Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Merci !

M. le président. La parole est à M. Alain Milon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Milon. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale est une prison pour les parlementaires : ils sont prisonniers d’un texte, sous la menace des canons Caesar de l’article 40 ou des tirs de HK 416 de l’article 45 de la Constitution. (Sourires.)

Comme l’ensemble de nos concitoyens, qui placent la santé au premier rang de leurs préoccupations, nous ressentons, en tant que parlementaires, la désintégration de notre système de santé, dont la crise de la covid-19 fut un révélateur. Cette désintégration s’explique par des maux structurels et plusieurs décennies de renoncement.

Le système de santé français est fondé sur les principes d’universalité, d’égalité, d’accessibilité et de qualité. Alors qu’il a longtemps figuré parmi les plus performants, il est aujourd’hui en cours d’effondrement.

Nous ressentons tous le besoin d’une réforme structurelle, mais elle ne peut venir d’un PLFSS trop restreint, sans vision d’avenir, annuel et désormais stérile, tant il est tendu vers le respect du dogme de la gratuité de tout pour tous et d’un Ondam complètement déconnecté des besoins en santé des Françaises et des Français.

Depuis la création de la sécurité sociale, l’augmentation et le vieillissement de la population, ainsi que les progrès considérables de la médecine, entraînent une hausse des coûts de l’ordre de 4 % par an, alors que la croissance est de 1 %. L’ajustement se fait donc par une diminution de la qualité des soins, par le rationnement, qu’il s’agisse de l’instauration d’un numerus apertus ou de la multiplication des déserts médicaux, financièrement par l’Ondam et administrativement par la bureaucratisation.

Le gouvernement actuel est trop récent pour que l’on puisse lui imputer la responsabilité intégrale de ce PLFSS, mais il doit pouvoir, dans les mois à venir, se débarrasser du carcan purement financier qui pèse sur la santé. Le sauvetage de notre système de santé passe par une profonde transformation, vous l’avez dit, madame la ministre.

Le premier principe hérité de 1945 est l’universalité : tous nos concitoyens jouissent des mêmes droits fondamentaux du fait de leur humanité.

À quand une loi déterminant les compétences financières respectives de l’assurance maladie obligatoire (AMO) et de l’assurance maladie complémentaire (AMC), qui dise qui fait quoi et qui dépense quoi ? À quand l’égalité face à l’AMC ? Quand les acteurs de l’AMC pourront-ils ne plus être des payeurs aveugles ?

À quand une loi de programmation structurelle sur l’organisation et le financement de la santé qui donnerait une visibilité à long terme à l’ensemble des acteurs de santé sur notre territoire ?

À quand une véritable décentralisation, et non une déconcentration des services comme c’est le cas aujourd’hui, qui permettrait aux régions d’intervenir dans la politique de santé, par exemple par un objectif régional de dépenses d’assurance maladie (Ordam), dont le plafond serait annuellement déterminé par le Parlement, afin d’éviter les distorsions financières entre les régions ?

À quand un investissement significatif dans la prévention, à partir des données de santé dont nous disposons et qui sont, me semble-t-il, particulièrement nombreuses, de qualité et complètes ?

Le deuxième principe hérité de 1945 est l’égalité.

À quand une réelle politique d’organisation territoriale de la santé, en concertation avec tous les acteurs de santé d’un bassin de vie, et une reconfiguration du parcours de soins structuré ?

À quand une politique volontaire de lutte contre la financiarisation galopante de notre organisation de la santé dans les territoires ? À cet égard, le rapport du Sénat sur ce sujet particulièrement inquiétant doit nous orienter vers une solution satisfaisante.

Le troisième principe est l’accessibilité.

On entend souvent dire que les hôpitaux ont reçu beaucoup d’argent ces dernières années. Les personnels ont certes bénéficié de revalorisations salariales, mais les établissements n’ont pas vu leurs effectifs augmenter pour autant. Circonstance aggravante, les crédits accordés pour financer ces augmentations n’ont pas été entièrement alloués, en raison du déficit de la sécurité sociale.

Face aux critiques sur la dégradation des conditions de travail liée au manque de personnel, le message affiché est de ne pas toucher à l’emploi. La variable d’ajustement consiste à geler des emplois par des différés de recrutement et à réduire les dotations aux investissements, ce qui est grave pour l’avenir de l’hôpital.

Aussi, face au manque de personnel, on ferme des lits. Ne pourrait-on pas prendre le temps d’analyser et d’agir autrement, en instaurant, par exemple, un moratoire d’une année de non-fermeture de lits d’hôpitaux ?

À quand, comme en 1958, une politique volontaire de réorganisation du système hospitalier, par exemple en transformant les hôpitaux, y compris les centres hospitaliers universitaires (CHU), en fondations dotées d’un conseil d’administration, travaillant en concertation avec l’ensemble des acteurs de l’hôpital et autour de l’hôpital ?

Le quatrième principe est la qualité.

La qualité se dégrade. Les défauts et les retards de prise en charge se multiplient. L’accès aux soins est devenu difficile, les déserts médicaux se multipliant et certaines spécialités étant sinistrées. Les soignants fuient l’hôpital public, tandis que les médecins de ville, paupérisés et accablés par les tâches administratives, se désengagent.

Le maintien en bonne santé de nos concitoyens grâce à une diffusion des mesures de prévention dans tous les domaines, y compris dans celui de la nutrition, est nécessaire, même si l’on doit mettre en place des mesures de rétorsion, mal comprises par quelques-uns.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ce sujet, beaucoup de réformes à mener dans ce domaine essentiel qui concerne tous nos concitoyens aux différents moments de leur vie, mais le temps de parole de sept minutes qui m’est alloué est insuffisant. Pour finir, je m’en tiendrai donc à quelques généralités, avec lesquelles, je le sais, vous serez d’accord, mes chers collègues.

La prévention doit prendre une place centrale dans tout système de santé. Le vieillissement est une chance, mais il peut devenir une menace s’il ne se fait pas en bonne santé. Faisons de la sécurité sociale une institution démocratique, gérée par des représentants des usagers. Gérons la santé de nos concitoyens en prenant en compte leurs besoins et leur lieu de vie. Et faisons confiance aux professionnels de santé.

Préserver la santé de nos concitoyens passe également par une politique de soutien à l’innovation, que ce soit en matière de thérapie génique ou d’intelligence artificielle (IA). Souvent décriée, l’IA permettrait des avancées considérables en rendant possible la détection très en amont d’un certain nombre de pathologies, notamment cancéreuses.

Bien évidemment, un tel soutien est coûteux, mais il est inévitable si l’on veut rester un pays performant en matière de santé, si l’on veut à terme faire des économies importantes et, surtout, sauver des vies. C’est là l’essence même de toute politique de santé. L’investissement n’en vaut-il pas la peine ?

Pour conclure, vous l’aurez compris, j’encourage le Gouvernement à faire des réformes structurelles. Des économies substantielles seraient ainsi réalisées et pourraient permettre d’optimiser l’ensemble de notre système de santé, au bénéfice de ses acteurs, de ses financeurs et des assurés sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen du PLFSS pour 2025, qui est marqué par un effort inédit en faveur du redressement des finances publiques et des comptes sociaux. La pandémie de covid-19 et les crises sociale et économique qui lui ont succédé ont en effet entraîné une augmentation importante des dépenses de l’ensemble des administrations publiques.

Face au déficit de 18 milliards d’euros des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2024 et aux perspectives négatives pour les quatre années à venir, il nous revient d’engager des efforts importants pour reprendre la maîtrise de nos comptes sociaux et ne pas laisser aux générations futures une dette qui serait insoutenable.

Cela étant, le PLFSS pour 2025 prévoit un budget de 662 milliards d’euros pour la protection de nos concitoyens, soit la moitié de la dépense publique et le tiers de notre richesse nationale. Au total, 263,9 milliards d’euros sont consacrés à l’Ondam, soit une hausse de 2,8 % par rapport à l’Ondam révisé pour 2024.

Contrairement à ce que certains affirment, ce PLFSS est donc un budget non pas d’austérité, mais de responsabilité. Le groupe RDPI soutient résolument la trajectoire de réduction des déficits publics voulue par le Premier ministre et son gouvernement.

Si le déficit actuel et prévisionnel des comptes sociaux invite à mener des réformes structurelles et à accroître l’efficience de notre système de santé, nous considérons avec prudence toute mesure qui viendrait affecter les politiques de soutien à l’emploi que nous avons menées avec succès depuis sept ans. Favoriser le travail et la compétitivité de nos entreprises, c’est améliorer l’état de nos comptes sociaux.

M. Xavier Iacovelli. Très bien !

Mme Solanges Nadille. Nous avons donc sur l’article 6 un point de divergence, sur lequel nous reviendrons.

Cette exigence en faveur de l’emploi, notamment des bas salaires, nous l’aurons également concernant les apprentis et les jeunes entreprises innovantes.

La politique de l’apprentissage ambitieuse menée par les précédents gouvernements a permis de porter de 300 000 à 850 000 le nombre d’apprentis en sept ans. Ne dilapidons pas cette réussite ! Nous sommes cependant satisfaits des mesures proposées en faveur de nos agriculteurs pour leur retraite – elles sont fondamentales –, mais aussi de la généralisation du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO-DE).

L’autonomie des personnes âgées et handicapées constitue une autre priorité pour notre groupe. Dans un contexte budgétaire très contraint, nous apprécions l’effort budgétaire proposé en faveur de la cinquième branche.

Il nous faudra toutefois faire plus pour nos Ehpad. Le récent rapport sénatorial sur la situation de ces établissements, dont j’ai été corapporteure, démontre l’urgence de financer davantage ce secteur et contient des solutions que j’invite le Gouvernement à reprendre dans les prochains mois.

Avant de conclure, j’évoquerai les outre-mer. Face aux difficultés structurelles des territoires ultramarins, nous devons faire plus.

Dans ce texte, cela passe d’abord par la préservation du dispositif prévu dans la loi pour le développement économique des outre-mer, dite Lodéom, auquel nous tenons, ou encore par un effort accru en faveur de la continuité territoriale pour l’accès aux soins. Alors que la population est de plus en plus âgée et que le parc des Ehpad est très vieillissant, il faudra aussi continuer de décliner le plan de rattrapage de l’offre d’Ehpad en outre-mer. Le groupe RDPI, composé pour moitié de sénateurs ultramarins, y veillera.

Vous l’aurez compris, nous soutiendrons de manière exigeante ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous chercherons toutefois à améliorer, afin de mieux protéger nos concitoyens, tout en garantissant à terme la soutenabilité de notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales applaudit également.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, que nous examinons aujourd’hui, répond certes aux impératifs budgétaires immédiats, lesquels doivent nous obliger à penser des réformes systémiques essentielles au maintien de notre protection sociale.

Toutefois, force est de constater que les simples ajustements qui devraient garantir la pérennité et la soutenabilité de notre système de solidarité demeurent, et demeureront, insuffisants. Il faudra s’interroger sur les dépenses parfois surprenantes et excessives.

Pour autant, nous notons la préservation de la branche autonomie. Son budget grimpe en effet à 42,4 milliards d’euros, soit une hausse de 6 % par rapport à 2024, même si, nous le savons tous, c’est insuffisant. Le sous-Ondam médico-social augmente quant à lui de 4,7 %.

Parmi les mesures phares de ce PLFSS, on relève un effort notable de 1,2 milliard d’euros pour le secteur médico-social, afin notamment de renforcer l’attractivité des métiers de l’aide à domicile, en revalorisant les conditions de travail et en encourageant la montée en charge des mesures récentes, telles que la tarification des soins infirmiers à domicile.

Le budget alloué à l’aide à domicile inclut également une subvention exceptionnelle de 100 millions d’euros aux départements. Il s’agit de renforcer la mobilité et le soutien des personnels du secteur. Une nouvelle fois, ce montant est en deçà des attentes des départements, qui connaissent de grandes difficultés financières.

Ce soutien, à la suite de l’adoption de la loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie, est néanmoins une avancée. Il permettra de renforcer l’autonomie des seniors et de leur offrir la possibilité de rester chez eux, dans des conditions optimales de sécurité et de bien-être. Le recrutement de 6 500 professionnels en Ehpad, soutenu par un financement de 380 millions d’euros, constitue aussi un pas en avant.

Cependant, je veux ici que nous nous interrogions sur la notion d’attractivité, devenue trop habituelle, voire automatique. Nous ne connaissons pas un seul secteur d’activité qui ne connaisse pas un déficit de recrutement… Les conditions salariales et l’accès à des formations sont évidemment une partie de la réponse. Le Ségur de la santé y avait déjà partiellement répondu. En sont-elles pour autant l’unique substance ? Je ne le pense pas.

Il ne faudra pas occulter, lors de nos débats, l’ensemble des facteurs, afin de garantir l’efficience de ces fonds. Le lancement d’une campagne de promotion dans le secteur médico-social est une initiative bienvenue, sur le modèle de ce que font nos armées, pour valoriser ces métiers tournés vers l’autre.

L’effort consenti pour financer le déploiement de 50 000 solutions d’accueil pour les personnes en situation de handicap mérite d’être relevé. Nous savons qu’une telle offre est indispensable pour assurer un accompagnement digne et adapté à chacun et pour soulager les familles, qui portent souvent seules cette charge.

À cet égard, je me réjouis tout particulièrement de constater que nous faisons justement un pas de plus pour les proches aidants, dont le rôle est aussi essentiel qu’épuisant.

Ce soutien va dans le sens de la stratégie nationale 2023-2027, qui prévoit des solutions de répit pour ces aidants, afin de leur permettre de souffler et de retrouver des forces pour accompagner au mieux leurs proches. Cependant, je tiens à souligner que le congé de proche aidant n’est toujours pas adapté pour être pleinement effectif.

Mes chers collègues, je veux ici vous alerter collectivement sur le financement global de notre système de sécurité sociale.

Vous le savez, l’augmentation de 63 milliards d’euros de l’Ondam depuis 2019 nous impose aujourd’hui une gestion responsable et rigoureuse. La crise sanitaire a nécessité des financements d’urgence, que personne ici ne remet en cause, mais il est temps de revenir à un cadre de dépenses plus équilibré, pour garantir la pérennité de notre système.

Aussi, dans ce contexte de nécessaire rigueur budgétaire, il est crucial de réfléchir à des sources de financement complémentaires, pour répondre aux besoins spécifiques de notre système de solidarité, en particulier pour la prise en charge de l’autonomie.

Le temps est non pas à de nouvelles dépenses, mais à la sobriété. J’aurais pourtant voulu vous parler de prévention et ouvrir la réflexion sur l’abaissement à 45 ans de l’âge d’éligibilité aux dépistages de certains cancers, notamment le cancer colorectal. L’augmentation du nombre de cas précoces, en lien avec les évolutions de nos modes de vie, nous invite à évaluer notre stratégie actuelle de prévention et à vérifier si elle répond pleinement aux défis de santé publique.

Le temps est surtout venu de faire de nouvelles économies.

À cet égard, j’apporte mon plein soutien à la création d’une journée de solidarité pour financer la branche autonomie. En complément de la première journée de solidarité instaurée en 2004, cette contribution permettra d’augmenter les ressources de la branche autonomie de près de 2,5 milliards d’euros. Il s’agit d’un soutien essentiel pour aider les 86 % des Ehpad qui sont en grande difficulté et menacent de fermer, ou encore pour financer le remboursement intégral des fauteuils roulants.

Surtout, à quand une véritable réforme de notre système de santé ? J’ai l’impression que, chaque année, nous faisons les mêmes constats et nous contentons de simples aménagements à la marge…

Alors que l’hôpital public va bénéficier d’une nouvelle hausse de 3 milliards d’euros, le service public ne s’améliore pas pour autant et ne satisfait pas la population. Certes, le renforcement des soins palliatifs dans les territoires, notamment l’ouverture d’unités dans vingt-quatre départements qui en étaient jusqu’alors dépourvus, est une avancée décisive.

Permettez-moi de vous faire une proposition, monsieur le ministre, que vous pourriez reprendre à votre compte, concernant le remboursement des équipements de santé en matière optique et auditive. Face à l’évolution des usages vers une logique plus consumériste et à l’augmentation continue des dépenses, un ajustement des règles de remboursement pourrait se révéler pertinent : on pourrait par exemple envisager un allongement de la périodicité de remboursement de deux à trois ans.

En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce texte, tout en appelant de ses vœux des réformes courageuses et des solutions durables pour garantir la pérennité de notre modèle de protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis deux ans, alors que les coûts liés à la pandémie se sont estompés, la majorité sénatoriale n’a pas eu de mots assez durs pour dénoncer la trajectoire de déficit des comptes de la sécurité sociale. Et elle avait raison !

Mais voilà, parvenue au gouvernement, cette même majorité nous annonce 60 milliards d’euros de déficit en quatre ans et ne réduit nullement le déficit cette année. Quelle déception ! (Sourires sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Aussi, vous qui n’avez pas la légitimité des urnes, chers collègues de la majorité sénatoriale, ayez au moins celle de l’action. Il est possible, il est raisonnable, il est nécessaire de ramener la sécurité sociale à l’équilibre en trois ans, comme l’a indiqué Annie Le Houerou. C’est la trajectoire que nous défendons : 9 milliards d’euros de déficit en 2025, quelque 5 milliards d’euros en 2026 et l’équilibre en 2027.

Pour y parvenir, il faut renoncer progressivement aux exonérations qui n’ont pas d’effets sur l’emploi. Nous proposons d’en supprimer pour un montant de 4 milliards d’euros en 2025, en sus de la proposition du Premier ministre, sur laquelle vous revenez.

Ensuite, plutôt que de réduire d’un milliard d’euros les remboursements de consultations ou de médicaments des assurés sociaux, nous proposons de mettre à contribution les produits qui entraînent des coûts directs, que la fiscalité qui leur est appliquée ne couvre pas : le tabac et les alcools, pour 6 milliards d’euros, et les aliments ultratransformés. Vous avez ouvert ce dossier.

Certains dans cet hémicycle proposent d’infliger deux points de hausse de TVA à tous les Français. Pour notre part, nous préférons porter de 9,2 % à 10,6 % la CSG sur les revenus du capital. Nous pensons en effet que défendre la valeur travail passe par des mesures de justice fiscale et par la fin de l’injuste sous-taxation du capital par rapport au travail.

Enfin, nous soutiendrons les mesures renforçant la pertinence des soins, car il n’est plus supportable de gaspiller l’argent de la sécurité sociale.

Notre système de santé ne peut pas être un open bar où des acteurs financiers viennent se servir des taux de rentabilité à deux chiffres et où les actes se multiplient, déconnectés des besoins de santé, quand par ailleurs trop de nos concitoyens n’accèdent plus aux soins nécessaires. La gabegie est insupportable en temps de pénurie.

Nous proposons une gestion responsable et solidaire, qui permettrait, tout en réduisant le déficit à 9 milliards d’euros dès cette année, d’allouer 2 milliards d’euros de plus à nos hôpitaux et 1 milliard d’euros à la branche autonomie, tout en évitant les déremboursements.

Néanmoins, nous ne voulons pas seulement bien gérer la sécurité sociale : nous voulons transformer en profondeur l’élaboration du budget santé du pays. Nous proposons d’en renverser la logique actuelle, qui est centralisée, court-termiste et déconnectée de la délibération sur les besoins de santé et les priorités de santé publique. Jamais notre pays ne mènera l’indispensable virage de la prévention dans le cadre actuel.

Il faut changer la loi, pour que le travail collectif sur le budget de la santé commence chaque printemps dans les départements, sous le double pilotage des agences régionales de santé et des élus, avec la participation de l’ensemble des acteurs de santé et des usagers. C’est à l’échelon départemental que doivent être déterminés les objectifs et les priorités locales de santé publique.

C’est ensuite au Parlement qu’il doit revenir, au début de l’été, d’adopter le cadrage national du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en intégrant les priorités des territoires, et de procéder à l’allocation des moyens en fonction des objectifs fixés.

Mes chers collègues, continuer dans la voie de ce PLFSS accroîtrait l’incompréhension des Français, qui subissent la dégradation de l’offre de soins, ainsi que celle des acteurs de santé, qui constatent la déconnexion entre les arbitrages et les besoins de santé et qui revendiquent une juste place pour chacun.

La promesse de tout changer après la pandémie s’est évanouie. Vous ne changez rien, promettant toujours pour demain, ce qui ne vous engage à rien, alors que notre sécurité sociale mérite d’être mieux gérée que ne l’est l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre modèle social, qui fait la fierté de notre pays, est aujourd’hui confronté à une situation critique.

Le déficit des finances sociales, anticipé à 18 milliards d’euros pour 2024, dépasse largement les prévisions initiales. Si nous ne réagissons pas rapidement, ce montant pourrait atteindre 28 milliards d’euros dès 2025. Il est de notre responsabilité collective de préserver et de renforcer ce pilier fondamental de notre société, car, derrière ces chiffres, c’est l’avenir de notre système de santé qui est en jeu.

Ce défi est une chance de transformation, une occasion de redéfinir ensemble un équilibre qui concilie la soutenabilité financière et les attentes des Français. Notre ambition doit être claire : construire un système de santé plus efficace, plus accessible et surtout capable de répondre aux besoins futurs.

En investissant dans la prévention, nous pouvons non seulement protéger la santé de nos concitoyens, mais également réduire les coûts pour notre système de soins. La vaccination, par exemple, est un outil puissant : elle sauve des vies, prévient des maladies graves, réduit les hospitalisations et se révèle économiquement judicieuse.

Nous devons aller encore plus loin en matière de politique vaccinale. Je proposerai un amendement visant à intégrer la promotion de la vaccination dans les rendez-vous de prévention. Par ailleurs, une politique de vaccination locale, renforcée et mieux coordonnée avec les agences régionales de santé permettrait d’améliorer l’accès aux vaccins sur tout le territoire, y compris dans les zones les plus isolées.

Les défis auxquels nous faisons face appellent également des solutions audacieuses et innovantes.

La fiscalité comportementale en est une : en dissuadant la consommation de produits nocifs comme le tabac ou les boissons sucrées, nous protégeons nos concitoyens tout en réalisant des économies substantielles. Une hausse progressive du prix du tabac, par exemple, pourrait sauver des milliers de vies, tout en réduisant la charge financière liée aux maladies qu’il provoque.

Ce n’est pas une utopie : des initiatives passées, comme le plan Cancer ou les hausses fiscales décidées de 2017 à 2020, ont démontré leur efficacité. Réduire le nombre de fumeurs, c’est diminuer le nombre de maladies chroniques, les hospitalisations et les coûts pour la sécurité sociale. C’est investir pour des Français en meilleure santé.

Enfin, nous ne pouvons ignorer les fractures territoriales et numériques, qui privent encore trop de Français d’un accès équitable à la santé. Les déserts médicaux ne sont pas seulement des zones sans médecins : ce sont aussi des territoires où la prévention et l’information sont absentes et où l’accès aux soins devient un parcours du combattant.

Je propose donc de créer de tiers lieux de prévention dans ces zones, véritables espaces d’accompagnement, d’information et de soins de proximité. En combinant innovation sociale et mobilisation locale, nous pourrons reconnecter ces territoires au cœur de notre système de santé.

Je tiens par ailleurs à attirer l’attention sur un problème essentiel qui menace l’excellence de notre système de santé : la diminution alarmante du nombre de spécialistes, notamment en pédiatrie et en psychiatrie. Ces secteurs, si essentiels pour nos enfants et pour les plus vulnérables, ne peuvent être laissés en souffrance. L’excellence médicale française, bâtie sur des décennies de formation rigoureuse et d’expertise reconnue, risque de s’éroder si nous n’agissons pas.

Il serait illusoire de croire que nous pourrons maintenir le même niveau de soin et d’accompagnement avec un nombre décroissant de médecins.

Certes, la délégation de tâches représente une avancée bienvenue, mais cela ne pourra jamais remplacer la présence, indispensable, de spécialistes compétents, capables de répondre aux besoins complexes de nos concitoyens. Investir dans la formation et l’attractivité de ces métiers, c’est investir dans la santé et l’avenir de notre nation.

Mes chers collègues, si les défis sont immenses, notre capacité à les relever l’est aussi. Nous tenons entre nos mains la possibilité d’assurer la pérennité et l’excellence de notre système de santé. Prévention, innovation, accès pour tous : ces priorités doivent guider nos choix. Il est indispensable aujourd’hui d’envisager des réformes structurelles. C’est ensemble que nous trouverons des solutions pour protéger notre modèle social, pour le rendre plus juste, plus durable et plus efficace. C’est ensemble que nous garantirons à chaque Français, où qu’il vive, une santé digne de nos valeurs et de nos ambitions.

L’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une occasion précieuse de poser les bases d’un système de santé plus juste, plus efficient et tourné l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)