compte rendu intégral
Présidence de M. Loïc Hervé
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Michel Arnaud,
Mme Nicole Bonnefoy.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
J’indique que M. le président du Sénat, Gérard Larcher, ne peut présider notre séance, car il est actuellement en Nouvelle-Calédonie avec Mme la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pour une mission exploratoire de concertation et de dialogue.
J’excuse également l’absence de M. le Premier ministre, qui effectue un déplacement à Bruxelles pour y rencontrer Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
aide à l’ukraine à la suite de l’élection de donald trump
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Claude Malhuret. « Quand tu es à 38 jours de perdre tes allocations » : ce post infâme du fils de Donald Trump sur Instagram, reprenant une photo de Volodymyr Zelensky, confirme toutes les craintes. L’Europe n’est qu’un acteur de second plan derrière les États-Unis dans un conflit qui, pourtant, se déroule sur son sol. Désormais en première ligne, elle ne s’y est pas préparée et n’a aucune stratégie globale.
Depuis des années, les Américains nous pressent de prendre une plus grande part du fardeau sécuritaire. Nous avons continué à croire que leur parapluie serait éternel : nous sommes aujourd’hui seuls ou presque face à des ennemis qui menacent nos projets, nos valeurs et, surtout, notre sécurité.
L’arrivée de 12 000 soldats nord-coréens en Europe, après le soutien massif de la Chine et de l’Iran, marque un tournant dans la guerre. La réaction de la France ? Convoquer le délégué général de Corée du Nord pour lui signifier « notre désapprobation ». Merci…
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, au-delà des grandes phrases sur notre soutien indéfectible à l’Ukraine, je vous demande des réponses concrètes à des questions concrètes. Si les États-Unis et la Russie choisissent de négocier ensemble et par-dessus notre tête le dépeçage de l’Ukraine et l’avenir de l’Europe, comment comptons-nous réagir ? Si le retrait américain se confirme, avons-nous prévu d’accroître notre soutien à l’Ukraine, et par quels moyens ? Soutenez-vous l’engagement de Friedrich Merz, probable futur chancelier allemand, de permettre enfin à l’Ukraine de frapper les bases d’où partent les bombes qui détruisent le pays ? Enfin, quels sont les moyens et le calendrier pour refaire de l’Europe, après quarante ans de déni, la puissance militaire qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être ?
Il n’y a rien de plus dangereux que de croire que nous ne sommes pas en guerre contre des dictateurs qui le sont contre nous et qui le disent. Pourtant, depuis février 2022, nous avons consacré à la défense de l’Ukraine 2 euros, l’équivalent d’un café, par mois et par Français.
En 1939, Raymond Aron disait : « Je crois à la victoire finale des démocraties, mais à une condition, c’est qu’elles le veuillent. » Aujourd’hui, face aux dictateurs du XXIe siècle, voulons-nous vraiment cette victoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE, UC, Les Républicains, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président Malhuret, mille jours après le début de son opération spéciale en Ukraine, Vladimir Poutine a lamentablement échoué à atteindre ses buts de guerre.
Il a sacrifié des centaines de milliers de vies russes dans une guerre dont l’intensité n’a pas de précédent dans notre histoire récente. Il s’est rendu coupable de faits de déportation d’enfants ukrainiens, qui lui valent un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, devenant le premier dirigeant d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies à se trouver dans cette situation. Enfin, il a asphyxié son économie, qui est aujourd’hui au bord du gouffre, au point de l’amener à s’agenouiller devant la Corée du Nord pour tenter péniblement de chercher du renfort pour continuer à pilonner l’Ukraine.
Mille jours après le début de cette injustifiable guerre d’agression russe, je crois Donald Trump trop avisé pour abandonner les Ukrainiens en rase campagne. Ce serait avaliser la plus grande annexion territoriale de notre histoire depuis soixante-quinze ans. Ce serait consacrer la loi du plus fort et précipiter l’ordre international dans le chaos. Ce serait oublier qu’aucune paix juste et durable ne peut être conclue dans le dos des Ukrainiens et par-dessus la tête des Européens.
Parce que, mille jours après le début de la guerre, le soutien de la France et de l’Europe ne faiblira pas, quelles que soient les décisions de l’administration américaine. Dans quelques jours, les soldats ukrainiens formés et équipés sur notre territoire national gagneront le front. J’irai, avec Sébastien Lecornu et un certain nombre de parlementaires, leur rendre visite dès demain. Dans quelques semaines, les Ukrainiens recevront 50 milliards d’euros de la part des pays du G7, leurs alliés, financés par les revenus d’aubaine tirés des actifs russes gelés. Et dans quelques mois, ce seront les Mirage français qui voleront dans le ciel de l’Ukraine.
C’est aux Ukrainiens qu’il appartient de décider des conditions et du moment d’ouvrir des négociations de paix, et c’est la responsabilité de leurs alliés de leur permettre d’entrer dans ces négociations en position de force. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC. – M. Laurent Somon applaudit également.)
plans sociaux et défaillances d’entreprises
M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Raphaël Daubet. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, l’onde de choc des restructurations chez Michelin et Auchan, qui menacent aujourd’hui directement 4 000 emplois, n’est vraisemblablement que le signe avant-coureur d’une déferlante bien plus importante de défaillances d’entreprises. Vous aurez à faire la lumière sur les raisons et les responsabilités de ces plans sociaux.
En attendant, on parle de 150 000 destructions d’emplois en France et d’un chômage grimpant à 8 % l’année prochaine, si rien n’est fait. Vos hypothèses de croissance, fondées exclusivement sur la consommation des ménages, seraient, dans ce cas, déjà caduques et, bien sûr, le budget pour 2025 s’en trouverait gravement compromis.
Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à considérer que notre économie a besoin d’être soutenue par l’investissement public, à la fois pour doper la réalisation des projets des collectivités locales et des territoires, mais aussi pour soutenir la recherche et l’innovation qui, seules – seules ! –, nous permettront demain de tirer notre épingle du jeu dans la compétition internationale ?
En outre, l’Europe doit s’engager davantage. Quelle stratégie proposerez-vous à nos partenaires européens pour mieux défendre et protéger nos entreprises, nos emplois et nos savoir-faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le sénateur Daubet, je vous remercie de votre question et de la manière dont vous l’avez formulée, parce que vous avez résumé les défis qui sont devant nous, avec une situation difficile sur le front de l’emploi et de l’industrie et des difficultés que nous devons regarder en face.
Ma responsabilité n’est pas de commenter, ma responsabilité n’est pas d’annoncer, mais elle est, en lien avec la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, avec la ministre du travail et de l’emploi et avec la ministre de la transition écologique, de trouver des solutions, que vous avez mentionnées.
J’irai dans votre sens : la première, en effet, passe par l’innovation et le développement de l’industrie verte sur notre territoire. Je suis donc heureux de vous confirmer aujourd’hui l’intention du Gouvernement, après l’invitation de nombreux parlementaires, issus notamment de ces travées, de soutenir la décarbonation de notre industrie, avec 1,5 milliard d’euros supplémentaires en faveur de l’ensemble des territoires. Je n’oublie pas non plus, bien sûr, le maintien du crédit d’impôt recherche, du crédit d’impôt innovation et des avantages aux jeunes entreprises innovantes, qui sont les solutions de demain en matière d’emploi.
Je conclus sur la question de l’Europe, que vous avez mentionnée : nous devons, collectivement, sortir de notre naïveté européenne. Le monde nous invite, avec la manière dont les évolutions politiques se font aux États-Unis comme en Asie, à un sursaut. Un sursaut européen avec nos partenaires, d’abord, pour l’investissement privé, avec l’union des marchés des capitaux, mais aussi avec l’investissement public, suivant les conclusions du rapport Draghi, que la France soutient comme – je le crois – l’ensemble de la représentation nationale, parce que la solution passera par l’investissement. Ensuite, c’est une évidence, pour être crédibles et jouer le rôle de moteur politique au niveau européen, oui, nous devrons réduire nos dépenses publiques, réduire notre dette. C’est la condition de la souveraineté de notre pays. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, pour la réplique.
M. Raphaël Daubet. Monsieur le ministre, quinze jours : tel est le temps que nous aurons au Sénat pour examiner le budget. C’est très peu. Nous n’avons donc pas de temps à perdre pour faire les bons choix et adapter la copie aux réalités. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
cop29 (i)
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Michaël Weber. Madame la ministre de la transition écologique, il y a dix jours finissait la COP16 sur la diversité biologique, dans l’indifférence générale. Entre-temps, la plus grande puissance du monde a élu à sa tête un homme pour qui le réchauffement climatique est un canular et l’environnement un non-sujet.
C’est dans ce contexte que la COP29 sur les changements climatiques a débuté, pendant laquelle les puissances du monde doivent s’accorder sur le sujet de la finance climatique, là où elles ont échoué pour la biodiversité. Cette COP se déroule sous la présidence d’un État pétrolier, une dictature où règnent la répression et la corruption et où parler d’environnement vous vaut la prison. De quoi discréditer la nécessaire coopération internationale.
Les catastrophes climatiques, les terribles inondations à Valence, au Sahel, mais aussi en France, dans le Nord–Pas-de-Calais, que vous connaissez bien, madame la ministre, nous rappellent pourtant l’urgence d’agir.
Or, en Europe, nombreux sont ceux qui veulent la mort du Pacte vert. En France, la biodiversité est en constant déclin. Nous attendons un engagement fort, mais un an après la présentation de la planification écologique, votre budget semble acter un renoncement. Pourtant, le 5 septembre dernier, M. le Premier ministre faisait grand cas du concept de dette écologique lors de sa prise de fonctions.
M. Jean-François Husson. Il a raison !
M. Michaël Weber. Dans ce contexte inquiétant, quels moyens comptez-vous réellement mettre en œuvre pour relever le défi écologique, acculés que nous sommes devant l’effondrement de la biodiversité et l’urgence climatique ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques. Monsieur le sénateur Weber, je vous remercie tout d’abord d’avoir planté le décor de la difficile négociation climatique qui s’engage aujourd’hui, et de la COP biodiversité, qui s’est terminée avec des résultats en demi-teinte, à nos yeux.
Nous le savons, le dérèglement climatique est devant nous : en France, nous en vivons les épisodes chaque semaine au travers d’aléas climatiques majeurs : inondations, canicules, sécheresses ou mégafeux. Nous le vivons aussi de manière plus insidieuse, avec la perte de rendement agricole, par exemple. Mais nous nous le vivons aussi à l’international, avec des évolutions géopolitiques qui ne sont pas nécessairement favorables.
Nous agissons d’abord au niveau national. Je rappelle que la France est l’un des premiers pays à s’être doté d’une stratégie nationale biodiversité (SNB) en ligne avec les accords de Montréal obtenus à la COP15 sur la diversité biologique, qui prévoient notamment le placement de 30 % de notre territoire marin et 30 % de notre territoire terrestre en aire protégée – ce qui est déjà le cas en France. Comme vous le savez, nous travaillons pour aller encore plus loin et mettre 10 % de notre territoire sous forte protection. Voilà l’un des enjeux sur lesquels nous reviendrons à l’occasion du premier anniversaire de la mise en œuvre de cette SNB.
Par ailleurs, nous agissons sur les moyens financiers. Vous avez, avec justesse, rappelé que dans le contexte budgétaire que nous connaissons, nous faisons tous des efforts. Je ne connais pas un ministère – je regarde les autres membres du Gouvernement ici présents – qui ne soit appelé à faire des efforts budgétaires. (Murmures.) Cependant, nous ne restons pas les bras ballants pour autant. Par exemple, nous sommes en train de publier le cadre juridique des financements privés sur la biodiversité. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous le voyez donc : nous agissons et nous serons au rendez-vous de la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.
M. Michaël Weber. Madame la ministre, une stratégie c’est bien, mais des moyens, c’est mieux ! Je rappelle que vous proposez de réduire le fonds vert de 1,5 milliard d’euros, que les crédits de la SNB sont divisés par deux, que le fonds chaleur est revu à la baisse et que 70 % des crédits pour le volet agricole de la transition écologique sont supprimés. En outre, je ne parlerai ni du pacte en faveur de la haie, que nous aurons l’occasion d’évoquer, ni des postes supprimés ou menacés à l’Office français de la biodiversité (OFB), à l’Office national des forêts (ONF), à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou dans les agences de l’eau, ni encore des crédits affectés à la transition énergétique qui connaissent une baisse draconienne. Mettez les moyens et surtout davantage de cohérence entre vos propos et vos actions ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
fret ferroviaire
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. Pierre Barros. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, tous les ans, nous battons le record de l’année la plus chaude jamais observée. Réduire les émissions du secteur des transports devrait donc être votre priorité.
Pourtant, comme d’autres avant lui, votre gouvernement s’entête à liquider Fret SNCF, pliant sans combattre devant la décision de la Commission européenne. Dans ces conditions, comment tiendrez-vous votre engagement de doubler la part du fret ferroviaire d’ici à 2030 ?
Depuis l’ouverture à la concurrence en 2006, Fret SNCF a été affaiblie par plusieurs plans de restructuration : 10 000 emplois ont été supprimés ces quinze dernières années. L’entreprise publique est maintenant menacée par un plan de discontinuité à la suite des 5 milliards d’euros de soutien financier de l’État français, condamné par l’Union européenne. Fret SNCF, démantelée en deux sociétés, devra ainsi abandonner 23 lignes de train dédiées et ne pourra pas candidater pendant dix ans sur des sillons extrêmement rentables. Elle se séparera de locomotives et d’actifs immobiliers et 500 postes seront supprimés. Rien d’étonnant, donc, à ce que des préavis de grève soient déposés.
Pourquoi accepter de telles sanctions ? Ce plan de discontinuité est un non-sens écologique et économique dans un pays qui souhaite se réindustrialiser. Vous cassez un outil qui représente près de 60 % des marchandises transportées par train en France, alors que la mise en concurrence a échoué partout en Europe.
Monsieur le ministre délégué, aurez-vous le courage de vos ambitions et défendrez-vous notre opérateur public de fret contre le dogme de la concurrence libre et non faussée imposé par Bruxelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. François Durovray, ministre délégué auprès de la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, chargé des transports. Monsieur le sénateur Barros, tout d’abord, je vous remercie de l’occasion que vous me donnez de parler de l’enjeu fondamental du fret et de Fret SNCF, l’un des dossiers que j’ai eus à traiter lorsque j’ai été nommé au Gouvernement.
Je profite donc de votre question pour tordre le cou à un certain nombre d’informations erronées sur le sujet. La première, c’est que le fret a bénéficié au cours des années passées de 5 milliards d’euros d’aides illégales au regard du droit européen. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Mickaël Vallet proteste également.) Et ce n’est malheureusement ni le changement de ministre chargé des transports à Paris ni le changement de commissaire européen à Bruxelles qui changera cette réalité juridique.
À cet égard, nous avons travaillé main dans la main à la fois avec la SNCF et avec les organisations syndicales, pour construire un plan robuste, d’abord pour la sauvegarde de tous les emplois, qui seront évidemment préservés, pour 90 % au sein du groupe SNCF. Les 500 emplois que vous citez seront affectés à d’autres tâches. (M. Fabien Gay s’exclame.) J’ai demandé au président de la SNCF d’être attentif à chaque situation personnelle.
Notre plan est également robuste quant à l’avenir du fret. Heureusement, nous arrivons à un moment où la demande des entreprises va croissant, parce que celles-ci ont bien conscience de l’enjeu de décarbonation de la mobilité. Vous savez parfaitement que les vingt-quatre flux – et non pas vingt-trois – cédés à la concurrence sont tous repris par des entreprises ferroviaires, ce qui signifie qu’aucun ne sera reporté sur des liaisons routières.
Enfin, je voudrais rappeler l’engagement financier du Gouvernement, à hauteur de 370 millions d’euros, pour le fret ferroviaire, avec une augmentation pour le wagon isolé à hauteur de 100 millions d’euros. Le Premier ministre a demandé, dans le cadre du budget pour 2025, d’accroître l’effort du Gouvernement à hauteur de 30 millions d’euros, et 4 milliards d’euros seront consacrés au fret et à l’investissement ferroviaire dans les années qui viennent. Vous voyez que l’ambition du Gouvernement demeure intacte et que le doublement de la part modale du fret ferroviaire dans le transport de marchandises reste évidemment notre objectif. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, pour la réplique.
M. Pierre Barros. Monsieur le ministre, je doute de la robustesse de votre dispositif. D’autres solutions sont possibles. Appliquons un moratoire, comme le recommandait le rapport parlementaire d’Hubert Wulfranc. Entamons de nouvelles discussions avec Teresa Ribera, commissaire européenne récemment nommée. Travaillons avec les organisations syndicales et les partenaires qui proposent des projets alternatifs pour développer le rail.
Ne prenez pas le risque, monsieur le ministre, de jeter des milliers de camions supplémentaires sur nos routes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
accord avec le mercosur
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Évelyne Perrot. J’associe à ma question, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, mes collègues Anne-Sophie Romagny et Franck Menonville.
L’accord commercial avec le Mercosur est non seulement problématique pour nos agriculteurs, mais aussi en contradiction avec nos engagements environnementaux. Le rapport de Stefan Ambec a démontré en 2020 que ses coûts écologiques seront supérieurs à ses gains économiques, et Greenpeace n’a cessé de dénoncer le risque majeur que représente cet accord pour le climat et la biodiversité. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe GEST.)
En effet, il ne garantit pas que les importations européennes en provenance des pays du Mercosur ne seront pas liées à la déforestation. Pis, en favorisant les exportations sud-américaines de bœuf ou de biocarburants, il contribuera à l’accélérer.
Au-delà de la problématique de la déforestation, l’accord est dépourvu de toute exigence contraignante quant aux modes de production. Or les normes environnementales sont autrement plus lâches dans les pays du Mercosur que dans l’Union européenne. Ce nivellement écologique par le bas se fait au détriment de la planète.
M. Didier Marie. Très bien !
Mme Évelyne Perrot. Pour y remédier, la France a tenté d’y intégrer de la réciprocité, des normes et des clauses miroirs, sans succès. En l’état, le traité est donc contraire à l’accord de Paris et à la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.
Madame la ministre, vous qui avez réaffirmé, lors de votre audition au Sénat, vouloir lutter contre tout dumping écologique, opposerez-vous le veto français à la conclusion de cet accord ? Surtout, refuserez-vous, au nom de l’environnement, une adoption séparée de son volet commercial par la Commission ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, GEST et SER, ainsi que sur des travées des groupes INDEP, Les Républicains et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Perrot, j’associe Annie Genevard et Agnès Pannier-Runacher à ma réponse, puisque, vous le savez, le Gouvernement est pleinement mobilisé, sous l’autorité du Premier ministre, pour faire échec à ce que vous dénoncez.
D’ailleurs, si ce dernier rencontre aujourd’hui Ursula von der Leyen à Bruxelles, c’est précisément pour lui dire que nous ne pouvons accepter cet accord en l’état. C’est la position constante de la France, le Président de la République l’a rappelée à maintes reprises, pour les raisons que vous avez citées, qui tiennent tout d’abord au fond de cet accord. Celui-ci, aujourd’hui, ne réunit pas les garanties suffisantes pour que l’ambition environnementale soit au rendez-vous, mais aussi pour protéger nos filières agricoles.
Vous l’avez dit, l’accord de Paris doit être un élément essentiel de l’accord avec le Mercosur. En cas de violation du premier, le second doit pouvoir être suspendu. Il doit aussi comprendre des clauses de sauvegarde et des mécanismes de sanction lorsque les obligations environnementales ne sont pas satisfaites. Il doit également respecter les règles en vigueur, celles que l’Union européenne impose à ses producteurs, notamment en matière de déforestation. Garantir que nos partenaires commerciaux respectent en tout point les contraintes qui pèsent sur nos producteurs est une question de cohérence et de justice.
Mais une autre raison explique que nous nous opposions à cet accord en l’état : nous tenons à ce que la Commission respecte le mandat qui lui a été confié par le Conseil, c’est-à-dire de conclure un accord d’association soumis à l’unanimité des États membres et à la ratification par les Parlements nationaux. Cela, c’est une question de démocratie.
Ce sont tous ces éléments que plus de 600 parlementaires ont soulignés dans une tribune, et c’est ce message que le Premier ministre porte aujourd’hui à Bruxelles auprès de la présidente de la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
plans sociaux dans le secteur industriel et mesures envisagées par le gouvernement pour réviser sa politique économique, protéger l’emploi et anticiper les mutations
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Antoinette Guhl. Madame la ministre du travail et de l’emploi, où en est la promesse de plein emploi du président Macron ? Où en est la réindustrialisation de la France, dont les gouvernements successifs se félicitent depuis 2017 ? Que dites-vous aux 1 254 salariés de Michelin en Maine-et-Loire et dans le Morbihan et aux 2 389 salariés d’Auchan dans les Hauts-de-France ? Leur dites-vous, à eux aussi, que c’est simple, qu’il suffit de traverser la rue pour trouver du travail ? (Murmures sur les travées du groupe RDPI.)
À ce mépris de classe s’ajoute une réalité aujourd’hui bien sombre : notre industrie va mal. Je pense aussi aux 1 700 emplois menacés chez Sanofi, dans l’Oise et le Calvados, ainsi qu’aux 228 salariés de Duralex, sauvés par leur reconversion en coopérative.
Votre gouvernement poursuit la politique délétère déjà en place depuis plusieurs années, avec 80 milliards d’euros d’allégements concédés pour les gros salaires et les grandes entreprises qui vont grever le budget de la sécurité sociale. Flexibilité de l’emploi, facilitation des licenciements : cela protège-t-il l’emploi ? Non. Cela protège-t-il l’industrie ? Non.
Pis, les gouvernements successifs ont, depuis 2017, dégradé les droits sociaux et pénalisé les chômeurs. Pour beaucoup, c’est la double peine. Il ne s’agit pas seulement de milliards d’euros, mais d’êtres humains qui peuplent notre pays et qui souffrent aujourd’hui autant qu’ils s’inquiètent de leur avenir et de leur famille. Étant née en Lorraine,…