort de restitution. Ce budget, qui s’élève à 3,85 milliards d’euros en 2024, contre 3,49 milliards d’euros en 2023, est donc bien en augmentation.

Cependant, le budget pour 2023 a été sous-consommé. La baisse de 85 % du nombre de dossiers déposés en janvier et février de cette année nous a conduits, Christophe Béchu et moi-même, à être à l’écoute des professionnels du bâtiment – Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et Fédération française du bâtiment (FFB) – et à ajuster les règles, afin que plus de Français puissent bénéficier de MaPrimeRénov’.

C’est pourquoi nous avons pris un décret, le 15 mai dernier, qui a permis à de nombreux Français de bénéficier à nouveau de MaPrimeRénov’. Nous avons notamment supprimé l’obligation du diagnostic de performance énergétique (DPE) dans le cadre d’une rénovation par geste et nous avons ouvert la possibilité de recourir à des travaux monogestes d’isolation. L’un dans l’autre, nous avons voulu redonner aux Français la possibilité d’accéder à MaPrimeRénov’.

Certes, cela représente un changement par rapport à la réforme initialement prévue, mais c’est un changement de bon sens, qui va permettre à de nombreux Français de bénéficier du dispositif.

Les résultats, monsieur le sénateur, commencent à être au rendez-vous. Au 21 mai, nous avons eu 7 618 dossiers de demandes déposés sur le site de l’Anah, soit deux fois plus que la moyenne hebdomadaire depuis le début de l’année. De plus en plus de Français sollicitent les services de l’Anah et MaPrimeRénov’. Nous pouvons nous en réjouir.

Je réunirai d’ailleurs l’ensemble des acteurs de la filière pour organiser un mouvement de structuration du secteur de la rénovation et nous prévoyons de signer un pacte. Nous allons tous nous mettre autour de la table pour avoir encore plus d’ambition, simplifier les procédures et accélérer la rénovation des logements. Il y va non seulement du portefeuille des Français, mais aussi de nos ambitions écologiques. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Corbisez. Il est vrai que le volume financier est plus important, comme il est vrai que de nouveaux dossiers de monogestes énergétiques ont été déposés depuis le début de l’année en quantité importante. Toutefois, ces dossiers iront-ils à terme ? Je pense aussi aux contrats C2E : désormais, tout passe par l’Anah, contrairement aux contrats passés l’année dernière – j’en ai fait l’expérience.

Mes chers collègues, les dossiers Anah sont complexes ; qu’un élément manque, c’est le retour à la case départ. Vous devez payer les travaux et vous ne pouvez lancer la demande de subvention qu’une fois que 80 % des travaux sont engagés. Certes, il est possible de demander une avance, mais voilà encore un dossier à remplir, et la réponse n’est donnée qu’une fois les travaux finis.

L’ancien système était, monsieur le ministre, beaucoup plus simple : il y avait un contrôle technique avant et après les travaux, et le bénéficiaire payait sa part, tandis que l’entreprise cherchait le solde auprès des grands groupes français pollueurs.

Monsieur le ministre, faites plus simple ! Par ailleurs, la simplicité, depuis quelques jours, ce sont nos collectivités locales qui l’apprennent ! Nous venons d’apprendre que, dans le cadre du fonds vert, l’État financera les projets de rénovation des parcs luminaires d’éclairage public à hauteur de 15 % au lieu de 25 %. Quant à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et à la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux, les aides diminuent de 35 % à 25 % ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

communication du ministère des affaires étrangères

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Édouard Courtial. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, depuis deux jours, la voix du Quai d’Orsay est brouillée. Lundi dernier, à la suite de la mort du président iranien Ebrahim Raïssi, votre ministère a « présenté ses condoléances à la République islamique d’Iran ».

Le jour même, le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) a réclamé des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou et contre Yahya Sinouar, chef du Hamas dans la bande de Gaza et cerveau présumé de l’attaque du 7 octobre.

Ce faisant, le procureur général a renvoyé dos à dos le chef d’un gouvernement démocratique et le patron d’une organisation terroriste. Là encore, le Quai d’Orsay s’est fendu d’un courtois communiqué indiquant que la France soutenait l’indépendance de la CPI et « la lutte contre l’impunité dans toutes les circonstances ».

Monsieur le ministre, nous sommes bien conscients que les deux événements sont indépendants, mais leur télescopage et la façon dont le Quai a réagi brouillent la voix de notre pays. Lorsque l’on présente ses condoléances pour la mort d’Ebrahim Raïssi, la jeune Mahsa Amini, tuée pour avoir bravé l’absolutisme des mollahs, se retourne dans sa tombe. Vous avez vous-même dû réagir à la comparaison entre Netanyahou et Sinouar pour préciser qu’il ne pouvait y avoir d’équivalence entre le Hamas et Israël.

Monsieur le ministre, vous comprenez que tout cela ait pu susciter l’émotion et le trouble. Pouvez-vous nous confirmer que vous allez reprendre la main sur la communication de votre ministère et que nos valeurs y auront, à l’avenir, bien plus clairement droit de cité ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Courtial, je vous prie d’excuser Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui est retenu aujourd’hui à Weimar avec ses homologues polonais et allemand.

S’agissant de la Cour pénale internationale, le Quai d’Orsay a simplement rappelé ce que sont le droit et le principe de conventionnalité, à savoir que la France reconnaît l’indépendance de la Cour pénale internationale.

M. le ministre a aussi rappelé que cette reconnaissance n’implique en aucun cas et d’aucune manière une équivalence entre, d’une part, le Hamas, un groupe terroriste qui s’est rendu coupable du pire massacre antisémite depuis la Shoah, qui a revendiqué et célébré des attaques barbares, des actes de torture et des violences sexuelles, et, d’autre part, Israël, un État démocratique, qui doit respecter le droit international dans la conduite d’une guerre qu’il n’a pas provoquée lui-même. Voilà ce que Stéphane Séjourné a rappelé à son homologue israélien ce matin même.

En ce qui concerne le décès du président iranien, le Quai d’Orsay s’en est tenu aux usages protocolaires entre pays qui entretiennent des relations diplomatiques, ce qui n’enlève rien aux différends que nous avons avec l’Iran, en particulier eu égard à son action déstabilisatrice dans l’ensemble du Moyen-Orient. Je pense à son action au Liban, en Syrie, et en particulier à l’agression inacceptable de l’Iran contre l’État d’Israël du 13 avril dernier, que nous avons publiquement condamnée. Je pense aussi à la répression intolérable des mouvements pour les libertés publiques, et notamment pour les droits des femmes, au développement illégal et irresponsable du programme nucléaire iranien et, enfin à l’indigne politique d’otages d’État dont sont victimes quatre de nos compatriotes.

Le respect des usages protocolaires n’enlève rien à la fermeté avec laquelle la France s’adresse à l’Iran. (M. François Patriat applaudit.)

situation à gaza et mandat d’arrêt émis par le procureur de la cour pénale internationale

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, internationalement, la parole de la France s’est toujours inscrite dans la lutte contre l’obscurantisme et pour la démocratie. Avez-vous le sentiment que c’est toujours le cas aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Karoutchi, me voilà abonné aux questions courtes ! (Sourires.)

Oui, la France tient son rang de grande puissance d’équilibre, que l’on considère la situation au Proche-Orient, le front ukrainien ou tous les théâtres où nous sommes amenés à prendre position.

Je vous prie d’excuser de nouveau M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui se trouve précisément avec ses homologues allemand et polonais pour porter, dans ce Triangle de Weimar ainsi réactivé, la voix d’équilibre qui est celle de la France.

Pour ce qui concerne la situation au Proche-Orient, c’est bien le Président de la République, lors du dernier Conseil européen, qui a amené nos partenaires à parler d’une seule voix pour tout à la fois dénoncer la situation des otages dans la bande de Gaza, appeler à une trêve humanitaire conduisant à un cessez-le-feu durable, appeler à ce que l’acheminement de l’aide humanitaire puisse se faire sans entraves et enfin appeler à ce que des sanctions puissent être prises – nous l’avons fait au niveau national – à l’encontre des dirigeants du Hamas comme à l’encontre des colons extrémistes violents.

C’est cette voix d’équilibre que porte le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, que porte le Président de la République, et qui, à mon sens, est entendue partout dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. À force de « en même temps », plus personne ne vous entend.

L’ONU, ce « machin », comme disait de Gaulle, a beaucoup évolué : un forum du Conseil des droits de l’homme présidé par l’Iran, la Commission de la condition de la femme présidée par l’Arabie saoudite, tandis que le rapporteur du Comité spécial de la décolonisation est le représentant de la Syrie de Bachar al-Assad, comité qui, d’ailleurs, demande régulièrement l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie.

Le secrétaire général a demandé une minute de silence pour le boucher de Téhéran. Visiblement, l’ambassadeur de France y a participé volontiers.

Vous nous dites que nous avons présenté les condoléances de la France pour des raisons protocolaires. Franchement, il y a des messages que l’on entend plus ou moins bien. Que pensent les femmes iraniennes ? Que pense l’opposition démocratique iranienne ? Que pensent tous les jeunes Iraniens d’un tel message ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.) La France obséquieuse avec l’obscurantisme, c’est non !

La France, c’est aussi la voix de la démocratie. Vous me dites que le communiqué du Quai d’Orsay sur la demande du procureur de la CPI est institutionnel. S’il n’est qu’institutionnel, il ne fallait pas le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

Rappeler que la France respecte l’indépendance de la CPI n’est d’aucune utilité. Nous espérons bien que tel est toujours le cas, et pas juste ce soir-là, à minuit et quart ! Aviez-vous honte de ce communiqué pour le publier nuitamment ?

Ne mettez pas sur le même plan, quels que soient les commentaires des uns et des autres sur le gouvernement de M. Netanyahou, un État démocratique avec des instances élues et une organisation terroriste qui a assassiné. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

politiques publiques relatives à la famille

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Xavier Iacovelli. Madame la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles, en France, la notion de famille a beaucoup évolué depuis le code civil de 1804, particulièrement depuis 1970 en ce qui concerne la composition familiale et l’égalité parentale.

Aujourd’hui, les familles sont multiples, elles sont diverses, elles sont dites traditionnelles, parfois elles sont recomposées, une fois, plusieurs fois. Les familles sont parfois homoparentales, elles sont aussi pour 20 % d’entre elles monoparentales, choisies ou subies. L’éducation des enfants se fait parfois par un beau-parent, qui n’a aujourd’hui aucun statut.

Cependant, les droits familiaux peinent à obtenir le grand dépoussiérage qui les adapterait aux réalités du quotidien, afin de dessiner un nouveau cadre global et solidaire.

Depuis 2021, nous avons doublé le congé de paternité, qui est passé de quatorze à vingt-huit jours. Aujourd’hui, 71 % des pères ont eu recours à ce nouveau droit, afin de profiter pleinement, avec le deuxième parent, des premiers jours du nourrisson. C’est une vraie réussite.

À l’inverse, le congé parental, instauré en 1977, est à bout de souffle, avec 0,8 % des pères et 14 % des mères qui y ont recours. Les revenus sont trop bas et la durée, trop longue, éloigne le plus souvent les mères de la vie professionnelle. C’est pourquoi le Président de la République a réitéré sa volonté de soutenir les parents, en accompagnant la parentalité grâce à l’instauration d’un congé de naissance, certes plus court, mais aussi mieux indemnisé, avec une égalité entre les parents.

Comme je l’ai dit, pour renforcer le socle d’une société, il est impératif de repenser le soutien apporté aux familles. Cela commence par le fait de s’assurer que les ajustements des droits familiaux correspondent bien aux besoins de familles de 2024 et contribuent à réduire les inégalités de genre.

Madame la ministre, comptez-vous lancer des concertations pour actualiser les droits familiaux ? Quelles actions le Gouvernement compte-t-il entreprendre pour que la maternité ne soit plus un vecteur supplémentaire d’exclusion professionnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Cécile Cukierman proteste.)