Mme Laurence Rossignol. 240 amendements !
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement. Non, il en restait 424 !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. En effet, pour être précis, il restait 424 amendements à examiner.
Il n’était donc pas possible d’achever l’examen du texte dans le délai constitutionnel prévu. Mais peut-être considérez-vous que respecter le délai constitutionnel revient à ne pas respecter le Parlement ?…
Par ailleurs, il est quelque peu baroque de s’entendre dire que nous n’avons pas respecté le débat à l’Assemblée nationale, alors même que l’on nous a reproché pendant des semaines de le laisser traîner… Il faudrait savoir ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Ce gouvernement fait vivre le débat dans chaque chambre du Parlement, d’abord à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. Dans ces conditions, l’adoption d’une motion de rejet qui, justement, empêcherait le Sénat d’examiner le PLFSS entrerait en contradiction avec le reproche que vous nous adressez !
Les rapporteurs, pour chaque branche, de la commission des affaires sociales viennent d’évoquer, à juste titre, les nécessaires modifications de ce texte, dont le Gouvernement a dit depuis le début qu’il était perfectible. Discutons-en, examinons les amendements et délibérez, mais ne rejetez pas le débat !
Votre motion est totalement contradictoire (Mme Laurence Rossignol proteste.), puisque vous regrettez que les débats à l’Assemblée nationale n’aient pas été achevés et que vous proposez, dans le même temps, qu’il n’y ait même pas le début d’une discussion au Sénat !
Vous comprendrez que cela ne m’apparaisse pas acceptable et que j’émette un avis défavorable sur cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous auriez dû mieux écouter la présentation qui a été faite de la motion, monsieur le ministre !
Vous ne pouvez pas nier que s’est constituée à l’Assemblée nationale, au bout d’un moment, une sorte de coalition favorable à la prolongation du débat.
Mme Raymonde Poncet Monge. Vous dites que vous avez refusé de le prolonger de quelques heures, car le délai constitutionnel était passé. Ce n’est pas vrai, il ne l’était pas ! Vous auriez donc pu ouvrir le débat quelques heures supplémentaires, durant lesquelles des amendements auraient peut-être été retirés.
Cette situation a une conséquence sur l’économie de ce texte : nous, représentants de la gauche sénatoriale, devrons faire tout le travail ! En effet, certains amendements visant à prévoir des dépenses ont été adoptés en commission… Mais comme nous ne pouvons pas faire de propositions en ce sens, sauf à ce que l’on nous oppose l’article 40 de la Constitution, nous voilà condamnés à commenter ce texte en disant, pour reprendre des propos qui ont été tenus tout à l’heure, que ce qui nous est soumis « est bien parce que cela aurait pu être pire ».
Or je ne suis pas d’accord : ce texte n’est pas meilleur que celui qu’avait présenté le Gouvernement !
La droite sénatoriale substitue à la suppression d’un jour férié suggérée par le Gouvernement une contribution de solidarité par le travail. Or, à l’Assemblée nationale, les députés avaient proposé plusieurs contributions de solidarité par le capital,… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Nous y voilà !
Mme Raymonde Poncet Monge. … qui avaient été adoptées et qui n’auraient pas eu d’effet négatif, vous le savez, sur l’emploi et sur la compétitivité.
M. Laurent Burgoa. Bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Du fait de l’économie générale du présent texte, je le répète, nous sommes quasiment impuissants, parce que l’on nous oppose tous les articles 40, 41, 45, 38 de la Constitution… Pourtant, et là aussi vous le savez, il aurait pu en être tout autrement.
Au Sénat, le texte sera aggravé ; ou, tout au moins, à ses dispositions initiales seront substituées des mesures tout aussi indéfendables. C’est donc sciemment que vous avez empêché l’Assemblée nationale de conclure le débat sur le PLFSS !
Voilà pourquoi nous demandons que ce texte soit renvoyé à l’Assemblée nationale, où la discussion aurait dû s’achever. (Mmes Émilienne Poumirol et Cathy Apourceau-Poly applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le débat de fond, nous allons l’avoir – il est d’ailleurs commencé. Il n’y a aucun problème à cet égard. En revanche, je vous prie de m’excuser, mais je ne puis laisser dire n’importe quoi…
Mme Laurence Rossignol. Un peu de respect !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. C’est très important : dire que le Gouvernement a empêché la tenue des débats à l’Assemblée nationale, c’est un mensonge !
Je vais vous donner un exemple de ce qui a prolongé les débats dans ladite chambre, madame la sénatrice. Le député Jérôme Guedj, qui avait déposé une motion de rejet dont la présentation a duré des dizaines de minutes, et qui a été commentée pendant une durée équivalente, l’a retirée juste avant le vote. Voilà une perte de temps et une façon de laisser traîner le débat contre la volonté du Gouvernement, voyez-vous !
Je vous invite – j’imagine que vous l’avez déjà fait, parce que vous êtes de bonne foi – à examiner précisément comment s’y est déroulée la discussion : à aucun moment, le Gouvernement ne peut être accusé de l’avoir laissé traîner.
Mme Laurence Rossignol. Et sa majorité ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Votre intervention portait aussi sur le fond du texte. Il est vrai que, à cet égard, le Gouvernement est en désaccord avec la version du PLFSS adoptée à l’Assemblée nationale. Pour autant, je vous rappelle que, s’agissant du projet de loi de finances, nous sommes allés au bout de son examen, parce que le délai constitutionnel le permettait.
Ce gouvernement n’a ni ralenti ni entravé la discussion sur le projet de loi de finances, et il n’empêche pas les débats de se tenir, pas plus à l’Assemblée nationale qu’au Sénat !
Par ailleurs, il est faux de dire que le texte présenté au Sénat est exactement le même que celui qui a été présenté initialement à l’Assemblée nationale. En effet, nous avons repris un certain nombre d’amendements déposés par chacun des groupes politiques, y compris le vôtre, madame la sénatrice, comme vous pourrez le constater lors de l’examen du présent texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Non, monsieur le ministre, les conditions d’examen de ce texte ne sont pas stables !
Ainsi, le Gouvernement continue actuellement à déposer des amendements, donc à modifier les données financières du PLFSS, tandis que la commission a commencé à se réunir et qu’elle a déjà réalisé un certain travail. Quant aux irrecevabilités, elles ne sont pas toutes publiées, alors même que le débat a commencé !
Tandis que nous commençons l’examen du projet de loi dans de telles conditions, et avec une semaine de retard, le Gouvernement continue à modifier le texte issu de l’Assemblée nationale ! Certes, vous en avez le droit. Mais, comme l’a dit Mme Rossignol, ce n’est pas bon pour la démocratie.
Je fais partie de ceux qui disent que la chambre des territoires a un rôle important dans le cadre de notre Constitution. Pour autant, elle n’est pas la chambre du peuple. Je ne me substituerai donc pas à ceux qui représentent le peuple, quoi que je pense des travaux de l’Assemblée nationale,…
M. Bernard Jomier. … parce que je respecte la chambre qui est issue du suffrage universel.
Vous, en revanche, vous n’avez pas respecté l’Assemblée nationale. En effet, les membres du « socle commun » qui vous soutient ont manœuvré – nous l’avons tous vu – pour être absents quand il fallait être absents et présents quand il fallait être présent. Ils ont été très malins et très agiles, il faut le reconnaître !
M. Bernard Jomier. Néanmoins, être malin et agile, cela ne renforce pas la démocratie ; ce sont la clarté et l’honnêteté qui la renforcent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Silvana Silvani applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je souscris à presque tout ce qui a été dit sur la manière dont le débat s’est déroulé à l’Assemblée nationale. Mais quoi que nous disions, les uns et les autres, les Français observent ce qui se passe au sein de nos assemblées et peuvent juger sur pièces de la manière dont les choses sont conduites…
Je souhaite poser une question à laquelle je ne sais si vous pourrez répondre, mesdames, messieurs les ministres.
J’ai bien compris que la majorité sénatoriale piaffait d’impatience de débattre de ce PLFSS, car elle pense que, finalement, ce texte sera le sien. Au reste, ce gouvernement n’est-il pas aussi en grande partie le sien ?
Le Premier ministre a laissé entendre qu’il aurait vraisemblablement recours à l’article 49.3 sur le projet de loi de finances. Qu’en sera-t-il sur le PLFSS ? Au moment où nous commençons ce débat, peut-être nos collègues, y compris ceux de la majorité sénatoriale, aimeraient-ils savoir ce qu’il adviendra finalement de ce texte ?
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée. Il faudra attendre la commission mixte paritaire pour le savoir !
Mme Céline Brulin. Vous nous dites que vous souhaitez que le débat ait lieu ici, au Sénat, puisqu’il n’a pas pu se tenir à l’Assemblée nationale. Mais quelle garantie avons-nous que ces échanges auront, à la fin, des incidences sur le PLFSS ? En effet, chacun le sait comme moi, si 49.3 il y a, alors le Gouvernement pourra inscrire strictement ce qu’il veut dans ce texte !
Une réponse à ma question serait utile, en ce qu’elle permettrait d’éclairer notre discussion relative à la motion qui vient d’être présentée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Je suis quelque peu troublée d’entendre qu’il existerait une stratégie ou une théorie du complot et que le Gouvernement aurait pesé sur le débat à l’Assemblée nationale. Tel n’a pas été le cas !
Ce débat se prolongeait, et le nombre d’amendements déposés était invraisemblable ; en dépit du retrait de certains d’entre eux, le stock, si j’ose m’exprimer ainsi, n’a pu être épuisé. Pour autant, nous avons eu des débats nourris sur de nombreux sujets, et nombre d’amendements ont été repris dans le texte qui vous est proposé aujourd’hui. Je pense donc que la sincérité du débat est respectée.
Je suis également navrée de vous entendre dire, monsieur le sénateur, que les chiffres du PLFSS ont changé. M. le ministre chargé du budget et des comptes publics l’a dit, nous avons reçu à la fin de la semaine dernière une alerte : nous prévoyons 1,2 milliard d’euros de recettes en moins, ce qui pose une difficulté pour l’Ondam de 2024.
Nous avons décidé, par sincérité, d’inscrire cette prévision dans le présent PLFSS, afin de ne pas esquiver le débat ; à défaut, nous aurions retrouvé ce chiffre l’année prochaine, et vous nous auriez alors accusés d’avoir voulu dissimuler des choses.
C’est justement parce que la sincérité et la franchise font partie de mes valeurs que j’ai souhaité que ce montant soit inscrit dans le PLFSS présenté au Sénat.
Enfin, je suis quelque peu meurtrie d’entendre parler d’« association de malfaisants ». Je sais que les débats politiques peuvent parfois être rudes, mais certains mots n’ont pas leur place ici… (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il me paraît très curieux de contester ce PLFSS, alors que notre pays est dans une situation extrêmement difficile.
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. Daniel Chasseing. Nous devons absolument, pour nos enfants et pour l’avenir, changer de trajectoire, comme le proposent le Premier ministre et son gouvernement.
Je rappelle que le remboursement de la dette publique représente 55 milliards d’euros par an ! On ne peut donc pas ignorer ou négliger les marchés et nos créanciers, car une hausse des taux d’intérêt entraînerait une augmentation de la charge de la dette.
Nous devons, mes chers collègues, retrouver une trajectoire financière qui s’établisse autour de 5 % de déficit ; si rien n’était fait, celui-ci serait de 7 %.
Le présent PLFSS prévoit un déficit de 16 milliards d’euros, malgré le changement de trajectoire prévu. Pour autant, le financement de la santé est préservé, puisque les économies envisagées portent sur les exonérations de recettes. Quant au niveau d’indexation des petites retraites, il est maintenu.
Tous les engagements qui avaient été pris dans ce texte sont maintenus. Il nous faut écouter et soutenir les propositions constructives faites par les rapporteurs et améliorer ce texte en étant responsables. Nous devons sauver la sécurité sociale créée par le Conseil national de la Résistance et ne pas laisser une dette ingérable à notre pays et à nos enfants.
Ne rejetons pas ce PLFSS : améliorons-le, en conservant les objectifs qui y sont fixés ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – M. Christopher Szczurek applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 1264, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 98 |
Contre | 242 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Apourceau-Poly, Brulin, Silvani et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, d’une motion n° 922.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (n° 129, 2024-2025)
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la motion.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les conditions dans lesquelles nous entamons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sont particulièrement préoccupantes.
En effet, le Gouvernement a détourné l’usage de l’article 47-1 de la Constitution pour empêcher l’examen du PLFSS pour 2025 à l’Assemblée nationale.
Vous avez, dans un premier temps, choisi cette option parce que vous connaissez l’hostilité des Français à l’égard de l’utilisation de l’article 49.3, que vous affectionnez particulièrement. Vous avez choisi de faire de l’obstruction systématique pour que l’examen de ce texte n’aille pas à son terme.
Les groupes parlementaires du socle gouvernemental, en déposant 1 200 des 2 300 amendements présentés sur le texte, ont rendu impossible l’examen de la totalité du PLFSS dans le délai imparti de vingt jours. Les rappels au règlement à répétition et les secondes délibérations sur les votes ont permis au Gouvernement, minoritaire, de transmettre au Sénat la version initiale du texte, avec uniquement les amendements qui lui convenaient.
Il faut dire que l’examen du texte à l’Assemblée nationale a été une véritable déroute pour le Gouvernement, qui a accumulé les défaites et les défections dans son propre camp.
Les députés de gauche avaient réussi à faire adopter près de 20 milliards d’euros de recettes nouvelles, notamment au travers d’un amendement visant à soumettre à cotisations sociales les dividendes, l’intéressement, la participation et les plus-values de levée-vente d’actions.
Le Gouvernement a perdu sur les amendements portés par la gauche, mais aussi contre ses propres troupes. Ainsi, la suppression de l’article 6, qui prévoyait une toute petite réduction des cadeaux aux entreprises, a été votée par les députés du Rassemblement national, de la droite et du centre.
Heureusement, le Gouvernement, sans majorité à l’Assemblée nationale, peut compter sur ses soutiens ici, au Sénat, pour faire le sale boulot. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il faut le dire aussi, les conditions sont réunies pour priver le Parlement d’un débat démocratique sur un budget de 662 milliards d’euros.
Le PLFSS pour 2025 est un budget d’austérité, dont les deux tiers des économies reposent sur les assurés sociaux, avec une baisse de leurs prestations de retraites, une réduction des indemnités journalières, une hausse des franchises médicales et – dernière en date – une diminution du remboursement des médicaments.
Ce texte austère se borne à prévoir les objectifs de dépenses des branches de la sécurité sociale, mais ne contient aucune mesure sur les sujets qui sont pourtant au cœur des préoccupations de nos concitoyens.
Ce PLFSS pour 2025 ne prévoit aucune mesure sur l’accès aux soins, rien sur la formation des professionnels de santé, rien sur les fermetures de services d’urgences, rien sur l’installation des médecins dans les déserts médicaux, rien sur le contrôle des crèches privées lucratives, rien sur la défense de la souveraineté de la France en matière de médicaments, rien sur la lutte contre les morts au travail !
Ce texte d’austérité est totalement déshumanisé. On n’y voit que des chiffres et des tableaux, mais les personnes ne sont jamais prises en compte.
Le Gouvernement invisibilise les professionnels qui font vivre la sécurité sociale à tous les niveaux : ceux et celles qui se donnent sans compter, du médecin à l’aide à domicile, du contrôleur médical au salarié de la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat), de l’infirmière de bloc opératoire à l’auxiliaire de puériculture.
Vous ne pourrez pas utiliser l’argument des délais de préparation du PLFSS, alors que les services de Bercy travaillaient sur ce texte depuis le printemps dernier et que les mesures figurent dans le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) transmis à Bruxelles.
Le PLFSS pour 2025 ne fait pas état explicitement des mauvais coups prévus par le Gouvernement. Mais il y est prévu, sans que cela soit dit explicitement, une augmentation du taux de cotisation des hôpitaux et des collectivités à la CNRACL de 12 points sur quatre ans, une hausse du ticket modérateur et une baisse des indemnités journalières.
Tout cela, le Gouvernement se chargera de le mettre en œuvre par décret lors des vœux de janvier, au moment où l’on se souhaite une bonne santé…
Nous le savons et nous le vivons dans nos territoires, avec l’inflation et la pauvreté, le sujet de la santé fait partie des premières préoccupations des Français. Comme chaque année, notre groupe a donc décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable pour marquer son opposition à la philosophie qui sous-tend ce texte.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 est injuste, insuffisant, inefficace et scandaleux sur le plan de la méthode, puisque n’y sont pas repris les amendements des députés votés majoritairement à l’Assemblée nationale. Quel déni de démocratie !
Quoi que vous en disiez, le Gouvernement poursuit et aggrave les politiques de réduction des dépenses de la sécurité sociale en 2025.
S’agissant des dépenses de santé, le gouvernement prévoit une augmentation des dépenses de 2,8 %, soit, après la déduction du taux d’inflation, une hausse de 1,8 %. Si l’on retranche la hausse des cotisations de la CNRACL, la hausse des dépenses de santé sera de seulement 0,6 % en 2025.
Le budget de l’assurance maladie progresse, donc, mais, si on le compare aux besoins existants, nous sommes à des années-lumière de ce qu’il faudrait investir.
La Cour des comptes estime, par exemple, que l’évolution naturelle des dépenses de santé est de +4,5 % par an. Quant à la Fédération hospitalière de France (FHF), présidée par Arnaud Robinet, maire de Reims, qui est membre non pas du parti communiste, mais du parti d’Édouard Philippe, Horizons, elle préconise pour 2025 un Ondam à 4,2 %, afin de tenir compte de l’inflation et de l’augmentation des cotisations CNRACL.
Le Gouvernement refuse d’entendre la souffrance des personnels des secteurs de la santé et du médico-social, ainsi que celle des patientes et des patients qui n’ont plus de médecin traitant, que ce soit en zone urbaine ou, pis encore, en zone rurale. Six millions de nos concitoyens sont concernés par cette triste réalité. Ils attendent des heures sur les brancards dans les couloirs des hôpitaux, faute de moyens et de personnels dans ces établissements !
Mesdames, messieurs les ministres, vous serez comptables de la destruction du service public de la sécurité sociale, tout comme la majorité sénatoriale, si critique lorsqu’elle est dans l’opposition, mais bien silencieuse dès lors qu’elle soutient le Gouvernement.
Regardez en face la situation des services de santé, désertés par les professionnels qui sont dégoûtés et épuisés de travailler dans des conditions aussi pénibles !
En Haute-Marne, les patients des services des urgences doivent patienter sur le parking des ambulances de l’hôpital de Langres. Est-ce acceptable ? En 2023 ont été supprimés 4 900 lits d’hospitalisation ; ce sont 43 500 lits d’hospitalisation avec nuitée qui ont été perdus en dix ans. Est-ce acceptable ?
Ne faudrait-il pas tirer le signal d’alarme lorsque l’on constate que 42 % des maternités ont fermé depuis 1995 sur notre territoire ?
Le Gouvernement reste sourd aux revendications des organisations syndicales pour améliorer l’attractivité des métiers et les niveaux de rémunération, alors même que les hôpitaux sont au bord de l’implosion et que la médecine de ville est à bout de souffle : 85 % du territoire français est un désert médical et 66 % des Ehpad sont en situation de déficit.
Le Gouvernement est particulièrement à l’écoute, en revanche, lorsque se font entendre les doléances du patronat destinées à éviter que ne soient trop remis en cause les cadeaux aux entreprises sous forme d’exonérations de cotisations sociales. Le Medef (Mouvement des entreprises de France) refuse ainsi que l’on réduise les 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales, ou même qu’on les conditionne, par exemple, au maintien dans l’emploi en France ou au respect de l’environnement.
En 2023, les exonérations de cotisations représentaient 16 % des 486 milliards d’euros d’excédents bruts des entreprises. La part des contributions des employeurs dans le financement du régime général est passée de 72 % en 1980 à 50 % en 2000, pour atteindre 28 % en 2022. Pour la branche maladie, la contribution des employeurs ne représente plus que 37,1 %.
La baisse de la part patronale dans le financement de la sécurité sociale a été compensée par une augmentation de la part de la contribution sociale généralisée (CSG) et par un transfert des recettes de la TVA.
En résumé, les assurés sociaux cotisent toujours plus longtemps, devront payer plus cher leurs complémentaires santé, financeront la sécurité sociale à la place des entreprises en faisant leurs courses via la TVA et seront moins bien remboursés en cas d’arrêt maladie ou lors de leur rendez-vous chez le médecin.
Ce PLFSS est donc particulièrement injuste, puisque les trois quarts des efforts reposent sur les assurés sociaux, sans que soient augmentées les cotisations des entreprises, pas plus que celles des grands groupes qui font des profits ou celles des revenus financiers.
Vous qui aviez combattu à nos côtés, chers collègues de la majorité sénatoriale, la hausse de la CSG pour les retraités au nom de la préservation des pensions de retraite, que dites-vous aujourd’hui ?
Vous qui avez soutenu la réforme des retraites, qui a ôté deux années de vie aux salariés pour éviter de réduire les pensions (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), que proposez-vous ? Vous préconisez de baisser les pensions de retraite au travers de votre scandaleux amendement n° 194, déposé à l’article 23 !
Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky vous invitent à voter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, ma chère collègue, d’avoir exposé les arguments appuyant votre motion, laquelle ressemble cependant à la présentation d’une opposition de principe à tout travail en commun à nos côtés pour diminuer le déficit de la sécurité sociale.
Les propositions que nous formulerons tout au long de cette semaine ne sont pas les vôtres, et je le comprends. Mais vous verrez que nous pourrons parfois vous rejoindre sur certains de vos amendements.
Il est vrai que tout ne va pas bien dans notre système de sécurité sociale. Mais si vous vous promenez en Europe et dans le monde, vous constaterez qu’il est tout de même exemplaire et qu’il n’en existe guère qui lui soit comparable… On peut certes le critiquer, mais le faire continuellement donne à penser que tout va mal. Et ce discours, selon moi, est déplorable.
Il faut essayer de trouver des solutions, et c’est ce que nous avons voulu faire, avec le Gouvernement. Cela, ce n’est pas faire le « sale boulot » : c’est faire le boulot, tout simplement ! Il s’agit d’être présent à l’heure où les difficultés s’amoncellent.
Au Sénat, nous avons compris que le Gouvernement n’avait pas eu beaucoup de temps pour rédiger ce PLFSS.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il fallait débattre de ce texte, sur lequel nous avons porté un regard différencié et pondéré. Par exemple, nous avons préservé les petites retraites et, concernant les allégements généraux, maintenu les salaires au niveau du Smic. Bref, nous avons cherché avec nos collègues à remédier à ce que vous dénoncez comme une injustice.
J’émets donc un avis défavorable sur cette motion.