compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif, au cours de nos échanges, au respect des uns et des autres et à celui du temps de parole.

moyens budgétaires nécessaires pour affronter le dérèglement climatique et ses conséquences

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. Thomas Dossus. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.

Madame la ministre, après Kirk, il y a dix jours, une autre tempête, qui répond au doux prénom de Leslie, a frappé brutalement le sud-est de la France il y a six jours. Elle a touché non seulement la métropole de Lyon, mais aussi la Loire, l’Ardèche et de nombreux autres départements. Plus violente que beaucoup d’autres auparavant, elle a mis à nu nos faiblesses et nos erreurs d’aménagement.

Comme chaque fois, nous devons saluer les maires et leurs équipes municipales, les agents de la sécurité civile, les services de l’État et les nombreux bénévoles présents sur le pont tout le week-end : ils ont apporté des réponses immédiates et de l’aide à des habitants dont certains ont presque tout perdu.

Notre solidarité envers les sinistrés doit être totale. À cet égard, le maire de Givors, ville durement frappée, me disait lundi qu’un interlocuteur interministériel lui était indispensable, tant les besoins sont variés et tant il est urgent de les satisfaire.

Pareils épisodes sont de plus en plus intenses et violents, mais ce n’est qu’un début. En outre, les catastrophes n’ont plus grand-chose de naturel, tant notre rôle dans l’emballement est désormais avéré. Et pourtant, le budget que le Parlement a commencé à étudier semble ignorer l’urgence. Vous-même en avez fait le constat, au point de mettre votre démission dans la balance ; et vous avez raison : le coup de rabot sur l’écologie est violent. Pour reprendre la métaphore comptable, on aggrave la dette écologique pour tenter de régler la dette financière.

De manière plus cynique et plus dangereuse encore, le Premier ministre lui-même a rouvert le débat sur l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). La droite sénatoriale s’est immédiatement engouffrée dans la brèche : elle s’engage à faire en sorte que l’on puisse toujours davantage artificialiser, bétonner et bitumer les sols. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pendant ce temps, pour ce qui est de notre plan national d’adaptation au changement climatique, on procrastine !

Sommes-nous victimes de dissonance cognitive ? Quand on constate les besoins, quand on écoute les scientifiques, quand on a conscience de l’accélération de la catastrophe et du coût de l’inaction, on ne peut que s’interroger : avons-nous le temps d’un budget de recul ? Madame la ministre, comment pouvez-vous vous permettre de priver les collectivités territoriales de moyens d’investissement dont nous avons tant besoin pour préparer l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de lénergie, du climat et de la prévention des risques. Monsieur le sénateur Dossus, avant tout, je tiens à exprimer aux sinistrés le soutien du Gouvernement tout entier.

Je salue également, comme vous l’avez fait vous-même, l’action remarquable des services de secours et des élus locaux, qui n’ont pas ménagé leur peine, ces derniers jours, pour soutenir nos concitoyens.

Ces inondations résultent de précipitations d’une ampleur inédite. Au total, 600 à 700 millimètres d’eau sont tombés sur les hauteurs de l’Ardèche, sur Annonay par exemple : c’est l’équivalent d’une année de précipitations à Paris.

Vous l’avez dit, ces inondations sont une des manifestations du dérèglement climatique, et tout nous indique qu’elles sont appelées à se répéter. Nous devons donc agir.

Agir, c’est mettre les moyens ; et si j’assume de prendre ma part de l’effort budgétaire, une responsabilité nous incombe non seulement face à la dette financière, mais aussi face à la dette écologique. C’est pourquoi, dans les tout prochains jours, nous allons présenter le nouveau plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc). M. le Premier ministre sera personnellement à la manœuvre et un certain nombre de mesures seront annoncées à l’appui de ce plan.

Il faut mieux s’adapter, mieux anticiper, mieux prévoir et, bien sûr, accompagner les collectivités territoriales dans leur travail d’aménagement. Cela signifie que nous agirons en mobilisant non seulement les moyens de l’État, mais aussi d’autres outils : je rappelle que nous pouvons nous appuyer sur les certificats d’économies d’énergie, sur les crédits carbone, sur les crédits biodiversité ou encore sur les fonds de l’Union européenne, que nous utilisons peut-être encore insuffisamment.

Tout cela revient bel et bien à lancer l’alerte et à sonner la mobilisation générale : en la matière, vous pouvez compter sur moi, comme vous pouvez compter sur moi pour que les moyens soient à la hauteur des enjeux. Je défendrai donc ce budget avec vigueur et détermination. (M. Akli Mellouli sexclame.)

M. Yannick Jadot. Et le fonds Barnier ?

intempéries et inondations

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Mme Anne Ventalon. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Le 17 octobre dernier, un épisode cévenol d’une intensité rarement atteinte s’est abattu sur six départements français. L’Ardèche s’est trouvée en première ligne. Certaines communes, à l’image d’Annonay, de Limony, de Burzet ou encore du Roux, ont été particulièrement touchées par ces inondations dévastatrices et par leurs conséquences.

Après la décrue, le constat est accablant : des axes routiers rendus impraticables, des habitations sinistrées, des entreprises et des exploitations agricoles endommagées.

La solidarité des Ardéchois n’a pas failli : nos élus locaux et nos services de secours, aux côtés des habitants, font preuve d’un courage admirable face à la répétition d’événements climatiques violents. Néanmoins, ils ne peuvent relever seuls le défi de la reconstruction ; ils attendent désormais une mobilisation nationale qui soit à la hauteur.

Pour que les sinistrés puissent être indemnisés, les communes concernées doivent impérativement, et rapidement, être reconnues en état de catastrophe naturelle.

Au-delà des mesures d’urgence, il nous faut réfléchir, dans une perspective de long terme, à notre culture du risque ainsi qu’à la gestion des crises à répétition.

Madame la ministre de la transition écologique, face à l’intensification des aléas climatiques, et afin de répondre aux besoins croissants de reconstruction et de protection, envisagez-vous la création d’un « fonds Barnier II » ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de lénergie, du climat et de la prévention des risques. Madame la sénatrice Ventalon, vous l’avez dit, ces catastrophes naturelles sont d’une violence inouïe.

Il y a quelques jours, mon collègue Nicolas Daragon et moi-même nous sommes rendus à Annonay et à Limony, en Ardèche, communes que vous venez de citer. Nous avons pu constater de visu ce que vous décrivez : des maisons éventrées, des canalisations à nu, des hameaux privés d’accès au reste du village, un cours d’eau sorti de son lit et n’y revenant pas.

Face à ces catastrophes, qui sont évidemment traumatisantes pour la population, je vous assure que nous allons agir avec rapidité.

Je pense tout d’abord à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, dossier piloté par le ministère de l’intérieur : dans les tout prochains jours, ces communes verront leurs demandes aboutir.

Je pense ensuite aux missions d’inspection que Catherine Vautrin et moi-même allons lancer pour évaluer les dégâts infligés aux ouvrages qui ne sont pas assurables et peuvent bénéficier de la dotation de solidarité. Sur ce dossier aussi, nous sommes prêts et allons avancer rapidement.

Je pense enfin au travail confié aux services du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), lesquels sont d’ores et déjà prépositionnés en appui des collectivités territoriales. Il s’agit par exemple de déterminer si l’on peut construire un ouvrage provisoire là où un pont s’est effondré, ou encore de vérifier la qualité de ponts qui, s’ils ont été très fortement endommagés, sont encore debout : il faut savoir si ces ouvrages peuvent continuer d’être empruntés en toute sécurité.

Sur tous ces sujets très concrets, vous pouvez compter sur le Gouvernement pour avancer.

Pour ce qui est de la suite, je l’ai dit, le Premier ministre travaille au nouveau plan national d’adaptation au changement climatique. Ce document sera soumis à la concertation dans les tout prochains jours, avec des moyens à la clé. Le fonds Barnier est évidemment un outil,…

M. Yannick Jadot. Oui, combien ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … mais vous comprendrez que je laisse le Premier ministre faire lui-même ces annonces.

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour la réplique.

Mme Anne Ventalon. Madame la ministre, à la suite de cet épisode douloureux, vous vous êtes effectivement rendue dans mon département, qui paie un lourd tribut.

De nouvelles pluies sont attendues en cette fin de semaine ; or les sols sont déjà saturés en eau. Qu’il s’agisse de répondre à la catastrophe ou de travailler à la prévention, la mobilisation de l’État est bel et bien indispensable.

À cet égard, le Sénat examinera la semaine prochaine un texte essentiel visant à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Nous espérons vivement que le Gouvernement le soutiendra. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

insécurité en guyane

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Georges Patient. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Après Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et la Martinique, la Guyane sera-t-elle le prochain « brûlot de l’Empire » ? Tout y concourt : une insécurité exponentielle s’ajoute à la cherté de la vie, dans un contexte d’extrême pauvreté.

La Guyane a enregistré son quarante-deuxième homicide de l’année. Le taux d’homicide y est de 20 pour 100 000 habitants, cinq fois plus que dans les Bouches-du-Rhône – un record !

C’est à Saint-Laurent-du-Maroni que la situation se dégrade le plus. L’usage d’armes à feu y est devenu la norme. En 2023-2024, 25 % des vols à main armée recensés en France en zone gendarmerie ont été commis dans cette ville, qui, officiellement, ne compte que 50 000 habitants.

Facteur aggravant, le Maroni, fleuve frontière avec le Suriname, n’est, dans les faits, pas une frontière. Actuellement, le point de contrôle policier se trouve quelques kilomètres après la sortie de Saint-Laurent-du-Maroni, sur la route de Cayenne. La ville est ainsi livrée à tous les trafics, qu’il s’agisse d’armes, de drogues ou encore d’immigration illégale. Une telle situation est indigne de notre République.

En avril dernier, l’opération « place nette » avait montré un début d’efficacité ; elle a été interrompue à la suite du départ de deux escadrons de gendarmerie pour les jeux Olympiques de Paris.

Hier, le préfet de la Guyane a annoncé l’arrivée de la garde républicaine. Quant aux Guyanais, ils réclament en priorité et de toute urgence le retour des deux escadrons de gendarmerie et souhaitent que d’autres leur soient adjoints. S’y ajoutent deux demandes, elles aussi prioritaires : premièrement, faire du Maroni une véritable frontière, ce qui suppose d’y surveiller la navigation vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en mobilisant l’armée si besoin ; deuxièmement, donner à la ville les moyens d’éradiquer les quartiers informels qui servent de refuges aux criminels.

Monsieur le ministre, saurez-vous répondre aux attentes de nos concitoyens et leur permettre de retrouver une vie paisible ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Georges Patient, vous m’alertez sur la gravité de la situation en Guyane, et singulièrement à Saint-Laurent-du-Maroni.

Selon les statistiques que vous avez à juste titre citées, nous en sommes, sur ce petit bout du territoire français, à quarante-deux homicides depuis le début de l’année. J’ajoute que le mouvement s’accélère : sur place, on dénombre désormais deux à trois tentatives d’homicide par jour et, depuis le début de l’année, les vols à main armée ont augmenté de 37 %. Bref, la situation s’aggrave.

Un pic de violence a eu lieu le 3 octobre dernier : ce jour-là, nos gendarmes ont été pris à partie. Lors d’une opération de rétablissement de l’ordre, ils ont même essuyé plus de quarante tirs à balles réelles.

Je tiens à saluer devant la représentation nationale le courage des forces de l’ordre présentes sur place. Elles accomplissent un travail extraordinaire dans des conditions très difficiles : bravo à elles, vraiment. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDPI et RDSE et sur des travées du groupe SER.)

Soyez assuré que nos enquêteurs sont mobilisés. Ils ont interpellé et déféré à la justice plusieurs individus présumés responsables des désordres du 3 octobre dernier : notre main ne tremble pas.

Vous m’interrogez au sujet des renforts. Que faire ? Avec le Premier ministre, j’ai décidé d’envoyer sur place, en renfort, les escadrons de gendarmerie que vous réclamez. Des renforts déployés sur mon initiative sont d’ores et déjà arrivés, pour certains pas plus tard qu’hier : tel est le cas du peloton d’intervention de la garde républicaine que vous évoquiez. De même, nous avons renforcé l’antenne du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), qui est précisément engagée à Saint-Laurent-du-Maroni.

Les renforts sont donc là. Ils s’ajoutent aux 1 525 policiers et gendarmes territoriaux déjà présents sur place, mais cela ne suffira pas. En parallèle, nous allons mieux contrôler la frontière, qui, pour l’heure, n’est en effet qu’une passoire.

Vous avez raison : le Maroni est devenu l’autoroute de la délinquance, de gens ultraviolents. Pour contrôler ce fleuve, comment allons-nous faire ? Nous allons tout simplement rétablir le contrôle de l’accostage des bateaux dans le port, avec – je l’espère – le soutien des collectivités territoriales. En outre, nous allons déployer des drones pour assurer une surveillance permanente de la frontière.

Comptez sur nous, monsieur le sénateur, pour ne pas laisser dériver la violence dans votre beau territoire : la République, c’est non seulement la métropole, mais aussi l’ensemble des territoires ultramarins français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et RDPI.)

contrôles des agriculteurs initiés par les procureurs

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)

M. Vincent Louault. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, loin de moi l’idée d’interférer dans une action de justice en cours ou de vous interpeller sur le fond d’une procédure : je ne méconnais évidemment pas le principe de séparation des pouvoirs. Mais j’ai quand même le droit de m’émouvoir, de m’interroger et de vous demander votre avis sur la forme.

Ma question est simple : en pleine crise agricole, jugez-vous vraiment raisonnable et proportionné de déployer plus de cinquante agents des forces de l’ordre chez un seul agriculteur dans le cadre d’un contrôle « mutualisé », comme ce fut le cas la semaine dernière en Indre-et-Loire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Vincent Louault, j’entends votre émotion et votre incompréhension. Je comprends que vous soyez sensible à la situation d’un élu, maire de votre département et agriculteur de surcroît, comme vous. Je souhaite vous apporter une réponse apaisée, sans faux-semblant.

Le métier d’agriculteur est un métier difficile, qui demande engagement et pugnacité, qui est soumis à des contraintes financières, techniques et légales reconnues de tous.

Vous l’avez rappelé et je vous en remercie : en ma qualité de garde des sceaux, je ne saurais commenter sur le fond une affaire individuelle.

Un agriculteur est soumis aux dispositions légales encadrant son activité, notamment en matière environnementale. La question de l’environnement est et reste une préoccupation gouvernementale majeure ; c’est précisément ce qui a motivé, en septembre 2023, l’instauration des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (Colden), qui sont chargés de veiller à la bonne coordination des réponses administrative et pénale.

Les Colden, jeunes structures, doivent encore arriver à maturité. Les contrôles opérés dans les exploitations agricoles suscitent des incompréhensions et parfois, comme ce fut le cas dans votre département, une forte émotion. Je le comprends.

Comme l’ont proposé vos collègues députés Anne-Laure Blin et Éric Martineau, rapporteurs d’un groupe de travail consacré à ce sujet, il faut améliorer le déroulement et la perception de ces contrôles : il s’agit là d’une réelle attente, j’en ai bien conscience.

Par circulaire en date du 9 octobre 2023, la Chancellerie a rappelé que les contrôles opérés dans les exploitations agricoles devaient être fondés sur les principes de nécessité et de proportionnalité. Dans cet esprit, une stratégie nationale des contrôles en matière de police de l’eau et de la nature (SNCPEN) a été établie en janvier 2024 ; elle est sans doute perfectible, et je suis prêt à y travailler avec mes collègues concernés au sein du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour la réplique.

M. Vincent Louault. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre bienveillance : vu le contexte explosif que nous connaissons, elle est importante.

Sur BFM, tout à l’heure, on annonçait de nouvelles manifestations agricoles ; les agriculteurs sont vraiment au bout du rouleau.

Comment un agriculteur peut-il comprendre, et encaisser psychologiquement, d’être encerclé et contrôlé sur plus de 300 points au cours de la même journée, jusqu’à se retrouver, trois ou quatre mois après, en garde à vue ? Ce genre de situation arrive très souvent…

Moi-même, je préférerai toujours trois ou quatre contrôles par an menés par des administrations pédagogues, à l’écoute, signalant bien sûr les réelles atteintes portées à l’environnement.

Notre pays est pionnier en matière environnementale : il faut en être fier. Les Français aiment et soutiennent leurs agriculteurs, qui s’occupent de 80 % de la surface de notre pays et sont des acteurs de la protection de l’environnement. Tous les agriculteurs sont attachés à leur environnement ! Alors, par pitié, cessons de les traiter comme des criminels : soutenons-les et prévoyons pour eux des procédures beaucoup plus humaines. Je vous en remercie par avance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

urgence de réformer la politique de santé périnatale

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

Mme Véronique Guillotin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.

Historiquement performant en matière de santé périnatale, notre pays est passé, en l’espace de vingt années, des premières places aux vingt et unième et vingt-deuxième rangs européens en matière de mortinatalité et de mortalité infantile, ces classements recouvrant par ailleurs d’importantes disparités territoriales.

La situation est tout aussi préoccupante pour ce qui est de la santé physique et de la santé mentale des mères : le suicide est devenu la première cause de mortalité maternelle et les hémorragies du post-partum, qui affectent 10 % des accouchements, ne sont pas toujours correctement prises en charge.

Partant de ce constat, la mission d’information sur l’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale, demandée par le RDSE et présidée par Annick Jacquemet, mission dont j’ai été la rapporteure, a adopté le 10 septembre dernier un rapport permettant de mieux comprendre le phénomène et, surtout, de tracer le chemin d’une réforme.

Le décrochage de notre pays s’explique pour partie par l’âge plus tardif des grossesses, par l’augmentation de la prévalence de l’obésité et du diabète, ainsi que par une plus grande précarité des femmes enceintes.

Néanmoins, ces facteurs liés à la mère n’expliquent pas tout : on les observe dans la plupart des autres pays européens, qui pourtant ne connaissent pas une telle dégradation de leurs indicateurs. Notre organisation des soins fait donc clairement partie du problème : elle est inadaptée aux besoins et les équipes sont souvent incomplètes ou instables.

Madame la ministre, notre rapport préconise, en substance, une sécurisation accrue de l’acte d’accouchement, d’une part, et un renforcement de l’offre de proximité immédiate en matière de suivi prénatal et postnatal, d’autre part.

Aussi Annick Jacquemet et moi-même sollicitons-nous un rendez-vous afin de vous présenter nos pistes s’agissant d’une réforme qualifiée de nécessaire et d’urgente par toutes les parties prenantes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes INDEP et UC. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de laccès aux soins. Madame la sénatrice Guillotin, avant tout, je tiens à saluer le travail que vous avez mené avec Mme la sénatrice Jacquemet : vous avez rédigé un rapport absolument essentiel, dont j’approuve bien sûr les constats.

Depuis vingt ans, nous n’avançons plus en matière de périnatalité : pis, nous reculons – les chiffres le prouvent.

Aujourd’hui, le suicide est la première cause de décès des mères qui viennent d’accoucher. M. le Premier ministre entend faire de la santé mentale la grande cause nationale de l’année 2025 : ce sujet fait partie de ceux sur lesquels nous devrons nous pencher à ce titre.

La santé périnatale est bel et bien un défi majeur. Dans le cadre des assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, une feuille de route a été établie pour les années 2024 à 2030 ; elle reprend au total onze des préconisations énumérées dans votre rapport. Voilà un premier point dont il faut se féliciter.

Vous l’avez dit : il faut ériger la prévention en priorité. Il faut également améliorer nos équipements et les conditions d’exercice de nos personnels soignants. Et il faut garantir un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances dans chaque région d’ici à 2027 – cet objectif figure dans la feuille de route que je viens de citer. En parallèle, il faut faire évoluer le cadre réglementaire applicable aux activités de néonatologie, de soins intensifs et de réanimation néonatale.

Enfin, nous manquons de pédiatres. C’est précisément pourquoi 600 postes d’internes en pédiatrie seront désormais proposés chaque année, soit une augmentation de 75 % par rapport à 2022.

Madame la sénatrice, je dois évidemment vous rencontrer pour enrichir cette feuille de route ; en cette matière, il nous faut amplifier l’effort tout en mettant l’accent sur la dimension de proximité, sur laquelle vous insistez à juste titre et qui représente pour les familles un enjeu essentiel. La période périnatale étant souvent complexe, nous devons leur garantir qu’elles pourront la traverser entourées et guidées. Ce sera bon à la fois pour la santé de la mère, pour celle du père et pour celle de l’enfant.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.

Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, je vous remercie pour l’attention que vous portez à notre travail, ainsi que pour la réponse positive accordée à notre demande de rendez-vous ; nous attendons cet entretien avec impatience.

J’y insiste, il est urgent d’agir en faveur de la santé périnatale. Ma collègue Annick Jacquemet et moi-même proposons en particulier de rompre avec le dogme d’un seuil d’activité fixé à 1 000 naissances. Nous suggérons une réorganisation de l’offre de soins par bassin de naissance, mais cela ne se fera pas sans une véritable volonté politique ni sans un véritable pilotage national. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

situation de la loire après les intempéries

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le Premier ministre, la Loire et les départements voisins viennent d’être frappés par un épisode climatique d’une rare intensité. Dans la vallée du Gier et le massif du Pilat, les cours d’eau ont atteint des niveaux de crue historiques ; on y déplore des dégâts considérables.

La mobilisation exceptionnelle des services de secours, que je tiens à saluer, nous a permis d’éviter le pire sur le plan humain.

Mon collègue député Pierrick Courbon et moi-même vous avons immédiatement écrit pour solliciter des mesures permettant non seulement de faciliter le travail de réparation, mais aussi de préparer l’avenir.

Si la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a été rapidement engagée, elle ne suffira pas à répondre aux besoins, notamment pour ce qui est des dégâts non assurables.

Vous annoncez un plan national d’adaptation au changement climatique. Comment imaginez-vous pouvoir répondre aux enjeux par un tel biais, alors que vous siphonnez les crédits existants ?

Ainsi, vous retirez 1,5 milliard d’euros au fonds vert, outil dont les communes, y compris les plus petites, se sont pourtant saisies pour investir dans la transition écologique.

Je pense aussi au fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), le fameux « fonds Barnier », qui porte votre nom, monsieur le Premier ministre, et que notre collègue Hervé Gillé, que j’associe à ma question, a étudié en détail. Ce fonds est financé à hauteur de 450 millions d’euros cette année, mais 225 millions d’euros seulement y sont affectés dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

Je pense également à ces collectivités dont la vocation est – nous le savons tous ici – d’organiser la solidarité territoriale, j’ai nommé les conseils départementaux. Ce PLF les affaiblit comme jamais ; comment, dès lors, pourront-ils soutenir les communes sinistrées ? Pour le seul département de la Loire, dont je suis élu, c’est une ponction de 16 millions d’euros qui est prévue. Allez-vous y renoncer ?

Hier encore, vos ministres saluaient les élus locaux mobilisés face à la catastrophe. Vos prédécesseurs en avaient fait autant après la crise sanitaire, après les émeutes – après tous les événements face auxquels les communes sont en première ligne. Mais quelle valeur accorder à ces mots quand, dans le même temps, vous retirez aux élus les moyens de mener ces combats indispensables ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)