M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. Madame la sénatrice, j’ai bien entendu votre opposition à toute l’architecture qui sous-tend ce PLFSS. Toutefois, je voudrais rétablir quelques éléments de fond.

Nous augmentons l’Ondam hospitalier de 3,1 % : ce n’est pas rien.

Mme Émilienne Poumirol. Et l’inflation ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre. L’Ondam hospitalier était de 80 milliards d’euros en 2018. Il est à présent de 109 milliards d’euros. Ce bond, considérable (Mme Émilienne Poumirol proteste.), a été rendu nécessaire par les revalorisations des salaires des soignants décidées dans le cadre du Ségur de la santé. Il a aussi permis des dépenses d’investissement et la transformation de nos hôpitaux.

Je rejoins Mme la rapporteure générale pour souligner qu’il n’y a pas que des points noirs dans notre système. Il existe des difficultés, auxquelles nous devons nous attaquer, mais, dans nos hôpitaux, il y a aussi beaucoup de choses qui fonctionnent très bien. Il faut le dire de temps en temps, faute de quoi les soignants finissent par être désespérés par les discours déclinistes.

Les patients sont bien pris en charge. Les destructions de lits d’hôpitaux que vous mentionnez doivent être mises en perspective avec l’évolution de la prise en charge des personnes au XXIe siècle. En chirurgie comme en médecine, les prises en charge ambulatoires ont beaucoup augmenté, et l’unité est non plus le nombre des lits d’hébergement, mais celui des places à la journée. L’évolution des pratiques médicales doit être prise en compte.

Je ne souhaite pas être plus longue, mais ces quelques chiffres me semblent importants, à l’heure où l’on parle de l’hôpital. Nous tenons à ce dernier ; nous voulons continuer de le conforter et l’aider à évoluer positivement.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour explication de vote.

Mme Annie Le Houerou. Il n’est pas dans les habitudes du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de voter les motions tendant à opposer la question préalable, car nous aimons le débat, que nous pensons utile.

Toutefois, pour les raisons développées par Laurence Rossignol lors de sa présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, compte tenu du contexte exposé par Mme Apourceau-Poly et des conditions dans lesquelles ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est soumis au Sénat, compte tenu également du contenu de ce texte, qui ne présente aucune des mesures structurantes attendues ni sur l’accès aux soins – il ne comporte rien sur les déserts médicaux – ni sur la qualité des soins – madame la ministre, vous parlez des hôpitaux, mais ceux-ci sont exsangues et leur personnel est épuisé ! –, ni sur le grand âge, ni sur la santé mentale, ni sur la prévention, nous soutiendrons la motion déposée par le groupe communiste.

Ce projet de loi est loin des attentes des Français. Il fait payer aux plus fragiles le déficit, alors que d’autres recettes sont possibles – nous sommes d’accord sur ce point avec Mme la rapporteure générale.

Ce texte comptable est loin de la justice sociale que nous défendons. Pour ces raisons, nous voterons en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Entendons-nous : nous ne refusons pas de débattre du budget de la sécurité sociale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je l’avais cru !

Mme Silvana Silvani. Nous refusons de laisser penser que le Parlement aura débattu de ce projet de loi alors que près de la moitié des amendements déposés sur ce texte ont été censurés, dans la mesure où ils ont été déclarés irrecevables.

Nous refusons la parodie de démocratie qui consiste à n’examiner que vos seuls amendements, qui tendent à modifier le niveau de l’effort d’austérité imposé aux hôpitaux, aux collectivités et aux citoyens, sans jamais remettre en cause le principe même de l’austérité.

Le Gouvernement a interprété de manière extensive l’article 47-1 de la Constitution, afin de gagner la course contre la montre, faute de disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale. En déposant plus de 1 300 amendements, les députés du bloc de la majorité ont rendu impossible l’examen du PLFSS dans les délais constitutionnels.

Selon vos dires, il s’agit des règles du débat démocratique. Pourtant, souvenez-vous des débats sur la contre-réforme des retraites, lors desquels vous dénonciez une obstruction de la gauche. La démocratie à géométrie variable, ce n’est pas possible, d’autant plus que tout cela s’achèvera par un 49.3, qui permettra au Gouvernement de composer à sa convenance un texte sur mesure !

Faisons donc semblant de débattre, alors que le sort de ce budget est écrit d’avance dans les couloirs du deuxième étage du Sénat. Mais croyez-nous : si cette motion était rejetée, nous serions prêts à démontrer que votre projet pour la sécurité sociale est injuste. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le PLFSS ne peut pas être seulement un texte budgétaire, comme il l’est pourtant aujourd’hui. Ce projet de loi est quasiment vide ; le Gouvernement l’a lui-même reconnu.

L’examen du financement de la sécurité sociale ne doit-il être qu’une discussion budgétaire ? Cette question générale mérite d’être posée. Pour répondre vraiment aux besoins de la santé, de l’autonomie, de la famille et des autres branches, il faudrait d’abord analyser ces derniers, faire le quantum de leur répartition, définir dans les territoires la forme que doivent prendre ces politiques, et, ensuite, chercher les recettes pour les financer – nous avons d’ailleurs des idées pour en trouver de nouvelles.

M. Laurent Burgoa. Dont acte !

Mme Raymonde Poncet Monge. Bien des mesures permettent des économies futures. Il faut donc investir dans certains domaines, notamment dans la prévention, pour pouvoir maîtriser les dépenses à moyen terme.

Chaque année, nous répétons cette remarque sur la forme que devrait prendre la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, cette année, on part non des besoins, des demandes ou des aspirations, mais uniquement du problème budgétaire. C’est un vrai problème !

Cela a été dit, le projet de loi ne comporte rien sur la famille, sinon la suite de mesures décidées les années précédentes. Pourtant, un rapport accablant a été récemment rendu sur les crèches, on compte toujours autant d’enfants pauvres et on sait fort bien qu’un enfant pauvre deviendra un adulte pauvre.

Il n’y a rien non plus sur l’autonomie : si l’on donne un petit coup de pouce aux Ehpad, il n’y a absolument rien pour les services domiciliaires. Ce ne sont pas 100 millions d’euros qui résoudront la crise d’attractivité dans le secteur de l’aide à domicile !

Il n’y a rien non plus sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, à part la transposition de l’accord national interprofessionnel. La France est pourtant le dernier élève d’Europe pour le nombre des morts au travail, et nous devrions viser l’objectif de zéro mort au travail d’ici à 2030.

Ce budget, vide, ne peut être accepté en l’état. Notre groupe s’associera donc à la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix la motion n° 922, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 41 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 98
Contre 242

Le Sénat n’a pas adopté.

Discussion générale (suite)

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte marqué par l’importance de l’effort budgétaire demandé à notre pays, les yeux sont rivés sur nos institutions, en particulier sur le Sénat.

Chaque année, nous répétons que les enjeux du projet de loi de financement de la sécurité sociale n’ont jamais été aussi importants. Aujourd’hui, pourtant, j’ai l’impression qu’ils nous imposent une vigilance bien plus accrue encore.

En effet, dans une situation inédite, le PLFSS 2025 exige de nous, législateurs, que nous prenions nos responsabilités et adoptions les mesures les meilleures, les plus justes et les plus équilibrées pour réaliser les efforts budgétaires nécessaires pour le pays.

Nous le savons, ces efforts budgétaires engagent l’avenir de notre système de santé, de notre modèle social, de nos enfants et de nos familles.

La lecture du projet de loi confirme les efforts prévus. Ils ne permettront pas au budget de répondre aux besoins réels de chaque branche, notamment pour la santé ou la famille. L’Ondam augmentera de 263,9 milliards d’euros en 2025, soit de 2,8 %. Cette hausse permettra d’agir efficacement. Ce n’est pas ce que l’on appelle un budget d’austérité !

Cette augmentation, même limitée, est essentielle pour répondre à la croissance des besoins de santé et garantir l’amélioration de la performance du système de santé, ainsi que, surtout, son accessibilité à tous.

C’est pourquoi ma collègue Nadège Navet a déposé un amendement qui tend à alerter sur la crise budgétaire traversée par les trois quarts des centres de santé non lucratifs, en particulier dans son département du Finistère. Elle souhaite répondre à court terme à cette situation, en ouvrant la possibilité de dégager des crédits d’urgence pour éviter la fermeture de ces établissements.

Madame la rapporteure générale, nous soutenons la création de ce fonds d’urgence, vital pour nos territoires et les établissements de santé médico-sociaux. Il y a en effet urgence à agir !

Il y a également urgence à agir contre le surpoids et l’obésité, notamment chez les enfants. La hausse de la taxe soda a été ajoutée dans le texte transmis au Sénat, après avoir été adoptée à l’Assemblée nationale – cette dernière aura donc été utile dans ces débats. Mais cette mesure reste insuffisante. La consommation de sodas en France représente seulement 4 % de la consommation totale de sucres. La mesure est donc un peu hypocrite ; en tout cas, là n’est pas le vrai problème.

Ce sont les industriels de l’agroalimentaire qui doivent faire plus d’efforts en la matière. Le sucre est particulièrement présent dans la majorité, si ce n’est dans l’ensemble des produits alimentaires transformés que nous consommons, la plupart du temps sans le savoir.

Nous défendrons donc un certain nombre d’amendements en ce sens, comme nous l’avions fait l’année dernière. Ces mesures avaient d’ailleurs été soutenues par la majorité du Sénat.

Le projet de loi prévoit d’allouer 59,7 milliards d’euros à la branche famille et au secteur de la petite enfance. Je me réjouis que ces moyens n’aient pas baissé. Je salue l’accent mis sur le service public de la petite enfance, ainsi que l’extension du complément de libre choix du mode de garde des 6 ans aux 12 ans de l’enfant pour les familles monoparentales.

Néanmoins, il reste beaucoup à faire. Des moyens supplémentaires doivent être mobilisés pour répondre pleinement aux besoins réels des familles en France, notamment des plus vulnérables. En effet, la solidarité et l’accompagnement des familles ne sont pas de simples slogans ; c’est une réalité qui doit être appliquée.

Mes chers collègues, nous resterons très vigilants sur ce point. Ma collègue Solanges Nadille y reviendra également après moi.

Ce PLFSS n’est pas qu’un simple exercice comptable ni une guerre entre les branches, plus importantes les unes que les autres. Il constitue, avant tout, un véritable contrat social qui nous engage collectivement. Il incarne notre devoir de garantir l’équité médico-sociale sur l’ensemble de nos territoires, notamment outre-mer, conformément aux principes les plus fondamentaux de notre République.

En outre, nous devons aussi améliorer la fluidité entre la sécurité sociale et les complémentaires santé, tant pour lutter plus efficacement contre la fraude que pour mieux cibler les besoins de prévention, qui demeurent le parent pauvre de notre système de santé.

En responsabilité, nous devons surmonter les carcans parfois hypocrites de nos appartenances politiques, pour prendre les décisions nécessaires et justes pour l’avenir de notre pays, de nos enfants et des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.)

Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe RDSE, je tiens tout d’abord à remercier M. le président de la commission des affaires sociales et Mmes et MM. les rapporteurs. Tous nous ont permis d’entamer ces débats dans la clarté, alors que la tâche n’était pas si simple.

En effet, mardi 5 novembre à minuit, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a été arrêté net à l’Assemblée nationale, en raison de l’expiration du délai de vingt jours prévus par l’article 47-1 de la Constitution.

Ainsi, nos collègues de l’Assemblée nationale n’ont pu examiner pas moins de quatorze articles relatifs aux dépenses pour l’exercice 2025, parmi lesquels figurent des dispositions fondamentales au sujet des retraites.

Le Gouvernement a transmis au Sénat la version initiale du texte, en retenant quelques amendements des députés. Sur les 213 amendements adoptés lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, 71 ont été repris dans la version que nous avons reçue, parmi lesquels 20 avaient été déposés par le Gouvernement.

Si nous pouvons saluer le changement de méthode et de ton, ainsi que le respect bien plus perceptible du parlementarisme de la part du Gouvernement, les délais d’examen du budget demeurent trop contraignants. Leur effet s’apparente au couperet de l’article 49.3 de la Constitution.

Les dépenses de la sécurité sociale pour 2025 sont fixées à pas moins de 662 milliards d’euros. Notre groupe estime que plus de temps est nécessaire pour se pencher sur une telle somme.

C’est aussi pour cette raison que nous sommes toujours favorables à une réforme structurelle de la sécurité sociale, qui nous permettrait de nous projeter sur le moyen et le long terme. De même, il est nécessaire d’impulser des politiques publiques d’ampleur sur plusieurs exercices, et non plus au coup par coup, à tâtons.

Ainsi, comme l’a évoqué le rapporteur pour avis de la commission des finances Vincent Delahaye, le déficit de la sécurité sociale se dégrade de nouveau en 2024. Il atteint 18 milliards d’euros, soit 7,5 milliards d’euros de plus que la prévision mentionnée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

Ce dérapage provient très majoritairement de recettes inférieures aux prévisions. En particulier, le produit de la TVA a été nettement surestimé.

Nous l’avions déploré mot pour mot l’an dernier : la faiblesse des pistes de stabilisation des recettes de la sécurité sociale fait peser un risque réel sur la pérennité du système obligatoire et universel pensé par le Conseil national de la Résistance et créé par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945. Nous nous associons donc aux inquiétudes relatives à la trajectoire financière des régimes exprimées par nos collègues rapporteurs.

Toutefois, la crise du financement de la sécurité sociale provient avant tout de politiques publiques d’exonérations de cotisations patronales déraisonnables et surtout indifférenciées entre les grandes entreprises et les petits entrepreneurs de nos territoires ruraux.

Même le rapport rendu par les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer à la suite de la mission relative à l’articulation entre les salaires et le coût du travail, que l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne leur avait confiée à la fin de 2023, le reconnaît à demi-mot : les baisses de cotisations patronales ne sont pas toujours efficaces sur l’emploi et le niveau des salaires, alors qu’elles dégradent substantiellement les comptes sociaux.

Les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs affiliés au régime général atteignaient 50 milliards d’euros en 2019. Elles ont ensuite connu une hausse spectaculaire de 13,1 % en 2022, avec un montant de 73,6 milliards d’euros, pour enfin se stabiliser à 75 milliards d’euros aujourd’hui.

Par ailleurs, cette dynamique s’inscrit de plus en plus dans une généralisation des dispositifs d’allégement, qui ne sont plus autant ciblés sur des territoires, des secteurs particuliers ou de petites entreprises. Les aides publiques sont donc bien moins conditionnées au respect de critères de justice sociale et territoriale, alors que les besoins sont très clairement là.

C’est pourquoi nous saluons d’ores et déjà la refonte progressive des allégements de cotisations patronales sur les bas salaires. Cette réforme devrait inciter les employeurs à les augmenter, permettant des économies importantes pour la sécurité sociale dès l’an prochain.

Néanmoins, la mesure nous semble incomplète, puisqu’aucun dispositif de différenciation selon la nature de l’entreprise n’est prévu à ce stade. Il est pourtant injuste qu’un artisan plombier ou coiffeur soit logé à la même enseigne que des géants de la grande distribution ou des compagnies pétrolières.

En outre, dans le secteur public, pour réduire le déficit de 3,4 milliards d’euros de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, le Gouvernement avait initialement prévu d’augmenter de 4 % le taux de cotisation des employeurs. La commission des affaires sociales du Sénat s’est prononcée en faveur d’un étalement sur quatre ans de la hausse des cotisations, ce qui nous paraît plus sage.

Toutefois, le groupe RDSE reste très réservé au sujet de cette augmentation, qui, à titre d’exemple, représenterait pour la ville de Mende, dans le département de la Lozère, une charge supplémentaire de 136 000 euros. Cette somme n’irait malheureusement plus au renforcement des services publics de proximité, ô combien essentiels à la qualité de vie des habitants.

En raison de la limitation de mon temps de parole, je ne m’étalerai pas davantage sur l’ensemble des dispositions qui figurent dans le texte. Comme à l’accoutumée, notre groupe aborde cette période budgétaire de manière constructive.

Pour cette raison, nous sommes par exemple satisfaits des mesures en faveur de la lutte contre les pénuries de produits de santé qui se manifestent ponctuellement dans nos pharmacies.

Nous saluons également les financements supplémentaires pour le secteur de la santé mentale, en particulier des jeunes, et les moyens accrus pour les soins psychiatriques et psychologiques. Il s’agit d’un combat important, que notre groupe avait porté l’an dernier en compagnie de notre ancienne collègue, désormais ministre, Nathalie Delattre, au moyen d’une proposition de résolution invitant le Gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale.

Mes collègues et moi-même aurons l’occasion de défendre d’autres propositions tout au long de nos travaux, notamment de nouvelles pistes de recettes. Je pense en particulier à la taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés, au financement de la cinquième branche par une contribution sur les grosses successions et les donations ou à la taxe sur les publicités relatives aux jeux d’argent et de hasard.

Pour conclure, vous l’aurez compris, nous défendrons nos amendements dans un esprit de responsabilité et nous nous prononcerons sur les propositions de nos collègues au cours des prochains jours, qui s’annoncent riches en débats. L’avenir de notre système de protection sociale en dépend. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte politique difficile et face à une situation financière préoccupante pour l’État, la sécurité sociale affiche en 2024 un déficit de 18 milliards d’euros.

Loin d’être anecdotique, le « trou de la sécu » continue de se creuser, sans espoir de retour à l’équilibre, ni en 2025 ni dans les années suivantes. En effet, malgré les 15 milliards d’euros d’économies recherchées, le déficit du PLFSS 2025 s’élèverait encore à 16 milliards d’euros. Il viendrait ainsi grossir la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et la dette sociale, qui s’élève déjà à 145 milliards d’euros.

Ce constat, bien qu’il soit lourd, n’appelle ni à la fatalité ni à la résignation. Il doit au contraire nous pousser à une réflexion lucide sur nos réussites et nos erreurs, afin de nous inciter à mieux faire.

Parce qu’il résulte de causes que nous connaissons bien, ce déficit nous alerte sur les défis sociaux et financiers que nous devons relever. Le vieillissement de la population est une réalité démographique ; la baisse de la natalité en est une autre. Les dépenses de santé et de retraite augmentent, alors que les recettes tirées de la croissance, censées les accompagner, sont en berne.

Ne nous trompons pas : le déséquilibre des comptes de la sécurité sociale n’est pas conjoncturel. Les crises ont certes pesé, mais l’absence de réformes structurelles demeure la principale menace pesant sur notre système.

Nous ne résoudrons donc pas le problème en transférant les remboursements vers les mutuelles et les complémentaires santé. Le remboursement croisé des prestations n’a plus de sens à mes yeux. Il doit cesser, sauf peut-être pour le confort optique ou dentaire, qui relèvent d’un choix personnel.

En revanche, il me semble que confier aux mutuelles le rôle essentiel de la prévention et de la prévoyance a du sens. La transparence doit pour cela être la règle.

Comment tolérer que 110 millions d’euros de dépenses de l’assurance maladie, en particulier dans les établissements de santé, échappent encore à une estimation rigoureuse pourtant nécessaire pour lutter contre la fraude sociale ? La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), les mutuelles et les complémentaires doivent s’y atteler ensemble, pour récupérer les 13 milliards d’euros du montant de cette fraude, selon l’estimation de la Cour des comptes.

J’ai souvent dénoncé les actes médicaux redondants et autres examens inutiles, qui pèsent lourdement sur nos comptes et qui représentent jusqu’à 20 % des prestations selon l’OCDE.

Je répète ce qui, loin d’être un simple discours de principe, est un fait admis par tous, notamment par nombre de professionnels de santé eux-mêmes : l’inscription dans le dossier médical partagé de tous les actes médicaux doit devenir obligatoire pour éviter ces coûteuses redondances. C’est une question non seulement d’économie, mais aussi de qualité de soins.

La fracture persiste entre l’hôpital et la médecine de ville, qui trop souvent devient le seul recours. Nous devons encourager le parcours de soins et tisser les partenariats et le maillage nécessaires avec les autres professionnels de santé : c’est la clé de l’accès aux soins pour tous.

L’autonomie et la dépendance sont aussi des sujets cruciaux. Des étapes importantes ont été franchies. Je pense notamment à l’affectation de 0,15 point supplémentaire de CSG à la CNSA cette année.

Toutefois, le chemin est encore long. Je reste très préoccupé par la situation des services d’aide à domicile et des Ehpad. Je me réjouis de l’enveloppe d’au moins 2 milliards d’euros proposée par notre commission des affaires sociales, ainsi que de la création d’une seconde contribution de solidarité. Mais il n’est pas interdit d’innover, par exemple en instaurant une assurance dépendance obligatoire, comme le proposent certains de nos collègues.

Quant aux retraites, le choix a été fait de répartir l’effort de revalorisation afin de protéger les plus modestes, mais l’enjeu va bien au-delà. Malgré la réforme de 2023, le déficit est persistant. C’est le signe qu’il faut repenser fondamentalement le système.

Les trois régimes par répartition, privé, public et libéral, doivent être traités séparément, pour que chacun retrouve ou maintienne l’équilibre. Pour assurer la pérennité du système, aucune solution ne peut être écartée a priori : système à points, capitalisation, augmentation de la durée du travail et, surtout, du nombre d’actifs.

En ce qui concerne le travail, le lissage des exonérations de charges est justifié, car il faut éviter les pièges à bas salaires et les pertes d’emplois, ainsi que Mme la rapporteure générale l’a très justement indiqué.

Pour augmenter les salaires et la compétitivité des entreprises, il faut trouver des ressources nouvelles sans pénaliser le travail et la productivité. Le groupe Union Centriste propose ainsi d’augmenter la TVA d’un point, à l’exception des biens de première nécessité, pour que les consommateurs partagent l’effort de justice sociale.

En conclusion, si nous voulons ne pas laisser un modèle exsangue aux générations futures, mais préserver une protection sociale digne de ce nom, il est temps de faire preuve de plus d’audace. Le groupe UC soutient les efforts du Gouvernement, de la commission des affaires sociales et de ses rapporteurs. Il votera donc en faveur de ce PLFSS. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mmes Émilienne Poumirol et Annie Le Houerou applaudissent également.)

Mme Céline Brulin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en abordant l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons à l’esprit les plus de 6 millions de nos concitoyens qui n’ont pas de médecin traitant, ainsi que ceux qui passent des heures aux urgences ou qui voient régulièrement ces services de proximité fermer.

Nous avons à l’esprit les soignants et celles et ceux qui exercent les métiers du lien, victimes de conditions de travail de plus en plus difficiles et de rémunérations qui leur font tourner le dos à leur vocation, la mort dans l’âme.

Nous avons à l’esprit les gestionnaires d’établissements publics de santé, du secteur social ou médico-social, qui, malgré leur travail rigoureux, ne parviennent plus à résorber des déficits devenus structurels.

Nous avons à l’esprit ces retraités qui ont du mal à joindre les deux bouts, mais que certains voudraient faire passer pour des nantis…

J’arrête la liste, mais il convient d’apporter des réponses à cet état de choses. Ce PLFSS ne le permet pas. Pis, il aggravera encore toutes ces situations, sans même réduire un déficit annoncé à 16 milliards d’euros. En effet, les mêmes causes produiront les mêmes effets.

Plutôt qu’aller chercher de nouvelles ressources pour financer notre système de protection sociale, en faisant par exemple contribuer les revenus financiers, qui échappent pratiquement à toute contribution à la solidarité nationale, plutôt qu’examiner sérieusement les exonérations de cotisations et les niches sociales qui grèvent de plus en plus et de plus en plus rapidement nos finances publiques, plutôt que responsabiliser l’industrie pharmaceutique, dont les choix stratégiques sont davantage guidés par le taux de rentabilité que par la santé collective, vous souhaitez faire reposer presque exclusivement les efforts sur nos concitoyens.

Vous vouliez économiser 3,6 milliards d’euros grâce aux retraites en reportant de six mois l’indexation des pensions sur l’inflation.

Face au mécontentement, vous êtes contraints de reculer, mais 56 % des retraités seront privés de l’entièreté de la revalorisation attendue, conduisant 9,5 millions d’entre eux à perdre du pouvoir d’achat. Plus encore que l’ensemble de nos autres concitoyens, en raison de leur âge, les retraités subiront en parallèle des hausses de tarifs des complémentaires santé si vous persistez à vouloir augmenter le ticket modérateur, ne serait-ce que de 5 %.

De plus, au travers des médicaments, vous voulez de nouveau procéder à des déremboursements, après avoir déjà commencé à le faire l’an dernier, au travers des soins dentaires, et après avoir doublé les franchises médicales et les forfaits.

Gare aux salariés qui seront malades en 2025 ! À partir du 1er janvier prochain, ils ne seront plus indemnisés qu’à 50 % du salaire journalier, jusqu’à un plafond de 1,4 Smic, contre 1,8 Smic actuellement, en cas d’arrêt maladie de plus de quatre jours.

Vous voulez également, chers collègues de la majorité sénatoriale, leur prendre 2,5 milliards d’euros de revenus avec une seconde journée de « solidarité », que vous n’osez plus appeler ainsi, et pour cause : il est difficile de parler de solidarité quand les salariés sont ainsi mis à contribution, alors que la moindre diminution des exonérations de cotisations sociales est battue en brèche !

Quelque 4 milliards d’euros de moins sur les près de 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations au total, c’est encore trop !

Plus globalement, qui peut raisonnablement penser qu’un objectif de dépenses de santé en augmentation de 2,8 % en 2025 est réellement tenable ? La Commission européenne y croit peut-être, mais pas nos concitoyens, ni nous ! Les hôpitaux sont à l’os et vous fixez un Ondam hospitalier qui n’augmente que de 0,3 %. Voilà la réalité ! Quand on ajoute à l’inflation l’augmentation du taux de cotisation à la CNRACL, étaler celle-ci sur quatre ans, plutôt que sur trois ans, ne changera pas grand-chose à l’affaire.

Ce régime ne peut qu’amplifier un phénomène que nous ne connaissons déjà que trop bien : des hôpitaux exsangues, des agents usés, malgré leur dévouement, par des conditions de travail toujours plus difficiles… La désertification médicale touche 87 % du territoire national. Selon le rapport d’information Inégalités territoriales daccès aux soins : aux grands maux, les grands remèdes, rendu la semaine dernière par M. Rojouan, la France a perdu plus de 2 500 médecins depuis deux ans et elle entre dans une « décennie noire médicale ».

Comme le souligne notre collègue, des mesures timides ont été prises dans de précédents PLFSS ou au travers de textes d’initiative parlementaire, alors qu’une thérapie de choc est nécessaire. Tandis que M. Rojouan pointe l’insuffisance de la dynamique actuelle de formation des médecins pour répondre aux besoins, aucune solution ne figure dans ce PLFSS 2025.

Précisément pour combler ce manque, nous proposerons des amendements visant à réguler l’installation des médecins, une idée désormais majoritaire dans notre pays, même s’il y a débat – c’est légitime – sur l’endroit où il convient de placer le curseur de cette régulation.

Ce PLFSS devrait en l’état être l’occasion d’établir un plan pluriannuel de financement du grand âge. Or, non seulement il n’en est rien, mais la majorité sénatoriale a une nouvelle marotte : les salariés devront travailler plus pour gagner moins !

Alors que près de deux tiers des Ehpad sont en déficit – le chiffre monte à 85 % pour les établissements publics –, les crédits du PLFSS ne permettront pas de sortir ces structures de l’ornière. Que dire de la création de 6 500 équivalents temps plein, c’est-à-dire pas même un par établissement, quand le taux d’encadrement, ou, comme on dit, le « ratio », reste un vrai sujet en France ?

Par le biais de motions adoptées en conseil d’administration, de nombreux Ehpad nous ont pourtant avertis de leurs difficultés à faire face à l’inflation de ces derniers mois et à l’insuffisante compensation des mesures de revalorisation salariale.

Du côté des médicaments, les pénuries se sont encore accrues ces derniers mois. Les choix stratégiques de grands industriels risquent de faire perdre à la France un peu plus de sa souveraineté sanitaire et industrielle. Je pense à Sanofi et à la vente de sa filiale Opella : les garanties demandées au moment de la cession sont de court terme, comme les exigences de rentabilité du fonds d’investissement « acquéreur ».

Nous proposons donc de mettre davantage à contribution l’industrie pharmaceutique, qui est par ailleurs largement bénéficiaire de fonds publics, notamment au travers du crédit d’impôt recherche.

S’agissant de la branche famille, nous formulerons aussi des propositions. Le livre de Victor Castanet, Les Ogres, a montré les dérives des crèches privées lucratives. Aussi demanderons-nous des moyens pour les collectivités, à qui il reviendra d’assurer le service public de la petite enfance.

Mesdames, messieurs les ministres, vous avez qualifié ce PLFSS de « perfectible ». Ô combien l’est-il ! Lorsque, main dans la main, majorité sénatoriale et Gouvernement, vous lâchez du lest face aux mécontentements, vous récupérez d’un côté ce que vous avez donné de l’autre.

Ce PLFSS ne produira, à la fin, que davantage de mécontentements. Il y en a pourtant déjà tant et tant dans le pays. Une autre voie est possible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)