Sommaire

Présidence de M. Loïc Hervé

Secrétaires :

Mme Marie-Pierre Richer, M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

inquiétudes pour l’avenir des industries en meuse

Question n° 122 de Mme Jocelyne Antoine. – Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation.

avenir du dispositif « rebond industriel » pour la communauté d’agglomération morlaix communauté

Question n° 163 de M. Jean-Luc Fichet. – Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation.

défense de nos industries stratégiques

Question n° 174 de M. Guillaume Gontard. – Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation ; M. Guillaume Gontard.

traitement des déchets de l’amiante

Question n° 019 de Mme Michelle Gréaume. – Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation.

cop29 à bakou

Question n° 129 de Mme Marie-Arlette Carlotti. – Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation.

surveillance sanitaire de l’acide trifluoroacétique

Question n° 124 de Mme Anne Souyris. – Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation ; Mme Anne Souyris.

hausse des contributions dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs dans le secteur du bâtiment et avenir de la filière bois

Question n° 176 de M. Simon Uzenat. – Mme Laurence Garnier, secrétaire d’État chargée de la consommation.

gendarmeries : loyers impayés par l’état

Question n° 091 de Mme Céline Brulin. – M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien ; Mme Céline Brulin.

lutte contre les infractions et atteintes faites aux élus

Question n° 022 de M. Jean-Marie Mizzon. – M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien ; M. Jean-Marie Mizzon.

situation de la médecine scolaire

Question n° 082 de Mme Laure Darcos. – M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel ; Mme Laure Darcos.

enseignants non remplacés dans le secondaire

Question n° 137 de M. Stéphane Le Rudulier. – M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel ; M. Stéphane Le Rudulier.

nombre de mineurs non scolarisés à mayotte

Question n° 145 de M. Saïd Omar Oili. – M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel ; M. Saïd Omar Oili.

plan « destination france »

Question n° 138 de M. Henri Cabanel. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat ; M. Henri Cabanel.

difficultés dans l’ostréiculture

Question n° 152 de M. Mickaël Vallet. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat ; M. Mickaël Vallet.

problèmes assurantiels rencontrés par les collectivités territoriales

Question n° 110 de Mme Amel Gacquerre. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat.

conséquences du nouveau seuil de tension de la demande de logements sociaux et les incohérences liées à la loi sru

Question n° 136 de Mme Sylviane Noël. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat.

bonification de trimestres pour la retraite afin de reconnaître l’engagement des élus locaux

Question n° 142 de M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat ; M. Jean-Baptiste Lemoyne.

prise en charge financière de la rénovation des ponts

Question n° 156 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat.

information des conducteurs pour les péages à flux libre

Question n° 101 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat.

avenir du projet de ligne nouvelle paris-normandie

Question n° 150 de Mme Corinne Féret. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat.

arrêt du chantier de l’échangeur de la varizelle

Question n° 155 de M. Hervé Reynaud. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat ; M. Hervé Reynaud.

situation sanitaire et environnementale de l’aéroport d’orly

Question n° 175 de M. Christian Cambon. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat.

nécessaire création d’un statut de l’élu local

Question n° 100 de Mme Marie Mercier. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat ; Mme Marie Mercier.

dotations de l’état aux collectivités territoriales

Question n° 128 de Mme Christine Herzog. – Mme Françoise Gatel, ministre chargée de la ruralité, du commerce et de l’artisanat.

sites internet délivrant des arrêts de travail abusifs

Question n° 147 de Mme Anne-Sophie Romagny. – Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance.

évolution préoccupante de la mortalité infantile en france

Question n° 148 de M. Patrice Joly. – Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance ; M. Patrice Joly.

désengagement de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités du suivi des agents de la fonction publique

Question n° 038 de M. Thierry Cozic. – Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance.

conséquences dramatiques de la diminution des dotations budgétaires des centres régionaux de dépistage des cancers

Question n° 169 de Mme Nicole Bonnefoy. – Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance ; Mme Nicole Bonnefoy.

référents handicap dans les universités

Question n° 162 de Mme Patricia Demas. – Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance.

surpopulation carcérale en guadeloupe

Question n° 171 de Mme Solanges Nadille. – Mme Agnès Canayer, ministre déléguée chargée de la famille et de la petite enfance.

rapatriement en france de palestiniennes et palestiniens blessés dans la bande de gaza

Question n° 111 de Mme Raymonde Poncet Monge. – M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

renforcement du droit de préemption des collectivités locales pour la protection des terres agricoles

Question n° 172 de M. Jean-Baptiste Blanc. – M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

inquiétudes des jeunes agriculteurs

Question n° 090 de M. Alain Duffourg. – M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

modalités de subvention et d’indemnisation des viticulteurs souscrivant une assurance multirisque climatique et sanitaire

Question n° 114 de M. Hervé Gillé. – M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; M. Hervé Gillé.

interdiction de la benfluraline

Question n° 125 de Mme Marie-Claude Lermytte. – M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

agriculture en crise et retard dans la concrétisation des mesures annoncées

Question n° 144 de M. Lucien Stanzione. – M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

situation des futurs propriétaires de maison individuelle face aux faillites de constructeurs et à l’obligation légale de garantie des chantiers

Question n° 094 de M. Jean Hingray. – Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine ; M. Jean Hingray.

difficultés découlant de la mise en place du nouveau diagnostic de performance énergétique (dpe)

Question n° 166 de M. Jean-Michel Arnaud. – Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine ; M. Jean-Michel Arnaud.

pénurie de logements à paris et dans les grandes villes françaises

Question n° 123 de M. Ian Brossat. – Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine ; M. Ian Brossat.

réduction des surcoûts sur les carburants fournis par la sara aux antilles et en guyane

Question n° 075 de M. Georges Patient. – M. François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer.

absentéisme des agents de la ville de paris

Question n° 161 de Mme Agnès Evren. – M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

3. Démission et remplacement d’un sénateur

4. Prestation de serment d’un juge suppléant à la cour de justice de la république

5. Candidatures à des commissions

6. Repérage des troubles du neurodéveloppement. – Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Texte élaboré par la commission

Vote sur l’ensemble

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Anne Souyris

Mme Corinne Féret

M. Joshua Hochart

Mme Marie-Claude Lermytte

Mme Marie-Do Aeschlimann

Mme Solanges Nadille

Mme Maryse Carrère

Mme Jocelyne Guidez

Adoption définitive, par scrutin public n° 29, de la proposition de loi dans le texte de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

M. Paul Christophe, ministre

Suspension et reprise de la séance

7. Outils de régulation des meublés de tourisme. – Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Article 3

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Antoinette Guhl

Mme Frédérique Espagnac

M. Pierre Médevielle

M. Jean-François Husson

M. Bernard Buis

Mme Maryse Carrère

Mme Amel Gacquerre

Mme Marianne Margaté

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.

8. Rappel au règlement

Mme Maryse Carrère

Suspension et reprise de la séance

9. Conventions internationales. – Adoption en procédure d’examen simplifié de trois projets de loi dans les textes de la commission

Accords européens avec l’Arménie et l’Ukraine sur la création d’un espace aérien commun. – Adoption , en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.

Accord avec l’Indonésie dans le domaine de la défense. – Adoption, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.

Accord de coopération avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée. – Adoption définitive, en procédure accélérée, du projet de loi dans le texte de la commission.

10. Convention des Nations unies sur le droit de la mer. – Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

M. André Guiol, rapporteur de la commission des affaires étrangères

M. Michaël Weber

M. Pierre Médevielle

M. Hugues Saury

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

M. Teva Rohfritsch

Mme Mireille Jouve

M. Édouard Courtial

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Guillaume Gontard

M. Jean-Noël Barrot, ministre

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Vote sur l’ensemble

Adoption définitive, par scrutin public n° 30, de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.

Suspension et reprise de la séance

11. Individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

Mme Marie Mercier, auteur de la proposition de loi

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

M. Pierre Jean Rochette

M. Stéphane Le Rudulier

Mme Patricia Schillinger

Mme Sophie Briante Guillemont

Mme Olivia Richard

M. Ian Brossat

M. Guy Benarroche

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Catherine Belrhiti

Mme Béatrice Gosselin

Clôture de la discussion générale.

Article 1er A (nouveau)

Amendement n° 8 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 16 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 1er

Amendement n° 9 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 10 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Amendement n° 1 de M. Ian Brossat. – Rejet.

Amendement n° 18 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 19 de la commission. – Devenu sans objet.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

M. Guy Benarroche

Adoption de l’article.

Après l’article 2

Amendement n° 12 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 3 – Adoption.

Après l’article 3

Amendement n° 14 de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 4 (nouveau)

Amendements identiques nos 2 de Mme Cécile Cukierman, 4 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie, 11 de M. Guy Benarroche et 17 du Gouvernement. – Adoption des quatre amendements supprimant l’article.

Amendement n° 3 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.

Après l’article 4

Amendement n° 20 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 6 de Mme Olivia Richard. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 21 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 7 de Mme Olivia Richard. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 5 de M. Laurent Burgoa. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 5 (nouveau) – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Guy Benarroche

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

12. Ordre du jour

Nomination de membres de commissions

compte rendu intégral

Présidence de M. Loïc Hervé

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie-Pierre Richer,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 30 octobre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

inquiétudes pour l’avenir des industries en meuse

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Antoine, auteure de la question n° 122, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie.

Mme Jocelyne Antoine. Le département de la Meuse connaît des vagues de désindustrialisation successives, avec des répercussions économiques et sociales dramatiques pour un territoire rural déjà fragilisé.

Plusieurs entreprises, autrefois piliers de l’emploi local, sont aujourd’hui en proie à de graves difficultés financières.

Je dois évidemment évoquer la situation de la papeterie Stenpa, à Stenay, où 130 emplois sont menacés. Moins d’un an après sa reprise par un fonds d’investissement étranger, cette papeterie quasi centenaire se retrouve une nouvelle fois au bord du gouffre, puisque les promesses d’investissement n’ont pas été tenues.

À cela s’ajoute un nouveau coup dur pour l’emploi local et le tissu économique meusien avec l’annonce de la fermeture par Bonduelle de son site de Saint-Mihiel, où 159 salariés risquent de perdre leur travail.

Sans un engagement fort de l’État pour identifier et accompagner des repreneurs, la désindustrialisation des territoires ruraux ne pourra être stoppée.

Dans des territoires comme la Meuse, où l’industrie constitue le dernier rempart contre l’exode rural, ces fermetures constituent de véritables drames. Nos petites communes souffrent déjà d’une baisse démographique et du vieillissement de leur population ; la disparition des emplois industriels contribue à l’accélération de ces dynamiques négatives.

Dans ce contexte sombre, heureusement, il y a parfois des éclaircies.

Il arrive ainsi que des salariés se réunissent en société coopérative participative (Scop) pour donner un nouveau souffle à leur entreprise. C’est le cas pour l’emblématique fabricant de laines Bergère de France, et pour La Meusienne, producteur de tubes en acier inoxydable. Cependant, là aussi, un accompagnement technique et financier important est nécessaire pour que ces initiatives soient couronnées de succès.

Il est difficile de faire le tour de cette question cruciale en deux minutes, madame la secrétaire d’État. Aussi, j’aurais plaisir à vous accueillir dans mon département pour échanger davantage sur le sujet et approfondir la question.

Dans l’attente, permettez-moi de vous adresser ces deux questions : que comptez-vous faire pour préserver l’emploi industriel, et notamment pour accompagner les entreprises en difficulté dans la Meuse ? Une révision de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange, est-elle à l’ordre du jour pour éviter que des fonds d’investissement ne se retirent sans investir durablement dans les entreprises locales ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Antoine, je vous remercie de cette invitation dans votre département, qui est historiquement marqué d’une empreinte industrielle forte. Il est malheureusement aujourd’hui confronté aux difficultés que vous avez évoquées.

Avant toute chose, je veux vous assurer qu’avec mes collègues du Gouvernement, Antoine Armand et Marc Ferracci, nous sommes aux côtés des salariés, de leurs représentants et des élus locaux pour réunir toutes les parties prenantes autour de la table, trouver des compromis et identifier des solutions pour préserver les sites et les emplois.

Vous m’alertez plus précisément sur les situations de Stenpa, de Bergère de France et du site de Bonduelle à Saint-Mihiel. Dans ces trois cas, l’État s’est attaché, avec les partenaires locaux, à favoriser des reprises, avec des succès notables. C’est notamment le cas de la reprise par une Scop, qui vient d’être validée, de Bergère de France.

Sachez en tout cas que nous sommes, pour chacune de ces situations, pleinement mobilisés avec les services de l’État, tels que le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises (Dire) et les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés (CRP).

Parmi leurs missions, ces instances s’assurent aussi que les projets de reprise par des investisseurs reposent sur une vision industrielle pérenne et une stratégie de moyen ou long terme.

Vous avez parfaitement raison de le souligner, madame la sénatrice, il s’agit d’un enjeu fondamental pour que les entreprises d’un territoire comme le vôtre puissent se développer structurellement sans être soumises à des stratégies d’investissement agressives.

Je termine en vous assurant de l’attention du Gouvernement sur ces sujets, qui sont, vous l’avez également souligné, de véritables enjeux d’aménagement du territoire, notamment pour notre ruralité.

avenir du dispositif « rebond industriel » pour la communauté d’agglomération morlaix communauté

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 163, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Jean-Luc Fichet. Morlaix Communauté s’est portée candidate, fin septembre 2022, à l’appel à manifestation d’intérêt national (AMI) France 2030 intitulé « Rebond industriel ».

Cet AMI visait à accompagner les territoires touchés par des restructurations économiques : 54 projets industriels pour un potentiel de 110 millions d’euros et la création de 300 emplois. L’agglomération de Morlaix a été retenue en décembre 2022 parmi les neuf territoires concernés au niveau national.

Le programme consistait tout d’abord en une phase d’ingénierie de janvier à avril 2023, avec la mise à disposition d’un cabinet de conseil pour 100 jours-hommes, pour un coût de 150 000 euros. Ensuite était prévue une phase d’investissement sur douze à dix-huit mois, mobilisant une enveloppe de crédits de 1,5 million d’euros de soutien à l’investissement productif dédiée au financement de projets industriels innovants et structurants pour le territoire.

Un comité de pilotage a eu lieu de janvier à avril 2023 afin d’identifier les projets innovants et les structures porteuses. L’idée était d’aller vite pour provoquer un choc industriel. Les dossiers priorisés et validés par le comité de pilotage territorial dans le cadre du dispositif « Rebond industriel » devaient être soumis au comité de pilotage ministériel opérationnel, placé auprès du Premier ministre, pour examen lors d’une réunion le 4 octobre 2023.

Nous sommes en octobre 2024 et le choc industriel prévu n’est pas arrivé. En effet, seules deux entreprises ont été financées, à hauteur de 340 000 euros. Trois entreprises qui avaient prévu leur investissement ne sont aujourd’hui pas financées : Hemarina, entreprise innovante agissant dans la transplantation d’organes ; Sermeta, entreprise industrielle phare du pays de Morlaix ; et Ineo défense.

Ma question est simple : ces entreprises sélectionnées sur le territoire disposeront-elles des sommes « levier » nécessaires à leurs investissements, et, si tel n’est pas le cas, que deviendront les fonds non utilisés fléchés pour les entreprises du pays de Morlaix ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, chargée de la consommation. Monsieur le sénateur Fichet, le territoire de Morlaix Communauté a en effet été lauréat de la première vague de l’AMI « Rebond industriel ».

La phase d’ingénierie a permis, vous l’avez rappelé, d’identifier 54 projets. En complément des moyens d’ingénierie, le dispositif sanctuarise des crédits qui visent à soutenir des projets participant à la dynamique de rebond et de diversification du tissu industriel de ce territoire.

Les projets recherchés par l’AMI sont donc des projets matures, avec un fort impact territorial, environnemental et sociétal. Ainsi, les entreprises Primel Gastronomie et Bosch-ELM Leblanc ont bien été aidées par le dispositif, pour un montant cumulé de 343 700 euros. Les deux entreprises ont signé leur contrat de subvention avec Bpifrance en décembre 2023.

Je vais maintenant vous répondre sur les trois autres entreprises que vous avez évoquées et qui se sont vu notifier un refus.

Le projet de l’entreprise Ineo Défense n’a pas pu faire l’objet d’un soutien, compte tenu du droit européen en matière d’aides d’État.

S’agissant du projet Sermeta, qui visait à soutenir l’industrialisation de pièces pour chaudières à gaz, il entrait en contradiction avec les objectifs de planification écologique du Gouvernement.

Enfin, pour le projet de l’entreprise Hemarina, l’Agence de l’innovation en santé (AIS) n’a pas considéré les essais cliniques suffisamment probants.

Monsieur le sénateur, comme vous l’avez indiqué, le territoire disposait d’une enveloppe de crédit de 1,5 million d’euros. Sachez que le reliquat, qui s’élève donc à plus de 1 million d’euros, reste affecté au territoire de Morlaix Communauté. Les services de l’État et Bpifrance vont donc poursuivre l’identification de nouveaux projets industriels aux côtés de la communauté d’agglomération.

défense de nos industries stratégiques

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 174, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, dans le Sud Grenoblois, tout un écosystème industriel pourrait disparaître si l’usine Vencorex n’était pas reprise. Fragilisée par la concurrence chinoise et placée en redressement judiciaire, cette entreprise est au cœur de la chimie locale.

Avec sa voisine Arkema, dont l’État est actionnaire, elle produit du chlore, de l’eau oxygénée, des tolonates – des composants pour peintures et vernis – et du perchlorate, un élément du carburant de la fusée Ariane. Avec le chlore, Framatome produit notamment des éponges de zirconium pour le gainage des réacteurs nucléaires. La fermeture de Vencorex aurait donc des conséquences en cascade catastrophiques.

Toujours en Isère, le fabricant de panneaux solaires Photowatt, essentiel pour la transition énergétique, est en train de mourir du dumping étranger, notamment chinois, comme GE Hydro voilà quelques années. En Savoie, une usine Ferroglobe produisant du silicium a fermé en 2022 et le site de Niche Fused Alumina (NFA), qui produit de l’alumine et du corindon blanc, indispensables à des usages de pointe, a failli être liquidé.

À chaque fois, les plans sociaux s’enchaînent et un riche savoir-faire s’éteint. Depuis la pandémie, qui nous a rappelé combien la dépendance à l’égard de pays étrangers posait problème, le Gouvernement ne cesse de parler de souveraineté industrielle, mais les actes ne suivent pas. Face à la mondialisation débridée, l’État reste trop souvent attentiste.

Salariés et élus locaux ne cessent pourtant de vous interpeller, ainsi que le Premier ministre, sur les conséquences de ces fermetures pour l’emploi, pour la balance commerciale et pour notre souveraineté.

Quels moyens l’État se donne-t-il pour faire pression sur les grands groupes, dont il est parfois actionnaire ? Seriez-vous prêts, notamment, à nationaliser temporairement Vencorex, comme cela a été fait avec succès pour les Chantiers de l’Atlantique ? Plus largement et à moyen terme, comment comptez-vous agir à l’échelon européen pour mettre fin à cette hémorragie ? Cela passe, selon nous, par un véritable protectionnisme, avec des droits de douane, des quotas et des critères sociaux et environnementaux.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, chargée de la consommation. Monsieur le président Gontard, vous interrogez le Gouvernement sur l’accompagnement des entreprises industrielles fragiles et, de manière plus générale, sur notre action en matière de défense de nos industries stratégiques.

Concernant tout d’abord l’accompagnement des entreprises fragiles, avec mes collègues Antoine Armand et Marc Ferracci, nous sommes aux côtés des salariés, de leurs représentants et des élus locaux pour, dans chacune des situations, mettre toutes les parties prenantes autour de la table et encourager les efforts de chacun pour être en mesure de sauver une usine, du savoir-faire, un site, des emplois.

Dans le cas de NFA, que vous avez évoqué plus précisément, notre travail collectif a porté ses fruits, puisque 119 emplois ont été sauvés à La Bathie, en Savoie, alors que l’entreprise était en redressement judiciaire.

Vous avez cité également l’usine Vencorex au Pont-de-Claix, en Isère. Cette entreprise du secteur de la chimie est actuellement en redressement judiciaire. Marc Ferracci et ses équipes sont en lien permanent avec les organisations syndicales, la direction et les élus. Le ministre porte une attention particulière au devenir des salariés et, plus largement, à la pérennité de la plateforme du Pont-de-Claix, aussi bien pour des enjeux environnementaux que de sécurité.

Au-delà de ces cas particuliers, notre action vise à défendre des mesures structurelles pour nos industries stratégiques. Nous sommes bien conscients, monsieur le président Gontard, des fragilités de certaines filières, mais nous continuerons à nous battre pour les protéger. Vous avez d’ailleurs évoqué l’échelon européen, qui est primordial à cet égard. Je pense au Clean Industrial Deal, qui doit nous permettre de mieux protéger notre filière de l’acier.

Enfin, nous agissons également pour le secteur de l’automobile, avec l’instauration de droits de douane allant de 30 % à 50 % sur les véhicules électriques importés de Chine.

Le Gouvernement, vous l’avez compris, sera à vos côtés et ceux des élus pour défendre l’industrie et notre souveraineté industrielle.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces éléments de réponse.

Sur Vencorex, j’y insiste, il y a urgence à intervenir. Plus de 500 emplois, voire bien plus, sont en jeu. Deux sites chimiques sur dix-huit sont concernés : avec la fermeture du site du Pont-de-Claix, puis de celui de Jarrie, c’est l’ensemble de la chimie française qui risque de s’effondrer.

Vous dites que M. le ministre Marc Ferracci suit cela de près. Nous avons effectivement eu quelques réunions, mais nous aimerions aussi qu’il puisse se rendre sur place. J’invite également le Premier ministre à venir rapidement dans notre région parce que ce qui se joue, au-delà de la fermeture d’une entreprise, c’est la survie d’un écosystème, avec des implications très importantes, notamment sur notre souveraineté.

traitement des déchets de l’amiante

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 019, transmise à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par le nombre de ses victimes – 100 000 à l’horizon 2025 –, l’amiante constitue un scandale sanitaire historique qui n’a pas fini de faire parler de lui.

Devant nous est ouvert l’immense chantier du désamiantage et du traitement des déchets, véritable enjeu de santé publique et de sécurité sanitaire compte tenu de la dangerosité de ce matériau. Le volume de ces déchets est estimé entre 300 000 et 600 000 tonnes par an. La fourchette est large faute de chiffrage précis, mais il faut savoir que 97 % de ces déchets sont enfouis dans le sol.

Quelques solutions alternatives sont en cours de développement ou existent déjà, notamment l’inertage par vitrification, qui détruit totalement l’amiante.

Dès 2014, un rapport sénatorial préconisait la mise en place d’une structure interministérielle chargée d’une coordination publique. Allant plus loin dans le même esprit, des associations de victimes proposaient la création d’un pôle public d’éradication de l’amiante regroupant acteurs publics et privés de la filière du désamiantage.

La feuille de route pour le traitement des déchets d’amiante, censée éviter leur stockage et qui avait été inscrite dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, était attendue pour 2023. Elle n’a toujours pas été rendue publique et il semble qu’aucun projet ne soit en cours pour imaginer, tester et développer au niveau adéquat des méthodes alternatives à l’enfouissement.

J’ajoute que cette inaction, couplée aux coûts importants demandés par les entreprises spécialisées pour démonter et évacuer les déchets, conduit à des comportements inadaptés et dangereux, avec notamment des dépôts sauvages dans l’espace public de déchets hautement toxiques.

Ma question est donc double, madame la secrétaire d’État : quelles suites comptez-vous donner aux différentes préconisations émises depuis dix ans en matière de recyclage des déchets d’amiante ? Pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement, si elles existent, quant à la constitution d’une véritable filière de repérage, de détection et d’éradication de l’amiante ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Gréaume, vous interrogez le Gouvernement sur la gestion des déchets amiantés, qui sont dangereux et dont les modalités de transport, de traçabilité et de traitement sont particulièrement encadrées au niveau tant français qu’européen.

Pour en améliorer la collecte, la loi antigaspillage de 2020 est venue renforcer les moyens d’action du maire et les sanctions contre les responsables de dépôts sauvages de déchets. Cette loi a également conduit à la mise en place, en 2023, de la filière à responsabilité élargie des producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (REP PMCB), afin de faciliter, notamment, la prise en charge des déchets amiantés issus de ces activités.

La solution aujourd’hui privilégiée à l’échelon européen reste l’enfouissement. En effet, cette technique, bien que ne permettant pas de détruire les fibres d’amiante, constitue un moyen sûr de traiter ces substances en permettant d’éviter leur dispersion dans l’environnement.

Pour autant, madame la sénatrice, les solutions alternatives à l’enfouissement font l’objet d’une attention particulière en France. L’inertage par vitrification, que vous avez évoqué, reste d’une capacité très limitée, avec des coûts associés bien supérieurs au stockage.

Fin 2021, les travaux de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) et du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) ont permis d’identifier en France quatre projets de procédés thermochimiques alternatifs. L’efficacité de ces procédés doit maintenant être confirmée. Ainsi, l’État encadre actuellement, avec l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), une étude visant à s’assurer de leur viabilité technique. Des expérimentations sont en cours sur notre territoire.

Des travaux sont également en cours au niveau européen, sous l’égide de la Commission, sur les différentes technologies de traitement des déchets amiantés.

Vous le voyez, le Gouvernement est résolument engagé pour que ces déchets soient pris en charge dans les meilleures conditions, le cas échéant grâce à des solutions innovantes de nature à réduire le recours à la mise en décharge.

cop29 à bakou

M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 129, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.

Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le président, madame la ministre, la 29e conférence des Nations unies sur le changement climatique se tiendra à Bakou du 11 au 22 novembre 2024.

En 2009, les pays les plus riches ont accepté de mobiliser collectivement 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement afin de les aider à s’adapter au changement climatique. Un nouvel objectif de financement devrait être formalisé lors de la COP29. C’est dire l’importance de ce rendez-vous.

Mais pourquoi à Bakou, en Azerbaïdjan, un pays qui vit des hydrocarbures, notamment russes, un État autoritaire qui présente un bilan désastreux en matière de droits de l’homme et qui réprime toutes celles et tous ceux qui expriment des opinions dissidentes ? De nombreuses arrestations, de journalistes notamment, ont ainsi eu lieu lors de manifestations pour la défense de l’environnement. On vient même d’assassiner un opposant notoire au régime, réfugié sur le territoire français.

Qui plus est, cet État mène des opérations hostiles contre la France en Nouvelle-Calédonie, en nous traitant de colonisateurs. L’Azerbaïdjan n’est pas une grande puissance militaire, mais c’est une puissance d’influence malveillante qui ne se prive pas d’attaquer fortement la France.

Enfin, ce pays veut remettre en cause l’intégrité territoriale de l’Arménie et pratique le nettoyage ethnique sur 100 000 Arméniens dans le Haut-Karabagh. Les plus hauts responsables de l’État, le président Aliyev en tête, continuent aujourd’hui encore à tenir des propos belliqueux et parlent d’une guerre prochaine.

La COP29 à Bakou sera vraiment la COP de la honte !

Une quarantaine de ministres y participeront. Notre ministre de la transition écologique y sera. Pour autant, madame la ministre, la France a-t-elle fait entendre fortement sa voix pour dénoncer le lieu où va se tenir ce très grand rendez-vous sur le plan écologique ? Transmettra-t-elle à cette occasion un message fort à l’encontre de ce régime qui porte atteinte aux droits de l’homme et qui met en cause la liberté dans l’ensemble de la région ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Carlotti, fin 2023, les Nations unies ont choisi l’Azerbaïdjan pour présider la COP29 en fonction de leurs propres règles et en suivant le principe de rotation géographique. L’Azerbaïdjan a été choisi par consensus par le groupe Europe de l’Est, l’un des cinq groupes géographiques de l’ONU.

La France, fidèle à son engagement climatique et à l’héritage de l’accord de Paris de décembre 2015, reste pleinement engagée dans les négociations climatiques. C’est pourquoi la ministre Agnès Pannier-Runacher se rendra à Bakou pour la COP29.

Les enjeux de cette COP sont importants.

Il s’agit de trouver un accord sur le nouvel objectif collectif quantifié sur la finance climat mondiale, qui doit succéder à l’objectif de 100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025.

Il s’agira aussi d’étudier l’article 6 sur les marchés carbone afin de définir un cadre international sur ce sujet.

Il faudra, enfin, travailler à l’atténuation, notamment pour définir le cadre des futures contributions nationales que chaque pays doit présenter d’ici au mois de février 2025 pour actualiser son programme de baisse d’émissions et respecter la trajectoire de 1,5 degré.

Pour autant, madame la sénatrice, les droits de l’homme sont toujours au cœur de notre diplomatie, conduite par mon collègue Jean-Noël Barrot sous l’autorité du Président de la République. Nous serons donc très vigilants sur la participation de la société civile et sur le respect de ses droits lors de cette COP29. Nous avons d’ailleurs déjà fait passer des messages dans ce sens à la présidence de l’Azerbaïdjan, qui est tenue de respecter les règles des Nations unies à cet égard.

surveillance sanitaire de l’acide trifluoroacétique

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, auteure de la question n° 124, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, madame la ministre, l’eau que nous buvons est massivement contaminée par un polluant éternel, l’acide trifluoroacétique, autrement nommé TFA. Cette contamination a été révélée cet été par plusieurs rapports du Réseau européen d’action sur les pesticides et de l’association Générations Futures. Selon ces travaux, 100 % des eaux de surface et souterraines testées sont contaminées. Pire, 94 % des eaux du robinet sont, elles aussi, contaminées.

La concentration de TFA dans l’eau du robinet dépasse bien souvent la limite européenne de substances perfluoroalkylées et de polyfluoroalkylées (PFAS), fixée à 500 nanogrammes par litre, avec une moyenne de 740 nanogrammes de TFA par litre.

À Paris, la contamination explose, avec une moyenne de 2 100 nanogrammes par litre. Il n’y a là rien de surprenant quand on sait que les zones de captage de l’eau potable ne sont protégées ni de l’épandage de pesticides, probablement responsable de la présence de TFA, ni des forages pétroliers, responsables de la pollution aux hydrocarbures de l’eau, comme à Nonville, en Seine-et-Marne, où Eau de Paris et la Ville de Paris ont attaqué en justice deux projets de forage.

Malgré la volonté d’agir de plusieurs villes, à l’instar de Paris, rien n’est possible sans une aide systémique de l’État en matière de mesures et de prévention. Il faudrait de surcroît obliger les industries polluantes à participer à cet effort.

Le plus alarmant reste évidemment l’absence de surveillance toxicologique de ces composés chimiques, et ce malgré les alertes des scientifiques. En effet, la classification du TFA comme métabolite non pertinent par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) place le TFA en dehors de tout cadre réglementaire contraignant. Pourquoi cela, madame la ministre, alors que l’Allemagne a récemment demandé de classer le TFA comme substance reprotoxique ?

Nous devons faire preuve d’autant plus de précautions que le caractère éternel de ce polluant a pour conséquence une accumulation inéluctable dans l’eau tant que les sources de ce métabolite sont utilisées et répandues dans l’environnement. Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement va-t-il se saisir de la question de la pollution au TFA ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, chargée de la consommation. Madame la sénatrice Souyris, dès novembre 2022, le Gouvernement a saisi l’Anses au sujet des PFAS afin de déterminer des valeurs toxicologiques de référence et de faire le bilan de la contamination des milieux, notamment l’eau, par ces composés.

Les éléments de l’Anses font partie intégrante du plan d’action interministériel sur les PFAS publié en avril 2024. Ce plan s’attache, dans un objectif de prévention, à réduire les émissions de PFAS, la contamination des milieux, ainsi que l’exposition des populations et des écosystèmes.

Concernant plus spécifiquement le TFA, sachez que la présence de cette substance est mesurée dans les eaux dans le cadre de la campagne nationale exploratoire mise en œuvre par le laboratoire d’hydrologie de Nancy sur la période 2024-2026. La Commission européenne a demandé à l’Allemagne de soumettre un dossier de classification pour le TFA à l’Agence européenne des produits chimiques en mars 2024. L’issue de ces travaux sur les dangers de ce métabolite permettra d’éclairer la question.

En juillet 2024, la Commission européenne a saisi l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour qu’elle fixe les valeurs toxicologiques de référence pour le TFA. Les conclusions de ces travaux sont attendues pour fin octobre 2025. Elles contribueront à déterminer les valeurs de gestion dans les différents milieux, dont les eaux, fondées sur des données scientifiques validées par la communauté internationale. Dans l’attente de ces résultats, madame la sénatrice, il n’apparaît pas opportun de solliciter de nouvelles expertises.

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour la réplique.

Mme Anne Souyris. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces explications. Néanmoins, je vous rappelle l’existence du principe de précaution. Étant donné que l’Allemagne a déjà classé le TFA comme substance reprotoxique, pourquoi la France ne l’imiterait-elle pas en attendant les résultats de ces études ?

hausse des contributions dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs dans le secteur du bâtiment et avenir de la filière bois

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, auteur de la question n° 176, transmise à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.

M. Simon Uzenat. Je souhaite interroger le Gouvernement sur la hausse prévue des contributions dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (REP PMCB).

Ce dispositif est issu de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, qui avait pour ambition, notamment, « de favoriser les produits les meilleurs pour l’environnement et de permettre de réduire le prix des produits vertueux ». Or nous constatons que les textes réglementaires d’application qui se sont succédé depuis 2020 produisent des effets inverses et pénalisent dangereusement les produits qui stockent du carbone – je pense en particulier au bois –, à l’encontre même des objectifs de décarbonation pourtant reconnus encore récemment comme prioritaires, et notamment dans le bâtiment, avec la réglementation environnementale (RE) 2020.

Selon les estimations de la Fédération nationale du bois, l’écocontribution telle qu’elle est initialement prévue pour 2025, doit augmenter de 50 % et pourrait donc pénaliser la filière bois, avec un montant fixé à 15 euros la tonne commercialisée contre 1 à 2 euros la tonne de béton ou d’acier. Il y a d’autres exemples, comme le bardage bois, qui serait facturé 11,60 euros la tonne contre 1,26 euro pour un bardage fibrociment.

Un arrêté du 20 février 2024 a certes modifié le cahier des charges des éco-organismes de la REP PMCB, mais de vives inquiétudes demeurent au regard des très importantes distorsions de concurrence que pourraient induire ces décisions qui ne reconnaissent pas suffisamment les propriétés écologiques du bois.

Plusieurs éco-organismes ont même décidé de geler les hausses prévues de cette contribution financière que versent les entreprises. La filière pourrait en effet se retrouver grandement fragilisée si rien n’est fait pour corriger ces contradictions.

Des discussions sont en cours, mais je voudrais savoir comment le Gouvernement entend garantir la cohérence entre les ambitions affichées en matière de décarbonation et l’équité économique et écologique de la mise à contribution des entreprises.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Laurence Garnier, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de lindustrie, chargée de la consommation. Monsieur le sénateur Uzenat, vous attirez mon attention sur la mise en œuvre de la filière à responsabilité élargie des producteurs des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, la REP PMCB, et plus particulièrement sur les conséquences de celle-ci sur les professionnels du bois.

La mise en place de cette filière, vous le savez, était très attendue par de nombreuses parties prenantes, notamment les collectivités locales, qui supportent aujourd’hui une partie des coûts de gestion des déchets du bâtiment et font face au phénomène des dépôts sauvages.

En ce qui concerne le cas particulier du bois, le Gouvernement est attentif à la situation économique de ce secteur. Ainsi, plusieurs mesures ont d’ores et déjà été prises pour permettre de diminuer l’enveloppe globale des coûts supportés pour le bois.

Des arrêtés ont ainsi été récemment publiés pour contraindre les éco-organismes à faire évoluer la structure du barème d’écocontribution bois, afin qu’elle soit différenciée entre les produits en bois frais, d’une part, et les produits bois secs et rabotés, majoritairement importés, d’autre part, ce qui constitue une première avancée face au risque de distorsion de concurrence que vous évoquez.

Il est également imposé aux éco-organismes de prévoir un abattement de contribution pour les produits générant des déchets parmi les mieux valorisés, ce qui va également favoriser le bois. Le gain pour la filière est estimé à près de 45 millions d’euros.

Par ailleurs, un projet de décret est en cours de validation, qui permettra de mutualiser les obligations de reprise sans frais des distributeurs de produits et de matériaux de construction entre sites proches. Cela devrait permettre un gain pour l’ensemble de la filière REP d’au moins 180 millions d’euros.

Enfin, les éco-organismes ont commencé à mettre en place des primes pour les produits intégrant des matériaux issus de ressources renouvelables gérées durablement et ont été incités à amplifier ces primes, ce qui devrait également profiter à la filière bois.

gendarmeries : loyers impayés par l’état

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 091, transmise à M. le ministre de l’intérieur.

Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, les impayés de l’État envers les collectivités pour les loyers des casernes de gendarmerie devraient, semble-t-il, être régularisés d’ici à la fin de l’année, mais cela ne saurait suffire.

Nous craignons en effet que les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2025 ne soient pas à la hauteur des besoins, ce qui ferait courir le risque d’un renouvellement de cette situation. Il s’agit donc, non pas de simples retards de paiement, mais d’un problème budgétaire.

Un rapport du Sénat a déjà montré que l’enveloppe allouée aux travaux nécessaires pour les casernes était systématiquement inférieure de 50 % aux besoins d’investissement. Les collectivités, mais aussi les bailleurs, qui construisent pour rendre service à l’État en lui permettant d’assurer ses opérations, ne peuvent pas être, comme on dit chez moi, « à retour ».

Or, pour prendre un seul exemple, la commune de Terres-de-Caux, en Seine-Maritime, m’a signalé que les loyers versés n’étaient pas ajustés en fonction de l’évolution des taux d’intérêt des emprunts contractés pour financer la construction du casernement. Le déséquilibre financier s’élèverait ainsi à 35 000 euros pour l’exercice 2024.

Loin des déclarations laissant entendre que les collectivités contribueraient au déficit du pays, on voit bien au contraire qu’elles investissent et qu’elles contractent des emprunts pour garantir les services publics à la population, notamment en construisant et en entretenant ces bâtiments pour le compte de l’État.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les collectivités ne seront pas pénalisées dans cet engagement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Brulin, dans un contexte marqué par un engagement exceptionnel et partiellement imprévu de nos forces de sécurité intérieure, en Nouvelle-Calédonie notamment, des ouvertures de crédits supplémentaires sont sollicitées pour le programme 152 dans le cadre d’un projet de loi de finances de fin de gestion.

Dans l’attente, la tension qui pèse sur la trésorerie de la gendarmerie a conduit à donner la priorité au financement des activités opérationnelles, pour permettre la poursuite de l’engagement des unités de gendarmerie au service de la sécurisation du territoire national.

Aussi, outre le report de certains investissements, la mise en paiement de certains loyers a été retardée. La mesure porte sur le report des seuls loyers de septembre, octobre et novembre souscrits auprès de bailleurs institutionnels métropolitains, collectivités ou sociétés anonymes.

Les baux faisant l’objet d’un report de paiement représentent un montant total de 90 millions d’euros.

Les bailleurs les plus fragiles, notamment les particuliers, ne sont pas concernés, de même que l’ensemble des bailleurs des outre-mer.

Par ailleurs, pour permettre aux bailleurs concernés de signaler les difficultés particulières auxquelles cette mesure pourrait les exposer, une procédure de recensement des baux devant faire l’objet d’une mesure d’exception a été mise en place par le ministre de l’intérieur, en lien avec les directions départementales des finances publiques.

Dans tous les cas, le ministère de l’intérieur s’engage à procéder au règlement des loyers et des intérêts moratoires associés courant décembre, dès lors que les crédits supplémentaires sollicités auront été débloqués.

De manière plus globale, le ministre de l’intérieur souhaite conduire une réflexion de fond sur le devenir du modèle immobilier de la gendarmerie. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit notamment de reprendre l’entretien du parc domanial.

Je m’associe enfin à vos propos : en tant qu’élu local, je sais bien qu’en France les collectivités contribuent à l’investissement et non au déficit.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je tiens à rappeler que seules 649 casernes sur plus de 3 700 en France sont la propriété de l’État, ce qui montre bien le réel engagement des collectivités pour permettre à ce dernier de s’éloigner des règles du marché. On ne peut pas imaginer qu’elles soient pénalisées pour cet effort. Nous serons donc extrêmement vigilants lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

lutte contre les infractions et atteintes faites aux élus

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 022, adressée à M. le ministre de l’intérieur.

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, en Moselle, de nombreux maires, excédés par la multiplication des incidents contre lesquels ils s’épuisent à combattre, de plus en plus souvent au péril de leur intégrité physique, viennent de signer, avec le préfet du département, un protocole relatif au traitement des infractions et atteintes faites aux élus dans le ressort de la cour d’appel de Metz.

Ce texte, qui vise à améliorer la lutte contre les violences et autres atteintes faites aux maires, à leurs adjoints et aux élus en général, pour que force reste à la loi, réunit la Fédération des maires de Moselle, l’Association des maires ruraux de la Moselle, des procureurs de la République du ressort, le département de la Moselle et le commandement de la direction interdépartementale de la police nationale et du groupement de gendarmerie départementale. Il associe ainsi tous les échelons institutionnels directement concernés par cette problématique.

Aussi, pour que cette union des forces soit couronnée de succès, il conviendrait d’en faire la promotion via une campagne dans les médias qui viendrait affirmer et appuyer la volonté intraitable de l’État de mettre un terme à des comportements et des actes inadmissibles dans nos sociétés, où le vivre ensemble implique le respect de la loi et de ses représentants. Il faudrait le faire à très court terme, car il y a véritablement urgence ! Cela vous semble-t-il envisageable, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Mizzon, les violences inacceptables dont sont trop souvent victimes les élus, quelle que soit la fonction qu’ils exercent, provoquent, chaque fois avec la même force, l’indignation et la colère de chacun d’entre nous. Mais vous avez raison, monsieur le sénateur : il faut surtout agir !

L’arsenal juridique existe ; le Sénat a contribué à le muscler en prenant l’initiative du texte devenu la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Il faut l’utiliser pleinement !

Pour ce qui concerne le ministère de l’intérieur, la vigilance et la mobilisation sont au rendez-vous.

Comme vous le savez, un Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calaé) a été créé en mai 2023 et un certain nombre de dispositifs opérationnels ont été mis en œuvre, notamment un service d’aide téléphonique dédié aux élus, une dotation en boutons d’appel d’urgence, à titre expérimental – j’en ai personnellement bénéficié pendant un certain temps –, ou encore une dotation en caméras.

Par ailleurs, la police nationale met des chargés de mission à disposition des associations d’élus. La gendarmerie, pour sa part, conduit des opérations « Présent pour les élus ».

La prévention est un autre axe majeur de ce travail, avec l’enregistrement des coordonnées des élus, pour une meilleure réactivité en cas d’appel d’urgence au 17, le renforcement de la surveillance des permanences, ou encore une formation à la gestion des comportements agressifs. Des mesures spécifiques d’accompagnement aux élus victimes d’infractions ont aussi été mises en place : facilitation du dépôt de plainte, information immédiate des autorités judiciaires, ou encore création d’un réseau de plus de 3 000 référents.

Collectivement, nous ne devons laisser passer aucune de ces dérives honteuses.

Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir évoqué l’exemple très concret du protocole extrêmement utile qui a été signé à Metz. Vous pouvez compter sur le soutien et sur la détermination du Gouvernement. Nous serons intraitables !

Je saisis cette occasion pour saluer le travail remarquable qu’accomplissent quotidiennement nos élus locaux. Je vous invite volontiers, en coordination avec les associations d’élus – l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France – à faire la promotion de ce protocole : ce sera tout à fait judicieux pour diffuser cette bonne pratique à l’échelle nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.

M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, si j’évoque cette question, c’est bien pour mieux faire connaître les dispositions que vous venez de rappeler, dont beaucoup ont été votées par le Sénat. Pour qu’elles aient du succès, encore faut-il qu’elles soient mieux connues des administrés et en particulier de ceux qui sont animés de mauvaises intentions !

Depuis des années, nous ne faisons souvent que répondre, réagir, riposter. Nous ne passons pas assez souvent à l’offensive de manière spontanée. Or cela s’impose si l’on veut que, en 2026, notre pays connaisse une pluralité de candidats aux élections municipales, ce qui serait important pour la démocratie locale, sans laquelle il n’y a pas de démocratie du tout !

situation de la médecine scolaire

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, auteure de la question n° 082, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Mme Laure Darcos. Deux rapports récents, le premier publié conjointement par l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et celle de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), le second rédigé par Robin Reda, alors député, ont dressé un constat inquiétant sur la médecine scolaire et la santé à l’école.

Ce constat doit nous inciter à réagir rapidement. La santé psychologique de nos jeunes, vous le savez, ne cesse de se dégrader, au point que la santé mentale a été érigée en grande cause nationale en 2025.

Les médecins titulaires et contractuels en activité sont trop peu nombreux. La démographie médicale a fortement décru entre 2017 et 2021, et les départs à la retraite vont s’accélérer dans les deux prochaines années. Dans le département de l’Essonne, la situation n’est guère reluisante, avec un peu moins de 14 postes en équivalent temps plein (ETP) pourvus sur 36, alors que le nombre d’élèves à prendre en charge ne cesse d’augmenter !

Plusieurs enjeux doivent être considérés.

Comment garder les médecins titulaires à leur poste ? Il est urgent, selon moi, de réévaluer leur grille indiciaire et de redéfinir rapidement des missions et des objectifs de santé qui ont du sens et qui sont réalisables.

Comment attirer de nouveaux médecins contractuels ? Un salaire attractif est indispensable ; il doit être cohérent avec celui des médecins titulaires en début de carrière.

Comment revaloriser un métier que les médecins scolaires exercent dans des conditions matérielles de plus en plus précaires, sans locaux, sans moyens pour les dépistages, sans accès partagé aux données de santé, sans véhicule pour les déplacements, sans assistante médicale ?

Comment assurer une meilleure coordination avec les autres professionnels de santé, au plus près des usagers ?

Comment, enfin, mieux associer les médecins scolaires au processus de décision des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans le cadre de la scolarisation inclusive ?

Dans ce contexte bien sombre, il est urgent d’agir.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est la suivante : quelles initiatives fortes entendez-vous prendre dans les prochaines semaines pour revaloriser la médecine scolaire et répondre aux besoins de santé grandissants des élèves ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de léducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de lenseignement professionnel. Madame la sénatrice Darcos, les constats des inspecteurs généraux que vous citez rejoignent ceux que le ministère de l’éducation nationale dresse également.

La médecine scolaire connaît de réelles difficultés, qui se traduisent par deux constats : d’une part, la moitié des postes de médecins scolaires n’est actuellement pas pourvue ; d’autre part, les missions et dossiers confiés à la médecine scolaire se multiplient, des demandes d’instruction en famille aux aménagements d’examen.

Comme vous le savez, afin de renforcer l’attractivité du métier d’infirmière scolaire, le ministère a revalorisé leur rémunération, en mai dernier, à hauteur de 200 euros net par mois.

Par ailleurs, pour répondre aux difficultés que vous avez très justement soulevées, je vous informe que Mme la ministre Anne Genetet et moi-même souhaitons relancer les concertations, qui sont très attendues, et réunir prochainement tous les professionnels qui œuvrent pour la santé de nos élèves.

Il conviendra à cette occasion d’analyser la situation de façon objective et d’examiner les pistes d’amélioration en matière d’organisation de la santé scolaire et de missions des personnels mobilisés ; vous avez évoqué plusieurs d’entre elles.

Nous nous appuierons sur les préconisations du rapport des inspections générales, qui doivent permettre de dessiner les contours d’une santé scolaire renouvelée, mais les parlementaires seront bien sûr associés à cette réflexion.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Je vous remercie de ces nouvelles : vous allez pouvoir travailler sur ces questions.

L’efficacité de la politique de santé scolaire passe aussi par l’amélioration de l’offre de soins, indispensable pour assurer le relais des diagnostics des médecins scolaires. Je compte sur vous pour mener à bien une réflexion interministérielle sur ce sujet très important, conformément à ce que vous venez d’annoncer.

enseignants non remplacés dans le secondaire

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 137, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale.

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, j’ai été interpellé le 7 octobre dernier par le maire de Sausset-les-Pins au sujet de l’absentéisme grandissant des professeurs du collège Pierre-Matraja, notamment dans des matières fondamentales comme le français ou les mathématiques.

Plus précisément, au cours de l’année scolaire 2023-2024, plus de 1 500 heures d’enseignement n’ont pas été remplacées dans cet établissement, ce qui représente une perte de 30 % du temps d’apprentissage pour certaines classes. De nombreux élèves subissent ces absences pour la troisième année consécutive ; les lacunes que cela occasionne – dans des manières fondamentales, je le redis – auront incontestablement un impact sur la suite de leur scolarité.

Je ne remets nullement en cause les causes pleinement légitimes de l’absentéisme de ces enseignants, et nous sommes tous conscients des difficultés de recrutement que connaît, hélas ! le secteur éducatif ; cette crise des vocations a des effets considérables sur le fonctionnement de nos collèges. Cependant, force est de constater qu’aucun changement profond ne se fait jour, malgré l’action que les gouvernements précédents étaient censés mener, depuis sept ans, pour remédier à cette situation.

Dès lors, ma question est la suivante : quelles solutions pérennes peut-on mettre en œuvre pour lutter contre l’absentéisme des professeurs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de léducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de lenseignement professionnel. Monsieur le sénateur Le Rudulier, je vous remercie de votre question, qui me donne l’occasion d’affirmer que le remplacement des enseignants absents est une priorité du Gouvernement, car il s’agit d’une attente des familles, envers lesquelles nous avons une obligation de résultat ; nous devons donc y consacrer des moyens qui soient à la hauteur des enjeux.

Vous le savez comme moi, la réussite scolaire, qui figure dans l’intitulé de mon portefeuille, est impossible à atteindre lorsqu’il n’y a pas d’enseignant dans la classe. C’est la base de notre mission, et nous devons évidemment tout faire pour éviter ces situations qui ont un coût quotidien pour les élèves.

On ne résoudra pas ce problème par un coup de baguette magique ; plusieurs réponses doivent être mobilisées.

La première réponse est d’abord organisationnelle, de manière à réduire drastiquement les besoins de remplacement. La moitié des 15 millions d’heures perdues chaque année dans le second degré découle de contraintes institutionnelles. Depuis la rentrée 2024, notre objectif est de positionner 100 % des formations et des réunions en dehors du temps scolaire. Cela peut sembler une évidence, mais ce n’a pas toujours été le cas. Il faut désormais une règle claire pour mettre fin à ces absences évitables.

La seconde réponse passe par une meilleure efficacité des remplacements de courte durée, c’est-à-dire de ceux de moins de quinze jours.

Cela fait partie des missions prioritaires du pacte enseignant. Les résultats sont déjà visibles : pour l’année scolaire 2023-2024, à l’échelle nationale, nous avons multiplié par trois le taux d’efficacité du remplacement de courte durée. Ce sont 2 millions d’heures qui ont ainsi été assurées : c’est loin d’être neutre ! Dans le projet de loi de finances pour 2025, nous prévoyons d’amplifier cette dynamique en doublant les moyens dédiés à ces missions.

S’agissant des absences de plus de quinze jours, qui sont hautement pénalisantes, le taux de remplacement s’élève à près de 95 %. C’est déjà bien, mais je suis conscient de la situation dans laquelle se trouvent les élèves pâtissant des 5 % manquants, ainsi que leurs familles. C’est pourquoi le ministère travaille, en lien étroit avec les rectorats, à l’optimisation de notre potentiel de remplacement, afin de garantir la continuité des enseignements partout sur le territoire. Il reste des secteurs où les remplacements sont plus difficiles à assurer qu’ailleurs.

Concernant la situation du collège Pierre-Matraja de Sausset-les-Pins, sur laquelle vous m’interrogez plus spécifiquement, je confirme que cet établissement a connu des besoins de remplacement récurrents au cours de l’année scolaire 2023-2024, en particulier en lettres modernes. Cet établissement fait l’objet d’un suivi régulier de la part des services du rectorat de l’académie d’Aix-Marseille, en lien avec la cheffe d’établissement, et que la priorité est donnée à ce collège dans les recrutements de contractuels en cours. Nous continuerons d’y veiller avec attention.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, il y a vraiment urgence. Je comprends votre stratégie, mais la justice administrative a déjà constaté l’échec de l’État, son impuissance en la matière, en le condamnant même à réparer le préjudice causé à certains enfants ayant connu une rupture de scolarité. Nous comptons sur vous !

nombre de mineurs non scolarisés à mayotte

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, auteur de la question n° 145, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale.

M. Saïd Omar Oili. Monsieur le ministre, à Mayotte, plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. Le manque d’infrastructures scolaires suffisantes constitue un réel problème pour le suivi scolaire de nos jeunes. Certains d’entre eux se retrouvent sans perspectives d’insertion sur le marché du travail.

En 2020, le rapport du Défenseur des droits intitulé Établir Mayotte dans ses droits indiquait que 52 000 élèves étaient scolarisés dans le premier degré à Mayotte. Au mois de janvier 2024, les représentants de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) de Mayotte m’ont indiqué, à l’occasion d’un entretien, que près de 20 000 enfants sont actuellement non scolarisés à Mayotte.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous m’indiquiez si ces chiffres sont exacts.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Alexandre Portier, ministre délégué auprès de la ministre de léducation nationale, chargé de la réussite scolaire et de lenseignement professionnel. Monsieur le sénateur Omar Oili, Mayotte fait effectivement face à un choc démographique, lié à une forte pression migratoire. Ce choc a actuellement un fort impact sur le premier degré et se répercutera bientôt sur les collèges et les lycées.

À la rentrée 2024, 63 800 élèves sont scolarisés à Mayotte dans le premier degré, soit un millier de plus qu’à la rentrée précédente.

Pour faire face à ces besoins, 1 063 emplois d’enseignants ont été créés dans le premier degré depuis 2018, ce qui a permis d’absorber le flux et même de rattraper le retard. Ainsi, entre 2019 et 2023, le taux de scolarisation à l’âge de 5 ans est passé de 85 % à 95 %, ce qui représente une nette amélioration.

Si les emplois et la solidarité nationale sont au rendez-vous, ce qui manque, vous le savez bien, ce sont d’abord les classes.

Une convention a été signée en 2021 entre l’Agence française de développement (AFD), l’Association des maires de Mayotte, la préfecture et le rectorat pour accompagner les communes dans la construction d’écoles. Dans le même temps, nous renforçons les moyens du centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés (Casnav).

Toutefois, tous les enfants présents sur le territoire ne sont pas connus des services de l’éducation nationale ; je ne peux donc confirmer le chiffre de 20 000 enfants non scolarisés que vous mentionnez. Selon les informations dont je dispose, ce serait entre 6 000 et 10 000 enfants qui seraient non scolarisés à Mayotte, dont la moitié sont âgés de 3 ans.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous mettons tout en œuvre, avec les services de l’État à Mayotte, en particulier ceux de l’éducation nationale, pour y assurer la scolarisation de tous les enfants. Cela reste une priorité absolue pour moi-même et l’ensemble du Gouvernement : il faut qu’à Mayotte comme partout ailleurs sur le territoire de la République, tous les enfants qui doivent être scolarisés puissent l’être.

M. le président. La parole est à M. Saïd Omar Oili, pour la réplique.

M. Saïd Omar Oili. Je vous remercie de ces réponses, monsieur le ministre. Cependant, à l’occasion d’une réunion de concertation qui s’est tenue la semaine dernière, le rectorat m’a indiqué que 60 % des enfants de 3 ans n’étaient pas scolarisés à Mayotte : on ne parvient donc à scolariser que 40 % de cette classe d’âge, et on a un bataillon entier d’enfants prêts à tomber dans la délinquance !

Sans éducation à Mayotte, on pourra mettre tous les moyens que l’on veut, on aura toujours des délinquants…

Par ailleurs, les services du ministère de l’éducation nationale m’ont fait savoir qu’il manquerait aujourd’hui à Mayotte 12 000 classes pour la scolarisation de tous les enfants.

Vous le voyez bien, monsieur le ministre, il y a urgence si l’on veut redonner à Mayotte l’espoir de devenir vivable !

plan « destination france »

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, auteur de la question n° 138, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé de la mer et de la pêche.

M. Henri Cabanel. Madame la ministre, je souhaite vous interpeller au sujet de la situation incompréhensible que subit le plan Destination France.

Destiné à une relance du tourisme, ce plan a été annoncé, à grand renfort de communication, par le gouvernement démissionnaire. La mesure « Ports de plaisance d’avenir » a officialisé un engagement pris par l’État, à hauteur de 20 millions d’euros, au travers d’un dispositif opéré par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Des appels à projets ont été lancés afin de sélectionner les meilleures candidatures et de soutenir des actions structurantes pour les territoires.

Cette mesure, de même que les projets et les lauréats, ont fait l’objet d’annonces et de notifications officielles publiées par le précédent gouvernement.

Or, à partir du 23 septembre 2024, les lauréats ont été informés de l’incertitude concernant les crédits promis, le Cerema s’étant dit incapable de confirmer le versement des subventions demandées ou le calendrier associé, car les crédits ne lui ont pas été délégués. Cette situation suscite beaucoup d’incompréhension et d’inquiétude parmi les acteurs de la filière touristique nautique, qui se retrouvent ainsi soudainement mis en difficulté.

Au-delà du fait que cette situation décrédibilise la parole de l’État, certaines opérations déjà engagées pourraient être remises en cause ou subir un surcoût pour les maîtres d’ouvrage. Pour les ports de plaisance, les subventions annoncées allaient jusqu’à 1 million d’euros par projet.

Je vous demande donc, madame la ministre, si ces engagements de l’État vont être respectés et, si tel est le cas, dans quels délais.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Monsieur le sénateur, cher Henri Cabanel, je vous remercie de votre question, qui porte sur un sujet extrêmement important ; ma réponse tiendra nécessairement compte du contexte budgétaire que nous connaissons.

Le plan que vous évoquez comportait notamment deux mesures, intitulées « Ports de plaisance d’avenir » et « Bases nautiques d’avenir », qui ont donné pour la première fois aux acteurs de la filière nautique l’occasion de construire des projets collectifs et structurants avec le soutien de l’État. Cette démarche a bien fait l’objet d’annonces, de communications et de notifications.

En 2023, vingt projets ont été retenus : onze à partir de l’appel à projets « Ports de plaisance exemplaires », représentant quelque 6 millions d’euros ; neuf à partir de l’appel à projets « Bases nautiques exemplaires », représentant près de 4 millions d’euros. Ces projets englobaient des actions innovantes et durables, favorables au développement des territoires et de notre destination nationale.

Cependant, au regard des contraintes pesant sur le budget de l’État, un effort a été demandé au programme budgétaire 205, « Affaires maritimes », dont mon collègue Fabrice Loher a la responsabilité. Après deux annulations de crédits sur ce programme au cours de l’année 2024, il fait actuellement face à une impasse de 16 millions d’euros en crédits de paiement. C’est pourquoi à partir du 23 septembre 2024, les lauréats ont été informés par le Cerema de cette incertitude concernant les crédits et des difficultés qu’il avait à confirmer le versement des subventions demandées.

Nous sommes tout à fait conscients des difficultés que cette situation génère pour des projets qui ont été engagés. Dans ce contexte, les conventions de financement afférentes aux différents projets n’ont pas encore été contresignées. Toutefois, je vous l’accorde, il est indispensable d’apporter des réponses aux porteurs de projets.

Mon collègue Fabrice Loher les assure de tout son soutien et des efforts engagés en faveur de chacun de ces projets. Des discussions sont en cours pour lever ces difficultés, ce qui permettrait de confirmer tout ou partie des subventions prévues.

Ses services se mobilisent pour trouver des solutions à cette situation, dans un contexte de grandes difficultés budgétaires. On ne saurait parler d’absence d’intérêt de la part du Gouvernement pour ces projets, bien au contraire : ils sont extrêmement intéressants et importants pour toute la filière nautique.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.

M. Henri Cabanel. Madame la ministre, vous avez bien conscience de l’importance de ce dossier. Je sais que vous êtes attachée à la citoyenneté et que vous comprenez les risques que fait encourir la défiance des citoyens vis-à-vis de leurs élus. En l’occurrence, c’est bien le sentiment que ressentent les acteurs économiques, qui ont été appelés en amont, ont coconstruit ces projets et ont aujourd’hui besoin de visibilité.

Il serait vraiment dommage que le Gouvernement n’assume pas les engagements qu’il a pris au cours de ces études. Ces projets ont une très grande importance pour nos territoires ; j’espère donc que M. le ministre Loher parviendra à trouver des solutions.

difficultés dans l’ostréiculture

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, auteur de la question n° 152, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

M. Mickaël Vallet. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés rencontrées par les ostréiculteurs à la suite de l’interdiction administrative de la vente d’huîtres de plusieurs bassins en France, qui a été prononcée voilà déjà deux ans.

Il y a plus d’un an, j’avais adressé au Gouvernement, par le biais d’une question écrite, puis d’une question orale, des interrogations à ce sujet.

La conchyliculture, singulièrement l’ostréiculture, est touchée, durant les périodes hivernales, par des épidémies de norovirus provoquées notamment par divers dysfonctionnements des stations de traitement des eaux. Ainsi, un bassin a été fermé en 2023, mais le préjudice touche l’ensemble de la profession : quand un bassin tousse, tout le monde s’enrhume. Ces vingt-huit jours de fermeture ont entraîné une perte sèche de 5 millions d’euros pour les ostréiculteurs concernés.

La contamination au norovirus n’est pas le fait de la profession ostréicole ; elle est liée à la saturation des réseaux d’eaux usées et d’eaux pluviales, qui entraîne des débordements dans le milieu naturel. Les promesses d’amélioration du contrôle du traitement des eaux usées n’ont pas franchement été suivies d’effet.

Au-delà de ce problème, la méthode même sur laquelle reposent ces interdictions interroge : la détection de génome du norovirus n’informe pas sur la virulence du virus en tant que telle. Lorsque j’avais interrogé le gouvernement de l’époque sur ce sujet, il m’avait été répondu non seulement que la méthode du programme de recherche dit Oxyvir 2 pourrait être utilisée pour mieux cibler les norovirus infectieux et éviter la fermeture injustifiée de sites, mais aussi que l’étude devrait être finalisée d’ici à quelques mois et que la méthode, une fois validée à l’échelon national, pourrait être présentée à la Commission européenne.

Pourtant, aujourd’hui, nous ne voyons rien venir et la filière s’inquiète de l’hiver qui arrive. Madame la ministre, quels éléments pouvez-vous nous apporter à ce sujet ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Monsieur le sénateur Mickaël Vallet, votre question porte sur une filière économique extrêmement importante, l’ostréiculture et la conchyliculture. Dans le département d’Ille-et-Vilaine, il existe même une appellation d’origine protégée (AOP) : Moules de bouchot de la baie du Mont-Saint-Michel.

Ce secteur est pourvoyeur d’emplois. C’est la raison pour laquelle, dès sa prise de fonction, Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche, a tenu à lui affirmer son soutien personnel indéfectible.

De plus, le Gouvernement a multiplié les actions pour répondre à la crise du norovirus de l’hiver 2023-2024. Il a en effet activé des mesures de trésorerie, mais aussi de communication. Ainsi, 500 000 euros ont été mis sur la table dans le cadre du dispositif « communication de crise » pour éviter que les consommateurs ne se détournent de ces produits, d’autant que ces crises surviennent la plupart du temps au moment des périodes de grande consommation, par exemple les fêtes de fin d’année. Il a également débloqué des fonds pour accompagner l’équipement en bassins de purification via le fonds pour la transition écologique.

Si l’amélioration structurelle de la qualité des eaux reste une préoccupation essentielle du Gouvernement, à court terme, l’enjeu est d’identifier la virulence du norovirus.

Les résultats obtenus dans le cadre du projet Oxyvir, financé par le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (Feampa), confirment l’intérêt d’utiliser les bactériophages infectieux comme indicateurs du degré d’infectiosité du norovirus dans les coquillages. À ce stade, ils demeurent toutefois insuffisants pour mettre en place une méthode de détection systématique suffisamment robuste et fiable.

Le projet Copernic, développé par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) et financé dans le cadre du Feampa, vise à obtenir ces données manquantes. Si, à l’issue de ce projet, au mois de décembre 2025 – voilà un calendrier précis –, la méthode se révélait convaincante, cette technique pourrait être reconnue et mobilisée dans l’ensemble du territoire, après évolution de la réglementation européenne.

S’il finance des projets de recherche comme celui que nous évoquons ce matin, le Feampa peut également être mobilisé par les ostréiculteurs pour que ceux-ci s’équipent en bassins de purification permettant de mettre à l’abri tout ou partie de la production, notamment à l’occasion des pics de consommation, essentiels pour cette activité économique.

Le Gouvernement vise, à terme, l’amélioration structurelle de la qualité de l’environnement dans lequel les professionnels travaillent. Il entend à cette fin poursuivre des échanges nourris et fructueux avec les collectivités territoriales, auxquelles incombe la responsabilité de la qualité des eaux.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour la réplique.

M. Mickaël Vallet. Station d’épuration, qualité de l’eau, bassins dans les établissements ostréicoles : on connaît tout cela.

Madame la ministre, je vous remercie d’avoir précisé un calendrier. Je retiens l’échéance du mois de décembre 2025 pour la réalisation d’une deuxième étude dite Copernic. Quoi qu’il en soit, il nous faut obtenir des résultats très concrets, car, si un pays étranger grand consommateur et importateur d’huîtres décidait que la méthode ne lui convient pas, les conséquences seraient très importantes pour la profession.

Je suivrai ce dossier avec attention.

problèmes assurantiels rencontrés par les collectivités territoriales

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, auteure de la question n° 110, adressée à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.

Mme Amel Gacquerre. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les problèmes assurantiels rencontrés par les collectivités territoriales. Nombre d’entre elles connaissent des difficultés pour s’assurer et déplorent une dégradation de leurs relations contractuelles avec les assureurs.

Cette dégradation se traduit par des ruptures unilatérales et brutales de contrats, des hausses de tarifs, des primes et des franchises, voire l’absence de réponse des assureurs aux appels d’offres publiés par les collectivités. Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’aggrave.

La commission des finances du Sénat a même lancé voilà quelques mois une mission d’information visant à garantir une solution d’assurance aux collectivités territoriales. On a ainsi pu apprendre que 60 % des collectivités avaient rencontré au moins un problème important dans leur relation avec leur assureur ; ce taux s’élève à 90 % pour les collectivités de plus de 10 000 habitants.

Étonnamment, les résiliations unilatérales et la hausse des prix subies par les collectivités ne sont pas directement liées à une augmentation de la sinistralité. En réalité, elles révèlent une véritable instabilité des contrats et les dysfonctionnements du marché de l’assurance, notamment un phénomène de concentration sur le marché de l’assurance, un oligopole qui prive de choix les collectivités et les soumet aux seules décisions de quelques acteurs. Incontestablement, le manque de concurrence entre les assurances amène les collectivités à se soumettre à ces hausses de tarifs.

Face aux relations particulièrement dégradées et déséquilibrées entre les collectivités et les assureurs, qu’envisagez-vous, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Madame la sénatrice Amel Gacquerre, vous posez une question récurrente et très importante, qui a même été soulevée hier lors du séminaire gouvernemental.

À mon tour, je salue le rapport sénatorial d’information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales, qui a mis en évidence ces difficultés. Je rappelle également le rapport remis par Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès au mois d’avril 2024.

Ces deux documents posent le constat d’une double problématique. D’une part, les risques à couvrir augmentent : les risques climatiques, mais aussi les risques liés à la cybercriminalité ou aux violences urbaines. D’autre part, le marché de l’assurance des collectivités s’est raréfié ; seuls restent quelques grands acteurs du secteur.

Tout cela aboutit à une insupportable hausse des primes d’assurance et des franchises, mais aussi à une absence de réponse aux appels d’offres. D’après le rapport Chrétien-Dagès, entre 1 300 et 1 500 collectivités sont particulièrement concernées.

Le Gouvernement est pleinement conscient de ces difficultés et reste mobilisé. Ainsi, il compte mettre en œuvre une série de recommandations émanant des deux rapports que j’ai mentionnés, certaines d’ici à la fin de l’année, en mettant l’accent sur les efforts de prévention et une meilleure connaissance du patrimoine des communes.

conséquences du nouveau seuil de tension de la demande de logements sociaux et les incohérences liées à la loi sru

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 136, adressée à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.

Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur deux effets pervers de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, qui méritent d’être corrigés dans le contexte économique particulièrement difficile que nous connaissons.

La modification du seuil de tension de la demande de logements sociaux imposée par le décret du 29 mars 2023 a des répercussions lourdes pour plusieurs communes, dont l’objectif de production de logements sociaux est passé subitement de 20 % à 25 %.

Ainsi, dans le département dont je suis élu, la Haute-Savoie, la commune de Marignier a subi un doublement imprévu de la pénalité SRU – celle-ci passant de 40 000 à 85 000 euros –, dont elle a eu à s’acquitter immédiatement, alors même qu’elle avait atteint l’objectif initial de 20 % de logements sociaux.

Des communes voisines, comme celles de l’agglomération de Cluses, font face à des pénalités similaires qui menacent leur équilibre budgétaire par une forme d’application rétroactive d’une sanction, conséquence d’une obligation qu’elles ignoraient pourtant jusqu’alors !

Dans le même ordre d’idée, est-il normal d’infliger une pénalité pour non-atteinte des objectifs de production de logements sociaux à une commune qui a pourtant délivré un nombre suffisant de permis de construire de logements sociaux à cette fin, au motif que ces logements ne sont pas encore livrés, et ce pour des raisons indépendantes de sa volonté ?

Les deux communes que j’ai prises en exemple, bien que leurs élus soient actifs et volontaires dans la production de logements sociaux, se voient doublement sanctionnées, à la fois financièrement et juridiquement, pour des raisons qui leur échappent. Déjà fragilisées par un contexte économique complexe, elles voient leurs efforts pour construire des logements sociaux méprisés, malgré les réalités locales qu’elles doivent affronter : rareté du foncier, contraintes géographiques, difficultés économiques, retards dans les projets de construction.

Madame la ministre, n’est-il pas temps de corriger ces effets délétères qui ne font que renforcer l’exaspération des élus sur le terrain ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Madame la sénatrice Sylviane Noël, votre question porte sur les obligations des communes en matière de construction de logements sociaux en application de la loi SRU, laquelle fait régulièrement ici, au Sénat, l’objet d’appréciations particulières, ainsi que de souhaits d’évolution.

Je rappelle le dispositif en question. Certaines communes doivent atteindre un taux cible de logement social fixé à 25 % de leurs résidences principales. Lorsque la tension sur la demande de logement social est limitée sur leur territoire, les communes peuvent bénéficier d’un taux cible réduit à 20 %. Pour chaque période triennale, un ratio de tension est fixé par décret, permettant de définir le niveau en deçà duquel un territoire peut bénéficier d’un tel objectif abaissé.

Pour la période 2023-2025, le décret du 29 mars 2023 a reconduit le ratio qui était utilisé jusqu’alors, fixé à quatre demandes de logement social pour une attribution. La communauté de communes Cluses-Arve et Montagnes (2CCAM) ayant vu sa tension passer de 3,98 demandes pour une attribution à 4,56 demandes, les communes situées sur son territoire se voient désormais appliquer le taux cible de droit commun, soit 25 %.

Je comprends la contrainte que constitue la revalorisation du prélèvement que ces communes doivent supporter, notamment au regard des difficultés qu’elles rencontrent pour construire des logements sociaux, en particulier dans les centres-villes – recours judiciaires, dépollution des sites… Toutefois, je rappelle que l’État a conscience de ces difficultés ; sont ainsi prises en compte les déclarations d’urbanisme et de délivrance de permis de construire, et non pas les dates de livraison.

La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, prévoit, sur l’initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, en particulier de Dominique Estrosi Sassone, que les communes et leur intercommunalité peuvent bénéficier d’un contrat de mixité sociale pouvant être discuté avec le préfet, lequel a la capacité d’apprécier le lissage dans le temps de l’effort demandé par la loi.

bonification de trimestres pour la retraite afin de reconnaître l’engagement des élus locaux

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, auteur de la question n° 142, adressée à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la nécessité de toujours mieux reconnaître l’engagement de nos concitoyens dans les fonctions de maire, d’adjoint au maire, de président ou de vice-président d’intercommunalité.

Parce que ces missions sont de plus en plus prenantes et exigent une technicité croissante, ces élus sont parfois contraints de renoncer de façon partielle ou totale à leur activité professionnelle. Ils s’en trouvent ensuite pénalisés, notamment en ce qui concerne leurs cotisations retraite.

C’est la raison pour laquelle nous sommes ici très attachés à la reconnaissance de cet engagement, qui pourrait prendre la forme d’une bonification – tant de trimestres pour x années de mandat –, sur le modèle de ce qui existe pour les pompiers volontaires.

C’est d’ailleurs l’une des recommandations du rapport sénatorial d’information relatif à la sortie de mandat des élus locaux, d’Agnès Canayer, Thierry Cozic et Gérard Lahellec, comme de la Convention nationale de la démocratie locale que votre prédécesseur a conduite. C’est également l’objet de l’article 3 de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local que vous avez déposée lorsque vous étiez sénatrice et que nous avons adoptée ici même voilà quelques mois.

Alors que le Premier ministre vient d’appeler de ses vœux le réexamen de certains aspects de la réforme des retraites, ma question porte sur l’aboutissement de la disposition visant à bonifier la retraite des élus engagés, que nous avons votée : comment ce chantier aboutira-t-il et quand sera-t-il définitivement adopté ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, je vous remercie de cette question qui porte sur un sujet extrêmement important, à quelques mois des prochaines élections municipales, et au regard des démissions et des difficultés à constituer des listes.

Plusieurs actions ont été menées sur l’initiative du Parlement comme du Gouvernement, qu’il s’agisse de la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, ou de la loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, d’origine sénatoriale, que vous avez cosignée.

Vous avez à juste titre rappelé la création du mécanisme de bonification de retraite au bénéfice des sapeurs-pompiers, dont il faut se réjouir. Cela répond toutefois à une situation tout à fait particulière, dans la mesure où salariat et retraite se trouvent décorrélés, puisque cette bonification concerne des acteurs qui exercent un service à titre bénévole. Cela n’enlève rien à sa pertinence.

La situation des exécutifs locaux est un peu différente, parce que ces élus touchent des indemnités et payent des cotisations sociales. On a favorisé la possibilité d’accès à la retraite dans différentes lois de finances, puisque les élus locaux peuvent librement décider de s’assujettir aux cotisations de sécurité sociale, la collectivité devant automatiquement s’acquitter de la part patronale. Des améliorations ont d’ailleurs été apportées grâce au Sénat.

Différentes initiatives ont été prises concernant le statut de l’élu : une proposition de loi sénatoriale a été votée à l’unanimité ; une proposition de loi de l’Assemblée nationale a été déposée, mais attend d’être inscrite à l’ordre du jour des travaux ; l’exécutif mène depuis plus d’un an un certain nombre de réflexions.

Le Premier ministre souhaite que l’on avance sur ce que l’on appelle désormais le « statut de l’élu ». En la matière, le Gouvernement sera à l’initiative en reprenant probablement l’un des deux textes parlementaires. S’il s’agit de la proposition de loi sénatoriale – c’est sans doute ce vers quoi il tend, même si je ne peux rien affirmer encore –, qui contient cette disposition, il conviendra que celle-ci poursuive son parcours législatif.

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour la réplique.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions sur les améliorations qui ont déjà été apportées et sur le travail qui reste à conduire.

Vous évoquez l’inscription à l’ordre du jour des travaux de l’un des deux textes d’initiative parlementaire. Nous souhaitons bien évidemment qu’il s’agisse de la proposition de loi sénatoriale, née de bonne source. (Sourires.)

J’espère que le calendrier parlementaire permettra au Gouvernement de l’inscrire sur son ordre du jour réservé pour s’assurer que cette disposition puisse voir le jour de façon définitive et être gravée dans le marbre de la loi. C’est, je crois, la reconnaissance que nous devons aux élus.

prise en charge financière de la rénovation des ponts

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 156, adressée à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la prise en charge financière de la rénovation des ponts. Vous le savez, la situation est critique, comme en témoignent l’actualité et l’effondrement la semaine dernière d’un pont dans le Var.

Le programme national Ponts, répondant en son temps à une demande expresse de la mission sénatoriale d’information sur la sécurité des ponts, a pu révéler l’état préoccupant de nombre de ponts et mettre en exergue les lourdes conséquences induites pour les communes concernées, qui doivent prendre des mesures restreignant la circulation et se trouvent limitées dans leur capacité financière.

En effet, les études et devis complémentaires diligentés pour chiffrer le coût des travaux de rénovation des ouvrages ne sont pas pris en charge au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Qui plus est, le coût des travaux est entièrement à leur charge, en concurrence avec d’autres projets importants pour ces communes.

Madame la ministre, vous le savez, c’est à un véritable enjeu de sécurité qu’il faut répondre ! Au regard de la situation financière qui est la leur aujourd’hui, on ne peut laisser les communes gérer entièrement ces projets, dont la dimension s’apparente à des obligations de sécurité.

Aussi, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place sans que cela obère les canaux de financement traditionnellement usités par les communes pour d’autres projets importants ?

Pour ce faire, il est préconisé dans la proposition n° 2 du rapport sénatorial d’information sur la sécurité des ponts la constitution d’un fonds pérenne pour accompagner les collectivités territoriales dans la surveillance, l’entretien et la réparation de leurs ouvrages d’art. Peut-on y donner suite ?

Enfin, madame la ministre, compte tenu de la fin programmée du programme national Ponts en 2025, envisagez-vous de mettre en place un nouveau programme ? Pourquoi ne pas prévoir des crédits dans les futurs contrats de plans et fonds structurels européens ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Excellente question !

M. le président. C’est en effet une excellente question, qui appelle une non moins excellente réponse. (Sourires.)

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. J’apprécie beaucoup la pression amicale du Sénat et les appréciations du président de séance… (Nouveaux sourires.)

Monsieur le sénateur Louis-Jean de Nicolaÿ, cette question non seulement est extrêmement importante, mais elle est aussi au cœur des préoccupations. Nous connaissons les effets des catastrophes naturelles répétées, que ce soit dans les Hautes-Alpes, mais aussi récemment en Ardèche, dans la Loire, etc. J’ai une pensée particulière pour nos amis espagnols à qui j’exprime toute ma solidarité au regard de ce qui vient d’arriver en Espagne.

Vous avez rappelé l’utilité du programme national Ponts, lancé en 2020 dans le cadre du plan de relance sur le fondement du rapport d’information du Sénat, qui s’étend jusqu’en 2025. Avec l’appui du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), un diagnostic très utile de quasiment tous les ouvrages d’art a été réalisé.

En revanche, ce programme n’a jamais prévu de financer les travaux requis, puisque le financement a été permis par l’intervention d’autres fonds d’État, notamment toutes les dotations de subventions et d’investissements – par exemple, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou la dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID). Cela figure expressément dans l’instruction annuelle adressée aux préfets au mois de février 2024, qui précise qu’il fallait faire du soutien à ces investissements une priorité puisque ce sont des investissements de sécurité.

Ces dotations ont été maintenues au plus haut niveau : leur montant atteint plus de 2 milliards d’euros par an. Le Gouvernement propose de les maintenir à ce niveau en 2025. Près de mille projets concernant des ouvrages d’art en matière de sécurité ont été soutenus depuis 2018 pour un montant d’environ 125 millions d’euros.

Je reçois cet après-midi les représentants du Cerema, à qui je demanderai de procéder à une évaluation et à un rendu des opérations qui ont été conduites et de ce qu’il reste à entreprendre pour sécuriser. Ainsi continuerons-nous d’avoir sur ce dossier une attention extrêmement vigilante.

Il va de soi que le Sénat sera tenu informé. Il lui appartient, du reste, de prendre ses propres initiatives sur le sujet.

information des conducteurs pour les péages à flux libre

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 101, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les péages à flux libre, sur les défaillances de l’information fournie et sur les conséquences financières pour les usagers.

La première autoroute concernée par ce dispositif de péage sans barrière, l’A79 reliant Montmarault à Digoin, a enregistré en un an près de 180 000 impayés, 80 000 dossiers de pénalités et 600 000 « courriers pédagogiques » envoyés par le concessionnaire. C’est dire l’incompréhension des utilisateurs !

En pratique, l’absence de portail de télépéage induit en erreur et laisse à penser que ce tronçon est gratuit. Pour les détenteurs d’un badge de télépéage, l’opération se révèle indolore, leur compte étant automatiquement prélevé. Les habitants résidant à proximité de cet axe ont globalement bénéficié d’une information précise. En revanche, il en va différemment pour les usagers occasionnels.

Certes, un panneau expérimental a été mis en place aux abords du péage à flux libre, mais il est peu clair pour l’usager qui n’a jamais entendu parler de ce dispositif ou qui roule à 130 kilomètres par heure.

Comment comprendre que, pour payer, le conducteur doive s’arrêter sur une aire de repos, ce qui lui prendra bien plus de temps qu’à une barrière de péage ? Comment savoir qu’il est possible de s’acquitter de la somme a posteriori, en créant un compte sur le site internet du concessionnaire, quand on ne s’est pas rendu compte que le parcours était payant ?

En cas de non-paiement dans les soixante-douze heures, les usagers, dont les coordonnées auront été retrouvées grâce à la détection de la plaque d’immatriculation de leur véhicule sur le tronçon, risquent une amende de 90 euros en sus du montant du péage, cette somme pouvant atteindre jusqu’à 375 euros en l’absence de règlement sous soixante jours.

À ce jour, toutes les sociétés d’autoroute ne développent pas le flux libre. Quels sont leurs motifs ? Quant à la Société des autoroutes du nord et de l’est de la France (Sanef), elle l’a mis en place pour le trajet Paris-Normandie via les autoroutes A13 et A14 au cours de cette année, avec une application de paiement qui lui est propre.

Madame la ministre, comment faciliter les recours de bonne foi et harmoniser les systèmes de paiement, en proposant par exemple une plateforme de paiement unique, valable dans tout le territoire ?

Par ailleurs, madame la ministre, de façon plus globale, comment prévoyez-vous de mieux informer les usagers ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, vous m’interrogez sur la communication relative aux péages à flux libre.

L’État a lancé une campagne de communication au mois de juin 2024 pour informer les usagers du fonctionnement de ce nouveau dispositif et créé un site internet regroupant toutes les informations sur les autoroutes et les réponses aux principales questions que peuvent se poser les usagers. Toutefois, comme toujours, l’information n’arrive jamais qu’à ceux qui la cherchent ! Quid de tous ceux qui ne la cherchent pas avant de tenter l’expérience ?

À la suite des retours d’expérience sur le péage à flux libre de l’A79, des renforcements de signalisation ont été étudiés et seront déployés. Le retour d’expérience montre aussi une amélioration de l’appréhension du dispositif par les usagers, laquelle se traduit par une croissance continue du paiement spontané.

Le principe de la plateforme de paiement internet unique est d’ores et déjà intégré au nouveau cahier des charges type des contrats de concession. Pendant les premiers mois d’exploitation, les sociétés permettent aux usagers qui se trouvent pour la première fois en dépôt de paiement de régler leur péage sans majoration dans des délais suffisants.

L’évaluation du dispositif se poursuit. Je sais que le ministre délégué François Durovray sera très attentif à votre question et à la nécessité de mesurer l’effet de cette communication, afin de l’amplifier si nécessaire.

avenir du projet de ligne nouvelle paris-normandie

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteure de la question n° 150, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports.

Mme Corinne Féret. Au mois de septembre dernier, c’est avec stupeur que les Calvadosiens ont appris l’adoption par le conseil régional d’Île-de-France d’une motion d’opposition au projet ferroviaire Ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN), ciblant confusément l’artificialisation et les nuisances liées au chantier.

Ce projet d’intérêt national est pourtant vital à bien des égards pour la Normandie, en particulier pour le Calvados. Tous deux pâtissent en effet depuis trop longtemps d’une mauvaise desserte ferroviaire frappant le transport tant de voyageurs – les usagers de la ligne Paris-Cherbourg au quotidien – que de marchandises.

Annoncé par Nicolas Sarkozy en 2009, ce projet largement transpartisan a depuis été défendu par les présidences successives de François Hollande et d’Emmanuel Macron. Son aspect prioritaire a été confirmé à maintes reprises par la commission Mobilité 21 et le Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Qui plus est, on ne compte plus le nombre de ministres ayant reconnu la dette ferroviaire de l’État à l’égard de la Normandie.

Aujourd’hui, l’enjeu de la LNPN réside surtout dans l’amélioration structurelle de la fiabilité de la ligne et l’augmentation de sa capacité, en l’état impossible du fait de sa saturation.

Cette ligne est pourtant cruciale pour favoriser le report modal de la route vers le rail, des voyageurs comme du fret, qui contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La LNPN doit favoriser le désenclavement de la Normandie, un territoire stratégique qu’il convient de relier efficacement à Paris et à l’ensemble du pays. Il ne s’agit pas d’un simple projet ferroviaire, mais bien d’un levier incontournable de compétitivité, de modernisation et de développement durable, au service de la croissance dans des départements comme le Calvados et, plus largement, pour la France. Avec l’aménagement de la vallée de la Seine, c’est aussi une partie de la politique maritime du pays qui se joue.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame la ministre, de réaffirmer l’engagement total de l’État dans ce projet essentiel, qui doit être mis au rang des priorités du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Madame la sénatrice, chère Corinne Féret, le projet de LNPN est d’envergure nationale, puisqu’il doit améliorer les dessertes entre Paris et les grandes villes normandes, mais aussi à l’intérieur de l’Île-de-France. Je vous confirme donc que le Gouvernement a l’intention d’atteindre ces objectifs, auxquels la Normandie est légitimement attachée. Le projet avance d’ailleurs, les sections Paris-Mantes et Rouen-Barentin étant actuellement en phase d’études préalables à la déclaration d’utilité publique.

Nul n’ignore qu’une motion d’opposition au projet a été adoptée par la région, alors même que la présidente de la région avait exprimé son soutien à cette ligne. Nous pensons, pour notre part, que sa réalisation aura une forte valeur ajoutée pour les habitants d’Île-de-France. Avec le maître d’ouvrage SNCF Réseau, nous avons lancé une mission d’écoute auprès de l’ensemble des territoires concernés.

Le Gouvernement est particulièrement attaché à la prise en compte des besoins de mobilité de l’ensemble des territoires, et donc de la Normandie, tout en respectant naturellement les préoccupations de chacun d’entre eux. C’est dans ces conditions que seront envisagées dans les toutes prochaines semaines les conditions de poursuite du projet. Soyez certaine, en tout cas, que mon collègue François Durovray suit très attentivement ce projet essentiel.

arrêt du chantier de l’échangeur de la varizelle

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, auteur de la question n° 155, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports.

M. Hervé Reynaud. Ma question concerne la construction du nouvel échangeur de la Varizelle et, par extension, les liaisons entre les métropoles de Saint-Étienne et Lyon.

Situé à Saint-Chamond, deuxième commune de la Loire, ce chantier, d’un montant total de 24,9 millions d’euros, est inscrit dans le volet territorial du contrat de plan État-région (CPER). Il est aujourd’hui à l’arrêt en raison du non-versement par l’État des financements qui lui incombent, alors que les travaux préparatoires ont été achevés cet été.

Madame la ministre, où sont donc passés les quelque 12 millions d’euros que l’État s’était engagé à mettre sur la table ? Où est passé cet argent ? L’ensemble des acteurs locaux – préfet de département, préfète de région, collectivités territoriales concernées – soutiennent ce projet majeur.

Alors que l’État a déjà mis fin, sous les précédents gouvernements, au projet de l’autoroute A45, pour lequel 400 millions d’euros sont budgétés en substitution, il conviendrait que les habitants de la métropole de Saint-Étienne ne subissent pas une double peine.

C’est d’autant moins acceptable que les liaisons ferroviaires et terrestres entre Saint-Étienne et Lyon étaient déjà très dégradées avant les récentes inondations, et qu’elles ne sont pas dignes des flux d’usagers, qui s’élèvent à 125 000 véhicules par jour sur l’autoroute et 21 000 usagers du train express régional (TER) – autant de travailleurs et d’étudiants actuellement en galère.

Pour les usagers, c’est bien le sujet majeur. Mais il y va aussi de l’attractivité de notre territoire.

Pouvez-vous répondre à ces inquiétudes ? Quelles solutions fiables et pérennes l’État peut-il apporter pour fluidifier les déplacements et respecter ses engagements concernant des équipements d’envergure et structurants, comme cet échangeur de la Varizelle à Saint-Chamond ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Monsieur le sénateur, cher Hervé Reynaud, vous m’interpellez sur la poursuite des travaux de l’échangeur dit de la Varizelle, dans le département de la Loire. Cette opération s’inscrit, en effet, dans le programme multimodal d’amélioration des mobilités entre Lyon et Saint-Étienne, décidé après l’abandon du projet d’autoroute que vous avez rappelé.

Une enveloppe de 400 millions d’euros est prévue par l’État, en plus du CPER. Fin 2024, près de 190 millions d’euros auront été mobilisés, dont plus de 70 % pour le volet ferroviaire et 30 % pour les autres modes.

Nul ne conteste au sein du Gouvernement la nécessité de respecter les engagements de l’État, notamment en complétant l’actuel demi-échangeur de la Varizelle pour améliorer la fluidité, mais aussi sécuriser les transports. L’État, qui est le maître d’ouvrage de ce projet, comme vous l’avez rappelé, a confirmé son financement à hauteur de 50 %.

Cette réponse est naturellement à rapporter au resserrement budgétaire que nous connaissons, qui impose une forte priorisation dans l’allocation des ressources.

Je vous assure néanmoins que mon collègue François Durovray, ministre délégué chargé des transports, est très attentif à votre préoccupation, parce que ce projet a été largement soutenu par l’État. Le Gouvernement compte bien achever la construction de cet échangeur et déployer les financements nécessaires, tout en tenant compte des conditions budgétaires qui, actuellement, ne favorisent pas l’exercice.

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.

M. Hervé Reynaud. Qu’un tel projet, extrêmement lourd, s’arrête après les phases préparatoires, ce n’est ni acceptable ni audible pour les élus locaux, d’autant que les liaisons sont extrêmement perturbées. La semaine dernière, il fallait autant de temps pour aller de Saint-Étienne à Lyon que de Lyon à Paris : cela ne favorise évidemment pas l’attractivité du territoire. Nous serons, nous aussi, très attentifs et mobilisés pour faire aboutir ce projet.

situation sanitaire et environnementale de l’aéroport d’orly

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 175, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports.

M. Christian Cambon. Je souhaite attirer une fois de plus l’attention du Gouvernement sur les nuisances sonores de l’aéroport d’Orly. Celui-ci, vous le savez, est la plateforme la plus enclavée dans le tissu urbain en Europe. De ce fait, il génère de fortes nuisances sanitaires et environnementales, dont il a été montré qu’elles pouvaient entraîner la perte de trois ans de vie en bonne santé pour les riverains.

Conscientes du danger sanitaire, les autorités ont mis en place, dès la mise en service de cet aéroport, en 1968, un couvre-feu entre 23 heures 30 et 6 heures. La situation ne s’est pas améliorée, et l’État a lancé en juillet 2023 une étude d’impact demandée par l’Union européenne. Pour atteindre l’objectif, qui est de diminuer de six décibels le bruit supporté par les riverains, trois scénarios ont été présentés. Toutes tendances politiques confondues, 225 élus ont pris position pour l’extension de 30 minutes du couvre-feu : il s’agirait de le faire débuter à 23 heures. C’est la seule mesure qui permettrait de se rapprocher de l’objectif fixé.

Parmi les signataires figurent des maires, des conseillers départementaux, régionaux, le président de la métropole… Le président du Sénat lui-même, Gérard Larcher, a demandé la mise en place de ce dispositif, tout comme l’agence régionale de santé, Bruitparif – l’observatoire du bruit en Île-de-France – et toutes les autres organisations.

Le précédent gouvernement s’en est tenu au scénario A, consistant tout simplement à attendre le renouvellement des flottes, qui rendra les moteurs moins bruyants.

Le ministre délégué chargé des transports a-t-il l’intention de privilégier le scénario C ? Celui-ci implique uniquement de déplacer six vols actuellement prévus entre 23 heures et 23 heures 30. Cette mesure, qui serait tout à fait utile, est plébiscitée par les familles, les élus et les associations pour améliorer enfin leur santé et leur cadre de vie.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Monsieur le président Cambon, votre question importante traite de la situation sanitaire et environnementale de l’aéroport d’Orly, déjà très bien identifiée puisqu’un couvre-feu avait été imposé dès 1968 pour réduire son activité.

En juin 2023, le ministre en charge avait demandé à la préfète du Val-de-Marne d’étudier les conséquences qu’aurait l’introduction de nouvelles restrictions en réalisant une étude d’impact préalable, selon une approche équilibrée, en application de la réglementation européenne. Les travaux ont été achevés fin février, et leurs conclusions ont été transmises à la ministre de la transition écologique et au ministre délégué chargé des transports.

Plusieurs scénarios ambitieux de restrictions ont été étudiés, et tous leurs aspects ont été analysés au travers d’un processus associant l’ensemble des parties prenantes. C’est sur le fondement de ces conclusions que les ministres ont soumis à la consultation du public, du 29 avril au 29 juillet, un scénario conjointement sélectionné, dont il ne faut pas sous-estimer l’ambition, car il comporte des mesures inédites en Europe.

Le Gouvernement est extrêmement attentif à toutes les préoccupations que vous portez, mais aussi au réalisme des nouvelles préconisations et restrictions qui pourraient intervenir. François Durovray, dont le cabinet m’a transmis les éléments que je vous viens de vous donner, ne manquera pas de revenir rapidement vers vous et vers toutes les instances concernées pour évoquer les décisions qui sont à prendre et seront prises.

nécessaire création d’un statut de l’élu local

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 100, adressée à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.

Mme Marie Mercier. Madame la ministre déléguée, chère Françoise Gatel, je vais vous parler d’un sujet qui vous est cher. Alors que va s’ouvrir dans quelques jours le congrès des maires et des élus locaux, aurez-vous une bonne nouvelle à leur annoncer ?

Ce sont eux qui gèrent au quotidien ces mini-républiques que sont les communes. Ils se dépensent sans compter, donnant leur énergie et leur temps. Ces élus de proximité sont la première porte pour la solidarité nationale. Et nous savons combien il est difficile de concilier un mandat, une vie professionnelle et une vie familiale. Comment les encourager ? Comment leur donner envie ?

Le Sénat est leur maison. Déjà, en 2018, nous avons publié un rapport d’information intitulé Faciliter lexercice des mandats locaux : enjeux et perspectives. Puis, en 2023, Mathieu Darnaud a continué ce travail avec un rapport d’information intitulé Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires, dans lequel il retenait quatre pistes principales pour redonner du pouvoir aux maires.

La première était l’indemnisation. Mais nous savons qu’il est difficile pour un maire de proposer l’augmentation des indemnités. Pouvons-nous réfléchir à une prise en charge d’une part salariale pour un maire qui diminuerait son temps de travail ? Les autres pistes concernaient le régime social, la formation et la reconversion, la responsabilité pénale et la déontologie des élus.

Dans mon département, une femme maire a été gravement insultée et menacée de mort. L’affaire est passée au tribunal, et l’agresseur écope d’un stage de citoyenneté de huit heures… Vous comprenez bien ce qu’elle doit ressentir !

La proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, qui découle de ce rapport de 2023, a été adoptée le 7 mars dernier par le Sénat et transmise à l’Assemblée nationale le 8 mars, puis le 23 juillet. Quand sera-t-elle inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?

M. le président. Encore une excellente question, madame la ministre déléguée !

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Madame la sénatrice, chère Marie Mercier, merci pour cette question, et pour la manière dont vous la posez. Elle concerne en effet beaucoup des préoccupations que j’ai portées ici avec vous tous, et que je porte toujours, parce que ce que l’on a appelé le statut de l’élu est aujourd’hui une grande urgence. Il n’est que de voir, pour s’en convaincre, les difficultés survenues lors des élections municipales de 2020, où 106 communes se sont retrouvées sans candidat, ou de constater la fatigue des élus face au nombre de leurs missions.

Vous l’avez rappelé, le Sénat a déjà mené nombre de démarches, d’ailleurs largement soutenues par le Gouvernement. Je pense notamment à la protection des élus, avec des dispositifs de sécurité et un meilleur suivi des plaintes entre les associations de maires, les procureurs, la gendarmerie ou la police. Nous avons agi aussi en faveur du secrétariat de mairie.

Vous évoquez les initiatives parlementaires prises pour élaborer un statut de l’élu. Il y en a deux. L’une prend la forme d’une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale. L’autre consiste en une autre proposition de loi, inspirée par les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a été adoptée à l’unanimité par le Sénat.

Le Premier ministre a confirmé son intention de faire prospérer le débat et d’aboutir à ce que j’appelle un statut, en tout cas à des dispositions favorables à l’engagement citoyen. Il se pourrait que le texte retenu soit celui du Sénat, parce qu’il a le mérite d’avoir déjà été adopté par une chambre, ce qui permettra de gagner du temps. Il pourra naturellement être amendé par le Gouvernement ou par l’Assemblée nationale. Le calendrier parlementaire ne permettra pas de le mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale avant le début de l’année prochaine, mais je peux vous assurer qu’il s’agit d’une priorité du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.

Mme Marie Mercier. Merci, madame la ministre déléguée. Nous savons combien vous êtes attachée aux élus locaux, qui sont le sourire social de notre pays. Nous avons besoin d’eux, protégeons-les !

dotations de l’état aux collectivités territoriales

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 128, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

Mme Christine Herzog. Monsieur le président, madame la ministre, déléguée, mes chers collègues, le 2 octobre dernier, dans cet hémicycle, le Premier ministre a donné le cap économique de la France : essayer de faire beaucoup avec peu.

Je souhaite donc vous interroger sur la dotation globale de fonctionnement (DGF), essentielle à nos territoires et dont le sort me paraît incertain. Les plafonds de dépenses prévisionnelles de la loi de finances pour 2025 prévoient un montant de DGF identique à celui de 2024, soit 27,2 milliards d’euros. Or les compétences déléguées par l’État aux collectivités territoriales augmentent d’une année sur l’autre, ce qui alourdit leurs charges de fonctionnement et limite leurs capacités d’investissement. Cette situation de déséquilibre est un sujet d’inquiétude pour les élus.

Le désengagement de l’État depuis une décennie est indéniable. Entre 2014 et 2017, la DGF a été réduite de 10 milliards d’euros. Entre 2018 et 2022, son montant a stagné pour se fixer aux alentours de 27 milliards d’euros.

Pèsent aussi sur les comptes des collectivités : la suppression de la réserve parlementaire en 2017 et de la taxe d’habitation en 2023 ; l’explosion du coût de l’énergie et l’augmentation de la masse salariale ; la réduction du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), avec une baisse du taux au 1er janvier prochain ; la réduction du fonds vert, amputé de 60 %, en 2025, ce qui contraint les collectivités territoriales à réévaluer leurs politiques environnementales à la baisse.

Madame la ministre déléguée, cela fait beaucoup, particulièrement pour nos communes rurales, qui sont les premières victimes de cette politique consistant à déléguer toujours plus et financer toujours moins. Le Premier ministre assurait pourtant, ici même, qu’il travaillerait avec les collectivités territoriales : « pas sans elles, pas contre elles ».

Ma question est simple : quelle est donc la trajectoire budgétaire du Gouvernement s’agissant de la DGF et, plus largement, des dotations aux collectivités territoriales en 2025 ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargée de la ruralité, du commerce et de lartisanat. Madame la sénatrice, chère Christine Herzog, voilà une question d’actualité, mais le Parlement sera partie prenante à sa réponse puisqu’il reviendra très prochainement au Sénat d’examiner le projet de loi de finances pour 2025. Je ne doute pas de la sagesse dont il fera preuve, en même temps que du sens de la responsabilité qu’il manifestera en débattant du volet relatif aux collectivités territoriales.

Vous savez que la dette est le deuxième poste de dépenses de l’État, et qu’un État surendetté a le devoir de redresser ses finances pour avoir un avenir.

J’entends et je respecte les interrogations sur le financement des services publics : vous ne me verrez jamais critiquer les collectivités territoriales. Mais la pérennité de notre démocratie, de notre système de services publics, requiert absolument un redressement qui, naturellement, génère une contraction budgétaire, c’est-à-dire de vraies difficultés.

Il appartiendra au Parlement de formuler des propositions pour améliorer la copie qui lui sera soumise. Encore faut-il, évidemment, qu’il respecte la contrainte imposée ; mais je ne doute pas qu’il le fasse, avec responsabilité. En effet, si nous ne redressons pas le budget, nous risquons une crise financière. Je ne rappellerai pas les situations de ce type que certains pays d’Europe ont connues…

En tout cas, je rappelle que la DGF a été à peu près maintenue, et qu’elle l’est toujours. Si le fonds vert a été amputé, sa consommation effective en 2023 laisse penser que nous nous en sortirons avec les montants proposés.

sites internet délivrant des arrêts de travail abusifs

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, auteure de la question n° 147, transmise à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

Mme Anne-Sophie Romagny. Madame la ministre déléguée, chère Agnès Canayer, nous cherchons tous des pistes d’économies pour équilibrer le budget. Ma question porte sur les sites internet frauduleux, dont l’interdiction ferait faire des économies à l’État, et dont personne ne regretterait la disparition.

Si certaines entreprises proposent aux patients des solutions utiles pour faire face à la pénurie de médecins, facilitent leurs démarches et réduisent les délais d’attente, d’autres, beaucoup moins scrupuleuses, fournissent des arrêts de travail de manière incontrôlée. Les promesses de ces sites sont malheureusement à la hauteur des espérances des patients les moins citoyens : taux d’acceptation des arrêts de 100 %, arrêt garanti et accepté en moins de cinq minutes. On y propose même de choisir sa maladie ! Des arrêts de travail pour douleurs menstruelles ont ainsi été délivrés à des hommes…

Sans aucun scrupule, ces sites usurpent l’identité de médecins réels, au détriment de ces derniers, qui pourraient d’ailleurs être sanctionnés sur la base du volume d’indemnités journalières constatées.

J’ai déjà interpellé plusieurs ministres sur le sujet, et je l’ai soulevé il y a plus de dix jours lors d’une audition. Ce matin, ces sites internet étaient encore en ligne. Je ne donnerai pas leurs noms pour ne pas leur faire de publicité, mais je les tiens bien évidemment à votre disposition.

Je sais que le Gouvernement a pour objectif de supprimer, à l’horizon 2025, les arrêts de travail sous format papier. Mais en attendant le tout-électronique sécurisé, et quoique le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) affirme que des sites illégaux sont fermés chaque semaine, je constate ce matin que l’urgence n’est pas traitée.

Madame la ministre déléguée, je vous demande solennellement de bien vouloir interdire ces sites sans tarder et de mettre en œuvre des contrôles drastiques et des sanctions exemplaires contre ces abus à l’encontre de notre système de santé et de solidarité, surtout à l’heure des débats budgétaires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance. Madame la sénatrice Anne-Sophie Romagny, je souhaite tout d’abord vous remercier pour votre engagement contre cette dérive inadmissible et que nous devons combattre : l’existence de sites qui délivrent de manière frauduleuse des arrêts de travail.

En 2023, les faux arrêts de travail ont constitué un préjudice de 7,7 millions d’euros pour l’assurance maladie, contre 5 millions d’euros en 2022. Nous devons donc lutter contre ces pratiques frauduleuses.

La Cnam a engagé plusieurs actions pour détecter les arrêts de travail falsifiés et les empêcher. Il s’agit de lutter contre les fausses déclarations sociales d’indemnités journalières et de mieux identifier les faux déclarants. En 2023, plus de 1 million de contrôles ont été menés par le service médical de la Cnam sur les arrêts de travail en cours et plus de 77 000 reprises de travail ont été notifiées. C’est un bon début, mais nous devons faire mieux.

La Cnam a également engagé des procédures judiciaires à l’encontre des sites délivrant de faux arrêts de travail afin d’obtenir leur fermeture. Pour renforcer la lutte contre ce type de fraude, elle a déployé un nouveau formulaire Cerfa, infalsifiable, dont l’utilisation deviendra obligatoire en juin 2025 : il arrive ! Il faut simplement du temps pour que ce dispositif soit mis en œuvre par l’ensemble des professionnels de santé.

De plus, l’administration a signalé plusieurs sites au procureur de la République en application de l’article 40 du code de procédure pénale. Il appartient dorénavant aux juridictions de conduire les enquêtes et de réprimer ces fraudes. Par le décret du 5 juillet 2024, le Gouvernement a décidé de faciliter les contre-visites médicales diligentées par l’employeur. Ces mesures permettent, je l’espère, d’aller plus loin dans la lutte contre ces sites frauduleux.

évolution préoccupante de la mortalité infantile en france

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 148, adressée à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.

M. Patrice Joly. La mortalité infantile a augmenté fortement en France au cours des dernières années. Le constat est sans appel : en 2023, on aura atteint un seuil de 4 décès pour 1 000 naissances, soit le taux le plus élevé depuis vingt ans. Nous sommes passés de la quatrième à la dix-huitième place au sein des pays de l’OCDE.

Environ 55 000 enfants naissent prématurément chaque année dans notre pays. Ils concentrent 75 % de la mortalité néonatale et la moitié des handicaps d’origine périnatale. On observe que la mortalité infantile est beaucoup plus forte dans les départements les plus pauvres et les plus ruraux.

Les causes, vous les connaissez : fermetures de lits, difficultés d’accès aux soins, pénurie de soignants, fermeture des services, insuffisance du nombre des maternités.

Alors, madame la ministre déléguée, devons-nous poursuivre la fermeture des maternités réalisant moins de 1 000 naissances par an et laisser les futures mères accoucher sur les routes ? Doit-on continuer à fermer les yeux sur cette tiers-mondisation de notre système de santé ? La jeune maire de Decize dans la Nièvre, Justine Guyot, a dû interdire à ses habitants de tomber malades… Devrons-nous aussi légiférer pour empêcher les femmes issues des territoires ruraux de tomber enceintes afin d’éviter tout drame ?

Madame la ministre déléguée, ma question est simple : comment faire pour réarmer démographiquement la France et sauver des vies sans moyens humains, matériels, financiers ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance. Monsieur le sénateur Patrice Joly, je vous remercie pour votre question et je partage vos constats sur la situation de la périnatalité en France. Depuis quelques années, le taux de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile stagne, voire se dégrade. Nous ne pouvons évidemment pas nous en contenter.

La santé périnatale est un défi majeur pour notre système de santé. La feuille de route Pédiatrie et santé de l’enfant 2024-2030 a fixé les priorités en la matière. Elle vise à améliorer l’organisation des soins et la prise en charge rapide des patientes, en garantissant un lit de réanimation néonatale pour 1 000 naissances dans chaque région d’ici à 2027. Et 600 postes d’internes seront proposés chaque année en pédiatrie, soit une augmentation de 75 % par rapport à 2022.

Cette feuille de route prévoit aussi un travail de collecte sur les données de santé, en complément des mesures existantes pour améliorer la qualité des données périnatales. Les certificats de décès néonataux ont été étendus de l’âge de 28 jours à celui de 1 an de l’enfant, et des travaux d’analyse en cas de décès des nouveau-nés à terme ou à proximité du terme ont été lancés en 2023. Les premiers résultats sont attendus d’ici à la fin de l’année.

Nous voulons faire de la prévention une priorité pour la santé périnatale, notamment par la démarche du « aller vers » les populations les plus éloignées du système de santé, notamment en milieu rural. Nous attendons les conclusions du rapport des sénatrices Annick Jacquemet et Véronique Guillotin, qui seront particulièrement précieuses pour déterminer les pistes de réflexion à privilégier.

Enfin, le Gouvernement continue de porter une grande attention aux fermetures de maternité. Lorsqu’une fermeture s’impose pour ne pas faire peser de surrisques sur la mère et l’enfant, la priorité est donnée au maintien d’une continuité de service à la population et d’une sécurisation des accouchements. En outre, les centres périnataux de proximité jouent un rôle majeur.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.

M. Patrice Joly. Madame la ministre déléguée, je vous remercie pour votre réponse, qui énumère un certain nombre de solutions. Permettez-moi d’insister sur le maillage des maternités.

On pose aujourd’hui le problème en opposant proximité et sécurité. Ce n’est pas la bonne manière de traiter la question. Il faut revoir le maillage des maternités, sachant qu’un trajet de quarante-cinq minutes pour accéder à une maternité double le taux de morbidité tant pour la mère que pour l’enfant.

Enfin, des postes d’internes doivent être ouverts aux futurs médecins, même à ceux ayant étudié à l’étranger, qui doivent être affectés en France dans les établissements en tension. Des médecins français étudient à l’étranger et demandent à faire leur internat ici. J’en ai rencontré en Roumanie. Je vous demande d’être attentive à leur situation.

désengagement de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités du suivi des agents de la fonction publique

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, auteur de la question n° 038, adressée à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à pointer le manque structurel de médecins du travail dans la Sarthe, un département rural où le problème est encore plus prégnant qu’ailleurs.

Cela a une incidence sur le désengagement par les services de prévention et de santé au travail du suivi des agents de la fonction publique. De plus, cela interroge quant à l’efficacité et à la pérennité de la protection de la santé des travailleurs dans ce secteur.

Je rappelle que la réforme de la santé au travail issue de la loi du 2 août 2021 visant à renforcer la prévention en santé au travail dans les entreprises a exacerbé le manque de médecins du travail, conduisant à de très vives tensions entre les services de prévention et de santé au travail et leurs entreprises adhérentes.

Cette situation préoccupante est illustrée de manière frappante dans la Sarthe, où l’association Santé au travail 72 a dû prendre la décision radicale d’arrêter le suivi en santé au travail des collectivités et des établissements qu’ils accompagnaient jusqu’alors. Une telle décision frappe directement les 10 000 agents, les laissant sans le soutien médical et préventif nécessaire à leur bien-être au travail.

La réforme visait initialement à moderniser et à renforcer le système de santé au travail. Mais son application a révélé des failles importantes dans la planification et la gestion des ressources. Les services de santé au travail se retrouvent débordés, incapables de faire face à la demande croissante de suivi médical et de prévention.

En l’absence de suivi médical régulier, les agents sont exposés à des risques accrus de maladies professionnelles et d’accidents du travail.

Madame la ministre, je m’interroge grandement sur le rôle que joue votre gouvernement dans une telle situation. En effet, la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) des Pays de la Loire, autorité de tutelle de Santé au travail 72, a demandé expressément à cette dernière de se dessaisir du suivi des agents de la fonction publique.

Aussi, pouvez-vous m’indiquer quelles mesures concrètes le Gouvernement compte prendre pour faire face à la pénurie de médecins au travail, tout en garantissant que les services de prévention et de santé au travail disposent des ressources nécessaires pour accomplir leurs missions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance. Monsieur le sénateur Thierry Cozic, le décret du 10 juin 1985 relatif à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale impose aux autorités territoriales de veiller à la sécurité et à la protection de la santé de leurs agents.

Les missions de cette médecine préventive sont assurées par une équipe pluridisciplinaire, dont un médecin du travail, qui peut appartenir au service créé par la collectivité ou l’établissement, à un service commun à plusieurs employeurs publics ou au service créé par le centre de gestion de la fonction publique territoriale ; il peut encore relever directement des administrations lorsque celles-ci disposent des moyens nécessaires.

À titre subsidiaire, les services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) peuvent être sollicités s’ils disposent des ressources suffisantes pour assurer le suivi médical des agents publics.

Lors d’une demande d’agrément, une Dreets peut demander à un SPSTI de cesser de suivre un public s’il ne dispose plus de la ressource médicale suffisante pour mener à bien ses missions prévues par le code du travail.

La Dreets des Pays de la Loire, comme toutes les autres Dreets, n’a pas d’opposition de principe au suivi des agents publics par les SPSTI, dès lors que les missions prioritaires sont honorées, et même si ce suivi n’est pas imposé par les textes. Ainsi, plusieurs SPSTI en région Pays de la Loire assurent le suivi du personnel de la fonction publique. Celui de la Sarthe suit 135 400 salariés.

La Dreets a invité le SPSTI 72 à œuvrer prioritairement dans son champ d’agrément. Ainsi, ce service a décidé, à compter du mois de janvier 2024, de ne plus assurer le suivi des agents de la fonction publique, ces derniers pouvant être suivis par les centres de gestion de la fonction publique compétents localement pour les agents publics.

La Dreets s’est par ailleurs engagée, aux côtés de l’agence régionale de santé (ARS), dans une procédure de recrutement de praticiens avec autorisation d’exercer, pour faciliter l’installation dans la région de quatre médecins du travail diplômés.

conséquences dramatiques de la diminution des dotations budgétaires des centres régionaux de dépistage des cancers

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la question n° 169, adressée à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.

Mme Nicole Bonnefoy. Le 16 octobre dernier, lors des questions d’actualité au Gouvernement, j’interrogeais Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins sur l’inégalité d’accès à la prévention et au traitement du cancer du sein, ainsi que sur la diminution de près de 30 % du budget alloué au centre de coordination des dépistages des cancers en Nouvelle-Aquitaine.

Il m’avait alors été répondu ceci : « La diminution des budgets qui lui sont alloués ne s’accompagnera pas d’une baisse de l’activité de dépistage. Elle est uniquement liée au transfert de certaines missions à l’assurance maladie, dont l’envoi de courriers. »

Honnêtement, la réalité est tout autre ! En l’absence de l’intégralité des dotations de fonctionnement, c’est toute une mission de service public en faveur de la prévention et de la détection des cancers qui est menacée, et cela dans les douze départements de Nouvelle-Aquitaine. C’est d’autant plus consternant que les taux de participation progressaient très bien et confirment le bon travail du centre.

Avec des dotations en diminution de plus 26 %, le centre régional de dépistage est contraint depuis le mois de septembre dernier à renoncer à certaines actions majeures, comme la promotion du dépistage organisé du cancer du col de l’utérus, des actions spécifiques d’« aller vers » ou encore le dépistage organisé du cancer colorectal.

Au nom du principe d’égalité, le Gouvernement compte-t-il réexaminer ce dossier et comprendre les soixante-treize élus qui l’ont déjà interpellé ?

Qu’entend-il faire pour préserver les centres néo-aquitains de dépistage des cancers, donc garantir les ressources suffisantes à la mise en œuvre de ces missions essentielles, par ailleurs décrites dans l’arrêté ministériel du 16 janvier 2024 ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance. Madame la sénatrice Nicole Bonnefoy, vous m’interrogez sur les réductions budgétaires concernant le centre de prévention et de dépistage des cancers de Nouvelle-Aquitaine, ainsi que sur l’impossibilité pour celui-ci de remplir l’ensemble de ses missions.

Le centre se trouve aujourd’hui en déficit, avec un budget de 11 millions d’euros, alors que le financement délégué par l’ARS est de 9 millions d’euros. C’est le résultat d’un décalage important entre les orientations prises par le centre et ce qui était prévu par l’ARS, cette dernière tablant notamment sur une stabilisation des effectifs.

Malgré tout, en Nouvelle-Aquitaine, des recrutements ont été menés pour remplir les missions. Aujourd’hui, cette structure est dans l’impasse, notamment pour mener des campagnes de communication ; en l’occurrence, ce qui se fait s’écarte substantiellement des directives.

C’est cette accumulation non prévue par le cahier des charges qui met en difficulté ce centre de dépistage.

C’est pourquoi l’ARS de Nouvelle-Aquitaine, en lien avec la direction des affaires juridiques, va se pencher sur ce dossier, afin de permettre au centre de dépistage de Nouvelle-Aquitaine de retrouver les moyens nécessaires à l’ensemble de ses actions.

Madame la sénatrice, nous sommes pleinement mobilisés en faveur de la prévention et du dépistage. Nous connaissons votre engagement sur le sujet et ne manquerons pas de revenir vers vous pour trouver des solutions.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.

Mme Nicole Bonnefoy. Plus de prévention et plus de dépistage précoce, c’est moins de personnes malades et, finalement, une baisse des dépenses de santé.

Madame la ministre, vous considérez peut-être la coupe budgétaire évoquée comme une économie substantielle et une rationalisation de l’action publique. Je m’inscris en faux de cette idée, et l’ensemble des élus de la région, toutes tendances politiques confondues, pensent comme moi.

Je demande sincèrement au Gouvernement de reconsidérer cette mesure budgétaire, qui est un non-sens sanitaire et financier. Les équipes locales ont besoin d’être confortées dans leur mission, alors que leurs objectifs sont atteints. Entendez-les ! Entendez les élus !

référents handicap dans les universités

M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 162, adressée à M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Patricia Demas. Madame la ministre, chère Agnès Canayer, ma question porte sur le rôle important des référents handicap dans nos universités.

Depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, des référents handicap doivent être recrutés dans toutes les universités de France et se charger d’accompagner et d’aider les étudiants en situation de handicap.

À la rentrée 2022, on dénombrait plus de 59 000 étudiants en situation de handicap dans l’enseignement supérieur, soit sept fois plus qu’il y a vingt ans. C’est une bonne chose, me direz-vous.

Néanmoins, le cheminement de ces étudiants dans l’enseignement supérieur demeure compliqué, voire très compliqué. D’après les chiffres diffusés par les services du ministère, un étudiant en situation de handicap sur cinq ne bénéficie encore d’aucun aménagement. Toujours d’après les chiffres fournis, les étudiants handicapés se concentrent en licence et deviennent moins nombreux au fil du cursus universitaire.

Les remontées de terrain font apparaître que les référents handicap sont peu connus et manquent de formation. Ainsi, selon une étude menée pour le compte des huit fédérations d’étudiants dans le secteur de la santé, 44,5 % des sondés estiment que les référents handicap ne sont pas clairement identifiés, ni d’ailleurs identifiables.

On constate de grandes disparités entre les universités. L’université Sorbonne-Nouvelle dispose ainsi de cinq à six référents handicap, quand d’autres n’en ont qu’un seul et d’autres encore aucun.

Madame la ministre, je souhaiterais disposer d’informations actualisées sur le nombre, ainsi que sur la répartition des référents handicap dans les universités.

Je voudrais également savoir quelles dispositions le Gouvernement envisage pour mieux faire connaître l’existence de ces référents handicap et permettre ainsi aux étudiants d’assurer au mieux leur cursus universitaire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance. Madame la sénatrice Patricia Demas, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche est pleinement investi dans l’accueil des étudiants en situation en handicap. Il en a fait l’un des axes prioritaires de sa mission dans le cadre de l’égalité des chances et du bien-être étudiant.

Vous l’avez indiqué, en 2023-2024, près de 64 000 étudiants se sont déclarés en situation de handicap dans les établissements, soit une multiplication des effectifs par sept depuis la loi du 11 février 2005. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Deux circulaires, du 6 février 2023 et du 10 juillet 2024, ont précisé le cadre des aménagements possibles pour les étudiants en situation de handicap dans leur parcours de formation et pour les examens et concours.

En complément, une communication volontaire a été lancée pour aider les étudiants et les établissements les accompagnant. Ainsi, un guide vers l’autonomie a été adopté au mois d’octobre 2024 ; il donne des exemples de bonnes pratiques mutualisables dans les établissements universitaires.

L’accès aux études supérieures est facilité financièrement dès l’entrée en cycle de licence grâce aux quatre points de charge supplémentaires pour les étudiants en situation de handicap. Cet engagement vise l’ensemble du parcours, de Parcoursup jusqu’au plus haut niveau de formation.

Vous évoquez avec raison l’accompagnement humain. Chaque établissement dispose d’un référent handicap, pilote d’un service qui peut comprendre jusqu’à 4,5 équivalents temps plein (ETP).

Afin de les professionnaliser, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a établi deux modèles de fiches de poste définissant leurs missions et transmises aux établissements et il anime l’ensemble du réseau, en lien avec l’Association des professionnels d’accompagnement du handicap dans l’enseignement supérieur (Apaches), qui regroupe les référents handicap.

Le projet de loi de finances 2025 dote les établissements avec une enveloppe de 21 millions d’euros, soit une multiplication par trois en trois ans des crédits dédiés à l’accès et à l’accueil des étudiants en situation en handicap dans nos universités.

surpopulation carcérale en guadeloupe

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, auteure de la question n° 171, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Solanges Nadille. Je souhaiterais interpeller le Gouvernement sur la situation du centre pénitentiaire de Fonds Sarail, situé à Baie-Mahault, en Guadeloupe.

Lundi dernier, les syndicats de surveillance pénitentiaire ont bloqué les accès au centre. Par cette manifestation de colère, ils entendaient dénoncer la énième agression d’un collègue : un agent âgé de 52 ans a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe après avoir été ébouillanté par un détenu.

Je souhaite tout d’abord exprimer mon plein soutien au surveillant agressé et à ses collègues ; je comprends parfaitement leur ras-le-bol. En effet, ils ont déjà tiré la sonnette d’alarme à de multiples reprises à propos de la surpopulation carcérale, qui est à l’origine d’agressions sur les personnels, ainsi qu’entre les personnes détenues, et crée des conditions de détention indignes.

Madame la ministre, près de 700 détenus sont incarcérés à Fonds Sarail, alors que l’établissement a une capacité théorique d’accueil de 540 places. La surpopulation carcérale touche particulièrement le quartier de la maison d’arrêt pour hommes : actuellement, 126 prisonniers dorment sur des matelas posés à même le sol. Face à cette surpopulation, il y a un manque criant de moyens humains, notamment pour assurer la sécurité du site.

Le cas de la Guadeloupe est loin d’être isolé, puisque la surpopulation carcérale est de plus de 200 % à Mayotte et de plus de 150 % en Guyane.

Madame la ministre, le point d’alerte est atteint dans les centres pénitentiaires outre-mer. Il est urgent d’agir. Que compte faire le Gouvernement face à cette situation, qui ne peut plus durer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Canayer, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes, chargée de la famille et de la petite enfance. Madame la sénatrice Solanges Nadille, le garde des sceaux m’a chargée de vous remercier de votre question, qui rend hommage au travail effectué chaque jour par les surveillants pénitentiaires, parfois au péril de leur propre sécurité.

L’agression, le 27 octobre dernier, d’un agent du centre pénitentiaire de Baie-Mahault est un acte grave et inadmissible. La personne détenue responsable de cet incident a depuis lors été transférée vers un autre établissement pénitentiaire du territoire métropolitain. La direction des services pénitentiaires de l’outre-mer a également pris des engagements auprès de l’intersyndicale, afin de trouver une réponse aux attentes des agents.

À ce jour, 730 personnes sont incarcérées au centre pénitentiaire de Baie-Mahault, pour un nombre de lits disponibles s’élevant à 620.

Sur cette base, le taux de surpopulation carcérale global est de 149 %. La capacité théorique de l’établissement est en revanche de 490 cellules. Si le taux d’occupation du quartier centre de détention est optimal, le quartier maison d’arrêt souffre effectivement d’un taux très élevé, soit 196 %.

La direction de l’administration pénitentiaire s’emploie depuis plusieurs années déjà à optimiser l’occupation des places disponibles dans les établissements et quartiers pour peine, afin de désengorger autant que possible les maisons d’arrêt et quartiers maison d’arrêt.

Cette stratégie, qui vise aussi des personnes détenues aux faibles reliquats de peine, porte ses fruits : le taux d’occupation de ces structures est passé de 87,3 % en 2020 à 98,5 % aujourd’hui, soit une hausse de plus de onze points en quatre ans. Des transferts réguliers de personnes incarcérées depuis les établissements pénitentiaires ultramarins vers ceux de l’Hexagone continuent également.

En termes de moyens humains, le centre pénitentiaire de Baie-Mahault est dans une situation favorable, avec un taux de couverture des emplois du personnel de surveillance de 94 % à la fin du mois de septembre dernier.

Dans le cadre de la mise en œuvre du protocole d’Incarville, le garde des sceaux a également souhaité prioriser le renforcement de la présence d’équipes locales de sécurité pénitentiaire en outre-mer. Quatre postes supplémentaires seront ainsi ouverts pour le centre pénitentiaire de Baie-Mahault.

rapatriement en france de palestiniennes et palestiniens blessés dans la bande de gaza

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, auteure de la question n° 111, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon l’ONU, la situation à Gaza est apocalyptique et des milliers de Palestiniens courent le risque imminent de mourir. Le système de santé est confronté à un effondrement total. Les structures de santé ont été en grande partie bombardées. Le personnel médical est une cible.

Au mois de mai 2024, l’intensification des bombardements à Rafah et les ordres d’évacuation militaire ont entraîné, une nouvelle fois, le déplacement d’environ un million de personnes.

Selon l’Unicef, les familles déplacées vivent dans un dénuement total. Les conditions de vie sont indescriptibles : absence d’eau, de nourriture, de médicaments et de soins.

En mai 2024, répondant à une question orale que je lui avais posée, le gouvernement de l’époque s’était déclaré disposé à accueillir cinquante enfants, comme il l’avait annoncé. Or, d’après nos informations, seulement seize enfants, tous en provenance d’Égypte, où ils étaient hospitalisés après leur sortie de Gaza, ont été accueillis. Où en sommes-nous à ce jour ?

Le 19 novembre 2023, le Président de la République avait annoncé qu’un porte-hélicoptères configuré pour du soutien hospitalier, avec une capacité de quarante lits, aurait vocation à traiter les cas les plus graves et à permettre la prise en compte de civils blessés, afin de les faire soigner dans les hôpitaux alentour si nécessaire. Quid de l’occupation actuelle de ces quarante lits ?

Enfin, cinq médecins de l’association Palmed France, qui permet régulièrement à des délégations médicales et chirurgicales de se rendre à Gaza, se sont vu refuser l’entrée sur place. L’association souhaite que la France sollicite l’Organisation mondiale de la santé et le coordonnateur des activités gouvernementales des territoires à cet égard.

Le Gouvernement peut-il intervenir en ce sens ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice Poncet Monge, je vous remercie d’avoir rappelé l’engagement de la France et du Président de la République.

Vous connaissez notre position constante sur le sujet. La France se mobilise pour la reprise du dialogue politique dans la région, afin que deux États, Israël et l’État palestinien, puissent à terme vivre côte à côte, en sécurité.

Nous œuvrons pour un cessez-le-feu, la libération inconditionnelle de tous les otages, l’accès sans entrave de l’aide humanitaire, aussi bien pour la population civile gazaouie que pour la population libanaise, et la fin des combats. Avec nos partenaires – Israël, les pays arabes et la communauté internationale – nous travaillons à la recherche de perspectives politiques crédibles, garantissant la sécurité et l’accès à l’aide humanitaire.

La France est en première ligne. Elle a été la première nation occidentale à soigner des civils gazaouis. Le porte-hélicoptères français médicalisé, le Dixmude, stationné en Égypte du 27 novembre 2023 au 27 janvier 2024, a permis la prise en charge de plus de 120 blessés dans un état grave. Le dispositif sanitaire a été mis en place en partenariat avec les autorités égyptiennes, les Nations unies, le Croissant-Rouge égyptien, et avec le soutien de nombreux partenaires, notamment de l’Union européenne.

Vous l’avez mentionné, la France a accueilli sur son territoire dix-sept enfants palestiniens blessés ou malades. Ils sont actuellement pris en charge par notre système de soins, avec une dernière évacuation sanitaire le 30 juillet dernier.

Au-delà de la question de Gaza, je tiens à rappeler l’engagement de la France pour l’aide humanitaire au Liban : la grande conférence internationale organisée le 24 octobre avec plus de soixante-dix partenaires a permis de lever 1 milliard d’euros, dont 800 millions d’euros pour l’aide humanitaire et 200 millions d’euros pour le soutien aux forces armées libanaises.

Madame la sénatrice, notre engagement est collectif. Il est celui d’un pays qui sait combien sa sécurité est liée à celle du Proche-Orient et qui est décidé à y faire entendre sa voix singulière.

Je profite de l’occasion pour indiquer que M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, se rendra de nouveau sur place, en Israël et dans les territoires palestiniens, jeudi prochain.

renforcement du droit de préemption des collectivités locales pour la protection des terres agricoles

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 172, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

M. Jean-Baptiste Blanc. Je souhaite remercier mon collègue Lucien Stanzione d’avoir bien voulu inverser l’ordre des questions, me permettant ainsi de poser plus tôt la mienne, qui était destinée à Mme la ministre de l’agriculture.

Je tiens à alerter sur la nécessité de renforcer le droit de préemption des collectivités locales pour la protection des terres agricoles. Les dispositifs légaux actuels sont de plus en plus détournés, et nos communes en souffrent. Je pense notamment à la commune de Caumont-sur-Durance, dans le département de Vaucluse. Cela dit, elle est loin, je le sais, d’être la seule concernée.

Face à la hausse des implantations illégales dans des zones agricoles et inondables, la commune de Caumont-sur-Durance a établi un partenariat avec la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) visant à exercer un droit de préemption sur les terrains agricoles destinés à la vente qui ne sont pas acquis par des exploitants agricoles.

Cependant, des pratiques récentes ont mis en évidence des lacunes dans l’application de ce droit, notamment au travers de manœuvres visant à limiter son efficacité. En effet, des propriétaires cherchant à esquiver la préemption de leur terrain par les municipalités concluent des baux emphytéotiques. Bien qu’une telle pratique soit légale, elle sert en l’espèce à perpétuer l’utilisation non conforme des terres agricoles.

Face à un tel détournement du cadre légal, qui compromet tant les objectifs de protection des espaces agricoles que le respect de la régulation, comment le Gouvernement envisage-t-il de renforcer l’efficacité du droit de préemption pour sanctionner les stratégies visant à en diminuer la portée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Blanc, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de la ministre Annie Genevard, qui est aujourd’hui en déplacement dans l’Aude et le Tarn auprès de nos agriculteurs et viticulteurs, comme elle s’y était d’ailleurs engagée.

Vous soulevez une question épineuse sur le caractère frauduleux des baux emphytéotiques. Il est en effet difficile de qualifier a priori le caractère frauduleux d’un tel bail dans la perspective d’une préemption.

La jurisprudence est venue apporter des précisions casuistiques. Elle indique notamment que, si le bail prévoit un transfert du droit réel de propriété en fin de contrat, ce dernier sera soumis au droit de préemption.

Il appartient donc au notaire chargé d’établir le bail de déterminer si celui-ci est soumis au droit de préemption. À cet égard, je ne puis que recommander à l’ensemble de la profession notariale la plus grande vigilance.

Les Safer exercent leur droit de préemption conformément à leur mission, qui est de garantir le maintien de l’usage agricole. Le cahier des charges qu’elles demandent aux candidats repreneurs et l’étude qu’elles réalisent selon les priorités des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles contribuent également à cet objectif.

Par ailleurs, les collectivités qui possèdent des pouvoirs d’aliénation peuvent les exercer sur des baux emphytéotiques ou se prémunir contre des constructions illicites en zone naturelle ou agricole. Il convient de souligner que ce pouvoir a été renforcé par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

inquiétudes des jeunes agriculteurs

M. le président. La parole est à M. Alain Duffourg, auteur de la question n° 090, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

M. Alain Duffourg. Monsieur le ministre, je me permets de relayer aujourd’hui une demande formulée par le président des jeunes agriculteurs du département dont je suis élu, le Gers ; elle vaut d’ailleurs pour l’ensemble de la profession.

Comme vous le savez, une manifestation de grande ampleur a eu lieu au début de l’année 2024. Le gouvernement précédent s’était engagé à faire droit aux demandes légitimes de cette profession. Il n’en a rien été !

La situation de nos agriculteurs est très délicate. J’aimerais donc solliciter en leur nom des mesures qui pourraient, me semble-t-il, être prises d’urgence.

La première demande concerne le dégrèvement de la taxe foncière sur le foncier non bâti. La seconde porte sur l’indemnisation des planteurs de coriandre ; l’État s’y était engagé, mais les promesses n’ont pas été tenues, d’où une perte réelle pour la profession.

Vous le savez, dans le département du Gers, il y a deux filières importantes : l’élevage des palmipèdes à foie gras, d’une part, et la viticulture, d’autre part.

La première a été touchée par l’influenza aviaire. L’État s’était engagé en 2023-2024 à allouer une aide de 85 % à la suite des pertes de volatiles. Mais l’aide a été diminuée. Je demande donc au Gouvernement de bien vouloir rétablir les montants annoncés initialement.

La seconde a subi de nombreux aléas climatiques ces trois dernières années ; la grêle, le gel, le froid et la pluie ont entraîné une baisse du pouvoir d’achat des viticulteurs. À cela s’ajoute la surtaxe chinoise sur l’armagnac et les vins. Je souhaite que le Gouvernement agisse sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Duffourg, je voudrais tout d’abord vous remercier de votre engagement auprès des jeunes agriculteurs ; le Gouvernement, par la voix, notamment, de ma collègue Annie Genevard partage tout à fait votre préoccupation.

En réponse à la baisse des rendements agricoles due aux conditions climatiques, un soutien aux agriculteurs a été annoncé en août dernier, via un dégrèvement partiel de la taxe foncière sur le non-bâti. Le dispositif a prouvé son utilité. La procédure illustre la simplification attendue : aucune démarche du propriétaire ou de l’exploitant n’est requise.

Par ailleurs, les demandes d’aide à la conversion en agriculture biologique pour la coriandre ont connu une hausse importante en 2024, particulièrement en Occitanie.

Cette hausse est essentiellement liée au montant important de la prime associée à cette culture, sans lien avec une hausse de la demande de coriandre bio. Si la préfecture de région a appliqué un plafonnement à trois hectares sur les surfaces cultivées en coriandre, une exception a été apportée, afin de prendre en compte la situation des jeunes agriculteurs, pour lesquels le plafonnement a été rehaussé à neuf hectares.

Les résultats de la stratégie vaccinale contre l’influenza aviaire sont très satisfaisants. Le ministère de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt a donc reconduit la même stratégie qu’en 2023 depuis le 1er octobre 2024. Les modalités de financement du reste de la campagne pour 2025 sont en arbitrage.

Enfin, le cadre de l’assurance récolte sur la viticulture a, vous le savez, été réformé. Il repose sur un partage équitable du risque. Les aléas courants sont pris en charge par les agriculteurs. Les aléas significatifs sont pris en charge par l’assurance récolte pour les exploitants ayant fait le choix de s’assurer. L’indemnisation se déclenche alors au-delà de 20 % de pertes. Les primes d’assurance sont l’objet d’une subvention publique à hauteur de 70 %.

Enfin, les aléas catastrophiques sont pris en charge par l’État, via la solidarité nationale, pour tous les agriculteurs, assurés ou non.

modalités de subvention et d’indemnisation des viticulteurs souscrivant une assurance multirisque climatique et sanitaire

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, auteur de la question n° 114, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, permettez-moi de relayer une inquiétude majeure de nos viticulteurs, confrontés à des risques sanitaires et climatiques croissants, amplifiés par le changement climatique et par le recul de l’usage de produits phytosanitaires.

Depuis quelques années, la filière viticole fait face, en Gironde et dans toute la France, à des aléas tels que le gel, la grêle ou les maladies cryptogamiques comme le mildiou, l’oïdium ou encore le black-rot.

Ces maladies, qui sont aggravées par l’humidité et par les vagues de chaleur, s’installent désormais régulièrement dans nos vignes, rendant le travail de nos viticulteurs toujours plus difficile.

Aujourd’hui, il devient quasiment impossible de distinguer les dégâts liés au climat de ceux causés par les infections sanitaires.

Aussi, les viticulteurs qui prennent la précaution de souscrire à une assurance climatique avec complémentaire sanitaire sont, de manière incompréhensible, pénalisés à double titre. D’un côté, un abattement sanitaire est systématiquement appliqué par l’État et les assureurs sur les indemnisations climatiques ; de l’autre, leur couverture sanitaire n’ouvre droit ni à la subvention de la politique agricole commune (PAC) ni au fonds de solidarité nationale (FSN).

Monsieur le ministre, pourquoi cette injustice persistante ? Pourquoi la France ne reconnaît-elle pas la nécessité d’inclure l’aléa sanitaire dans les conditions de soutien de la PAC et du fonds de solidarité nationale, alors même que l’Union européenne l’autorise ?

Face à un futur dans lequel le climat et le sanitaire s’entremêleront encore davantage, je vous demande d’envisager une révision de la position de la France ou, du moins, une expérimentation dérogatoire pour les viticulteurs ayant souscrit une double assurance.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Gillé, les maladies que vous citez, en particulier le mildiou, sont des maladies courantes, contre lesquelles les agriculteurs disposent de moyens de lutte bien établis.

C’est pourquoi, en vertu de la réglementation européenne, les pertes sanitaires, quand bien même elles seraient amplifiées par les conditions climatiques, n’entrent pas en ligne de compte dans le dispositif assurantiel comme dans l’indemnisation de solidarité nationale.

Cependant, les aléas sanitaires plus atypiques sont pris en charge par le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), qui bénéficie de financements publics pour l’indemnisation des agriculteurs à hauteur de 65 %.

Si, pour les viticulteurs et agriculteurs qui souscrivent une double assurance climatique et sanitaire, les règles européennes excluent la possibilité d’ouvrir une expérimentation dérogatoire au plan stratégique national (PSN) de la France pour la PAC, le Gouvernement est pleinement mobilisé face à la multiplication des aléas.

La réforme de l’assurance récolte, mise en œuvre depuis 2023, a permis d’améliorer la prise en charge des aléas affectant les viticulteurs, qui peuvent tous bénéficier, désormais, de l’indemnisation de solidarité nationale.

L’État est également présent aux côtés des agriculteurs lors des crises. Au début de cette année, un fonds d’urgence de 80 millions d’euros a ainsi permis de soutenir les viticulteurs dont les revenus avaient le plus fortement baissé.

Par ailleurs, l’État accompagne les viticulteurs dans leur effort de réduction de l’usage des produits phytosanitaires en travaillant au développement de solutions permettant de protéger les cultures dans ce contexte d’adaptation.

Dans cette perspective, un appel à manifestation d’intérêt « prise de risque amont-aval et massification de pratiques (Praam) visant à réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques sur les exploitations agricoles » a été lancé en juillet dernier. Il prévoit de financer à hauteur de 90 millions d’euros des projets innovants de recherche et des solutions de substitution, notamment l’expérimentation de nouvelles formes de contractualisation couvrant la prise de risque liée au changement des pratiques.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.

M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, je vous demande d’examiner cette situation d’assez près. Il semble en effet que la France aborde cette question différemment des autres pays européens.

Mme la ministre de l’agriculture est en déplacement dans l’Aude. Vous le savez, la crise viticole que nous traversons, particulièrement en Gironde, est l’une des plus graves depuis la Seconde Guerre mondiale. Une réponse collective est donc vraiment nécessaire.

interdiction de la benfluraline

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la question n° 125, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre, hasard du calendrier, le 14 février dernier, j’exprimais dans cet hémicycle tout mon amour et tout mon attachement aux filières de l’endive et de la chicorée.

Le règlement d’exécution 2023/149 de la Commission européenne du 20 janvier 2023 ne renouvelle pas les produits à base de benfluraline, dont le Bonalan, qui est utilisé par ces filières pour lutter notamment contre les chénopodes. Les autorisations de mise sur le marché ont donc été retirées et l’utilisation des stocks n’est plus permise.

Aucune solution de substitution n’a cependant été trouvée pour permettre aux producteurs de maintenir leur activité, si ce n’est un désherbage manuel, extrêmement coûteux en main-d’œuvre.

La filière de la chicorée et la filière endivière font partie intégrante du patrimoine des Hauts-de-France, en particulier du département du Nord. La maîtrise des cultures est assurée par une filière structurée et implantée majoritairement dans les plaines de Flandre.

Les étapes de la transformation de la plante sont assurées par plus de 200 planteurs, sécheurs et torréfacteurs, au moyen d’une technologie spécialisée et performante, qui garantit des produits sains et de qualité.

Ces filières assurent à elles seules la quasi-totalité de la production nationale et près d’un quart de la production mondiale. Elles sont donc source d’exportations pour la France. Pourtant, leur avenir est très incertain.

Les professionnels sont bien conscients qu’il n’est plus possible aujourd’hui d’autoriser le Bonalan, eu égard à son impact négatif pour notre planète ; ils ne le demandent d’ailleurs plus vraiment. Toutefois, monsieur le ministre, nous partageons tous le même mantra : « Pas d’interdiction sans solution ! »

Nous risquons aujourd’hui de voir s’éteindre cette filière historique et traditionnelle française et d’assister à l’arrivée massive d’une chicorée indienne qui est à mille lieues de nos normes et exigences environnementales.

Lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, votre prédécesseur avait affirmé que des travaux étaient lancés au sein de la direction générale de l’alimentation, pour identifier les solutions de substitution possibles parmi les herbicides autorisés. Il avait évoqué la mise en œuvre d’expérimentations dès cette année, afin de dégager de nouvelles pistes pour 2025.

Où en est-on, monsieur le ministre ? Quel accompagnement proposez-vous à ces filières dans l’attente de ces produits phytosanitaires ? Et en cas d’échec, quels seraient les recours ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice Lermytte, la demande de renouvellement de l’approbation européenne pour la benfluraline a fait l’objet d’une évaluation scientifique par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), qui a conclu, en 2019, que la substance ne répondait pas aux critères d’approbation de la réglementation actuelle.

La France a alors mandaté l’AESA pour évaluer l’effet de diverses méthodes d’atténuation des risques, qui permettraient de maintenir l’approbation.

En 2022, l’AESA a toutefois maintenu ses conclusions, ce qui a conduit la Commission européenne à ne pas renouveler l’approbation de la benfluraline.

À la demande de la France, le délai de grâce maximal pour la distribution et l’utilisation des stocks de produits a été porté à quinze mois. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a retiré les autorisations de mise sur le marché et permis l’utilisation des stocks jusqu’au 12 mai 2024. Cette période a été finalement prolongée d’un mois, compte tenu des pluies exceptionnelles qui ont retardé les semis en 2024.

La filière a été tenue régulièrement informée de l’avancée des travaux européens et des initiatives prises par la France pour conserver un usage sûr.

Afin d’anticiper la préparation au retrait de la benfluraline, une dérogation a été octroyée en avril 2024 pour expérimenter l’efficacité et la sélectivité d’une autre substance active, l’halauxifène-méthyl. En parallèle, une convention spécifique à hauteur de 100 000 euros a été signée avec l’Association des producteurs d’endives de France (Apef) pour la réalisation en 2024 et 2025 d’essais de désherbage avec des molécules de substitution.

Les résultats obtenus avec plusieurs produits montrent que la benfluraline est substituable dans des conditions techniques acceptables.

En 2025, il pourra être envisagé de reconduire les dérogations octroyées en 2024. Pour les perspectives moins immédiates, le désherbage des chicorées a été recensé parmi les usages prioritaires du plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes.

L’Apef a en outre déposé une lettre d’intention pour conduire un projet dans le cadre du Parsada (plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures).

agriculture en crise et retard dans la concrétisation des mesures annoncées

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, auteur de la question n° 144, adressée à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

M. Lucien Stanzione. En pleine crise agricole, la filière viticole du Sud-Est est plongée dans un profond désarroi.

Il y a peu, j’interpellais Mme la ministre de l’agriculture pour lui demander quels étaient son projet et son programme pour l’agriculture, particulièrement celle du sud de la France.

J’ai appris cette nuit que Mme la ministre était en déplacement dans l’Aude pour y faire de nouvelles annonces. Il était temps, car la colère de nos agriculteurs ne cesse, à juste titre, de monter !

J’apprends par ailleurs ce matin que de grandes surfaces vendent le litre de vin de côtes-du-rhône de qualité à 1,90 euro, alors que son coût de production est au moins 50 % plus élevé. Comment voulez-vous que les viticulteurs s’y retrouvent ?

Qu’en est-il du dispositif d’arrachage viticole dans le Sud-Est, ouvert le 15 octobre dernier ? Quand aura lieu sa mise en place concrète ? Pourquoi, en outre, n’est-il pas conditionné à des usages de diversification destinés à la production alimentaire humaine ?

Les remontées de terrain révèlent déjà que les structures viticoles les plus en difficulté risquent de devoir arracher la totalité de leurs vignes et qu’elles sont menacées de disparition. Dans ce contexte, l’enveloppe annoncée de 120 millions d’euros sera sûrement insuffisante.

Par ailleurs, la communication à propos du plan Agriculture climat Méditerranée, grâce auquel les agriculteurs pourront bénéficier, via un appel à projets, d’une aide globale de 30 millions d’euros, doit encore être renforcée.

Ce projet est en effet très largement méconnu dans le Sud-Est et dans la région Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur). Or ce plan est essentiel pour l’avenir de ces territoires particulièrement vulnérables face au changement climatique. Qu’en sera-t-il, monsieur le ministre ? Et quand ce plan sera-t-il mis en œuvre ?

Enfin, la question de l’eau est au cœur de l’agriculture de demain. Sans arbitrage de l’État, sans stratégie globale claire ni plan de financement, que sera l’agriculture méridionale de demain dans le cadre de projets d’irrigation, tel que le projet Hauts de Provence rhodanienne (HPR) ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du Premier ministre et du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Stanzione, le secteur agricole est en effet confronté depuis plusieurs années à diverses crises, climatiques, sanitaires ou économiques.

Pour accompagner les agriculteurs face à ces défis, l’État finance des plans d’investissement visant à adapter l’agriculture au changement climatique dans le cadre de France 2030 et de la planification écologique.

Il a également mis en place la réforme de l’assurance récolte pour accompagner économiquement les agriculteurs victimes de catastrophes climatiques.

Au-delà de ces mesures structurelles qui se traduisent dans divers plans sectoriels – plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, plan gouvernemental renforcé de reconquête de notre souveraineté sur l’élevage –, l’État met également en place dans des délais très rapides des dispositifs de soutien économique.

L’État soutient donc les agriculteurs et continuera à appuyer les filières en fonction des besoins. Les récentes annonces qui ont été faites aux éleveurs une nouvelle fois victimes de maladies vectorielles en sont une illustration.

En ce qui concerne les filières que vous citez, 3,6 millions d’euros ont bénéficié aux producteurs de cerises au titre de l’aide exceptionnelle mise en place en 2023. La filière a également bénéficié d’un guichet dédié permettant de financer des agroéquipements spécifiques pour accompagner la lutte contre les ravageurs et les conséquences du changement climatique.

Enfin, la filière lavandicole bénéficie d’un accompagnement important : un dispositif d’assistance technique doté de 1,1 million d’euros et géré par FranceAgriMer sera notamment lancé prochainement à la suite de l’avis favorable du comité spécialisé.

Nous pouvons nous en féliciter, car cette coconstruction entre l’État et la filière a permis de définir, en complément de mesures d’urgence, des actions structurelles dont la filière avait besoin.

Vous pouvez compter sur la ministre de l’agriculture – elle s’y est engagée – pour apporter des réponses rapides face aux situations urgentes que vivent nos agriculteurs.

situation des futurs propriétaires de maison individuelle face aux faillites de constructeurs et à l’obligation légale de garantie des chantiers

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, auteur de la question n° 094, adressée à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

M. Jean Hingray. Madame la ministre, entre janvier et mars 2024, pas moins de 284 entreprises spécialisées dans la construction de maisons individuelles ont décidé de faire la danse de la faillite. Hélas ! ce véritable ballet de faillites ne se déroule pas sur une scène de théâtre, mais bien dans nos communes !

De futurs propriétaires, armés de rêves et de plans, se retrouvent face à un grand vide, comme des marins perdus en mer, scrutant désespérément l’horizon dans l’espoir d’y apercevoir un phare.

Les chantiers sont à l’arrêt, les maisons dans les cartons. Et pendant que les constructeurs voient leurs commandes s’évaporer – la faute à des taux d’intérêt qui jouent les trouble-fête –, nos concitoyens se voient exclus de la fête de l’accession à la propriété. C’est comme dans un bal où seuls les plus riches sont invités, tandis que les autres regardent par la fenêtre, l’air désemparé.

Et que dire de cette obligation légale de trouver un assureur ? Avec la fragilité des constructeurs, ces garants jugent le risque trop élevé et ferment la porte au nez des chantiers.

Résultat, les nouvelles constructions restent bloquées comme un vieux moteur qu’on ne pourrait redémarrer.

Ainsi, se crée un cercle vicieux, où chaque tentative entraîne davantage de difficultés : moins d’acheteurs, moins de chantiers, moins de garanties, et hop, on tourne en rond !

Permettez-moi, madame la ministre, de conclure par une touche de poésie. Aragon disait : « Je réclame le droit de rêver au tournant. » Eh bien, adaptons cette demande à notre réalité : « Je réclame le droit de rêver en construisant une jolie maison dans notre bourgade, le droit de m’émouvoir de son charme scintillant sans craindre une dérobade ! »

Madame la ministre, il est grand temps de redonner le droit de rêver aux Français, et cela commence par débloquer la situation. Que comptez-vous faire pour y parvenir ? (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur Hingray, la garantie obligatoire que vous évoquez assure au ménage, en cas de défaillance du constructeur, la livraison de sa maison à coûts et délais garantis.

Pour les entreprises de la construction, il s’agit d’une difficulté supplémentaire dans un contexte général indéniablement déjà très tendu, qui conduit certaines d’entre elles, en effet, à des situations irrémédiables.

S’il paraît délicat de revenir sur l’assurance liée au contrat de construction de maison individuelle – nous ne saurions faire l’économie de cette protection des acquéreurs sans risquer de les plonger dans la précarité –, rien ne nous empêche de travailler à la simplification des démarches et des contrats. Ces derniers doivent être moins rigides, pour être mieux assurables.

C’est une question qui nous préoccupe ; nous nous sommes engagés et avons déjà commencé à travailler sur ce dossier.

Alors que le budget du logement sera prochainement élaboré au travers du débat parlementaire, le Premier ministre a déjà annoncé une piste de progrès, en proposant l’élargissement du prêt à taux zéro. Cette mesure, qui favorise l’investissement et la primo-accession à un logement neuf individuel ou collectif, est une première étape dans la dynamique d’accompagnement des entreprises et des ménages sur l’ensemble du territoire.

Nous comptons sur le Sénat pour coconstruire avec le Gouvernement des solutions complémentaires, notamment en matière de soutien des investisseurs privés, par exemple pour prendre le relais du dispositif Pinel ou pour accompagner les bailleurs sociaux dans la production de logements.

Tous ces éléments, ajoutés à la baisse du taux du livret A et à celle des taux de crédit, sont des leviers à activer pour relancer la dynamique des constructions et sortir de cette période difficile.

Les solutions existent. Nous nous battrons pour les trouver et pour les mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.

M. Jean Hingray. Je vous remercie, madame la ministre, chère Valérie Létard. Vous êtes une spécialiste de ces questions et votre nomination à ce poste n’a rien d’étonnant. Vous pouvez compter sur l’implication du groupe Union Centriste du Sénat pour soutenir votre action.

L’élargissement du prêt à taux zéro est une très bonne nouvelle. Cette mesure protège les personnes les plus précaires, notamment, en leur permettant de faire construire. Elle fera aussi vivre nos territoires, particulièrement ruraux, auxquels nous tenons particulièrement.

difficultés découlant de la mise en place du nouveau diagnostic de performance énergétique (dpe)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 166, adressée à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, chère Valérie Létard, le droit en vigueur prévoit que, à compter de 2025, tous les biens classés G au titre du DPE seront considérés comme indécents, donc interdits à la location. Il en va de même des logements classés F, dès 2028, et des logements classés E, dès 2034. Ces obligations s’appliqueront également – nous le savons depuis peu – aux meublés de tourisme.

Sans remettre en cause la nécessité d’une décarbonation de nos politiques publiques, ce DPE pose plusieurs difficultés.

Tout d’abord, les délais prévus se révèlent bien trop restreints au vu du temps de travaux nécessaire pour la mise en conformité des logements concernés.

Ensuite, les calculs ne sont pas fiables, compte tenu de la diversité des situations, sans parler de la formation – hélas ! souvent défaillante – de certains professionnels. Par exemple, pour un même logement, il est tenu compte de l’altitude. Aussi, une différence de deux classes a pu être constatée pour deux biens identiques, situés l’un sur le littoral niçois, l’autre dans le bassin gapençais, dans les Hautes-Alpes !

Un « marché gris » pourrait se développer et rendre de fait inopérante et force la loi. Madame la ministre, quelles mesures d’adaptation et de différenciation comptez-vous prendre pour rendre ce DPE plus fiable et réellement applicable dans nos territoires ?

Par ailleurs, j’ai constaté que, depuis quelques années, des entreprises proposaient des services de sous-location et de conciergerie aux propriétaires de biens immobiliers.

En contrepartie d’un loyer mensuel assuré et stable, ces entreprises réalisent des prestations de sous-location de courte ou moyenne durée. Souvent proposées via des plateformes en ligne, ces offres s’adressent en majorité à une clientèle touristique.

Alors que la France pâtit d’un manque drastique de logements, ce nouveau procédé de sous-location ne fait qu’accentuer le déséquilibre entre l’offre et la demande. Il a également des impacts fiscaux non négligeables.

Nous assistons ainsi à une forme d’ubérisation du patrimoine des propriétaires, en tout cas de certains d’entre eux, qui renforce les difficultés du marché de la location.

Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour réguler ces pratiques ? (M. Jean Hingray applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur, cher Jean-Michel Arnaud, vous m’interrogez sur l’une des traductions de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, qui introduit un critère de décence énergétique visant à protéger les millions de Français locataires de passoires énergétiques.

Ce critère s’applique aux contrats de location conclus, renouvelés ou tacitement reconduits depuis la promulgation de la loi et s’étale donc dans le temps au fur et à mesure de la reconduction des baux.

Dans la très grande majorité des cas, des travaux simples et soutenus par l’État au moyen du dispositif MaPrimeRénov’ permettent de sortir les logements des classes G et F, qui sont concernées par les échéances de 2025 et 2028.

En ce qui concerne les logements de petite surface, l’arrêté du 25 mars 2024 a modifié les seuils des étiquettes du DPE pour les logements dont la surface de référence est de moins de 40 mètres carrés. Il s’agit d’un ajustement de bon sens, dans lequel mon collègue Guillaume Kasbarian, ici présent, a pris toute sa part.

Le Gouvernement travaille par ailleurs à l’adaptation des règles relatives aux copropriétés qui seraient confrontées à des difficultés spécifiques liées aux processus de décision et aux délais des travaux.

Sur l’initiative des députés Bastien Marchive et Inaki Echaniz, une proposition de loi transpartisane sur ce sujet sera discutée dès le mois de décembre prochain à l’Assemblée nationale. Nous espérons que le Sénat pourra s’en saisir dès le mois de janvier 2025.

Vous m’interrogez par ailleurs sur la prise en compte du climat dans les calculs. En effet, le système de chauffage d’un logement situé dans une zone plus froide est plus énergivore que celui d’un logement qui présenterait des performances similaires en termes d’isolation, mais qui serait situé dans une zone plus chaude. C’est le cas entre le littoral niçois et le bassin gapençais ; les consommations calculées seront plus élevées dans le premier que dans le second.

S’il n’est pas question pour le Gouvernement de remettre en cause la loi Climat et Résilience, nous tâchons d’accompagner sa mise en œuvre de la manière la plus pragmatique possible.

La proposition de loi que j’ai évoquée permettra d’apporter les ajustements manquants, sans remettre en question toute la mécanique des étiquettes et du calendrier. Il est possible selon moi d’apporter au DPE les éléments de souplesse utiles et nécessaires.

Enfin, je ne saurai vous donner une réponse précise à ce stade sur la question de la sous-location. Soyez assuré néanmoins que nous nous pencherons avec attention sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre, ainsi que de votre souci d’adapter les critères du DPE, notamment aux zones de montagne, où un véritable problème se pose. Dans les Hautes-Alpes, le pourcentage de résidences secondaires est très élevé et l’accès au logement permanent difficile.

L’assouplissement que vous proposez et qui sera mis en œuvre au travers de la proposition de loi que vous évoquez va donc dans le bon sens.

Je salue également le travail réalisé sur les copropriétés. Cette question est une véritable bombe à retardement ; elle menace d’exploser non seulement dans mon département, mais partout en France.

pénurie de logements à paris et dans les grandes villes françaises

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, auteur de la question n° 123, adressée à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, les chiffres du mal-logement sont malheureusement connus : 735 morts de la rue en 2023, quelque 2 000 enfants qui dorment dehors tous les soirs faute d’hébergement selon l’Unicef, et 2,7 millions de demandeurs de logement social, qui attendent parfois jusqu’à dix ans sans trouver de solution.

Pour remédier à cette crise sans précédent, il faut à l’évidence agir sur deux leviers.

Le premier est la construction de logements neufs. Jamais malheureusement, depuis vingt-quatre ans, nous n’aurons construit aussi peu de logements que cette année, selon les chiffres de votre propre ministère !

Le second levier est la meilleure utilisation des logements existants Il faut faire en sorte que les logements qui ont déjà été construits servent à loger effectivement des habitants.

Or nous constatons, en particulier dans nos grandes métropoles – les plus attractives et les plus touristiques –, un développement du nombre de logements vacants. Il s’agit soit d’habitations totalement inoccupées, soit de résidences secondaires, occupées une partie de l’année seulement.

Dans une ville comme Paris, 20 % des logements, soit un sur cinq, appartiennent ainsi à l’une de ces deux catégories. À Nice, ce pourcentage atteint 28 %.

Madame la ministre, ma question est simple : quels nouveaux outils, notamment fiscaux, envisagez-vous pour créer une incitation à occuper ces habitations comme des logements à l’année, et non plus comme des résidences secondaires ? Il existe déjà la taxe sur les résidences secondaires. Comptez-vous donner aux villes la possibilité de la rehausser ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur Ian Brossat, vous avez rappelé les chiffres, et nous ne pouvons que souscrire à la nécessité de relancer la production d’hébergements d’urgence.

La situation actuelle est aussi une conséquence du niveau des taux d’emprunt immobilier, qui ont particulièrement augmenté ces deux dernières années.

Or une conjoncture plus favorable s’amorce, avec des taux de crédit qui repartent à la baisse et une diminution du taux du livret A dès février 2025, sur laquelle nous nous mobilisons, mais aussi des initiatives comme l’élargissement du prêt à taux zéro.

Nous nous intéressons bien évidemment à la situation du parc du logement social, ainsi qu’à des initiatives pour soutenir si nécessaire les opérateurs et les investisseurs privés.

La taxe sur les logements vacants a été renforcée de manière substantielle à compter de 2023. Le nombre de communes du périmètre a été significativement augmenté, de 1 140 communes à 3 697 communes en 2024, et le taux a été relevé de manière substantielle.

En outre, les communes appartenant au périmètre géographique de la taxe sur les logements vacants peuvent moduler de +5 % à +60 % la cotisation de la taxe d’habitation due au titre des logements meublés non affectés à l’habitation principale.

Il n’est pas prévu pour le moment de revenir sur ces dernières évolutions, qui sont encore trop récentes pour être évaluées.

À Paris, la part des logements du parc privé qui restent vacants au-delà de deux ans, c’est-à-dire confrontés à une vacance structurelle, est relativement faible. Elle s’établit à 1,9 % en 2023, ce qui représente 21 500 logements.

Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ont pu entraîner une distorsion des chiffres : certaines remises en location ont pu être reportées au mois de septembre, tandis que des logements ont été mis en location de courte durée pendant l’été.

Nous étudierons avec attention les données au 1er janvier 2025, afin d’évaluer la situation. À cet égard, j’ai demandé à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) d’examiner très finement le cas particulier de Paris.

Je souhaite que la mobilisation du parc vacant soit avant tout poussée par nos mesures incitatives, comme le dispositif Loc’Avantages, que nous souhaitons continuer à encourager.

Le dispositif Zéro logement vacant permet quant à lui d’identifier les propriétaires de logements vacants, d’entrer en contact avec eux et de les informer sur les incitations à la remise sur le marché.

Cet outil est utilisé à Paris depuis mars 2023, et nous ne pouvons que le saluer. La Mairie de Paris a notamment lancé trois campagnes ciblées « Louez solidaire » en octobre 2023 visant près de 570 logements vacants.

Nous devons continuer dans cette direction et travailler naturellement en bonne intelligence avec le territoire pour trouver des solutions, les évaluer au fil de l’eau et adapter nos dispositifs à la réalité que nous constaterons.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Je vous remercie, madame la ministre. Nous formulerons évidemment des propositions visant à taxer plus lourdement les résidences secondaires.

En effet, leur nombre augmente très fortement – 7 000 de plus en moyenne par an à Paris – et ce sont, de fait, des logements qui n’accueillent pas des habitants à l’année.

réduction des surcoûts sur les carburants fournis par la sara aux antilles et en guyane

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 075, adressée à M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, le prix des carburants en Guyane participe à la cherté de la vie et mobilise régulièrement élus et population en raison des niveaux records atteints.

Par exemple, le sans-plomb est actuellement vendu à 1,90 euro par litre, quand il coûte 1,72 euro dans l’Hexagone. Plus grave, nos voisins immédiats du Suriname, du Guyana et du Brésil le payent entre 94 centimes et 1,10 euro – moitié moins cher !

Ce constat posé, il faut réagir, et des solutions existent. Selon le rapport de l’inspection générale des finances (IGF) de 2022, le marché des carburants aux Antilles et en Guyane est non pas un système de prix administrés, mais un triple monopole au bénéfice d’une entreprise, la Sara (Société anonyme de la raffinerie des Antilles). Celle-ci détient un monopole sur l’importation des produits pétroliers, ainsi que sur le raffinage et le stockage.

Selon ce même rapport, l’arrêt de l’activité de raffinage serait la seule solution pour permettre une baisse significative des prix, de l’ordre de 14 centimes d’euro à 18 centimes d’euro.

Monsieur le ministre, qu’en est-il de cette proposition et de toutes les autres qui sont contenues dans ce rapport ? Quelle est la légitimité d’un système dans lequel l’État garantit 23 millions d’euros de rémunération à l’actionnaire de la Sara, tout en acceptant des prix élevés pour le consommateur ?

Enfin, ce gain de 14 centimes à 18 centimes laisserait la Guyane encore loin des prix pratiqués par ses voisins, en particulier sur le plateau des Guyanes. Tous sont producteurs de pétrole.

N’y a-t-il pas là une double peine pour la Guyane ? Elle ne peut importer à moindre coût les carburants de ses voisins et doit le faire depuis l’Europe. Il lui est également interdit d’exploiter le pétrole présent dans son sous-sol au titre de la loi Hulot, alors même que ce texte n’a pas interdit de nouveaux forages en Gironde en 2023 et que l’Europe achète la moitié de la production pétrolière du Guyana…

Monsieur le ministre, n’est-il pas temps de mettre fin à cette hypocrisie et d’abroger la loi Hulot pour la Guyane ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous le savez, le Gouvernement suit très attentivement la question du prix des carburants et du gaz, en Guadeloupe et en Martinique comme en Guyane. Cette question s’inscrit dans la problématique plus large du coût de la vie dans nos outre-mer, pour laquelle nous sommes pleinement mobilisés.

Le rapport de 2022 de l’IGF, qui a été rendu public, confirme la nécessité d’une réglementation des prix des carburants au regard de l’étroitesse des marchés locaux. Si ces prix réglementés sont aujourd’hui proches de ceux qui sont constatés dans l’Hexagone, des marges de progrès importantes ont été mises en exergue, à la fois aux Antilles et en Guyane.

L’IGF a ainsi établi des pistes de travail destinées à favoriser une meilleure transparence dans la définition de ces prix. C’est ce que je souhaite également faire sur la question de la vie chère – nous en avons déjà parlé ensemble il y a quelques semaines.

Elle a également préconisé de réexaminer plusieurs éléments de calcul des prix des carburants, du fonctionnement et donc de la rémunération de la Sara. C’est pourquoi une réforme de la régulation des prix et du système de distribution a été actée au moment du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de 2023. Les choses sont donc claires sur le principe.

Des pistes de réforme sont actuellement à l’étude, afin d’assurer un prix juste au consommateur dans un contexte de développement durable des territoires. Il faut mettre en application ce qui a été décidé à l’occasion de ce Ciom, et nous devons aller vite. D’ailleurs, une nouvelle réunion du Ciom est prévue pour le premier trimestre 2025.

S’agissant des dispositions de la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche, ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures, et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement, dite loi Hulot, il faut noter qu’elle a été confirmée par la France et jamais remise en cause.

Pour autant, ce serait mentir de vous dire que, à titre personnel, je ne me pose pas de questions. En effet, force est de constater que des pays proches de la Guyane exploitent leurs ressources en hydrocarbures et que des entreprises françaises sont engagées dans ces projets. Cela pose naturellement une question de fond, mais, en l’état du droit, de tels projets restent interdits.

La problématique de l’approvisionnement de la Guyane en carburant est bien prise en compte par le Gouvernement, et je veillerai avec un soin particulier à ce que les associations d’élus de Guyane et des Antilles participent aux discussions qui vont s’ouvrir.

Vous avez raison, nous devons avancer sur ces questions de fond, partout outre-mer, en faisant la transparence sur les modalités de calcul des prix et en les remettant à plat.

absentéisme des agents de la ville de paris

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, auteure de la question n° 161, adressée à M. le ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique.

Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, nos services publics sont malades. L’un des symptômes de cette maladie est l’absentéisme des fonctionnaires, qui sont absents 14,5 jours en moyenne, contre 11,5 jours dans le secteur privé. Cette inégalité s’inscrit dans un contexte – faut-il le rappeler ? – d’urgence budgétaire.

Un fonctionnaire absent, c’est la double peine pour les Français.

D’un côté, on recrute de nouveaux fonctionnaires : je rappelle que plus d’un million d’agents ont été recrutés entre l’an 2000 et aujourd’hui. Et pour quels résultats, alors que 51 % des Français disent ne pas être satisfaits de leurs services publics, selon une étude de l’Ifop, sinon, d’offrir un prétexte à certains, dont le génie et la créativité fiscale sont sans limites, pour augmenter les impôts ?

De l’autre côté, les Français subissent la désorganisation des services publics, dès lors qu’un fonctionnaire est absent. C’est souvent un collègue qui doit assumer une charge de travail supplémentaire, entraînant des rendez-vous non honorés, des délais de traitement qui augmentent et des dossiers qui s’accumulent.

Comment voulez-vous que nos services publics fonctionnent efficacement lorsque le cumul des absences des fonctionnaires équivaut à 300 000 équivalents temps plein (ETP), soit plus de la totalité des effectifs des ministères de la justice et de l’intérieur ?

Il est important de rappeler que ce ne sont pas les fonctionnaires qui sont en cause, mais les gestionnaires. Paris en est le symbole ! La Ville de Paris emploie plus de personnes que toutes les institutions européennes ou que toutes les préfectures de France.

Le taux d’absentéisme des fonctionnaires de la Ville de Paris atteint 10 %, soit le double de celui des salariés du privé, pour un coût annuel de 250 millions d’euros. Avec Mme Hidalgo, nous vivons en Absurdistan, avec une ligne directrice : l’explosion des impôts, mais des services publics dégradés pour les Parisiens ; d’où l’exode de milliers de familles chaque année.

Il est évidemment possible de guérir de cette addiction. Vos premières propositions, monsieur le ministre, sur l’augmentation du nombre des jours de carence, qui passeraient d’un à trois, vont dans le bon sens. Nous espérons que vous aurez le courage politique de passer à l’acte.

Alors que, selon l’inspection générale des affaires sociales (Igas), 40 % des absences sont de courte durée, ce qui est révélateur d’un mal-être, comment réussirez-vous à réduire cet absentéisme de courte durée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de laction publique. Madame la sénatrice, je partage votre constat sur l’absentéisme dans la fonction publique, et le Gouvernement souhaite y remédier. C’est l’objet du plan de lutte contre l’absentéisme que j’ai présenté la semaine dernière.

Vous l’avez dit, les chiffres sont éloquents. Le nombre de jours d’absence pour arrêt maladie a augmenté de 80 % en dix ans, ce qui pose un vrai problème. Nous en sommes aujourd’hui à 77 millions de jours d’absence dans la fonction publique, soit un coût de 15 milliards d’euros par an. Cela équivaut à un nombre d’ETP supérieur aux effectifs totaux de La Poste ou de la SNCF.

Vous l’avez dit, les premiers à souffrir de cette augmentation de l’absentéisme sont les agents eux-mêmes : ils doivent pallier ce phénomène et ils subissent la désorganisation du service et les contraintes qui lui sont liées.

Vous avez évoqué plus particulièrement la situation de la Ville de Paris. Nos chiffres sont comparables à ceux que vous venez de citer. Le taux d’absentéisme y est de 9,14 %, soit le double de celui du secteur privé. Le nombre de jours d’absence par agent et par an est assez évocateur : il s’élève à 11,6 dans le privé, à 14,5 pour la fonction publique dans son ensemble et à 39,6 pour la Ville de Paris, c’est-à-dire plus du double de celui de la fonction publique en général !

Notre plan s’articule autour de deux mesures de responsabilité et de trois mesures d’accompagnement. Et ne vous inquiétez pas, madame la sénatrice, j’aurai le courage d’aller au bout ! Le Sénat devra d’ailleurs se prononcer sur ces mesures à l’occasion de l’examen des textes financiers.

Les deux mesures de responsabilité sont : trois jours de carence plutôt qu’un seul ; une baisse de la prise en charge de 100 % à 90 % dans un esprit de rapprochement entre le public et le privé.

Ensuite, je discuterai de trois mesures d’accompagnement importantes avec les syndicats, que je recevrai dès jeudi après-midi : de meilleures conditions de travail – cela peut évidemment avoir un impact sur l’absentéisme ; moins de bureaucratie pour les agents, en essayant de leur faciliter la tâche, pour qu’ils puissent chaque matin être heureux d’aller au travail et se concentrer sur leur cœur de métier ; enfin, une meilleure protection fonctionnelle, par exemple pour faire face à des attaques ou agressions – cela peut aussi avoir un impact sur l’absentéisme.

Vous le voyez, madame la sénatrice, c’est un plan très complet, et je suis sûr que, tous ensemble, nous réussirons à mieux lutter contre l’absentéisme et à obtenir de meilleurs résultats pour nos services publics, nos agents et nos usagers.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Démission et remplacement d’un sénateur

M. le président. M. Éric Bocquet a fait connaître au président du Sénat qu’il démissionnait de son mandat de sénateur du Nord à compter du jeudi 31 octobre 2024 à minuit.

Par lettre en date du 30 octobre 2024, le ministère de l’intérieur a fait connaître au président du Sénat qu’en application de l’article L.O. 320 du code électoral M. Bocquet a été remplacé par M. Alexandre Basquin, dont le mandat a commencé le 1er novembre 2024 à zéro heure.

En votre nom à tous, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.

4

Prestation de serment d’un juge suppléant à la cour de justice de la république

M. le président. M. Teva Rohfritsch, élu juge suppléant à la Cour de justice de la République le 29 octobre dernier, va être appelé à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Je vais donner lecture de la formule du serment.

Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir vous lever à l’appel de votre nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure. »

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

(M. Teva Rohfritsch, juge suppléant, se lève et dit, en levant la main droite : « Je le jure. »)

M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui.

5

Candidatures à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances, ainsi qu’au sein de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
Article 1er

Repérage des troubles du neurodéveloppement

Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants (proposition n° 570 [2023-2024], texte de la commission, n° 97, rapport n° 96).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants

TITRE Ier

AMÉLIORER LES CONDITIONS DE SCOLARISATION

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
Article 1er bis

Article 1er

(Conforme)

I. – (Supprimé)

II. – Au plus tard à la rentrée scolaire 2027, sont créés :

1° Dans chaque circonscription académique de lHexagone et dans chaque académie doutre-mer, au moins un dispositif consacré à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves de lenseignement primaire présentant un trouble du neuro-développement, avec lappui des personnels des établissements et des services mentionnés au 2° du I de larticle L. 312-1 du code de laction sociale et des familles ;

2° Dans chaque département, au moins un dispositif consacré à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves de lenseignement secondaire présentant un tel trouble, avec lappui des mêmes personnels.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
Article 3 bis

Article 1er bis

(Conforme)

Le code de léducation est ainsi modifié :

1° Larticle L. 112-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le service public de léducation veille à ce quil existe dans chaque établissement un ou plusieurs relais ou référents pour laccueil des enfants présentant un trouble du neuro-développement, afin dassurer une meilleure inclusion en milieu ordinaire. » ;

2° La huitième ligne du tableau du second alinéa du I de larticle L. 165-1 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

«

L. 112-1, 1er, 2e et 5e alinéas

Résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019

L. 112-2

Résultant de la loi n° … du … visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants

»

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Article 1er bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
Article 4

Article 3 bis

(Conforme)

Dans les établissements et les services mentionnés aux articles L. 214-1 à L. 214-7, L. 227-1 à L. 227-12 et R. 227-1 à R. 227-30 du code de laction sociale et des familles, les personnels dencadrement, daccueil et de service et le personnel technique reçoivent, au cours de leur formation initiale et de leur formation continue, une formation spécifique concernant laccueil et le suivi des enfants et jeunes handicapés, notamment de ceux qui présentent un trouble du neuro-développement, et comportant une information sur le handicap défini à larticle L. 114 du même code.

Article 3 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
Article 5

Article 4

(Conforme)

I. – (Non modifié)

II. – Le cinquième alinéa du 2° du II de larticle 83 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les professionnels intervenant dans ce parcours sont informés des délais nécessaires à lexamen, par la commission mentionnée à larticle L. 146-9 du code de laction sociale et des familles, des mesures mentionnées au 1° du I de larticle L. 241-6 du même code. »

TITRE II

ÉTABLIR UN DIAGNOSTIC PRÉCOCE

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
Article 6

Article 5

(Conforme)

I. – (Supprimé)

II. – La seconde phrase du quatrième alinéa du 2° du II de larticle 83 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 est ainsi modifiée :

1° Les mots : « à larticle L. 2132-2 et » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 2132-2 et L. 2132-2-2, » ;

2° Sont ajoutés les mots : « ainsi que sur les éventuels examens complémentaires justifiés par la naissance prématurée de lenfant ou par tout autre facteur de risque ».

Article 5
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Article 6 bis

Article 6

(Conforme)

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de larticle L. 2132-1, les mots : « et L. 2132-2-1 » sont remplacés par les mots : « à L. 2132-2-2 » ;

2° Après larticle L. 2132-2-1, il est inséré un article L. 2132-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2132-2-2. – Lorsquils sont âgés de neuf mois puis dans lannée qui suit leur sixième anniversaire, les enfants sont obligatoirement soumis à un examen de repérage des troubles du neuro-développement, réalisé par un médecin dûment formé. Cette obligation est réputée remplie lorsque le médecin atteste de la réalisation de cet examen sur le carnet de santé mentionné à larticle L. 2132-1.

« Cet examen peut conduire le médecin mentionné au premier alinéa du présent article à orienter lenfant vers le parcours prévu à larticle L. 2135-1. Il est pris en charge dans les conditions prévues à larticle L. 162-1-12-1 A du code de la sécurité sociale.

« Les conventions mentionnées à larticle L. 162-5 du même code déterminent, pour les professionnels de santé concernés, la nature, les modalités et les conditions de mise en œuvre de cet examen. Celles-ci concernent notamment linformation des personnes concernées, le contenu des examens, le suivi des personnes et la transmission des informations nécessaires à lévaluation du programme de prévention, dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à linformatique, aux fichiers et aux libertés. À défaut daccord sur la nature, les modalités et les conditions de mise en œuvre de ces examens et sur la prise en charge des soins consécutifs à ces examens, elles sont définies par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. »

II. – Le titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après le 6° de larticle L. 160-8, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :

« 6° bis La couverture des frais relatifs aux examens de repérage des troubles du neuro-développement mentionnés à larticle L. 2132-2-2 du même code ; »

1° bis Le 25° de larticle L. 160-14 est complété par les mots : « , et pour les frais liés aux examens prévus à larticle L. 2132-2-2 du code de la santé publique » ;

2° Après larticle L. 162-1-12, il est inséré un article L. 162-1-12-1 A ainsi rédigé :

« Art. L. 162-1-12-1 A. – Les examens de repérage des troubles du neuro-développement prévus à larticle L. 2132-2-2 du code de la santé publique sont pris en charge en totalité par les régimes obligatoires de lassurance maladie et maternité et les bénéficiaires de ces actes sont dispensés de lavance des frais. »

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
Article 7

Article 6 bis

(Conforme)

Après le 4° du II de larticle L. 214-1-1 du code de laction sociale et des familles, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis Contribuent au repérage précoce des troubles du neuro-développement et favorisent le suivi et laccompagnement des enfants concernés ; ».

TITRE III

SOUTENIR LES AIDANTS

Article 6 bis
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 7

(Conforme)

I. – La section 5 bis du chapitre III du titre Ier du livre III du code de laction sociale et des familles est complétée par un article L. 313-23-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-23-5. – I. – Sous réserve de laccord préalable de lautorité compétente mentionnée à larticle L. 313-3, les établissements et les services mentionnés aux 2°, 6°, 7°, 11° et 12° du I de larticle L. 312-1 peuvent, lorsquils recourent à leurs salariés volontaires afin deffectuer des prestations de suppléance à domicile du proche aidant dune personne nécessitant une surveillance permanente ou lorsquils réalisent ces prestations en dehors du domicile dans le cadre de séjours dits de répit aidants-aidés, déroger aux dispositions et aux stipulations mentionnées au II du présent article, sous réserve du respect du III.

« II. – Les salariés des établissements et des services mentionnés au I ne sont soumis ni aux articles L. 3121-16 à L. 3121-26, L. 3122-6, L. 3122-7, L. 3122-17, L. 3122-18, L. 3122-24 et L. 3131-1 à L. 3131-3 du code du travail, ni aux stipulations relatives aux temps de pause, aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail de nuit et à la durée minimale de repos quotidien prévues par les conventions et par les accords collectifs applicables aux établissements et aux services qui emploient lesdits salariés.

« III. – La durée dune intervention au domicile dune personne, ou en dehors du domicile dans le cadre des séjours dits de répit aidants-aidés mentionnés au I du présent article, ne peut excéder six jours consécutifs.

« Le nombre de journées dintervention au cours dune période de douze mois consécutifs ne peut excéder, pour chaque salarié, quatre-vingt-quatorze.

« Le nombre dheures accomplies par un salarié pour le compte des établissements ou des services mentionnés aux 2°, 6°, 7°, 11° et 12° du I de larticle L. 312-1 ne peut excéder, pour une période de quatre mois consécutifs, une moyenne de quarante-huit heures par semaine. Lensemble des heures de présence au domicile ou dans létablissement, ou sur le lieu de vacances lorsquil sagit des séjours dits de répit aidants-aidés mentionnés au I du présent article, est pris en compte.

« Les salariés bénéficient, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, dune période minimale de repos de onze heures consécutives et, au terme de chaque séquence de six heures de travail, dune pause de vingt minutes consécutives. Cette période de repos et ce temps de pause peuvent être supprimés ou réduits.

« Lintervention prévue au premier alinéa du présent III ouvre droit à un repos compensateur équivalent aux périodes de repos et de pause dont les salariés nont pu bénéficier, qui peut être accordé en partie pendant lintervention.

« Un décret définit les conditions dans lesquelles létablissement ou le service employant le salarié sassure de leffectivité du repos compensateur lorsque celui-ci est accordé pendant lintervention.

« IV. – (Supprimé)

« IV bis. – Un accord de branche peut :

« 1° Fixer un nombre maximal de jours consécutifs dintervention inférieur au nombre fixé au premier alinéa du III ;

« 2° Fixer un nombre maximal de journées dintervention sur une période de douze mois consécutifs inférieur au plafond mentionné au deuxième alinéa du même III ;

« 3° (Supprimé)

« V. – Les conditions dapplication du présent article sont fixées par décret. Celui-ci détermine notamment les critères déligibilité aux prestations prévues au I. »

II. – Sont abrogés :

1° Larticle 53 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service dune société de confiance ;

1° bis Larticle 2 de la loi n° 2019-485 du 22 mai 2019 visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants ;

2° Larticle 55 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2025.

Vote sur l’ensemble

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis à la rapporteure de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe, pendant cinq minutes.

La parole est à M. le ministre.

M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de lautonomie et de légalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants me tient particulièrement à cœur.

J’en étais le rapporteur à l’Assemblée nationale et, à ce titre, j’ai suivi la semaine dernière le travail de la commission des affaires sociales.

Tout d’abord, je voudrais avoir un mot pour la sénatrice Jocelyne Guidez. C’est la troisième fois, madame la sénatrice, qu’un texte nous réunit de manière conclusive et positive ! (Sourires.) Trois fois que les textes qui nous réunissent sont adoptés à l’unanimité des deux chambres, indépendamment des clivages politiques.

Le présent texte réunit aussi la conscience et l’énergie de toute une société en direction des personnes en situation de handicap et de leurs aidants.

Cela fait maintenant trente ans que je travaille dans le domaine des solidarités et je veux profiter de ces quelques mots pour saluer avec vous cette claire accélération en faveur des droits des personnes concernées. Nous en sommes les acteurs, et nous pouvons en être fiers.

Je veux saluer la rigueur et le sérieux du travail mené par les commissions des deux chambres.

L’Assemblée nationale a gardé l’essentiel du texte tel que vous l’aviez adopté en janvier dernier, ce qui montre notre harmonie de vue, d’objectifs et de méthode. Ensemble, nous avons dégagé de nouvelles mesures concrètes pour faire appliquer les principes de la loi de 2005, dont nous fêterons les vingt ans l’an prochain.

Dans le cas des personnes ayant un trouble du neurodéveloppement, on sait le retard de la France et les mesures lancées en 2018 pour le rattraper.

À travers ce texte, nous prenons nos responsabilités : pour que le repérage précoce soit garanti dans un examen médical dès les neuf mois de l’enfant, comme il est préconisé par les médecins, notamment les pédiatres ; pour que la scolarisation des enfants et des jeunes ayant un trouble du neurodéveloppement en milieu ordinaire progresse et qu’ils soient mieux accompagnés ; enfin, pour protéger et garantir le droit des aidants à des temps de répit.

En tant que ministre aujourd’hui, je veux aussi souligner la complémentarité de ce texte avec les mesures de la Conférence nationale du handicap, avec la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement et avec la stratégie nationale pour les aidants.

Le dispositif de relayage de longue durée, qui est en expérimentation depuis 2019 et qui a été prolongé à plusieurs reprises, a démontré son impact positif auprès des personnes concernées, de leurs proches aidants et des salariés des établissements mobilisés.

Aujourd’hui, il nous reste un travail à faire au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la bonne continuité des dispositifs entre le prolongement de l’expérimentation et sa pérennisation.

Vous pouvez être assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suivrai cette étape de près. Il est désormais temps de mieux entendre et écouter les besoins des 11 millions d’aidants – ce sont souvent des femmes – que compte notre pays.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous renouvelle mes remerciements pour votre confiance sur ce texte. Je suis très heureux de le voir aboutir en quelques mois et après l’engagement intense de chacun de nous. Il constitue un progrès social indéniable.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Anne-Sophie Romagny, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité des suffrages exprimés, le 2 mai dernier, la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement (TND) et à favoriser le répit des proches aidants, dont les trois premiers signataires sont nos collègues Jocelyne Guidez, Laurent Burgoa et Corinne Féret.

Ce texte est très attendu des familles, tant pour favoriser la prise en charge rapide des enfants concernés que pour fluidifier leur parcours en milieu scolaire et extrascolaire. Plusieurs dispositions faciliteront également le relayage des proches aidants.

À ce stade de la navette, huit articles demeurent en discussion, dont trois articles additionnels insérés par l’Assemblée nationale.

Attardons-nous, tout d’abord, sur les dispositions visant à améliorer les conditions de scolarisation des élèves présentant un TND. Celles-ci doivent permettre de garantir à tous ces élèves l’accès à un parcours scolaire aussi ordinaire que possible et à proximité de leur domicile.

L’article 1er, qui vise la création de dispositifs dédiés à leur scolarisation en milieu ordinaire dans chaque circonscription académique hexagonale et académie d’outre-mer d’ici à 2027, est à cet égard particulièrement important. Les députés ont largement soutenu ces dispositions et n’y ont apporté que des ajustements rédactionnels.

L’Assemblée nationale a, par ailleurs, introduit un nouvel article 1er bis, qui prévoit que soit désigné, dans chaque établissement scolaire, un référent pour l’accueil des enfants présentant un TND. Les députés ont jugé que ces relais pourraient contribuer, à l’échelle de chaque établissement, à améliorer l’inclusion des élèves concernés et à accompagner leurs parents. Mes chers collègues, je vous propose d’entendre la volonté de l’Assemblée nationale.

Les députés ont adopté conforme l’article 2, qui renforce la formation des équipes pédagogiques à l’accueil et à l’accompagnement des élèves présentant un TND.

L’article 4 du texte prévoit que les mesures d’inclusion scolaire des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) puissent être notifiées pour la durée d’un cycle pédagogique, soit trois ans, afin de simplifier les démarches des parents et de limiter la sollicitation inutile de professionnels de santé. Les députés n’ont apporté à cet article que des modifications rédactionnelles.

L’Assemblée nationale a également adopté, avec modifications, les dispositions de la proposition de loi visant à favoriser un repérage précoce des TND. Il s’agit là d’un enjeu essentiel : alors que l’on estime qu’un enfant sur six est atteint d’un TND, un sous-diagnostic important demeure source de surhandicaps.

À cet égard, l’Assemblée nationale a adopté l’article 5 du texte, qui vise à inscrire dans la loi l’existence d’une stratégie de repérage adaptée au niveau de risque identifié chez l’enfant et fondée sur l’organisation d’examens complémentaires dans les cas où un facteur de risque le justifie. Les députés n’y ont, là encore, apporté que des modifications rédactionnelles.

Cette stratégie de repérage graduée doit être complétée par une politique de repérage en population générale. C’est là l’objectif de l’article 6, plus substantiellement modifié par les députés.

Il prévoit la réalisation de deux examens médicaux obligatoires de repérage des TND, intégralement pris en charge par la sécurité sociale.

Les députés ont adopté deux amendements identiques visant à fixer à 9 mois l’âge du premier examen de repérage. Le Sénat l’avait établi à 18 mois conformément aux préconisations de la Haute Autorité de santé. Anticiper cet examen pourrait toutefois accélérer la prise en charge des troubles qui, chez certains enfants, apparaîtraient précocement. C’est pourquoi il ne nous semble pas opportun de modifier de nouveau cet article.

Je ne puis toutefois qu’encourager le Gouvernement à sensibiliser parents et professionnels de santé sur l’opportunité de réaliser, au cours d’un autre examen aux alentours des 18 mois, des tests de repérage des TND.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a inséré deux articles additionnels destinés à favoriser l’implication des professionnels de l’accueil du jeune enfant et des mineurs dans le repérage des TND.

L’article 3 bis, d’une part, vise à rendre obligatoire la formation de ces professionnels à l’accueil et au suivi des mineurs présentant un TND. Seront notamment concernés les personnels des crèches et des centres de loisirs, ainsi que les assistants maternels.

L’article 6 bis, d’autre part, confie aux professionnels de l’accueil du jeune enfant une mission de participation au repérage précoce des TND, au suivi des enfants concernés et à leur accompagnement.

Ces dispositions complètent utilement le texte et ont été soutenues par la commission. Les professionnels qui côtoient les enfants au quotidien sont probablement les mieux placés pour observer certains écarts de développement ou identifier des comportements inhabituels. Sans se substituer à l’intervention du médecin de première ligne, les professionnels de l’accueil du jeune enfant peuvent procéder, en quelque sorte, à un prérepérage, qui doit inciter les parents à anticiper la consultation d’un médecin de première ligne.

Enfin, l’Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications aux dispositions du texte visant à soutenir les aidants.

L’article 7 pérennise l’expérimentation permettant des dérogations au droit du travail dans le cadre de prestations de « relayage ».

L’Assemblée nationale a souhaité mieux encadrer ce dispositif. Elle a, en particulier, prévu l’obligation d’obtenir l’accord préalable du président du conseil départemental ou du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS). Les critères auxquels les personnes aidées doivent répondre pour avoir accès aux prestations de relayage de longue durée devront, par ailleurs, être définis par décret.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si certaines modifications apportées par l’Assemblée nationale apparaissent peut-être discutables, la grande majorité d’entre elles complètent utilement la proposition de loi et maintiennent intacte son ambition.

Ces dispositions sont attendues des familles et doivent rapidement entrer en vigueur. C’est pourquoi, avec Jocelyne Guidez, que je remercie de nouveau de son engagement sans faille, je vous propose d’adopter définitivement cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord souligner l’importance que nous accordons tous à voir certaines initiatives parlementaires arriver au terme de leur parcours législatif. Tel est le cas de cette proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez, qui traite d’un sujet qui, je le sais, lui tient à cœur.

Nous avons adopté la semaine dernière la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des soins et dispositifs spécifiques au traitement du cancer du sein ; je souhaite à celle-ci de connaître le même destin que le présent texte, fort de l’unanimité des deux assemblées parlementaires.

La stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement pour 2023-2027 a fixé comme priorité le repérage et la mise en place, le plus tôt possible, d’un accompagnement des troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

La Haute Autorité de santé (HAS) a délivré, le 18 juillet dernier, ses recommandations en matière de dépistage du TDAH, lesquelles vont dans le sens d’une accélération du dépistage.

Désormais, tout médecin formé au repérage du TDAH pourra établir un diagnostic. C’est une bonne chose, car il sera maintenant possible d’établir un diagnostic sans limite d’âge. Le bilan neuropsychologique n’est par ailleurs plus indispensable au diagnostic du TDAH : il peut simplement être utile dans certains cas.

La HAS fournit aussi des éléments scientifiques permettant de mieux comprendre le développement des troubles du déficit de l’attention, en établissant qu’il s’agit de troubles neurodéveloppementaux sous-tendus par des facteurs génétiques et environnementaux.

Ces nouvelles recommandations sont importantes, car elles permettront d’accélérer le dépistage et la prise en charge des enfants.

Depuis 2019, quinze équipes diagnostic autisme de proximité (Edap) sont présentes dans le Nord-Pas-de-Calais. Elles maillent le territoire d’un réseau de professionnels chargés d’établir un diagnostic des enfants et adolescents présentant des écarts inhabituels de développement en cas de suspicion d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA).

En outre, cinq plateformes de coordination et d’orientation (PCO) s’adressent aux enfants dont les droits ne sont pas ouverts auprès d’une MDPH ou qui ne bénéficient pas de l’accompagnement d’un professionnel.

Les enfants de moins de 12 ans présentant des troubles du neurodéveloppement peuvent donc y être orientés par des professionnels qui auraient détecté chez eux des signes évocateurs d’un développement inhabituel.

L’enjeu de ce repérage précoce et d’adressage vers les plateformes de coordination et d’orientation est de permettre aux familles d’avoir accès, le plus tôt possible, à des soins et des séances de rééducation de la part de professionnels sans avoir à attendre un diagnostic complet.

Ce type de structures et d’équipes devrait être davantage valorisé et faire l’objet d’un accompagnement plus attentif de la part des pouvoirs publics, car elles permettent de répondre aux familles qui pâtissent de délais d’attente trop longs et souffrent de difficultés d’accès aux soins.

Cette proposition de loi s’inscrit dans cette démarche d’accompagnement des familles et des proches de personnes atteintes d’un TDAH.

La création de dispositifs dédiés à la scolarisation de ces élèves en milieu ordinaire dans chaque circonscription académique métropolitaine et dans chaque académie d’outre-mer est indispensable.

Nous regrettons seulement que ces dispositifs ne voient le jour que d’ici à 2027. En attendant, les familles devront patienter et se satisfaire de la désignation d’un référent pour l’accueil d’enfants présentant un trouble du neurodéveloppement dans chaque établissement scolaire.

Si le renforcement de la formation des équipes pédagogiques à l’accueil et à l’accompagnement des élèves est un objectif partagé par tous, cela suppose davantage de moyens en matière de formation et du temps pour les équipes. Malheureusement, le temps comme les moyens consacrés à la formation manquent encore cruellement.

Les troubles du neurodéveloppement nécessitent un repérage par une équipe pluridisciplinaire et une prise en charge globale et adaptée aux symptômes. D’après nous, la place accordée aux centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) est insuffisante pour assurer une identification et un accompagnement efficaces des TDAH.

La reconnaissance des troubles du neurodéveloppement nécessiterait le lancement d’un véritable plan d’investissement humain et financier dans les CMPP, lesquels souffrent du désengagement des gouvernements successifs au détriment des familles les plus précaires, qui n’ont pas les moyens financiers d’amener leurs enfants consulter un médecin exerçant en libéral.

En conclusion, cette proposition de loi constitue une avancée insuffisante, mais une avancée tout de même. Même si nous devrons continuer à travailler sur ce sujet, les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – Mme la rapporteure et Mme Jocelyne Guidez applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’engagement de l’auteure de la présente proposition de loi, notre collègue Jocelyne Guidez, ainsi que de Laurent Burgoa et Corinne Féret, coauteurs du rapport d’information duquel elle découle.

Je remercie également notre rapporteure, Anne-Sophie Romagny, qui, aux côtés de Paul Christophe, alors rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, et désormais ministre, a contribué à faire aboutir cette proposition de loi.

Au début du mois de janvier dernier, en première lecture, le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants. En mai, ce texte a poursuivi son parcours législatif à l’Assemblée nationale, nos collègues députés l’adoptant à la quasi-unanimité. En commission, mercredi dernier, nous avons confirmé l’existence d’un consensus sur ces dispositions.

Je me réjouis que la navette parlementaire arrive à son terme et que cette proposition de loi soit vraisemblablement votée conforme cet après-midi, car cela en garantit à la fois une promulgation rapide et une application dans les plus brefs délais.

La mise en place d’un examen médical de repérage des TND aux 9 mois et aux 6 ans de l’enfant permettra d’éviter les diagnostics tardifs et le surhandicap. C’est une bonne chose.

Les mesures concernant la scolarisation contribueront à un meilleur accompagnement des élèves présentant des TND à l’école et durant les activités extrascolaires. La création d’un dispositif spécifique à ces élèves, l’attention portée aux référents dans les établissements et la formation des professionnels au contact des enfants et des jeunes sont des avancées que nous soutenons.

Cependant, je ne puis que mettre en garde le Gouvernement : vous ne pouvez l’ignorer, monsieur le ministre, sans moyens humains et financiers, ces dispositions ne seront que des vœux pieux.

Les professionnels chargés d’accompagner les élèves présentant des TND souffrent de la faiblesse de leurs rémunérations, d’un manque de formation et d’une complexité administrative qui doivent être rapidement pris en compte par le Gouvernement pour permettre, in fine, une scolarisation accompagnée.

Rappelons que, si la rémunération des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) atteint en moyenne 1 578 à 1 912 euros net par mois à temps plein, 3 % à peine de ces accompagnants sont réellement salariés à temps plein. Le salaire d’une grande majorité d’entre eux plafonne même à 800 euros par mois, ce qui ne permet pas de vivre dignement. Comment aider d’autres personnes en grande difficulté quand on n’est soi-même pas respecté ?

Il est urgent que les services de l’État respectent les dispositions législatives ayant trait au métier d’AESH.

Nous avons soutenu la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, qui visait à ce que les AESH soient rémunérés par l’État durant le temps scolaire et durant la pause méridienne. Ce texte est, depuis lors, devenu loi.

La note de service du directeur général de l’enseignement scolaire (Dgesco) du 25 juillet dernier ne saurait mettre en cause ce principe et remplacer l’accompagnement individuel par un AESH par un encadrement de groupe. J’attends du Gouvernement qu’il clarifie rapidement cette circulaire du Dgesco.

J’attends également de vous, monsieur le ministre, que vous souteniez l’application directe de la loi Vial et le maintien d’un accompagnement individuel sur la pause méridienne.

Je salue par ailleurs votre engagement de réformer le cadre d’emploi des AESH. Mais, là encore, attention ! Le plan métier pour les AESH devait être présenté à l’été 2024 ; vous nous l’annoncez désormais pour 2026. Nous savons tous que les événements politiques de cet été ont ralenti les réformes envisagées, mais soyons attentifs à ce que la réforme du métier d’AESH ne soit pas renvoyée définitivement aux calendes grecques, à l’instar de ce qui s’est produit pour la loi Grand Âge…

Je reprendrai les mots de Jocelyne Guidez : « Le travail ne s’arrête pas là ! » Formation des personnels de l’éducation nationale et des professionnels de santé, conditions de travail des accompagnants, continuum de la prise en charge au sein de l’éducation nationale, simplification des démarches administratives dans les MDPH, de nombreux chantiers restent à lancer. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Féret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mai dernier, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de loi d’origine sénatoriale qui nous est soumise aujourd’hui en deuxième lecture et qui vise à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants.

Les quelques modifications introduites par les députés ne remettent pas en cause la portée du texte ni l’économie générale de son dispositif. Il importe à présent de faciliter son entrée en vigueur dans les meilleurs délais.

Je connais l’importance d’un meilleur dépistage et d’une amélioration de la prise en charge des TND, car je travaille sur ce sujet depuis mon élection au Sénat. L’an dernier, avec mes collègues Jocelyne Guidez et Laurent Burgoa, nous avons par ailleurs remis un rapport d’information sur cette thématique, qui comporte douze recommandations.

L’expression « TND » recouvre des réalités, donc des handicaps différents, pour certains invisibles. Cependant, il faut avancer, car notre pays a pris beaucoup de retard, notamment en matière de scolarisation.

Plus globalement, nous pâtissons encore et toujours d’un manque de données, notamment épidémiologiques, qui empêchent la prise de conscience de l’ensemble des acteurs face à l’ampleur des besoins.

Les TND regroupent des réalités variées, aux conséquences plus ou moins sévères : troubles du spectre de l’autisme (TSA), troubles du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA), dits troubles dys, comme la dyslexie ou la dyspraxie.

Alors qu’une personne sur six serait concernée, ces troubles ou, plutôt, ces handicaps sont encore trop méconnus, insuffisamment repérés ou pris en charge.

Certaines familles que nous rencontrons sur le terrain, dans nos départements, se confient parfois à nous et expliquent combien le handicap a bouleversé leur vie. Acceptation du diagnostic, incertitudes quant à l’évolution de l’enfant et de ses capacités cognitives, son degré de dépendance et d’autonomie, tout cela est difficile et appelle un soutien.

Tout cela pour confirmer que cette proposition de loi va dans le bon sens et permet d’avancer.

Dans le domaine scolaire, elle prévoit notamment l’ouverture sur l’ensemble du territoire national de dispositifs dédiés à l’accueil d’élèves présentant ces troubles, ainsi que la désignation de référents dans les établissements pour accueillir les enfants concernés ; elle favorise également la formation du personnel des structures d’accueil extrascolaires.

Le texte prévoit d’autres avancées pour mieux repérer et diagnostiquer, parmi lesquelles la réalisation d’examens complémentaires de repérage justifiés par la naissance prématurée de l’enfant, la création de deux examens de dépistage à 9 mois et à 6 ans, intégralement pris en charge par l’assurance maladie et, enfin, l’attribution d’une mission de repérage précoce aux professionnels chargés de l’accueil du jeune enfant.

S’agissant des TND, nous avions parlé dans notre rapport d’information d’un « continent oublié », tant l’écart est important entre les taux de prévalence estimés et la proportion de personnes diagnostiquées. Le sous-diagnostic est particulièrement alarmant dans notre pays ; il faut que cela change, et ce texte y contribuera !

Pour toutes ces raisons, vous l’avez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi.

Nous avons une pensée particulière pour toutes ces familles encore et toujours en souffrance, parce que les MDPH auxquelles elles ont affaire ne reconnaissent pas, malgré les diagnostics, le handicap de leur enfant sur un plan administratif.

En plus de la question des délais de traitement des dossiers, cette disparité de traitement selon les départements est un vrai problème. Il y a encore trop de pertes de chances et de ruptures d’égalité, qui ne sont pas acceptables. Souhaitons que cette proposition de loi y mette un terme.

Nous pensons également à tous ces parents qui aimeraient que leur enfant puisse être accompagné du mieux possible, bénéficier d’un suivi médical, et qui attendent souvent plus d’un an pour un premier rendez-vous, à défaut de professionnels de santé disponibles. Ce n’est pas faute d’alerter : nous l’avons fait encore l’an dernier dans notre rapport sénatorial ! Il en manque beaucoup et on constate également de fortes disparités territoriales dans ce domaine.

On pourra voter toutes les lois, élaborer tous les plans et imaginer toutes les stratégies nationales que l’on veut. Mais comment diagnostiquer précocement, puis accompagner les enfants sans ces professionnels, sans les psychiatres, les psychologues, les psychomotriciens, les ergothérapeutes, les kinésithérapeutes ou les orthophonistes ?

Enfin, il ne faudrait pas non plus oublier les adultes présentant des TND. Combien d’entre eux n’ont jamais pu obtenir de diagnostic et/ou ne bénéficient pas d’un suivi adapté ? Cela signifie souvent pour ces personnes une errance médicale douloureuse, cumulée à des difficultés dans leur vie personnelle et professionnelle. Ce sont des sujets sur lesquels, nous, législateurs, avons le devoir d’agir !

Pour conclure, puisque je la vois face à moi, permettez-moi de remercier Jocelyne Guidez de sa ténacité, sans laquelle nous n’en serions pas là et nous n’aborderions pas cette étape très importante en matière de repérage des TND. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte, qui vise à améliorer le repérage des troubles du neurodéveloppement et à soutenir les aidants familiaux, répond à une attente réelle des Français et prévoit des mesures concrètes que nous ne pouvons ignorer.

Tout d’abord, il est indéniable que la scolarisation des enfants souffrant de TND est un enjeu crucial. La mise en place de dispositifs adaptés dans chaque circonscription académique d’ici 2027 constitue un progrès important. Nous savons que trop d’enfants sont aujourd’hui laissés en marge du système éducatif, ce qui pèse non seulement sur leur avenir, mais également sur leurs familles.

L’accompagnement de ces enfants dans les établissements scolaires doit être renforcé. C’est pourquoi nous saluons l’idée de désigner des référents dans chaque établissement pour garantir une meilleure inclusion. Il est essentiel que l’école de la République soit réellement accessible à tous.

Cependant, nous demeurons vigilants : si l’objectif est louable, il faudra veiller à ce que les moyens financiers et humains suivent.

Trop souvent, de belles intentions législatives échouent, faute de moyens sur le terrain. C’est le cas de la loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne, un texte d’origine sénatoriale, qui est encore insuffisamment appliqué, notamment dans le Nord, ce qui pose un réel problème, comme vous le savez, monsieur le ministre.

C’est pourquoi nous demanderons que des garanties soient apportées sur le financement de ces mesures, ainsi que sur la formation adéquate du personnel éducatif et des référents. Les collectivités locales, déjà sous pression, ne doivent pas se retrouver seules à supporter la charge de cette réforme.

Ensuite, la généralisation du diagnostic précoce des troubles du neurodéveloppement constitue une avancée significative. Nous ne pouvons que soutenir une mesure qui permettra une détection plus rapide des troubles et une meilleure prise en charge des enfants concernés.

Cependant, il est essentiel que les examens soient accessibles à tous et ne deviennent pas un parcours du combattant pour les familles. Là encore, nous serons attentifs à la mise en œuvre pratique de ces diagnostics et au suivi qui en découlera. Il est impératif que la sécurité sociale garantisse une prise en charge complète des soins, afin que les familles les plus modestes ne soient pas pénalisées.

Enfin, la question du répit des proches aidants est un sujet que nous ne pouvons ignorer. Cette proposition de loi permet de mieux encadrer les prestations de suppléance à domicile, tout en assouplissant certaines règles de temps de travail pour les salariés volontaires. Il est évident que les proches aidants, sur lesquels pèse une charge mentale et physique considérable, doivent absolument être soutenus.

Toutefois, il faudra s’assurer que cette flexibilité ne devienne pas un prétexte à la dégradation des conditions de travail des personnels concernés.

En conclusion, si ce texte comporte des avancées notables, nous resterons vigilants quant à sa mise en œuvre. Une fois n’est pas coutume, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, mais nous serons attentifs à ce que les engagements pris soient tenus, tant sur le plan financier que pour ce qui concerne le respect des droits des aidants et des personnels.

Notre soutien est conditionné à l’existence de garanties quant à leur réelle efficacité, et cela pour le bien de tous les Français.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée vote aujourd’hui sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants, qui a été examinée conformément à la procédure de législation en commission.

À l’issue de la séance de ce jour, nous devrions acter l’adoption définitive de ce texte, ce qui permettra son application, que chacun d’entre nous espère la plus rapide possible. Nous devons cette initiative à notre collègue Jocelyne Guidez, que je félicite chaleureusement et dont je salue la patience et la pugnacité – ce vote intervient après quatre années de travail, si je ne me trompe pas…

J’adresse également mes félicitations à Mme la rapporteure et à vous, monsieur le ministre, cher Paul Christophe, vous qui étiez le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale et dont je connais l’attachement à ces sujets.

Dans un contexte où nos concitoyens aspirent à des avancées concrètes, au-delà des clivages politiques, cette réussite transpartisane revêt vraiment une importance particulière.

L’autisme, les TDAH, la dyspraxie ou encore les troubles spécifiques du langage et des apprentissages, toutes ces pathologies, autrement appelées troubles du neurodéveloppement, affectent profondément le quotidien des personnes concernées sur les plans tant scolaire et professionnel que social.

La HAS estime que ces troubles affectent 5 % de la population, soit environ 3,5 millions d’individus. À ceux-ci s’ajoutent les familles, les proches aidants qui les entourent, toujours en première ligne pour apporter le soutien nécessaire. Cette situation suscite souvent une grande fatigue, un épuisement psychologique et, parfois, un sentiment d’isolement.

Notre société ne peut rester insensible face à cette réalité.

Ce texte comporte des mesures pragmatiques et se veut une réponse efficace aux différents enjeux identifiés. Pour ce faire, il se fonde sur trois piliers : l’accompagnement des enfants dans le milieu scolaire et extrascolaire, le nécessaire soutien de leurs proches et le repérage précoce des troubles.

La première des nécessités est d’accompagner les enfants au sein du milieu scolaire. Beaucoup d’entre eux pourraient, sous certaines conditions, être scolarisés en milieu ordinaire. C’est pourquoi ce texte prévoit la mise en place, d’ici à 2027, de dispositifs consacrés à la scolarisation en primaire et en secondaire d’élèves présentant un TND, dans chaque académie ou département.

Dans le Nord, deux classes dédiées, l’une à Bailleul et l’autre à Saint-Pol-sur-Mer, ont été ouvertes à la rentrée, s’ajoutant aux trente-neuf autres classes qui existaient déjà dans les Hauts-de-France.

Le texte prévoit également, pour le personnel éducatif, une formation spécifique à l’accueil et au suivi des enfants en situation de handicap, dont ceux qui souffrent de TND.

« Être aidant, c’est être plus que parent. » Tels sont les mots que m’a adressés Alice, mère de Sacha, polyhandicapé, à qui je souhaite rendre hommage tout comme à toute sa famille.

Il y a tout d’abord l’incertitude et l’inquiétude avant d’obtenir un diagnostic ; il y a ensuite les démarches administratives : savoir vers quels professionnels se tourner et parvenir à obtenir rapidement des rendez-vous. Il y a enfin des moments de doute, de profond désespoir et d’épuisement.

Cette proposition de loi contribue à soulager temporairement les aidants. Elle vient pérenniser l’expérimentation relative au relayage, c’est-à-dire la suppléance à domicile du proche aidant, et aux séjours de répit aidant-aidé. Il s’agit de créer un cadre dérogatoire au droit du travail, adapté à la réalité à laquelle correspond l’accompagnement d’une personne en situation de handicap. Ces dispositifs sont des soupapes et des leviers indispensables pour les aidants, comme pour les aidés ; leur pérennisation est nécessaire.

Afin d’assurer une prise en charge efficace des TND, il est nécessaire de les repérer le plus tôt possible. Ce texte crée deux examens médicaux obligatoires spécifiques aux TND, à 9 mois et à 6 ans. Même si la mise en place d’un examen aux 9 mois de l’enfant peut sembler prématurée, l’utilité d’un rendez-vous aussi précoce doit l’emporter et ne saurait constituer un frein à l’adoption de ce texte.

Toutefois, cela conduit à nous interroger de nouveau sur le manque de professionnels indispensables à la prise en charge de ces troubles, notamment les médecins, psychomotriciens et orthophonistes.

Vous l’aurez compris, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Jocelyne Guidez et Maryse Carrère applaudissent également.)

M. Daniel Chasseing. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens, au nom du groupe Les Républicains, à exprimer mon soutien à cette proposition de loi qui apporte des réponses concrètes pour améliorer la détection et l’accompagnement de nos concitoyens atteints de troubles du neurodéveloppement (TND), et favoriser des solutions de répit pour les proches aidants.

Je remercie l’auteure de ce texte, Jocelyne Guidez, la rapporteure, Anne-Sophie Romagny, ainsi que Laurent Burgoa et Corinne Féret, qui ont contribué à l’élaboration du rapport sur la prise en charge des TND.

Le texte prévoit l’organisation d’un repérage précoce de ces troubles. Il augmente également les moyens pour l’inclusion scolaire en prévoyant que chaque académie dispose d’ici à 2027 d’au moins un dispositif dédié à la scolarisation en milieu ordinaire.

Pour une meilleure prise en charge, il renforce les obligations en matière de formation des enseignants, des personnels techniques, de service et d’encadrement.

Je salue à cet égard le ministre, Paul Christophe, grâce auquel le texte a été complété, à l’article 3 bis, d’une mesure prévoyant la formation du personnel d’animation. C’est un sujet que je m’étais permis d’évoquer lors de l’examen, en première lecture au Sénat, de la présente proposition de loi. Je me réjouis que cette suggestion ait trouvé un écho favorable à l’Assemblée nationale.

Toutefois, à quelques mois du vingtième anniversaire de la loi du 11 février 2005, force est de constater que, malgré les avancées, il reste beaucoup à faire pour que l’inclusion des personnes en situation de handicap soit effective et entière.

Comme cela a été souligné en commission des affaires sociales, plusieurs freins demeurent. Si la notification des décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) passe, heureusement, d’une année à la durée d’un cycle scolaire, l’instruction des dossiers par les CDAPH pourrait être facilitée et encore améliorée. Notons que les sujets relatifs à l’accompagnement et à l’inclusion, comme ceux qui ont trait au soin, impliquent que l’on prenne en compte les enjeux essentiels que sont la formation, la qualification des professionnels et l’attractivité des métiers.

À cet égard, il faut se réjouir de l’entrée en vigueur d’une autre initiative sénatoriale, la loi à l’initiative de laquelle était notre collègue Cédric Vial et qui devrait faciliter le recrutement des AESH.

Dans le département des Hauts-de-Seine, afin de prolonger ces efforts, j’ai engagé une expérimentation avec France Travail pour aider les communes à faire face à la pénurie d’accompagnants et faciliter le recrutement de ces professionnels.

En tant qu’adjointe au maire déléguée à l’éducation et à l’enfance pendant dix ans dans ma commune d’Asnières-sur-Seine, j’ai été sensibilisée à la détresse des familles concernées par le handicap, à la question de l’accompagnement des enfants en situation de handicap, mais aussi aux difficultés que rencontrent les collectivités pour accueillir dans les meilleures conditions ces enfants qui ont des besoins spécifiques.

Une autre difficulté tient à la pénurie de médecins scolaires, de psychologues et d’infirmières scolaires. Le manque de personnel porte préjudice au dépistage des troubles. Si la crise de la médecine scolaire est connue, la pédiatrie n’est pas mieux lotie : 30 % des enfants de moins de 10 ans vivent à plus de quarante-cinq minutes d’un pédiatre. Dans ces conditions, est-il judicieux, monsieur le ministre, que le stage obligatoire en pédiatrie pour les internes de médecine générale ait été réduit de six mois à trois mois ?

Au vu de ce rappel, serons-nous en mesure de mettre en place ces mesures de prévention et de garantir l’effectivité des deux rendez-vous de détection des troubles du neurodéveloppement, à 9 mois puis à 6 ans, pour tous les enfants et en tout point du territoire ?

Enfin, rappelons que l’enjeu de l’inclusion ne se limite pas au cadre scolaire. Les troubles du neurodéveloppement touchent aussi bien les enfants que les adultes – près d’un adulte sur six est concerné – pour lesquels les dispositifs d’accompagnement restent bien trop rares.

Il est crucial d’assurer une continuité d’accompagnement tout au long de la vie, y compris dans l’enseignement supérieur, où le nombre d’étudiants diagnostiqués ne cesse d’augmenter. Malgré les efforts du programme « Aspie-Friendly », les dispositifs restent insuffisants. Or un diagnostic tardif conduit souvent à l’isolement et suscite parfois des complications telles que l’anxiété ou la dépression.

Pour conclure, cette proposition de loi est indéniablement une avancée indispensable en faveur de l’inclusion en milieu scolaire. Mais pour que celle-ci soit opérante, monsieur le ministre, il faudra consacrer à cette cause les moyens humains et financiers adéquats.

Sachez que les membres de la commission des affaires sociales, son président au premier chef, seront attentifs à ce que le Gouvernement fasse le nécessaire pour que soit menée à bien cette politique essentielle pour la qualité de vie et l’épanouissement de nos concitoyens, qui ont tant besoin du soutien de notre communauté nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un an après l’adoption en première lecture, et à l’unanimité, de la proposition de loi visant à améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et à favoriser le répit des proches aidants, le Sénat se voit offrir la possibilité d’adopter définitivement ce texte et de contribuer à son entrée en vigueur rapide.

Si les données dont nous disposons restent parcellaires et sujettes à interprétation, on estime qu’un enfant sur six serait concerné par l’une ou l’autre de ces affections, ce qui ferait de ces troubles la première cause de handicap chez l’enfant.

Les TND, rappelons-le, correspondent à des difficultés significatives dans le développement de plusieurs fonctions du cerveau, telles que la socialisation, la communication, la motricité, l’attention, le raisonnement, la mémoire, ou encore les apprentissages.

Depuis l’automne dernier, l’accompagnement des personnes concernées par ces troubles, ainsi que leur famille fait l’objet de la stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement.

Fruit d’une concertation associant l’ensemble des parties prenantes à une vaste consultation citoyenne, cette stratégie doit traduire six grands engagements : développer davantage la recherche scientifique et partager les connaissances ; garantir l’accompagnement de chaque personne souffrant d’un TND par des personnes bien formées ; repérer plus tôt les TND pour aider les enfants à se développer ; adapter la scolarité à tous les âges ; accompagner les adolescents et les adultes ; faciliter la vie des personnes et des familles concernées et faire connaître les TND.

Ce texte, que nous examinons pour la seconde fois, s’inscrit dans le sillage de la nouvelle stratégie engagée par le gouvernement d’Élisabeth Borne et poursuivie par ceux qui lui ont succédé. Son ambition est simple : améliorer l’inclusion scolaire et le repérage des enfants qui présentent un trouble du neurodéveloppement. À cet égard, les réponses qu’il apporte en matière d’accompagnement, de formation, de détection et de simplification des démarches administratives apparaissent bienvenues.

Les députés ont introduit des dispositions pour que chaque établissement scolaire soit doté d’un relais ou d’un référent chargé de l’accueil d’enfants présentant un TND. Cette mesure s’ajoute à la création, prévue à l’article 1er, d’au moins un dispositif consacré à la scolarisation en milieu ordinaire dans chaque académie métropolitaine et d’outre-mer.

Les députés ont également souhaité rendre obligatoire la formation des professionnels à l’accueil et au suivi des mineurs, notamment ceux qui exercent au sein d’établissements et de services d’accueil du jeune enfant ou d’accueil collectif des mineurs. En outre, ils ont souhaité inscrire dans la loi le rôle des professionnels de l’accueil du jeune enfant en matière de repérage précoce des TND et de suivi des enfants concernés.

Dans la continuité des travaux du Sénat, les députés ont également choisi de mieux encadrer la pérennisation, prévue à l’article 7, de l’expérimentation de dérogations au droit du travail dans le cadre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant – ce que l’on appelle le relayage – ou de séjours de répit aidant-aidé, selon les dispositions de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc. Comme la commission des affaires sociales, qui a adopté ce texte conforme, nous nous félicitons de ces apports.

En janvier dernier, j’avais appelé à aller plus loin sur le sujet spécifique de la prise en charge de l’autisme, qui est un trouble du neurodéveloppement mal quantifié, notamment pour favoriser l’accès des enfants autistes à l’éducation. J’avais également souligné les lacunes en matière de connaissance et de prise en charge des TND dans les territoires d’outre-mer. Cette nouvelle lecture est l’occasion pour moi de le réaffirmer.

Le groupe RDPI votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez, que je félicite pour son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les troubles du neurodéveloppement affectent le développement cognitif, émotionnel et social des enfants, qui en subissent souvent les répercussions jusqu’à l’âge adulte. Ils recouvrent une multitude de troubles, tels que le trouble du spectre de l’autisme, le trouble déficitaire de l’attention, les troubles spécifiques de l’apprentissage et bien d’autres encore.

Cette réalité touche des millions de personnes à travers le monde. En France, un enfant sur six est atteint de TND. Ceux-ci se manifestent de différentes façons – difficultés d’attention, troubles du langage, difficultés de socialisation, hyperactivité… – et affectent non seulement ceux qui en souffrent, mais aussi leur entourage. Malgré leur prévalence, les TND sont souvent mal appréhendés et beaucoup de progrès doivent encore être faits.

C’est l’objet de la proposition de loi de notre collègue Jocelyne Guidez, dont je salue l’engagement indéfectible, qui a permis à ce texte de parvenir à l’ultime étape de son parcours législatif.

Les attentes des familles et du corps éducatif sont fortes. Bien plus qu’un simple environnement d’apprentissage, l’école est pour nos enfants leur premier lieu de socialisation, d’inclusion et d’épanouissement ; mais cela ne vaut pas toujours pour les enfants présentant des troubles du neurodéveloppement, dont le parcours scolaire est malheureusement trop souvent semé d’embûches et pour qui l’inclusion reste un défi quotidien.

Certes, des dispositifs d’accompagnement – comme les accompagnants d’élèves en situation de handicap ou les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) – ont été mis en place pour permettre à ces enfants de s’intégrer pleinement dans des écoles ordinaires. Toutefois, nous le savons, l’offre est insuffisante.

Il est pourtant essentiel de garantir à chaque enfant et adolescent, quel que soit son parcours, un accueil bienveillant et approprié à ses besoins au sein de notre système éducatif, l’école pouvant être vécue comme une véritable souffrance lorsqu’elle n’est pas adaptée.

C’est pourquoi nous souscrivons à la création, dans chaque circonscription académique, de dispositifs voués à la scolarisation en milieu ordinaire d’ici à 2027. Nous nous réjouissons également qu’un module spécifique sur l’accueil des élèves présentant un TND soit intégré à la formation dispensée aux enseignants et aux autres personnels du service public de l’éducation.

De même, nous saluons les modifications qui ont été apportées au texte à l’Assemblée nationale. Je pense notamment à l’obligation faite à l’éducation nationale de s’assurer qu’un référent soit désigné dans chaque établissement scolaire pour superviser l’accueil des enfants présentant un TND. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les enseignants se sentent parfois démunis face à des situations qui exigent des compétences et des connaissances spécifiques.

Je pense également à l’obligation de former les personnels des centres de loisirs, des crèches ou encore des clubs sportifs. Comme l’a récemment dénoncé la Défenseure des droits, de nombreuses structures refusent, par manque de formation, d’accueillir les enfants handicapés, privant ceux-ci d’un droit fondamental : l’accès aux loisirs, au sport et à la culture.

Ces mesures vont dans le bon sens.

Par ailleurs, cette proposition de loi vise à mettre fin à l’errance de diagnostic, qui entraîne un retard dans la prise en charge des enfants et affecte leur scolarité. Outre le fait d’inscrire dans la loi le principe d’une détection précoce chez les enfants à risque, elle crée deux examens de repérage par le médecin traitant, intégralement pris en charge par la sécurité sociale.

Nous regrettons toutefois que les députés aient avancé l’âge du premier examen de 18 mois à 9 mois. Si la Haute Autorité de santé recommande de réaliser systématiquement un test de repérage global dès le neuvième mois de vie des enfants à risque, elle préconise pour les autres enfants une consultation à 18 mois, estimant qu’il s’agit d’« un âge clé où l’on constate assez souvent des signes d’appel pour un trouble du spectre de l’autisme avec un arrêt voire une régression du développement du langage et de la communication ».

J’en viens au dernier volet de cette proposition de loi : le soutien aux familles. Les enfants porteurs de TND requièrent souvent une attention constante et des soins spécifiques. Cette prise en charge demande beaucoup d’énergie et peut devenir épuisante pour les parents. Le relayage est une réponse précieuse pour ces familles, souvent confrontées à une charge mentale et physique très élevée au quotidien.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE votera en faveur d’une adoption conforme, afin que cette proposition de loi soit rapidement mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Corinne Féret, Patricia Schillinger et Évelyne Perrot applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des sujets qui rassemblent, qui poussent à la concorde, parce qu’ils sont justes et parce qu’il est urgent d’agir pour aider et accompagner ceux qui en ont besoin, in fine dans l’intérêt de tous.

Ce texte est issu de ma proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des personnes atteintes du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, dont l’examen a été avorté. Celle-ci était rapportée par ma collègue Annick Jacquemet, dont je salue le travail. Après l’avoir enrichie des conclusions d’une mission d’information transpartisane sur les TND, que j’ai menée avec mes collègues Laurent Burgoa et Corinne Féret, j’ai naturellement souhaité redéposer cette proposition de loi, qui a été adoptée à l’unanimité en première lecture, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

Après deux rapports de commission, deux examens en séance publique et un examen en deuxième lecture selon la procédure de législation en commission, les dispositions de ce texte sont désormais bien connues, d’autant que notre rapporteure Anne-Sophie Romagny vient d’en dresser de nouveau les contours.

Je tiens à remercier personnellement cette dernière de son travail et de son soutien, mais aussi ceux qui œuvrent dans l’ombre et qui nous permettent de faire aboutir nos textes – ils se reconnaîtront. Je remercie également le président de la commission des affaires sociales de sa confiance et de son suivi sur ce dossier.

J’aurai enfin un mot pour le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Paul Christophe, qui est désormais ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le ministre, votre engagement envers les proches aidants et les personnes handicapées ou en perte d’autonomie n’a jamais failli. Je peux le dire, car nous nous suivons depuis plusieurs années.

En effet, j’ai été le rapporteur au Sénat de la proposition de loi visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux, que vous aviez déposée le 27 septembre 2017. À votre tour, vous avez été le rapporteur de ma proposition de loi – et en cela, vous avez contribué à son adoption en première lecture – visant à améliorer le dépistage des troubles du neurodéveloppement, l’accompagnement des personnes qui en sont atteintes et le répit de leurs proches aidants à l’Assemblée nationale, en janvier 2024. Pour votre engagement et vos convictions sur des sujets qui nous sont chers, je vous remercie sincèrement, monsieur le ministre.

Je suis très satisfaite que nous votions cette proposition loi, notamment en vue de la pérennisation du dispositif de relayage, si essentiel pour les familles. Si nous ne l’adoptions pas avant la fin de l’année, ce dispositif aurait en effet peu de chance d’aboutir.

Mes chers collègues, nous pouvons voter en fonction de rapports, de chiffres et d’expertises. Souvent, ceux-ci éclairent les débats, mais s’ils sont importants, une politique publique, qu’on la réforme ou qu’on la conçoive ex nihilo, répond avant tout à un problème social ou sociétal. Aussi, je souhaite vous livrer ici un témoignage que j’ai reçu récemment, qui montre l’urgence de la situation : « On est épuisés de se battre ! On n’en peut plus ! Nous sommes démunis. En plus d’avoir deux ans d’errance dans les dossiers, quand ça avance bien, avant d’avoir un diagnostic, on peut avoir des diagnostics différents. C’est aberrant. Nous, ce que l’on veut, c’est aimer tout simplement nos enfants et, pour cela, on a besoin d’un accompagnement pour soulager nos épaules, qui sont certes très larges, mais qui finissent par faiblir… »

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle que soit notre place dans l’hémicycle, quelles que soient nos convictions politiques, nous sommes tous sensibles au sujet du handicap.

La prévention a certes un coût, mais ne pas en faire en entraîne au moins trois : un coût humain, car enfants, parents et enseignants sont fragilisés ; un coût politique, celui de la lutte contre le décrochage ; un coût social, car les TND accroissent les risques d’addiction, de délinquance et de suicide.

Je l’ai déjà évoqué, mais j’ajoute qu’il serait tout à fait judicieux qu’un travail plus approfondi soit mené pour les adolescents et les adultes qui sont ou seront passés au travers d’un accompagnement pour vivre mieux au sein de notre société.

Investissons aujourd’hui pour que toute la société soit renforcée demain et écoutons Albert Jacquard, qui écrivait, dans Éloge de la différence. La génétique et les hommes : « Notre richesse collective est faite de notre diversité. L’“Autre”, individu ou société, nous est précieux dans la mesure où il nous est dissemblable. »

Enfin, monsieur le ministre, je compte sur vous pour vous assurer que les deux décrets d’application nécessaires à la pérennisation du relayage soient pris dans les plus brefs délais.

Sans surprise, le groupe Union Centriste votera en faveur de ce texte, dont je suis à l’initiative, avec nombre d’entre vous, au-delà des étiquettes politiques. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, RDSE, RDPI et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Corinne Féret applaudit également.)

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 29 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 343
Contre l’adoption 0

Le Sénat a adopté définitivement. (Bravo ! et applaudissements.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le veut la tradition lorsqu’un texte est adopté à l’unanimité, je voudrais remercier tous les sénateurs ici présents, en particulier Jocelyne Guidez, l’auteure de cette proposition de loi, et monsieur le ministre, qui a contribué à l’enrichir. Cette initiative est le fruit d’un long travail de fond : nombre de rencontres et d’initiatives ont permis d’aboutir à un texte équilibré, répondant aux besoins de nos concitoyens dans le respect des professionnels.

Je remercie notre rapporteure, Anne-Sophie Romagny (Mme Florence Lassarade applaudit.), de sa sagesse et d’avoir apporté au texte son regard particulier d’élue locale et ses convictions.

Au-delà de sa pertinence, nous avons la chance d’adopter une proposition de loi émanant en partie des travaux d’un député, qui appartient désormais au Gouvernement. (Sourires.) Monsieur le ministre, vous avez entendu, lors des explications de vote, que les sénateurs approuvent ce texte, qui répond à de grandes préoccupations sur un beau sujet. Toutefois, il ne sera efficace que si des moyens financiers suffisants sont déployés.

Vous portez une double casquette : coauteur de cette proposition de loi et ministre, vous n’avez donc pas le droit à l’erreur. Nous attendons un premier bilan pour en tirer, Jocelyne Guidez et moi-même, les enseignements. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Paul Christophe, ministre. Je tiens à féliciter toutes celles et tous ceux qui se sont impliqués pour faire aboutir ce texte, dans une belle unanimité. Monsieur le président de la commission, j’ai en effet entendu les remarques formulées par les uns et les autres ; elles m’obligent d’autant plus que j’aurais pu les formuler moi-même.

Je partage en effet la plupart de vos constats. Pour ne rien vous cacher, j’ai rencontré ce matin Étienne Pot, le délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement. Cette proposition de loi s’inscrit dans sa feuille de route.

Pour ce qui concerne les moyens, monsieur le président, je sais que vous serez tous très mobilisés pour en obtenir lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est vous qui votez le budget et je serai très heureux de bien dépenser les crédits qui seront accordés en faveur de toutes les personnes souffrant de TND.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez raison, l’accompagnement des adultes qui sont passés auparavant au travers des mailles du filet et la situation des AESH sont des sujets importants, sur lesquels nous travaillons. Votre concours ne sera pas de trop pour faire évoluer les choses. Œuvrons tous ensemble à cet effet ! Encore une fois, je vous remercie et vous félicite. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Solanges Nadille et M. Michel Masset applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants
 

7

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale
Article 1er A

Outils de régulation des meublés de tourisme

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale (texte de la commission n° 86, rapport n° 85).

La parole est à Mme la rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dès le mois d’avril dernier, la commission des affaires économiques s’est mobilisée pour soutenir et améliorer ce texte. À cet effet, elle a organisé une consultation des élus locaux, qui a recueilli plus de 1 200 réponses. Près de 40 % des élus consultés estiment que les outils à leur disposition pour réguler les meublés de tourisme ne sont pas suffisants.

Cette proposition de loi est donc attendue par les maires de nos communes et par nombre de nos concitoyens. Après un long parcours législatif, je me félicite qu’elle aboutisse grâce au soutien du nouveau gouvernement et à l’engagement commun des sénateurs et des députés, qui ont trouvé un accord en commission mixte paritaire.

Ce texte vise à instaurer une régulation au plus près des besoins des territoires en créant de nouveaux outils à la main des élus locaux, facultatifs et adaptés aux réalités de la location meublée touristique.

Tout d’abord, il a pour objet de donner aux maires davantage d’informations sur la location meublée touristique et de faciliter leurs contrôles. Je pense notamment à la généralisation de la déclaration avec enregistrement d’un meublé de tourisme. Il s’agit d’un apport de l’Assemblée nationale, que le Sénat a sanctuarisé et renforcé : d’une part, il a ajouté l’obligation pour les propriétaires de présenter des pièces justificatives pour éviter les fraudes, notamment sur la qualité de résidence principale d’un meublé ; de l’autre, il a doté le maire de pouvoirs renforcés lui permettant de suspendre les annonces de fraudeurs.

La proposition de loi inclut aussi des mesures visant à lutter contre l’éviction du logement permanent au profit de la location meublée touristique. Cela passe notamment par l’application aux meublés de tourisme d’exigences de performance énergétique. La solution retenue par la commission mixte paritaire est issue des travaux du Sénat. Elle opère une distinction entre le flux et le stock de meublés, afin d’éviter que des passoires thermiques ne basculent en meublés de tourisme dès 2025. Elle prévoit aussi que tous les meublés de tourisme devront se conformer aux exigences de la loi Climat et Résilience, dans un délai réaliste et raisonnable de dix ans.

En outre, et c’est le cœur de cette proposition de loi, elle offre aux élus locaux une importante boîte à outils de régulation des meublés de tourisme. Ceux-ci pourront instaurer des quotas d’autorisation temporaire de changement d’usage ou délimiter des zones au sein desquelles les constructions nouvelles sont à usage exclusif de résidence principale. Ils pourront aussi, dès le 1er janvier 2025, abaisser de 120 à 90 le nombre maximal de jours de location d’une résidence principale.

Je précise que ces mesures ne sont qu’une faculté offerte aux élus locaux ; elles ne seront vraisemblablement pas employées partout, mais seulement là où ce sera jugé nécessaire.

Enfin, la proposition de loi reprend l’esprit d’un amendement déposé en séance publique, au Sénat, par Françoise Gatel, en permettant que la location meublée touristique soit interdite par un vote à la majorité des deux tiers, et non à l’unanimité, dans les copropriétés destinées à l’habitation permanente.

Il s’agit d’un texte utile, qui comporte des avancées concrètes pour nos élus locaux. Alors que ces derniers sont parfois démunis face au développement incontrôlé de la location de meublés touristiques, ce texte sécurisera leurs décisions tout en respectant les spécificités de chaque territoire. Je vous invite donc à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous examinons aujourd’hui les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif.

Il s’agit de la conclusion d’un travail de près de deux ans, entrepris sur l’initiative des députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz et repris par le Sénat, dont je tiens à saluer le travail, en particulier celui de la rapporteure, Sylviane Noël, et du rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson.

Avant de revenir sur la genèse et l’objet de la proposition de loi, je veux en souligner trois caractéristiques majeures.

Tout d’abord, il s’agit d’une proposition de loi à destination des élus locaux : elle leur offre de nouveaux outils, attendus par nombre d’entre eux, en Hexagone, sur les littoraux, mais aussi dans beaucoup de villes touristiques. À cet égard, je salue le travail de votre chambre, qui a pris le temps de consulter largement les élus avant les débats.

Ensuite, il s’agit d’une proposition de loi pragmatique : les débats ont permis de faire émerger des compromis sur la quasi-totalité des sujets.

Enfin, il s’agit d’une proposition de loi pour tous les Français qui recherchent un logement de longue durée et qui ne parviennent pas à se loger.

Car oui, ce phénomène d’éviction du logement locatif de longue durée au profit de la location meublée touristique est une réalité dans de nombreuses communes. Les avantages créés dans les années 2000 pour soutenir une industrie touristique alors à la peine se sont transformés en effet d’aubaine évident. Même si les chiffres sont imparfaits et imprécis, nous estimons à environ 800 000 le nombre de meublés de tourisme sur l’ensemble du territoire, dont une part non négligeable sont des biens entièrement consacrés à la location touristique.

Plusieurs missions, dont celle de l’inspection générale des finances en 2022 et celle des députés Annaïg Le Meur et Vincent Rolland en 2023, ont mis le doigt sur les difficultés profondes que suscite la multiplication des meublés de tourisme. Ce phénomène a prospéré du fait de plusieurs avantages concurrentiels, fiscaux ou normatifs, acquis au fur et à mesure et de manière souvent fortuite. Je pense notamment aux obligations de rénovation énergétique, qui pèsent encore – pour le moment – sur les logements dans le secteur locatif, mais qui ne concernent pas les meublés de tourisme.

Devant cette situation, il était de notre responsabilité collective de rétablir de l’équité au sein de ces règles. À cet égard, je souhaite saluer une nouvelle fois, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, le travail des commissions du Sénat, qui ont nettement enrichi et sécurisé le texte.

Tout d’abord, pour renforcer la qualité des données dont disposent les décideurs publics, la proposition de loi rend obligatoire l’enregistrement de chaque meublé, qui se verra attribuer un numéro unique lors de la déclaration en mairie, dans le cadre de la mise en place d’un téléservice national. Quelque 78 % des élus locaux ayant répondu à la consultation du Sénat se sont déclarés en faveur de ce dispositif. Le Gouvernement a travaillé pour que, en lien avec le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dit Sren, et le règlement européen en cours d’adoption, ce dispositif fournisse un service opérationnel, intelligent et qui permette avant tout de sécuriser et de faciliter la tâche des collectivités.

Ensuite, pour équilibrer les obligations réglementaires qui pèsent, d’une part, sur les meublés de tourisme et, d’autre part, sur les logements, les meublés touristiques se verront appliquer des obligations de qualité énergétique, au même titre que les logements nus. Même si des réflexions sont en cours pour adapter le calendrier de mise en application de ces obligations, il était de notre responsabilité de mettre fin à toute iniquité en la matière pour éviter une fuite des logements nus consacrés à la location de longue durée vers des logements touristiques destinés à la location de courte durée.

Votre chambre a renforcé ces dispositions, notamment en conditionnant les autorisations de changement d’usage à la performance énergétique du bien, afin de prévenir l’attrition future du parc de logements. Ainsi, les propriétaires de nouveaux meublés de tourisme seront soumis au même calendrier que les locations classiques : la mise en location des passoires thermiques classées G sera interdite au 1er janvier 2025, celle de logements classés F en 2028 et celle de logements classés E en 2034. Pour les locations saisonnières existantes, l’obtention d’une étiquette énergétique au minimum classée D sera nécessaire en 2034.

En matière d’étiquettes énergétiques, l’échéance du 1er janvier 2025 constitue un sujet sensible faisant l’objet – sachez-le – d’une initiative parlementaire, qui sera examinée avant la fin de l’année. Nous serions évidemment ravis si le Sénat se saisissait rapidement de la question, à laquelle je vous sais, mesdames, messieurs les sénateurs, particulièrement sensibles.

En parallèle, les communes disposeront de nouveaux outils pour réguler le parc des meublés touristiques.

Les maires auront ainsi la possibilité d’abaisser le nombre maximal de jours de location touristique dans une résidence principale : ce plafond pourra être réduit de 120 à 90 jours par an. Les Français qui proposent des locations meublées occasionnelles pour soutenir leur pouvoir d’achat ne seront que très peu affectés par cette mesure, et le nombre de résidences principales ne devrait pas s’en trouver modifié.

En revanche, il s’agit d’un important signal de confiance à l’égard des élus locaux. Ces derniers pourront également instaurer des quotas de locations saisonnières dans leur commune, ou encore créer des zones réservées aux seules résidences principales, dans les communes situées en zone tendue ou dénombrant plus de 20 % de résidences secondaires.

Les copropriétés font elles aussi l’objet d’un certain nombre de dispositions.

Là où le règlement de copropriété contient une clause d’habitation bourgeoise, cette proposition de loi va permettre d’interdire la location en meublé de tourisme. Le règlement de copropriété pourra être révisé en ce sens par un vote à la majorité des deux tiers – Mme la rapporteure vient de le rappeler –, alors qu’aujourd’hui l’unanimité est requise. Il s’agit là d’un important levier d’action.

Quant aux nouveaux immeubles, leurs règlements de copropriété devront obligatoirement se prononcer sur la possibilité, ou non, de louer en meublé de tourisme des lots d’habitation.

Au chapitre des sanctions, les amendes seront renforcées pour les loueurs se livrant à de fausses déclarations quant au numéro d’enregistrement des locations saisonnières. Une amende civile spécifique est d’ailleurs prévue pour les plateformes ne se conformant pas à l’injonction du maire de retirer les annonces dont les numéros de déclaration ont été suspendus.

Enfin, cette proposition de loi réforme la fiscalité des meublés de tourisme.

L’avantage fiscal dont bénéficient les propriétaires de tels meublés paraît aujourd’hui excessif au regard de ceux dont jouissent les propriétaires de logements en location. Il semble en effet dépourvu de véritable justification, au regard des charges induites dans la gestion des biens. Le présent texte ajuste les taux d’abattement et les plafonds dans un sens positif.

Désormais, c’est un vaste travail englobant la fiscalité, la rentabilité et la sécurité de l’activité de location résidentielle que nous devons mener.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi renforcera nettement les instruments dont disposent les collectivités territoriales pour réguler et maîtriser un phénomène qui menace la pérennité de l’offre de logements dans nos territoires tendus.

Le Gouvernement soutiendra pleinement ce texte et œuvrera auprès des élus locaux pour qu’il entre en application dès les prochains mois.

Il s’agit là d’un premier jalon. Avec cette proposition de loi, nous commençons à répondre à la crise que subit le secteur du logement, mais je souhaite évidemment que nous allions plus loin. Pour mener cette lutte, je ne manquerai pas de m’appuyer sur les travaux de votre chambre. Je pense bien sûr au rapport établi par Mmes Dominique Estrosi Sassone, Amel Gacquerre et Viviane Artigalas, que je salue. Je pense aussi au travail engagé sur la paupérisation des copropriétés par Mmes Amel Gacquerre et Marianne Margaté.

Je sais pouvoir compter sur la Haute Assemblée pour accompagner les différents chantiers à venir, et vous pourrez compter sur mon attention constante. Votre connaissance des territoires et votre sagesse nous seront très utiles. (Applaudissements.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

En conséquence, les amendements seront mis aux voix, puis le vote sur les articles sera réservé.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale
Article 1er B

Article 1er A

I. – Le code du tourisme est ainsi modifié :

1° L’article L. 324-1-1 est ainsi modifié :

a) Le II est abrogé ;

b) Le III est ainsi rédigé :

« III. – Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme procède préalablement en personne à une déclaration soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national opéré par l’organisme public unique mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 324-2-1.

« La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Si tel est le cas, le loueur en apporte la preuve dans sa déclaration.

« À la réception de la déclaration complète, le téléservice délivre sans délai un avis de réception électronique comprenant un numéro de déclaration. Le numéro de déclaration ainsi que les informations et les pièces justificatives reçues dans le cadre de la déclaration sont mis sans délai à la disposition de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme et, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de tourisme. Pour la Corse, ces données sont également transmises à la collectivité de Corse.

« Le loueur met à jour la déclaration en cas de changement dans les informations et pièces justificatives fournies et renouvelle sa déclaration à l’issue de l’expiration d’un délai fixé par décret.

« Un décret détermine les informations et les pièces justificatives qui sont exigées pour l’enregistrement de la déclaration préalable, notamment la production d’un avis d’imposition sur le revenu établi au nom du loueur incluant l’adresse du meublé de tourisme mis en location comme lieu d’imposition afin d’attester du respect de l’exigence prévue au deuxième alinéa. Il détermine également les autres informations et pièces justificatives pouvant être jointes à la déclaration afin de permettre le contrôle par la commune du respect des règles applicables aux meublés de tourisme, notamment celles prévues aux articles L. 141-2, L. 442-3-5 et L. 631-7 à L. 631-10 du code de la construction et de l’habitation ainsi qu’à la présente section du présent code.

b bis) (nouveau) Il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« Outre les cas mentionnés à l’article 6 du règlement (UE) 2024/1028 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée, et modifiant le règlement (UE) 2018/1724, le maire peut également suspendre la validité d’un numéro de déclaration et émettre une injonction demandant aux plateformes numériques de location de courte durée de retirer ou de désactiver l’accès au référencement d’une annonce lorsque le local concerné est visé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité pris en application des articles L. 511-11 ou L. 511-19 du code de la construction et de l’habitation. » ;

c) Le IV est ainsi modifié :

– au début du premier alinéa, les mots : « Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, » sont supprimés ;

– la première phrase du second alinéa est complétée par les mots : « , que celui-ci constitue ou non sa résidence principale » ;

d) Le IV bis est ainsi modifié :

– au premier alinéa, les mots : « ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement prévue au III » sont remplacés par les mots : « où le changement d’usage des locaux d’habitation est soumis à autorisation préalable, au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation » ;

– le troisième alinéa est supprimé ;

1° bis Au second alinéa de l’article L. 324-2, les mots : « mentionnée au II de l’article L. 324-1-1 contient le numéro de déclaration mentionné à cet article » sont remplacés par les mots : « d’un meublé de tourisme mentionné à l’article L. 324-1-1 contient le numéro de déclaration mentionné au III du même article L. 324-1-1 » ;

2° L’article L. 324-2-1 est ainsi modifié :

aa) Le I est ainsi modifié :

– à la première phrase, les mots : « , le cas échéant, » sont supprimés ;

– au début de la seconde phrase, les mots : « Lorsque ce meublé de tourisme est soumis au même III, » sont supprimés ;

a) Le II est ainsi modifié :

– au début de la première phrase du premier alinéa, les mots : « Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement mentionnée au III de l’article L. 324-1-1, » sont supprimés ;

– au début de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « Dans ces mêmes communes, » sont supprimés ;

a bis) (Supprimé)

b) À la seconde phrase du IV, les mots : « mentionnées au II de l’article L. 324-1-1 et » sont remplacés par les mots : « qui offrent à la location un meublé de tourisme mentionné au I de l’article L. 324-1-1 et par les personnes mentionnées ».

II. – Le I, à l’exception du troisième alinéa du c du 1°, entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 20 mai 2026.

Article 1er A
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Article 1er

Article 1er B

Le I de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le local visé par l’arrêté mentionné au deuxième alinéa du présent article est un meublé de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, les sommes versées en contrepartie de la location cessent d’être dues à compter du jour suivant l’envoi de la notification de l’arrêté ou de son affichage à la mairie et sur la façade de l’immeuble, jusqu’au jour suivant l’envoi de la notification ou l’affichage de l’arrêté de mainlevée. Toute somme indûment perçue par le propriétaire, l’exploitant ou la personne ayant mis à disposition les locaux est restituée au locataire. »

Article 1er B
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Article 1er bis

Article 1er

I. – (Supprimé)

bis A (nouveau). – Après l’article L. 324-2-1 du code du tourisme, il est ajouté un article L. 324-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 324-2-2. – Les meublés de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du présent code, respectent les niveaux de performance énergétique d’un logement décent définis à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, sauf lorsque le local loué en meublé de tourisme constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la même loi.

« Le maire peut demander à tout moment au propriétaire d’un meublé de tourisme de lui transmettre dans un délai de deux mois le diagnostic de performance énergétique en cours de validité prévu à l’article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation. À l’expiration de ce délai, l’absence de transmission de ce diagnostic de performance énergétique est passible d’une astreinte administrative de 100 € par jour, recouvrée au profit de la commune dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux.

« Le propriétaire qui loue ou maintient en location un meublé de tourisme qui ne respecte pas les niveaux de performance d’un logement décent tel que prévu au premier alinéa du présent article est puni d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 5 000 € par local concerné. L’amende est recouvrée, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune. Le propriétaire est mis à même de présenter ses observations écrites, dans un délai d’un mois, sur le projet de sanction. »

bis. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° A (Supprimé)

1° La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI est complétée par un article L. 631-10 ainsi rétabli :

« Art. L. 631-10. – I. – Pour l’obtention de l’autorisation préalable prévue à l’article L. 631-7 ou à l’article L. 631-7-1 A en vue d’une mise en location de meublés de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, les propriétaires des locaux concernés présentent un diagnostic de performance énergétique mentionné à l’article L. 126-26 du présent code, dont le niveau, au sens de l’article L. 173-1-1, doit être compris entre les classes A et E ou, à compter du 1er janvier 2034, entre les classes A et D.

« II. – (Supprimé)

« III. – Le présent article n’est applicable qu’en France métropolitaine. » ;

2° (Supprimé)

II. – (Supprimé)

III (nouveau). – Le I bis A entre en vigueur le 1er janvier 2034.

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis

I. – L’article L. 324-1-1 du code du tourisme est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa du IV, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La commune peut, sur délibération motivée, abaisser le nombre maximal de jours de location mentionné au premier alinéa du présent IV, dans la limite de quatre-vingt-dix jours. » ;

2° Au premier alinéa du IV bis, les mots : « à usage commercial » sont remplacés par les mots : « qui n’est pas à usage d’habitation, au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, » ;

3° Le V est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « civile » est remplacé par les mots : « administrative prononcée par la commune, » et le nombre : « 5 000 » est remplacé par le nombre : « 10 000 » ;

b) Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Toute personne qui effectue de fausses déclarations dans le cadre de la déclaration préalable prévue au III ou qui utilise un faux numéro de déclaration est passible d’une amende administrative prononcée par la commune, dont le montant ne peut excéder 20 000 €. » ;

« Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III bis est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par meublé de tourisme objet du manquement. » ;

b bis) Au deuxième alinéa, le nombre : « 10 000 » est remplacé par le nombre : « 15 000 » ;

c) Le début de la première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigé : « Les amendes prévues aux troisième, quatrième et avant-dernier alinéas du présent V sont… (le reste sans changement). »

bis (nouveau). – À l’avant-dernière phrase du premier alinéa du II de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme dans sa rédaction résultant de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique, après les mots : « plus de cent vingt jours », sont insérés les mots : « ou plus du nombre maximal de jours fixé conformément au deuxième alinéa du IV de l’article L. 324-1-1 » ;

ter. – À la première phrase du deuxième alinéa du II de l’article L. 324-2-1, après les mots : « plus de cent vingt jours », sont insérés les mots : « ou plus du nombre maximal de jours fixé conformément au deuxième alinéa du IV de l’article L. 324-1-1 ».

II. – Le 1° du I et le I ter entrent en vigueur le 1er janvier 2025. Le 3° du même I entre en vigueur à la date fixée par le décret prévu au II de l’article 1er A.

Article 1er bis
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Article 2 bis

Article 2

I. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° L’article L. 631-7 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « communes », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « dont la liste est fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du code général des impôts. » ;

a bis) À la fin de la seconde phrase du même premier alinéa, les mots : « destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable » sont remplacés par les mots : « à usage d’habitation peut être soumis, sur décision de l’organe délibérant, à autorisation préalable dans les conditions fixées à l’article L. 631-7-1 » ;

a ter) Au deuxième alinéa, les mots : « destinés à l’habitation » sont remplacés par les mots : « à usage d’habitation » ;

a quater) Les troisième et quatrième alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus, soit à n’importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d’autorisation préalable au changement d’usage ou la contestation de l’usage dans le cadre des procédures prévues par le livre VI du présent code, et sauf autorisation ultérieure mentionnée au quatrième alinéa du présent article. Cet usage peut être établi par tout mode de preuve, la charge de la preuve incombant à celui qui veut démontrer un usage illicite. Toutefois, les locaux construits ou ayant fait l’objet de travaux après le 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux ont été autorisés, sauf autorisation ultérieure mentionnée au même quatrième alinéa.

« Lorsqu’une autorisation administrative a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné au troisième alinéa, le local dont le changement d’usage a été autorisé, et dans le cas où cette autorisation a été accordée contre compensation, le local ayant servi à compensation, sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.

« Une autorisation d’urbanisme ayant pour conséquence de changer la destination de locaux à usage d’habitation ne constitue un mode de preuve valable que si elle est accompagnée d’une autorisation de changement d’usage.

« L’usage d’habitation s’entend de tout local habité ou ayant vocation à l’être même s’il n’est pas occupé effectivement, notamment en cas de vacance ou lorsqu’il a fait l’objet d’un arrêté pris sur le fondement du livre V du présent code. »

b) (Supprimé)

c) Au dernier alinéa, les mots : « destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » sont remplacés par les mots : « à usage d’habitation en tant que meublé de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, » ;

1° bis L’article L. 631-7-1 A est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « physique », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « ou à une personne morale de louer un local à usage d’habitation en tant que meublé de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme » ;

b) La dernière phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou personne morale » ;

c) Après le même deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« La délibération peut également fixer, sur tout ou partie du territoire de la commune, dans une ou plusieurs zones géographiques qu’elle délimite, le nombre maximal d’autorisations temporaires qui peuvent être délivrées ou la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage. Dans ce cas, dans les zones concernées, aucune autorisation permanente de changement d’usage de locaux à usage d’habitation ne peut être délivrée sur le fondement de l’article L. 631-7 dans le but de louer un local à usage d’habitation en tant que meublé de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, sauf si elle est accordée contre une compensation. Toutes les autorisations sont délivrées pour une durée identique, inférieure à cinq ans. La délibération définit la procédure de sélection entre les candidats, qui prévoit des garanties de publicité et de transparence applicables de manière identique aux demandes initiales et aux demandes de renouvellement.

« Un local situé dans une résidence-services définie à l’article L. 631-13, lorsqu’il est loué en tant que meublé de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, et qu’il constitue, en dehors de la somme des périodes pendant lesquelles il est loué en meublé de tourisme, une résidence principale au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, n’est pas inclus dans le calcul du nombre maximal d’autorisations temporaires pouvant être délivrées ou de la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire sur le fondement du présent article. » ;

« L’autorisation de changement d’usage ne peut être demandée que si le changement d’usage est conforme aux stipulations contractuelles prévues dans le règlement de copropriété. Le demandeur en atteste par la production d’une déclaration sur l’honneur. » ;

1° ter A (Supprimé)

1° ter Le premier alinéa de l’article L. 631-9 est ainsi modifié :

a) Les mots : « par décision de l’autorité administrative sur proposition du maire ou, pour les communes dont la liste est fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du code général des impôts, » sont supprimés ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette délibération est motivée par un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant. » ;

2° L’article L. 651-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « de l’article L. 631-7 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 631-7 ou L. 631-7-1 A », les mots : « dudit article » sont remplacés par les mots : « desdits articles » et le nombre : « 50 000 » est remplacé par le nombre : « 100 000 » ;

b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « transformé », sont insérés les mots : « , de l’autorité organisatrice de l’habitat, de l’établissement public de coordination intercommunale compétent en matière d’urbanisme » ;

3° Après le même article L. 651-2, il est inséré un article L. 651-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 651-2-1. – Toute personne qui se livre ou prête son concours à la commission de l’infraction prévue à l’article L. 651-2, contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d’entremise ou de négociation ou par la mise à disposition de services, à l’exception de la mise à disposition d’une plateforme numérique, est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 100 000 € par local irrégulièrement transformé.

« Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur assignation de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local. »

II. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 151-14, il est inséré un article L. 151-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 151-14-1. – Le règlement peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

« La délimitation mentionnée au premier alinéa du présent article est possible lorsque, dans le périmètre du règlement, la taxe annuelle sur les logements vacants mentionnée à l’article 232 du code général des impôts est applicable ou lorsque les résidences secondaires représentent plus de 20 % du nombre total d’immeubles à usage d’habitation.

« À peine de nullité, toute promesse de vente, tout contrat de vente ou de location ou tout contrat constitutif de droits réels portant sur des constructions soumises à l’obligation prévue au présent article en porte la mention expresse.

« Les logements concernés par l’obligation prévue au présent article ne peuvent faire l’objet d’une location en tant que meublé de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme en dehors de la location temporaire de la résidence principale dans les conditions prévues au premier alinéa du IV du même article.

« Lorsque le règlement est modifié et supprime un secteur soumis à l’obligation prévue au présent article, les logements concernés ne sont plus soumis à ladite obligation. » ;

2° L’article L. 153-31 est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Lorsqu’ils ont pour objet de délimiter les secteurs dans lesquels les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, les changements mentionnés au 1° du I du présent article et la modification des règles applicables aux zones urbaines ou à urbaniser en vue de délimiter ces secteurs en application de l’article L. 151-14-1 relèvent de la procédure de modification simplifiée prévue aux articles L. 153-45 à L. 153-48. » ;

3° Au 4° de l’article L. 153-45, après la référence : « II », sont insérés les mots : « et au III » ;

4° Le chapitre Ier du titre VIII du livre IV est complété par un article L. 481-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 481-4. – I. – En cas d’occupation d’un logement en méconnaissance de l’obligation prévue à l’article L. 151-14-1, constatée par l’agent d’une collectivité publique commissionné par le maire en application de l’article L. 480-1, le maire, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, met en demeure le propriétaire du logement ou, le cas échéant, le locataire, de régulariser la situation.

« II. – Le maire fixe le délai de mise en demeure, qui ne peut excéder un an, en appréciant la nature de la méconnaissance de l’obligation et des moyens à la disposition de l’intéressé pour y remédier. Il peut proroger ce délai, pour une durée qui ne peut excéder un an, afin de tenir compte des difficultés rencontrées par l’intéressé pour s’exécuter.

« III. – Le maire peut, en tenant compte de la situation de l’intéressé et des circonstances de l’espèce, assortir la mise en demeure d’une astreinte d’un montant qu’il fixe et qui ne peut dépasser 1 000 € par jour de retard.

« Le montant total des sommes résultant de l’astreinte journalière ne peut excéder 100 000 €.

« IV. – En l’absence de régularisation de la situation, l’astreinte peut être prononcée à tout moment après l’expiration du délai de mise en demeure, le cas échéant prolongé, après que l’intéressé a été invité à présenter ses observations. »

III. – L’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un plan local d’urbanisme, lorsque la taxe annuelle sur les logements vacants mentionnée à l’article 232 du code général des impôts est applicable ou lorsque les résidences secondaires représentent plus de 20 % du nombre total d’immeubles à usage d’habitation, le plan d’aménagement et de développement durable de Corse peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans les conditions prévues pour le règlement d’urbanisme à l’article L. 151-14-1 du code de l’urbanisme. »

IV. – La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :

a) Le g de l’article 4 est complété par les mots : « ou lorsque le logement est soumis à l’obligation prévue à l’article L. 151-14-1 du code de l’urbanisme, le non-respect de l’obligation de l’occuper exclusivement à titre de résidence principale. Dans ce dernier cas, la résiliation ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai de mise en demeure fixé par le maire conformément au II de l’article L. 481-4 du code de l’urbanisme. » ;

b) L’article 7 est complété par un h ainsi rédigé :

« h) Lorsque le logement est soumis à l’obligation prévue à l’article L. 151-14-1 du code de l’urbanisme, de l’occuper exclusivement à titre de résidence principale, le non-respect de cette clause entraînant la résiliation de plein droit du bail. »

V. – (Supprimé)

Article 2
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Article 3

Article 2 bis

I. – (Supprimé)

II (nouveau). – La loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est ainsi modifiée :

1° Après l’article 8-1, il est ajouté un article ainsi rédigé :

« Art. 8-1-1. – Les règlements de copropriété établis à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale mentionnent de manière explicite l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code de tourisme. »

2° Après le quatrième alinéa de l’article 26, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« d) La modification du règlement de copropriété qui concerne l’interdiction de location des lots à usage d’habitation, autres que ceux constituant une résidence principale au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en meublés de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

La modification prévue au d) ne peut être décidée que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale. »

Article 2 bis
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Article 4

Article 3

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. – L’article 50-0 est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « , autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l’article 1407 » sont supprimés ;

b) Le 1° bis est ainsi rédigé :

« 1° bis 15 000 € s’il s’agit d’entreprises dont l’activité principale est de louer directement ou indirectement des meublés de tourisme, au sens de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l’article 1407 du présent code ; »

c) Les cinquième à treizième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’activité d’une entreprise se rattache à plusieurs catégories définies aux 1°, 1° bis et 2°, le régime défini au présent article n’est applicable que si le chiffre d’affaires hors taxes global de l’entreprise respecte la limite mentionnée au 1° et si le chiffre d’affaires hors taxes afférent aux activités mentionnées aux 1° bis et 2° est inférieur ou égal aux limites respectives mentionnées aux mêmes 1° bis et 2°.

« Le résultat imposable, avant prise en compte des plus ou moins-values provenant de la cession des biens affectés à l’exploitation, est égal au montant du chiffre d’affaires hors taxes diminué d’un abattement de 71 % pour le chiffre d’affaires provenant d’activités de la catégorie mentionnée au 1°, d’un abattement de 50 % pour le chiffre d’affaires provenant d’activités de la catégorie mentionnée au 2° et d’un abattement de 30 % pour le chiffre d’affaires provenant d’activités de la catégorie mentionnée au 1° bis. Ces abattements ne peuvent être inférieurs à 305 €.

« Les plus ou moins-values mentionnées au cinquième alinéa sont déterminées et imposées dans les conditions prévues aux articles 39 duodecies à 39 quindecies, sous réserve des dispositions de l’article 151 septies. Pour l’application de la première phrase du présent alinéa, les abattements mentionnés au sixième alinéa sont réputés tenir compte des amortissements pratiqués selon le mode linéaire. » ;

d) Au quatorzième alinéa, après les mots : « au présent 1 », sont insérés les mots : « , à l’exception du seuil prévu au 1° bis, » ;

2° Au a du 2, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;

B. – Au premier alinéa du III de l’article 151-0, le mot : « douzième » est remplacé par le mot : « septième ».

II. – Le présent article s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2025.

III. – Pour l’imposition des revenus perçus en 2024, l’article 50-0 du code général des impôts s’applique dans sa rédaction antérieure à celle résultant de l’article 45 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

Article 3
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Article 3

Article 4

(Supprimé)

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M. le président. Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.

article 3

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Remplacer le mot :

cinquième

par le mot :

sixième

La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Létard, ministre. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sylviane Noël, rapporteure. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Le vote sur l’article 3, modifié, est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.

La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes enfin réunis dans cet hémicycle pour parler du logement, premier poste de dépense des Français et secteur frappé depuis plusieurs années par une crise sans précédent.

Nous serons tous d’accord sur ce point, vous y compris, madame la ministre : si, à ce titre, diverses mesures ont été votées en 2024, elles restent insuffisantes face à l’ampleur du problème. (Mme la ministre le concède.)

En la matière, nous faisons bel et bien face à plusieurs facteurs combinés, qui exigent une réponse globale et ambitieuse. Or c’est précisément le contraire de ce que nous avons fait ces dernières années, en égrenant de petites mesures en autant de textes de loi… Cette approche parcellaire est d’autant plus dommageable que, les décrets d’application tardant parfois à être publiés, cette législation reste en partie inapplicable.

Qui peut contester les effets de la crise du logement aujourd’hui ? Qui peut nier la pénurie de logements, notamment dans les grandes villes et les zones tendues, et ses conséquences pour les plus précaires ? Je pense en particulier à notre jeunesse.

Avec cette proposition de loi, nous nous penchons sur la prolifération des locations de courte durée, dont les effets sont proprement catastrophiques.

Pour les habitants permanents des territoires concernés, ce phénomène entraîne une raréfaction de l’offre de logements : il provoque en effet un vaste mouvement de spéculation immobilière conduisant à créer des villes de résidences secondaires.

Mes chers collègues, à l’instar de Fabrice Luchini, permettez-moi de paraphraser Roland Barthes : une ville n’est belle que quand elle est habitable. Elle cesse d’être intéressante quand elle n’est plus que « visitable ». C’est pourquoi la régulation du marché des meublés de tourisme, et donc de plateformes comme Airbnb, est une nécessité absolue.

Nous sommes tous d’accord sur ce point : il faut réguler. Mais suivant quel objectif ? La priorité du groupe écologiste est claire : il s’agit avant tout de protéger les habitants permanents ; d’aider les jeunes, les familles et les plus précaires ; et de donner aux élus locaux les moyens d’assurer une régulation efficace – enjeu sur lequel Mme la ministre a insisté à juste titre.

La location de courte durée doit être encadrée. Le but n’est pas de l’empêcher, mais de faire en sorte qu’elle s’inscrive harmonieusement dans la vie de nos villes. C’est un enjeu considérable pour nos concitoyens.

Je pourrais citer l’exemple de la zone littorale de Saint-Malo, chère à mon collègue Daniel Salmon,…

Mme Antoinette Guhl. … mais je préfère m’en tenir au cas de Paris, que je connais mieux.

À Paris, 100 000 logements ont été créés en dix ans : c’est tout à fait considérable. Mais, dans le même temps, 43 000 à 60 000 nouvelles annonces Airbnb ont été recensées. Sans avoir été réduit à néant, l’effort de construction a été neutralisé à moitié par la prolifération des meublés touristiques.

À Paris comme à Saint-Malo, le phénomène Airbnb n’est pas la seule cause de la crise du logement, mais il a indéniablement une part de responsabilité. À côté des habitations vacantes et des lits froids des résidences secondaires, les plateformes en question contribuent à l’inaccessibilité des logements.

Je n’ignore pas que beaucoup de nos concitoyens trouvent un intérêt à ce type de location, que ce soit pour compléter leurs revenus ou pour voyager. Mais ces activités ont un impact significatif pour nos villes : j’y insiste, elles heurtent de plein fouet nos politiques publiques, qu’il s’agisse du logement, des transports, de la gestion des déchets ou du tourisme lui-même. Or le secteur du meublé touristique n’en assume pas les conséquences. La taxe de séjour ne compense qu’une infime partie des coûts liés au tourisme – transports, gestion des déchets, contrôle, etc. Il est temps de rétablir un équilibre.

Nous saluons les conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) dans leur diversité, traduisant des accords sur de nombreux points. Je pense, par exemple, à la rénovation énergétique des logements mis en location ou à la fiscalité.

Sur ces différents sujets, nous avons trouvé un compromis donnant le pouvoir aux élus locaux face aux mastodontes du meublé touristique. Désormais, ces derniers devront prendre en compte les politiques publiques locales.

Le présent texte nous offre un équilibre devenu indispensable entre les avantages dont disposent ces plateformes et les nuisances qu’elles provoquent dans nos villes. Je pense, plus précisément, au bal des valises à roulettes, qui perturbe nos quartiers, nos rues, nos halls d’immeubles, bref notre vie quotidienne.

Nous voterons donc ce texte, mais nous restons convaincus de la nécessité d’apporter une réponse globale et ambitieuse. Il faut assurer à la fois la création de nouveaux logements, notamment sociaux, la régulation du marché immobilier, ainsi que la protection des plus vulnérables et de la jeunesse. (Mme la ministre acquiesce.) Nous en reparlerons, je n’en doute pas, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE-K, et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après plus de deux ans de discussions, au cours desquels nous avons connu plusieurs remaniements, une dissolution et le début d’une nouvelle législature, nous arrivons enfin au terme de ce parcours législatif.

Le 28 octobre dernier, cette proposition de loi relative à la régulation des meublés de tourisme a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. Nous pourrons désormais répondre aux attentes de nos territoires, qui font face à une pénurie de logements et où une forte pression s’exerce sur le marché locatif.

Ce texte marque une première étape, et une étape cruciale, dans la lutte contre la crise du logement. Il dote nos maires d’outils qu’ils attendaient de longue date pour encadrer les locations de meublés, en particulier dans les communes touchées par le surtourisme et la spéculation immobilière, comme chez moi, au Pays basque.

Je le répète, nos élus locaux attendaient ce texte depuis longtemps. D’ailleurs, bien des lois devraient être conçues de cette manière, en partant des situations observées sur le terrain pour proposer des outils adaptables à chaque territoire. Nous le savons tous : les réalités locales ne sont pas les mêmes que l’on se trouve sur le littoral atlantique, dans le Cantal, en Alsace ou dans le Nord.

Dorénavant, toutes les communes pourront fixer des quotas de meublés de tourisme et définir des zones réservées aux résidences principales. Cette faculté permettra de redonner vie aux centres-villes, désertés par les commerces comme par les habitants.

Par ailleurs, les maires pourront limiter la durée de location des résidences principales à 90 jours par an, contre 120 jours actuellement. Pour mieux encadrer et suivre ces locations, un numéro d’enregistrement deviendra obligatoire pour toutes les résidences, principales comme secondaires.

Il faut laisser la main aux élus intercommunaux ou communaux, car, in fine, ce sont eux qui connaissent le mieux la situation de leur territoire. En leur offrant de nouveaux outils, nous leur témoignons avant tout notre confiance. C’est à eux que revient le soin d’assurer une régulation adaptée à chaque situation.

L’une des priorités de cette proposition de loi était de réformer une fiscalité inéquitable : désormais, le propriétaire d’un meublé de tourisme non classé, à Bidart par exemple, bénéficiera d’un abattement réduit à 30 %, contre 50 % aujourd’hui, pour un chiffre d’affaires annuel maximal de 15 000 euros.

Madame la ministre, il est toutefois essentiel de préserver nos gîtes ruraux et nos chambres d’hôtes, qui contribuent au rayonnement et à l’animation de nos campagnes et de nos territoires montagnards. Il faut faire attention à ce que ces offres ne subissent pas une double fiscalisation, notamment par le biais de la mutualité sociale agricole (MSA). Nous y veillerons lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF).

Les meublés de tourisme classés et les chambres d’hôtes bénéficient aujourd’hui d’un abattement de 50 %, jusqu’à 77 700 euros de chiffre d’affaires annuel.

À cet égard, je tiens à insister sur les difficultés propres aux territoires de montagne : bien qu’ils dépendent du tourisme, ces derniers ont un besoin urgent de logements accessibles pour les jeunes qui y vivent et pour les travailleurs saisonniers, eux aussi essentiels à l’économie locale. On comprend, dès lors, l’importance d’un juste équilibre entre régulation et incitation.

Cette avancée est significative, mais il ne s’agit que d’un premier pas. Il nous faut absolument aller plus loin, en portant de 30 % à 50 % le taux d’abattement pour les locations nues de longue durée. Ce faisant, on protégera plus efficacement les propriétaires louant des logements à l’année.

Cette mesure n’a pas été retenue dans le cadre du présent texte. Je le regrette sincèrement et je ne manquerai pas de la défendre de nouveau lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.

Enfin, je tiens à remercier chaleureusement nos collègues députés Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur, présents en tribune : depuis plus de deux ans, ils ont fait preuve d’un grand volontarisme sur ces sujets. Ils se sont battus pour faire aboutir le présent texte, dont nos territoires ont tant besoin.

Les élus du groupe socialiste voteront bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte, qui a fait l’objet d’un compromis lundi 28 octobre dernier en commission mixte paritaire, tente de répondre à la crise du logement que subissent nombre de nos territoires.

Non seulement les coûts de construction, les taux d’intérêt et le coût du foncier augmentent, mais les loyers sont eux aussi en hausse régulière depuis un an : à l’évidence, cette crise est multifactorielle et une loi, seule, ne saurait y répondre intégralement.

Cette proposition de loi s’attaque à un problème bien spécifique : l’éviction par les locations touristiques des locations destinées à l’habitation.

Telle ou telle mesure pourra peut-être dissuader certains propriétaires de louer leurs biens en meublés de tourisme, à condition bien sûr d’être reprise dans le PLF… Je pense notamment à l’alignement du régime fiscal des meublés de tourisme sur celui des locations de longue durée, ainsi qu’à la possibilité, pour les conseils municipaux, de réduire à 90 jours le nombre maximal de jours de location touristique des résidences principales.

En outre, en matière de performance énergétique, cette proposition de loi aligne les obligations des meublés de tourisme sur celles des locations meublées de longue durée. Ce faisant, elle vient combler une lacune qui s’apparentait à une anomalie.

Ce nouveau cadre devrait décourager plus fortement les plus gros propriétaires à recourir au meublé de tourisme. Il permettra ainsi de contenir certains abus pouvant restreindre l’accès au logement. Ces propriétaires seront-ils pour autant incités à proposer leur logement en meublé d’habitation ? Quelles mesures entend-on prendre en faveur de l’offre ?

L’article 2 ouvre deux nouvelles possibilités aux communes : premièrement, délimiter des secteurs où les nouveaux logements, quels qu’ils soient, devront être à usage exclusif de résidence principale ; deuxièmement, fixer dans certaines zones soit un nombre maximal d’autorisations temporaires pouvant être délivrées soit la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage.

J’approuve l’objectif de cette proposition de loi, mais, à mon sens, ses dispositions ne suffiront pas à favoriser l’offre de logement à coût abordable. Il faudra faire bien plus pour changer réellement la donne…

Je le soulignais en préambule, la crise du logement est multifactorielle. Nous pouvons certes agir sur les meublés de tourisme et, à cet égard, le présent texte nous permet de franchir une première étape. Toutefois, j’y insiste, ces meublés ne sont pas seuls responsables des problèmes actuels.

C’est indéniable : dans certains cas, l’explosion du nombre de meublés de tourisme a donné lieu à des abus, qui ont eux-mêmes provoqué des tensions. Mais reconnaissons aussi qu’il s’agit là d’une offre touristique complémentaire et diversifiée, contribuant au dynamisme économique de certains de nos territoires.

D’autres leviers pourraient être actionnés pour encourager l’offre, notamment la revalorisation du statut du bailleur. Il faut rééquilibrer les relations entre propriétaire et locataire en offrant une meilleure protection aux bailleurs : ces derniers seront ainsi incités à proposer leurs biens sur le marché locatif de longue durée.

Madame la ministre, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendront toute initiative à même de lutter contre la crise du logement. Dans ce domaine, ils continuent d’attendre la mise en œuvre d’une vraie politique de l’offre, seule à même de proposer au plus grand nombre des logements de longue durée à un coût abordable. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Antoinette Guhl et M. Bernard Buis applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons, le présent texte n’est qu’une partie de la réponse à la crise majeure que connaît actuellement le secteur du logement. Néanmoins, nous devons saisir toutes les occasions d’améliorer la situation, et cette proposition de loi en est une.

Dans certains territoires, la prolifération des meublés touristiques aggrave les difficultés existantes : lorsqu’elle se substitue à la location de longue durée, cette offre provoque l’attrition des logements disponibles en résidence principale.

J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, les réponses à cette situation me paraissent principalement de nature réglementaire et non fiscale. À mon sens, c’est l’évolution de la réglementation et des pouvoirs confiés aux élus locaux pour réguler le marché à l’échelle locale qui favorisera véritablement le retour à la location de longue durée.

Je tiens à saluer le travail accompli par notre rapporteure, Sylviane Noël, qui, avec ses homologues de l’Assemblée nationale, a su trouver des compromis constructifs. Leur travail donne aux élus de nos territoires de plus grandes marges de manœuvre pour réguler la location de courte durée.

Les dispositions fiscales du présent texte, mesures que j’ai été chargé de rapporter pour le Sénat, m’inspirent une réelle satisfaction. La rédaction à laquelle nous sommes parvenus en CMP conserve très largement les apports du Sénat, qui visaient à rendre la fiscalité des meublés touristiques à la fois plus lisible, plus juste et plus équilibrée.

Ainsi, dans sa version issue de la CMP, l’article 3 réforme les paramètres fiscaux du régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) applicable aux meublés de tourisme.

Cet article suit une ligne directrice claire : simplifier le régime fiscal applicable aux revenus des locations meublées. Nous sommes donc revenus sur le dispositif, par trop complexe, de zonages multiples proposé par l’Assemblée nationale. Ce dernier se serait révélé contre-productif, d’autant que – ne l’oublions pas – le micro-BIC est censé être un régime simplifié.

Le Sénat est également parvenu à simplifier ce régime en harmonisant les taux d’abattement et les plafonds avec ceux de divers dispositifs existants.

De même, les régimes micro-BIC applicables, d’une part, aux meublés de longue durée et, de l’autre, aux meublés touristiques non classés sont désormais distingués clairement, afin d’encourager le premier type de location.

En outre, l’article 3, tel qu’adopté en CMP, maintient l’incitation au classement des meublés de tourisme, dans une logique de montée en gamme et de mise en valeur de la qualité de l’accueil dans nos territoires. Il s’agit, à mon sens, d’un bon choix.

Enfin, je me réjouis que nous ayons évité, lors de la CMP, d’aborder tel ou tel point dont le Sénat n’avait pas débattu en première lecture. Nos collègues députés souhaitaient certes assez ardemment engager ces discussions, mais un tel procédé n’aurait pas été conforme à la règle dite de l’entonnoir.

L’article 4 faisait revenir dans le calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens. Nous nous sommes entendus avec nos collègues députés pour renvoyer ce débat au PLF pour 2025, où cette disposition figure à l’article 24.

Je tiens à saluer l’état d’esprit dans lequel nos collègues rapporteurs de l’Assemblée nationale ont abordé cette CMP. Si, malgré quelques divergences, nous avons pu conduire nos travaux à leur terme en vue d’une adoption de ce texte, c’est grâce à leur désir de faire converger les points de vue, afin de préparer l’avenir dans les meilleures conditions.

L’équilibre auquel nous aboutissons constituera, je l’espère, une véritable avancée en matière de logement, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi avant tout de saluer les auteurs de cette proposition de loi, présents en tribune : nos collègues députés Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz.

Si législation rime parfois davantage avec complexification qu’avec solution, le présent texte – reconnaissons-le – est à la fois attendu par les élus locaux, nécessaire pour les saisonniers et profitable pour nos territoires.

Nul ne peut ignorer les difficultés que les Français rencontrent pour se loger à un prix abordable, en particulier dans les communes les plus attractives, celles des zones dites tendues.

La crise du logement persiste et signe, alors que le prix des loyers a connu une hausse ininterrompue depuis quarante ans, notamment dans le parc locatif privé. Ainsi, à qualité constante, les loyers d’habitation ont été multipliés par 2,6 entre 1984 et 2020. Nombreux sont les Françaises et les Français qui n’arrivent plus à se loger à l’année près de leur lieu de travail.

Dans les zones particulièrement touristiques, comme certains littoraux ou certains territoires de montagne, qu’il s’agisse des côtes finistériennes, des massifs isérois ou des plateaux du Diois, l’importance des résidences secondaires dans le parc total et l’essor des meublés de tourisme alimentent ce phénomène, suscitant un sentiment de frustration et de déclassement.

Mes chers collègues, je le déclarais à cette tribune le 21 mai dernier : il n’est pas acceptable que des saisonniers ou des étudiants ne puissent se loger dans des conditions décentes. À l’évidence, il était nécessaire de légiférer. Je me réjouis donc du travail accompli au cours de la navette parlementaire. Je salue à la fois les apports du Sénat et les compromis trouvés avec nos collègues députés.

La Haute Assemblée est à l’origine de plusieurs avancées.

Je pense bien évidemment à la rédaction de l’article 1er, lequel soumet l’octroi de l’autorisation de changement d’usage pour les locaux concernés à un diagnostic de performance énergétique (DPE) de classe A à E dès l’entrée en vigueur du présent texte, puis a minima à un DPE de classe D au 1er janvier 2034.

Je pense également à la réorganisation de la fiscalité des logements meublés de tourisme. Pour le calcul de l’impôt sur le revenu, les taux d’abattement sur les revenus locatifs sont réduits à 30 % pour les meublés de tourisme non classés, avec un plafond d’éligibilité à 15 000 euros, et à 50 % pour les meublés classés, avec un plafond d’éligibilité à 77 700 euros.

Ces mesures pleines de sagesse ont été tracées par la plume du Sénat et je me félicite qu’elles soient conservées dans la version finale du présent texte. De même, je me dois de saluer les compromis trouvés avec nos collègues députés au cours d’une commission mixte paritaire qui – rappelons-le – a duré plus de quatre heures.

Les élus locaux en sortent gagnants : ils disposeront de compétences élargies afin de mieux réglementer l’implantation des locaux à usage touristique. La définition de la location meublée touristique a ainsi fait l’objet d’une harmonisation rédactionnelle. En outre, les résidences-services, catégorie comprenant un certain nombre de résidences étudiantes, ont été exclues du calcul des quotas d’autorisations temporaires de changement d’usage.

L’article 2 bis a été, quant à lui, entièrement réécrit.

Tout d’abord, les règlements de copropriété pourront être révisés afin de proscrire la location en meublé de tourisme. Cette interdiction pourra être adoptée à la majorité des membres du syndicat représentant au moins deux tiers des voix. Je précise que seuls sont concernés les lots à usage d’habitation ou destinés aux activités libérales.

Ensuite, tout nouveau règlement de copropriété devra préciser s’il est possible ou non de louer en meublés de tourisme des lots d’habitation.

L’article 1er A autorise l’universalisation du numéro de déclaration ou d’enregistrement des meublés de tourisme auprès d’une mairie. À ce titre, on exigera des preuves solides afin de mieux lutter contre la fraude à la notion de résidence principale.

S’il convient, sur ce point, d’attendre la parution du décret d’application, il s’agit là d’une rédaction satisfaisante, reprenant partiellement les dispositions d’un amendement déposé par ma collègue Nadège Havet, que j’avais cosigné et que le Sénat avait adopté en séance au printemps dernier.

Enfin, les élus de notre groupe saluent le rétablissement de l’article 1er bis encadrant la possibilité pour la commune d’abaisser de 120 à 90 le nombre de jours de location d’une résidence principale chaque année. Cette rédaction accorde davantage de souplesse aux conseils municipaux, qui, parce qu’ils connaissent parfaitement les situations locales, sont les mieux à même de répondre aux besoins spécifiques des communes.

Mes chers collègues, au terme des discussions en séance, puis en commission mixte paritaire, nous disposons aujourd’hui d’un texte transpartisan.

Utile à bien des égards, cette proposition de loi est attendue par nos élus locaux et, plus largement, par nos concitoyens. Empressons-nous de la voter et souhaitons collectivement sa promulgation rapide, afin qu’elle puisse être appliquée le plus tôt possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « encadrer la location de meublés touristiques ne résoudra pas tous les déséquilibres de notre marché locatif, car ceux-ci sont multifactoriels. Seule une réflexion globale permettra de renforcer l’attractivité de la location permanente. » C’est par ces mots que j’ai pris soin de nuancer la portée de ce texte en première lecture ; et c’est par ces mêmes mots que je tiens à rappeler le contexte dans lequel, aujourd’hui comme hier, nos débats s’inscrivent malheureusement.

Ne nous y trompons pas. La crise du logement que traverse notre pays est bien sûr sociale et économique ; mais, à plus d’un titre, elle est également politique.

Le blocage du parcours résidentiel provoque, chez les uns, l’impression d’une assignation à résidence et, chez les autres, un sentiment de déclassement. Je pense notamment aux jeunes, qui, contrairement à leurs aînés, ne peuvent accéder à la propriété. Le phénomène est particulièrement marqué dans les classes moyennes.

Cette situation est vécue comme une injustice d’autant plus grande que, dans le même temps, se développent les résidences secondaires et les meublés de tourisme. En entravant des projets de vie, elle met à mal le pacte social. Elle menace la solidarité et la cohésion nationale.

Face à ce diagnostic alarmant, nous devons agir avec rapidité et avec force, tant sur la demande que sur l’offre. À plus long terme, il est indispensable de refonder notre politique du logement.

Madame la ministre, vous le savez aussi bien que nous : en la matière, nous avons besoin d’un vaste projet de loi traduisant des orientations à la fois claires et ambitieuses, et, surtout, apportant un véritable soutien financier, en particulier aux collectivités territoriales. C’est un enjeu de mobilisation politique.

Face à l’effet d’éviction qu’entraînent les meublés de tourisme sur le parc de logements et à leurs nombreuses externalités négatives, telles que l’augmentation des prix du foncier, la raréfaction de l’offre, le blocage du parcours résidentiel, etc. cette proposition de loi est bienvenue. Il devenait urgent de maîtriser leur essor et de donner aux élus locaux de nouveaux outils pour évaluer, réguler et contrôler leur développement sur le territoire, tout en favorisant l’habitat permanent.

En ce sens, nous approuvons la généralisation de la déclaration avec enregistrement de toute location meublée touristique, l’extension et la facilitation du recours par la commune au régime d’autorisation préalable au changement d’usage, l’instauration d’une servitude de résidence principale pour les constructions nouvelles dans certaines zones délimitées ainsi que la possibilité offerte à la commune d’abaisser à 90 jours le nombre maximal de jours de location d’une résidence principale.

Toutefois, je regrette que nous n’ayons pu aller plus loin dans la conciliation des préoccupations divergentes de territoires dont les deux dynamiques, économique et locative, sont différentes. Le développement de la location de meublés de tourisme recouvre des réalités distinctes selon les zones : territorialiser la politique du logement devrait ainsi nous permettre de mieux appréhender ces spécificités.

Si l’essor incontrôlé de ce type de locations entraîne de grandes difficultés de logement pour les résidents permanents de communes très touristiques, affectant leur vitalité ou la diversification de leur économie, il constitue également un levier indispensable au dynamisme économique de certaines communes et permet une meilleure agilité de l’offre immobilière touristique par rapport à l’offre hôtelière traditionnelle, souvent insuffisante, notamment en zone rurale.

C’est pourquoi nous attendions de la commission mixte paritaire la réintroduction d’un objectif d’aménagement du territoire permettant une meilleure prise en compte des particularismes économiques locaux, par exemple ceux des stations classées de tourisme, une catégorie recouvrant notamment les stations de montagne et thermales. Prenons garde à ne pas complexifier la situation économique de certains de nos territoires ruraux sous couvert de simplification.

Une distinction entre zone rurale, où le développement des meublés de tourisme ne contribue pas à l’effet d’éviction que combat ce texte, et zone tendue nous semblait ainsi opportune.

L’essor de la location de meublés touristiques peut certes engendrer des déséquilibres, mais il ne saurait résumer à lui seul les causes profondes de l’attrition du marché locatif. La crise du logement dans laquelle la France est engluée est multisectorielle et appelle des réponses diverses, dont la pertinence dépend de l’exactitude du diagnostic établi et des symptômes identifiés.

Si cette proposition de loi apporte une réponse appropriée à l’effet d’aubaine créé par les locations de meublés touristiques aux dépens du secteur de la location résidentielle de longue durée, elle ne doit toutefois pas nous détourner de la tâche qui nous attend.

Pour autant, parce que ce texte est utile et parce qu’il apporte des outils concrets à nos élus locaux, notre groupe votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Amel Gacquerre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus souple juridiquement, plus rémunératrice que la location vide et fiscalement plus intéressante, la location meublée de tourisme a connu un essor sans précédent ces dernières années.

De plus en plus de propriétaires ont préféré la location touristique à la location vide ou meublée à usage de résidence principale. Nous comptons aujourd’hui plus de 1 million de locations saisonnières.

Cette tendance de fond contribue indéniablement à la crise du logement que subissent les Français en ce qu’elle exacerbe la pénurie de logements à louer et le renchérissement de l’immobilier dans les zones tendues. Le législateur se devait donc d’intervenir pour trouver le meilleur équilibre possible et restaurer la justice afin d’assurer les conditions d’une concurrence équitable entre tous les acteurs du tourisme.

Cette proposition de loi vise, à mon sens, à mettre en œuvre des dispositions justes, d’abord envers nos concitoyens qui cherchent à se loger et qui se retrouvent parfois pénalisés par l’éviction de certains logements du parc locatif ou confrontés à des prix excessifs, ce qui alimente un sentiment de déclassement, qu’il importe de combattre à la racine.

Ce texte est aussi juste envers les propriétaires. Je salue à cet égard les avancées sur les obligations du diagnostic de performance énergétique visant à rapprocher les exigences énergétiques des meublés touristiques de celles qui s’appliquent aux autres logements, selon un calendrier ordinaire pour les nouveaux meublés et en accordant un délai réaliste aux autres pour s’y conformer.

Cette proposition de loi est également juste envers les élus locaux, auxquels elle donne plus de pouvoir pour réguler les meublés de tourisme et préserver les logements résidentiels au travers d’une boîte à outils comprenant diverses mesures comme la limitation à 90 jours par an de la durée de location d’une résidence principale aux touristes, l’autorisation préalable de changement d’usage, des quotas d’autorisation temporaire ou des sanctions en cas de fausse déclaration. Il s’agit non pas de créer un arsenal répressif, mais bien de permettre aux élus d’imposer une réglementation là où l’essor des meublés touristiques peut entraîner un effet d’éviction sur l’habitat permanent.

Enfin, ce texte est juste envers les loueurs : leur rôle dans l’attractivité de nombreux villages et villes est reconnu par une fiscalité harmonisée entre locations de courte et de longue durée, une mesure que nous avions soutenue.

Ce texte ne répond certes qu’à un seul aspect d’une crise du logement multidimensionnelle, mais il s’agit d’une initiative parlementaire bienvenue, dont je salue les auteurs, Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz.

Avec le groupe Union Centriste et Yves Bleunven, qui a porté notre voix dans ce débat, je me réjouis du compromis trouvé par le Parlement. Restons vigilants pour que ces dispositions, notamment fiscales, ne soient pas remises en cause dans le projet de loi de finances pour 2025.

Ce compromis en appelle d’autres pour s’attaquer aux injustices et inégalités que cristallise le secteur du logement. À cet égard, madame la ministre, je pense notamment à la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu’habitation en habitations, dont la convocation de la commission mixte paritaire serait bienvenue, mais aussi aux questions touchant à la rénovation thermique, au meilleur fonctionnement des copropriétés, à l’accès à la propriété et à tant d’autres sujets sur lesquels le Sénat et sa commission des affaires économiques sont force de proposition. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voici enfin l’aboutissement de cette proposition de loi sur les meublés de tourisme, véritable fléau pour nos villes. Combien de temps avons-nous laissé ce secteur prospérer sans garde-fou, au détriment de nos concitoyens ?

En 2023, Airbnb a engrangé près de 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 4,8 milliards de dollars de bénéfice net. Pendant ce temps, combien de familles, combien de travailleurs ont dû renoncer à un logement décent ? La France, et particulièrement ses grandes métropoles, alimente cette machine infernale. L’an dernier, la capitale recensait plus de 75 000 annonces Airbnb, autant de logements retirés à la location de droit commun ; tandis que le marché du tourisme explose, 2,7 millions de familles attendent désespérément un logement social.

Dans les villes les plus touchées, certains élus n’ont pas attendu pour agir. Je tiens à saluer l’engagement exemplaire de mon collègue Ian Brossat, qui était en première ligne pour protéger le droit au logement et affronter l’ubérisation de nos villes.

Notre département de Seine-et-Marne subit également les effets de cette économie débridée. À Val d’Europe, à deux pas de Disneyland, le manque de logements est criant pour les salariés du parc comme pour les habitants. Un chiffre est parlant à ce titre : à Serris, commune de 9 000 habitants, le nombre de meublés de tourisme a explosé, passant de 106 en 2018 à 320 en 2023, soit une augmentation de 200 % en cinq ans. Face à cette croissance, la commune et Val d’Europe Agglomération ont imposé des autorisations préalables pour les locations de courte durée. Leur courage a été récompensé : la justice leur a donné raison en juillet dernier.

Ces initiatives locales montrent la voie, mais ne suffisent pas. Nous avons besoin d’un cadre juridique national fort et sans ambiguïté. Cette proposition de loi constitue donc un premier pas en ce sens. Nous la soutiendrons, car elle contient des mesures essentielles pour rétablir un équilibre : elle rend obligatoire l’enregistrement des locations, pour une transparence indispensable, en précisant le type de justificatif requis, afin de garantir une réelle efficacité ; elle sanctionne l’insalubrité et permet ainsi de lutter contre les marchands de sommeil qui profitent de cette opacité ; elle impose des critères de performance énergétique pour aligner ce secteur sur nos exigences écologiques ; elle donne aux élus les outils nécessaires pour limiter la location d’une résidence principale à 90 jours, un ajustement indispensable face à l’explosion des meublés de tourisme ; elle renforce le pouvoir des copropriétaires pour leur permettre de protéger leur immeuble d’un usage qui les pénalise ; enfin, elle met en place une fiscalité juste pour en terminer avec les privilèges accordés aux locations touristiques, lesquelles doivent contribuer équitablement.

Pour autant, soyons clairs : ce texte ne résoudra pas tout. Ce n’est pas les touristes, mais bien l’absence de planification du logement qui est en cause. Oui, les plateformes doivent être régulées, mais elles ne sont qu’un symptôme d’un problème plus profond.

Les nouvelles recettes issues de cette fiscalité doivent d’urgence être réinvesties dans le logement social. Nous avons déjà trop tardé : chaque année, le nombre de personnes sans solution d’hébergement augmente, tandis que le Gouvernement se félicite de maintenir un nombre suffisant de places. L’écart entre la demande et l’offre de logements se creuse pourtant dramatiquement : en vingt ans, le nombre d’expulsions a bondi de 200 %, mais seulement 82 000 logements sociaux ont été agréés en 2023 alors qu’il en faudrait trois fois plus. Les moyens doivent suivre.

Face à l’engouement suscité par ce texte, j’appelle chacun ici à aller plus loin lors de l’examen du projet de loi de finances. Le droit au logement doit l’emporter sur le profit privé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Antoinette Guhl et M. Bernard Buis applaudissent également.)

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement précédemment adopté par le Sénat.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale
 

8

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, mes chers collègues, j’ai l’habitude, de bon matin, de prendre connaissance de la presse régionale. Aujourd’hui, j’ai découvert, au détour d’un article sur l’absentéisme des députés lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, les propos de l’un d’entre eux. Commentant le déroulement des débats, celui-ci a confié que tout était fait pour que le PLF soit réécrit au Sénat, « par des sénateurs qui, je le rappelle, ne sont pas élus par les Français ».

Le mode de représentation du Sénat est pourtant tout aussi légitime que celui de l’Assemblée nationale, je tenais à le rappeler. Plus que jamais, face à la confusion qui règne au Palais Bourbon, il est heureux que notre démocratie dispose d’une assemblée riche de son ancrage territorial.

Je rappelle que nos concitoyens sont attachés aux institutions locales que nous représentons ici. (Bravo ! et applaudissements.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

9

Conventions internationales

Adoption en procédure d’examen simplifié de trois projets de loi dans les textes de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de trois projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces trois projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’union européenne et ses états membres, d’une part, et la république d’arménie, d’autre part et de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’union européenne et ses états membres, d’une part, et l’ukraine, d’autre part

Article 1er

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, signé à Bruxelles le 15 novembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Article 2

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord sur la création d’un espace aérien commun entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Ukraine, d’autre part, signé à Bruxelles le 12 octobre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission, après engagement de la procédure accélérée, sur ce projet de loi (projet n° 544 [2023-2024], texte de la commission n° 687 [2023-2024], rapport n° 686 [2023-2024]).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté.)

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république d’indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Indonésie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (ensemble une annexe), signé à Paris le 28 juin 2021, complété par l’échange de lettres des 18 août 2023 et 9 novembre 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission, après engagement de la procédure accélérée, sur ce projet de loi (projet n° 545 [2023-2024], texte de la commission n° 722 [2023-2024], rapport n° 721 [2023-2024]).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté.)

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de l’état indépendant de papouasie-nouvelle-guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État indépendant de Papouasie-Nouvelle-Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, signé à Port-Moresby le 31 octobre 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur ce projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée (projet n° 531 [2023-2024], texte de la commission n° 602 [2023-2024], rapport n° 601 [2023-2024]).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

10

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale
Discussion générale (suite)

Convention des Nations unies sur le droit de la mer

Adoption définitive en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (projet n° 645 [2023-2024], texte de la commission n° 724 [2023-2024], rapport n° 723 [2023-2024]).

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale
Article unique

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec beaucoup de fierté que je présente aujourd’hui ce projet de loi visant à autoriser la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, un traité plus communément appelé accord BBNJ – pour Marine Biodiversity of Areas Beyond National Jurisdiction – ou encore traité sur la haute mer.

Avant tout, je souhaite souligner le caractère historique de cet accord, tant par son objet que par ce qu’il symbolise. Son adoption par consensus en juin 2023 est l’aboutissement d’un long processus, engagé voilà plus de quinze ans.

Pour la France, qui a contribué de manière décisive à ce succès et qui joue un rôle moteur dans la protection internationale de l’océan, il s’agit d’une victoire. Notre pays a d’ailleurs été parmi les premiers à signer cet accord, dès septembre 2023, au siège des Nations unies, à New York.

C’est aussi une victoire pour le multilatéralisme, dans le contexte géopolitique que nous connaissons et, surtout, un succès pour l’océan, dont les deux tiers de la surface sont couverts par cet accord.

Celui-ci marque même un tournant décisif en venant compléter le cadre juridique établi en 1982 par la convention des Nations unies sur le droit de la mer, concernant un espace qui recouvre 50 % de la surface de notre planète.

Merci à Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche, et à ses services, ainsi qu’à Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur pour les pôles et les océans, et à l’ensemble des services présents et continuellement mobilisés ces dernières années afin de faire advenir cet accord si ambitieux.

L’océan constitue l’un des principaux réservoirs de biodiversité dans le monde et la protection résultant de ce texte permettra enfin d’agir concrètement pour la sauvegarder.

L’océan rend d’innombrables services à l’humanité, que nous devons ici rappeler : il nourrit directement plus de trois milliards de personnes ; il constitue une source d’énergie, de revenus et d’innovations scientifiques et pharmaceutiques ; il est aussi l’un des poumons de notre planète : il fournit plus de la moitié de l’air que nous respirons et absorbe près d’un tiers du CO2 que nous émettons. Nos pays, nos populations dépendent tous de sa santé et de la préservation de ses ressources.

Jamais pourtant l’océan n’a été aussi menacé. La dégradation des écosystèmes marins, les pollutions – dont la pollution plastique –, son acidification, le réchauffement climatique, la pêche illégale, l’exploitation des ressources minérales, gazières et fossiles sont autant de pressions qui se multiplient et le mettent sérieusement en péril. Avant l’accord BBNJ, aucun outil global n’offrait la possibilité d’y remédier de manière concrète au-delà des eaux sous juridiction nationale.

Ce texte fournit avant tout des réponses opérationnelles, à commencer par la possibilité de créer des aires marines protégées au large de tous les continents, et ce non pas seulement selon la loi du consensus, mais à la majorité qualifiée des États parties. Cette modalité de vote, innovante autant que déterminante, rendra l’accord d’autant plus efficace en permettant de surmonter les blocages d’une minorité d’États.

Il oblige aussi les États à évaluer les répercussions des activités susceptibles de provoquer des dommages dans les eaux internationales et d’en surveiller les effets dès lors qu’une autorisation aura été accordée. Il renforce la transparence et la consultation avec toutes les parties prenantes : États côtiers, États intéressés, organisations globales, régionales et sectorielles, sociétés civiles, communautés scientifiques et communautés locales.

Il prévoit en outre de renforcer les capacités des pays en développement, dans une logique solidaire, pour leur permettre d’atteindre les objectifs de conservation qu’il contient. Cet effort de solidarité passe aussi par le partage des bénéfices issus de l’utilisation des ressources génétiques marines.

Cet accord a été conçu dans une logique d’efficacité. Plutôt que d’ajouter une couche supplémentaire aux accords régionaux déjà existants pour la protection de la haute mer, il renforce la coopération et la coordination entre les différentes organisations régionales et multilatérales compétentes, sans s’y substituer, en les faisant converger.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai rappelé qu’il était le fruit d’un long processus de négociation. Il prouve que la méthode multilatérale peut être efficace et concrète, mais aussi que les Nations unies peuvent apporter des réponses universelles aux grands défis mondiaux de notre temps.

Il se situe à un point d’équilibre entre des intérêts et priorités divers, entre la conservation et l’utilisation durable de l’océan. Il est ambitieux, comme l’ont été la France et l’Union européenne dans ces négociations.

Comme je le soulignais, je suis fier que notre pays, que nos agents, aient joué un rôle moteur et décisif, comme nous en avons désormais pris l’habitude dans toutes les négociations climatiques et environnementales.

Je salue l’investissement sans faille des équipes du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, notamment de la direction des affaires juridiques, qui a conduit et coordonné les travaux depuis leurs prémices.

En lien étroit avec les ministères chargés de la transition écologique et de la cohésion des territoires, mon ministère a mobilisé toute l’expertise disponible au niveau national au sein de l’État, des instituts de recherche et des établissements publics concernés. Il s’agit là d’un exemple de réussite à suivre.

Parmi les solutions proposées par la France qui ont abouti, relevons la possibilité, pour la conférence des parties, d’adopter des décisions à la majorité qualifiée pour surmonter les blocages d’une minorité d’États, la nécessité d’évaluer les répercussions des activités menées sous la juridiction des États et ayant des effets en haute mer, la création d’un fonds volontaire ouvert aux entités privées pour contribuer aux objectifs de conservation et d’utilisation durable, ou encore l’introduction d’une évaluation d’impact préliminaire lorsqu’une activité risque d’emporter des effets plus que mineurs ou transitoires.

Nous maintiendrons ce niveau d’ambition en vue de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, qui se tiendra en juin 2025 à Nice et qui sera le plus grand sommet consacré à ce sujet jamais organisé, un événement qui entend être pour l’océan l’équivalent de ce que l’accord de Paris a été pour le climat.

Avec le Costa Rica, qui est coorganisateur, nous nous emploierons à permettre l’entrée en vigueur de l’accord BBNJ le plus rapidement possible, et donc à rassembler les soixante ratifications nécessaires. On dénombre aujourd’hui cent cinq signataires et quatorze États parties ayant ratifié.

Émettre aujourd’hui un avis favorable sur ce texte, c’est faire de la France le premier État membre de l’Union européenne ainsi que le premier État du G7 et du G20 à finaliser son processus de ratification au niveau national ; c’est aussi contribuer à un effet d’entraînement indispensable à l’entrée en vigueur rapide de cet accord.

Dans la continuité de son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 29 mai dernier et de son adoption par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, je vous encourage à approuver ce projet de loi à la plus large majorité possible pour marquer l’importance de cet accord fondamental et la nécessité absolue d’agir sans tarder et sans détourner le regard, pour protéger notre planète, pour les générations présentes et futures, pour nos populations, d’agir pour l’océan. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Guiol, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, mieux connu sous l’acronyme anglais BBNJ.

Cet accord est historique. Porteur d’une haute ambition, il est le fruit d’un consensus international remarquable puisque les discussions ont pu aboutir aux Nations unies malgré un contexte fracturé par l’agression russe en Ukraine, déclenchée un an plus tôt, et par la rivalité stratégique sino-américaine.

Il concerne juridiquement la haute mer, c’est-à-dire les espaces maritimes qui ne sont sous l’autorité d’aucun État, à l’inverse de la mer territoriale, des zones économiques exclusives ou du plateau continental, soit plus de 50 % de la surface planétaire et 64 % de celle des océans. Cette ressource collective constitue un potentiel inexploré dont probablement 70 % à 80 % des espèces restent à découvrir.

Cet accord est l’aboutissement d’un long processus qui a débuté en 2004, lorsque l’Assemblée générale des Nations unies a formulé ses premières préoccupations sur les lacunes du droit international relatif à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité dans les espaces maritimes internationaux.

Jusque-là, le seul cadre juridique applicable aux océans était la convention des Nations unies sur le droit de la mer adoptée en 1982 à Montego Bay et entrée en vigueur en 1994. Cette convention est quasi universelle, puisqu’elle compte 169 parties, à l’exception notable des États-Unis. Elle définit, certes, de grands principes environnementaux pour la haute mer, mais ceux-ci restent d’application limitée.

La communauté internationale a pris conscience qu’il fallait aller plus loin. Un important travail préparatoire s’est tenu pendant plus de quinze ans, précédant la négociation formelle du texte de 2018 à 2023.

Le champ d’application de l’accord exclut toutefois certains secteurs. D’abord, le secteur militaire – chacun comprendra pourquoi –, puis l’exploration et l’exploitation des minéraux, qui dépendent de l’Autorité internationale des fonds marins et restent donc réglementés par la convention des Nations unies sur le droit de la mer, et enfin la pêche, qui reste régie par les organisations régionales de gestion de la pêche.

Possédant la deuxième zone économique exclusive (ZEE) au monde, la France est très engagée en matière de diplomatie environnementale en milieu maritime. Elle a aussi accueilli à Brest le One Ocean Summit, en février 2022, et se prépare à la tenue d’une conférence des Nations unies sur l’océan à Nice, en juin 2025.

Très impliquée au niveau politique dans la négociation de l’accord, la France travaille à accélérer le processus de ratification par les États signataires et jouera un rôle important dans sa mise en œuvre.

Je ne vous présenterai pas en détail le contenu de l’accord, qui comporte trente-quatre pages, soixante-seize articles et deux annexes. J’en rappellerai plutôt l’essentiel.

L’accord comporte quatre volets principaux. Le premier porte sur les outils de gestion par zone et sur les modalités de création d’aires marines protégées.

Lorsque l’accord sera entré en vigueur, les États pourront désigner collectivement ou individuellement des aires protégées ou tout autre outil de gestion par zone. Les décisions et les recommandations seront prises, comme il est d’usage, par consensus ainsi que, de manière assez inédite, par vote à la majorité des trois quarts afin d’éviter d’éventuels blocages. Cette avancée doit beaucoup à la France et à l’Union européenne.

Le deuxième volet concerne les études d’impact environnemental.

Une obligation générale de réaliser de telles études incombe déjà aux États qui projettent de nouvelles activités en pleine mer. Jusqu’alors, aucune procédure spécifique n’était prévue et cette obligation n’était pas toujours respectée ; le BBNJ définit une procédure et prévoit la consultation des parties prenantes au sens large, y compris celle des États potentiellement affectés.

Les ressources génétiques marines, qui font l’objet du troisième volet de l’accord, ainsi que les données numériques qui en sont extraites, ont une valeur marchande que les entreprises de biotechnologie cherchent à utiliser à des fins commerciales, par exemple dans le domaine médical ou cosmétique. Vous imaginez les gains potentiels que ces ressources génétiques marines représentent ; or dix pays disposent à eux seuls de 90 % des brevets associés à ces ressources, ce qui soulève des questions d’équité et de justice auxquelles le BBNJ tente de répondre.

L’article 7 de l’accord pose le principe de partage juste et équitable des avantages obtenus. Comment ? L’accord ne répond pas à cette question ; il faudra donc attendre son entrée en vigueur et la constitution du comité sur l’accès et le partage des avantages, composé de quinze membres élus lors de la première conférence des parties, qui formulera des recommandations sur les mécanismes à mettre en place.

Enfin, le quatrième volet concerne l’accroissement des capacités des pays en développement et le transfert de technologies. Les États parties devront contribuer au renforcement des capacités des États en développement et coopérer avec eux au titre du transfert de technologies marines. Concrètement, les pays en développement devraient pouvoir bénéficier dudit transfert à des conditions préférentielles.

Le nouveau traité va chevaucher des réglementations qui existent déjà en matière de navigation, d’exploration et d’exploitation des fonds marins ou de pêche. En effet, pour articuler ce texte avec l’existant, les États ont décidé de ne pas porter atteinte aux instruments juridiques en vigueur et de favoriser la coordination et la coopération entre les différentes instances compétentes, en particulier l’Autorité internationale des fonds marins et les organisations de gestion de pêche, qui resteront souveraines dans leurs compétences.

L’Opecst, dans son rapport du 4 avril 2024 sur la protection de la biodiversité marine en haute mer, recommandait au Gouvernement d’émettre une réserve afin que les activités relatives aux ressources génétiques marines ne s’appliquent pas aux ressources collectées avant l’entrée en vigueur de l’accord, comme celui-ci le prévoit. Il s’agit de protéger les collections parfois très anciennes et issues de la haute mer du Muséum national d’histoire naturelle. J’ai obtenu l’assurance des commissaires du Gouvernement que cette réserve serait bien insérée.

À ce jour, 105 États ont signé l’accord, dont l’ensemble des États européens. Il est d’ailleurs prévu que des États qui ne sont pas parties à la convention de Montego Bay puissent signer l’accord BBNJ, à l’instar des États-Unis.

Le BBNJ entrera en vigueur 120 jours après la date de dépôt du soixantième instrument de ratification. À ce jour, seuls quatorze États l’ont ratifié, soit neuf de plus depuis l’adoption du texte par l’Assemblée nationale, le 29 mai dernier. Le Parlement européen a approuvé sa ratification le 24 avril 2024. La France, très impliquée dans cet accord, devrait figurer parmi les premiers États à autoriser sa ratification.

Nous espérons que le seuil des soixante ratifications soit atteint à l’occasion de la conférence de Nice, en juin prochain. À ce titre, la France mobilise l’ensemble de son réseau diplomatique, en particulier pour que les États membres de l’Union européenne ratifient le BBNJ avant cette date.

L’adoption de cet accord constitue le début d’une nouvelle dynamique pour la coopération et le multilatéralisme au service de la protection et de la préservation des océans. Tout reste à construire par les conférences des parties, qui se mettront en place dès l’entrée en vigueur du texte.

À plus long terme, le BBNJ ne sera efficace qu’à la condition d’assurer le suivi, le contrôle et la surveillance des activités humaines en haute mer. Compte tenu de la superficie du domaine maritime français, notre pays a une responsabilité particulière à cet égard.

Le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche, Fabrice Loher, avec lequel je me suis entretenu la semaine dernière, m’a assuré que le projet de loi de finances pour 2025 lui accordera les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par cette convention, en particulier en ce qui concerne les moyens militaires de surveillance.

Mes chers collègues, cet accord fait confiance à la science. Ses orientations seront prises par un organe scientifique et technique composé d’experts internationaux. Il construit une démarche protectrice et durable des richesses et des ressources marines face à la prédation des hommes. Il permet ainsi à tous les acteurs du monde de prendre conscience de la beauté, de l’immensité, mais aussi de la fragilité des océans et des fonds marins. En ratifiant au plus vite ce texte, la France renforcera son influence sur la scène internationale. Pour traduire l’esprit de cet accord, je citerai Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »

Mes chers collègues, compte tenu de ces éléments, notre commission vous propose d’approuver ce texte en faveur duquel la France s’est fortement mobilisée et qui constitue, vous l’aurez compris, une avancée historique pour la protection de la biodiversité marine en haute mer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, UC et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Michaël Weber. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Michaël Weber. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce traité mondial sur les océans et la biodiversité marine est un accord historique. Il offre enfin un cadre juridique pour la protection de la haute mer, ce bien commun si malmené qui couvre près de deux tiers de la planète et dont seulement 1 % de la surface est protégé.

Après l’épuisement des ressources côtières, la haute mer est devenue le terrain de prédilection de la surpêche et de la pêche illégale, qui s’effectuent sans trop de surveillance ni de contrainte légale. Les navires du monde entier y ont déversé pendant des années nos déchets. L’industrie minière lorgne les ressources minérales, sourde au risque qu’elle nous fait courir à tous. La pêche industrielle, enfin, dévore sans modération les ressources halieutiques. En résumé, les océans sont au bord du gouffre.

La lutte contre l’effondrement de la biodiversité est un enjeu global et la coopération multilatérale une nécessité absolue.

La France a su, jusqu’ici, tirer vers le haut l’ambition internationale pour la protection des océans. Mais prenons conscience de l’urgence. Le traité doit entrer en vigueur avant juin 2025, date de la prochaine conférence de l’ONU. Au moins soixante pays doivent le ratifier d’ici là. Non seulement soyons parmi les premiers à le faire, mais enjoignons aussi à nos partenaires européens et mondiaux de faire rapidement de même.

Sans perdre un instant, commençons dès maintenant à identifier des aires marines à protéger en haute mer et cherchons les leviers financiers pour la mise en œuvre du traité. Tenons fermement notre position contre l’exploitation minière des fonds marins, véritable désastre écologique.

La France doit être ce qu’on attend d’elle, une puissance diplomatique active et progressiste.

La France doit rester force de proposition à l’international ; toutefois, pour être crédible, elle doit être exemplaire dans ses eaux territoriales.

Notre pays possède la deuxième plus vaste zone économique exclusive au monde, s’étalant sur plus de 10 millions de kilomètres carrés. Or ce que nous faisons actuellement ne saurait se réclamer d’une véritable politique de protection des mers.

À en croire le Gouvernement, plus de 30 % de nos espaces maritimes sont déjà couverts par des aires protégées. Mais quand on regarde le niveau de protection, seulement 1,6 % de nos mers est sous protection forte : l’écart entre les effets d’annonce et la réalité est gigantesque. Des méga-chalutiers labourent quotidiennement les fonds de nos aires supposées protégées, capturant 400 tonnes de poissons par jour, quand ils ne vont pas frayer dans les aires protégées britanniques.

La France et l’Europe doivent clarifier la définition de l’aire marine protégée en adoptant les standards fixés par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Par essence, ces espaces excluent la pêche industrielle. Les zones de protection qui ne remplissent pas ces standards ne doivent pas être comptabilisées. Par souci de cohérence, la France doit revoir à la hausse son exigence de protection et interdire le chalutage dans ses aires protégées.

Les grands discours à l’international n’ont aucun sens si rien n’est fait une fois plongés, pour ainsi dire, dans le concret. Rappelons que les pêcheurs eux-mêmes sont les premiers bénéficiaires de ce que l’on appelle « l’effet réserve » des aires marines strictement protégées.

Je voudrais conclure en évoquant le scandale politique de l’arrestation de Paul Watson. Les trois États qui pratiquent encore la chasse à la baleine sont ou seront vraisemblablement signataires du traité. Le Japon, qui ne l’a pas encore signé, se targue d’avoir investi dans un bateau-usine voué à la chasse aux cétacés, véritable abattoir flottant pouvant atteindre d’une seule traite l’océan Antarctique, bien loin de sa zone économique exclusive. La Norvège et l’Islande ont également fait part de leur intention de relancer ce commerce hideux et destructeur.

Je profite de cette tribune pour réaffirmer notre soutien à Paul Watson. J’appelle de mes vœux sa libération et sa naturalisation par la France, pour notre plus grande fierté. Il est l’emblème vivant d’une juste lutte contre une pratique barbare et insensée. Faire de Paul Watson l’un des nôtres, lui offrir l’asile politique serait un symbole fort au cœur de nos engagements pour la liberté et la préservation de la biodiversité marine, dans la droite ligne du présent traité. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Mme Évelyne Perrot et M. Alain Chatillon applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la haute mer couvre plus de 50 % de la surface du globe. Une telle superficie embrasse sans aucun doute une très grande biodiversité. Les experts s’accordent à dire que s’y trouve la grande majorité des espèces qu’il nous reste encore à découvrir.

Cette biodiversité doit être protégée : d’abord pour elle-même ; ensuite, parce qu’elle est essentielle à la préservation des équilibres de la planète et du climat ; enfin, parce que les espèces qu’il nous reste à y découvrir nous permettront sans doute de développer les médicaments de demain. De grandes avancées scientifiques sont devant nous, à condition que les pays du monde s’entendent pour préserver cette richesse et ne pas la détruire par une surexploitation. Il est plus simple de mener cette entreprise à bien lorsque chacun est assuré de recevoir une part des bénéfices.

Le projet de loi de ratification que nous examinons sert ces objectifs. La haute mer n’étant par définition sous la souveraineté d’aucun État, seul un accord international est en mesure de restreindre la liberté des États dans cet espace.

La convention tend à la création d’aires marines protégées. Cette mesure permettra de sanctuariser des zones particulièrement importantes pour la biodiversité. La procédure prévoit la consultation des parties prenantes avant toute prise de décision. La majorité qualifiée des trois quarts suffira à constituer ces zones. Ce mode de décision est inhabituel dans le cadre des conventions internationales, mais les Européens sont bien placés pour savoir que la règle de l’unanimité devient rapidement paralysante.

Les ressources génétiques marines feront en outre l’objet d’un partage. S’il est compréhensible de vouloir inciter le plus grand nombre d’États à adhérer au traité, la réalisation concrète de ce partage peut susciter quelques interrogations.

Comme le souligne le rapport de la commission, dix pays détiennent 90 % des brevets associés à ces ressources. Certains d’entre nous s’interrogent sur cette répartition. L’exclusivité temporaire d’exploitation d’une invention octroyée par un brevet est accordée en contrepartie d’un travail de recherche. Les résultats de ce travail, à savoir l’invention, sont rendus publics et doivent bénéficier à tous à l’expiration du brevet.

Par conséquent, le fait que quelques pays détiennent une majorité de brevets signifie tout simplement que ces pays investissent fortement dans la recherche. Il est évident qu’il est préférable que le plus grand nombre puisse profiter de ces découvertes, mais il faut sortir de l’idée que les brevets seraient une entrave à cet objectif. C’est tout le contraire.

La convention prévoit par ailleurs des transferts de technologies marines à destination des pays en voie de développement, à des conditions préférentielles. Ces transferts seront utiles pour renforcer la protection et l’étude de la biodiversité marine.

En examinant cette convention, nous devons toutefois garder à l’esprit les conséquences négatives qu’elle pourrait avoir sur les collections du Muséum national d’histoire naturelle. L’application rétroactive de la convention est de nature à les mettre en danger ; la réserve que devrait formuler la France devrait parer à ce danger.

La France, notamment parce qu’elle est présente tout autour du globe, entretient un rapport singulier avec la mer. Nous nous associons au souhait que le seuil des soixante ratifications, à partir duquel la convention trouvera à s’appliquer, soit franchi avant le lancement, à Nice, de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, le 9 juin prochain.

Après l’adoption de ce texte à l’Assemblée nationale, il revient au Sénat d’apporter à présent son concours à une meilleure protection de la biodiversité marine. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra donc l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Teva Rohfritsch et Édouard Courtial applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Saury. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Hugues Saury. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les océans jouent pour la vie sur Terre un rôle qui n’est plus à démontrer : aux origines, ils ont été la matrice qui en a permis l’éclosion ; de nos jours, ils restent parmi ses principaux garants.

En produisant près des trois quarts de l’oxygène de la planète, en absorbant 30 % de son CO2 et en tempérant son climat grâce aux courants qu’ils génèrent, les océans assurent les conditions essentielles à l’épanouissement de la vie telle que nous la connaissons. L’alimentation qu’ils fournissent en abondance permet la subsistance de plusieurs milliards de personnes à travers le monde.

Le surcroît de protection que vient leur apporter le présent accord est donc, à n’en pas douter, un progrès considérable, que d’aucuns qualifient même d’historique.

En régulant de manière juridiquement contraignante des eaux internationales qui ne l’étaient pas jusqu’à présent, l’accord a cette vertu essentielle de faire reculer ce qui pouvait apparaître aux yeux de certains comme des zones de non-droit, propices à tous les excès et à toutes les dérives.

En effet, dans certaines de ces zones de haute mer, l’absence de réglementation claire a permis des pratiques dommageables, comme la pêche illégale, qui épuise les ressources halieutiques au-delà de leur capacité de renouvellement, ou encore le déversement de déchets toxiques et plastiques, qui endommagent durablement les écosystèmes marins. Ces pratiques, parfois menées par des navires sous pavillon de complaisance, illustrent les dérives auxquelles ces zones peuvent être confrontées en l’absence de cadre contraignant. Or ces zones, rappelons-le, représentent tout de même 65 % de la surface globale des océans. Sur la question des principes, cette avancée essentielle mérite d’être saluée.

En outre, cet accord acte à l’échelle mondiale la possibilité de créer des aires marines protégées. Face à la progression constante des activités humaines en haute mer et dans les grands fonds, il était devenu indispensable de poser un cadre permettant de sanctuariser certaines des régions les plus essentielles à la biodiversité marine et à l’équilibre des océans. Ces habitats abritent une biodiversité exceptionnelle, dont des espèces endémiques et des espèces migratrices essentielles. Je pense, par exemple, aux écosystèmes planctoniques qui représentent près de 70 % de la vie marine et qui sont à l’origine de nombreux processus vitaux, comme la séquestration du carbone et la production d’oxygène. Ces zones jouent un rôle clé dans ces processus, en plus de servir de nurserie à d’innombrables espèces de poissons. La préservation de ces régions contribue de manière directe au maintien de l’équilibre climatique et écologique des océans.

L’objectif conditionnant la méthode, c’est logiquement – et heureusement – une approche large qui a prévalu en matière de protection environnementale. Ainsi, outre les pollutions aux hydrocarbures déjà traitées par la convention de Montego Bay, une large gamme de risques et de menaces est couverte.

Le texte encouragera la surveillance des zones protégées, ce qui devrait permettre d’y freiner le développement des activités illégales de toutes sortes. Mais surtout, la plupart des activités légales que les entreprises souhaiteront y conduire seront soumises à une obligation de déclaration et d’étude d’impact, limitant ainsi leurs conséquences écologiques.

Enfin, si ce texte est important, c’est aussi parce qu’il prévoit un système de partage des bénéfices tirés de l’utilisation des ressources génétiques marines.

Les grandes profondeurs restent à ce jour presque totalement inexplorées, à tel point que nombre de scientifiques estiment que l’homme possède aujourd’hui davantage de connaissances sur l’espace lointain que sur le fond des océans. Or nous découvrons peu à peu que, loin d’être les déserts que nous pensions, les profondeurs regorgent de vie. À mesure que nous prenons conscience de l’ampleur de cette vie sous-marine, il apparaît de plus en plus clairement qu’elle recèle un patrimoine génétique d’une richesse inouïe. Ses applications pourraient s’avérer extrêmement larges. À l’instar de la diversité biologique nichée au cœur des forêts primaires, son potentiel médical pourrait être décisif dans le traitement d’un grand nombre de pathologies à ce jour dépourvues de solution thérapeutique.

Il est donc particulièrement louable que l’accord fasse de cette richesse une sorte de nouveau bien public mondial. Bien sûr, une fois les grands principes posés par le texte, il conviendra de rester attentifs à leurs conditions d’application, qui demeurent pour la plupart à définir.

Certains équilibres nécessairement complexes devront être trouvés. Les pays industrialisés, qui engagent des ressources considérables pour conduire des explorations marines, aspirent légitimement à percevoir le juste retour de leurs efforts et de leurs investissements. A contrario, les pays en développement, exclus de cette course en raison de la modestie – voire de l’absence – de leurs moyens, ne peuvent être totalement dépossédés des fruits de ce qui peut désormais être considéré comme un patrimoine commun.

En d’autres termes, personne ne devra se sentir spolié ; ce sera là un défi central dans la mise en œuvre de ce texte.

En tout état de cause, en ces temps de délitement des approches multilatérales et de fragmentation du monde autour d’un supposé Occident collectif et d’un prétendu Sud global, il me semble important de prendre toute la mesure de ce qui vient d’être accompli au travers de la conclusion de cet accord : parvenir, sur un sujet aussi fondamental, à un compromis aussi largement endossé et considéré comme positif est une nouvelle qui doit nous réjouir. Formons le vœu que cette réussite en appelle d’autres, et ce dans tous les domaines de la vie internationale.

Enfin, toujours au chapitre de la mise en œuvre, je soulignerai que, comme tout texte normatif, cette convention n’existera dans un premier temps que sur le papier. Pour qu’elle ait prise sur la réalité et pour qu’elle produise des effets tangibles, il est essentiel que chaque partie prenante démontre sa volonté de la mettre en pratique.

Ainsi, j’observe que certains pays ne se sont toujours pas ralliés au consensus. J’observe également que certaines grandes puissances, si elles ont finalement signé l’accord, se sont montrées particulièrement frileuses tout au long des discussions.

Dès lors, le Gouvernement devra être attentif à ce que la France ne se retrouve pas, dans les faits, bien seule au moment d’imposer des contraintes à ses entreprises. (M. le ministre approuve.) En d’autres termes, il sera essentiel de nous assurer que nos partenaires, qui sont aussi – ne l’oublions pas – nos concurrents, ne manquent pas à leurs engagements.

Rappelons que les surfaces dont nous parlons sont proprement gigantesques. Elles exigeront donc la mobilisation de moyens de surveillance et de contrôle importants, qui devront nécessairement s’appuyer sur des capacités satellitaires étoffées.

La France, deuxième nation maritime au monde par l’étendue de sa zone économique exclusive, territorialement présente sur tous les océans, et également puissance spatiale depuis plusieurs décennies, aura à ce titre un rôle particulièrement éminent à jouer.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, au bénéfice de ces observations et parce que, après de très longues années de négociations, cet accord constitue un jalon important dans la protection collective de la planète, le groupe Les Républicains soutiendra sa ratification. (Applaudissements au banc des commissions.)

(M. Pierre Ouzoulias remplace M. Didier Mandelli au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un monde marqué par une instabilité et des tensions croissantes, l’océan pourrait devenir l’espace de coopération dont nous avons besoin pour reparler d’une même voix. L’adoption, le 19 juin 2023, de l’accord portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale et son approbation à l’unanimité à l’Assemblée nationale, le 29 mai dernier, en sont une preuve concrète.

Aujourd’hui, nous pouvons affirmer le rôle de la France, grande puissance maritime grâce à ses outre-mer, responsable et engagée sur la scène internationale. En tant que tel, notre pays porte une responsabilité historique : celle de protéger la haute mer, cet espace immense qui recouvre 60 % des océans, près de la moitié de la surface du globe et 80 % de la biosphère.

Alors que le réchauffement climatique figure parmi les priorités de notre époque, il est de notre devoir de protéger cette immensité bleue, qui constitue un régulateur vital de notre planète, produit la moitié de l’oxygène et absorbe à lui seul un tiers de nos émissions de CO2. Parce que nous connaissons encore peu la haute mer, il est impératif de préserver cet espace unique, probablement rempli de trésors et de secrets qui échappent encore à notre connaissance. Nous ne pouvons à aucun prix le sacrifier pour des intérêts de court terme.

Ce traité BBNJ marque un tournant décisif. En ajoutant une dimension écologique et une gestion durable de la biodiversité en haute mer, il vient compléter la convention de Montego Bay et apporter une réponse concrète aux défis contemporains de conservation marine. Le traité BBNJ se fixe pour mission de mettre en place des mesures de protection et d’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer, tout en contribuant au développement durable des États côtiers et insulaires.

Il repose sur quatre piliers essentiels : premièrement, l’établissement d’outils de gestion par zone, incluant la création d’aires marines protégées pour préserver les habitats vitaux ; deuxièmement, la réalisation d’études d’impact environnemental pour chaque activité prévue en haute mer ; troisièmement, la mise en place d’un cadre pour l’accès aux ressources génétiques marines, l’échange d’informations de séquençage numérique et un partage équitable des bénéfices ; quatrièmement, le transfert de technologies marines des pays développés vers les pays en développement, accompagné d’un renforcement de leurs capacités.

Toutefois, ne nous réjouissons pas trop vite. Ce traité ambitieux ne pourra entrer en vigueur qu’après ratification par soixante pays signataires. Après vingt ans de négociations pour parvenir à cet accord, nous ne pouvons nous permettre d’attendre, comme ce fut le cas pour la convention de Montego Bay, entrée en vigueur douze ans après sa signature. La France doit donc tenir son rôle et encourager ce mouvement global.

Si les avancées de ce texte sont notables, sa mise en œuvre pourra certainement s’inspirer des initiatives locales de protection de l’océan, qui se multiplient partout en France comme l’illustrent les mesures exemplaires prises dans nos eaux, telles la grande aire marine gérée de Polynésie française ou les aires marines éducatives reprises à l’échelon national.

En effet, l’océan n’est pas un désert de population ; il est habité par des peuples enracinés dans des terres et des cultures millénaires, porteurs d’une histoire qui lui est profondément liée. Les peuples de navigateurs du Pacifique sont la mémoire et les véritables gardiens de ces eaux. Ils sont pourtant en première ligne face aux effets dévastateurs des changements climatiques. Afin d’éviter une double sanction pour ces populations, il est essentiel que le traité BBNJ vienne garantir un partage juste des avantages issus des activités en haute mer et renforcer les capacités de transfert des technologies marines à la hauteur de la place centrale de ces communautés océaniques.

Les défis auxquels notre océan fait face sont d’une urgence et d’une ampleur sans précédent – nous l’avons tous dit. Sa surface se réchauffe. Chaque année, près de 10 millions de tonnes de pollution plastique viennent souiller nos mers. La surpêche atteint des niveaux alarmants : depuis les années 1950, les captures ont quadruplé, tandis que seulement 2,8 % de la surface océanique bénéficie aujourd’hui d’une véritable protection. Avec la disparition de la biodiversité marine et la prégnance de menaces croissantes comme l’acidification, la désoxygénation et la hausse du niveau des mers, l’urgence d’agir n’a jamais été aussi pressante. L’ADN maritime de notre pays nous oblige.

En Polynésie française, mon fenua, on ne vit pas en bord de mer, on vit en bord de terre. La mer est plus qu’un espace, elle nous berce et nous nourrit. Ce traité doit être non pas un texte de plus, mais un engagement ; un engagement pour nous, pour nos enfants et pour tous ceux qui dépendent de cet océan, source de richesse inestimable et source de vie, tout simplement. Engageons-nous, ici et maintenant, à tout faire pour que ce traité devienne une réalité. Nous avons l’opportunité de participer à un mouvement mondial pour la préservation de notre océan. Emboîtons le pas aux quatorze États qui ont déjà ratifié le traité et faisons en sorte que la France soit le premier membre de l’Union européenne à s’engager pleinement dans cette voie. Notre place sur l’échiquier mondial nous y convie, nos territoires ultramarins nous y appellent. Plus qu’une responsabilité, il s’agit d’un devoir pour la France.

C’est donc avec toute leur conviction que les membres du groupe RDPI voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Évelyne Perrot et M. Édouard Courtial applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsque l’on examine le projet de loi autorisant la ratification de cet accord qui prend en compte l’ensemble des défis et des menaces pesant sur les espaces situés à 200 miles des côtes, hors de toute juridiction nationale, des mots émergent : pêche illégale, surpêche, exploration des fonds marins, transport maritime, pollution sonore sous-marine, chimique ou encore bactérienne.

Cet accord de protection de la haute mer et de la biodiversité marine, adopté en juin 2023, résulte des travaux de la conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine convoquée sous les auspices des Nations unies.

À la suite de la COP15, un objectif a été fixé : protéger 30 % des mers et 30 % des terres d’ici à 2030. Souvenons-nous : c’était hier, mais cela semble si lointain. La communauté internationale prenait conscience des enjeux de protection des écosystèmes marins face à la progression des activités des usines flottantes de pêche industrielle et à l’augmentation du trafic maritime.

Faut-il, ici, égrener les nombreuses catastrophes qui ont provoqué cette lente prise de conscience ?

Nous avons tous en mémoire les images du naufrage de l’Amoco Cadiz déversant près de 225 000 tonnes d’hydrocarbures dans la mer, souillant les côtes bretonnes.

Doit-on se remémorer l’Erika, le Sea Empress ou encore lAegan Captain abîmant les mers du monde, du Pays de Galles aux Caraïbes, en passant par l’Atlantique sud ou l’océan Indien ?

Ces désastres ont permis de revoir les normes de sécurité maritime internationales et de donner naissance à la convention dite de Montego Bay, qui ne concernait que les seuls hydrocarbures. Il s’agissait d’un début. Il aura fallu attendre les années 2000 pour poursuivre le chemin.

En ratifiant cet accord, qui pallie le défaut de régulation de l’activité humaine et comble les lacunes juridiques de la convention dite de Montego Bay, que d’aucuns considèrent comme datée, nous ferons preuve de responsabilité pour protéger les générations futures.

Dans le marasme géopolitique ambiant, il est important de se féliciter de la réussite de la diplomatie environnementale française.

Forte de 18 000 kilomètres de littoraux, présente dans le Pacifique, l’océan Indien, l’Atlantique et en mer Méditerranée, possédant la deuxième zone économique exclusive au monde, la France est une grande nation maritime et littorale grâce, d’ailleurs, à nos territoires d’outre-mer. Cette réalité géographique et politique nous oblige.

Certains diront que ce texte est trop timoré. Non ! Il témoigne d’une prise de conscience majeure sur la nécessité de protéger la biodiversité de nos océans et il doit beaucoup au rôle substantiel joué par la France et l’Union européenne lors des négociations.

Toutefois, si j’entends faire preuve de bonne volonté, je ne cède pas à la naïveté et je m’interroge sur les moyens politiques mis en œuvre par les Nations unies, l’Union européenne et la France pour encourager les États à ratifier cet accord. Ainsi, je n’oublie pas que seuls quatorze États l’ont déjà ratifié et que nous sommes loin des soixante requis pour qu’il puisse entrer en vigueur.

Enfin, je m’inquiète de la capacité de la France à mobiliser des moyens après les annonces de Michel Barnier relatives au redressement des comptes publics. Sans moyens, comment financer et mettre en œuvre cet accord ambitieux ? Comment créer des aires marines protégées, respecter l’obligation de réaliser des études d’impact environnemental pour toute activité humaine et, enfin, veiller au partage juste et équitable des avantages économiques induits par l’accès aux ressources marines ?

Malgré ces incertitudes, le groupe du RDSE apportera sa voix à cette ratification. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la dégradation de nos océans et notre responsabilité dans la perturbation des équilibres biologiques marins ne sont plus à démontrer. L’éveil de nos consciences doit désormais laisser place à l’action collective, dont dépend l’avenir des générations futures.

Mes chers collègues, l’accord international faisant l’objet du présent projet de loi est historique, ambitieux et prometteur.

Cet accord est historique, d’abord, car il permettra de régir, pour la première fois, la protection d’un bien public mondial qui n’était pas l’objet de réglementations fortes et harmonisées, ce qui en faisait un espace de liberté totale : je veux parler de la haute mer.

Celle-ci représente près de 50 % de la surface planétaire et 64 % des océans, mais elle demeure largement méconnue. Elle est menacée par les activités humaines et l’exploitation de ses ressources. Elle est soumise à l’autorité de nombreuses structures internationales et régionales qui se chevauchent et qui ont échoué à lui assurer une protection suffisante.

La communauté internationale s’est attelée, au cours des deux dernières décennies, à concevoir le moyen de dépasser les limites de la convention adoptée à Montego Bay en 1982 et à s’entendre sur les insuffisances à combler. Le traité Biodiversity Beyond National Jurisdiction (BBNJ), ainsi qu’il s’intitule en anglais, est le fruit de ce remarquable travail de réflexion conduit par différents États, dont la France, qui ont concilié recherche de compromis et création de mesures inédites afin de garantir la cohérence de notre action pour la préservation des écosystèmes marins.

Cet accord est ambitieux, ensuite, car il est porteur de nombreuses et nouvelles garanties crédibles pour la protection de la biodiversité en haute mer, qui viennent combler les lacunes du cadre juridique existant.

Le présent traité comprend ainsi quatre apports significatifs qui, pris ensemble, organisent une gouvernance renforcée, coopérative et inclusive de la haute mer, dans laquelle la science occupe logiquement et fort heureusement une place prépondérante.

Ainsi, et nous pouvons nous en réjouir, des aires marines protégées pourront être créées, que ce soit par le biais d’un consensus ou d’une majorité en cas de blocage, ce qui est assez inédit.

Des études d’impact environnemental seront effectuées, sur la base des principes de consultation et de transparence, avant que ne soit autorisée toute activité susceptible de causer de sérieux dommages environnementaux en haute mer.

L’exploitation des ressources génétiques marines sera encadrée et ses bénéfices seront partagés de façon juste et équitable.

Enfin, des efforts, accompagnés du transfert de technologies marines, seront engagés en vue du renforcement des capacités administratives, financières ou encore scientifiques des États en développement pour leur permettre de respecter les termes du traité.

Ce package deal se révèle indispensable, tant pour satisfaire le besoin urgent de l’humanité de protéger ses écosystèmes marins que pour atteindre nos objectifs communs. Je pense notamment à l’engagement porté par la France et pris par la communauté internationale à l’issue de la COP15 de protéger, d’ici à 2030, au moins 30 % des mers et des océans. Plus encore, il bénéficie d’une légitimité accrue, compte tenu du rôle que l’expertise scientifique et l’information occuperont en amont et en aval de la prise de décision. Il s’agit d’un véritable pacte politico-scientifique au service de la santé de nos océans.

Ce traité est prometteur, enfin, car il constitue un premier pas décisif vers la protection complète de la biodiversité en haute mer.

Si le texte aborde certains champs thématiques déterminants pour la gestion des eaux internationales, force est de constater, comme le souligne l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dans son rapport, que l’absence de mesures visant la pêche et l’exploitation des ressources minérales en haute mer réduit sa portée et son efficacité.

Des progrès restent donc à accomplir et cela ne peut que laisser présager la poursuite intensive des efforts de la communauté internationale, portée par la voix de la France, dans le sens d’un meilleur encadrement des activités humaines en haute mer.

Ce traité n’en demeure pas moins une avancée majeure et historique.

Encore faudra-t-il s’assurer, comme toujours, de l’indéfectibilité et de la pérennité de notre volonté politique commune, sans lesquelles l’application de cet accord international serait compromise.

La France a un rôle déterminant à jouer, à la hauteur de son leadership et de ses ambitions dans le domaine environnemental, pour inciter les différents pays signataires, notamment européens, à ratifier dans les plus brefs délais le traité afin qu’il entre en vigueur dans les prochains mois. Notre appareil diplomatique doit impérativement agir en ce sens, à l’heure où seules treize ratifications sur soixante ont été enregistrées. La conférence des Nations unies sur l’océan, qui se déroulera à Nice en juin 2025, pourrait être l’occasion de marquer l’histoire.

Pour conclure, je remercie le rapporteur, André Guiol, pour la qualité de son travail ; beaucoup le pensent, mais peu l’ont dit. Il nous incombe aujourd’hui, mes chers collègues, de prendre la pleine mesure de l’urgence de la situation et d’adopter ce texte inédit. (Applaudissements au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat sur ce texte intervient après un déchaînement d’intempéries en France et en Europe centrale ces derniers mois. L’Espagne, à qui nous pensons en ce moment, a subi ces derniers jours des inondations d’une ampleur dramatique, entraînant des centaines de morts et de disparus.

La fréquence et l’intensité de ces phénomènes naturels s’accentuent du fait du dérèglement climatique. Or la lutte contre ce dernier est indissociable de la lutte pour la protection de l’océan.

Ce texte porte sur la protection des zones maritimes situées en dehors des zones économiques exclusives et sur le plateau continental des États côtiers. Il permet ainsi de compléter le cadre juridique de la gouvernance océanique établi par la convention des Nations unies sur le droit de la mer adoptée en 1982 et vise une plus grande protection des océans.

L’accord réglemente notamment l’accès aux ressources génétiques marines et le partage des bénéfices dérivés de leur utilisation, ce qui bénéficie aux pays en développement. Il fixe les modalités de réalisation des études d’impact environnemental. Je tiens à saluer ce texte qui, selon nous, va dans le bon sens en permettant la mise en place d’un meilleur cadre pour le droit de la mer.

Toutefois, quelques manques sont à déplorer.

Tout d’abord, si le traité assure une base juridique solide pour la protection de certaines aires marines protégées, seul un tiers des aires marines dans le monde sont protégées efficacement, je le rappelle, tandis que seulement 1,6 % des eaux françaises sont sous régime de protection intégrale ou haute.

En effet, la grande majorité des aires marines protégées françaises restent ouvertes à des activités destructrices pour les écosystèmes, au premier rang desquelles figure la pêche industrielle, notamment le chalutage de fond, qui constitue la première cause de destruction de l’océan.

Par ailleurs, nous pensons que ce texte aurait gagné en efficacité s’il avait été centré sur les aires marines à forte protection.

En outre, nous regrettons l’absence de mention, concernant le déclin de la bonne santé de la haute mer, de la notion de « préoccupation commune de l’humanité ». Celle-ci est apparue officiellement pour la première fois dans la résolution 43/53 de l’Assemblée générale des Nations unies, qui a reconnu en 1988 que « le changement climatique [était] une préoccupation commune à l’humanité ».

Cette notion a deux implications juridiques concrètes.

D’une part, elle implique que les problèmes qui sont apparus au cours de l’histoire et qui ont des répercussions sur l’avenir peuvent être résolus non par un État seul, mais par une coopération renforcée entre tous les États afin de trouver une solution commune.

D’autre part, en faisant référence aux problèmes ou aux crises qui transcendent les juridictions et peuvent survenir à l’intérieur ou à l’extérieur d’un territoire souverain, cette notion implique que les États doivent tenir compte de leurs obligations sur leur territoire et en être pleinement conscients.

Malgré tout, nous considérons, dans l’ensemble, que l’accord va dans le bon sens en posant les jalons d’une coopération internationale renforcée pour la préservation de l’environnement et pour la mise en commun des avancées scientifiques. Le groupe CRCE-K votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Patricia Schillinger et M. Guillaume Gontard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. « Même si vous n’avez jamais la chance de voir ou de toucher l’océan, il vous touche à chaque fois que vous respirez, à chaque goutte d’eau que vous buvez, à chaque bouchée que vous consommez. Tout le monde, partout, est inextricablement lié à l’existence de la mer et en dépend totalement. » Ainsi s’exprimait la formidable océanographe états-unienne, Sylvia Earle, dans un ouvrage dont le titre, traduit en français, dit tout de notre débat d’aujourd’hui : Le monde est bleu Notre destinée et celle de locéan ne font quune.

Malheureusement, 66 % des milieux marins sont détériorés par la pollution, par la surpêche et par l’acidification induite par le réchauffement climatique.

Malheureusement, un tiers des récifs coralliens, un tiers des mammifères marins, 40 % des amphibiens et 27 % des crustacés sont directement menacés et, avec eux, toute la chaîne alimentaire planétaire.

Protéger nos océans n’est pas une œuvre philanthropique : c’est une condition sine qua non de notre survie en tant qu’espèce. Aussi, nous accueillons avec soulagement l’accord des Nations unies sur la biodiversité en haute mer dont l’approbation de la ratification est aujourd’hui soumise à notre assemblée. Nous remercions le groupe socialiste d’avoir permis cet échange sur ce texte historique.

Nous pouvons mettre au crédit du Président de la République et de la présidence française de l’Union européenne l’accouchement, après près de vingt ans de négociations internationales, de cet accord visant à doter les eaux internationales d’un cadre juridique solide et protecteur de la biodiversité.

Je ne reviens pas sur tout ce qui a été présenté avant moi, mais je salue la possibilité qu’offre cet accord de créer des aires marines protégées en haute mer. La future conférence des parties qui sera chargée de donner vie à ce traité pourra, en coordination avec les autres autorités internationales chargées de la navigation, de la pêche et de l’activité minière, encadrer fortement les activités humaines. Cela est d’autant plus intéressant que le consensus ne sera pas toujours la règle pour trouver un accord ; la majorité qualifiée pourra s’y substituer.

Nous approuvons les autres piliers de l’accord, notamment le renforcement des études d’impact environnemental, le partage des données génétiques extraites de l’océan pour limiter les prélèvements, le partage de technologies entre le Nord et le Sud.

Nous voterons naturellement en faveur de la ratification de cet accord, dont nous souhaitons l’entrée en vigueur le plus rapidement possible. Nous comptant à cet égard sur notre diplomatie.

Pour finir sur une note plus exigeante et aller au-delà du succès diplomatique incontestable, nous appelons le Gouvernement à passer aux actes. La France métropolitaine protège moins de 0,1 % de ses eaux, selon les critères scientifiques internationaux. Or cette incapacité à suivre les recommandations scientifiques a des conséquences très concrètes.

Les méthodes de pêche destructrices ont lieu dans 86 % des aires maritimes européennes protégées. La Grèce et la Suède ont annoncé l’interdiction du chalutage des fonds dans toutes leurs aires marines protégées d’ici à 2030. La France doit impérativement suivre cet exemple. Elle doit également interdire aux navires-usines de venir ravager ses côtes et de mettre ainsi sur la paille notre pêche artisanale. Elle doit préparer la transition écologique et sociale du secteur de la pêche.

Monsieur le ministre chargé de la mer et de la pêche, alors que le Gouvernement avait pris position en mai dernier contre le plus grand chalutier pélagique du monde, l’Annelies Llena, long de 145 mètres, des ONG annoncent que vous seriez en train d’œuvrer pour que ce navire-usine monstrueux puisse finalement bénéficier d’un quota de pêche français. Pourriez-vous nous rassurer, rassurer nos pêcheurs et nos concitoyens, attachés à la protection de la biodiversité, pour qui une telle décision serait aussi incompréhensible qu’indéfendable ?

Enfin, ce propos sur la défense de la biodiversité marine ne serait pas complet sans un mot pour l’un de ses plus grands défenseurs. Nous demandons, messieurs les ministres, que le gouvernement français accorde l’asile politique et la nationalité française à Paul Watson. La place d’un défenseur des baleines n’est pas en prison. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de céder la parole à M. le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche, je tiens à dire quelques mots, d’abord pour remercier André Guiol pour son rapport. Si M. le rapporteur connaît bien la Méditerranée, il maîtrise aussi parfaitement, de toute évidence, la question des océans au sens large.

Je souhaite à présent apporter quelques réponses aux différents orateurs.

J’évoquerai tout d’abord la question de la mobilisation des autres pays, qui a été soulevée par Michael Weber, Hugues Saury, Teva Rohfritsch et Édouard Courtial. Il est vrai que, à ce jour, quatorze pays signataires ont ratifié la convention. La France sera peut-être bientôt le quinzième, devenant ainsi le premier pays de l’Union européenne, du G7 et du G20 à le ratifier. Il nous faut atteindre les soixante, et si possible bien avant la conférence de Nice sur les océans.

C’est pourquoi, sur le fondement du projet de loi autorisant la ratification que vous avez entre les mains, nous partirons, avec le Président de la République, l’ambassadeur chargé des pôles et des enjeux maritimes, Olivier Poivre d’Arvor, et tout notre réseau diplomatique à la conquête du plus grand nombre de ratifications possible.

Cependant, je veux vous rassurer : si seuls quinze pays ont ratifié cet accord, une cinquantaine d’autres ont d’ores et déjà entamé les travaux menant à une ratification. Nous restons donc raisonnablement optimistes. Nous allons nous consacrer très ardemment dans les semaines et mois qui viennent à atteindre l’objectif de soixante ratifications.

Madame Jouve, vous avez évoqué les moyens budgétaires. Je vous rappelle qu’il vous appartient de les fixer (Sourires.), mais je veux aussi vous rassurer : vouloir faire de la conférence de Nice pour les océans l’équivalent de ce que l’accord de Paris a été pour le climat signifie que nous devons faire preuve d’une certaine ambition budgétaire. Nous avons ainsi veillé à ce que la part de l’État soit préservée, malgré les efforts budgétaires qui ont été demandés à notre ministère. Cela étant dit, d’autres acteurs, notamment les collectivités, vont eux aussi apporter leur contribution.

En parallèle de ces fonds publics, nous allons mobiliser des fonds privés qui permettront à ce moment important que sera la conférence de Nice d’être accessible au plus grand nombre. Ces financements privés permettront d’étendre la zone verte, c’est-à-dire la zone accessible au grand public. Nous attendons ainsi de cet événement qu’il soit un grand moment de pédagogie pour tout le monde.

Monsieur Médevielle, vous nous avez interrogés sur la propriété intellectuelle. Soyez rassuré, ces questions seront réservées à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), de manière à ne pas empiéter sur ses prérogatives. S’il y a des sujets qui soulèvent des inquiétudes, il ne faut pas hésiter à nous en faire part.

Je laisserai le ministre chargé de la mer et de la pêche répondre aux questions légitimes qu’ont posé MM. Corbisez, Gontard et Weber sur le degré de protection des océans dans les aires marines protégées françaises.

En revanche, je dois vous dire que le taux de 1,6 % que les uns et les autres ont cité ne nous semble pas correspondre à la part des espaces français aujourd’hui protégés au titre de la haute protection. M. le ministre délégué en parlera, mais ce taux se situerait plutôt aux alentours de 5 %.

Enfin, je ne m’attarderai pas aujourd’hui sur la situation de Paul Watson, mais sachez que nous travaillons activement à identifier les possibilités offertes à la France. Il appartiendra, le moment venu, aux plus hautes autorités de prendre une décision, mais, vous le savez, la France partage sa cause, qui est noble et juste. La décision que vous vous apprêtez à prendre, après la mobilisation du Gouvernement pour faire aboutir cette ratification, en témoigne.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Fabrice Loher, ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en présence de l’ambassadeur des pôles, je veux à mon tour saluer le rapporteur de votre commission des affaires étrangères et exprimer ma fierté de voir la France ratifier ce traité, dit BBNJ, par le vote qui interviendra, je l’espère, dans quelques instants. Cette ratification marquera l’ambition de la France de porter une politique maritime protectrice et durable.

Je souhaite également répondre plus précisément à deux questions qui ont été posées lors de la discussion générale.

J’évoquerai tout d’abord l’Annelies Ilena, ce navire de haute mer à qui d’aucuns prétendent que j’aurais transféré des quotas de pêche aujourd’hui attribués au Joseph Roty, lequel est toujours dans le port de Saint-Malo. J’ai été surpris de la diffusion de cette information.

Je démens clairement l’information diffusée par une ONG bien connue et reprise dans la presse ou sur les réseaux sociaux : aucune décision de transfert de quotas n’a été prise à ce jour, tout simplement parce que je n’ai à aucun moment rencontré les dirigeants de la Compagnie des pêches Saint-Malo.

En ce qui concerne les aires marines protégées, sur lesquelles Michaël Weber s’est interrogé, je dis très clairement qu’il n’y a aucune contradiction entre les engagements que nous allons prendre dans le cadre du traité BBNJ et ceux que la France porte à l’échelon national. La position de la France est claire et limpide, sa stratégie nationale pour la mer et le littoral reposant sur deux piliers.

D’une part, nous misons sur le développement des activités humaines maritimes durables, dont je rappelle qu’elles sont source de milliers d’emplois et de valeur ajoutée dans l’ensemble de nos territoires. C’est notamment le cas de la pêche, dans une acception évidemment durable.

D’autre part, nous nous engageons pour la protection de l’océan, la préservation de la biodiversité marine et dans la lutte contre le réchauffement de l’eau. Cependant, j’y insiste, les aires marines protégées ne sont pas, par définition, des aires marines d’interdiction.

Nous adoptons une position pragmatique, exigeante. Cela signifie que nous analysons au cas par cas l’impact des activités humaines, en l’occurrence le plus souvent la pêche, sur l’environnement. Là où la pression sur l’environnement est manifeste et pose problème, nous pouvons réguler et nous pouvons même aller jusqu’à interdire. Là où cette pression est faible, nous pouvons autoriser, parfois sous conditions. Telle est la position française.

Nous avons le devoir de protéger nos pêcheries, une économie territoriale qui garantit des milliers d’emplois et contribue à notre souveraineté alimentaire. L’objectif du Gouvernement est d’accompagner les professionnels, en faisant éventuellement évoluer les techniques de pêche. Par exemple, la pression des panneaux des chaluts peut être limitée grâce à des modifications de leur utilisation. Tel est l’objet du projet Jumper porté par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).

Pour conclure, je rappellerai un chiffre très simple : près de 80 % des produits de la mer consommés en France sont importés. Est-ce que nous voulons encore dégrader ce ratio ? Si tel devait être le cas, je pense que nous n’agirions pas bien pour l’environnement. Nous devons nous poser cette question.

Faisons donc attention aux discours systématiques ; choisissons la voie de l’équilibre, c’est-à-dire la voie de la pertinence, en ne perdant pas de vue, évidemment, l’objectif de protection que nous partageons tous à l’aube de 2025, qui sera l’année de la mer.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi autorisant l’approbation de l’accord se rapportant à la convention des nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, adopté au siège des Nations unies le 19 juin 2023 et signé à New York le 20 septembre 2023, dont le texte est annexé à la présente loi.

Vote sur l’ensemble

Article unique
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l’accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires étrangères.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 30 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 340
Contre l’adoption 0

Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale
 

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Discussion générale (suite)

Individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, présentée par Mme Marie Mercier et plusieurs de ses collègues (proposition n° 756 [2023-2024], texte de la commission n° 99, rapport n° 98).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article 1er A (nouveau)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie Mercier, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à Caen, j’avais la chance de croiser régulièrement un grand historien et érudit, Pierre Chaunu. Il n’était pas très facile à lire, mais il est l’auteur de cette phrase : « L’histoire, c’est la démographie ; l’enfant est la ligne de flottaison de la société – l’enfant, dans sa dimension d’individu à éduquer et à protéger. » Cette proposition de loi a justement pour but de mieux protéger les enfants.

Vous avez sans doute été surpris par ce texte, mes chers collègues, lorsque vous en avez pris connaissance : il ne compte que trois articles, qui semblent, à première vue, assez disparates : l’article 1er concerne le changement de nom ; l’article 2, des délits d’extorsion d’images pornographiques ; l’article 3, les chauffeurs de bus…

Tout cela peut donc paraître assez brouillon, mais ces trois articles ont un point commun : le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais). Ce fichier est un outil qui marche extrêmement bien ; il ne peut être consulté que par les administrations, la police ou la gendarmerie, et ce dans des conditions très encadrées en droit. C’est tout à fait normal : imaginez les dérives si tout le monde pouvait consulter le Fijais !

L’inscription au Fijais est un sujet très sérieux, puisque la personne concernée doit régulièrement « pointer » dans sa commune de résidence. Elle peut rester inscrite dans le fichier pour une durée pouvant atteindre trente ans. Cela fait partie de sa condamnation pénale.

L’article 1er a trait au changement de nom. Lorsque nous avions travaillé sur la proposition de loi de M. Vignal, devenue la loi du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation, on nous avait alertés sur le fait qu’il deviendrait extrêmement simple de changer de nom. Cela peut se comprendre dans certains cas, mais nous avions jugé que l’absence de contrôle pourrait donner lieu à des dérives.

C’est bien ce qui s’est passé dans le cas de Francis Évrard ; ce pédocriminel récidiviste avait évidemment été inscrit au Fijais, mais il a changé de nom en prison : sous son nouveau nom, il n’y était plus inscrit !

Nous avons donc réfléchi aux moyens de corriger cet état de fait. Marc-Philippe Daubresse a tenté de procéder à une correction similaire pour l’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (Fijait), mais ce texte n’a pas prospéré au-delà de notre assemblée.

L’article 2, quant à lui, vise à intégrer à la liste des infractions pouvant donner lieu à une inscription au Fijais deux délits : l’incitation d’un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre un acte sexuel sur lui-même ou avec ou sur un tiers, d’une part, et la sollicitation d’images pornographiques auprès d’un mineur, d’autre part.

L’article 3, enfin, pourrait être dénommé « amendement Émile Louis », du nom de ce sinistre individu qui a violé et assassiné plusieurs jeunes filles dans les années 1970 et 1980. Ce pédocriminel n’a été condamné que bien plus tard.

Émile Louis était chauffeur de bus. Bien loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur cette profession ! Simplement, nous avons été alertés par les opérateurs de transports publics, qui ne savent pas comment savoir si un chauffeur ne peut pas être en contact avec des enfants. Lors de son embauche, il présente évidemment son permis de conduire, mais rien de plus !

Cet article vise donc à corriger cet état de fait et à faire en sorte que seuls des individus ayant l’honorabilité requise puissent exercer cette profession et être au contact d’enfants. À titre d’exemple, dans le département de Saône-et-Loire, il y a un mois, un chauffeur de bus intérimaire a eu un comportement tout à fait inadéquat devant de jeunes enfants.

S’il est normal que l’opérateur n’ait pas accès au Fijais, le cadre légal doit néanmoins être adapté. Il est donc proposé de donner à un transporteur public la capacité d’apprendre, via la préfecture – c’est elle qui consultera le fichier –, si un candidat au recrutement est inscrit au Fijais.

La loi du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport comportait déjà plusieurs mesures de renforcement du Fijais et de son utilisation dans le domaine sportif ; elle alignait le dispositif sur celui qui existe dans le secteur social et médico-social.

La consultation du Fijais est désormais systématique et annuelle pour tous les enseignants, animateurs et éducateurs sportifs, qu’ils soient professionnels ou bénévoles ; je vous propose ici d’étendre cette mesure aux chauffeurs de transport public de personnes.

Je remercie Mme le rapporteur et nos collègues de la commission des lois, en particulier Guy Benarroche, Laurent Burgoa et Olivia Richard, d’avoir enrichi le texte au travers de leurs amendements ; je leur laisse le soin de détailler ces améliorations.

Ce texte, madame la ministre, a vocation à être inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, d’autant que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. Je ne doute pas une seconde de son adoption par les députés.

N’oublions pas : l’enfant est la ligne de flottaison d’une société ! Si l’enfant coule, c’est toute la société qui fait naufrage. Alors, continuons à protéger nos enfants ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dirai quelques mots à la suite de la présentation par Marie Mercier de sa proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes.

Mme Mercier a indiqué que les mesures proposées étaient quelque peu disparates, mais les infractions concernées le sont aussi. La réalité est que ces infractions ne sont pas si éloignées les unes des autres. En effet, les infractions sexuelles comme les actes terroristes se caractérisent par la dangerosité de leur auteur et par la crainte d’une récidive, qui est à peu près assurée.

C’est cette considération qui a déjà amené le législateur à traiter de ces infractions par des moyens parfois similaires, même s’ils apparaissent souvent disparates.

Ainsi, les infractions de nature sexuelle ont donné lieu à un régime particulier, celui de la rétention de sûreté, qui vise, une fois la peine accomplie, à maintenir en rétention les auteurs de tels faits, dans un système socio-médico-judiciaire particulier, et à les soumettre, s’ils le souhaitent, à un traitement médical. Il existe aussi des mesures de surveillance de sûreté, qui trouvent à s’appliquer alors que la personne n’est plus maintenue contre son gré dans un lieu de rétention, mais que les infractions dont elle a été reconnue coupable nécessitent une telle surveillance.

Le moyen commun qui permet la surveillance des auteurs de ces deux types d’infractions, c’est l’inscription dans des fichiers : les auteurs d’infractions terroristes sont inscrits au Fijait ; ceux d’infractions sexuelles, au Fijais. Ce dernier est un peu plus complexe que l’autre : certaines inscriptions se font d’office, d’autres sont prononcées par un juge. En outre, on y a ajouté a posteriori les auteurs de violences sur mineurs.

Le nombre d’infractions donnant lieu à inscription au Fijais est donc plus élevé, ce qui explique que, alors qu’environ 1 900 personnes seulement sont inscrites dans le Fijait, il y en a 111 000 dans le Fijais, soit un nombre extrêmement important.

Le but de ces fichiers est de pouvoir imposer à ceux qui y sont inscrits des obligations permettant de maintenir la surveillance qui s’impose. Ces individus, pour le dire dans un langage peut-être un peu trivial, mais que tout le monde comprendra, doivent « pointer », c’est-à-dire se rendre régulièrement – la fréquence peut aller d’un mois à un an – au commissariat de police ou à la gendarmerie pour que leur lieu de résidence puisse être connu. Ils doivent aussi, évidemment, signaler leurs changements d’adresse ; les personnes inscrites dans le Fijait doivent également déclarer leurs déplacements à l’étranger.

Ces infractions donnent aussi lieu, bien sûr, à d’autres mesures visant non seulement à surveiller ces personnes, mais aussi à les empêcher d’avoir, au sein de la société, des activités qui pourraient les conduire à réitérer l’infraction dont ils ont été reconnus coupables. Ainsi des incapacités d’exercer une activité dans certains secteurs, médico-social ou sportif, peuvent être prononcées. Un juge peut aussi assortir la condamnation d’une interdiction d’entrer en contact avec des mineurs ou des personnes vulnérables.

Ensuite, lorsque les collectivités embauchent dans des métiers qui peuvent amener à entrer en contact avec des personnes vulnérables ou des mineurs, elles peuvent demander à savoir si les candidats à ces postes ont commis certaines infractions et soumettre leur recrutement à cette condition ; cela a été assez clairement validé par la jurisprudence.

Vous aurez donc compris, mes chers collègues, que des moyens de surveillance des personnes ayant commis des infractions graves et de la part de qui on peut craindre une récidive ou une réitération sont d’ores et déjà mis en œuvre : on ne leur permet pas de disparaître dans la société et d’y faire librement n’importe quoi.

Vous comprendrez aussi pourquoi les mesures proposées dans ce texte par Mme Mercier peuvent apparaître disparates : en réalité, elles viennent simplement combler divers vides dans les dispositifs existants, vides qui peuvent bien sûr être préjudiciables aux mineurs et aux personnes vulnérables.

La première des mesures proposées est relative aux changements de nom. Mme Mercier avait d’ailleurs été rapporteur de la proposition de loi sur ce sujet, devenue la loi Vignal ; alors déjà, elle nous avait mis en garde contre les risques que pourrait présenter cette grande simplification de la procédure de changement de nom, désormais sans aucune publicité : certaines personnes, en changeant leur nom ou leur prénom, ne figureraient pas dans les fichiers sous leur nouvelle identité et pourraient ainsi échapper à tout contrôle.

C’est donc à juste titre que Mme Mercier souhaite que soit mise en œuvre une disposition permettant au procureur de la République d’intervenir s’il estime que le changement de nom pourrait causer un dommage ou présenter un risque pour l’ordre public.

La deuxième disposition d’importance de ce texte vise à empêcher des personnes déjà condamnées d’être en contact avec des mineurs ou des personnes vulnérables par le biais du transport public. La commission a amendé le texte pour le rendre opérationnel, en permettant le contrôle des antécédents judiciaires des chauffeurs de bus et en créant une véritable incapacité légale.

Je ne détaillerai pas, à ce stade de la discussion, les autres mesures de ce texte ni celles que plusieurs de nos collègues proposent d’y intégrer, estimant que d’autres possibilités encore n’ont pas été explorées. Je laisserai ce soin aux auteurs de ces amendements.

Ainsi, Mme Olivia Richard nous expliquera tout à l’heure de quelle manière elle propose de sanctionner les individus auxquels la justice a interdit d’entrer en contact avec des mineurs, mais qui se soustraient à cette peine ; une réelle sanction de tels agissements, y compris quand ils ont lieu à l’étranger, manquait cruellement dans notre droit.

M. Laurent Burgoa s’est quant à lui soucié des plateformes qui mettent en contact des parents avec des baby-sitters : là encore, aucun contrôle des antécédents judiciaires de ces personnes n’était assuré. Il propose donc de mettre en place une procédure permettant aux parents de connaître leurs antécédents.

Il est également proposé de mettre en place un dispositif permettant aux dirigeants d’une association, au-delà du secteur sportif, où cela est déjà possible, de connaître les antécédents de ceux qui demandent à s’investir dans leur association.

Tous ces dispositifs sont délicats à mettre en œuvre. En effet, si le Fijais et le Fijait sont des sources d’information assez importantes, on comprend aisément que ces données sont extrêmement confidentielles. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel n’autorise leur consultation que dans des conditions permettant qu’elles ne soient pas divulguées de façon trop importante et d’une manière qui préserve un certain nombre de droits et de libertés constitutionnels.

La commission s’est donc attachée, dans la rédaction des articles de cette proposition de loi, à faire en sorte de ne pas porter atteinte à ces droits ; il importe que le Fijais et le Fijait ne soient pas sollicités plus que de raison et qu’ils ne le soient, en tout cas, que dans des conditions qui permettent de conserver l’équilibre souhaité par le Conseil constitutionnel.

Voilà en quelques mots, mes chers collègues, quelle a été l’approche de la commission sur cette proposition de loi de Mme Mercier ; voilà ce que nous allons vous proposer d’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de mon collègue Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice : retenu en commission des lois de l’Assemblée nationale, il nous rejoindra dès la fin de son audition.

Chers parlementaires, il nous revient d’assurer la sécurité et la protection de nos enfants et de nos concitoyens. Qu’il s’agisse de prévention des actes terroristes ou violents qui frappent, sans discrimination, les adultes comme les enfants, ou de prévention des violences sexuelles notamment à l’encontre des mineurs, nous devons collectivement être vigilants et ne pas laisser d’espaces dans lesquels les délinquants et les criminels pourraient agir, que ce soit en profitant de la procédure de changement de nom ou en exerçant une activité professionnelle au sein d’entreprises de transport public.

En modifiant l’architecture juridique qui structure notre société tout en ménageant à chacun la possibilité de faire valoir ses droits individuels, il nous faut garder à l’esprit que le droit à modifier son identité, qu’il s’agisse de son nom ou de son prénom, par la voie d’une procédure simplifiée, doit s’inscrire dans un équilibre global assurant à nos concitoyens protection, liberté et préservation de l’ordre public.

La loi du 2 mars 2022, dite loi Vignal, a constitué une véritable avancée en matière de droits et libertés individuels, une occasion dont se sont véritablement saisis nos concitoyens, comme en témoigne une étude de l’Insee d’avril 2024. Ainsi, entre août 2022 et décembre 2023, 144 100 personnes nées en France ont changé de nom. Le nombre de ces changements, déjà substantiel, a été multiplié par plus de trois depuis cette loi. Une première phase de forte croissance a marqué la période allant d’août à octobre 2022, croissance sans doute révélatrice de l’attente entourant cette mesure ; s’en est suivie une phase de descente vers un rythme de croisière, avec environ 6 500 changements mensuels à la fin de 2023.

Ce dispositif de changement d’identité a donc rencontré un véritable succès. Néanmoins, il est nécessaire de s’assurer qu’il ne se fasse pas au détriment de l’ordre public.

La proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui – je profite de cette occasion pour remercier vivement son auteure, Mme la sénatrice Marie Mercier, et sa rapporteure, la présidente de votre commission des lois, Mme Murielle Jourda – tend à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes.

Le principal objectif de ce texte est d’empêcher que tout délinquant sexuel, violent ou terroriste puisse se soustraire aux obligations résultant de son inscription au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles et violentes, le Fijais, ou au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes, le Fijait, ce qui ferait échec à ces mesures de protection de l’ordre public.

En résumé, il s’agit d’éviter qu’une personne dangereuse, contre laquelle la société doit se prémunir de tout risque de récidive, puisse passer entre les mailles du filet.

La proposition de loi tend aussi à améliorer le dispositif de la loi Vignal en prévoyant un cran de sécurité supplémentaire en la personne de l’officier d’état civil, qui pourra avertir le procureur de tout changement d’identité susceptible de porter atteinte à l’ordre public.

Néanmoins, si la préoccupation qui inspire ce texte est plus que légitime, elle ne doit pas, en contrepartie, conduire à faire peser une charge excessive sur l’autorité judiciaire, du point de vue humain ou budgétaire. À cet égard, je serai amenée à formuler un certain nombre de réserves, qui ne feront néanmoins pas obstacle à l’adoption de cette proposition de loi, dont le Gouvernement partage pleinement l’objectif. Je me félicite d’ailleurs que ces réserves aient été identifiées et anticipées, pour une large part, par votre commission des lois.

Mme Mercier a rappelé les faits ayant légitimement suscité sa préoccupation : la crainte qu’un chauffeur de car chargé des transports scolaires ou véhiculant des majeurs vulnérables et ayant été condamné pour violences sexuelles, puis inscrit à ce titre au Fijais, puisse de nouveau exercer ce même métier. Il fallait dès lors trouver une solution idoine, efficace et pragmatique, permettant un équilibre en la matière, sans charge induite pour l’autorité judiciaire.

Je tiens à saluer la grande qualité du travail effectué en commission, qui a démontré, s’il le fallait, votre sens du débat démocratique et de la chose publique.

Permettez-moi à présent de vous exposer ma position sur chacun des articles de ce texte.

L’article 1er A, tout d’abord, ajout bienvenu de votre commission des lois, étend aux infractions terroristes, y compris l’apologie du terrorisme et d’autres infractions définies dans le code de la sécurité intérieure, un dispositif juridique qui existait déjà pour les infractions sexuelles.

Cet article prévoit l’information obligatoire de l’autorité académique et du chef d’établissement en cas de mise en examen ou de condamnation pour une infraction terroriste, ou autre, d’une personne scolarisée ou ayant vocation à l’être dans l’établissement, ainsi que la possible information de l’hébergeur de la personne libérée sous contrôle judiciaire ou condamnée pour le même type d’infractions, en cas d’aménagement de peine ou de libération conditionnelle, de surveillance judiciaire ou de surveillance de sûreté.

Cet article permet de s’adapter à l’évolution marquée des profils des personnes poursuivies ou condamnées pour des infractions terroristes : il s’agit d’individus de plus en plus jeunes, voire mineurs.

Nous devons toutefois garder à l’esprit que cette disposition constitue une nouvelle dérogation au secret des investigations judiciaires, alors que ces dérogations doivent rester strictement limitées pour laisser toute son efficience au principe fondateur du secret de l’enquête.

L’article 1er prévoit quant à lui deux séries de mesures.

En premier lieu, on y trouve un dispositif permettant l’information systématique par l’officier d’état civil du procureur de la République et, le cas échéant, l’opposition de ce dernier au changement d’identité demandé, en cas de menace à l’ordre public, lorsque cette demande émane d’une personne condamnée pour des crimes terroristes ou sexuels.

La commission a complété ce dispositif en prévoyant, premièrement, que seraient joints aux demandes de changement de prénom ou de changement simplifié de nom le bulletin n° 2 du casier judiciaire du demandeur et un document faisant état de son inscription ou absence d’inscription au Fijais ou au Fijait ; deuxièmement, que la menace à l’ordre public ferait l’objet d’une définition légale expresse, en cas de condamnation pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou pour une infraction sexuelle ou violente grave, ainsi que lorsque les documents transmis par le demandeur font apparaître qu’il est inscrit au Fijais ou au Fijait.

En second lieu, l’article crée deux nouvelles obligations pour les inscrits au Fijais ou au Fijait : d’une part, celle de déclarer un changement de nom ou de prénom, obligation enserrée dans un délai ; d’autre part, pour les inscrits au Fijais, sur décision expresse de la juridiction de jugement et en cas de particulière dangerosité, celle de déclarer leurs déplacements à l’étranger.

Je souligne toutefois que la création de cette nouvelle obligation de déclaration d’un changement de nom implique que l’autorité judiciaire devra notifier aux 110 000 personnes actuellement inscrites dans ce fichier cette nouvelle obligation, indifféremment de leur volonté effective d’entreprendre un jour des démarches de changement d’état civil.

L’article 2 de la proposition de loi vise à étendre la liste des infractions susceptibles d’entraîner l’inscription au Fijais, tirant ainsi les conséquences de la création de nouveaux délits sexuels sur mineur par la loi du 21 avril 2021, dite loi Billon. Je salue à cette occasion son auteure, la sénatrice Annick Billon.

Plus précisément, l’article 2 inscrit dans la liste figurant à l’article 706-47 du code de procédure pénale deux délits supplémentaires : celui d’extorsion d’images pédopornographiques et celui qui réprime les atteintes sexuelles qu’un mineur est contraint de s’infliger à lui-même. Cette disposition vient ainsi, de façon pertinente, actualiser le dispositif du Fijais par l’extension du champ infractionnel en la matière.

Il faut nécessairement avoir conscience que l’ensemble du régime procédural prévu pour les infractions de nature sexuelle et de protection des mineurs sera dès lors applicable à ces deux délits. Je pense aux obligations de procéder à une expertise médicale de la personne poursuivie et à une expertise médico-psychologique du mineur victime ; d’informer le juge des enfants de l’existence d’une procédure pénale concernant un mineur victime ; de désigner un administrateur ad hoc, le cas échéant, pour assurer la protection des intérêts du mineur ; enfin, de procéder à l’enregistrement audiovisuel de l’audition du mineur victime.

Dès lors que ces infractions protègent les mêmes intérêts que celles qui figurent actuellement dans cette liste, il n’existe pas d’obstacle juridique en tant que tel à une telle évolution. En revanche, il est indéniable que cette mesure fera peser une charge supplémentaire sur les juridictions et les services enquêteurs. Est également identifié un possible risque de saturation pour les autorités chargées de traiter les alertes déclenchées par le Fijais, notamment au vu de la conservation longue des données. L’augmentation du nombre d’expertises requises, dans un contexte d’insuffisance chronique d’experts disponibles, doit également être soulignée.

L’article 3, tel qu’il a été modifié au cours des travaux de votre commission, s’inspire de l’obligation d’honorabilité introduite par le législateur dans le sport et dans la sphère médico-sociale ; il vise à mettre en place une incapacité légale empêchant les personnes condamnées pour des faits graves ou inscrites au Fijais ou au Fijait d’exercer dans le secteur du transport public des mineurs ou des majeurs vulnérables.

Votre commission a su atteindre un net point d’équilibre en la matière.

En effet, la rédaction originelle, dont nous comprenons parfaitement l’objectif, élargissait néanmoins de façon trop étendue l’accès aux données sensibles contenues dans le Fijais. Leur divulgation est susceptible de porter préjudice au respect de la vie privée et de la présomption d’innocence, dès lors que ce fichier comprend non seulement les condamnations définitives, mais aussi les condamnations non définitives, réhabilitées et amnistiées, ainsi que les mises en examen. Cet accès était d’autant plus problématique qu’il visait des entreprises de transport public de personnes, lesquelles peuvent être des sociétés privées.

En conclusion, le Gouvernement partage pleinement l’objectif de la proposition de loi : garantir qu’une personne dangereuse, contre laquelle la société doit se prémunir de tout risque de récidive, ne puisse pas passer entre les mailles du filet.

C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à l’adoption de cette proposition de loi, même si certaines de ses dispositions nous semblent devoir continuer à être travaillées au cours de son parcours parlementaire, de manière à trouver le meilleur équilibre pour atteindre efficacement l’objectif fixé.

À cette fin, le Gouvernement vous propose de supprimer les dispositions ajoutées au texte initial visant le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En effet, le texte qui nous réunit aujourd’hui ne nous semble pas être le bon véhicule législatif pour cette mesure.

Chère Marie Mercier, comptez sur moi pour l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, dès lors que vous l’aurez voté dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette.

M. Pierre Jean Rochette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les Français en ont marre : marre de l’insécurité, marre de la criminalité, marre de la délinquance ! Ils nourrissent de fortes attentes quant à l’amélioration rapide et concrète de la sécurité. Toute initiative allant dans ce sens est donc bonne à prendre.

Hors des salons où elle a été conçue, la théorie du sentiment d’insécurité n’a convaincu aucun de nos concitoyens. Ils ne supportent plus de voir les forces de l’ordre impuissantes face aux délinquants. Force doit rester à la loi !

La réussite en la matière dépend certes partiellement des moyens budgétaires engagés. En la matière, on peut tout de même constater que ce gouvernement, comme le précédent, n’a pas réduit les crédits alloués aux forces de l’ordre. Nous avons besoin de plus de policiers et de gendarmes dans nos rues !

Mais il convient aussi de faire évoluer notre arsenal législatif. Notre droit est complexe ; il est parfois, hélas ! profus. C’est évidemment une conséquence de la complexification de notre société, mais c’est aussi le fruit d’une nécessaire adaptation à une criminalité toujours plus innovante.

Le Sénat travaille depuis plusieurs années à l’amélioration concrète de la sécurité dans notre pays. Le texte que nous examinons aujourd’hui fait partie de ce travail, modeste – le terme n’est pas péjoratif ! –, mais nécessaire et pragmatique.

L’ouverture de nouveaux droits bénéficie parfois, malheureusement, aux délinquants. C’est le cas des procédures simplifiées de changement de nom ou de prénom. Pour bon nombre de nos concitoyens, il s’agit d’une facilité bienvenue et, pour notre justice, c’est un gain de temps appréciable. Cependant, les délinquants n’hésitent pas à abuser de ces procédures pour échapper à la justice, particulièrement aux mesures de surveillance qu’elle peut mettre en place.

En effet, quoi de plus simple pour sortir des fichiers de la police que de changer de nom ? Cette faculté a été, par mégarde, laissée ouverte aux personnes condamnées, y compris pour des infractions graves.

Si nous entendons protéger efficacement nos concitoyens contre la récidive, les criminels violents, auteurs d’infractions sexuelles ou d’actes terroristes, doivent rester dans les radars de la police et de la justice. C’est d’une logique évidente !

Le texte prévoit ainsi que l’officier d’état civil recevant la demande de changement de prénom ou de nom devra en avertir sans délai le procureur de la République si elle émane d’une personne condamnée pour l’une des infractions listées. Le procureur, ainsi informé, pourra s’opposer à ce changement de nom ou de prénom dès lors qu’il présente une menace pour l’ordre public.

Cette mesure de bon sens a déjà fait l’objet d’un vote favorable de notre assemblée. Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir qu’elle soit reprise aujourd’hui dans ce texte.

L’autre disposition majeure du texte vise à renforcer la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens, encore trop souvent victimes d’agression lorsqu’ils empruntent les transports publics.

Pour mieux lutter contre ce danger, le texte prévoit d’accorder aux entreprises de transport public un accès au Fijais. Cela leur permettra d’effectuer des vérifications plus précises sur les personnes qu’elles entendent recruter.

Le cas d’Émile Louis a déjà été évoqué ; la disposition proposée empêchera que soient mis de la sorte au contact du public des individus susceptibles de lui porter atteinte. Il s’agit là encore d’une mesure de bon sens, que le Sénat avait déjà adoptée.

La proposition de loi contient d’autres dispositions visant notamment à actualiser la procédure pénale, afin de tenir compte de la création récente de nouveaux délits sexuels à l’encontre des mineurs.

Enfin est également prévue une mesure visant à allonger la durée maximale de rétention des étrangers condamnés pour une infraction violente ou sexuelle, comme cela est déjà le cas pour ceux qui sont condamnés pour terrorisme. Il s’agit peut-être d’un cavalier législatif. Toutefois, nous considérons que son adoption serait une avancée pour la protection de nos concitoyens.

Le texte que nous examinons ne fait pas les gros titres de l’actualité – c’est en ce sens qu’il est empreint d’une certaine humilité. Reste qu’il accroît à coup sûr la sécurité de nos concitoyens.

Cette proposition de loi, pragmatique et efficace, est le fruit d’un travail patient, en apparence fastidieux, qui demeure néanmoins essentiel pour améliorer le quotidien des Français. Le groupe Les Indépendants remercie par ma voix son auteur Marie Mercier, ainsi que la rapporteure Muriel Jourda. Il soutiendra sans réserve cette proposition de loi, dont l’adoption permettra de véritables avancées. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par Marie Mercier, que je salue, présente indéniablement de nombreux atouts, comme le simple fait notamment de nous permettre de prolonger notre réflexion et nos débats à la suite des dispositions adoptées par la Haute Assemblée voilà quelques mois pour garantir la surveillance des personnes condamnées pour des infractions sexuelles, violentes graves ou des actes terroristes, dispositions législatives qui, hélas ! n’ont pas pu prospérer.

Je rappelle en préambule que le Fijais a été créé en 2004. Si, à l’époque, certains responsables politiques ont vivement critiqué le principe de cette mesure, pointant une forme de « peine à perpétuité pour les personnes condamnées », force est de reconnaître qu’il est aujourd’hui devenu un outil judiciaire et administratif des plus utilisés : plus de 80 000 noms y sont inscrits.

Interrogeons-nous désormais sur la nature même des apports de cette proposition de loi. Le texte vise pour l’essentiel à corriger une faille de notre système judiciaire, plus exactement à gommer les effets de bord de la nouvelle procédure simplifiée de changement de nom introduite par la loi Vignal en 2022.

Il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause la possibilité de changer de nom. En effet, certains changements de nom se justifient par des motifs honorables ou légitimes, par exemple se débarrasser d’un patronyme qui prête à la moquerie ou tenter d’effacer un passé extrêmement lourd lorsque l’on a subi des maltraitances dans l’enfance.

Toutefois, certains individus considérés comme dangereux – des prédateurs sexuels, des terroristes – peuvent trouver dans ce changement d’identité l’occasion d’échapper aux dispositifs de surveillance mis en place par l’institution judiciaire pour prévenir toute forme de récidive. Une telle faculté peut apparaître comme un risque beaucoup trop important au regard de la protection des victimes elles-mêmes, mais plus largement de la société tout entière.

En conséquence, il faut impérativement que l’État puisse être alerté d’une façon ou d’une autre lorsque ces personnes désirent changer d’identité. C’est ce que prévoit le texte en confiant à l’officier d’état civil le soin de saisir le procureur de la République aux fins d’opposition au changement de nom ou de prénom, s’il apparaît que ce changement est de nature à créer un risque pour l’ordre public en raison de la condamnation singulièrement grave du demandeur.

Cette proposition de loi introduit également une nouvelle mesure de sûreté et l’obligation de déclarer tout changement de prénom ou de nom pour toute personne inscrite au fichier des délinquants sexuels ou au fichier des condamnés pour terrorisme, afin d’améliorer leur traçabilité.

Par ailleurs, l’auteur propose d’intégrer deux nouveaux délits à la liste des infractions pouvant aboutir à une inscription dans le fichier des délinquants sexuels ou violents.

Tout le monde a en mémoire les agissements du chauffeur de bus Émile Louis, qui a violé et assassiné sept jeunes filles dans les années 1970. Rappelons qu’il n’a été condamné que bien plus tard.

Les prédateurs sexuels ou les pédocriminels visent principalement les secteurs d’activité leur permettant de côtoyer des enfants ou des adultes vulnérables, qu’il s’agisse de l’éducation, du sport ou des transports. C’est la raison pour laquelle ce texte prévoit d’interdire à toute personne condamnée pour des infractions violentes ou sexuelles ou encore pour des actes terroristes d’exercer des professions qui les mettent en contact avec ces publics. Cela nous paraît frappé au coin du bon sens.

Par conséquent, le groupe Les Républicains votera ce texte, qui semble des plus proportionnés et, surtout, essentiel pour garantir la pleine effectivité des outils de protection des mineurs et de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui revêt un intérêt crucial pour la sécurité de nos concitoyens. Il vise en effet à renforcer l’efficacité de nos moyens de surveillance et de contrôle des individus les plus dangereux de notre société.

Il s’agit plus précisément de remédier aux failles du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes et du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes. Créés respectivement en 2004 et en 2015, ces fichiers permettent de suivre et d’identifier les auteurs de ce type d’infraction, ainsi que de prévenir la récidive de profils à risque. Ils imposent aux personnes inscrites des obligations de déclaration, notamment de leur adresse et de leurs déplacements, répondant ainsi à un impératif de sécurité publique.

Toutefois, l’adoption de la loi Vignal au mois de mars 2022 a fragilisé ce dispositif de surveillance des personnes dangereuses. Cette loi, saluée par beaucoup comme une avancée, facilite les démarches permettant à certaines personnes de changer de nom. Elle a cependant créé une faille et permis à certains délinquants de se soustraire à leur passé et aux obligations liées à leur inscription dans ces fichiers.

L’exemple de Francis Évrard, violeur multirécidiviste, illustre de manière cynique les enjeux liés à cette faculté : condamné à huit reprises pour des viols sur mineur, ce délinquant sexuel a pu changer de nom en prévision de sa sortie de prison, ce qui a suscité l’incompréhension et l’inquiétude des victimes et de leurs familles.

La loi Vignal a en effet ouvert une procédure simplifiée, sans formalité préalable de publicité ni contrôle de légitimité de la demande par l’état civil. Cette faille pose aujourd’hui des risques concrets, car les condamnés pour des infractions sexuelles ou terroristes peuvent l’exploiter pour échapper aux obligations de transparence et à la surveillance que notre société est en droit d’exiger pour garantir la sécurité publique.

Aussi est-il impératif de combler les lacunes de notre droit afin d’éviter que ces situations ne se multiplient. C’est tout l’objectif de la proposition de loi de notre collègue Marie Mercier, dont je salue le travail. J’en profite pour remercier la rapporteure de la commission des lois sur ce texte, Muriel Jourda.

Nous avons déjà eu, au Sénat, l’occasion de nous pencher sur cette problématique et y avons apporté une réponse à l’article 15 bis de la proposition de loi instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, que nous avons adoptée au mois de janvier dernier. Je salue au passage Marc-Philippe Daubresse, qui en était le rapporteur et à qui revient l’initiative de cette disposition, reprise à l’article 1er du texte dont nous débattons.

L’article 1er vient en effet plus précisément renforcer le contrôle des procédures de changement de nom et de prénom pour les personnes inscrites aux fichiers concernés. Il impose désormais une obligation d’information du procureur de la République en cas de demande de changement d’état civil par un condamné pour infraction sexuelle ou terroriste. Ce contrôle permet ainsi au procureur soit de s’opposer aux demandes des individus présentant un danger pour l’ordre public, soit, en cas de confirmation de la demande, d’en assurer la traçabilité, redonnant ainsi à la justice un levier essentiel pour protéger les victimes et la société.

L’article 2 étend la liste des infractions entraînant une inscription au Fijais. Il intègre de nouveaux délits tels que la « sextorsion » et l’extorsion d’images pédopornographiques, autant d’infractions en nette augmentation, qui constituent des violences graves auxquelles les mineurs sont particulièrement exposés. En élargissant ainsi le champ d’application du Fijais, nous donnons à la justice des outils supplémentaires pour suivre les auteurs de tels actes.

Enfin, l’article 3 renforce un peu plus la sécurité publique en étendant l’accès au Fijais aux entreprises de transport public de personnes. Concrètement, les opérateurs de transport, par l’intermédiaire des préfectures, pourront s’assurer que les personnes en contact direct avec les mineurs ne présentent pas de risque majeur. Cette mesure, déjà adoptée par le Sénat, est une avancée importante, qui répond aux attentes des citoyens et des élus locaux en matière de prévention et de sécurité dans les transports publics.

La commission des lois a apporté certains aménagements au texte, afin d’en renforcer l’efficacité. Je pense aux motifs susceptibles de conduire à une saisine du procureur de la République, qui seront précisés par la loi et non plus par un décret en Conseil d’État, ainsi qu’à l’interdiction pour les personnes condamnées pour des faits graves ou inscrites au Fijais ou au Fijait d’exercer dans le secteur du transport public de mineurs ou de majeurs vulnérables.

La commission a également adopté un amendement prolongeant jusqu’à 180, voire 210 jours, la durée de la rétention administrative des étrangers condamnés à une interdiction du territoire français en raison de la commission d’une infraction sexuelle ou violente grave.

Bien qu’elle parte d’une bonne intention, celle de répondre à une actualité récente et tragique, cette disposition semble quelque peu éloignée du propos du texte qui nous intéresse. Ce type de mesure aurait probablement plus sa place dans une loi relative à l’immigration. Sur des sujets aussi complexes, veillons à ne pas réagir sous le coup de l’émotion.

Ce texte répond à l’exigence des Français d’obtenir des réponses claires et efficaces face à la récidive. Aussi avons-nous la responsabilité de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que les personnes qui présentent un danger pour la population n’exploitent à de mauvaises fins les failles de notre droit. Il nous faut garantir l’efficacité des dispositifs de suivi, assurer la traçabilité des condamnés les plus dangereux et ainsi renforcer la protection des mineurs.

Le groupe RDPI ne peut qu’approuver cette proposition de loi, dont la disposition principale a déjà été adoptée par notre assemblée. En se prononçant en faveur de ce texte, ses membres assurent la pleine effectivité de nos outils de protection et témoignent de leur engagement collectif pour une société plus sûre et plus juste.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Briante Guillemont. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Sophie Briante Guillemont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le risque zéro en matière de récidive n’existe pas. Pour autant, cela n’interdit pas de s’interroger régulièrement sur le suivi d’anciens détenus, en particulier lorsqu’ils ont été condamnés pour des infractions particulièrement lourdes.

La question est délicate, tant elle est empreinte d’émotion, le sujet émergeant le plus souvent comme une réaction à un fait d’actualité. Il nous faut malgré tout la poser, au gré des expériences qui nous éclairent parfois sur nos imprécisions. Le changement de nom de Francis Évrard, condamné huit fois pour viol sur mineur, est précisément de cette nature.

Aussi, je veux saluer l’initiative de notre collègue Marie Mercier.

La première mesure proposée est la correction de la loi Vignal. Je n’étais pas encore sénatrice lorsque le texte a été examiné, mais je me suis replongée dans les débats et j’ai pu constater que vous aviez déjà alerté sur le caractère incertain des conséquences juridiques et pratiques d’une telle innovation. De ce point de vue, chère collègue, votre démarche est tout à fait convaincante.

Le dispositif est complété par deux autres articles : l’article 2 actualise et étend la liste des infractions susceptibles d’entraîner l’inscription au Fijais ; l’article 3 facilite la consultation du fichier par les opérateurs de transport public de personnes.

Ce texte était donc initialement composé de trois articles à la portée clairement dessinée, à savoir assurer un meilleur suivi, au sein de notre société, de personnes ayant des antécédents judiciaires d’une particulière gravité. Cet objectif est fort louable.

Toutefois, nous discutons aujourd’hui du texte issu des travaux de la commission.

Sur de nombreux aspects, le dispositif initial a été enrichi, grâce aux travaux de Mme la rapporteure, dont je salue l’implication.

Ainsi, l’article 1er A prévoit l’information obligatoire de l’autorité académique et du chef d’établissement en cas de mise en examen ou de condamnation pour une infraction terroriste des personnes scolarisées ou ayant vocation à l’être dans l’établissement.

Ce dispositif, que nous approuvons, même si nous préférerions le restreindre aux seules condamnations, nous semble s’inscrire dans la continuité de ce qu’a initialement proposé l’auteur de cette proposition de loi.

L’article 1er a également été peaufiné. Je pense aux précisions relatives aux modalités d’exercice par l’officier d’état civil de sa compétence de saisine du procureur de la République.

L’article additionnel inséré après l’article 3 prévoit une prolongation de la durée de la rétention administrative pouvant aller jusqu’à 180, voire 210 jours pour les étrangers condamnés à une interdiction du territoire après avoir commis une infraction sexuelle ou violente grave. Cette possible prolongation existe déjà pour les actes de terrorisme. Il s’agit d’une mesure d’exception, justifiée par l’extrême gravité des actes en question.

Faut-il élargir cette singularité aux infractions sexuelles ou violentes graves ? Est-ce opportun de sortir du droit commun ? Vous ouvrez là un débat important, que nous ne faisons en réalité qu’effleurer, en le tranchant bien trop rapidement. La principale difficulté posée par ce nouvel article tient moins au fond, dont nous pouvons discuter, qu’à l’opportunité de l’introduire dans ce texte.

Je ne préjuge pas le vote de mon groupe sur un tel dispositif. Vous le savez presque mieux que moi qui viens de l’intégrer, mes chers collègues, le groupe du RDSE est attaché à la liberté de vote de ses membres. Ce dont je suis en revanche certaine, c’est que le RDSE est particulièrement sensible à l’exigence de qualité du débat et du travail parlementaire. Aussi nous inquiétons-nous de cette forme de dispersion, qui plus est au regard de la gravité du sujet. Un tel débat doit être abordé au bon moment.

Ce moment arrive bientôt. Un nouveau texte sur les questions migratoires, le séjour des étrangers et le droit d’asile a été annoncé par le ministre de l’intérieur pour le début de l’année 2025. Il nous faut juste patienter quelques mois… Concentrons-nous aujourd’hui sur le suivi des personnes ayant des antécédents judiciaires graves.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la majorité des membres du RDSE s’abstiendrait sur cette proposition de loi si son article 4 était adopté, et ce malgré sa position plutôt favorable sur les autres dispositions du texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Olivia Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons répond à un impensé dans une réforme que je trouve par ailleurs bonne : la simplification de la procédure du changement de nom. Plus de 10 000 demandes sont déposées chaque mois, que ce soit sous la forme simplifiée ou non : c’est bien que cette mesure répond à un véritable besoin.

Pourtant, lors de l’examen de la loi relative au choix du nom issu de la filiation, sur laquelle la procédure accélérée avait été engagée, certaines voix s’étaient déjà élevées pour alerter sur l’occasion que représentait une telle simplification pour des individus condamnés, par exemple pour pédocriminalité. Ainsi, une personne inscrite au Fijais qui a changé de nom peut se soustraire à son interdiction de travailler dans une école, puisque son état civil est vierge.

D’autres cas sinistres, qui ont été rappelés, ont conduit Marie Mercier à proposer que les entreprises de transport collectif puissent s’assurer qu’elles n’embauchent pas des prédateurs pour conduire des mineurs ou des majeurs vulnérables.

J’ai proposé en outre des amendements au travail indispensable de notre collègue, pour que soient prises en compte deux réalités : d’une part, les pédocriminels sont là où il y a des enfants, notamment dans le monde associatif ; d’autre part, la pédocriminalité ne connaît pas de frontières.

Il faut rappeler aux dirigeants d’associations que, lors d’une embauche, ils peuvent demander un extrait de casier judiciaire où apparaîtrait une interdiction de travailler en contact avec des mineurs. Notre collègue Guy Benarroche souhaite garantir que les mêmes précautions puissent être prises par les associations cultuelles, ce qui me paraît de bon sens ; cette demande est peut-être d’ailleurs déjà couverte par mon amendement.

Par ailleurs, les personnes condamnées pour pédocriminalité devraient être contraintes de signaler tout séjour à l’étranger.

Enfin, la violation d’une interdiction d’être en contact avec des mineurs prononcée en France, si elle est commise à l’étranger, doit pouvoir être sanctionnée en France.

Tel est l’objet des deux amendements portant article additionnel après l’article 4 que j’ai déposés. Je sais gré à Mme la rapporteure de son soutien.

Pourquoi ces amendements ?

Mes chers collègues, permettez-moi de vous parler ce soir du parcours qui est le mien depuis que j’ai été élue sénatrice il y a un an et que je suis devenue à cette occasion membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Les femmes et les enfants à la rue, les tortures dans le monde de la pornographie, les violences intrafamiliales, qui existent également parmi nos communautés françaises à l’étranger, donc dans l’isolement le plus total, la traite des femmes et des enfants, l’excision, la prostitution de mineurs de l’aide sociale à l’enfance sont autant de sujets qui ont provoqué une prise de conscience, comme une gifle, sur l’ampleur de la pédocriminalité.

Ces réalités, je ne les ai pas tant choisies qu’elles me sont tombées dessus, chacune à leur manière, au fil des travaux de la délégation. Elles m’ont profondément marquée. Comment exprimer ce que cela fait, à peine élue sénatrice, d’être mise en face des réalités les plus violentes et les plus abjectes du quotidien ?

Le juge Édouard Durand a essayé de lever un tabou social : 160 000 enfants sont sexuellement violentés chaque année, majoritairement par des hommes, il faut bien le dire. Mise face à ces réalités, je découvre leur ampleur et la complexité propre à la construction de toute réponse adaptée.

Depuis que je suis montée à la tribune devant vous, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un enfant a été victime de viol ou d’agression sexuelle en France. Avant que je n’en descende, un deuxième enfant aura été violé ou agressé sexuellement.

Face à l’insoutenable, je voudrais partager la beauté de l’engagement et la fierté de celles et ceux qui se battent, chacun à leur échelle, contre ces injustices radicales. Ce sont majoritairement des femmes, il faut bien le dire. Face à l’indicible, elles luttent contre le découragement et surmontent l’impact que ce travail magnifique et hideux a sur elles.

Il y a évidemment tous ces acteurs de terrain, mais il y a aussi des sénatrices. À cet égard, je tiens une nouvelle fois à saluer le travail de longue haleine de l’autrice de cette proposition de loi, Marie Mercier. Permettez-moi également de remercier la rapporteure de ce texte, la présidente de la commission des lois Muriel Jourda.

Un jour d’avril, alors que j’étais en Andorre pour inciter les Français qui y sont établis à s’inscrire sur les listes électorales dans la perspective des élections européennes, j’ai entendu à la radio un entretien de Véronique Béchu, commandante de police, chef du pôle stratégie de l’Office mineurs (Ofmin), venue présenter son livre Derrière lécran. Elle y expliquait le travail de cette brigade et la nécessité pour tous de se rendre compte de l’ampleur de la cyberpédocriminalité. J’ai acheté un exemplaire de son livre, puis dix autres, pour les faire lire autour de moi.

On y apprend que la pandémie a fait exploser la cyberpédocriminalité de 6 000 %. Le confinement a réuni pédocriminels et enfants en ligne, sur les réseaux et, plus récemment, dans le métavers. La semaine dernière, le procès d’un homme s’est ouvert à Paris : il aurait commandité le viol et la torture de centaines d’enfants philippins en ligne et les aurait regardés en direct de chez lui.

On y apprend que les pédocriminels évoluent avec les législations. Leur adaptation commande une égale réactivité de la réponse pénale.

On y apprend des mots obscurs, recouvrant des pratiques hallucinantes : grooming, live streaming, sextorsion.

On y apprend que les filles et les garçons sont tout autant victimes, et même les bébés. Les garçons sont plus exposés aux violences sexuelles plus jeunes et les sévices sont alors plus graves.

On y apprend que les moyens déployés sont tout à fait insuffisants. Grâce à la création de l’Office mineurs à la fin de l’année 2023, l’effectif consacré à la lutte contre la pédocriminalité en France a été porté de 18 à 35. L’Office mineurs devrait comprendre 85 agents en 2025, s’il n’en est pas décidé autrement dans le projet de loi de finances, et ce pour 870 enquêtes par jour.

On y apprend que des gens passent leurs journées à regarder chaque détail de vidéos atroces pour essayer de venir en aide à une victime ou réussir à poursuivre un criminel.

On y apprend que 40 % des hommes qui échangent des images ou des vidéos pédopornographiques passent à l’acte.

On y apprend que la loi française s’étend dans le monde entier, lorsqu’il s’agit de punir les crimes commis par des Français ou des personnes habitant en France. Heureusement, car certains pays ne réprouvent pas les relations sexuelles avec les mineurs.

On y apprend que, en matière de délits, la compétence française est conditionnée à une réciprocité d’incrimination. Ainsi, un professeur condamné en France pour pédocriminalité avec interdiction d’approcher des mineurs doit, tous les six mois, parce qu’il est inscrit au Fijais, certifier son adresse en France. Cela ne l’empêche pas entre-temps de se rendre dans un pays étranger qui n’interdit pas les relations sexuelles avec les mineurs. Il s’est engagé dans une association de cyclisme et, les veilles de compétition, accueille des enfants chez lui ! Grâce à la coopération policière, les autorités françaises l’apprennent et lancent une procédure pour violation de son interdiction d’approcher des mineurs. Celle-ci n’a pu aboutir, car la pédocriminalité n’est pas une infraction dans ce pays…

Nous devons mettre à jour notre arsenal face à une pédocriminalité itinérante et en ligne qui explose. Ce texte nous en donne l’occasion.

J’ai voté en commission l’amendement du rapporteur tendant à insérer l’article 4, rebaptisé Philippine par Dominique Vérien, présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes. Je le trouvais tout à fait adapté. Un débat a eu lieu sur la pertinence du véhicule législatif, le groupe Union Centriste préférant qu’il figure dans un autre texte. Cela ne m’empêche pas de soutenir vigoureusement la disposition qu’il contient.

Mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, car on juge une société à la façon dont elle protège les plus vulnérables. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre du renforcement des moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes.

Le groupe CRCE-K ne peut que pleinement partager cet objectif. Protéger les habitants de notre pays, en particulier les plus vulnérables, c’est-à-dire les enfants, est une priorité. Éviter la récidive s’inscrit tout à fait dans cet objectif.

Reste que, pour mieux lutter contre ces phénomènes, il nous faut bien les comprendre.

En matière de terrorisme, si l’on se penche sur les chiffres, le taux de récidive se situe entre 5 % et 8 %. Pour les infractions sexuelles, d’après l’Insee, le taux de récidive s’élève à 5 % pour les crimes et à 7 % pour les délits. Ces chiffres masquent toutefois une autre réalité : moins de 10 % des victimes de violences sexuelles portent plainte. Ainsi, sur 1,45 million de personnes ayant déclaré avoir subi des violences sexuelles, seules 83 000 victimes de violences sexuelles ont été enregistrées !

Ce constat souligne une vérité glaçante : trois femmes sur quatre victimes de viol ou de tentatives de viol ont été agressées par une personne de leur entourage et connaissent déjà le nom, le prénom et le visage de leur agresseur.

Les chiffres concernant les violences faites aux enfants sont tout aussi alarmants. Selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, la Ciivise, 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles. Nous sommes donc confrontés à un phénomène de société majeur, face auquel les réponses actuelles sont loin d’être suffisantes.

Face à cette situation, nous devons allouer des moyens financiers suffisants pour rendre nos législations efficaces. Soyons-y bien attentifs lors du vote du budget qui interviendra bientôt.

Enfin, dans cette proposition de loi, la recherche de l’équilibre est essentielle. L’objectif est non d’instituer une double peine, mais bien de protéger les personnes les plus vulnérables. Restons réalistes et évitons la démagogie : seul un équilibre subtil permettra de rendre ce texte efficace. Certains ajouts en commission semblent s’écarter de cet équilibre. Les amendements que nous avons déposés tendent à y revenir.

Nous vous proposerons ainsi de supprimer l’article 4, qui modifie le régime de la rétention administrative : il étend aux personnes condamnées pour des infractions sexuelles de toute nature la durée de rétention à 180 jours, voire 210 jours. Introduit en commission, cet article n’a aucun lien, même indirect, avec la proposition de loi initiale. Il anticipe sur des débats que nous aurons sans doute lors d’un futur texte sur l’immigration.

Il nous faut légiférer avec mesure et sérieux. Nous ne pouvons pas le faire au détour d’une disposition qui ne présente pas de lien avec la proposition de loi. Pour rappel, le but de la rétention est d’assurer l’exécution des mesures d’éloignement du territoire. La majorité des personnes en centre de rétention n’ont jamais été condamnées pénalement. La durée moyenne de rétention en 2023 était de 28,5 jours.

Cette mesure, qui s’éloigne nettement de l’objectif initial de cette proposition de loi, entraînerait de nombreux effets néfastes. Elle augmenterait le taux d’occupation des centres de rétention sans apporter les moyens humains et financiers nécessaires à leur bon fonctionnement. La conséquence serait la détérioration des conditions de rétention, mais aussi des conditions de travail des employés.

De plus, cette mesure serait extrêmement onéreuse. Pour rappel, la Cour des comptes estime le coût de la rétention administrative à 600 euros par jour et par personne retenue.

L’allongement de cette durée se heurte aussi à l’évidence. Elle n’augmenterait nullement la probabilité de retour au pays d’origine des personnes retenues, notamment en raison de l’absence de laissez-passer consulaires. Sans ces documents, la durée de rétention ne changera rien puisque ces personnes ne pourront pas être éloignées.

Évitons donc la démagogie, mes chers collègues, soyons sérieux et cohérents. C’est l’objet de notre amendement de suppression, le Gouvernement ayant d’ailleurs déposé le même.

Nous déterminerons notre vote final en fonction des modifications qui seront apportées à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Marie Mercier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et UC.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le titre de l’essai de Michel Foucault, Surveiller et punir, est devenu un gimmick. Faute d’avoir été pris pour un avertissement, cet ouvrage, souvent mal compris, a donné lieu à des dérives potentiellement dangereuses pour l’équilibre de notre société. C’est à l’aune de ce livre que j’ai examiné la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise.

Nous nous retrouvons en effet pour discuter d’un sujet à la fois précis et sérieux. Comme nous le rappelons souvent, une proposition de loi n’est pas soumise à une analyse du Conseil d’État. Ce serait pourtant très utile lorsqu’elle touche à la protection des droits et des libertés.

Ce texte s’éloigne parfois de son sujet pour s’étendre, au-delà des personnes condamnées, à celles qui sont mises en cause. Ce véhicule législatif comporte des mesures diverses, dont le point commun semble être de prévoir une réponse spécifique, dans certains cas, à des faits divers, certes dramatiques.

Il n’y a pas de texte sans contexte, nous le savons. Nous, sénateurs citoyens, sommes régulièrement touchés par des drames qui secouent notre quotidien et l’opinion publique. Cela ne doit pas nous empêcher de demeurer attachés à la qualité du travail d’écriture de la loi. Nous avons toujours dénoncé la manie consistant, après chaque fait divers, à annoncer une nouvelle loi, alors même que l’encre de celles qui ont été votées précédemment n’est pas encore sèche.

Le punitif seul n’est jamais la solution. Depuis Cesare Beccaria, les théories sur les peines l’ont régulièrement rappelé. Personnalisation de la peine, accompagnement de la réhabilitation pour prévenir la récidive : l’humain, même fautif, même coupable, est au cœur du projet pénal.

La question de la récidive et de sa prévention est un axe essentiel de l’appréhension de la chose pénale : si la prison doit protéger la société et punir le délinquant ou le criminel, elle est aussi un lieu de préparation à la réinsertion. C’est ainsi que nous la concevons tous, en tout cas je l’espère.

Notre groupe, comme souvent, estime que l’application des mesures existantes constituerait déjà une amélioration sensible. Prenons ainsi la prise en charge en prison. Les auteurs d’infractions à caractère sexuel représentent 10 % de la population détenue. Ils sont orientés vers vingt-deux établissements pénitentiaires fléchés et pris en charge par les services médico-psychologiques régionaux et les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, dans le cadre de programmes de prévention de la récidive. Dans les faits cependant, seuls cinq établissements sur les vingt-deux fléchés ont mis en place de tels programmes !

L’abandon, incompréhensible, de l’étude des mécanismes de la récidive, particulièrement dans le cadre des violences sexuelles, et l’impossibilité qui en résulte de mettre en place des protocoles de prévention devrait avant toute chose nous interpeller.

Peut-être pourrions-nous ainsi éviter ce texte supplémentaire, devenu un ensemble de mesures disparates – c’est normal – et non exhaustives, quelquefois éloignées de son titre et de l’intention annoncée, et louable, d’assurer le suivi des personnes condamnées.

Je reste persuadé que le prochain fait divers qui n’aura pas été prévu par ce texte donnera lieu au même mécanisme : indignation, posture de sévérité répressive, sans analyse globale ni proposition de mesures de prévention.

Je parle de posture, car c’est bien de cela qu’il s’agit, comme en atteste selon moi l’ajout en commission de l’article 1er A. Ce dernier prévoit, lorsqu’une personne scolarisée est condamnée ou simplement mise en cause pour une infraction terroriste, l’information obligatoire des responsables académiques et du chef de son établissement.

Cet article suscite des interrogations sur le positionnement de notre société face à une personne mise en examen, sur le secret de l’instruction, sur la présomption d’innocence, à laquelle nous restons profondément attachés, mais aussi sur l’autonomie du juge, qui nous paraît primordiale.

Que l’information des responsables académiques ou du personnel de l’établissement dès la mise en cause puisse, de fait, être une obligation à la demande du ministère public nous laisse perplexes.

Vous connaissez nos craintes quant à l’instrumentalisation du qualificatif « terroriste », souvent brandi comme une muleta devant l’opinion publique contre des militants écologistes, rarement condamnés. Nous alertons depuis des années sur l’adoption de dispositifs législatifs qui, placés entre de mauvaises mains, entraîneraient une dérive sans nom, ou plutôt une dérive dont on perçoit bien le nom, et même le son : le bruit de bottes !

Ce texte contient des dispositions très variées. Certaines sont très positives, car elles permettent de protéger les mineurs face au risque de récidive de personnes déjà mises en cause ou condamnées pour des actes pédocriminels. C’est le cas de l’article 3. Nous soutiendrons et voterons ces mesures. Certains de nos amendements visent même à les renforcer.

D’autres dispositions sont attentatoires aux droits et aux libertés de personnes n’ayant commis aucune infraction. Je pense au contrôle systématique des antécédents judiciaires de l’ensemble des personnes souhaitant changer de nom ou de prénom à l’état civil.

Si l’article 4, qui étend la durée maximale de séjour dans les centres de rétention administrative, était supprimé, notre groupe ne s’opposerait pas à ce texte, malgré ses réserves sur les articles 1er A et 1er. Ces derniers nous entraînent à la dérive, sans boussole, vers un recul des libertés réelles et protégées. Si ces articles étaient adoptés en l’état, notre groupe s’abstiendrait. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de remercier Marie Mercier, qui travaille non pas seule, mais inlassablement, et de manière obstinée, sur la question des violences sexuelles. Elle a permis, avec d’autres, comme Laurence Rossignol ou Annick Billon, que je salue, de faire avancer ce combat.

Cette proposition de loi montre que nous nous préoccupons désormais de lutter contre les violences sexuelles tout comme nous considérons qu’il faut lutter contre les violences terroristes. C’est assez nouveau pour être relevé.

Ce texte place au premier plan la défense des enfants, évidemment. En ce sens, vouloir modifier, rectifier, améliorer la loi Vignal est parfaitement bienvenu. On peut toutefois regretter qu’aucune évaluation n’ait été faite de la mise en œuvre de cette nouvelle disposition législative, dont les failles sont illustrées dans l’exposé des motifs de la proposition de loi par un cas particulier, lequel résonne forcément à nos oreilles.

Le texte prévoit donc l’alignement du traitement des auteurs de violences sexuelles sur celui des auteurs de violences terroristes, et donc l’usage des fichiers existants, le Fijais et le Fijait, que notre rapporteure Muriel Jourda a présentés tout à l’heure. Dans l’un d’eux sont fichées 111 000 personnes.

Guy Benarroche a eu raison de souligner, comme Mme la ministre l’a fait aussi, que ces fichiers comportent aussi les noms de personnes mises en examen. Or, comme je l’ai dit en commission des lois – et je souhaite vraiment que mes collègues sénateurs en prennent conscience –, ces fichiers ne sont jamais « nettoyés ». Certes, le parquet a normalement l’obligation de veiller à ce que toute personne mise hors de cause dans une procédure n’y figure plus, mais il ne le fait pas.

Il y a quelques années, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’était penchée sur le fonctionnement du système de traitement des infractions constatées (Stic), qui concernait pas moins de 38 millions de personnes. Elle avait alors constaté que 40 % des informations qui y étaient contenues étaient inopportunes.

L’extension de la possibilité de consulter ces fichiers doit donc être envisagée avec une prudence absolue. Or ce n’est pas véritablement ce qui est fait dans cette proposition de loi, qui prévoit de permettre aux entreprises de transport public et aux plateformes de baby-sitting d’être destinataires des informations contenues dans ces fichiers. C’est sans limites.

Au départ, il n’était question que d’encadrer le changement de nom ou de prénom. Je ne sais pas exactement d’ailleurs pourquoi le changement de prénom a été introduit dans le texte, sauf à considérer que le fait pour certains de nos concitoyens de vouloir changer de prénom parce qu’ils changent de genre pourrait occasionner un trouble à l’ordre public. Si c’est cela le sens de cette démarche, nous devrions nous interroger sérieusement.

Se pose ensuite la question des catégories de personnes autorisées à accéder à ces fichiers. En théorie, c’est le cas d’un certain nombre d’agents ; en réalité, un très grand nombre de personnes les consultent. C’est une difficulté pour certaines personnes, je pense aux personnes mises en examen. Pour notre part, nous souhaiterions que la mention des condamnations soit limitée.

Cette proposition de loi est ensuite devenue le véhicule d’une disposition que nous avons tenté en vain de combattre en commission. Le texte prévoit d’étendre à 180 jours, voire à 210 jours, la durée maximale de rétention des étrangers condamnés pour des crimes ou des délits sexuels ainsi qu’à une interdiction du territoire français par la juridiction de jugement.

À l’évidence, cette disposition n’a rien à faire dans ce texte et l’article 45 de la Constitution, que le Sénat a parfois appliqué avec une désinvolture lui ayant ensuite valu une censure massive du Conseil constitutionnel, pourrait être invoqué à cet égard. Nos arguments n’ayant pas convaincu, attardons-nous donc sur le fond quelques instants.

Permettez-vous de vous rappeler que lorsque Charles Pasqua était ministre de l’intérieur – et je doute que quiconque ici le considère comme un gauchiste irresponsable –, …

M. Laurent Burgoa. Ce fut un grand ministre !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … la durée de rétention était alors de douze jours. Elle a depuis lors augmenté peu à peu : elle a été portée à 90 jours sous Gérard Collomb, puis, dans les cas d’infraction liée au terrorisme, à 180 jours et 210 jours, le Conseil constitutionnel ayant précisément indiqué que cette durée devait être proportionnée.

Pourquoi le serait-elle ? Le taux d’effectivité des éloignements – on parle des fameuses obligations de quitter le territoire français (OQTF) – serait réduit, paraît-il, par la difficulté à obtenir les laissez-passer consulaires. Or 81 % des mesures d’éloignement sont prononcées dans les temps nécessaires.

Que l’on ne vienne donc pas nous dire ici, comme on l’a fait en commission, que la disposition étendant la durée de détention à 210 jours vise à éviter la réitération d’un meurtre tel que celui de la jeune Philippine. Il ne peut s’agir de cela : la personne présumée coupable de ce meurtre avait fait 76 jours de rétention. Nous ne sommes donc pas du tout dans ce cas de figure. Des études très documentées ont d’ailleurs bien montré que la durée de rétention ne permet absolument pas d’accroître la performance de l’éloignement.

Nous parlons ici de personnes placées en rétention et ayant fait l’objet d’une décision judiciaire d’interdiction du territoire français.

Je salue l’arrivée à l’instant du garde des sceaux et je souhaite qu’il nous explique pourquoi le parquet, chargé de l’exécution des peines, voyant arriver la fin de la rétention d’une personne ayant été condamnée à l’interdiction du territoire français, ne se préoccupe pas, si c’est nécessaire, de demander à temps un laissez-passer consulaire.

Quel est l’intérêt de placer ces personnes en rétention, a fortiori 210 jours ? J’ajoute que les laissez-passer consulaires ne sont pas nécessaires lorsque les personnes ont des papiers d’identité.

En somme, cette proposition de loi, qui encadre le changement de nom dans des cas où cela est pertinent, finit par être le réceptacle d’une disposition de pure communication, puisqu’elle n’a aucun fondement objectif sérieux, alors que nous souhaiterions tous ici, quels que soient nos engagements politiques, que les OQTF soient mieux exécutées.

Nous avons donc déposé un amendement de suppression de l’article 4 et nous nous réjouissons que le Gouvernement semble se rallier à notre argumentation. Nous y reviendrons.

Vous l’avez compris, nous sommes favorables à l’objectif du texte ; nous sommes plus réservés sur un certain nombre de modalités et sur l’élargissement de son champ ; enfin, nous sommes opposés à l’extension à 210 jours de la durée de rétention. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI, et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui s’attaque à un sujet alarmant et essentiel : la surveillance renforcée des individus condamnés pour des infractions d’une grande gravité, des crimes particulièrement odieux, qui bouleversent les victimes et créent une onde de choc durable dans la société. Qu’il s’agisse de crimes sexuels, de violences sévères ou d’actes terroristes, tous nous imposent un devoir de vigilance absolu afin de garantir la sécurité de tous nos concitoyens.

Nous le savons, la justice n’a de sens que si elle est capable de protéger les victimes, de prévenir les récidives et de renforcer la confiance des citoyens dans notre système de sécurité et de surveillance.

Le texte met en lumière une faille préoccupante dans notre législation, qui constitue clairement une menace. Certains individus condamnés par la justice et jugés suffisamment dangereux pour être inscrits dans des fichiers de suivi utilisent la loi Vignal pour changer de nom. Ils échappent ainsi aux dispositifs de surveillance, dissimulant leur passé et contournant les mesures de protection. Une telle possibilité constitue une menace directe pour la sécurité des victimes, pour la société dans son ensemble et pour la sérénité du système judiciaire.

Il semble contraire au bon sens de permettre à des individus lourdement condamnés un retour à l’anonymat sans un encadrement strict et une surveillance appropriée. Notre devoir, en tant que législateurs, est d’agir pour corriger des failles. Nous devons renforcer les mesures de suivi et veiller à ce que suffisamment de mécanismes d’alerte permettent de surveiller efficacement les individus présentant un risque réel.

La proposition de loi de notre collègue Marie Mercier vise précisément à combler cette lacune. Elle introduit un dispositif qui permettrait au procureur de la République d’intervenir en cas de changement de nom et d’empêcher ainsi qu’un condamné puisse échapper au suivi judiciaire.

Par ailleurs, elle impose aux individus inscrits dans les fichiers judiciaires l’obligation de déclarer tout changement d’identité. C’est une mesure indispensable pour prévenir les abus et maintenir une traçabilité stricte.

Ce texte va plus loin encore, puisqu’il prévoit des moyens complémentaires pour renforcer le suivi des personnes condamnées. Il étend notamment les types d’infractions pouvant entraîner l’inscription dans le Fijais, ce qui permettra une surveillance plus stricte des individus présentant un risque.

En parallèle, cette proposition de loi permettrait aux opérateurs de transport public d’accéder à ce fichier, de façon encadrée bien sûr. Le but est de garantir la sécurité des publics les plus vulnérables, en particulier des mineurs, dans des espaces où ils doivent pouvoir se déplacer sans crainte.

Ces dispositions ne sont pas seulement un renforcement technique de nos moyens de contrôle ; elles constituent une démarche responsable, pragmatique et nécessaire pour combler les failles de notre système judiciaire. Elles garantiront un suivi rigoureux de ceux qui représentent une menace réelle pour notre société. Elles envoient un message clair : la protection de nos concitoyens avant tout.

Soutenir cette proposition de loi, c’est affirmer notre engagement collectif à renforcer les moyens de surveillance et à protéger chaque mineur, chaque famille, chaque citoyen. C’est affirmer, aussi, que notre société ne peut tolérer aucune faille dans son dispositif de sécurité, surtout lorsqu’il s’agit de prévenir des crimes qui laissent des séquelles durables et portent atteinte à notre paix sociale.

Nous saluons l’importance de cette initiative, qui va indéniablement dans le bon sens et qui constitue une avancée significative pour une société plus sûre, plus responsable et plus protectrice de ses citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, face à la montée des défis sécuritaires dans notre société, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner une proposition de loi qui prévoit davantage qu’une simple correction technique ou administrative. Celle-ci interroge en effet des principes fondamentaux : la justice, la sécurité et, surtout, la confiance que nos concitoyens doivent pouvoir accorder à l’État qui les protège.

En effet, des individus condamnés pour des crimes parmi les plus graves – des crimes sexuels, des violences inqualifiables, des actes terroristes – ont profité de failles de notre système juridique pour échapper à leur passé et aux mesures de surveillance qui les entouraient. Il revient au législateur de prévenir de nouvelles tragédies.

Ce débat met en lumière la délicate frontière entre les droits individuels et les impératifs de protection collective. Certes, nous devons toujours garder en tête qu’un équilibre doit être trouvé entre ces deux pôles, mais lorsqu’il s’agit d’individus dangereux, récidivistes, il est nécessaire de pencher en faveur de la sécurité de nos concitoyens. En effet, derrière chaque infraction sexuelle, chaque acte violent ou terroriste, il y a des victimes qui, trop souvent, subissent des traumatismes profonds, parfois irréversibles. Cette proposition de loi est une réponse nécessaire pour les protéger, mais aussi pour garantir que ceux qui ont trahi la confiance de notre société ne pourront pas effacer leur passé et leurs actes.

Ce texte est également le symbole d’un engagement plus large : celui de ne plus laisser de place à l’impunité, de ne plus permettre que des individus coupables de crimes aussi abominables puissent manipuler le système.

C’est pourquoi la commission des lois du Sénat a adopté plusieurs amendements de notre rapporteure Muriel Jourda à l’article 1er afin de renforcer les contrôles lors des demandes de changement de nom et de prénom. Le texte ainsi modifié permettra d’exiger le bulletin n° 2 du casier judiciaire et l’indication d’une inscription éventuelle au Fijais ou au Fijait, afin de permettre à l’officier d’état civil de saisir le procureur en cas de besoin.

Par ailleurs, la commission a précisé que les condamnations pour infractions graves ou atteintes aux intérêts nationaux justifieraient une saisine automatique. Elle a également introduit un délai de déclaration de changement de nom et imposé une déclaration de déplacement à l’étranger pour les profils les plus dangereux.

Enfin, à l’article 3, la commission a jugé que l’information des entreprises de transport collectif sur les employés inscrits aux fichiers d’infractions était insuffisante pour garantir la sécurité des mineurs et des adultes vulnérables. Elle a donc proposé une interdiction légale empêchant les personnes condamnées pour des faits graves ou inscrites dans l’un de ces fichiers de travailler dans le transport de ces publics.

La commission a également introduit des mesures complémentaires, comme l’information des établissements scolaires en cas de mise en examen ou de condamnation pour terrorisme d’une personne scolarisée.

Elle a enfin prévu l’application de ces règles aux collectivités ultramarines.

Cette proposition de loi est l’occasion de rappeler que la loi est un outil puissant, qui doit renforcer notre sécurité collective, protéger les plus vulnérables. Face à la barbarie, l’État de droit doit être intransigeant.

Mes chers collègues, la protection des victimes, et plus largement de la société, demeure la priorité absolue. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que les individus dangereux ne puissent plus se cacher derrière des failles juridiques. Je vous invite donc à soutenir le travail de notre collègue Marie Mercier, qui réaffirme notre volonté collective d’assurer la sécurité de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article 1er

Article 1er A (nouveau)

Au premier alinéa des articles 138-2 et 712-22-1 du code de procédure pénale, après la référence : « 706-47 », sont insérés les mots : « ou pour une infraction mentionnée au titre II du livre IV du code pénal ou aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 8, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Remplacer les mots :

des articles 138-2 et

par les mots :

de l’article

II. – Supprimer les mots :

ou aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à restreindre l’information des chefs d’établissements et des autorités académiques prévue par cet article aux seuls cas de personnes condamnées – je dis bien : condamnées – pour des actes terroristes.

D’une part, il vise à supprimer cette information dans le cas où la personne a été condamnée et non pas seulement mise en examen. En effet, l’information prévue en cas de mise en examen porte gravement atteinte, de notre point de vue, à la présomption d’innocence et au secret de l’instruction. Et je ne parle même pas des problèmes de mise à jour des fichiers qu’a signalés précédemment ma collègue Marie-Pierre de La Gontrie.

D’autre part, cet amendement tend à supprimer cette information lorsque la personne n’a pas été condamnée pour acte terroriste, mais a seulement méconnu les obligations qui résultent d’une interdiction de quitter le territoire, laquelle, je le rappelle, est non une condamnation judiciaire, mais une mesure administrative prononcée par le ministère de l’intérieur en raison d’un risque de départ.

Si la possibilité pour les magistrats d’informer le chef d’établissement ou l’autorité académique d’une condamnation pour acte terroriste est une mesure utile, nécessaire, et même indispensable, il est regrettable qu’ils puissent être contraints de le faire sur réquisition du ministère public.

La présomption d’innocence est un principe fondateur de notre société. Le secret de l’instruction permet aux enquêteurs de travailler de manière optimale, particulièrement dans le cas d’actes terroristes, afin de permettre la conservation de preuves et de prévenir les démarches dilatoires de potentiels complices.

L’article 1er A, dans sa rédaction actuelle, nous paraît très préoccupant, surtout si la communication de la mise en examen parle d’entreprise terroriste, compte tenu de la criminalisation d’un certain nombre d’actions associatives environnementales depuis quelques mois.

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

des articles 138-2 et

par les mots :

de l’article

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Guy Benarroche a déjà tout dit. Et nous avions déjà abordé ce sujet lors de l’examen d’une autre proposition de loi concernant la lutte contre le terrorisme.

Notre amendement a pour objet de restreindre l’information prévue par cet article aux personnes condamnées. La présomption d’innocence des personnes mises en examen doit être respectée. Nous refusons que ce droit soit piétiné.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

La communication aux chefs d’établissement et aux responsables académiques d’une mise en examen pour infraction terroriste est une reprise pure et simple d’un mécanisme qui existe déjà pour les infractions sexuelles.

On peut estimer qu’une mise en examen, ce n’est pas extrêmement important, mais des faits terroristes, cela me semble d’une particulière gravité. Il n’est pas totalement anormal que ce type d’information puisse être communiqué. Cela permettra d’adopter, au sein de l’établissement concerné, un comportement particulier et de mettre en place une surveillance spéciale de la personne mise en examen.

Je rappelle que le nombre de mineurs déférés pour ce type d’infractions d’une particulière gravité est en augmentation constante.

De surcroît, ceux qui sont dépositaires de cette information ne peuvent la divulguer sous peine d’être eux-mêmes condamnés. Le respect de la confidentialité est donc prévu et il est exactement proportionné à la gravité des faits en question.

Les auteurs de l’amendement n° 8 proposent également de supprimer la référence au code de la sécurité intérieure, afin d’exclure les infractions liées à la violation d’une interdiction de sortie du territoire.

Mais, contrairement à ce qu’ils pensent – semble-t-il –, une interdiction de sortie du territoire est tout sauf une mesure administrative de base : elle est prononcée par le ministre de l’intérieur lui-même à l’égard de personnes qui projettent des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes. Et elle emporte l’invalidation, au moins conservatoire, du passeport et de la carte nationale d’identité. C’est donc une mesure d’une particulière gravité, face à des comportements qui sont, eux aussi, d’une particulière gravité.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. En adoptant un amendement de Mme la rapporteure, la commission des lois du Sénat a fait le choix d’élargir le périmètre du dispositif prévu à l’article 1er A. Les auteurs des deux amendements en discussion proposent au contraire de le restreindre. Étant favorable à l’élargissement décidé par la commission, je ne peux pas approuver leur démarche.

Certes, je suis sensible au risque, identifié par M. Benarroche et Mme de La Gontrie, d’atteinte à la présomption d’innocence et au secret de l’instruction.

Toutefois, je rappelle que les personnes auxquelles des informations aussi sensibles sont transmises sont soumises à une obligation de confidentialité. Elles ne peuvent communiquer les éléments, dans la stricte mesure du nécessaire, qu’auprès des responsables de la sécurité et de l’ordre de l’établissement et des professionnels chargés du suivi social et sanitaire des élèves, qui sont tenus au secret. Et, ainsi que Mme la rapporteure l’a indiqué, une telle obligation ne relève pas seulement de la déontologie des personnels ; sa violation est punie par une amende pénale de 3 750 euros.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le tout, c’est d’y croire !

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.

(Larticle 1er A est adopté.)

Article 1er A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article 2

Article 1er

I. – Le code civil est ainsi modifié :

1° L’article 60 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

a bis)(nouveau) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la demande concerne un majeur ou un mineur de plus de treize ans, elle comprend le bulletin n° 2 mentionné à l’article 775 du code de procédure pénale et un document établi par le représentant de l’État dans le département, dans les conditions prévues respectivement au dernier alinéa des articles 706-25-9 et 706-53-7 du même code, faisant état de l’inscription ou de l’absence du demandeur au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes et au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. » ;

b) La dernière phrase du dernier alinéa est supprimée ;

c) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le changement de prénom demandé est susceptible de constituer une menace pour l’ordre public en raison de la condamnation du demandeur pour l’une des infractions mentionnées au titre II du livre IV du code pénal, aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure ainsi qu’à l’article 706-47 du code de procédure pénale, ou en raison de l’inscription du demandeur sur l’un des fichiers mentionnés au premier alinéa du présent article, l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République.

« L’officier de l’état civil informe le demandeur de la saisine du procureur de la République. Si celui-ci s’oppose au changement de prénom, le demandeur, ou son représentant légal, peut saisir le juge aux affaires familiales. » ;

2° L’article 61-3-1 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

a bis) (nouveau) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La demande comprend le bulletin n° 2 mentionné à l’article 775 du code de procédure pénale et un document établi par le représentant de l’État dans le département, dans les conditions prévues respectivement au dernier alinéa des articles 706-25-9 et 706-53-7 du même code, faisant état de l’inscription ou de l’absence du demandeur au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes et au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. » ;

b) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

– après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il en va de même, dans le cas prévu au premier alinéa du présent article, lorsque le changement est susceptible de constituer une menace pour l’ordre public en raison de la condamnation du demandeur pour l’une des infractions mentionnées au titre II du livre IV du code pénal, aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure ainsi qu’à l’article 706-47 du code de procédure pénale, ou en raison de son inscription sur l’un des fichiers mentionnés au premier alinéa. » ;

– au début de la dernière phrase, les mots : « En ce cas, » sont supprimés.

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 706-25-7 est ainsi modifié :

a) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° De déclarer toute demande de changement de prénom ou de nom, au plus tard quinze jours après le dépôt de la demande auprès de l’officier de l’état civil, ainsi que tout changement de nom ou de prénom, dans un délai de quinze jours au plus tard après ce changement. » ;

b) (nouveau) Au dernier alinéa, après le mot : « article », sont insérés les mots : « , à l’exception de l’obligation résultant du 5° » ;

1° bis (nouveau) L’avant-dernier alinéa de l’article 706-25-9 est complété par les mots : « ou pour l’accomplissement des démarches de changement de prénom ou de nom prévues à l’article 60 du code civil et au premier alinéa de l’article 61-3-1 du même code » ;

2° Après le 2° de l’article 706-53-5, sont insérés des 3° et 4° ainsi rédigés :

« 3° (nouveau) Sur décision expresse de la juridiction de jugement, et si la dangerosité de la personne le justifie, de déclarer tout déplacement à l’étranger quinze jours au plus tard avant ledit déplacement ;

« 4° De déclarer toute demande de changement de prénom ou de nom, au plus tard quinze jours après le dépôt de la demande auprès de l’officier de l’état civil, ainsi que tout changement de nom ou de prénom, dans un délai de quinze jours au plus tard après ce changement. » ;

3° (nouveau) Le dernier alinéa de l’article 706-53-7 est complété par les mots : « ou pour l’accomplissement des démarches de changement de prénom ou de nom prévues à l’article 60 du code civil et au premier alinéa de l’article 61-3-1 du même code » ;

4° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 706-53-10, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « septième » ;

5° (nouveau) Avant le dernier alinéa de l’article 776, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le bulletin n° 2 d’une personne peut également lui être délivré par les représentants de l’État dans le département ou les administrations ou personnes morales mentionnées au 3° du présent article pour les seules nécessités liées au dépôt d’une demande de changement de prénom prévue par l’article 60 du code civil ou d’une demande de changement de nom prévue par le premier alinéa de l’article 61-3-1 du même code. »

III (nouveau). – À l’article L. 632-5 du code de la justice pénale des mineurs, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « septième ».

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement de suppression du groupe GEST vise à protéger le droit de changer de nom ou de prénom à l’état civil d’un dispositif qui n’aura aucune incidence sur la prévention de la récidive, mais qui touchera des dizaines de milliers de personnes souhaitant modifier leur nom ou leur prénom en mairie et n’ayant pas commis d’infractions violentes, sexuelles ou terroristes.

L’obligation pour toute personne de fournir un extrait de casier judiciaire et une attestation d’inscription ou de non-inscription au Fijais ou au Fijait fera peser une charge administrative disproportionnée par rapport à l’objectif visé.

La possibilité pour le procureur de la République de s’opposer au changement de nom ou de prénom d’une personne condamnée n’aura malheureusement aucune incidence sur la prévention de la récidive de cette dernière. Une telle disposition, justifiée par une affaire exceptionnelle – vous l’avez mentionnée –, n’est fondée sur aucune donnée objective relative au risque pour l’ordre public du changement de nom ou de prénom d’une personne condamnée.

Le contrôle systématique des antécédents judiciaires d’une personne souhaitant simplement changer de nom ou de prénom entre en contradiction avec l’esprit de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et de la loi Vignal, qui sont venues faciliter ce changement.

Comme l’indique l’Insee, entre 2022 et 2023, ce sont 144 000 personnes qui ont changé de nom de famille, grâce aux dispositions de la loi Vignal. Autant de personnes qui seront touchées à l’avenir par cette mesure sans lien avec la prévention de la récidive !

Pour toutes ces raisons, nous proposons et nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission est, bien évidemment, défavorable.

Je le rappelle, l’article 1er fait partie des dispositions majeures de la proposition de loi telle qu’elle résulte des travaux de la commission.

Ce serait, me semble-t-il, une erreur de considérer qu’il s’agit simplement d’une réaction à un fait divers. Car le fait divers en question a révélé une difficulté systémique : la possibilité d’échapper à la traçabilité d’un fichier en changeant de nom.

En ce sens, la mesure proposée est importante et efficace dans la prévention de la récidive. Elle permet d’éviter que les personnes fichées ne se soustraient à la surveillance. Elle me paraît ainsi nécessaire.

Le fait divers que vous évoquez a simplement révélé cette faille systémique, qui avait déjà été pointée lors de l’examen par le Sénat de la proposition de loi Vignal ; pour mémoire, le rapporteur de ce texte était l’auteur de la présente proposition de loi.

La procédure mise en place est la seule manière d’empêcher ceux qui voudraient changer de nom d’une façon maligne d’échapper au contrôle auquel ils sont soumis eu égard à leur inscription sur un fichier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je partage évidemment votre souci de préserver les droits et libertés individuelles de chacun. En revanche, je ne partage pas votre avis sur l’inutilité de ce futur encadrement en termes de prévention de la récidive.

En effet, sans remettre en cause la loi Vignal, dont je salue le succès, la présente proposition de loi vise simplement à nous assurer que le changement de nom ou de prénom n’est pas instrumentalisé au détriment de l’ordre public. Il s’agit de renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions d’une gravité certaine, afin d’empêcher qu’ils ne bénéficient de cette loi pour, en réalité, se soustraire à leurs obligations.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1 à 16

Supprimer ces alinéas.

II. – Alinéas 21, 22 et 24

Supprimer ces alinéas.

III. – Alinéas 26 à 30

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Par cet amendement, nous répondons, en quelque sorte, aux arguments de Mme la rapporteure.

Nous proposons de supprimer l’ensemble des mesures prévues à l’article 1er, à l’exception de la seule qui nous paraisse effectivement utile et pertinente pour renforcer la surveillance de toute personne fichée : l’obligation pour celle-ci de déclarer le dépôt de sa demande de changement de nom ou de prénom.

Cette disposition permet en effet de mettre à jour rapidement le Fijais et le Fijait en cas de changement de nom ou de prénom – car l’enjeu est bien de mettre à jour les fichiers, et pas d’empêcher un changement de nom –, de la même façon que la personne fichée est astreinte à déclarer ses changements d’adresse.

L’ensemble des autres mesures contenues à l’article 1er, comme le contrôle systématique des antécédents judiciaires des personnes souhaitant changer de nom ou la possibilité pour le procureur de s’opposer à ce changement lorsque la personne n’est pas condamnée, mais fait l’objet d’une mesure administrative, même décidée par le ministre, d’interdiction de sortie du territoire, sont disproportionnées par rapport à l’objectif et ne permettront pas – je le répète – d’empêcher la récidive.

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, mes chers collègues, par cet amendement, je souhaite attirer votre attention sur un effet de bord de la présente proposition de loi.

Alors que l’enjeu de sécurité que vous avez décrit concerne exclusivement le changement de nom de famille des personnes condamnées, vous étendez le nouveau régime au changement de prénom ; Marie-Pierre de La Gontrie y a fait référence tout à l’heure.

Cette modification législative – l’enjeu de sécurité étant écarté – aura des conséquences négatives directes sur un grand nombre de personnes.

Interrogeons-nous sur les personnes qui demandent à changer de prénom. Dans 25 % des cas, il s’agit de personnes trans. Or, en l’état actuel du droit, ces personnes rencontrent déjà de nombreuses difficultés pour changer de prénom. Depuis la circulaire du 17 février 2017, la volonté de mettre en adéquation son apparence physique avec son état civil en adoptant un prénom qui lui correspond est reconnue comme un « motif légitime » pour une demande de changement de prénom.

Cependant, les démarches administratives restent lourdes et complexes. Alourdir cette procédure – de fait, c’est ce que nous allons faire – ne ferait qu’aggraver la situation pour des personnes déjà discriminées.

En conséquence, il nous paraîtrait logique de supprimer ce volet de l’article 1er de la proposition de loi.

M. le président. L’amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

1° Supprimer les mots :

établi par le représentant de l’État dans le département, dans les conditions prévues respectivement au dernier alinéa des articles 706-25-9 et 706-53-7 du même code,

2° Après les mots :

l’absence

insérer les mots :

d’inscription

II. – Alinéa 13

1° Supprimer les mots :

établi par le représentant de l’État dans le département, dans les conditions prévues respectivement au dernier alinéa des articles 706-25-9 et 706-53-7 du même code,

2° Après les mots :

l’absence

insérer les mots :

d’inscription

III. – Alinéa 29

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans le cadre de la démarche de changement de prénom ou de nom prévue à l’article 60 du code civil et à l’article 61-3-1 du même code, le bulletin n° 2 est communiqué à l’officier d’état civil dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Par cet amendement, le Gouvernement propose de modifier les dispositions du code de procédure pénale désignant les autorités compétentes pour consulter et délivrer copie du bulletin n° 2 du casier judiciaire ainsi que l’attestation de non-inscription au Fijais et au Fijait, afin que les modalités pratiques soient déterminées ultérieurement par voie réglementaire.

M. le président. L’amendement n° 19, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 13

Remplacer les mots :

au dernier alinéa des articles 706-25-9 et 706-53-7

par les mots :

à l’avant-dernier alinéa de l’article 706-25-9 et au dernier alinéa de l’article 706-53-7

La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’amendement n° 9 vise à corriger une erreur matérielle.

Mon cher collègue Benarroche, je note que nos points de vue commencent à converger. (Sourires.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Voilà cinq minutes, vous vouliez supprimer – sauvagement… – l’une des dispositions de l’article 1er ; désormais, vous la trouvez « utile et pertinente », et vous souhaitez la conserver. Or figurez-vous que la commission trouve toutes les dispositions de l’article 1er « utiles et pertinentes » !

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur votre amendement.

Monsieur Brossat, je crois qu’il n’y a pas d’« effet de bord », en particulier sur les personnes trans. En réalité, les dispositions prises touchent absolument toutes les personnes qui demandent à changer de prénom. En changeant de prénom, on peut aussi échapper à un fichier ; le changement de prénom a donc été traité de la même manière que le changement de nom. Il n’y a aucune « discrimination » ; j’ai bien noté les termes exacts que vous avez employés, à savoir « aggraver la situation pour des personnes déjà discriminées ». Le dispositif que nous proposons implique simplement une modification d’un dossier pour l’ensemble des personnes qui demanderont un changement de prénom. Il n’y a aucune raison de le supprimer.

La commission émet donc un avis défavorable sur votre amendement.

Enfin, M. le garde des sceaux souhaite que le Gouvernement puisse choisir lui-même le service chargé de mettre en œuvre les dispositions votées par la commission. Considérant que le Gouvernement s’organise comme il l’entend, nous ne voyons rien de choquant dans cette demande. L’avis de la commission est donc favorable. Je précise toutefois que l’adoption de l’amendement du Gouvernement aurait pour conséquence de faire tomber mon amendement n° 19.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 10, 1 et 19 ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 10 et 1.

L’adoption de l’amendement que j’ai présenté aurait en effet pour conséquence de faire tomber l’amendement n° 19, mais je serais tout de même favorable à ce dernier en cas de rejet du mien.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 19 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 12 rectifié

Article 2

L’article 706-47 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le 9°, il est inséré un 9° bis ainsi rédigé :

« 9° bis Délit d’incitation d’un mineur par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, prévu à l’article 227-22-2 du même code ; »

2° Après le 10°, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :

« 10° bis Délit de sollicitation auprès d’un mineur de la diffusion ou de la transmission d’images, vidéos ou représentations à caractère pornographique prévu à l’article 227-23-1 du même code ; ».

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.

M. Guy Benarroche. Nous avions déposé un amendement sur l’article 2, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution.

Nous proposions d’améliorer l’information des employeurs publics territoriaux sur la possibilité d’obtenir les informations du Fijais durant et après le recrutement de personnes travaillant auprès de mineurs ou de personnes vulnérables.

Il nous semble essentiel d’encadrer au mieux les personnes habilitées, les occasions et les finalités de consultation du fichier. Outre la question de la traçabilité – qui consulte ? –, nous souhaitons alerter le garde des sceaux sur certaines difficultés de lisibilité du droit.

J’adresse donc une demande au Gouvernement. Nous souhaiterions qu’il mette par voie réglementaire à disposition de l’ensemble des autorités locales concernées un document présentant de façon claire et intelligible la liste des autorités habilitées à consulter le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les modalités de la saisine. En effet, les collectivités territoriales et les acteurs locaux n’en ont pas toujours une parfaite connaissance.

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au dernier alinéa de l’article 706-53-7 du code de procédure pénale, après les mots : « par décret en Conseil d’État », sont insérés les mots : « , et dans un délai d’un mois à compter du jour de l’envoi de la demande ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le présent amendement vise à accélérer le délai de réponse de la préfecture ou de l’administration de l’État lorsqu’une collectivité territoriale souhaite obtenir des informations contenues au Fijais, dans le cadre de l’emploi de personnes exerçant des activités impliquant un contact avec des mineurs et des majeurs en situation de vulnérabilité.

Nous souhaitons obliger les préfectures et les administrations saisies d’une demande de transmission des informations contenues au fichier à répondre dans un délai d’un mois, afin d’adapter la réponse au temps du recrutement. En effet, bien souvent, les réponses arrivent après le recrutement.

Cela permettra d’encourager les collectivités territoriales à effectuer de façon systématique ces contrôles, afin qu’elles s’assurent que les personnes qu’elles emploient pour des activités auprès de mineurs ou de personnes vulnérables n’ont pas été condamnées ou mises en cause pour des infractions à caractère violent ou sexuel sur des mineurs.

À mes yeux, cet amendement s’inscrit parfaitement dans l’esprit du texte proposé par Mme Mercier et rapporté par Mme Jourda.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

En effet, aucune sanction n’est prévue dans le cas où le délai qu’il est proposé de fixer ne serait pas respecté ; il est donc totalement inopérant. Plus généralement, il ne nous semble pas pertinent d’en fixer un.

Cela étant, comme il s’agit d’un délai qui serait imposé à l’État, nous serions peut-être amenés à revoir notre position si le Gouvernement se prononçait en faveur de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, la généralisation du contrôle d’honorabilité des personnes travaillant en lien avec des mineurs et des personnes vulnérables a conduit à une forte croissance des demandes de consultation du Fijais.

Dans ce contexte, les services déconcentrés de l’État font régulièrement part des difficultés dans la mise en œuvre de cette mission au regard du nombre croissant de demandes de consultation du fichier, en comparaison avec les modestes moyens humains disponibles.

Au demeurant, à ce jour, aucune augmentation des effectifs n’est prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.

À titre d’illustration, ce sont 157 729 consultations qui ont été effectuées par les services déconcentrés de l’État en 2023, soit une hausse substantielle de 109,5 % par rapport à l’année 2022. L’exercice de cette mission est rendu d’autant plus chronophage que la consultation est réalisée non pas par liste, comme cela existe, par exemple, au ministère chargé des sports, mais manuellement, et nom par nom.

Et, en cas de résultat positif, les vérifications nécessaires ne permettent malheureusement pas de respecter le délai souhaité par les auteurs de l’amendement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La réponse du garde des sceaux, pour sincère qu’elle soit, n’en est pas moins préoccupante. Nous parlons tout de même de personnes qui sont bloquées dans leur recrutement.

Mme la rapporteure – qui accepte que je féminise son titre… – nous répond que la mesure proposée n’est assortie d’aucune sanction. Qu’à cela ne tienne : nous pouvons rectifier l’amendement, par exemple pour indiquer que l’avis est présumé favorable par défaut.

Car, mes chers collègues, nous sommes tous concernés. Dans chaque collectivité, il y aura des personnes qui ne pourront pas se porter candidat à une proposition d’embauche.

Et, de ce point de vue, les chiffres que M. le garde des sceaux nous a communiqués, en évitant prudemment de nous indiquer le délai moyen de délivrance du document, ne sont guère rassurants.

Il me paraît donc nécessaire d’adopter l’amendement de nos collègues pour amener le Gouvernement à proposer un dispositif opérationnel.

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. Je partage les inquiétudes de ma collègue Marie-Pierre de La Gontrie. Quel est le délai moyen de consultation du Fijais ? Quelles conséquences cela a-t-il sur les recrutements ? Peut-être Mme la rapporteure pourra-t-elle nous apporter son éclairage à cet égard.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Madame de La Gontrie, je ne suis pas certaine de la pertinence de la rectification que vous proposez au regard de l’orientation générale de la proposition de loi.

Notre intention est tout de même d’empêcher le recrutement de personnes ayant commis des faits qui justifient de ne pas les mettre en contact de mineurs – surtout si tout contact leur est interdit. Préjuger que, à défaut de réponse, l’avis est favorable me paraît aller à l’encontre de l’esprit du texte.

Certes, il y a des difficultés – M. le garde des sceaux ne les a pas dissimulées –, et tout le monde en a conscience. Mais ce n’est pas, me semble-t-il, en procédant comme vous le suggérez que nous pourrons les résoudre. Je pense même que cela irait à l’encontre de nos objectifs.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je ne comprends pas bien le raisonnement de Mme la rapporteure.

Nous parlons de personnes qui ont été condamnées pour des faits de nature à nous inquiéter si elles devaient être en contact de mineurs.

Nous connaissons les difficultés du ministère de la justice à recruter : il y a des restrictions budgétaires.

Mais cette proposition de loi a un objectif clairement défini. Et l’amendement que je viens de présenter répond parfaitement à l’objectif que vous-même, madame la rapporteure, et Marie Mercier avez rappelé.

Je comprends très bien qu’il soit compliqué de répondre dans un délai d’un mois. Mais si nous voulons atteindre l’objectif, nous devons prévoir des éléments permettant au Gouvernement d’avancer, par exemple pour favoriser certains recrutements, afin que les services ne soient pas sous l’eau, comme c’est souvent le cas.

Nous ne pouvons pas prétexter du fait que de plus en plus de collectivités locales formulent, d’ailleurs à juste titre, des demandes de consultation pour renoncer à l’objectif de la proposition de loi. Je rappelle que nous parlons de personnes condamnées, pas de simples mis en examen.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 12 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 14

Article 3

I. – (Supprimé)

II (nouveau). – Après l’article L. 3116-3 du code des transports, il est inséré un article L. 3116-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3116-3-1. – I. – Nul ne peut exercer des fonctions de conducteur de véhicule de transport public collectif routier, au sens du présent titre, lorsque ces fonctions impliquent un contact habituel avec des mineurs ou des majeurs en situation de vulnérabilité, s’il a été condamné définitivement soit pour un crime, soit pour les délits prévus aux articles 421-1 à 421-2-4-1 du code pénal ou à l’article 706-47 du code de procédure pénale. L’incapacité prévue au présent alinéa s’applique également en cas de condamnation définitive à une peine supérieure à deux mois d’emprisonnement sans sursis pour les délits prévus aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du code pénal, ainsi qu’aux personnes qui interviennent dans les mêmes véhicules de manière permanente ou occasionnelle, à quelque titre que ce soit, y compris bénévole.

« II. – Le contrôle des incapacités mentionnées au I du présent article est assuré par la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire dans les conditions prévues à l’article 776 du code de procédure pénale et par l’accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes dans les conditions prévues au 3° de l’article 706-53-7 du même code, avant l’exercice des fonctions de la personne et selon un rythme annuel lors de leur exercice.

« Saisie par le responsable de la collectivité compétente pour l’organisation et le fonctionnement du transport public concerné dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 706-53-7 dudit code, l’administration compétente de l’État peut délivrer une attestation à la personne qui ne fait pas l’objet d’une inscription entraînant les incapacités mentionnées au I du présent article au moyen d’un système d’information sécurisé permettant, par dérogation au premier alinéa des articles 706-53-11 et 777-3 du code de procédure pénale, la consultation des deux traitements de données mentionnés au premier alinéa du présent II, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« L’attestation mentionnée au deuxième alinéa du II fait état de l’absence de condamnation non définitive ou de mise en examen mentionnées au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

« L’attestation ainsi délivrée peut être communiquée à l’employeur. L’administration chargée du contrôle peut également transmettre à cet employeur, pour les besoins du contrôle des incapacités à intervalles réguliers, l’information selon laquelle une personne en exercice est frappée par une incapacité mentionnée au I ou fait l’objet d’une mention au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

« III. – Lorsque, en application des articles 11-2 ou 706-47-4 du code de procédure pénale ou en application du même II du présent article, un employeur est informé de la condamnation non définitive ou de la mise en examen d’une personne y travaillant au titre de l’une des infractions mentionnées au I, il peut, en raison de risques pour la santé ou la sécurité des mineurs ou des majeurs en situation de vulnérabilité avec lesquels elle est en contact, prononcer à l’encontre de la personne concernée une mesure de suspension temporaire d’activité jusqu’à la décision définitive de la juridiction compétente.

« Lorsque l’incapacité est avérée et qu’il n’est pas possible de proposer un autre poste de travail n’impliquant aucun contact avec des personnes accueillies ou accompagnées dans l’un des dispositifs mentionnés au même I, il est mis fin au contrat de travail ou aux fonctions de la personne concernée.

« En cas de condamnation, prononcée par une juridiction étrangère et passée en force de chose jugée, pour une infraction constituant, selon la loi française, un crime ou l’un des délits mentionnés audit I, le tribunal judiciaire du domicile du condamné, statuant en matière correctionnelle, déclare, à la requête du ministère public, qu’il y a lieu à l’application de l’incapacité d’exercice prévue au présent article, après constatation de la régularité et de la légalité de la condamnation et l’intéressé dûment appelé en chambre du conseil.

« Les personnes faisant l’objet d’une incapacité d’exercice peuvent demander à en être relevées dans les conditions prévues à l’article 132-21 du code pénal ainsi qu’aux articles 702-1 et 703 du code de procédure pénale. Cette requête est portée devant la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel dans le ressort de laquelle le requérant réside lorsque la condamnation résulte d’une condamnation étrangère et qu’il a été fait application du troisième alinéa du présent III.

« Par dérogation à l’article 133-16 du code pénal, les incapacités prévues au présent article sont applicables en cas de condamnation définitive figurant au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes même si cette condamnation n’est plus inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire. – (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article 4 (nouveau)

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 19–… ainsi rédigé :

« Art. 19–…. – I. – Nul ne peut exercer, au sein d’une association cultuelle, une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ou des majeurs en situation de vulnérabilité s’il a été condamné définitivement soit pour un crime, soit pour les délits prévus à l’article 706-47 du code de procédure pénale.

« II – Le contrôle de l’incapacité mentionnée au I du présent article est assuré par la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire dans les conditions prévues à l’article 776 du code de procédure pénale et par l’accès aux informations contenues dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes dans les conditions prévues au 3° de l’article 706-53-7 du même code, avant l’exercice des fonctions de la personne et selon un rythme annuel lors de leur exercice.

« III – Saisie par le directeur, l’administrateur ou une autre autorité au sein de l’association cultuelle désignée par décret en Conseil d’État, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article 706-53-7 dudit code, l’administration compétente de l’État peut délivrer une attestation à la personne qui ne fait pas l’objet d’une inscription entraînant les incapacités mentionnées au I du présent article au moyen d’un système d’information sécurisé permettant, par dérogation au premier alinéa des articles 706-53-11 et 777-3 du même code, la consultation du traitement de données mentionné au premier alinéa du présent II, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« IV – L’attestation ainsi délivrée peut être communiquée au directeur, à l’administrateur ou à l’autorité au sein de l’association cultuelle désignée par décret en Conseil d’État. L’administration chargée du contrôle peut également transmettre aux autorités de l’association cultuelle citées au présent IV pour les besoins du contrôle des incapacités à intervalles réguliers, l’information selon laquelle une personne en exercice est frappée par une incapacité mentionnée au I du présent article ou fait l’objet d’une mention au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.

« V – Par dérogation à l’article 133-16 du code pénal, les incapacités prévues au présent article sont applicables en cas de condamnation définitive figurant au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes même si cette condamnation n’est plus inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement du groupe GEST vise à interdire à toute personne condamnée pour une infraction sexuelle ou violente, notamment sur mineur, d’exercer des activités auprès de mineurs ou de personnes vulnérables au sein des associations cultuelles.

Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) a fait la lumière sur l’ampleur des abus sexuels sur mineurs et personnes vulnérables dans l’Église catholique en France depuis les années 1950. Cette commission dénombre 330 000 mineurs victimes au sein de l’Église depuis 1950, dont 216 000 de clercs, religieux et religieuses, et elle estime que le phénomène est « massif » et « systémique ». J’évoque l’Église, qui a elle-même remis en cause un certain nombre de ses modes de fonctionnement – cela n’a pas été le cas des autres religions –, mais c’est loin d’être la seule concernée.

Le rapport de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) complète ces données en démontrant qu’en dehors des cercles familiaux, les milieux religieux sont ceux qui enregistrent le plus grand nombre d’agressions sexuelles sur mineur. Selon le rapport, au sein d’une institution, l’agresseur est le plus souvent un homme religieux, à hauteur de 25 %. C’est plus que les professionnels de l’éducation – 19 % – ou les entraîneurs sportifs – 8 %.

Face à l’ampleur du phénomène, la première recommandation de la commission Sauvé est de vérifier systématiquement les antécédents judiciaires de toute personne que l’Église mandate ou affecte de manière habituelle auprès de mineurs ou de personnes vulnérables.

Cet amendement vise donc à appliquer aux personnes exerçant des missions au sein des associations cultuelles le régime d’incapacité prévu dans la présente proposition de loi pour les chauffeurs de transport collectif routier. Cette obligation pèserait sur l’ensemble des associations cultuelles, sans distinction de confession.

Les auteurs de la présente proposition sont conscients que celle-ci ne saurait suffire à elle seule. De nombreux mouvements et associations – nous y reviendrons lors de l’examen de l’amendement de Mme Richard – se constituent en dehors de la notion d’association cultuelle et n’ont pas fait l’objet de remontées chiffrées relatives aux abus sexuels sur mineurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je suis un peu surprise par cet amendement.

Certes, mon cher collègue, vous reprenez les conclusions des travaux de la commission Sauvé, que personne ne conteste. Mais vous indiquez que des risques existent aussi dans le reste du monde associatif, où des condamnations ont également été prononcées. Il me paraîtrait donc nécessaire de viser, au-delà des associations culturelles,…

M. Guy Benarroche. Non ! « Cultuelles » !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. … l’ensemble du milieu associatif.

C’est l’objet de l’amendement de Mme Richard, que nous examinerons tout à l’heure. Le dispositif proposé par notre collègue renvoie en effet aux dispositions législatives relatives aux associations cultuelles et à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, qui inclut les associations cultuelles.

Je vous propose donc de retirer votre amendement, qui me semble trop partiel – « partial » serait un peu injuste –, au profit de celui de Mme Richard, dont le dispositif me paraît de surcroît relativement efficace.

En l’absence de retrait, l’avis de la commission serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Je partage l’avis de Mme la rapporteure.

Si l’objectif des auteurs de cet amendement peut être tout à fait légitime, le dispositif envisagé soulève des difficultés d’encadrement. Une réflexion complémentaire sur le sujet s’impose.

Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Nous voterons évidemment des deux mains l’amendement de Mme Richard.

Mais il y a tout de même une différence entre ce qu’elle propose et le dispositif que je viens de présenter.

D’abord, son amendement couvre la totalité du champ des associations, dont les associations cultuelles.

Surtout, nous souhaitons « interdire » à toute personne condamnée pour une infraction sexuelle ou violente, notamment sur mineurs, d’exercer des activités auprès de mineurs ou de personnes vulnérables au sein des associations. L’amendement de Mme Richard, me semble-t-il, vise simplement à instituer une obligation de consultation, et non à interdire d’exercer ces activités. Ce n’est pas exactement la même chose, madame la rapporteure.

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. En effet, monsieur Benarroche, mon amendement ne vise pas à « interdire » toute activité professionnelle, dans la mesure où c’est au juge qu’il appartient de décider d’une telle interdiction lorsqu’il prononce une peine complémentaire. À mon avis, le principe d’individualisation des peines ne joue pas en votre faveur.

J’aurais sans doute voté votre amendement s’il n’était pas couvert par le mien. Mais, dans la mesure où le mien est plus généraliste – il englobe les associations cultuelles –, je ne vois pas l’intérêt d’avoir un texte redondant.

Au demeurant, la demande d’attestation que vous souhaitez ajouter me paraît alourdir la procédure. Or je crois qu’il faut l’alléger le plus possible, à plus forte raison après avoir entendu que la consultation du Fijais en cas de recrutement demande plus d’un mois.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 - Amendement n° 14
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 20

Article 4 (nouveau)

La sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’intitulé est complété par les mots : « ou à des infractions sexuelles ou violentes » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 742-6, après le mot : « pénal », sont insérés les mots : « ou pour une infraction mentionnée à l’article 706-47 du code de procédure pénale ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par Mme Cukierman, M. Brossat, Mme Corbière Naminzo et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 4 est présenté par Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 11 est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 17 est présenté par le Gouvernement.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Ian Brossat. Cet amendement, qui est identique à ceux que mes collègues présenteront dans quelques instants, vise à supprimer l’article 4.

En effet, nous ne sommes pas favorables à l’augmentation de la durée de rétention administrative, pour trois raisons principales.

Premièrement, une telle mesure, qui a été introduite par la commission des lois, n’a absolument rien à faire dans une proposition de loi comme celle-ci : on ne voit pas bien le rapport avec la question du changement de nom…

Deuxièmement, tout le monde connaît le contexte – l’affaire Philippine, ce meurtre monstrueux – dans lequel la proposition d’augmenter la durée de rétention a été émise.

Or il se trouve que l’auteur des faits est resté 75 jours en centre de rétention administrative et que le laissez-passer consulaire a été délivré, me semble-t-il, trois jours après sa libération.

Aussi, rien ne justifie, dans les faits que je viens d’exposer, qu’on augmente la durée de rétention autorisée. En l’espèce, la limite des 90 jours réglementaires n’avait pas été atteinte.

Troisièmement, les centres de rétention ont été conçus comme des sas avant expulsion. Or, de fait, une rétention qui passerait à 180 jours, voire à 210 jours, n’aurait rien d’un sas ; ce serait bien plutôt un état qui dure.

Ces éléments soulèvent de nombreuses questions, en particulier sur le fonctionnement des CRA. Interrogeons-nous sur les conditions d’obtention des laissez-passer consulaires – nous nous rejoindrons sur ce point essentiel – plutôt que de vouloir augmenter indéfiniment la durée de rétention.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 4.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les ministres n’ayant pas souhaité répondre aux interventions de la discussion générale, je n’ai pas eu de réponse sur le point que j’ai soulevé lors de mon propos liminaire.

Je saisis donc l’occasion que m’offre la défense de cet amendement pour leur reposer la question : pour quelle raison une personne placée en détention et contre laquelle a été prononcée une décision judiciaire d’interdiction du territoire français n’a-t-elle pas, d’ores et déjà, fait l’objet d’une demande de laissez-passer consulaire de la part du parquet ou de la préfecture ?

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 11.

M. Guy Benarroche. Je m’associe pleinement à la question de Marie-Pierre de La Gontrie ainsi qu’aux développements de Ian Brossat.

Je rappelle que la durée de rétention, fixée à 10 jours par la loi Pasqua en 1993, est passée à 12 jours en 1998 avec la loi Chevènement, à 32 jours en 2003 avec la loi Sarkozy, à 45 jours avec la loi Besson en 2011, puis à 90 jours avec la loi Collomb en 2018.

Pour autant, et comme l’a démontré Ian Brossat, cet allongement de la durée de rétention n’a pas permis d’augmenter le nombre d’éloignements.

Le problème est donc ailleurs. L’écrasante majorité des éloignements ont lieu dans les quarante-cinq premiers jours de la rétention, contre 8 % seulement au-delà.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 17.

M. Othman Nasrou, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur, chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de saluer le travail de la sénatrice Mercier, auteure de cette proposition de loi, ainsi que celui de la commission des lois et de sa présidente, Muriel Jourda.

Oui, la rétention administrative est un outil efficace pour rendre effectives les mesures d’éloignement. Elle est également efficace pour assurer la sécurité et la protection de nos concitoyens, lorsqu’elle vise des individus dangereux, pénalement caractérisés comme tels.

C’est bien l’objectif de cet article 4, un objectif que le Gouvernement partage pleinement et sans ambiguïté, ainsi que l’ont déjà indiqué le ministre de l’intérieur et le Premier ministre.

Le cadre réglementaire européen actuel – je ne parle pas de la révision prochaine de la directive Retour – nous permet d’aller bien au-delà de la durée de rétention que nous appliquons.

C’est d’ailleurs le choix que font la plupart de nos voisins, qui prévoient des durées bien plus élevées que celle qui est proposée à l’article 4.

L’objectif de l’article 4 est donc partagé et assumé. Si le Gouvernement demande sa suppression, c’est pour une seule et unique raison : pouvoir l’inscrire, en début d’année prochaine, dans un véhicule législatif adapté consacré aux questions migratoires et, ainsi, lui donner une pleine et entière portée. (M. Jean-Baptiste Olivier applaudit.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et la réponse à ma question ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je réfute les arguments qui ont été avancés par les premiers orateurs et qui consistent à dire que l’article 4 n’a aucun lien avec le texte en discussion.

Je rejoins M. le secrétaire d’État : les dispositions qu’il prévoit auraient une réelle efficacité sur la sécurité de nos concitoyens. Or – ou alors je n’y ai rien compris – ce texte est bien en lien avec la sécurité de nos concitoyens.

De la même façon que certaines dispositions de cette proposition de loi ont déjà été examinées dans le cadre d’autres textes législatifs, la mesure proposée à l’article 4 aurait pu trouver également sa place dans un futur texte sur l’immigration ; elle avait par ailleurs un lien avec le texte examiné en commission.

Pour autant, j’entends l’engagement du Gouvernement – celui de M. le secrétaire d’État confirme celui de M. le ministre de l’intérieur – à présenter prochainement un texte d’une plus grande ampleur, qui donnera sûrement aux dispositions envisagées une meilleure place.

La commission fait confiance à M. le secrétaire d’État et à M. le garde des Sceaux. En conséquence, et bien que ne partageant pas les motivations des amendements nos 2,4 et 11, elle émet un avis favorable sur les amendements identiques de suppression de l’article 4.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Madame la sénatrice de La Gontrie, le parquet ne peut pas émettre la demande de laissez-passer consulaire que vous réclamez ; seules les autorités préfectorales y sont habilitées. Les enjeux sont diplomatiques. Je ne peux donc pas vous répondre sur ce point.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et le représentant du ministère de l’intérieur n’a pas la réponse ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 4, 11 et 17.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 4 est supprimé, et l’amendement n° 3 n’a plus d’objet.

Article 4 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 6

Après l’article 4

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° À la première phrase de l’article 222-48-4, après la première occurrence du mot : « prévue », sont insérés les mots : « aux articles 221-1 à 221-5, 222-1, 222-7 et 222-9 ou » ;

2° L’article 224-11 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 224-11. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues par les sections 1 et 1 bis du présent chapitre encourent également l’interdiction d’exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.

« En cas de condamnation pour une infraction prévue aux mêmes sections commise sur un mineur, la peine complémentaire prévue au premier alinéa du présent article est prononcée à titre définitif. La juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ou de la prononcer pour une durée de dix ans au plus. » ;

3° L’article 225-20 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – En cas de condamnation pour les infractions prévues aux sections 1 bis et 2 du présent chapitre, le prononcé de la peine complémentaire prévue au 7 du I, pour une durée de dix ans, est obligatoire. Lorsque les mêmes infractions ont été commises sur un mineur, la même peine complémentaire est prononcée à titre définitif.

« La juridiction peut, par une décision spécialement motivée lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction correctionnelle, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ou, lorsque l’infraction a été commise sur un mineur, de la prononcer pour une durée de dix ans au plus. » ;

4° Au début de l’article 227-31-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de condamnation pour une infraction prévue aux articles 227-18 à 227-21, le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs prévue au 6 de l’article 227-29, pour une durée de dix ans, est obligatoire, sauf décision spécialement motivée de la juridiction. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par cet amendement, il est proposé d’étendre le périmètre de la peine complémentaire obligatoire d’interdiction définitive d’exercer une activité au contact habituel des mineurs aux infractions suivantes, lorsqu’elles sont commises sur des mineurs : meurtres, assassinats et actes de torture et de barbarie ; réduction en esclavage et enlèvement-séquestration ; proxénétisme et traite des êtres humains.

En complément du mécanisme de condamnation obligatoire à une peine complémentaire définitive d’interdiction d’exercer une activité auprès des mineurs pour certaines infractions de mise en péril graves déjà prévue à l’article 227-31-1 du code pénal, je propose également la mise en place d’une peine complémentaire définitive d’interdiction d’exercer une activité auprès des mineurs, mais pour une durée de dix ans, en cas de condamnation pour incitation des mineurs à commettre une infraction ou à se mettre en danger.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 20
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 21

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 6, présenté par Mme O. Richard, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 434-38-1 du code pénal, il est inséré un article 434-38-… ainsi rédigé :

« Art. 434-38-…. – I. – Par dérogation à l’article 434-40, la violation d’une interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs est punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

« Dans le cas où l’infraction mentionnée au premier alinéa du présent I est commise à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables.

« II. – La tentative du délit mentionné au I est punie des mêmes peines. »

La parole est à Mme Olivia Richard.

Mme Olivia Richard. Cet amendement a trois objectifs.

Premièrement, il tend à réprimer de façon autonome la violation d’une interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.

Deuxièmement, il vise à réprimer la tentative de violation de cette interdiction.

Troisièmement – et c’est un élément important pour la sénatrice des Français de l’étranger que je suis –, il tend à étendre le périmètre de la répression à l’extérieur de nos frontières.

Pour rappel, la poursuite de délits commis par des Français ou des personnes résidant habituellement en France est conditionnée, lorsque ces délits sont commis à l’étranger, à l’existence d’une infraction similaire sur le territoire français.

En l’absence d’une telle infraction, on ne peut donc pas poursuivre un Français qui irait violer, à l’étranger, cette interdiction de contact avec des mineurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement tend à permettre des poursuites dans des conditions qui ne sont pas couvertes aujourd’hui par le droit commun.

Au regard des enjeux exposés par Mme Richard, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Malheureusement je ne suis pas de l’avis de Mme la rapporteure.

Madame la sénatrice, par votre amendement, vous souhaitez que soit sanctionnée de manière autonome la violation d’une interdiction d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs, prononcée à titre de peine complémentaire. Pour ce faire, vous proposez de créer un nouveau délit au sein du code pénal.

Si je partage votre volonté d’assurer l’exécution et le respect des peines prononcées par l’autorité judiciaire, les dispositions actuelles du code pénal apparaissent d’ores et déjà suffisantes pour satisfaire à cet objectif.

En effet, l’article 434-40 réprime déjà le non-respect d’une telle interdiction d’exercer d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

Par ailleurs, l’article 113-6 du code pénal permet déjà de poursuivre puis de réprimer un tel délit, même lorsqu’il est commis à l’étranger, si la législation du pays où il est commis le réprime également.

Enfin, votre proposition de punir la tentative d’une telle violation d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs serait source, selon nous, d’une incohérence certaine au sein de notre droit.

En effet, en application de l’article 131-11 du code pénal, si cette interdiction est prononcée à titre de peine principale par la juridiction de jugement, la seule tentative de sa violation ne pourra pas être sanctionnée, ce qui risque d’engendrer une rupture d’égalité entre les justiciables.

Par souci de maintenir la cohérence de nos règles de répression et d’assurer la lisibilité de notre droit, nous souhaiterions donc que vous retiriez votre amendement, quitte à retravailler cette question. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. La condition de réciprocité d’incrimination est tout de même problématique pour l’exercice de poursuites à l’étranger.

Dans nombre de pays, les relations sexuelles avec des mineurs ne sont soumises à aucune sanction pénale. J’aurai plusieurs exemples à donner de personnes qui ont été condamnées en France et qui profitent opportunément de la mansuétude de pays étrangers pour y commettre des infractions en toute impunité.

Dans ces conditions, cet amendement me paraît très important.

Par ailleurs, je trouve quelque peu léger que la violation de cette interdiction d’entrer en contact avec des mineurs tombe dans le régime général des violations d’interdiction d’exercice d’activité professionnelle ou sociale.

Il est ici question d’actes graves, de crimes assortis d’une peine complémentaire dont la violation doit relever du délit.

Il faut selon moi accorder à cette protection de la décision du juge une force supplémentaire. Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 6
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 7

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 21, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 11-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 11-… ainsi rédigé :

« Art. 11-…. – I. – Par dérogation au I de l’article 11-2, le ministère public informe par écrit l’administration d’une condamnation à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs prononcée à l’encontre d’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une telle activité et que cet exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration.

« Il informe également, dans les mêmes conditions, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ou les ordres professionnels des décisions mentionnées au premier alinéa prises à l’égard d’une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est placée sous leur contrôle ou leur autorité.

« Les II à IV de l’article 11-2 sont applicables aux modalités de transmission et de conservation des informations mentionnées au présent article.

« II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise :

« 1° Les formes de la transmission de l’information par le ministère public ;

« 2° Les professions et activités ou catégories de professions et d’activités concernées ;

« 3° Les autorités administratives destinataires de l’information. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par cet amendement, il est proposé que le procureur de la République informe les administrations ou entités chargées d’une mission de service public lorsqu’une personne qui intervient auprès de mineurs placés sous leur autorité a été condamnée à une peine complémentaire d’interdiction de contact avec des mineurs.

Cette obligation nouvelle vient en complément de celles qui existent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Madame la rapporteure, vous souhaitez créer une nouvelle obligation d’information du procureur de la République auprès des administrations, des personnes publiques, des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ainsi que des ordres professionnels dont l’activité implique un contact habituel avec des mineurs, lorsque l’une des personnes qu’ils emploient à titre salarié ou bénévole a été condamnée à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un tel contact.

Je souscris évidemment à l’objectif de protection des mineurs qui est le vôtre au travers de votre amendement. Pour autant, le code de procédure pénale prévoit déjà des mécanismes d’information permettant d’y satisfaire.

En effet, en vertu de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale, auquel vous faites vous-même référence, et de l’article D. 47-9-1 du même code, une condamnation, même non définitive, incluant ainsi toute peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole en lien avec des mineurs, doit être portée à la connaissance de l’administration dont la personne concernée dépend.

En ce sens, le droit actuel permet déjà cette transmission d’information, et de manière plus large que ce que vous proposez, puisque l’information transmise concerne toutes les condamnations, y compris celles qui ne sont pas définitives.

Dans son alinéa 2, l’article 706-47-4 prévoit ainsi une information dès lors que la peine complémentaire d’interdiction est prononcée par le juge d’instruction dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Par ailleurs, le large périmètre d’application de ces dispositions couvre l’intégralité des infractions d’atteinte aux personnes susceptibles d’être commises à l’encontre des mineurs, qu’il s’agisse des infractions de nature sexuelle, des infractions à la législation sur les produits stupéfiants ou encore des actes de terrorisme ou de harcèlement.

De plus, conformément aux dispositions réglementaires, la liste des professions et activités exercées par les personnes relevant de l’article 706-47-4 ainsi que celle des administrations devant être informées par le ministère public est suffisamment large pour prendre en compte, tel que vous l’exposez dans votre amendement, en plus des administrations, « les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public et les ordres professionnels dont l’activité implique un contact habituel avec les mineurs ».

Pour ces raisons, madame la rapporteure, nous souhaitons que vous retiriez votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. Madame le rapporteur, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Oui, monsieur le président. Ce texte pourra faire l’objet – je le reconnais volontiers – d’un ajustement au cours de son cheminement législatif.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 21
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 5

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 7, présenté par Mme O. Richard, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, il est inséré un article 5-… ainsi rédigé :

« Art. 5-…. – Aux fins de contrôler l’absence d’une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ou de toute interdiction, déchéance ou incapacité incompatible avec les activités de l’association, le récépissé mentionné au deuxième alinéa de l’article 5 comporte une information rappelant aux personnes chargées de l’administration de l’association qu’elles peuvent solliciter auprès des personnes appelées à participer à leurs activités le bulletin n° 3 du casier judiciaire mentionné à l’article 777 du code de procédure pénale. Cette information précise que le bulletin ne peut pas être conservé et qu’il ne peut pas en être pris de copie. »

La parole est à Mme Olivia Richard.

Mme Olivia Richard. Cet amendement vise à inciter les responsables d’association à demander, lors des recrutements, le bulletin n° 3 du casier judiciaire des personnes appelées à participer aux activités associatives.

En effet, cet extrait du casier judiciaire mentionne l’éventuelle interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.

Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, là où il y a des enfants, il y a des pédocriminels. Or il existe de nombreuses associations dont l’objet social principal n’est pas le contact avec les mineurs, mais qui organisent tout de même des activités en lien avec eux.

Il est donc nécessaire de s’assurer que les personnes qui s’engagent dans ces associations n’ont pas été condamnées à une telle interdiction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement présente l’avantage qu’il n’a pas pour conséquence de toucher au Fijais, un fichier qu’il convient de rendre public le moins possible.

La production du bulletin n° 3 me paraît une bonne solution. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 7
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Article 5 (nouveau)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

L’amendement n° 5, présenté par M. Burgoa, Mmes Puissat et Gruny, M. Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Sol, Mme Valente Le Hir, M. Panunzi, Mme Guidez, M. Michallet, Mmes Saint-Pé, Demas et Lassarade, M. Cadec, Mmes Deseyne et Aeschlimann, MM. D. Laurent, Saury et Tabarot, Mmes Josende et Belrhiti, MM. Courtial, Bouchet et Milon, Mmes Perrot, Jacquemet, Micouleau et O. Richard, MM. Belin, Menonville et Genet, Mmes Bellamy, Romagny et Joseph et M. Levi, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 1221-6 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l’emploi à pourvoir implique un contact habituel avec des mineurs ou avec des majeurs en situation de vulnérabilité, et aux seules fins de contrôler l’absence de toute interdiction, déchéance ou incapacité incompatible avec l’emploi précité, l’employeur peut demander au candidat de présenter le bulletin n° 3 de son casier judiciaire. Cette présentation peut intervenir avant l’embauche, puis à intervalles réguliers au cours de l’exécution du contrat de travail.

« Lorsque celui-ci est directement incompatible avec l’emploi occupé par la personne condamnée, le prononcé d’une interdiction, déchéance ou incapacité au cours de l’exécution du contrat constitue une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L. 1232-1 ou un motif réel et sérieux au sens de l’article L. 1243-1. Lorsque la rupture du contrat intervient pour ce motif, elle se fait selon les formes et modalités prévues en cas de faute grave du salarié. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 1221-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lors de cette déclaration, l’employeur est avisé de sa faculté de demander à la personne dont l’embauche est envisagée de présenter le bulletin n° 3 de son casier judiciaire, dans les conditions prévues par l’article L. 1221-6. » ;

3° L’article L. 1251-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la mission implique un contact habituel avec des mineurs ou des majeurs vulnérables, l’entreprise de travail temporaire vérifie, au moyen d’une présentation par le salarié du bulletin n° 3 de son casier judiciaire, que celui-ci n’est soumis à aucune interdiction, déchéance ou incapacité incompatible avec ladite mission. » ;

4° Le 4 de l’article L. 1251-33 est complété par les mots : « , ou lorsqu’il a été mis fin au contrat en raison du prononcé d’une interdiction, déchéance ou incapacité mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 1251-8. » ;

5° Après l’article L. 7231-2, il est inséré un article L. 7231-… ainsi rédigé :

« Art. L. 7231-. – I. – Sans préjudice de l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles, la personne inscrite sur une place de marché en ligne de mise en relation en vue de la fourniture d’un service à la personne mentionné au 1 ou au 2 de l’article L. 7231-1 fournit, à la demande du particulier employeur qui la salarie, le bulletin n° 3 de son casier judiciaire.

« La place de marché en ligne mentionnée au premier alinéa du présent I fait apparaître, tout au long de l’accès de l’utilisateur, un message rappelant aux particuliers employeurs qu’ils peuvent disposer du bulletin visé au même alinéa.

« Tout contenu qui ne fait pas l’objet du message prévu au présent I est illicite au sens du paragraphe h de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques).

« II. – L’autorité administrative peut, soit d’office, soit à la demande d’une organisation professionnelle, d’une association agréée d’utilisateurs ou de toute personne physique ou morale concernée, constater les manquements à l’obligation mentionnée au I. Elle met le fournisseur de place de marché concerné en demeure d’afficher le message. Elle l’informe de la mise en œuvre des mesures conservatoires mentionnées au deuxième alinéa du présent II et l’invite à lui adresser ses observations dans un délai de cinq jours à compter de la notification de ces mesures.

« Simultanément, l’autorité administrative notifie l’adresse électronique du service concerné aux fournisseurs de navigateurs internet, au sens du 11 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques), aux fins de la mise en œuvre de mesures conservatoires.

« Lorsque l’autorité administrative, le cas échéant après avoir pris connaissance des observations du fournisseur de place de marché en cause, estime que le constat mentionné au premier alinéa du présent II n’est plus valable, elle demande sans délai aux fournisseurs de navigateurs internet destinataires de la notification de mettre fin aux mesures conservatoires.

« Tout manquement aux obligations définies au présent article par la personne destinataire d’une notification de l’autorité administrative est puni des peines prévues au C du III de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

« III. – En cas de manquement aux obligations prévues au I du présent article, l’autorité administrative prononce à l’encontre du fournisseur de place de marché en ligne une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos. Ce taux est porté à 5 % en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive. »

La parole est à M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa. Cet amendement est aussi simple qu’essentiel.

Pour faire garder leur enfant, de nombreux Français recourent à des plateformes de mise en relation de particuliers, en d’autres termes à des applications de mise en relation avec des baby-sitters.

Or ces sites internet n’ayant pas de liens contractuels directs avec les candidats, ils ne sont soumis à aucune obligation de contrôle des antécédents ou qualifications de ces derniers.

Je vous propose donc d’imposer aux plateformes qui mettent en relation des particuliers pour des services de garde d’enfant ou d’assistance à des personnes vulnérables de notifier aux employeurs leur possibilité de demander le bulletin n° 3 du casier judiciaire des candidats.

J’y vois deux intérêts. Le premier est de permettre aux employeurs d’obtenir ces informations en leur rappelant ce droit. Le second est d’indiquer aux utilisateurs que cette communication n’a pas été faite en amont.

En cas de non-respect de cette obligation, il sera permis à l’autorité administrative de faire couper l’accès aux plateformes et d’infliger aux fournisseurs de place ou de marché une amende administrative prononcée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pouvant aller jusqu’à 3 % du chiffre d’affaires, voire 5 % en cas de réitération. (M. Jean-Baptiste Olivier applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ce mécanisme éviterait d’accéder au Fijais. Il pourrait répondre, grâce à la présentation sur demande du bulletin n° 3, à la difficulté exposée par M. Burgoa. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Didier Migaud, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je partage le souci qui sous-tend votre amendement, à savoir permettre aux employeurs de s’assurer que les personnes amenées à exercer une activité à leur contact ou à celui de leurs proches ne se trouvent pas sous le coup d’une interdiction d’exercice prononcée par la justice. C’est assurément l’une des finalités du bulletin n° 3.

Toutefois, les mesures que vous proposez – imposer aux plateformes d’informer les employeurs de leur faculté d’obtenir le bulletin n° 3 de leurs salariés ; permettre à l’autorité administrative de faire couper l’accès aux plateformes qui ne respecteraient pas cette obligation sur le modèle du mécanisme de filtre anti-arnaque prévu par la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique ; infliger aux fournisseurs de place ou de marché en cas de manquement une amende administrative – nécessiteraient une expertise complémentaire.

Pour cette raison, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4.

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 5
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 5 (nouveau)

I. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

II. – Le titre II du livre VII du code de la justice pénale des mineurs est ainsi modifié :

1° L’article L. 721-1 est ainsi rédigé :

« Le présent code, à l’exception des articles L. 113-2 et L. 113-6, est applicable en Nouvelle-Calédonie dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. » ;

2° L’article L. 722-1 est ainsi rédigé :

« Le présent code, à l’exception des articles L. 113-2 et L. 113-6, est applicable en Polynésie française dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre » ;

3° L’article L. 723-1 est ainsi rédigé :

« Le présent code, à l’exception des articles L. 113-2 et L. 113-6, est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. ».

III. – Le titre VI du livre VII code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° La vingt et unième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 762-1 et L. 763-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 742-4 et L. 742-5

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

L. 742-6

La loi n° … du … tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes

L. 742-7 et L. 742-8

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

» ;

 

2° La dix-septième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 764-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 742-4 et L. 742-5

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

L. 742-6

La loi n° … du … tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes

L. 742-7 et L. 742-8

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

» ;

 

3° La dix-neuvième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 765-1 et L. 766-1 est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

«

L. 742-4 et L 742-5

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

L. 742-6

La loi n° … du … tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes

L. 742-7 et L. 742-8

La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027

»

 

IV. – L’article 3 est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 5 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Notre groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a amendé ou voté les mesures qui répondent à l’objectif de la proposition de loi de Mme Mercier, celui de mieux surveiller les condamnés.

Nous saluons ainsi l’adoption de l’article 2, qui étend la liste des infractions susceptibles d’entraîner l’inscription au Fijais à des délits commis sur des mineurs. Elle permettra de lutter contre le phénomène de sextorsion.

Nous approuvons l’article 3, qui prévoit l’interdiction pour les personnes condamnées pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes d’exercer la profession de conducteur de véhicule de transport collectif routier auprès de mineurs ou de majeurs en situation de vulnérabilité.

Nous soutenons en outre les améliorations obtenues grâce aux deux amendements d’Olivia Richard, portant notamment sur les associations cultuelles et culturelles.

Cela étant dit, cette proposition de loi vise, comme l’indique son intitulé, à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes.

J’insiste sur le terme « condamnés » : il est essentiel et justifie à lui seul notre opposition à l’article 1er A, qui permet au ministère public d’obliger le juge à se libérer du secret de l’instruction en informant les autorités académiques de la mise en examen d’une personne.

Nous exprimons en outre des réserves sur l’article 1er, qui complexifie les démarches de changement de nom et de prénom.

En effet, les données relatives au changement d’état civil sont mentionnées dans la table de correspondance des noms et prénoms créée par l’arrêté du 19 décembre 2023. Elles y sont conservées pendant six ans pour des raisons de sécurité.

Ce fichier permet donc au ministère de l’intérieur – c’est son objet – de mettre à jour ses propres fichiers. Ainsi, une personne condamnée qui changerait de nom serait toujours sous la surveillance de ce fichier.

L’interdiction ou la complexification du changement de nom ne contribuent donc en rien à renforcer la surveillance des individus condamnés.

En dépit des avancées que j’ai soulignées, et en raison de la présence de ces deux articles que nous trouvons dangereux, notre groupe s’abstiendra sur cette proposition de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mmes Patricia Schillinger et Sophie Briante Guillemont applaudissent également.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 6 novembre 2024 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et, éventuellement, le soir :

Débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances ;

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à poursuivre l’expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d’employabilité (texte de la commission n° 90, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

nomination de membres de commissions

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky a présenté une candidature pour la commission des finances.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Pierre Barros est proclamé membre de la commission des finances, en remplacement de M. Éric Bocquet, démissionnaire.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky a présenté une candidature pour la commission de laménagement du territoire et du développement durable.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Alexandre Basquin est proclamé membre de la commission de laménagement du territoire et du développement durable, en remplacement de M. Pierre Barros, démissionnaire.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky a présenté une candidature pour la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Evelyne Corbière Naminzo est proclamée membre de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport, en remplacement de M. Gérard Lahellec, démissionnaire.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Gérard Lahellec est proclamé membre de la commission des affaires économiques, en remplacement de Mme Evelyne Corbière Naminzo, démissionnaire.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER