M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles. Monsieur le sénateur Iacovelli, vous avez raison, les familles françaises ont évolué. Elles ont plusieurs visages. Mais, en réalité, il y a une inégalité qui perdure, celle qui existe entre les deux parents, entre celui qui s’arrête et celui qui ne s’arrête pas.
À l’heure actuelle, force est de constater que l’existant ne suffit plus. Plus de la moitié des parents ne prennent pas le congé parental. Nous sommes passés de 500 000 demandes de par an – en très grande majorité, des mamans – à un peu moins de 250 000 demandes. La réalité est là : ce congé éloigne du travail, a des conséquences sur le salaire et creuse les inégalités.
Il est certain, en revanche, que pour accompagner la vie des familles, il faut les regarder telles qu’elles sont aujourd’hui, en donnant peut-être un nouveau visage à la politique familiale et en apportant de nouvelles réponses.
La politique familiale, c’est le soutien de la parentalité, c’est l’accompagnement des mille premiers jours, mais c’est aussi des droits nouveaux.
Aujourd’hui, c’est également l’obsession du Premier ministre, la classe moyenne n’a pas accès à ces droits, car la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) est forfaitaire, fixée à 448 euros : voilà le problème. Lorsque les deux parents travaillent, comment peuvent-ils avoir une chance de se poser la question de rester ou pas auprès de leur enfant au moment de sa naissance ?
Notre objectif est de parvenir à ouvrir un nouveau droit aux deux parents à temps égal, soit trois mois, avec une prise en charge proportionnelle au salaire – 50 % des indemnités journalières – afin de réduire l’inégalité qui existe malheureusement trop souvent entre le salaire de la mère et celui du père, plus élevé. Nous voulons permettre à cette classe moyenne de se poser la question de prendre ou non ce congé.
La concertation a commencé avec les associations familiales et les organisations syndicales, mais aussi avec le monde de l’entreprise.
Notre obsession est la suivante : simplifier la vie des familles, de toutes les familles, en ayant un regard particulier et privilégié – je sais que vous êtes également mobilisé en ce sens – en faveur des familles les plus vulnérables, notamment les familles monoparentales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez convaincus que notre mobilisation sera totale pour garantir un nouveau droit aux familles françaises. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
droit de grève
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. Philippe Tabarot. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.
Monsieur le ministre, à soixante-cinq jours des jeux Olympiques, le chantage à la grève dans les transports tourne à plein régime. Pas de trêve olympique pour les mobilités ni pour les finances publiques. (Murmures sur les travées du groupe CRCE-K.)
Devenant le préalable à toutes négociations, la grève est aujourd’hui une arme de destruction sociale.
Il est temps d’en finir avec le triste record détenu par certains syndicats irresponsables, privilégiant le terrain de jeu de la nuisance maximale à l’esprit de service au public et à la fierté de travailler pendant les jeux Olympiques, pour son pays. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Cette paix sociale, déjà achetée pourtant à prix d’or par le Gouvernement, se fait encore aux dépens des usagers des transports.
Depuis 1947, il n’y a pas eu une année sans un jour de grève à la SNCF.
M. Ian Brossat. Eh oui !
M. Philippe Tabarot. Chaque grève coûte plusieurs millions d’euros aux contribuables. Cette nouvelle grève arrive après un accord prétendument historique sur les retraites, qui devait apaiser le climat social : cela a tenu moins de quinze jours ! (M. Fabien Gay ironise.)
Monsieur le ministre, la vérité, c’est que cette machine infernale ne s’arrêtera plus. Les Français ne vous ont pas élu pour subir face à ceux qui ont le chantage pour ADN.
Au Sénat, avec les présidents Retailleau et Marseille, nous avons voté pour que le droit de grève n’anéantisse plus tous nos droits fondamentaux, comme ceux de se déplacer ou d’entreprendre. Mais vous restez sourd à nos propositions.
Monsieur le ministre, qu’est-ce que cela vous fait d’être passé en quelques semaines de ministre des transports à ministre de la grève ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Monsieur le sénateur Tabarot, comme je l’ai souligné hier devant l’Assemblée nationale, j’ai toujours défendu le dialogue social et le droit légitime de faire grève.
Dans le secteur des transports, j’ai toujours appelé à la responsabilité de chacun, qu’il s’agisse de la responsabilité de la direction d’entendre les revendications légitimes ou de la responsabilité des syndicats de n’appeler à faire grève que quand toutes les possibilités de discussion dans le cadre du dialogue social ont été épuisées.
La grève d’hier ciblait les modalités de compensation de la mobilisation des agents de la SNCF durant les jeux Olympiques. Des négociations ont lieu aujourd’hui. Cette négociation est-elle légitime ? La réponse est oui !
M. Fabien Gay. Vous voyez, même la droite vous le dit !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. Les agents de la SNCF seront fortement mis à contribution durant les jeux Olympiques et il est légitime qu’il puisse y avoir une compensation.
Néanmoins, je le redis ici, devant vous, la grève d’hier était une grève préventive : ce n’est pas acceptable, car il ne s’agit pas d’une conception responsable du dialogue social.
La première conclusion que j’en tire est que notre pays est décidément bien immature en matière de démocratie sociale. D’un côté, on fustige un accord d’entreprise financé avec la valeur créée à l’intérieur de l’entreprise, conformément à ce qui se pratique dans la plupart des grands groupes. De l’autre, on négocie par la menace.
En tout état de cause, monsieur le sénateur, les propositions de loi que vous avez défendues n’auraient fondamentalement rien changé à la situation qu’a connue hier la région Île-de-France, la grève ayant eu lieu en dehors des vacances scolaires et des week-ends prolongés. J’invite donc tous les acteurs à retrouver le sens de la démocratie sociale dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, vous appelez à la responsabilité, mais vous n’êtes guère écouté. Nous avons l’impression d’un jeu de rôle avec les syndicats. Cette complicité (M. Fabien Gay sourit.) est scandaleuse. Beaucoup d’usagers n’en peuvent plus de cette situation, qui les plonge dans de nombreuses difficultés au quotidien. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.) Reprenez les choses en main, les Français doivent pouvoir se déplacer en toute sérénité, grâce à des moyens de transport à la hauteur d’une démocratie comme France ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
stratégie industrielle et commerciale de stellantis
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.
Monsieur le ministre, la situation du secteur automobile, face au défi majeur de la fin annoncée du moteur thermique, qui doit intervenir au plus tard dans près de dix ans, nous met dans une situation particulière.
La Chine dispose d’une avance majeure dans ce domaine et la production nationale de petites voitures a largement été délocalisée hors de nos frontières.
La semaine dernière, Carlos Tavares, le président de Stellantis, a annoncé que son groupe allait commercialiser dans son réseau de concessionnaires deux nouveaux modèles de marque chinoise de véhicules électriques.
Monsieur le ministre, où en êtes-vous avec le réarmement industriel de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Monsieur le sénateur Bonhomme, la transition vers la fin du moteur thermique, qui va dans le sens de l’histoire et a été décidée entre pays européens, doit être l’occasion de réindustrialiser la France et l’Europe. Il faut produire des véhicules électriques chez nous, avec toute la valeur ajoutée que cela comporte.
Nous avons lancé la construction de 5 gigafactories, qui permettront à terme de fabriquer en France plus de 2 millions de batteries électriques. (M. Fabien Gay proteste.) C’est une valeur ajoutée pour les véhicules fabriqués et assemblés en France. Notre ambition est de produire en France 1 million de véhicules électriques, 2 millions à terme.
Ce million de véhicules sera issu à la fois de la marque Stellantis, qui a annoncé l’assemblage en France d’un certain nombre de produits, et de la marque Renault, qui dès l’année prochaine produira en France un modèle de catégorie B, à savoir une Renault 5 électrique. Je salue d’ailleurs la décision de Renault de produire la Renault 5 en France.
Le fait que Stellantis décide de nouer un partenariat en Chine pourra peut-être l’aider à pénétrer le marché chinois, voire lui permettre d’exporter en Europe des véhicules fabriqués en Chine. C’est son choix.
Mais je veux être très clair : la naïveté, c’est terminé ! Le monde plat, c’est terminé ! Le discours sur le commerce international juste, qui fait que nous sommes les derniers ravis de la crèche, c’est également terminé !
Les aides de type leasing social sont un grand succès : 50 000 véhicules ont été commandés par nos compatriotes. Cette offre sera maintenue l’année prochaine. Le bonus automobile sera réservé aux véhicules fabriqués en France et en Europe, comme nous le faisons depuis le début du mois de janvier. Cette décision a eu un impact clair, puisque la part de marché des véhicules non européens est passée de 55 % à 25 %.
Nous devons réserver les aides publiques aux constructeurs qui choisissent la France et l’Europe. C’est déjà le cas aujourd’hui et ce sera encore le cas dans les années qui viennent ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour la réplique.
M. François Bonhomme. Monsieur le ministre, sans surprise, votre réponse traduit vos atermoiements.
C’est votre majorité au Parlement européen, aidée par les groupes sous l’influence du dogmatisme écologique, qui a décidé d’imposer la fin du moteur thermique en 2035, au motif de lutter contre le réchauffement climatique.
Je rappelle aussi que cette grande bascule est imposée en dix ans alors qu’aucune étude d’impact n’est venue éclairer ce choix.
Alors que l’industrie chinoise dispose d’avantages compétitifs majeurs et déterminants dans la voiture électrique, cette situation risque de fragiliser de notre secteur industriel de manière terrible et historique.
Pendant ce temps, les constructeurs automobiles vont vers la fin du moteur thermique à marche forcée, sans y croire, et demandent eux-mêmes le report de cette décision. Nous sommes le seul continent à en avoir décidé ainsi. Les autres s’en sont bien gardés.
Votre réponse masque surtout notre déclassement industriel. Le déficit de notre balance commerciale a atteint 5 milliards d’euros en 2023.
Vous affirmez vouloir réarmer notre industrie, mais vous ne disposez pour cela que d’un pistolet à bouchon, monsieur le ministre !
Nous risquons, en l’absence de véritables stratégies industrielles claires et protectrices, d’assister impuissants au démantèlement de nos industries. Voilà ce que nous risquons, face au dumping social de la Chine dont l’économie, elle, est dopée par les aides massives du gouvernement chinois.
Nous avons toujours droit à des propos rassurants sur le fait de « produire » français. On nous a même présenté le véhicule électrique fabriqué en France comme l’Eldorado de la mobilité future. Il n’y aura malheureusement pas de miracle. Le réveil risque d’être brutal si nous continuons à croire en ce mirage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
évolution des zones de revitalisation rurale
M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Sophie Romagny. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Elle porte sur la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), qui concrétise des avancées que nous saluons, notamment pour celles qui évoluent en FRR (France Ruralités Revitalisation).
Mais, à partir du 1er juillet, elle pénalisera aussi un certain nombre de communes amenées à sortir du dispositif. Elles seraient 2 000 en France et 180 dans mon seul département de la Marne. Cette sortie « sèche » sera très problématique pour un certain nombre d’entre elles. Il s’agit certes de fiscalité, mais aussi de l’installation des professionnels de santé, du soutien aux agences postales communales, aux commerces, aux entreprises, etc.
Madame la ministre, nous échangeons avec le Gouvernement sur le sujet depuis des mois. Vous m’avez toujours assuré, comme au président Longeot, qu’aucune commune ne serait laissée sur le carreau. Or le 1er juillet approche à grands pas et nous ne voyons rien venir.
Certaines communes sont sorties du dispositif parce qu’elles se portent mieux financièrement : c’est parfait ! Mais quid de celles qui sortent du dispositif cette année ou de celles qui en sont sorties en 2017 et y sont maintenues artificiellement alors que les maires n’en ont pas été avertis – je rappelle qu’il y a eu des élections municipales en 2020 ?
Sans parler de celles qui sont mariées de force dans un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ce qui les fait sortir du dispositif ZRR : pour elles, c’est un peu plus compliqué, surtout lorsqu’elles ont des projets dans les tuyaux !
La deuxième épine est la notion de bassin de vie selon les critères de l’Insee pour rattraper les communes. Le critère est trop large et ne correspond absolument pas aux réalités rurales.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
Mme Anne-Sophie Romagny. Si la ruralité ne représente que 20 % de la population, elle représente aussi 80 % du territoire. Concrètement, que proposez-vous à ces communes ? De les maintenir temporairement dans le dispositif, le temps que leurs projets aboutissent, ou prévoyez-vous des mesures spécifiques d’accompagnement ? Et ne me répondez pas « Petites Villes de demain » ou « Villages d’avenir » : vous seriez complètement hors sujet !
Madame la ministre, des centaines de communes rurales et leurs élus attendent impatiemment une réponse adaptée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice, Romagny, vous connaissez bien au Sénat cette réforme que nous avons voulue collectivement et qui a abouti à « zoner » 17 700 communes.
La loi de finances pour 2024 a fixé pour échéance la date du 1er juillet afin, entre autres, de nous laisser le temps de travailler au cas par cas. En effet, en raison des critères choisis, qui sont ceux de l’Insee, comme vous l’avez rappelé, un certain nombre d’ajustements peuvent être nécessaires.
C’est le travail auquel je me suis attelée avec mon cabinet dans de très nombreux départements. Je vous redirai ce que vous savez déjà, même si je ne parle pas des Petites Villes de demain ni des Villages d’avenir. Nous travaillons sur un certain nombre de sujets avec de nombreux sénateurs et nous avons trouvé beaucoup de solutions.
Sur les 611 communes que compte la Marne, 180 sortent du dispositif. Je vous propose donc, comme au sénateur Pointereau avec qui mon directeur de cabinet a eu des échanges encore la semaine dernière, et comme je le propose également à Alexandra Borchio Fontimp, qui m’a écrit (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.), d’organiser une visioconférence au cours de laquelle je serai personnellement présente. J’inviterai également le préfet ainsi que tous les maires afin de travailler ensemble pour rendre cette réforme la plus fine, concrète et efficace possible pour la Marne. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le Premier ministre, en s’envolant vers la Nouvelle-Calédonie, le Président de la République sait qu’il va faire face, dans l’urgence, à un double défi : conforter l’indispensable retour à l’ordre qui n’est pas assuré à ce jour, mais aussi sauvegarder la possibilité d’un accord global, institutionnel, politique et économique avec tous les acteurs de l’archipel. C’est la très délicate équation des jours à venir.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous tout d’abord faire le point devant le Sénat sur les conditions de sécurité au sujet desquelles nous parviennent, selon les interlocuteurs auxquels on s’adresse, à Paris ou à Nouméa, des informations contradictoires, ainsi que sur les problèmes préoccupants de santé, d’approvisionnement, de liaisons aériennes, entre autres ?
Ma deuxième question porte sur « l’installation d’une mission », évoquée par le Président de la République. J’ai bien conscience du fait que, avant même l’arrivée du Président de la République à Nouméa, il vous est difficile de faire des annonces qui bien évidemment lui reviennent. Mais peut-être pouvez-vous déjà nous donner quelques précisions sur les conditions et les objectifs de cette mission ?
Enfin, les ingérences étrangères, une fois de plus, n’ont pas été pour rien dans le déclenchement et l’aggravation des violences. Contrairement aux défenseurs autoproclamés de la liberté d’expression, qui portent plainte contre l’État, car ils estiment que des messages sur TikTok tels que « on va brûler les maisons des blancs » font partie du débat démocratique normal, j’approuve votre décision de suspendre cette plate-forme en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des groupes UC et RDPI.)
Cette décision m’amène à ma dernière question : quelle est l’analyse et quelle sera la réponse du Gouvernement face à l’immixtion de ce réseau chinois et à celle de l’Azerbaïdjan dans les affaires intérieures de notre pays, auxquelles il faut ajouter depuis cette nuit, juste avant l’arrivée du Président de la République en Nouvelle-Calédonie, l’intolérable provocation russe d’une attaque informatique massive destinée à mettre à bas l’ensemble du réseau internet de l’île ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre, que je remercie de sa présence.
M. Gabriel Attal, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, les violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie depuis plus d’une semaine désormais sont d’une très grande gravité. Si la situation s’améliore peu à peu, elle reste tendue et fragile.
En quelques jours, des quartiers entiers ont été ravagés, des bâtiments détruits, des magasins pillés. En quelques jours, des dizaines de personnes ont été blessées. Deux gendarmes qui accomplissaient leur mission ont perdu la vie. Ils portaient l’uniforme de la République et étaient engagés pour une mission claire, la plus noble de toutes : faire respecter les lois de la République. Je veux leur rendre ici hommage, saluer leur courage et leur bravoure et dire toute la solidarité de la Nation à leurs proches.
Quatre personnes ont perdu la vie à l’occasion des émeutes. Je veux avoir aussi un mot pour leurs familles. Je ne me résoudrai jamais à ce que des jeunes perdent la vie dans une spirale de violence comme celle que nous avons connue.
Monsieur Malhuret, face à cette situation, notre première priorité est évidemment de rétablir l’ordre et de garantir le retour au calme. Nous avons immédiatement réagi. Le Président de la République a présidé trois conseils de défense et de sécurité nationale. À sa demande, l’état d’urgence a été déclaré. Un couvre-feu a été instauré. Les rassemblements ont été interdits. Comme vous l’avez rappelé, nous avons également suspendu l’accès à un réseau social en Nouvelle-Calédonie.
J’ai présidé cinq cellules interministérielles de crise pour suivre la situation au plus près et prendre les décisions qui s’imposent. Un pont aérien a notamment été mis en place, qui a permis de déployer sur place, en quelques jours seulement, un millier de membres des forces de sécurité intérieure supplémentaires, ce qui porte, à l’heure où nous parlons, à 2 700 personnes les forces présentes sur place. Les renforts continuent à arriver. Il y aura plus de 3 000 policiers et gendarmes en Nouvelle-Calédonie dans les prochaines heures, soit le double d’avant le déclenchement de cette crise.
Le ministre de l’intérieur et des outre-mer et moi-même sommes pleinement mobilisés. Vous m’interrogez sur les conditions de sécurité sur place actuellement. Des opérations d’ampleur ont été menées : 90 barrages ont été dégagés et 306 émeutiers ont été interpellés. Le garde des sceaux a pris une circulaire pour demander une réponse pénale de la plus grande fermeté. Des mandats de dépôt sont prononcés. Nous souhaitons que des condamnations interviennent, car nous ne pouvons pas tolérer et accepter un tel déchaînement de violence, qui ne peut rester impuni.
La situation sur place reste évidemment encore difficile pour beaucoup d’habitants de la Nouvelle-Calédonie. Il faut continuer à agir pour lever les barrages restants, pour prendre le contrôle de l’ensemble des quartiers de Nouméa et, plus largement, des villes de l’agglomération de Nouméa.
Un enjeu est extrêmement central pour les habitants de la Nouvelle-Calédonie : celui de la vie quotidienne, notamment l’approvisionnement en denrées alimentaires et l’accès aux soins. Sur ce sujet, beaucoup a été fait ces derniers jours pour garantir un circuit de distribution alimentaire.
Nous avons très régulièrement fait le point avec le haut-commissaire. La Nouvelle-Calédonie dispose de stocks de denrées pour plusieurs semaines, mais le réseau de distribution a été considérablement fragilisé : des routes ont été bloquées ; des magasins ont été pillés et détruits. Le haut-commissariat, avec le soutien des forces de sécurité intérieure, a pris de nombreuses mesures pour garantir un circuit de distribution et d’approvisionnement qui se déploie progressivement.
Il y a ensuite l’enjeu de la reconstruction pour aller de l’avant. Le ministre de l’économie et des finances a rencontré ce matin en visioconférence – pour avancer rapidement – l’ensemble des forces économiques, notamment les assureurs et les banquiers.
Nous restons sur le qui-vive et nous le resterons, tant que le calme ne sera pas parfaitement rétabli, tant que la vie normale n’aura pas repris.
Ces émeutes sont une remise en cause directe de ce qui est le plus nécessaire à l’archipel : la capacité à vivre ensemble, la capacité pour toutes les communautés de Nouvelle-Calédonie d’écrire un destin commun, dans le respect des uns et des autres. Ce vivre ensemble, c’est ce qui a guidé les accords de Matignon et de Nouméa. C’est ce qui guide encore aujourd’hui notre action.
Je veux saluer ici la responsabilité de l’ensemble des élus et des forces politiques de Nouvelle-Calédonie qui, conjointement, ont appelé au calme parce qu’il n’y a pas de dialogue possible quand il y a violence.
Or, l’histoire de la Nouvelle-Calédonie nous l’a appris, des avancées immenses sont possibles dès lors que le dialogue se noue. C’est dans cet esprit que le Président de la République se rend sur place et arrivera en Nouvelle-Calédonie dans quelques heures.
Vous m’interrogez sur le sens de son déplacement. Le Président de la République se déplace pour engager une discussion qui devra permettre à un accord politique global d’émerger. Il est accompagné d’un groupe de contact. Il sera ainsi au contact de l’ensemble des forces vives de la Nouvelle-Calédonie, politiques, économiques, coutumières, mais aussi celles de la jeunesse et de la société civile. Grâce aux personnalités qui l’accompagnent et qui resteront sur place le temps qu’il faudra, nous parviendrons à faire émerger un accord politique global.
C’est la seule voie possible pour atteindre ce que le Président de la République avait appelé lui-même de ses vœux il y a un an en Nouvelle-Calédonie, dans le cadre d’un discours important : le chemin du pardon et le chemin de l’avenir, en faveur duquel nous nous sommes engagés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)
situation en nouvelle-calédonie (ii)
M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Annick Girardin. Monsieur le Premier ministre, la Nouvelle-Calédonie est à genoux. Sa population est choquée et meurtrie par des émeutes violentes qui ont fait six morts et des blessés. Nous avons tous condamné ces actes, qui sont impossibles à justifier.
L’économie est en berne et la société est une nouvelle fois déchirée. Comme tous, ici, je salue les forces de l’ordre et les acteurs locaux pour leurs actions et leur engagement sans faille.
Le marasme économique, accru par la pandémie et l’instabilité institutionnelle, mène une jeunesse calédonienne dans la rue. Les craintes de ces jeunes, avides d’espoir quant à un avenir collectif, sont attisées par des souffleurs de braises, et ce malgré un processus d’autodétermination unique : quatre référendums en trente-six ans, dont trois permis par un dialogue apaisé, prônant la démocratie et le respect coutumier, mais reposant sur un équilibre toujours fragile.
Nous voilà de retour au même questionnement qu’en 1988, oubliant les acquis et balayant les avancées de celles et de ceux qui ont œuvré depuis les accords de Matignon et d’Oudinot.
Le groupe RDSE soutiendra l’ensemble des démarches ayant vocation à renouer le dialogue. Dans ce contexte, nous nous félicitons de la décision du Président de la République de se rendre sur place, mais celle-ci suscite des questions légitimes.
Au-delà d’une marque forte de solidarité envers tous ceux qui souffrent sur le territoire, quel sens donner à ce déplacement et à ces annonces ? Est-ce là une réaffirmation en direction de nos voisins de la zone et des pays observateurs – aux bonnes et mauvaises intentions –, que nous poursuivons collectivement l’écriture d’un destin commun en Nouvelle-Calédonie ? Assistons-nous à la naissance des accords de l’Élysée ? Quelles sont les prérogatives de la mission qui sera installée par le Président de la République ?
Je finirai en citant le Premier ministre Michel Rocard : « La paix, c’est la négociation, c’est le courage de céder sur certains points au nom d’un objectif plus essentiel, le courage de transformer l’ennemi en interlocuteur. »
Face à cette situation tragique, la solution ne pourra pas être uniquement martiale et institutionnelle, monsieur le Premier ministre, et le pays ne se reconstruira qu’avec toutes les forces vives de ce territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Grégory Blanc et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)