Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. En 2024, les exonérations et les exemptions de cotisations sociales ont représenté – faut-il le rappeler ? – 88 milliards d’euros. Chaque année, le coût des baisses de cotisations sociales augmente de 10 %.

Engagée depuis des décennies et maintenue coûte que coûte, comme un mantra, l’augmentation incontrôlée des exonérations de cotisations entraîne un double mouvement d’assèchement des recettes de la sécurité sociale et d’étatisation.

Chaque année, nous cherchons ici même, au Sénat, lors de l’examen des PLFSS, à faire en sorte que des compensations soient versées à la sécurité sociale via des transferts de recettes fiscales, principalement CSG et TVA. Ces compensations restent partielles et dénaturent notre modèle de protection sociale.

Pourtant, la politique d’exonération de cotisations sociales, justifiée par le « coût du travail », a démontré son inefficacité.

Le CICE a coûté 20 milliards d’euros et a créé ou sauvé seulement 100 000 emplois, ce qui représente pour chaque poste 200 000 euros d’argent public. Voilà un beau cadeau !

En 2023, les exonérations de cotisations représentaient 16 % des 486 milliards d’euros de l’excédent brut des entreprises. Les niches sociales ont donc des conséquences négatives très importantes sur les recettes de la sécurité sociale et, plus généralement, sur les finances publiques.

Le PLFSS pour 2025 porte une refonte des allégements de cotisations sociales directement inspirée par le rapport de la mission Bozio-Wasmer, publié le 3 octobre dernier. Il est ainsi prévu dans le présent article 6 de concentrer les allégements sur les niveaux de rémunération compris entre 1,3 Smic et 1,9 Smic, afin de récupérer 5 milliards d’euros. Pourtant, malgré cet effort apparent, la part des cotisations sociales dans le financement de la sécurité sociale continue de s’effondrer.

Néanmoins, nous prenons cet article pour ce qu’il est : un premier pas vers la remise en question des allégements de cotisations sociales. Nous voterons donc pour.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. En esquissant une réforme des exonérations de cotisations, le Gouvernement entame enfin un débat nécessaire, car l’explosion de ces exonérations grève les comptes publics.

Actuellement, les exonérations en faveur de l’emploi s’élèvent à près de 91 milliards d’euros. Hors exemptions, elles sont plafonnées à 14 % des recettes de la sécurité sociale et on a désormais atteint ce maximum. Il n’est donc pas possible de prévoir d’autres niches…

Certes, la plupart de ces exonérations sont compensées à la sécurité sociale, mais le coût est énorme pour les finances publiques, alors même que leurs effets sur l’emploi n’ont jamais été démontrés au-delà de 2 Smic.

Même les économistes mandatés par le Gouvernement, MM. Bozio et Wasmer, n’ont pas réussi à démontrer l’effet positif des exonérations de cotisations sur l’emploi au-delà de 2 Smic ou sur la compétitivité des entreprises. C’est pourquoi le Conseil d’analyse économique a recommandé de remettre en cause les exonérations au-delà de 1,6 Smic.

Je l’évoquais précédemment, 3 milliards d’euros correspondant à la défiscalisation des heures supplémentaires ne sont même pas compensés à la sécurité sociale. Il faut y ajouter le coût des exemptions de cotisations sociales sur les compléments de salaire, lesquelles représentent un manque à gagner évalué par la Cour des comptes à 19 milliards d’euros en 2023 qui n’est pas compensé. Ce montant, qui a doublé depuis 2018, est à mettre en correspondance avec le retour du déficit de la sécurité sociale, et ce jusqu’en 2023.

Le budget de l’État et celui de la sécurité sociale gagneraient à ce que ces exonérations soient remises en cause et à ce qu’elles soient justement compensées pour la sécurité sociale, mais aussi à ce que les revenus exemptés soient intégrés dans l’assiette des cotisations.

Le présent article ne prévoit qu’un léger lissage des exonérations, pour un gain de 4 milliards d’euros, ramené à 3 milliards par la commission, alors que la mise en place d’un point de sortie des allégements de cotisations à 2 Smic rapporterait 8 milliards d’euros. Mes chers collègues, soyons sérieux et ambitieux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article.

Mme Annie Le Houerou. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain salue également ce premier effort de remise en cause de la politique d’exonération des cotisations. Pour autant, madame la ministre, nous devons aller plus loin.

En allégeant les exonérations pour les rémunérations allant jusqu’à 3,5 Smic et en supprimant la réduction de cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales, le présent article aura pour conséquence de diminuer de 4 milliards d’euros le montant des allégements de cotisations, qui est actuellement de 80 milliards.

Le rapport Bozio-Wasmer, commandé à l’issue de la conférence sociale du 16 octobre 2023, préconisait d’aller plus loin en diminuant les exonérations pour les rémunérations allant jusqu’à 2,5 Smic, ce qui permettrait de dégager 6 milliards d’euros.

Nous proposons d’aller encore plus loin en fixant le point de sortie des exonérations à 2 Smic, ce qui permettrait de dégager 8 milliards d’euros – un montant très précieux pour l’équilibre de nos comptes.

Rappelons que la sécurité sociale française repose sur un système simple : le travail crée un devoir de contribution pour la mutualisation des risques et ouvre un droit à la prise en charge solidarisée des aléas de la vie. Les politiques des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ont délégitimé ce fonctionnement et fragilisé le principe de solidarité et de mutualisation des risques.

M. Michel Savin. C’est vrai !

Mme Annie Le Houerou. Or c’est la base de notre système de sécurité sociale !

Nous voulons trouver l’équilibre, en supprimant les exonérations qui n’ont aucun impact sur l’emploi et sur la compétitivité de nos entreprises.

Vous l’avez dit, madame la ministre, notre sécurité sociale est un trésor national que nous devons protéger. Pour cela, il nous faut des recettes !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. La réforme des allégements généraux prévue à l’article 6 permettra d’augmenter les recettes publiques de 4 milliards d’euros.

Le Gouvernement entend simplifier un dispositif dans lequel les exonérations s’appliquent jusqu’à 1,6 Smic, se stabilisent jusqu’à 2,5 Smic, diminuent alors et se stabilisent jusqu’à 3,5 Smic, puis disparaissent.

Il prévoit d’augmenter les charges patronales sur les salaires situés entre 1 Smic et 1,3 Smic. Puis, à partir de 2026, dans le cadre d’un dispositif unique, ce qui simplifiera les choses, les cotisations sociales seront dégressives jusqu’à 3 Smic.

Il est vrai que les mécanismes en vigueur ont entraîné, du fait de la hausse du Smic, une augmentation des allégements de cotisations, lesquels ont atteint 80 milliards d’euros, contre 60 milliards en 2021. En outre, la dégressivité rapide des allégements à partir du Smic n’incite pas à la revalorisation des bas salaires.

L’objectif est ici de favoriser la revalorisation des bas salaires. Or la forte diminution des exonérations portant sur ces bas salaires pourrait entraîner, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la destruction de 50 000 emplois, dont 15 000 en 2025. L’expérience des années 2012-2017 et 2018-2023 en termes de créations d’entreprises nous a montré qu’il fallait être prudent.

Je suis d’accord avec la rapporteure générale : pour préserver l’emploi, il faut protéger les salaires qui sont proches du Smic, sans remettre en cause l’équilibre général de la mesure.

Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements identiques.

L’amendement n° 111 rectifié bis est présenté par Mme V. Boyer, MM. Panunzi et Bouchet et Mmes Bonfanti-Dossat, Dumont et Petrus.

L’amendement n° 197 est présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

L’amendement n° 209 rectifié ter est présenté par MM. Pellevat, Pointereau, Meignen et J.P. Vogel, Mme Belrhiti, MM. Chatillon et Paul, Mmes Perrot et Bellurot et M. Gremillet.

L’amendement n° 246 rectifié sexies est présenté par MM. V. Louault, Chasseing, Capus, Médevielle, Chevalier, Grand, Brault et Rochette, Mme L. Darcos et M. Wattebled.

L’amendement n° 405 rectifié ter est présenté par MM. Iacovelli, Patriat et Rambaud, Mme Phinera-Horth, M. Fouassin, Mme Schillinger, M. Patient, Mmes Nadille et Havet, M. Rohfritsch, Mme Cazebonne, MM. Buval, Lemoyne et Lévrier, Mme Duranton, MM. Buis et Omar Oili et Mme Lermytte.

L’amendement n° 502 rectifié quater est présenté par M. Sautarel, Mme Jacques, MM. P. Vidal, H. Leroy et Genet, Mmes Drexler et Demas, MM. Lefèvre, Mandelli, Anglars, Houpert, Belin, C. Vial, Klinger et Chaize, Mme P. Martin et M. Cuypers.

L’amendement n° 609 rectifié bis est présenté par MM. Masset, Daubet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold et Guiol, Mmes Jouve et Pantel et M. Roux.

L’amendement n° 800 rectifié bis est présenté par Mmes Micouleau, Aeschlimann et Joseph.

L’amendement n° 919 est présenté par Mme Ramia.

L’amendement n° 1167 rectifié bis est présenté par MM. J.B. Blanc et Reynaud, Mme Ventalon, MM. Khalifé et Cambier, Mmes Gosselin et Noël, M. Daubresse, Mme Guidez, MM. Somon et Courtial, Mme Evren et MM. Dhersin et Haye.

Ces dix amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, pour présenter l’amendement n° 111 rectifié bis.

M. Jean-Jacques Panunzi. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart, pour présenter l’amendement n° 197.

M. Joshua Hochart. L’article 6 de ce PLFSS constitue une menace directe pour l’emploi et le tissu économique de notre pays. En augmentant le coût du travail de plus de 5 milliards d’euros via une réforme des allégements de charges patronales, notamment sur les bas salaires, le Gouvernement prend un risque considérable.

D’abord, cette mesure n’améliorera en rien le pouvoir d’achat des salariés. Au contraire, elle entraînera un gel des salaires renforçant ce que vous avez appelé la « smicardisation », c’est-à-dire une convergence vers le salaire minimum au détriment des revalorisations salariales.

Ensuite, les entreprises de services, notamment, qui ont prouvé leur rôle moteur en créant plus de 2 millions d’emplois en vingt ans, seront durement touchées. Ces emplois, souvent accessibles sans qualification élevée et répartis sur l’ensemble du territoire, risquent de disparaître. Pour de nombreuses très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), dans lesquelles la moindre augmentation des salaires et des charges a des conséquences importantes en termes de coûts, cette réforme pourrait tout simplement signifier la fin de leur activité.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’impact sur le chômage : la hausse des charges pèsera sur la création d’emplois, particulièrement pour les publics les plus vulnérables. Dans un contexte déjà difficile où l’inflation fragilise les entreprises et les ménages, cette réforme pourrait provoquer des fermetures en cascade, aggravant encore la situation économique du pays.

Face à ces dangers, il est de notre devoir commun de demander la suppression de cet article. Protégeons nos entreprises, nos emplois et le pouvoir d’achat des Français au lieu d’imposer des réformes idéologiques qui ne servent qu’à remplir temporairement les caisses de l’État au détriment du long terme.

Mme la présidente. L’amendement n° 209 rectifié ter n’est pas soutenu.

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 246 rectifié sexies.

M. Daniel Chasseing. J’ai cosigné cet amendement présenté par Vincent Louault, mais je soutiens à titre personnel – je l’ai dit – la position de la rapporteure générale et je ne souhaite donc pas la suppression de cet article. J’interviens donc ici au nom de mon collègue Louault.

Le présent amendement, travaillé avec la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) d’Indre-et-Loire, vise à supprimer l’article 6. Celui-ci prévoit de réformer les règles d’allégements généraux de cotisations patronales, ce qui risque d’avoir un impact important sur beaucoup de TPE-PME, qui sont dans l’incapacité d’augmenter les salaires au vu des conséquences qu’aurait une telle augmentation sur les prix de vente. Cela enrayerait toute reprise possible de l’activité des entreprises.

La réintégration de la prime de partage de la valeur dans l’assiette du calcul des cotisations sociales serait un autre coup porté aux TPE, car cette prime est aujourd’hui le seul outil de partage de la richesse véritablement accessible aux petites entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 405 rectifié ter.

M. Xavier Iacovelli. Cet amendement tend à supprimer l’article 6, car il revient sur certaines exonérations de charges patronales appliquées aux salaires les plus modestes. Il prévoit notamment la baisse de quatre points d’exonération au niveau du Smic.

Cette mesure va à l’encontre des politiques de soutien à l’emploi menées depuis 2017, qui ont permis de réduire significativement le coût du travail et de stimuler l’emploi, en particulier pour les petites entreprises.

Ainsi, le taux de chômage – vous l’avez rappelé, madame la ministre – n’a jamais été aussi bas depuis quarante ans. Ces politiques d’exonération ont permis de créer 2,5 millions d’emplois depuis 2017.

La suppression de certaines de ces exonérations, notamment au niveau du Smic, entraînerait une hausse importante du coût du travail. Elle reviendrait à inverser la tendance observée ces dernières années et menacerait directement la compétitivité des entreprises.

On ne peut pas s’y résoudre, parce que cela entraînerait des destructions d’emplois – environ 50 000 – et, en définitive, une baisse de la masse salariale.

Je l’entends, le coût des exonérations de cotisations sociales n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Madame la ministre, votre argumentaire était excellent sur ce point, la situation actuelle invite à une réforme. Dans leur rapport, MM. Bozio et Wasmer proposent ainsi des pistes de réforme pour encourager les hausses de salaire à budget constant.

Mes chers collègues, pour préserver les acquis en matière de réduction du chômage et de compétitivité, il me semble plus sage de supprimer l’article 6. L’emploi ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire.

L’enjeu est clair : maintenir les créations d’emplois, soutenir nos PME et garantir la compétitivité de notre économie. En supprimant le présent article, nous affirmons notre engagement envers une politique économique responsable et sociale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour présenter l’amendement n° 502 rectifié quater.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour présenter l’amendement n° 609 rectifié bis.

M. Christian Bilhac. Cet amendement déposé par Michel Masset vise également à supprimer l’article 6. Nous ne pouvons risquer, dans une période incertaine pour l’emploi, de renchérir plus que de raison les cotisations des TPE, qui assurent l’économie de proximité indispensable à la vitalité de nos territoires, en particulier ruraux.

La PPV reste aujourd’hui le seul outil de partage de la richesse véritablement accessible pour les TPE. Son intégration dans l’assiette de calcul des cotisations sociales nous semble constituer une grosse erreur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 800 rectifié bis.

Mme Marie-Do Aeschlimann. L’essentiel a été dit. Plusieurs filières sont concernées, notamment celles de la propreté, de la restauration, de la sécurité ou encore des bâtiments et travaux publics (BTP). Elles constituent l’essentiel de notre tissu économique.

Pour cette raison, l’article 6 devrait être supprimé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Salama Ramia, pour présenter l’amendement n° 919.

Mme Salama Ramia. Il est urgent de préserver le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour les secteurs qui y sont éligibles. En effet, celui-ci constitue une mesure de soutien de l’économie locale des outre-mer, majoritairement composée de TPE et de PME.

La rédaction actuelle de l’article 6 du PLFSS entraînerait mécaniquement une baisse des allégements généraux pour les entreprises bénéficiant du dispositif instauré par la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite Lodéom.

En effet, en l’état du droit, toute modification apportée au régime général des exonérations s’applique de manière automatique aux exonérations spécifiques prévues dans la Lodéom.

Les territoires les plus pauvres et les plus fracturés socialement d’Europe ne peuvent s’affranchir de ces exonérations. Par conséquent, nous proposons de supprimer le présent article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren, pour présenter l’amendement n° 1167 rectifié bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je vous remercie d’avoir scrupuleusement étudié l’article 6. Au Sénat, nous savons ce que sont les allégements généraux et les exonérations de cotisations patronales.

Déjà, l’année dernière, nous nous étonnions de la progression inexorable du montant de ces exonérations. Or elle s’est poursuivie en 2024. Au total, nous atteignons 80 milliards d’euros, dont 65 milliards d’euros de manque à gagner pour la sécurité sociale, ce qui est énorme.

Mme la ministre le confirmera sans doute, le montant des exonérations a suivi une évolution exponentielle ces dernières années : en trois ans, il a augmenté de 20 milliards d’euros. Il y a là de quoi s’étonner et nous devons ralentir cette dynamique. C’est précisément ce que vise cet article.

L’année dernière, nous nous étions questionnés à propos du « toboggan » dessiné par la courbe du barème des exonérations, qui descend jusqu’à 1,6 Smic, avant que les deux bandeaux maladie et famille ne prennent le relais, respectivement jusqu’à 2,5 Smic et 3,5 Smic. Je n’ai pas besoin de vous rappeler ce graphique, que vous connaissez tous par cœur.

Le Gouvernement propose, dans la version initiale de l’article 6, de casser cette dynamique. Nous sommes d’accord sur le principe, parce que nous ne pouvons pas continuer ainsi, même si cela ne doit pas nous exonérer de réfléchir sur la manière de financer la sécurité sociale.

Veuillez m’excuser, madame la présidente, de dépasser le temps de parole qui m’est imparti, mais je dois préciser certains éléments pour répondre aux auteurs des amendements.

On ne peut pas financer la sécurité sociale par autant d’exonérations patronales. Lorsqu’elles s’appliquent à des salaires au-delà de 2,5 Smic, elles me choquent. L’année dernière, je m’étais déjà demandé si, en tant que rapporteure générale, je ne devais pas soutenir des amendements adoptés à l’Assemblée nationale visant à supprimer les bandeaux maladie et famille.

Aujourd’hui, il me semble que cette réforme est la bienvenue. Le rapport Bozio-Wasmer, désormais fameux, est formidable sur ce point. Mes chers collègues, je vous invite d’ailleurs à le lire, si ce n’est déjà fait, car il est très intéressant.

Madame la ministre, il faudrait que vous demandiez plus souvent…

Mme Céline Brulin. Des rapports ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Non, pas des rapports, mais des expertises.

Mme Céline Brulin. Me voilà rassurée ! (Sourires.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. En comparaison avec la version initiale du Gouvernement, nous mettons l’accent sur la préservation de l’emploi.

J’entends la sénatrice Aeschlimann plaider pour protéger les secteurs de la propreté, du gardiennage ou encore du BTP, où de nombreux salaires sont proches du Smic. Je tiens le même discours : ces emplois ne sont pas délocalisables et, au-delà des aides spécifiques pour les aides à domicile, ils sont concernés par les allégements généraux. Il faut donc les protéger.

Le Gouvernement proposait initialement de baisser les exonérations de cotisations patronales sur les petits salaires de deux points en 2025, puis d’en faire autant en 2026.

J’ai proposé de faire autrement, car le Gouvernement n’a pas su me confirmer précisément le nombre d’emplois que cette mesure ferait perdre.

Or la situation économique de la France est difficile. Les premiers à devoir partir d’une entreprise, ce sont souvent ceux dont les salaires sont proches du Smic. J’ai donc proposé de ne pas réduire les allégements généraux pour les salaires au Smic et proches du Smic.

Vous le voyez, madame la sénatrice Aeschlimann, l’amendement que j’ai proposé protège les secteurs que vous mentionnez. Par conséquent, je vous invite à retirer votre amendement.

Le Gouvernement a été attentif à l’impact de la réforme des allégements généraux sur le dispositif TO-DE. La version initiale du PLFSS visait à pérenniser ce dispositif, mais sans prendre en compte l’impact de la révision des allégements généraux. Le Gouvernement, percevant très bien ce problème, a déposé à l’Assemblée nationale un amendement visant à le corriger.

Il fallait en faire de même en ce qui concerne les territoires ultramarins et le dispositif de la Lodéom, ce qui n’a pas été fait à l’Assemblée nationale. J’ai donc déposé un amendement qui vise à s’en tenir à un statu quo pour l’année 2025. Les entreprises concernées seraient de toute façon protégées, outre-mer comme en métropole, par le maintien des allégements sur les petits salaires que je propose.

Je l’ai dit à Mme la ministre, il faut travailler avec tous les acteurs économiques d’outre-mer pour décomplexifier le dispositif de la Lodéom qui est, aujourd’hui, totalement incompréhensible. Je crois que nous sommes d’accord, madame la ministre, sur le fait qu’il faut le remettre à plat et le rendre plus clair.

J’ai donc proposé de ne pas supprimer les allégements généraux au niveau du Smic. En contrepartie, je propose qu’en 2025 le bandeau maladie ne couvre que les salaires inférieurs à 2,1 Smic au lieu du seuil de 2,2 Smic prévu par le Gouvernement et que le bandeau famille s’arrête à 3,1 Smic et non à 3,2 Smic.

Je le rappelle, le rapport Bozio-Wasmer visait à remplacer l’effet « toboggan » suivi de l’effet « bandeau » par une courbe à pente douce. La pente de la courbe proposée par le Gouvernement est un peu plus abrupte que celle préconisée par ces deux économistes et celle que je propose l’est encore plus, mais il me semble important de répondre au besoin de rendement visé par cet article. Je propose donc de prévoir que le point de sortie des allégements généraux soit situé à 2,05 Smic en 2026.

Je suis sensible à l’argument avancé par Xavier Iacovelli, qui a mentionné l’importance de préserver les emplois industriels. Toutefois, d’autres mécanismes permettent d’aider ce secteur – avantages fiscaux sur la recherche, accompagnement de projets innovants…

Je le redis, la courbe des allégements de cotisations doit être plus cohérente avec les besoins de financement de la sécurité sociale. Or, par toutes ces exonérations, autant de fruits du travail ne rentrent pas dans ses caisses, alors même que notre modèle est construit sur ce type de ressources. De plus, nous n’avons pas le temps de remettre à plat les principes mêmes de ce financement.

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. J’espère que nous aurons ce débat – cela n’a pas été possible à l’Assemblée nationale – et que nous aurons l’occasion, après l’examen des amendements de suppression, d’avancer sur ce sujet. Je le sais, le Sénat est une institution dans laquelle on apprécie les débats posés, objectivés et sereins.

La politique de réduction du coût du travail a eu des effets très positifs. Pour cette raison, elle est partagée depuis trente ans par la gauche et la droite. Dans les années 1990, on a commencé par réduire le coût du travail non qualifié. Dans les années 2010, le rapport Gallois a donné l’alerte sur le problème de la compétitivité de notre économie, en particulier dans l’industrie et pour les emplois qualifiés, par rapport à celle de pays voisins, comme l’Angleterre ou l’Allemagne, pays qui est parvenu à mieux préserver son secteur industriel.

Toutefois, depuis quelques années, à la faveur notamment de l’indexation du Smic sur l’inflation, les mécanismes d’augmentation des allégements généraux ont des effets considérables.

Le montant de ces allégements atteint aujourd’hui 78 milliards d’euros, soit plus que le budget de l’éducation nationale. En trois ans, il a augmenté de 20 milliards d’euros, l’équivalent de la mission « Travail et emploi » !

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est aussi l’équivalent du déficit de la sécurité sociale !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Cela vous donne une idée des montants concernés.

Tout l’intérêt du rapport Bozio-Wasmer est de rappeler la constitution, par des effets de seuil, de trappes à bas salaires. Le salaire médian en France, de 1,6 Smic, est situé au beau milieu de ces différents allégements.

S’il est nécessaire de repenser tout ce dispositif, il faut cependant le faire avec beaucoup de vigilance.

En septembre 2023, lorsque le rapport Bozio-Wasmer a été commandé, la situation de l’emploi n’était pas la même et le durcissement du contexte commercial n’était pas encore d’actualité.

Les données du problème ont changé : nous sommes passées de la préservation du pouvoir d’achat et de la désmicardisation à des questions qui concernent plutôt, désormais, la sauvegarde de l’emploi. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous constatez cette évolution du contexte dans vos départements.

Il faut faire très attention aux paramètres de la réforme des allégements généraux, car derrière il y a la question du coût du travail.

C’est pourquoi j’aimerais que la discussion sur l’article 6 puisse avoir lieu. Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à retirer vos amendements de suppression.

Nous pourrons ainsi examiner les propositions de la rapporteure générale visant à neutraliser la réforme pour les salaires au niveau du Smic – j’ai moi aussi entendu les inquiétudes des fédérations des secteurs de la propreté et du bâtiment sur ce point – et à placer, en 2025, le point de sortie des allégements à 3,1 Smic et non à 3,5 Smic comme aujourd’hui.

Par ailleurs, de la même manière que pour les autres sujets relatifs aux outre-mer, je vous propose de débattre de l’articulation de la réforme avec les exonérations spécifiques de la Lodéom.

Madame la rapporteure générale a fait des propositions extrêmement intéressantes pour limiter les effets de bord, voire les neutraliser, notamment au niveau des bas salaires. Elle propose aussi de limiter les effets sur la compétitivité des emplois industriels.

Supprimer d’entrée l’article 6 ne contribuerait pas à avancer sur cette question très importante : le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.