M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Michel Canévet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste plaçait beaucoup d’espoir dans ce projet de loi de simplification de la vie économique, qui vise aussi à réduire les normes, car il y en a beaucoup dans notre pays.
Je dois vous dire que nous avons été déçus, madame la ministre, d’une part, par la technicité de ce texte et, d’autre part, par son manque d’ambition. Il y a tellement de sujets à traiter que nous aurions aimé que le texte soit plus garni. Hélas, il n’en est rien !
En outre, à notre plus grand désespoir, la commission, dont les travaux ont été menés de façon majestueuse par Rémy Pointereau et les deux excellents rapporteurs Catherine Di Folco et Yves Bleunven, a fait un usage immodéré des articles 40 et 45 de la Constitution. Nous avions pourtant fait des propositions intelligentes, qui ne seront malheureusement pas examinées en séance. Nous le regrettons amèrement, mais nous essaierons tout de même d’apporter un certain nombre d’améliorations sur quelques points du texte.
Ce texte a suscité de nombreuses attentes dans les départements, notamment chez les entrepreneurs que, tous autant que nous sommes, nous rencontrons régulièrement. Ils nous disent tous qu’il y a trop de lourdeurs administratives.
Samedi dernier, j’ai participé au soixantième anniversaire d’une entreprise dans le Finistère. Le chef d’entreprise, qui est de la race des seigneurs, fustigeait les lourdeurs administratives, les dossiers très détaillés qu’il faut compléter pour qu’un projet puisse se concrétiser, qu’il s’agisse d’ouvrir une carrière ou un centre de stockage et de revalorisation des déchets. Il y a encore beaucoup à faire !
De nombreux acteurs économiques se plaignent également du manque d’écoute et de réactivité des administrations. Or, aujourd’hui, les choses allant assez vite, il importe que l’administration accompagne les entreprises au lieu de les faire patienter.
Très concrètement, on constate dans nos départements que des procédures qui devraient aller de pair sont bien souvent disjointes. À titre d’exemple, quand un permis de construire et une autorisation pour une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) sont nécessaires, les dossiers ne sont pas étudiés conjointement, alors que tous deux sont soumis à la signature du préfet. Je connais un cas dans le Finistère : alors que le permis de construire a été délivré, le dossier relatif à l’ICPE n’a même pas été ouvert…
Beaucoup de chemin reste donc à parcourir pour que les entreprises obtiennent des réponses de l’administration et puissent bénéficier d’un accompagnement pour concrétiser leurs projets.
Cela a été dit par les orateurs qui m’ont précédé, ce texte prévoit un certain nombre de mesures qui ne nous semblent pas simplifier la vie des entreprises. Je pense en particulier à celles relatives à la fiche de paie. Les organisations que nous avons auditionnées nous ont dit que ces mesures n’apporteront aucune simplification tant que le portail des droits sociaux annoncé ne sera pas en service. Quand il le sera, nous pourrons alors engager une réelle démarche de simplification du bulletin de paie.
Par ailleurs, nous devons veiller à ce que certains autres articles du texte ne conduisent pas à réduire la concurrence dans les territoires. On parle ainsi de déroger à l’allotissement. Il nous faut être attentifs au fait que cette disposition pourrait entraîner l’exclusion d’un certain nombre de PME des marchés publics. Dans le secteur des antennes téléphoniques aussi, nous devons veiller à ne pas réduire la concurrence. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nadège Havet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous étudions aujourd’hui un texte dit de simplification économique, lequel fait suite à un rapport pompeusement intitulé Rendre des heures aux Français, ce qui ne manque pas d’ironie, permettez-moi de le souligner, madame la ministre, sachant que vous leur avez pris deux ans l’année dernière !
Nous avons suivi attentivement les auditions menées par les rapporteurs dans un délai très contraint, mais nous avons également conduit nos propres auditions. Le constat est unanime : le texte, étudié en toute hâte, présente d’énormes trous dans la raquette, de nombreux publics visés n’y ayant pas été associés par le Gouvernement.
Certes, le projet de loi s’appuie sur une consultation citoyenne, qui a donné lieu à une publication en janvier, mais les objectifs affichés semblent davantage refléter les priorités des directions centrales que les besoins des parties prenantes. Le Conseil d’État ne dit pas autre chose dans son analyse du texte. Une telle hâte nuit à la qualité de l’analyse et compromet la légitimité des réformes proposées.
Nous ne sommes pas les seuls à avoir du mal à trouver du sens à ce texte fourre-tout, six articles ayant déjà été supprimés en commission. Cette dernière a elle aussi fait œuvre de simplification ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe GEST.) Nous nous réjouissons toutefois de certaines de ces suppressions, que nous considérons comme des améliorations.
Je pense ainsi à l’article visant à simplifier la fiche de paie, mesure qui a été rejetée par l’ensemble des syndicats, patronaux comme salariés. Cette simplification n’était qu’une pure démarche de propagande, une opération de communication visant à renforcer la vision biaisée que le Gouvernement a des cotisations sociales et à masquer leur utilité pour les salariés, et ce sans bénéfice de temps pour les employeurs.
Certains articles visent prétendument à rationaliser les normes environnementales, ce qui suggère qu’elles sont une source de complexité inutile. Dans la droite ligne des reculs écologiques du Gouvernement, le projet de loi engage donc un recul brutal du droit et de la démocratie environnementale.
En prévoyant des dérogations aux règles du droit environnemental et en qualifiant les data centers de projets d’intérêt national majeur afin de faciliter leur implantation sur le territoire français, vous ouvrez la porte à l’installation de grands projets à impact environnemental élevé et réduisez l’acceptation de ces projets. Aucune audition n’a permis de quantifier les installations prévues par le Gouvernement au travers de ce dispositif. Nous signons donc là un nouveau chèque en blanc pour l’artificialisation des sols.
Dans la droite ligne de ces reculs écologiques, vous choisissez de diminuer les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité. Cette modification ne simplifie rien, mais en supprimant l’obligation de résultat vous risquez de porter fortement atteinte à la biodiversité. Compenser les atteintes dans un « délai raisonnable » – notion vague ! – ne permet pas d’assurer une compensation efficace et nécessaire.
De plus, les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) créés par la loi de 2023 relative à l’industrie verte risquent de perdre leur intérêt avant même d’être mis en œuvre. Quel est en effet l’intérêt de compenser une atteinte aux milieux vivants une fois que ces milieux auront été détruits ?
Il est essentiel d’instaurer un cadre clair pour les mesures compensatoires, car les obligations peuvent provenir de législations variées. Une réglementation cohérente aide les porteurs de projet à comprendre et à répondre aux obligations, évitant ainsi l’incertitude et la complexité. Affaiblir la compensation, c’est aussi affaiblir l’acceptation des grands projets industriels. Vous allez soulever des oppositions toujours plus fortes, madame la ministre, et faire perdre du temps à tout le monde.
Ce texte acte des reculs environnementaux en usant de l’alibi de la simplification. C’est donc un texte dangereux !
Dans un autre registre, le test PME prévu par un article du projet de loi était, avant son passage en commission, totalement vide de sens. Non codifié, cet article n’avait aucune portée. Nous saluons donc l’adoption des amendements y afférents en commission.
Toutefois, nous souhaitons exclure de cette évaluation les normes relatives aux droits sociaux, environnementaux ou sanitaires relevant de la compétence du haut conseil à la simplification pour les entreprises. Nous proposons également d’étendre le test PME en prévoyant une consultation des acteurs syndicaux. En effet, 99 % des effectifs des PME sont des salariés. C’est donc avant tout à eux qu’il faut s’intéresser.
Le texte prévoit finalement de supprimer un certain nombre de commissions nationales consultatives. Il semble pertinent de poursuivre la réflexion en s’interrogeant sur le bien-fondé de la prolifération de conseils créés par décret autour du Président de la République, car ils accentuent la concentration des pouvoirs et l’hyperprésidence.
Nous pensons que les différents organes d’État intervenant dans les secteurs de la prospective ou de la planification sont très éparpillés, surtout dans un contexte de demande forte de leviers pour la transition écologique. Le Haut-Commissariat au plan est à cet égard un exemple notable. Nous vous proposerons une simplification de tous ces outils, qui sont nécessaires.
En conclusion, nous nous opposons à un texte qui, malgré la diversité des mesures qu’il prévoit, masque mal le cap dangereux du Gouvernement. Nous refusons de soutenir une législation qui sacrifie les normes environnementales au nom de la simplification administrative. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros.
M. Pierre Barros. Madame la ministre, lors de la présentation du projet de loi, vous avez affiché l’ambition de réaliser une véritable révolution, pour « changer la culture de l’administration » au travers d’une nouvelle étape, celle de la simplification.
Nous avons malheureusement été déçus de découvrir ce texte, qui s’apparente plus à une compilation de mesures dérogatoires qu’à une réelle démarche de rationalisation du droit. Pire, ce projet de loi contribue, lui aussi, à l’inflation législative et introduit de l’insécurité juridique dans de nombreux domaines.
Multiplier les dérogations, le risque contentieux ou encore les comités Théodule est loin d’être à la hauteur de l’ambition affichée.
Notons également que nous demander d’examiner dans un délai de quinze jours, en procédure accélérée, un projet de loi dans lequel sont juxtaposées nombre de mesures sectorielles témoigne d’une stratégie peu respectueuse du Sénat. Je salue donc le travail colossal réalisé par les rapporteurs de la commission, qui a permis de supprimer de nombreuses aberrations du texte initial.
Par ailleurs, la remise en cause dans certains articles de la loi relative à l’industrie verte, adoptée pourtant il y a moins de six mois, illustre également la volonté du Gouvernement de contourner le Parlement.
En outre, la version initiale du texte ne comportait pas moins de trois demandes d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances. Vous osez même revenir sur une décision, datant de 2020, du Parlement, qui avait refusé de supprimer la Commission supérieure du numérique et des postes. Votre désir de déréguler les droits des travailleurs et de les rendre invisibles est, cette fois encore, parfaitement clair !
L’article 7, comportant la prétendue simplification de la feuille de paie – qui n’a jamais été une demande des syndicats patronaux, et encore moins des salariés –, en est l’exemple flagrant. C’est bien pour cette raison que la commission a décidé à l’unanimité de le supprimer. Votre volonté de le réintroduire par voie d’amendement est clairement une insulte au travail du Sénat.
Tout au long de ce texte, on sent bien qu’il y a deux poids, deux mesures : la confiance pour les patrons, la défiance pour tous les autres. Ces autres, vous n’avez pas même pris la peine de les consulter : je parle ici des syndicats de salariés. Vous prônez la confiance, l’indulgence, le droit à l’erreur, l’allégement des contrôles sur les entreprises et, en même temps, vous organisez la traque des chômeurs, la multiplication des contrôles et des mesures vexatoires. Vous voulez redonner du temps utile aux entrepreneurs alors que, en même temps, avec votre réforme des retraites, vous avez organisé la privation du temps de vie en bonne santé de millions de nos concitoyens.
Cette remise en cause permanente des droits des travailleurs, pourtant premiers acteurs de la vie économique, n’est pas acceptable. Votre leitmotiv du « en même temps » devient lui aussi insupportable et vous permet de vous attaquer désormais à la protection de la biodiversité. C’est ainsi que vous arrivez à clore le titre VII, intitulé « Faciliter l’essor de projets industriels et d’infrastructures », par l’article 18, qui sacrifie la biodiversité au profit du développement économique. Vous nous présentez ensuite des mesures, dans le titre VIII, visant à « simplifier pour accélérer la transition énergétique et écologique de notre économie ». Remarquable coup de maître, malheureusement en défaveur de la transition énergétique !
Que dire de votre méconnaissance de nos territoires et de leurs dynamiques, que l’on constate quand vous remettez en cause les compétences des élus locaux en matière de projets d’aménagement de zones d’activités ou commerciales ?
Vous l’aurez compris, nous ne partageons ni le diagnostic ni les solutions prévues par ce texte.
Une véritable révolution culturelle aurait sans doute été de faire une évaluation fine et complète des lois Pacte, Essoc et Asap, avant de nous vendre de nouveau un prétendu allégement des contraintes, lequel ne fait que masquer la pénurie de personnels en mesure d’accompagner correctement les entreprises et les particuliers dans leurs rapports à la loi et à la règle.
Comme l’a dit le ministre de l’économie Bruno Le Maire, « la confiance ne se décrète pas, elle se construit ». Il a raison, mais elle se construit avec tous les acteurs de la vie économique : chefs d’entreprise, certes, mais aussi salariés, collectivités locales, administrations locales et services de l’État dans nos territoires.
Nous ne voterons pas pour un texte qui apportera de la complexité et de l’opacité en lieu et place d’une stabilité du droit et d’un meilleur respect de la norme, qu’elle soit législative ou réglementaire. Ce projet de loi fait fi d’un renforcement des moyens et des compétences nécessaires à une mise en œuvre juste et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici venu le temps de la simplification de la vie des entreprises !
Les constats sur lesquels se fonde ce projet de loi sont certains. Le rapport La sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises, rendu en 2023 par la délégation aux entreprises du Sénat, nous avait en effet alertés sur le fardeau qui pèse sur nos entreprises. La délégation appelait alors à une politique publique de long terme, fondée sur l’évaluation de la norme, loin donc des coups de communication.
Avec mon collègue Christian Klinger, nous avions fait un constat similaire en matière de foncier économique : l’écosystème administratif national et local s’est complexifié, ce qui engendre une insécurité juridique certaine. Nous avions aussi tiré le signal d’alarme sur la réduction nette des effectifs de l’administration déconcentrée. Ce dernier point appelle une observation importante : pour être efficace, la simplification nécessite des investissements.
De ces rapports ressort une réalité forte : nos PME et nos TPE, alors même qu’elles constituent l’essentiel de notre tissu économique et qu’elles font vivre nos territoires, sont les principales victimes de ces complexifications. Nous devrons l’avoir à l’esprit, notamment lors de l’examen de l’article 27, relatif aux tests PME, qui résulte d’une initiative bienvenue du président Rietmann.
De surcroît, particulièrement en France, la simplification est une entreprise de longue haleine, nécessitant une volonté politique affirmée, une indispensable prudence et un refus des discours simplistes, qui atteindraient de manière pernicieuse l’esprit de nos lois.
Enfin, j’aimerais attirer l’attention de notre assemblée sur la nécessité de l’évaluation, corollaire inévitable de la simplification. Il est indispensable de capitaliser sur l’existant. Or, au cours des dernières années, des lois visant à favoriser la compétitivité de nos entreprises ont été adoptées. Je pense notamment à la loi relative à l’industrie verte votée il y a à peine sept mois, le 23 octobre 2023, qui prévoit par exemple une dérogation à l’obligation d’allotissement des marchés publics. Cette dérogation sera étendue par l’article 16 du présent projet de loi sans qu’un bilan ait pu être tiré de la mesure déjà entrée en vigueur. Quant à l’étude d’impact, elle est quasi muette sur ce sujet.
Autre exemple frappant, cette étude d’impact révèle que l’article 19 modifie une procédure qui ne doit entrer en vigueur que dans moins d’un mois, le 1er juillet 2024.
Il ne faut pas confondre simplification et précipitation. Prenons garde à concilier la temporalité législative et celle du monde économique car, si les entreprises appellent de leurs vœux la simplification, elles demandent également que la fréquence des modifications juridiques leur permette de s’adapter et d’anticiper.
Voilà pour la méthode, venons-en aux actes. Je l’ai dit, il ne faut céder ni aux mesures simplistes ni au discours de dépolitisation des politiques publiques. L’abrogation ou la simplification des normes doit avoir un sens politique clair. La libéralisation de certaines réglementations revient évidemment à promouvoir les secteurs que celles-ci encadrent. Maintenons une transparence sur les objectifs visés !
J’attire donc votre attention sur les divers écarts faits dans le cadre de l’application des PLU pour des projets d’intérêt national ou des installations privées. Ces mesures reviennent, dans certains cas, à dessaisir les élus locaux de leur compétence en matière d’urbanisme. Je nous invite à prendre garde à ces dérogations.
Enfin, j’aimerais relayer une inquiétude relative à l’application du projet de loi dans les outre-mer. Il est indispensable de prendre sérieusement en compte les spécificités de ces territoires, qui sont souvent les grands oubliés de nos politiques publiques. Je pense notamment à la question de la médiation, prévue à l’article 9, qui revêt une importance particulière.
Ces points de vigilance dans la philosophie de la démarche simplificatrice étant posés, je veux souligner l’importance de certaines mesures de ce projet de loi. Je pense au renforcement de l’utilisation de la plateforme dite profil d’acheteur ; à l’amélioration des relations entre le monde économique et l’administration ; ou encore à l’accélération des procédures contentieuses.
Mes chers collègues, nous aurons l’occasion d’en discuter tout au long de nos débats, mais nous pouvons dire à titre liminaire que le fait que l’existence même de ce texte montre que nous allons dans le bon sens. Aussi le groupe RDSE l’aborde-t-il favorablement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, simplifier, oui, nous pouvons nous accorder sur cette intention louable, tant la complexité de notre système normatif peut parfois peser sur le quotidien des entreprises ou des administrations. Mais simplifier comme le propose le Gouvernement, au détriment des droits sociaux et environnementaux, nous ne pouvons l’accepter !
Ce projet de loi de simplification manque de cohérence, et se trompe souvent de cible. Vous proposez ainsi, madame la ministre, de simplifier le bulletin de paie des salariés, en limitant les informations qui y figurent. Faire disparaître le détail des cotisations sociales et le paiement des heures supplémentaires, c’est pourtant prendre le risque de ne plus permettre aux salariés de détecter de potentielles erreurs. C’est également imposer une nouvelle obligation aux entreprises, celle de collecter, conserver et transmettre les données supprimées aux salariés quand ils en font la demande. Où est la simplification ? En réalité, il n’y en a pas ! Il existe, en revanche, un risque, et peut-être même une volonté, d’invisibiliser les droits sociaux, dans le but – qui sait ? – de les amoindrir ultérieurement.
Limiter les droits, c’est ce que vous tentez de faire aussi avec l’article 6. La loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dite loi Hamon, obligeait un employeur à avertir ses salariés de son projet de cession d’activité avec au moins trois mois de délai. L’objectif de la mesure était clair : préserver l’emploi en permettant aux salariés de présenter un éventuel projet de reprise.
Ce délai a déjà été réduit à deux mois, et vous proposez dans ce texte de le réduire encore à trente jours. Il est pourtant impossible, en si peu de temps, de monter un projet sérieux. Vous rendez donc tout simplement ce droit ineffectif. D’ailleurs, ayant saisi votre intention, la rapporteure de la commission spéciale a, « pour aller au bout de la logique poursuivie », acté la suppression totale du droit d’information. Notre groupe proposera son rétablissement.
Quant à l’article 5, qui porte sur l’unification du contentieux de la commande publique au profit de la compétence du juge administratif, nos travaux ont montré, là encore, que cette réforme serait, notamment pour les entreprises publiques locales, source de complexification plus que de simplification. Nous nous félicitons donc d’avoir obtenu la suppression de cet article et nous nous opposerons à votre demande de le rétablir.
Les mesures les plus radicales de ce texte de simplification sont sans doute celles relatives aux démarches déclaratives des entreprises, aux rescrits sectoriels et aux contrats spéciaux. Sur ces sujets, vous nous demandez de vous habiliter à légiférer sur tout par ordonnance. Cela revient à vous donner un blanc-seing alors que les travaux de la commission spéciale, malgré les efforts des deux rapporteurs, ne nous ont en rien éclairés sur l’impact des réformes que vous envisagez sur la législation sociale, fiscale et environnementale.
Par conséquent, en dépit des modifications prévues dans les amendements que vous avez déposés en vue de la séance, nous estimons que le champ d’habilitation reste trop large. Notre groupe refusera donc la réintroduction des articles 2, 3 et 11, supprimés par la commission spéciale.
Je tiens d’ailleurs à saluer le rétablissement, par cette même commission, de la Commission supérieure du numérique et des postes. Pour en être membre depuis peu, je puis témoigner de son travail régulier et je ne peux cautionner la volonté du Gouvernement de priver les députés et les sénateurs d’un espace de travail utile sur des sujets numériques à forts enjeux sociétaux.
Finalement, malgré quelques rares avancées, comme sur la mensualisation des baux commerciaux, ce projet de loi se révèle plus décevant que simplificateur. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vous appelle donc, pour la suite de son parcours parlementaire, à envisager la simplification économique moins comme une occasion de déréguler que comme une opportunité d’accélérer les transitions écologique et sociale, qui sont les véritables leviers d’un développement économique soutenable pour les hommes et la planète. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je félicite à mon tour les membres de la commission spéciale, et en particulier les deux rapporteurs et le président Pointereau, pour leur travail, accompli dans des délais contraints.
Mon propos se concentrera sur l’article 17 du projet de loi, dont j’ai appris l’existence alors que je me trouvais à Bercy, avec la secrétaire d’État chargée du numérique, Marina Ferrari, pour échanger sur la proposition de loi que je venais de déposer en réponse à l’exaspération de nombreux maires de mon département des Alpes-Maritimes, impuissants face à l’implantation anarchique d’antennes-relais.
La simplification prévue à l’article 17 du projet de loi est motivée avant tout par la volonté d’accélérer la couverture en téléphonie mobile de notre pays. Plus précisément, cet article vise à renforcer le dispositif de lutte contre la spéculation foncière et à modifier le code de l’urbanisme afin de déroger à la possibilité pour une administration – et même, pour le maire – de retirer une décision d’urbanisme permettant l’implantation d’antennes-relais. Il renforce les obligations d’information du maire, incombant à toute personne qui devient propriétaire ou exploite un terrain, accueillant, ou destiné à accueillir, des antennes-relais. Il vient d’être utilement enrichi par des amendements adoptés par la commission spéciale ; je félicite d’ailleurs leurs auteurs.
Il convient cependant d’aller plus loin, dans le respect des prérogatives des maires, pour la protection des riverains, de l’environnement et du cadre de vie, mais aussi de la santé publique, et dans le respect – indispensable – d’un minimum de règles par les opérateurs.
Dans un monde où les besoins de connexion croissent de manière exponentielle et où la dynamique de construction des réseaux est devenue un enjeu essentiel, la téléphonie mobile est une pierre angulaire de notre société. Il est indéniable que les retards dans l’installation des antennes de téléphonie mobile ont des répercussions défavorables et qu’il nous faut accélérer le processus de déploiement. Pour autant, cela ne doit pas se faire aux dépens de l’intérêt général des territoires et de la sobriété.
Les retards observés ne sont pas seulement dus à des contraintes techniques. Ils sont souvent le résultat de litiges et d’oppositions locales, alimentés par des préoccupations légitimes concernant l’aménagement du paysage, ou encore les effets sur la santé et l’environnement.
C’est là que réside l’importance cruciale de la mutualisation des infrastructures de téléphonie mobile, et je proposerai des amendements pour la renforcer, qui reprennent les dispositions de ma proposition de loi que je qualifierai « de terrain ». Si j’en juge par le nombre de ses cosignataires et celui des amendements que je présenterai à l’article 17, ce sujet concerne tous les départements de France !
En partageant au maximum les installations existantes, nous pouvons non seulement réduire les délais d’implantation et le nombre d’antennes, mais aussi minimiser leur impact visuel et environnemental.
Imposer la justification du non-recours à la mutualisation d’infrastructures permettra d’étudier, dès le début d’un projet d’implantation, toutes les possibilités. Cette anticipation permettra d’aboutir à une décision équilibrée qui, forcément, sera plus rapide à mettre en œuvre et évitera un certain nombre de contentieux.
En faisant cela, nous instaurons un dialogue transparent et constructif entre les opérateurs et les communautés locales. Rééquilibrons le rapport de force !
En favorisant la mutualisation des infrastructures, nous aidons à atteindre l’objectif d’accélération du déploiement qui figure à l’article 17 du texte. Nous ouvrons aussi la voie à un avenir où la connectivité et la sobriété vont de pair. Le déploiement optimisé des antennes de téléphonie mobile est bien plus qu’une simple question de connexion ; c’est un impératif moral et environnemental.
Pour finir, je me réjouis du sauvetage, sur l’initiative des rapporteurs, de la Commission supérieure du numérique et des postes. Depuis que j’en suis membre, j’ai en effet pu mesurer tout l’intérêt de son travail et constater sa dynamique, sous l’impulsion de notre collègue Damien Michallet, dans un monde où le numérique et ses déclinaisons occupent une place croissante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)