M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je profite de la discussion de cet amendement pour rappeler que chaque mode de production comporte des risques : maîtrise intrinsèque des technologies, difficultés d’implantation de certaines techniques en milieu rural – je pense notamment à la méthanisation et à l’éolien. Cela concerne toutes les filières, et pas seulement la filière nucléaire.

Il est fondamental de donner de la visibilité à toutes les industries concernées. Il convient donc de pousser tous les curseurs, sans entraver la montée en puissance de certaines filières. Pour le nucléaire, il faut donner à EDF les moyens de ses ambitions, qui sont nationales.

Madame la ministre, où le Gouvernement en est-il dans les discussions avec EDF sur le financement du nucléaire ? Car nous sommes dans l’opacité la plus totale. Nous sommes, certes, favorables à lui donner les moyens dont elle a besoin, mais, en tant que parlementaires, nous appelons à davantage de clarté dans les pourparlers avec cet opérateur fondamental pour l’avenir de notre pays et notre souveraineté nationale.

La commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 a mis en évidence le flou complet qui règne en la matière. Nous avons besoin de dialogue et de clarté, mais, pour l’instant, je ne vois rien venir.

Cela étant, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reste favorable – j’y insiste – à ce que nous poussions tous les curseurs : il n’est pas question de sacrifier le nucléaire au profit d’autres techniques. Toutes ont leur place, sur le territoire, pour faire face aux enjeux de la décarbonation et de la production d’énergie propre.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je veux faire un commentaire général, car j’ai le sentiment que nous allons entendre des propos répétitifs tout au long de la discussion de l’article 3, qui porte sur le nucléaire, marotte d’un certain nombre de groupes politiques et d’élus. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)

Je me réjouis des propos de Franck Montaugé, qui a présidé la commission d’enquête sur le prix de l’électricité, dont Vincent Delahaye était le rapporteur. Son intervention était pleine de bon sens : il a présenté une vision équilibrée de notre mix énergétique.

Monsieur Jadot, vous avez fait allusion aux problèmes du nucléaire durant les cinquante dernières années. Or il y a bien eu un problème, il y a vingt-cinq ans, lorsque le mouvement politique auquel vous appartenez a saccagé le nucléaire durable, et l’avenir des réacteurs à neutrons rapides, qui étaient opérationnels.

M. Yannick Jadot. Nous n’avons jamais gouverné !

M. Stéphane Piednoir. Et la fameuse gauche plurielle en 1997 ?

On peut s’intéresser aux défauts de chaque filière, l’une après l’autre. L’éolien ne produit de l’électricité qu’un quart du temps, c’est donc une source d’énergie inutile. Nous sommes totalement dépendants de la Chine pour les panneaux photovoltaïques : il est donc inutile de s’enfermer dans cette voie. Quel que soit le mode de production, nous ne sommes pas souverains.

Quand on tient des propos aussi fallacieux que les vôtres, on se discrédite pour l’ensemble du débat ! (M. Yannick Jadot proteste.) Pour évoquer un coût de 13 milliards d’euros pour un réacteur, il faut tenir compte des dysfonctionnements et des empêchements subis pour la construction du premier EPR. Peut-être faut-il croire M. Rémont lorsqu’il indique que l’EPR2 est une simplification du design de l’EPR.

Nous sommes passés à autre chose parce que nous avons dissocié notre politique énergétique de celle de l’Allemagne. Demain, nos têtes de série seront beaucoup moins chères que ce que vous annoncez, je vous le garantis.

M. Yannick Jadot. Treize milliards !

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je remercie M. le rapporteur de sa prise de position. Il est réducteur d’opposer l’ambition que nous devons avoir pour le nucléaire et l’ambition en matière d’énergies renouvelables.

Les vingt-cinq articles du texte témoignent d’une ambition marquée pour les énergies renouvelables, que nous allons confirmer – je l’espère – tout à l’heure dans cet hémicycle. Je regrette donc, monsieur Jadot, que vous oubliiez l’essentiel. La proposition de loi a été bien pensée : nous savons tous que, dans les dix années qui viennent, ce sont les énergies renouvelables qui apporteront de nouvelles capacités !

Vous trouvez dommage de voir la filière éolienne sombrer : c’est incroyable de vous entendre dire une chose pareille ! Si, en France, nous n’avons ni la capacité, ni la volonté, ni l’ambition de développer des SMR de nouvelle génération, nous allons disparaître.

Vous le savez très bien, nous avons besoin d’énergie pilotable décarbonée. Or il se trouve que le nucléaire apporte une réponse positive à l’urgence sociétale et climatique à laquelle nous faisons face.

Dès lors, affichons nos ambitions ! Le texte que nous examinons aujourd’hui nous en donne justement l’occasion.

Nous sommes très réalistes sur le nombre d’années nécessaires pour atteindre les objectifs que nous avons fixés. Mme Estrosi Sassone l’a dit tout à l’heure d’une manière très claire : sans réindustrialisation de la France, nous n’y arriverons pas.

Le texte doit servir à tracer un chemin, à fixer une stratégie. Vos propos sont contradictoires : vous l’avez dit, la construction d’un EPR nécessite entre douze et quinze ans. C’est pourquoi nous devons avoir le courage d’annoncer les choses dès à présent, sans quoi, dans la période couverte par ce texte, nous passerions à côté de l’objectif que nous cherchons à atteindre.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Daniel Gremillet. Bref, soyons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Premièrement, toute activité humaine a un impact sur l’écosystème ; il n’existe pas d’énergie propre.

Deuxièmement, arrêtons cette manie de fixer des objectifs en pourcentages – par exemple, 50 % de nucléaire dans le mix énergétique à un horizon donné –, car cela entraîne des erreurs d’appréciation. Je propose plutôt que nous fixions des objectifs de capacité de production très ambitieux dans tout domaine.

Troisièmement, M. Jadot a raison : le nucléaire, c’est le temps long. En effet, nous parlons d’une échéance à quinze ou vingt ans. Si nous voulons électrifier les usages et continuer à décarboner notre mix énergétique, il faut investir lourdement dans les énergies renouvelables.

Dans le même temps, si nous souhaitons aller au bout des choses – c’est-à-dire réindustrialiser le pays, électrifier les usages et, évidemment, en finir avec le pétrole –, nous ne pouvons pas nous passer du nouveau nucléaire. C’est pourquoi je me réjouis que nous ayons un débat sur la question.

Aujourd’hui, il faut envoyer un signal clair à une filière dont on annonce la fin depuis quinze ans, avec l’arrêt de la construction de réacteurs. Il s’agit de redonner une impulsion politique, d’affirmer que nous voulons du nucléaire. Il faut recréer la filière et les métiers pour assurer notre souveraineté, comme en matière d’énergies renouvelables.

Du reste, nous devrons avoir un débat sur les problèmes qui subsisteront. Je me pose notamment des questions sur les quinze SMR annoncés. Où allons-nous les placer ? Sous quelle maîtrise seront-ils exploités ? Il ne s’agira certainement pas d’une maîtrise publique… Quid des conflits d’usage avec l’eau ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Fabien Gay. Aussi, je me félicite que nous nous engagions aujourd’hui à développer le nouveau nucléaire, mais cela ne saurait occulter l’ensemble des débats.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Notre politique énergétique a malheureusement souffert d’une absence de planification pendant des années. Depuis quelques années, nous nous efforçons de tracer une voie claire.

MM. Christian Redon-Sarrazy et Fabien Gay. C’est raté !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Dans ce contexte, il est essentiel de trouver des financements et de savoir où nous allons.

Où en est le financement du nouveau nucléaire ? EDF doit nous communiquer un devis finalisé d’ici à la fin de l’année. Nous espérons que nous pourrons respecter les coûts annoncés et avoir une visibilité sur la programmation.

Dès lors, débattons, planifions et ne craignons pas de parler de 2040 ! Cette échéance peut sembler lointaine, mais l’éolien en mer, dont Agnès Pannier-Runacher et moi-même annoncerons la programmation dans les prochains jours, devra, lui aussi, faire l’objet d’une planification jusqu’à l’horizon 2035-2040.

Bref, n’ayons pas peur d’évoquer toutes les énergies.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 3 (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie
Discussion générale

9

Décès d’un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean-François Picheral, qui fut sénateur des Bouches-du-Rhône de 1998 à 2008.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Loïc Hervé.)

PRÉSIDENCE DE M. Loïc Hervé

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

10

Communication d’un avis sur un projet de nomination

M. le président. Mes chers collègues, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable, par 21 voix pour et 18 voix contre, à la nomination de M. Philippe Mauguin aux fonctions de président de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

11

Article 3 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie
Article 3 (suite)

Programmation et simplification dans le secteur économique de l’énergie

Suite de la discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 179 au sein de l’article 3.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie
Article 4

Article 3 (suite)

M. le président. L’amendement n° 179, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Poursuivre un

par les mots :

Renforcer l’

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. Cet amendement, sur lequel nous avons échangé avec notre collègue Vincent Delahaye, vise à renforcer l’effort de recherche et d’innovation en direction de l’énergie nucléaire, en remplaçant le terme « poursuivre » par le terme « renforcer ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de lénergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de lénergie. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 179.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. Buis, Buval, Fouassin et Patriat, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Omar Oili et Bitz, Mmes Cazebonne et Duranton, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Patient, Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

de l’article L. 811-1,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

notamment en matière de fermeture du cycle du combustible et de couplage entre la production d’énergie nucléaire et celle d’hydrogène bas-carbone ; »

La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Cet amendement vise à introduire dans le code de l’environnement la poursuite des efforts en matière de recherche et développement ou d’innovation dans le secteur nucléaire, en mentionnant explicitement les réacteurs pressurisés européens (EPR), les petits réacteurs modulaires (SMR), le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter), le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo), mais aussi des objectifs plus généraux tels que la fermeture du cycle du combustible nucléaire et le couplage entre la production d’énergie nucléaire et celle de l’hydrogène bas-carbone.

M. le président. L’amendement n° 180, présenté par MM. Cadec et Chauvet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Après le mot :

ceux

insérer les mots :

à neutrons rapides

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« 5° … De soutenir un programme scientifique et technologique sur le développement des réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides refroidis au sodium, et la valorisation des matières nucléaires associées, dans la perspective d’un éventuel déploiement industriel d’un parc de tels réacteurs ; »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Cadec, rapporteur. Le présent amendement vise à renforcer le soutien apporté au développement des réacteurs de quatrième génération à neutrons rapides, refroidis au sodium, et à la valorisation des matières nucléaires associées, dans la perspective d’un éventuel déploiement industriel de la filière.

Il s’agit ici de respecter l’esprit des conclusions de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 119 rectifié ?

M. Alain Cadec, rapporteur. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Je propose à M. le rapporteur de retirer l’amendement n° 180 au profit de l’amendement n° 119 rectifié, dont la rédaction nous semble en effet plus adaptée : elle permet de poursuivre des objectifs de politique énergétique similaires, tout en restant neutres et libres sur le plan technologique.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je suis un peu surpris par le manque d’ambition qui se reflète dans la liste donnée par notre collègue Nadège Havet. Elle omet en effet de mentionner la filière graphite gaz, dont les enjeux de recherche sont extrêmement importants.

Je vous rappelle que nous ne parvenons toujours pas à percer le cœur de la centrale de Brennilis pour la vider. Ce problème se pose depuis tout de même quarante ans ! Et pour cause, la recherche en matière de graphite gaz a pris du retard.

Heureusement, nous avons mis à l’arrêt nos vieux réacteurs à sodium juste à temps avant qu’une catastrophe ne se produise.

Nous pourrions sans doute proposer un sous-amendement pour ajouter la filière graphite gaz : il est temps de démanteler la centrale de Brennilis !

M. Stéphane Piednoir. Ce n’est pas sérieux !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 119 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 180.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 47, présenté par MM. Michau, Montaugé, Devinaz et Fagnen, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Tissot, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Jacquin, Ouizille, Uzenat et M. Weber, Mme S. Robert, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le soutien aux petits réacteurs modulaires est conditionné à l’élaboration d’une doctrine d’emploi de ces nouvelles technologies nucléaires.

La parole est à M. Jean-Jacques Michau.

M. Jean-Jacques Michau. Nous sommes favorables à l’article 3, qui acte la relance du nucléaire. Toutefois, nous exprimons des réserves vis-à-vis des SMR. Ces technologies n’étant à ce jour ni matures ni stabilisées, elles devraient faire l’objet d’une doctrine d’emploi, avec, si besoin, une réglementation, voire une législation, spécifiquement associée.

Les SMR sont-ils destinés à être exportés, ou permettent-ils de répondre à des besoins précis et localisés ? Où seront-ils implantés ? Qui en seront les propriétaires ? EDF ou des acteurs privés ? Les risques de dissémination nucléaire sont réels.

Par ailleurs, pour ce type de nouvelle technologie, les questions de gestion de la sûreté, d’une part, et de gestion de la sécurité des sites, d’autre part, sont fondamentales. Quels sont les moyens pour assumer ces missions sur les sites d’implantation ?

Sur ces sujets fondamentaux, les Français devraient pouvoir disposer de réponses circonstanciées. En ce sens, nous souhaitons qu’une véritable doctrine d’emploi des SMR soit élaborée et mise en débat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Cadec, rapporteur. Cet amendement n’est pas opportun.

D’une part, il adresserait un signal négatif en direction des petits réacteurs modulaires. Or le plan national intégré énergie-climat (Pniec) et la stratégie française pour l’énergie et le climat prévoient de développer un petit réacteur modulaire et un petit réacteur innovant dès 2030.

D’autre part, l’amendement semble déjà satisfait. En effet, c’est l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui, en tant qu’autorité administrative indépendante, est chargée de contrôler l’ensemble des installations nucléaires de base, dont les petits réacteurs modulaires.

Le législateur n’a pas à s’immiscer dans les compétences déléguées à une autorité administrative indépendante (AAI).

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Nous ne connaissons pas encore tout le potentiel de ces technologies émergentes (Ça, cest sûr ! sur les travées du groupe GEST.) : c’est pourquoi nous avons lancé un appel à projets dans le cadre du plan France 2030.

En outre, la PPE a vocation à définir la doctrine française en matière de politique énergétique. Je ne vois pas pourquoi nous traiterions les petits réacteurs à part.

La construction des petits réacteurs modulaires devra s’effectuer dans le strict respect des exigences de sûreté et sous le contrôle de l’ASNR. Dès lors, j’estime qu’il n’y a pas besoin de doctrine d’emploi supplémentaire : il suffit de se conformer aux règles existantes.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Les SMR n’ont pas montré tout leur potentiel, dites-vous. C’est très clair, et je ne sais quand ils le feront ! ((Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

La doctrine, aujourd’hui, consisterait d’abord à savoir ce que l’on finance. Une multitude de start-up inventent des SMR qui resteront des projets sur le papier pendant des décennies, et c’est bien l’argent public qui abonde en grande partie la recherche nécessaire à leur développement.

Au bout du compte, nous n’aboutirons à rien du tout, car ces petits SMR n’ont de viabilité économique que s’ils sont multipliés à l’envi – il faudrait en construire plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines.

Or, comme chaque pays possède sa réglementation propre, ce n’est pas demain que nous pourrons exporter des SMR en Europe, puis dans le monde entier. Je pense en particulier à l’Afrique, dont la situation géopolitique est propice à l’implantation de SMR un peu partout.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Qui aura la maîtrise des SMR ? S’agira-t-il d’une maîtrise publique réalisée par EDF, ou va-t-on laisser ces réacteurs aux mains du privé en arrosant d’argent public un certain nombre de start-up via France 2030 et les plans de relance ?

Pour notre part, nous considérons que les SMR doivent rester sous maîtrise publique, donc d’EDF. Tant mieux si l’ASNR exerce un contrôle, c’est même la moindre des choses !

D’ailleurs, nous devrions avoir un autre débat sur l’Autorité de sûreté nucléaire, fusionnée par le gouvernement précédent avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire : avec la relance nucléaire et la construction d’EPR2 et de SMR, cette autorité aura besoin de plus de moyens pour assurer ses nouvelles missions.

J’insiste, quel est l’avis du Gouvernement sur la maîtrise des SMR ? Allons-nous continuer à soutenir des industriels privés, dont la plupart des projets ne verront jamais le jour ? Et si jamais leurs projets devaient être réalisés, cela poserait de toute façon des questions assez sérieuses…

Par ailleurs, sur le plan industriel, c’est le premier de série qui coûte cher et prend le plus de temps à développer. Il est ensuite aisé de le répliquer.

Nous devons aussi avoir un débat sur l’implantation territoriale des SMR, qui ne peuvent être construits n’importe où et n’importe comment. Pour l’instant, nous en sommes encore à l’état de projet.

Nous voterons cet amendement de nos collègues socialistes, car il va dans le bon sens et soulève des questions pertinentes.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. En tant que président de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050, j’ai cherché à comprendre auprès des personnes que nous avons entendues à quoi pourraient bien servir les SMR.

À une époque, nous évoquions le fait que les SMR étaient uniquement destinés à être exportés. Vraisemblablement, ces réacteurs ne serviraient pas à assurer la flexibilité du réseau au cas où, ponctuellement, la production devrait être ajustée. Ils ne constituent pas non plus, par définition, des outils pouvant assurer une production importante.

Dès lors, je ne vois que les filières industrielles pour assurer la décarbonation.

Pourquoi demandons-nous qu’une doctrine soit définie ? Parce qu’il est de la responsabilité du Gouvernement, dans ses discussions avec le Parlement, de définir les filières qui seront prioritairement concernées par ce type de réacteurs. Tel est le sens de notre amendement.

Pour terminer, j’évoquerai un point relatif à la technologie des unités de production. En France, dans le cadre militaire, nous exploitons des réacteurs à propulsion sous-marine. J’ai posé des questions sur ce sujet, mais personne n’a jamais voulu me répondre, sans doute parce que cette technologie est couverte par le secret-défense.

Je n’ai toujours pas compris pourquoi il était si difficile de transposer une technologie du domaine militaire au domaine civil, pour des puissances à peu près comparables. Peut-être allez-vous nous éclairer sur le sujet, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Alors que nous parlons de souveraineté et de patriotisme français, je trouve surprenant d’utiliser les acronymes anglais « EPR » et « SMR »…

Plus sérieusement, nous sommes responsables de la prolifération nucléaire et des technologies que nous pourrions développer, le fantasme étant d’en vendre dans le monde entier en faisant fi, justement, des enjeux de prolifération et d’installation, mais aussi des risques et des régimes politiques.

Continuer à dépenser de l’argent dans des projets qui, encore une fois, n’ont aucune maturité à ce jour me semble aberrant.

Un ancien président de la République français disait que pour un euro dépensé pour le nucléaire, un euro le serait pour les énergies renouvelables. Il s’appelait Nicolas Sarkozy.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. Le fait que la technologie utilisée par les sous-marins nucléaires ne soit pas transposable résulte davantage d’un problème d’environnement et de public que d’un problème de technologie.

En effet, ce sont des professionnels spécialisés qui embarquent à bord des sous-marins. S’agissant des SMR, ils seront installés au milieu du grand public. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Ils seront gérés par des amateurs ? Nous voilà rassurés !

Mme Olga Givernet, ministre déléguée. La réglementation devra donc être définie en conséquence.

M. Franck Montaugé. Justement, c’est de cela que nous voulons parler ! Il nous faut une doctrine d’emploi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 133, présenté par M. Gay, Mmes Corbière Naminzo, Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 5° bis De conforter le choix durable du recours à l’énergie nucléaire en tant que scénario d’approvisionnement compétitif et décarboné. Pour la production électronucléaire, sous réserve des dispositions relatives à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement, elle vise à maintenir une puissance installée suffisante pour répondre à la demande, sur la base des consommations historiques les plus hautes, et une puissance de réserve supplémentaire pour garantir les aléas techniques majeurs ;

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Cet amendement a trait au dimensionnement du parc de production nucléaire en France.

Tout à l’heure, notre collègue Yannick Jadot a soulevé un débat sur la surproduction d’électricité, et donc sur la coopération et la solidarité dont est capable notre pays.

Il ne s’agit pas de dire que nous sommes les meilleurs en Europe ou dans le monde, mais il faut faire vivre la question de la solidarité. La France ne fait d’ailleurs pas défaut, car elle est au cœur du marché européen, et particulièrement des interconnexions.

Trop souvent, on pense que le parc nucléaire tourne à plein régime. C’est faux : en plus de quarante ans, nos cinquante-huit réacteurs n’ont fonctionné que deux fois en simultané. Du fait de la corrosion sous contrainte, la moitié de nos réacteurs ont été arrêtés. Même en cas de fonctionnement normal, un quart de notre parc nucléaire est à l’arrêt.

Aussi cet amendement vise-t-il à bien dimensionner le parc de production, dès le départ, en fonction de nos besoins. Ne nous en tenons pas au strict minimum.