M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Frédérique Gerbaud. … les critères applicables à la sélection des Padhue candidats à des postes de praticiens hospitaliers sont nettement moins stricts, ce que rien ne semble légitimer. Que comptez-vous faire pour renforcer les critères applicables dans ce second cas ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Madame la sénatrice, l’autorisation d’exercice pour les praticiens à diplôme hors Union européenne est une mesure permettant de garantir, dans de nombreux territoires, le maintien de l’offre de soins – et nous savons combien les besoins de nos concitoyens sont importants.
Il n’existe qu’une seule voie d’accès permettant l’obtention du plein exercice. Les praticiens à diplôme hors Union européenne doivent se présenter – j’y insiste – au concours des épreuves de vérification des connaissances et, à son issue, réaliser un parcours de consolidation des compétences. Le concours a lieu chaque année. La maîtrise de la langue française est contrôlée lors de ces épreuves.
De plus, la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite loi Valletoux, prévoit une réforme structurelle du dispositif pour faciliter le parcours administratif des Padhue.
Ainsi, dès 2024, l’affectation ne se fera plus selon le rang de classement, mais à la suite d’une candidature à une liste de postes ouverts. Environ 4 000 postes viennent ainsi d’être ouverts au titre du concours de 2024.
À partir de 2025, un aménagement de la durée du parcours de consolidation des compétences sera mis en œuvre pour supprimer l’obligation des deux ans et adapter la durée du parcours à l’expérience du candidat.
Le lauréat du concours pourra se voir délivrer une autorisation de plein exercice à la suite d’un stage d’évaluation, et après l’examen de son dossier par une commission d’autorisation d’exercice.
En outre, la même loi prévoit la création d’une attestation d’exercice temporaire de treize mois dans l’attente de la réussite aux épreuves de vérification des connaissances, un document renouvelable une fois en cas de premier échec. Les Padhue ont la possibilité de se présenter au concours à quatre reprises. En conséquence, à la suite de quatre échecs, le praticien doit impérativement se réorienter.
Enfin, pour l’évaluation des praticiens de médecine générale souhaitant exercer en libéral, les commissions demandent que les praticiens qui ne souhaitent plus exercer en établissement aient, lors de leur parcours, effectué au moins un stage en cabinet libéral.
Comme vous le constatez, un certain nombre de garde-fous ont été prévus : la qualité et les compétences doivent être au rendez-vous de la santé de nos concitoyens.
situation financière des établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, auteur de la question n° 1249, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
M. Denis Bouad. Madame la ministre, les efforts que l’on fournit pour financer l’accompagnement de nos aînés sont, d’une certaine façon, révélateurs de la société que l’on souhaite bâtir.
Alors que l’argument démographique a encore récemment été invoqué pour justifier la réforme des retraites, il semble beaucoup moins pris en compte lorsqu’il s’agit de fixer le montant des enveloppes budgétaires destinées à la prise en charge de la perte d’autonomie.
Selon l’Insee, en 2050, la France comptera 4 millions de seniors en perte d’autonomie. À ce jour, l’État ne semble pas avoir pris la mesure de ce phénomène et les Ehpad publics en subissent malheureusement les conséquences. Entre 2019 et 2022, leur déficit a ainsi été multiplié par vingt. Aujourd’hui, 75 % des Ehpad publics sont en déficit.
Face à une situation financière de plus en plus dégradée, l’ensemble de la profession tire donc la sonnette d’alarme.
Très concrètement, le risque est celui d’une détérioration de la prise en charge des patients. Ne nous trompons pas : vieillir est une chance. Il nous appartient donc collectivement de faire en sorte que cette chance ne se transforme pas en épreuve, voire en cauchemar. Madame la ministre déléguée, comment comptez-vous répondre à l’urgence budgétaire à laquelle doivent faire face les Ehpad publics ?
La semaine dernière, en répondant au député Jérôme Guedj à l’Assemblée nationale, la ministre Catherine Vautrin a finalement reconnu ne pas avoir saisi le Conseil d’État au sujet d’une loi de programmation sur le grand âge. Le Gouvernement s’était pourtant engagé à faire voter une telle loi, qui est essentielle tant pour les professionnels du secteur que pour l’ensemble des Français, chacun étant forcément confronté un jour ou l’autre à son propre vieillissement ou à celui de ses proches.
Madame la ministre, où en est ce projet de loi ? De manière plus générale, quelle est l’ambition du Gouvernement pour ce qui concerne le grand âge et le service public de l’autonomie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, immédiatement après ma prise de fonction, je me suis attelée à bien comprendre les difficultés budgétaires que rencontrent les Ehpad publics et associatifs, dont les tarifs d’hébergement sont fixés par le département au titre de l’habilitation à l’aide sociale.
Je tiens à rappeler que l’État et les départements se partagent les compétences relatives au grand âge.
Tout d’abord, ces difficultés s’expliquent par un financement insuffisant de la section hébergement, c’est-à-dire la part qui est payée par les résidents, les tarifs n’ayant pas suivi l’inflation. Comme les fédérations, j’ai donc appelé les départements à augmenter les tarifs de l’hébergement, tout en instaurant des garde-fous pour préserver les plus modestes dans le cadre de la loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, dite loi Bien Vieillir. Par ailleurs – je le rappelle, car c’est une réalité –, les pensions de retraite ont été revalorisées à hauteur de 5,3 % rien que pour l’année 2024, précisément pour répondre à l’inflation.
Ensuite, la section dépendance fait également face à des déficits importants. Là aussi, je soutiens l’appel des fédérations à augmenter les financements pour les aligner sur l’inflation. De très nombreux départements ont d’ailleurs pratiqué une telle hausse en 2024 et je tiens à saluer leur engagement et le courage politique dont ils ont fait preuve – il convient de le relever.
J’ai proposé aux départements d’aller encore plus loin en fusionnant les sections afin de simplifier et d’égaliser la prise en charge des résidents sur le territoire. Comme je l’ai dit précédemment, vingt-trois départements se sont portés volontaires et se partageront une enveloppe à cet effet.
Bien que les données confirment que la section soins, qui est à la charge de l’État, est équilibrée et même légèrement excédentaire, je sais que certains Ehpad rencontrent des difficultés. Celles-ci sont notamment liées à un recours forcé et récurrent à l’intérim, qui coûte cher aux établissements.
Aussi la loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite loi Valletoux, interdit-elle à certains établissements de recourir à l’intérim en sortie d’école, ce qui permettra par ailleurs de fidéliser les équipes et d’améliorer la qualité de l’accompagnement.
M. le président. La parole est à M. Denis Bouad, pour la réplique.
M. Denis Bouad. Madame la ministre, j’habite le septième département le plus pauvre de France. Ce n’est pas en revalorisant de 5 % des retraites de 800 euros que nous comblerons le déficit.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. Ni en augmentant les aides sociales !
décret d’application relatif au cumul de l’allocation adulte handicapé et de l’indemnité de fonction élective locale
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la question n° 1275, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, l’article 97 de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et Proximité, a permis de cumuler l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et une indemnité de fonction d’élu local. Cet article a été créé grâce à la mobilisation importante de l’ensemble des sénateurs.
Près de quatre ans plus tard, le décret d’application de cette mesure n’est toujours pas entré en vigueur, malgré des sollicitations maintes fois répétées. J’ai saisi cinq fois les ministres successifs chargés des personnes en situation de handicap, soit par courrier, soit par une question écrite. Dans les cas où j’ai reçu une réponse, celle-ci était incomplète et, de toute évidence, sans effet, puisque ce décret n’a toujours pas été pris.
En 2021, on m’a répondu que le décret était à l’étude. J’ai déposé une dernière question écrite en mai 2023 ; un an plus tard, je n’ai toujours pas de réponse. Lors de l’examen en mars 2024 de la proposition de loi sénatoriale portant création d’un statut de l’élu local, j’ai de nouveau interpellé le Gouvernement – toujours rien !
Encore récemment, une élue de Haute-Garonne me faisait part de l’incapacité de la caisse d’allocations familiales (CAF) à lui apporter une réponse claire sur les montants à déclarer.
Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’il s’agit de faciliter les conditions d’exercice du mandat de personnes se trouvant souvent dans des situations de vulnérabilité. Cette mesure est une avancée réelle. Elle met fin à une injustice et contribue à la démocratisation des fonctions électives locales.
Madame la ministre, ma question est toute simple : quand le Gouvernement prendra-t-il enfin ce décret d’application pour résoudre la situation et répondre à la volonté du législateur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous le savez, la participation à notre société des personnes en situation de handicap et le respect de leurs droits fondamentaux font l’objet d’une attention particulière dans le cadre de notre politique gouvernementale.
Or cela passe notamment par l’engagement au sein de la vie politique en tant qu’élu – c’est la moindre des choses, me direz-vous. C’est pourquoi l’article 97 de la loi Engagement et Proximité du 27 décembre 2019 permet d’ores et déjà de cumuler l’allocation aux adultes handicapés et l’indemnité de fonction élective.
Mme Laurence Harribey. On le sait déjà !
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée. En effet, l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, qui porte sur l’allocation aux adultes handicapés, dispose, après avoir été modifié par l’article précité : « Les rémunérations de l’intéressé tirées d’une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail et les indemnités de fonction des élus locaux sont en partie exclues du montant des ressources servant au calcul de l’allocation selon des modalités fixées par décret. »
Cette disposition est d’ores et déjà mise en œuvre par les caisses d’allocations familiales. Ainsi, lors du calcul de l’AAH, les indemnités de fonction des élus locaux font l’objet de l’abattement sur les ressources en milieu ordinaire de travail qui est prévu à l’article D. 821-9 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire un abattement de 80 % pour la tranche de revenus inférieure ou égale à 30 % de la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance et de 40 % pour la tranche de revenu supérieure.
Sur le fond, cette disposition est donc déjà en vigueur. Sur la forme, vous avez raison, monsieur le sénateur, un décret sera pris pour mettre en cohérence les différents textes législatifs et réglementaires. Celui-ci est toujours en cours d’élaboration, car il fait partie d’un ensemble plus large de dispositions réglementaires sur l’AAH. Je m’engage à veiller de près à ce qu’il soit publié.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour la réplique.
M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, ce n’est pas sérieux ! Cela fait déjà plusieurs années que cette situation dure. Vous dites qu’elle a déjà été réglée, mais ce n’est pas le cas ! Certains élus rencontrent toujours des difficultés. Tant que vous ne respecterez pas la volonté commune des sénateurs, les élus handicapés seront en difficulté. C’est une honte pour la démocratie locale.
situation budgétaire critique des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes publics
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, auteure de la question n° 1298, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées.
Mme Marie-Pierre Richer. Madame la ministre, je veux attirer une nouvelle fois votre attention sur la situation budgétaire critique des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. L’enquête qui a été conduite en février et mars 2024 et publiée en avril par la Fédération hospitalière française démontre que près de 85 % de ces établissements ont enregistré un résultat déficitaire pour l’exercice 2023, alors qu’ils étaient dans l’ensemble à l’équilibre en 2019.
Ce déficit ne relève guère de leur responsabilité, puisqu’il tient autant à l’inflation qui a affecté leurs dépenses qu’au financement insuffisant des indispensables mesures de revalorisation salariale ou aux surcoûts liés à l’augmentation des taux d’intérêt des emprunts.
Comme mon collègue Rémy Pointereau, je veux vous alerter particulièrement sur la situation dans le Cher. Par exemple, le déficit pour 2023 des Ehpad de Mehun-sur-Yèvre, de Nohant-en-Goût, d’Henrichemont, de Dun-sur-Auron, ou encore d’Argent-sur-Sauldre – je pourrais presque tous les citer… – est si important que leur situation devient critique : la dégradation notable de leur niveau de trésorerie et de leur capacité d’autofinancement limite considérablement leurs investissements, qui sont pourtant indispensables pour acquérir et renouveler du matériel.
Malheureusement, les mesures qui ont été prises à ce jour par le Gouvernement, en particulier la création d’un fonds de soutien exceptionnel de 100 millions d’euros à destination des agences régionales de santé (ARS), se révèlent très insuffisantes.
Il est donc indispensable que les Ehpad puissent compter sur une augmentation de 5 % du forfait de soins pour assurer leurs dépenses et financer les mesures nouvellement décidées, dont l’embauche annuelle de 6 000 équivalents temps plein.
Quelles mesures supplémentaires le Gouvernement envisage-t-il de prendre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je vais vous donner la même réponse qu’à votre collègue : l’État ne se désengage aucunement, bien au contraire.
Vous expliquez que le forfait de soins des Ehpad doit impérativement être augmenté de 5 % : nous l’avons fait pour les Ehpad publics et nous augmentons de 3 % celui des autres établissements, ce qui reste supérieur aux 2,3 % d’inflation qui sont prévus pour cette année.
Je rappelle que cette compétence est partagée avec les départements. De son côté, l’État a fait un effort, puisque sa participation à la section soins est passée de 8,5 milliards d’euros en 2019 à 12,5 milliards en 2023.
Par ailleurs, vous évoquez les règles sociofiscales s’appliquant aux Ehpad publics. De nombreux établissements m’ont en effet alerté sur la décision qu’a rendue le Conseil d’État le 7 avril 2023 confirmant que ces derniers ne sont plus assujettis à la TVA, comme c’était le cas jusqu’à présent, et sont donc bel et bien assujettis intégralement à la taxe sur les salaires.
Par conséquent, de nombreux Ehpad doivent régulariser leur situation de manière rétroactive, sur une période allant jusqu’à 2020. Toutefois, nous avons pris des dispositions pour que cette régularisation soit échelonnée dans le temps. De plus, des remises de taxe sur les salaires peuvent être décidées, en lien avec les commissions départementales de suivi des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) en difficulté, pour les établissements les plus en difficulté.
En ce qui concerne les règles fiscales qui sont appliquées aux établissements privés, nous évaluons l’opportunité de les ajuster, les décisions du Conseil d’État s’imposant bien sûr à chacun.
Quoi qu’il en soit, les Ehpad publics du Cher seront, comme ceux de tout le territoire national, concernés par la hausse d’environ 5 % des moyens accordés par l’État au titre de la section de soins, laquelle est financée par les ARS.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Richer, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Richer. Merci de votre réponse, madame la ministre. Je sais parfaitement que les départements financent également les Ehpad, mais je vous rappelle qu’ils rencontrent de grandes difficultés.
Permettez-moi de vous faire part d’un échange que j’ai eu avec un maire, qui, comme beaucoup de ses homologues, préside un conseil d’administration d’Ehpad. Ce dernier m’a dit qu’il n’était pas certain de pouvoir payer les salaires de ses agents et qu’il n’en dormait plus la nuit. Nous devons tenir compte de cette alerte. Nous le devons pour les personnels, qui sont en grande souffrance, mais aussi pour les résidents des Ehpad.
J’aurais également pu mentionner les établissements accueillants des personnes handicapées ou les associations d’aide à domicile. Les conditions de vie de tous nos concitoyens sont en jeu.
salaires impayés des assistantes maternelles
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, auteur de la question n° 1203, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
M. Pascal Martin. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles et concerne les salaires impayés des assistantes maternelles.
En effet, les parents qui emploient une assistante maternelle pour garder leurs enfants perçoivent une allocation spécifique de la part de la caisse d’allocations familiales (CAF) : la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), qui est définie comme une prestation familiale à l’article L. 511-1 du code de la sécurité sociale. Les parents employeurs déclarent à chaque fin de mois le salaire qu’ils vont verser à leur assistante maternelle sur le site de Pajemploi et reçoivent alors le complément du mode de garde, qui allège le coût de la prestation.
Or certaines familles déclarent frauduleusement un salaire qu’elles ne versent pas à leur assistante maternelle, afin de percevoir de manière indue le complément de mode de garde. En cas de procédure judiciaire, les assistantes maternelles salariées non rémunérées se heurtent souvent à l’insolvabilité des parents employeurs, alors même qu’elles pourraient obtenir un jugement favorable du conseil des prud’hommes.
Cette situation n’est pas sans conséquences sur la situation financière des assistantes maternelles et suscite à ce jour une colère légitime de leur part.
Depuis 2019, l’Urssaf a mis en place le service Pajemploi+, qui assure le versement de la rémunération sur le compte bancaire du salarié dans un délai de quatre jours suivant la déclaration sociale de la famille. La plateforme prélève parallèlement sur le compte bancaire des parents employeurs la somme restant à leur charge, ce qui a pour effet de sécuriser et de simplifier la démarche.
En 2022, le comité de filière petite enfance (CFPE) et les associations et syndicats représentant la profession ont proposé de créer un fonds de garantie des salaires des assistantes maternelles. Le Gouvernement a accueilli favorablement ce projet, en soulignant qu’il ferait l’objet d’un suivi attentif.
Madame la ministre, je vous demande de bien vouloir m’indiquer l’état d’avancement de la création de ce fonds de garantie des salaires, qui est attendu par les assistantes maternelles.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, conscient des enjeux relatifs à l’attractivité du métier d’assistant maternel, le Gouvernement a présenté en octobre 2023 un plan pour l’accueil individuel, fondé sur les travaux que le comité de filière petite enfance a menés en lien étroit avec les représentants des associations et des syndicats concernés. Ce plan comprend quatre axes : susciter des vocations, prévenir les départs, favoriser le développement des nouveaux modes d’exercice et mieux rémunérer et valoriser les personnels.
Dans le cadre de ces travaux, plusieurs pistes pour lutter contre les impayés de salaire ont été étudiées, dont le maintien du salaire sur plusieurs mois ou la constitution d’un fonds de garantie. La solution retenue, qui constitue l’une des cinq mesures phares du plan, est la garantie par le service optionnel et gratuit Pajemploi+ non plus d’un mois, mais de deux mois de salaire, dès le second semestre de 2024.
Ce service assure le versement de la rémunération sur le compte bancaire du salarié dans un délai de quatre jours suivant la déclaration sociale de la famille et prélève parallèlement sur le compte bancaire des parents employeurs la somme restant à leur charge, qui peut s’élever à deux mois de salaire en cas d’impayé. Les travaux réglementaires et techniques pour appliquer cette mesure sont en cours.
Nous envisageons d’aller encore plus loin en expertisant dès 2025 la garantie du paiement de trois mois d’impayés, dès lors que les premiers résultats qui auront été observés à la fin de 2024 nous auront permis d’identifier des outils pour limiter les risques financiers qui sont induits par le non-recouvrement de ces impayés par l’Urssaf.
Par ailleurs, le Gouvernement, qui a étudié avec intérêt la proposition de créer un fonds de garantie dans le cadre du plan d’accueil individuel, continuera de suivre les travaux des partenaires sociaux à ce sujet, car c’est à ces derniers qu’appartient l’initiative de constituer un tel fonds.
M. le président. La parole est à M. Pascal Martin, pour la réplique.
M. Pascal Martin. Madame la ministre, je vous remercie de ces informations. Comprenez bien que des assistantes maternelles font face à une situation dramatique et injuste à cause du comportement inqualifiable de certains parents. Il convient donc de répondre à leurs attentes, qui sont particulièrement pressantes.
article 1186 du code de procédure civile
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 1142, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, selon l’article 1186 du code de procédure civile, qui concerne les procédures d’assistance éducative, « le mineur capable de discernement, les parents, le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié peuvent faire choix d’un conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d’office ».
Ainsi, l’assistance de l’enfant par un avocat est optionnelle pour les enfants étant capables de discernement et proscrite pour ceux ne l’étant pas. Une telle assistance est pourtant obligatoire pour toute procédure pénale depuis 1993, et lors des gardes à vue de mineurs depuis 2016. Cet état du droit va à l’encontre des articles 2, 3 et 9 de la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989.
Toutefois, au tribunal de Nanterre, des juges et des avocats ont développé une nouvelle pratique depuis le mois de mai 2020 : un avocat est systématiquement désigné pour chaque enfant, qu’il soit ou non capable de discernement. Après trois ans d’expérimentation, les magistrats et les avocats ont constaté qu’une telle pratique allait dans le bon sens en permettant aux enfants concernés de créer un lien de confiance avec un avocat spécialement formé.
Madame la ministre, quelle est votre position quant à une systématisation de cette expérimentation, que notre groupe défend depuis des années au travers d’amendements ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Madame la sénatrice, le ministère de la justice a eu connaissance des réflexions, au sein de différents ressorts de juridiction, quant à une éventuelle systématisation de l’intervention de l’avocat lors des procédures d’assistance éducative.
Vous évoquez le cas de Nanterre où, il y a plus de deux ans, entre mars 2020 et décembre 2021, deux juges des enfants ont désigné un avocat pour tout mineur, sans considération d’âge et de discernement. Permettez-moi de préciser d’emblée que, selon les éléments dont je dispose, cette pratique, qui n’a donné lieu à aucune évaluation, a depuis été abandonnée.
En outre, les neuf autres juges des enfants de Nanterre considéraient cette pratique comme contraire à la loi et au rôle de l’avocat, lequel doit porter la parole de son client, ce qui suppose que l’enfant soit capable de discernement et soit en mesure de s’exprimer.
Par ailleurs, le cadre législatif a récemment évolué pour faciliter l’assistance du mineur par un avocat. La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants permet désormais au juge des enfants de désigner d’office ou à la demande du président du conseil départemental un avocat, lorsque l’enfant est doté de discernement et que son intérêt l’exige.
Il convient également de rappeler que le juge des enfants se prononce, selon le code civil, « en stricte considération de l’intérêt de l’enfant » et que les magistrats sont bien sûr formés à l’audition du mineur.
Comme vous le soulignez, les travaux parlementaires réalisés dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice ont nourri les échanges sur cette question. Ainsi, madame la sénatrice, je vous confirme qu’une réflexion sera bien engagée au sujet de la systématisation de la présence de l’avocat auprès de l’enfant en assistance éducative.