M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Je vous remercie de votre intervention, madame Poumirol, et de votre rapport sur les cancers imputables à l’activité de sapeur-pompier.

La DGSCGC est en train de travailler sur le sujet, avec la création d’une matrice emploi-tâche-exposition, en partenariat avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Un protocole de nettoyage des EPI contaminés à l’amiante est également en cours d’élaboration, ainsi qu’une étude sur l’exposition des sapeurs-pompiers aux fumées des feux de forêt, réalisée par l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp).

Les EPI novateurs offrent une meilleure protection thermique et un taux de filtration des particules fines de 70 %, contre 0 % actuellement. Nous recherchons une tenue polyvalente pour éviter d’importants surcoûts et l’inconfort de certains équipements – mais vous savez tout cela parfaitement, ayant vous-même travaillé sur ces questions.

Pour ce qui concerne le financement, je vous invite à venir découvrir la Bourgogne, le 12 décembre prochain, quitte à traverser la France. (Sourires.) Nous travaillerons sur ces sujets, sachant que les pactes capacitaires ont tenu compte du risque d’inondation via des acquisitions de matériel lourd et que l’achat de pompes spécifiques est toujours en projet.

Nous reverrons ces questions, que vous avez évoquées, dans le cadre du Beauvau. Vous avez mentionné la taxe de séjour : j’ai évoqué cette piste avec David Lisnard aujourd’hui même. Vous découvrirez la position des communes sur ce point lors des débats, dont je ne doute pas qu’ils seront animés.

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour le groupe Les Républicains.

Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité civile, fondement de notre République, repose sur une organisation à même de répondre efficacement aux besoins spécifiques de nos territoires.

Depuis quelques années, ces derniers sont de plus en plus confrontés à de nouveaux risques – aucun territoire n’y échappe. La crise du volontariat, qui s’y ajoute, impose de trouver sans cesse des mesures incitatives qui affectent le budget, qu’on le veuille ou non.

À Saint-Martin, cette organisation est en pleine transformation avec la création, en janvier prochain, d’un service territorial d’incendie et de secours (Stis) autonome, projet essentiel auquel j’ai l’honneur de participer activement en tant que membre du comité de pilotage.

Beaucoup de territoires ultramarins font face à tous ces défis. Les risques naturels, notamment les cyclones et les inondations, combinés aux exigences liées à l’activité portuaire et touristique, appellent une organisation locale plus réactive et adaptée. Notre territoire de Saint-Martin pourrait être doublement, voire triplement affecté : le fait qu’il s’agisse du seul centre de secours de l’île implique une autosuffisance opérationnelle en cas de catastrophe majeure, dans l’attente des premiers renforts.

Notre modèle actuel, qui est dépendant du Sdis de la Guadeloupe, avec lequel nous sommes conventionnés depuis 2007, a montré ses limites. Le choix de créer un Stis autonome s’est imposé à nous dans la mesure où les recrutements opérés à notre place par la Guadeloupe n’apportaient aucune garantie en termes de fidélisation du personnel et nous exposaient aux demandes de droit à la mobilité à tout instant, alors même que le coût d’un retour sur le continent n’est pas budgétisé.

Cette nouvelle organisation et ce fonctionnement autonome permettront de renforcer les moyens humains et matériels consacrés à la gestion des risques climatiques, industriels et sanitaires, puisque nous disposerons de notre propre schéma territorial d’analyse et de couverture des risques (Stacr). Avec une administration autonome et un niveau opérationnel en phase avec les enjeux, nous serons mieux à même d’anticiper une gestion opérationnelle sans faille en attendant l’arrivée des renforts et de répondre à la crise du volontariat, qui touche tous les territoires français.

Pour atteindre ces objectifs, il est impératif de garantir un financement pérenne et ambitieux des Sdis, qui repose aujourd’hui essentiellement sur les contributions des collectivités locales. Or ces dernières, surtout les ultramarines, font face à des contraintes budgétaires importantes, amplifiées par l’insularité.

Ainsi, le coût de fonctionnement de notre Stis est estimé à plus de 9 millions d’euros, charge qui incombera entièrement et uniquement à la collectivité, à l’instar de ce qui se passe dans toutes les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution. Celles-ci cumulent les compétences d’une commune, d’un département et d’une région, mais avec des ressources financières limitées par leur statut.

Cette spécificité renforce la nécessité d’un accompagnement de l’État, car il est primordial que la collectivité puisse assumer cette responsabilité sans compromettre la réalisation d’autres priorités essentielles pour le territoire. Les besoins sont clairs et nombreux : renouveler les équipements obsolètes, recruter du personnel administratif pour répondre à la création des différents services, renforcer la formation des sapeurs-pompiers, proposer des mesures incitatives pour fidéliser les sapeurs-pompiers volontaires et anticiper les crises potentielles avec des outils modernes, comme les systèmes d’alerte précoce pour les inondations.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Annick Petrus. Cet enjeu de souveraineté et de justice territoriale, qui garantit à chaque citoyen, où qu’il réside, une protection égale et adaptée face aux risques, requiert donc le soutien financier de l’État. La sécurité civile est un droit fondamental, dont la réussite repose sur des choix clairs et ambitieux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger et M. Michel Masset applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Madame la sénatrice Petrus, je vous confirme que le Beauvau de la sécurité civile et le Beauvau de la police municipale comprendront une étape consacrée aux outre-mer. Avec François-Noël Buffet, ministre chargé des outre-mer, nous devons réfléchir à son format, afin d’être au plus proche des territoires. Nous ferons d’ailleurs en sorte que ces débats se tiennent dans un territoire ultramarin.

Vous avez indiqué qu’un service territorial sera créé en janvier 2025, à Saint-Martin. Sur le sujet de l’attractivité, les mêmes questions qu’en zone rurale peuvent se poser ; nous devons continuer d’y travailler pour ce qui concerne non seulement le volontariat, mais aussi l’activité professionnelle.

Quant à l’alerte précoce, nous avons récemment testé le dispositif FR-Alert, dont les effets de bord imposent encore quelques ajustements. Il s’est cependant révélé particulièrement efficace lors des dernières inondations, qui ont touché vingt départements ; il sera pleinement applicable dans tous les territoires ultramarins.

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, et INDEP.)

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats sur le financement de nos politiques publiques ont pris une acuité toute particulière ces derniers mois.

C’est dans ce contexte, que chacun a bien à l’esprit, qu’intervient notre débat sur le financement de la sécurité civile en général, et le soutien aux Sdis en particulier – je remercie à mon tour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen d’avoir demandé son inscription à l’ordre du jour.

Le contexte financier est difficile. J’ai essayé, en préparant mon intervention, de rester fidèle à ma ligne, c’est-à-dire de ne pas proposer de prélèvement obligatoire supplémentaire. Toutefois, avant même de traiter de la couverture des nouveaux risques, constatons que le modèle de financement de nos Sdis est déjà à bout de souffle. Nombre d’entre eux n’arrivent pas à boucler leur projet de budget pour 2025.

L’augmentation envisagée de 4 points des cotisations à la CNRACL représente 1,5 million d’euros de frais de fonctionnement supplémentaires pour un Sdis comme celui du Val-d’Oise ; pour celui de l’Orne, qui m’est cher, nous parlons d’une dépense supplémentaire de 200 000 euros. S’ajoutent à cela l’augmentation importante des coûts d’assurance et l’inflation en général.

De manière plus structurelle, l’augmentation de la demande opérationnelle dans le domaine sanitaire progresse bien plus vite et plus fortement que les ressources. Forcément, cela coince… Le vieillissement de la population et les déserts médicaux grandissants viendront encore renforcer cette pression opérationnelle sur le secours aux personnes.

En ce qui concerne les recettes, les premiers financeurs des Sdis que sont les départements sont eux-mêmes asphyxiés. Alors que la participation financière des conseils départementaux a plus que doublé sur la période 2002-2021, nous observons depuis 2016 une légère baisse de leur contribution nette hors TSCA. Ce ralentissement est la traduction immédiate des difficultés financières que les départements connaissent. Or le PLF pour 2025 prévoit pour l’instant – j’ai bon espoir que le Sénat sera entendu sur ce point – de leur demander un effort supplémentaire de 2,2 milliards d’euros, alors que 60 % d’entre eux connaissent déjà de fortes contraintes.

Les Sdis ne pourront relever les défis financiers des nouveaux risques de sécurité civile si leurs premiers financeurs sont eux-mêmes en grande difficulté.

Le risque RH, qui a déjà été évoqué, constitue l’un des principaux nouveaux risques. L’érosion du volontariat est à mettre en regard de l’augmentation simultanée de la demande opérationnelle : nous allons nous retrouver avec moins de volontaires pour plus de missions.

Que ce soit en raison des menaces pesant sur l’engagement non professionnel ou de l’application de la directive européenne sur le temps de travail, l’affaissement du volontariat imposerait de recruter immédiatement des sapeurs-pompiers professionnels, dont nous ne saurions pas aujourd’hui financer les postes. Voilà, à mon sens, le premier risque auquel s’attaquer pour éviter la remise en cause non seulement de notre modèle de sécurité civile, mais aussi de son financement.

Les nouveaux risques de sécurité civile, à proprement parler, ont déjà été analysés : extension dans le temps et dans l’espace des feux de forêt et d’espaces naturels, inondations, risques liés à la protection de notre patrimoine ou au développement des motorisations électriques.

Quelle est la bonne échelle pour y répondre ? Si les nouveaux risques exigent de nouveaux moyens, ceux-ci ne doivent pas forcément être positionnés au niveau de chaque Sdis. La question des moyens nationaux, qu’il s’agisse de leurs capacités comme de leur doctrine d’emploi, soutiens irremplaçables des Sdis, doit être posée à l’aune de ces nouveaux risques.

À cet égard, je m’inquiète du ralentissement de la montée en puissance de la quatrième unité de sécurité civile de Libourne ou de l’ajournement des indispensables travaux programmés sur la base de sécurité civile de Nîmes. De même, sur les moyens aériens, nous devons réfléchir à une vision plus stratégique.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Bitz. Voilà autant de sujets de réflexion sur les moyens venant en soutien de nos Sdis. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le sénateur Olivier Bitz, je souhaiterais rappeler quelques chiffres importants dans le cadre des prochaines négociations sur le financement : au travers de la TSCA, l’État finance les Sdis à hauteur de 26 %, contre 29 % pour les conseils départementaux hors TSCA, 34 % pour les communes et 11 % pour les autres ressources, dont le FCTVA.

Les communes devront donc occuper une place aussi importante que les départements dans les discussions à venir. Nous appelons tous de nos vœux ce schéma de financement, qui permettrait une évolution modérée pour les collectivités territoriales. À nous de trouver d’autres pistes de financement ; nous y réfléchirons ensemble lors du débat qui se tiendra le 12 décembre prochain, en Bourgogne–Franche-Comté.

En ce qui concerne le volontariat, Bruno Retailleau cherche à négocier une nouvelle directive européenne plutôt que de modifier le droit du travail.

Quant à la quatrième unité, elle comptera 228 militaires de la sécurité civile à la fin 2024. Il s’agit d’une montée en puissance progressive, mais régulière – nous étions à 160 militaires en début d’année –, pour atteindre un effectif de 500 militaires le plus vite possible. Il est vrai que l’année budgétaire particulière que nous vivons implique un ralentissement, mais il n’est pas question d’arrêter ce mouvement.

M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, RDPI et INDEP.)

Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un département rural comme celui de l’Indre, sans nos sapeurs-pompiers professionnels et, tout particulièrement, volontaires, nous ne pourrions pas faire face aux conséquences de la désertification médicale.

Ils comblent en grande partie les défaillances du système de santé, alors que l’Indre fait partie des territoires les moins bien dotés. Pour leur engagement sans faille, je souhaite donc les saluer et les remercier.

Tous les Sdis sont confrontés à un accroissement du nombre de leurs interventions, notamment au titre du secours d’urgence aux personnes, soit environ sept interventions par minute. Comme l’avait indiqué l’ancien ministre de l’intérieur lors du Beauvau de la sécurité civile, en avril dernier : « Notre modèle est solide, mais il est sous tension. »

En parallèle, les Sdis doivent s’adapter aux nouveaux risques et aléas liés au changement climatique. En témoigne, ces dernières années, l’accroissement des feux d’espaces naturels résultant des fortes chaleurs et des sécheresses. En 2021, dans le parc naturel régional de la Brenne, dans le département de l’Indre, près de 100 hectares ont été détruits par les flammes, alors que ce département, historiquement, n’est pas un territoire en proie aux incendies. Récemment encore, nous avons vécu des inondations tragiques, en France et en Espagne.

Notre modèle unique de sécurité civile doit donc être conforté. Cet impératif suppose de donner aux sapeurs-pompiers les moyens nécessaires à la réalisation des tâches constitutives de leur cœur de métier. Se pose aussi la question de l’adaptation des ressources des Sdis aux nouvelles missions et actions complémentaires dévolues aux sapeurs-pompiers. Ces derniers appellent d’ailleurs à une meilleure préparation des territoires pour faire face à ces risques aujourd’hui étendus.

Ainsi, de nombreux Sdis évoquent la piste d’une valorisation du sauvé, également appelée le « coût du sauvé ». Il s’agirait de faire participer financièrement les sociétés d’assurance, à hauteur des coûts matériels et humains évités par l’action préventive des sapeurs-pompiers. On peut citer le bâchage en période d’inondation ou encore la préservation des massifs forestiers et des milliers d’hectares épargnés des flammes grâce aux moyens des Sdis.

Par exemple, en 2022, dans l’Indre, à la suite d’un épisode violent de grêle, le Sdis est intervenu à 2 000 reprises pour couvrir des toitures afin de combler le manque d’entreprises de couverture. Cela a permis non seulement de sécuriser les logements et infrastructures menacés à la suite des intempéries, mais également d’éviter des dégâts supplémentaires. Par voie de conséquence, l’intervention du Sdis, en se substituant à celle d’entreprises privées, réduit les coûts des compagnies d’assurances qui y auraient fait appel.

Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, il est demandé aux collectivités territoriales de participer à l’effort de redressement des comptes publics. Rappelons pourtant que les premiers financeurs des Sdis sont les conseils départementaux, les communes et les intercommunalités. Afin de trouver de nouvelles solutions de financement, monsieur le ministre, une réflexion peut-elle être menée avec les compagnies d’assurances en vue de reverser aux Sdis une part de cette portion « sauvée » ? Cela permettrait de les rétribuer à hauteur d’une partie du coût réel des dégâts ou dommages si les sapeurs-pompiers n’étaient pas intervenus, et ce notamment lorsque les Sdis agissent en lieu et place d’acteurs privés.

Je remercie nos collègues du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen pour ce débat important : nous avons besoin de nos pompiers ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Le débat sur la défaillance de la couverture médicale doit être mené avec le ministère de la santé. Ce sujet nous occupera lors du Beauvau.

Le risque incendie est lié au réchauffement climatique et à la sécheresse. Les pactes capacitaires y répondent en partie, avec plus de 1 000 engins financés grâce à l’appui de l’État. Je salue d’ailleurs le travail accompli à Valabre en matière de formation à la lutte contre les incendies. En visitant ce centre de formation unique en Europe, j’ai constaté la présence de délégations de plusieurs pays, signe que les pratiques françaises sont reconnues à l’étranger.

Je partage votre avis sur la valorisation du sauvé. Les assureurs devront être présents autour de la table au moment de discuter du financement et de la gouvernance. Nous ne manquerons pas de les interpeller sur ce sujet, à vos côtés.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Nicolas Daragon, ministre délégué auprès du ministre de lintérieur, chargé de la sécurité du quotidien. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de m’associer aux remerciements qui ont été adressés au groupe RDSE pour l’organisation de ce débat. Celui-ci nous aura donné l’occasion de nous exprimer sur les Sdis, l’un des sujets centraux du portefeuille que m’ont confié le Premier ministre et le ministre de l’intérieur.

L’ancrage territorial des Sdis fait leur force. La décentralisation de ces services est un succès unanimement reconnu ; elle a permis une montée en compétence très rapide de notre chaîne de sécurité depuis 1996. Je veux saluer l’intelligence des territoires : les présidents de conseils départementaux, les présidents des conseils d’administration des Sdis, les maires et les préfets ont su inventer un modèle de gouvernance robuste, réactif et résilient.

Les résultats sont au rendez-vous. En témoigne la capacité de mobilisation des sapeurs-pompiers, qui interviennent toutes les six secondes en tout point du territoire, mais aussi au cours d’événements climatiques de plus en plus fréquents. Quelque 3 000 sapeurs-pompiers ont ainsi été récemment mobilisés dans vingt départements en un temps record.

À cet égard, je tiens à rappeler que nous sommes une référence mondiale dans le domaine de la sécurité civile ainsi que le premier pourvoyeur, en Europe, de formations aux secours à la personne.

Vous avez toutefois raison, mesdames, messieurs les sénateurs, notre modèle de sécurité civile va devoir faire face à de nouveaux enjeux : dérèglement climatique, vieillissement de la population, désertification médicale, etc. La pression opérationnelle va donc s’accroître. Or notre modèle a un coût et nous savons qu’il va falloir trouver de nouvelles sources de financement, en lien avec les principaux financeurs que sont les départements, les communes et l’État.

Le budget national des Sdis, d’un montant de 6 milliards d’euros, est financé à près de 60 % par les conseils départementaux, dont 1,3 milliard d’euros sont reversés par l’État au titre de la TSCA, et à quelque 40 % par le bloc communal.

Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, nous allons relancer, le 25 novembre prochain, avec tous les partenaires impliqués, le Beauvau de la sécurité civile.

Un temps spécifique sera réservé à la question du financement. À ce stade, tout est envisageable : augmentation de l’assiette de la TSCA, affectation d’une partie de la taxe de séjour aux services d’incendie et de secours, sollicitation des compagnies d’assurances ou plus grande participation des métropoles.

J’indique au passage que l’instruction relative au remboursement de l’accise supportée par l’acquisition des gazoles doit être signée par le ministre Retailleau. L’exonération de 30 millions d’euros interviendra donc tout prochainement.

Nous avons également parlé de mutualisation, qui est un sujet central.

De toute évidence, les choix que nous ferons ensemble lors du Beauvau de la sécurité civile affecteront non seulement les finances, mais aussi la gouvernance, tant ces deux sujets sont intimement liés.

Le fait d’entrer dans une logique assurantielle, qui nous conduit à faire participer les usagers à la prise en charge de certains risques, n’est pas un tabou. Je pense aux très nombreuses interventions des Sdis liées à des activités de loisirs ou sportives, qui pourraient être couvertes en partie par des assurances privées ou facturées de temps en temps. C’est déjà le cas en Suisse, où les citoyens évitent d’appeler les sapeurs-pompiers pour de petites blessures, puisqu’il leur en coûte, à titre personnel, près de 1 000 francs suisses.

Le volontariat est de toute évidence un modèle à préserver. Il y a là un enjeu opérationnel en ce qu’il nous permet de mobiliser, en tout point du territoire, des centaines de sapeurs-pompiers. Ainsi, lors des inondations du mois d’octobre en Ardèche, 800 sapeurs-pompiers, tant volontaires que professionnels, ont été mobilisés en moins d’une heure et nous ont permis d’éviter un drame. Une nouvelle fois, je tiens à les remercier pour leur action lors de cet épisode cévenol.

Tout cela a un coût, mais la somme engagée reste modique : 90 euros par habitant, ce qui est aussi une exception française.

Pour pérenniser ce modèle unique au monde, nous devons valoriser l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et avoir des gestes forts de reconnaissance de leur action au service de la Nation. Plusieurs propositions ont été mises sur la table : octroi de trimestres de retraite de bonification, simplification des modalités d’engagement et de formation, mise en place de quotas de décorations…

Ces propositions feront l’objet d’un chantier spécifique en janvier prochain, à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers. Bien évidemment, nous y associerons les associations agréées de sécurité civile, également concernées par les questions de valorisation et de reconnaissance de leur engagement bénévole, qui est d’ailleurs remarquable.

Enfin, la sécurité civile doit rester une politique publique régalienne, placée sous le commandement opérationnel du ministère de l’intérieur. Je me permets d’insister sur ce point, dans le contexte d’une crise inégalée de la sécurité civile en Europe, en particulier en Espagne.

En lien avec les préfets, les collectivités locales ont un rôle central à jouer dans la gestion des crises. Le développement remarquable des plans communaux de sauvegarde (PCS) et des plans intercommunaux de sauvegarde (Pics) a permis de sauver de nombreuses vies lors des inondations exceptionnelles d’octobre dernier.

Reste que nous devons nous poser collectivement cette question : quel avenir souhaitons-nous donner à notre sécurité civile à l’horizon de 2040 ? Tel est l’objet du Beauvau de la sécurité civile, que j’ai l’honneur de piloter.

Des investissements structurels sont nécessaires pour assurer la pérennité de nos moyens de secours. Je pense notamment à notre flotte de moyens nationaux aériens. Le ministre de l’intérieur s’est engagé hier, devant la commission des lois du Sénat, à tenir les engagements pris pour renouveler la flotte d’hélicoptères EC145. La question des avions bombardiers d’eau se pose également.

Il est de notre responsabilité collective de trouver des solutions soutenables financièrement pour garantir à la fois notre résilience et notre souveraineté.

Préserver notre modèle de sécurité civile, sécuriser le financement des Sdis et se préparer au dérèglement climatique sont les défis que nous devons relever ensemble.

Dans cette perspective, vous pouvez compter sur le Gouvernement et sur moi-même pour mobiliser toute notre énergie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP.)

M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à entendre les différents intervenants qui se sont succédé, je pense que nous pouvons saluer collectivement l’initiative du groupe RDSE, sous l’égide de sa présidente Maryse Carrère.

Le débat qui nous a réunis ce soir est crucial pour les Sdis, qui accomplissent un travail remarquable sur l’ensemble de notre territoire et font face à de nouveaux défis, comme la désertification médicale.

Avec l’extension de l’offre médicale, les sapeurs-pompiers ont vu le nombre de leurs missions ambulancières et de premiers secours exploser en l’espace de dix ans. Cette augmentation significative n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune compensation financière.

Ils doivent également répondre au défi du changement climatique. Du nord au sud, les témoignages des sapeurs-pompiers sont sans équivoque : les événements d’ampleur extraordinaire sont de plus en plus fréquents, en particulier les phénomènes de crues soudaines. Les inondations dramatiques que nous avons connues ces dernières années, et même ces derniers mois, sont amenées à devenir très récurrentes, ce qui conduira à toujours plus solliciter nos pompiers.

Le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) démontre que nos forêts vont subir un risque d’incendie exponentiel, dans l’espace comme dans le temps.

Enfin, le vieillissement de la population représente un pan très important de l’activité des Sdis.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé une concertation pour repenser notre modèle de sécurité civile et son financement. Vous n’avez pas manqué de rappeler que ce sont les départements qui interviennent en ce domaine, aux côtés des communes.

Selon vous, nous devons tout remettre à plat et refonder ce système, afin qu’il reparte pour une trentaine d’années. À la bonne heure ! En effet, ce sont bien les départements, entre autres collectivités, qui se trouvent au cœur de la problématique de financement. En amont de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, ce débat tombe à point nommé pour envisager cette refonte.

Plusieurs pistes ont été évoquées par mes collègues, telles que l’augmentation de la fraction du taux de TSCA attribuée aux départements ou le versement d’une quote-part de la taxe de séjour…

Rappelons, à cet égard, que le taux de couverture moyen de la contribution des départements aux Sdis est trop bas. Une augmentation permettrait donc d’alléger la pression budgétaire que subissent ces services. Vous pouvez compter sur mon groupe pour discuter de nouveau de ce sujet, monsieur le ministre.

Si les départements assurent 60 % du financement des Sdis, les communes ne sont pas en reste puisqu’elles en assurent les 40 % restants. Dans le département de Lot-et-Garonne, par exemple, la dépense par habitant équivaut à quelque 85 euros, pour près de 25 000 interventions par an.

Alors que les missions sanitaires représentent 80 % de l’activité des Sdis, il est temps que l’État vienne renforcer le financement de ces services de secours à la personne si essentiels.

Revenons sur le Lot-et-Garonne : face au vieillissement de la population dans ce département rural, le Sdis 47 s’est considérablement outillé en mettant sur pied une plateforme départementale interservices. Celle-ci permet, depuis 2016, d’unifier le 15 et le 18, de même que le service d’accès aux soins, afin de réguler l’entrée à l’hôpital.

Devant le succès d’une telle initiative, l’agence régionale de santé a décidé, cette année, d’apporter un soutien financier d’un montant de 500 000 euros. C’est un point que je tenais à souligner.

Par ailleurs, les Sdis s’adaptent à la transformation de l’engagement. Je pense notamment à la féminisation, qui est une très bonne chose dans cette catégorie d’activités.

L’investissement est aussi un sujet important. Certains travaux d’entretien de casernes ou d’immeubles d’un autre genre sont éligibles au fonds vert, ainsi qu’à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Notons que l’obtention des subventions peut parfois constituer un parcours difficile.

Il faut pouvoir traiter ces nouvelles demandes si nous voulons renforcer l’attractivité et l’engagement de nos pompiers volontaires et professionnels.

Nous disposons de tous les rapports parlementaires et départementaux possible pour améliorer le financement des Sdis dès le projet de loi de finances pour 2025 et conforter un modèle de protection civile unique au monde, plébiscité par les Français, qui représente un outil majeur du secours à la personne. C’est un modèle exemplaire qui démontre ce que les femmes et les hommes peuvent faire de meilleur.

Sauver ou périr, courage et dévouement : tels sont les principes qui fondent l’action de nos sapeurs-pompiers. Je veux leur dire que nous serons toujours à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)