compte rendu intégral
Présidence de M. Dominique Théophile
vice-président
Secrétaires :
M. François Bonhomme,
Mme Catherine Conconne.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
J’indique que M. le président du Sénat, Gérard Larcher, ne peut présider notre séance, car il intervient cet après-midi devant le congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous sommes très heureux de vous annoncer que nous accueillerons demain dans nos tribunes, dans le cadre de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, une soixantaine de duos constitués de nos collègues, de collaborateurs ou de membres du personnel et de personnes en situation de handicap pour leur faire découvrir le fonctionnement de notre institution et nos métiers. (M. Michel Savin applaudit.)
Le Sénat est pleinement mobilisé pour l’inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail, notamment au travers de ces journées d’échanges, qui constituent un moment privilégié pour changer de regard et, ensemble, dépasser nos préjugés.
Je remercie chaque sénateur, sénatrice, fonctionnaire, contractuel et collaborateur de sa participation à cette journée consacrée à l’emploi des personnes en situation de handicap.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
situation des collectivités territoriales et en particulier avenir du modèle départemental
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Fidèle à la Constitution, le Sénat est la maison des collectivités locales, une maison ouverte toute l’année à tous les élus qui maillent nos territoires, avec dévouement et responsabilité, que ce soit en métropole, en outre-mer, mais aussi aux conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger, que je n’oublie pas. Cette semaine, où se tient le congrès annuel des maires et des présidents d’intercommunalité de France, ces élus garnissent nos tribunes bien plus que d’habitude. C’est un honneur pour nous de les recevoir.
J’en profite pour tous vous saluer, mesdames, messieurs les maires, ainsi que tous les élus vos communes.
Sur nos travées, dans cet hémicycle, malgré nos sensibilités différentes, nous savons ensemble défendre les communes, les intercommunalités, les départements et les régions.
Monsieur le Premier ministre, vous savez comme nous ce dont tous les élus ont besoin, quel que soit l’échelon auquel ils exercent. Nous y travaillons au Sénat : un statut qui protège la fonction d’élu ; un cadre simplifié pour l’exercice des compétences locales ; une clarification, bien sûr, des règles d’autonomie financière.
À Angers, lors des Assises des départements de France, vous avez indiqué que le modèle départemental est arrivé à ses limites. Peut-on aujourd’hui en savoir plus sur votre projet d’instance de pilotage partagée ?
Les départements jouent un rôle incontestable de bouclier social. Au fil des crises, ils investissent de plus en plus de moyens pour soutenir nos concitoyens dans la proximité, y compris pour aider nos agriculteurs, qui lancent en ce moment même un nouvel appel de détresse.
Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, quel sera le modèle départemental à l’avenir ?
Pour le groupe du RDSE, il est un principe qui doit être respecté : le département ne doit pas être la variable d’ajustement des défaillances de l’État. Si nouveau partenariat il doit y avoir, celui-ci doit s’inscrire dans un véritable contrat de confiance.
Je formule la même demande concernant les relations entre l’État déconcentré et les communes, ces dernières étant bien entendu, elles aussi, garantes de la cohésion des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Carrère, je m’associe évidemment à l’hommage que vous avez rendu à tous les élus, sentinelles et acteurs de la République, du cadre communal aux régions, en passant par les intercommunalités et les départements. Je suis très heureux que ce message de soutien et de confiance, que j’adresse aux élus présents, nombreux, dans vos tribunes, soit porté en ce moment même par le président Larcher, avec la force et la conviction qui sont les siennes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre qui s’exprime devant vous n’a rien oublié de ce qu’il a appris au cours des dix-sept années durant lesquelles il a présidé un conseil général, celui de la Savoie, et travaillé quotidiennement avec les maires, y compris ceux des plus petites communes.
C’est dans cet esprit que je me suis adressé aux présidents de conseil départemental à Angers la semaine dernière. En effet, je pense que, après tant d’années, le modèle départemental est à bout. On constate – et c’est le sentiment des conseillers départementaux aujourd’hui – qu’ils se sont transformés en distributeurs de subventions obligatoires, pour les collèges et l’action sociale, qu’ils sont malgré eux devenus des opérateurs de l’État. Or je pense que le destin des départements n’est pas d’être des sous-traitants de l’État.
Voilà pourquoi, madame la présidente, j’ai parlé d’un projet d’instance de pilotage partagée, notamment pour ce qui concerne l’action sociale.
Le département, à mes yeux, c’est le lieu, avec les communes, de la cohésion sociale et territoriale. Cette cohésion doit être coconstruite, et non pas imposée d’en haut. Voilà pourquoi nous allons bâtir, avec la ministre Catherine Vautrin et les autres membres du Gouvernement, ce contrat de confiance partagé, décidé ensemble, pour plusieurs années. Les départements, comme les communes, ont besoin de prédictibilité et de visibilité.
J’ai annoncé un certain nombre de mesures, qui sont en discussion en ce moment même devant votre assemblée, pour améliorer la copie, comme me l’ont demandé les conseils départementaux. Nous consulterons également les maires et le Sénat dans les temps qui viennent.
Madame la présidente, vous avez également évoqué la proximité naturelle entre les départements et le monde agricole et rural, qui souffre et exprime aujourd’hui des incompréhensions, des colères, des demandes.
J’ai à mes côtés Annie Genevard, la ministre de l’agriculture, en qui j’ai confiance et qui travaille énormément pour répondre à la colère et aux inquiétudes des agriculteurs. Nous tiendrons, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les engagements qui ont été pris par le précédent gouvernement et Marc Fesneau, qui avait apporté un certain nombre de réponses très concrètes.
Au-delà, nous avons complété les fonds nécessaires pour faire face à la fièvre catarrhale ovine. Nous mettons en place des prêts bonifiés, parce que les agriculteurs ont besoin de simplification et de trésorerie.
Pour terminer, mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai un mot sur la simplification, qui est une clé également pour les communes, les départements et les régions.
Nous allons aller très loin – pas trop loin, mais très loin – en matière de simplification et de déconcentration vers les préfets de département. Vous le verrez dans les jours qui viennent.
Les agriculteurs ont raison de demander que l’on examine une par une les normes européennes et leur application chez nous. La preuve est faite que, depuis une vingtaine d’années, nous avons surtransposé un certain nombre de textes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDSE. – M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
Chacune de ces surtranspositions, quand elle n’est pas justifiée, introduit de la concurrence déloyale, que nous créons nous-mêmes, contre nos propres entreprises agricoles, artisanales ou industrielles.
Nous allons donc examiner, madame la présidente, chacune de ces surtranspositions. Je souhaite d’ailleurs que cet examen fasse l’objet d’un travail bicaméral. Cela représente beaucoup de travail et nécessite une grande expertise, que nous sommes prêts à apporter au Parlement. Je prends l’engagement, avec le Gouvernement, de mettre fin aux surtranspositions qui ne sont pas justifiées aujourd’hui et qui créent des concurrences déloyales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)
situation budgétaire des collectivités locales
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, les maires de France, nombreux dans nos tribunes aujourd’hui, devront-ils demain augmenter le tarif de la cantine dans leurs écoles ou bien réduire le grammage des repas distribués aux enfants ? (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est à de telles décisions qu’ils seront désormais confrontés. Il ne s’agit pas là d’une vue de l’esprit.
En privant les régions, les départements, les intercommunalités et les communes des moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions, les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ont détricoté, maille après maille, le contrat constitutionnel entre l’État et nos collectivités.
Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, poursuit dans cet engrenage et aggrave la situation en prévoyant des mesures d’austérité budgétaire sans précédent. Avec de telles mesures, vous pourriez même faire passer les fameux contrats de Cahors pour acceptables. Nous allons passer de l’illusion du ruissellement à l’assèchement total !
Alors que vous évoquez des baisses de crédits de 10 milliards d’euros, puis de 7 milliards et de 5 milliards d’euros, les élus locaux ne sont pas dupes de vos astuces politiciennes. Ce n’est pas parce que ces coupes budgétaires seront moins élevées qu’annoncé que nous les accepterons.
Notre position ne changera pas : baisser les moyens des collectivités, c’est non ; s’attaquer au reste de leur autonomie financière, c’est encore non, pas par corporatisme, mais parce que nous sommes convaincus qu’affaiblir les communes est une faute politique. C’est se priver de leur rôle historique d’amortisseur de crise. C’est se priver de leurs investissements pour l’aménagement du territoire et le bien-être de nos concitoyens.
Monsieur le Premier ministre, nous ne vous laisserons pas fracasser l’avenir des communes sur le mur de votre incurie budgétaire. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comptez-vous poursuivre cette politique de casse de la décentralisation, au risque de conduire à une crise non pas des « gilets jaunes », mais des « écharpes tricolores » ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, je vous le dis droit dans les yeux : je vous ai connu plus mesuré ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et RDPI.)
Je me souviens d’ailleurs d’un dialogue que j’ai eu ici même lorsque j’ai participé avec vous, à l’invitation du président Larcher, à la commémoration du quatre-vingtième anniversaire de l’installation de l’Assemblée consultative provisoire. J’ai alors eu l’espoir que, à l’image de cette assemblée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et dans l’esprit du Conseil national de la Résistance, on puisse trouver dans ce pays, tous ensemble, la capacité de dire des choses justes, respectueusement, en faisant preuve de nuance. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Monsieur Kanner, votre question, ainsi que la manière dont vous l’avez posée, n’est pas vraiment l’illustration de la nuance ! (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. François Patriat. C’est vrai !
M. Michel Barnier, Premier ministre. Ne protestez pas ! Pour ma part, je n’évoquerai pas les baisses de crédits des collectivités locales durant le quinquennat de François Hollande. (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP. – Protestations sur les travées du groupe SER.) Mais on peut faire le compte, si vous le souhaitez.
Je n’évoquerai pas non plus le devoir d’humilité qui doit être le nôtre concernant le montant de la dette que j’ai trouvée à mon arrivée et que j’essaie de gérer.
M. Hussein Bourgi. La faute à qui ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. La faute à qui ?
On peut expliquer une partie de cette dette par la crise de la covid-19, que nous avons affrontée tous ensemble, le Gouvernement en tête, mais, mesdames, messieurs les sénateurs, franchement, vous savez bien que la dette remonte à au moins une vingtaine d’années ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
On peut évaluer le coût de cette dette accumulée : il s’élève aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, à près de 870 euros d’intérêts chaque année pour tous les Français, qu’ils soient âgés d’un mois ou de 80 ans. Cela ne peut pas durer !
Nous devrions assumer ensemble, monsieur Kanner, cette responsabilité. Réduire la dette de notre pays est aujourd’hui un devoir d’intelligence national. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP.)
Pensez-vous que cela me fasse plaisir, monsieur le président Kanner, de présenter le projet de budget que je défends en ce moment ? Pensez-vous que cela me fasse plaisir de proposer des réductions, ce freinage général ? Nous y sommes obligés, dans l’intérêt national ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Hussein Bourgi. Prenez les recettes là où elles sont !
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas un Premier ministre, mais un président de groupe !
M. Michel Barnier, Premier ministre. J’ai réellement du mal à comprendre la véhémence dont vous faites preuve sur ce sujet. Nous devrions tous être un peu plus solidaires. L’intérêt du pays est de réduire cette dette.
Je sais que le projet de budget que je présente n’est pas parfait, mais j’ai dû le fabriquer en quinze jours, avec les membres du Gouvernement. En quinze jours ! (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Jamais un Premier ministre n’a été conduit à présenter un projet de budget dans un délai aussi contraint.
J’ai dit, ici même, dès le premier jour, qu’il n’était pas parfait, qu’il était améliorable et amendable. Nous l’améliorons, y compris en faveur des collectivités territoriales – et à commencer par elles. La République, qui est fragile, a besoin – peut-être est-ce là un point d’accord entre nous – des communes, des départements et des régions.
Nous allons améliorer le projet de budget, avec le Sénat. Nous allons réduire le poids de l’effort que nous demandions aux collectivités, car il n’était pas juste, notamment, dans certains cas, pour les départements et pour les communes.
M. Akli Mellouli. Quelles recettes ?
M. Michel Barnier, Premier ministre. Nous allons repartir d’un nouveau pied, monsieur Kanner. Au-delà de ce budget, que nous préparons dans l’extrême urgence, le dos au mur, j’ai envie de relever la ligne d’horizon. J’espère que nous le ferons ensemble, pour les communes et les autres collectivités locales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et INDEP ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous nous renvoyez à François Hollande : zéro inflation, remise à plat des comptes de la Nation (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) et aucune atteinte à l’autonomie financière des collectivités territoriales !
Monsieur le Premier ministre, votre politique vise à mettre à genoux les élus de la République à l’échelon local : nous serons là pour les maintenir debout ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC, qui tendent à rendre inaudible l’orateur.)
situation des collectivités territoriales
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, nous le savons tous, la baisse des dotations aux collectivités a toujours eu des conséquences très fortes sur l’investissement local. Au-delà de la question des chiffres – l’effort qui leur est demandé sera-t-il de 5 milliards d’euros ou, comme l’estiment certains, plutôt de 8,5 ou de 9 milliards d’euros ? –, permettez-moi de vous faire part des inquiétudes des maires.
Depuis hier, des milliers d’élus locaux sillonnent les allées du congrès des maires et des présidents d’intercommunalité de France. Dans la diversité de leurs engagements, de leurs expériences, de leurs territoires, des strates de collectivité dans laquelle ils sont élus, ils sont tous profondément inquiets, car ils entendent parler d’une réduction des crédits du fonds vert, du financement des régions, des départements, des intercommunalités, des budgets communaux, et craignent donc une fragilisation de cet équilibre.
Par ailleurs, nous rencontrons lors de ce même congrès, comme nous l’avons fait aujourd’hui, des chefs d’entreprise et leurs salariés inquiets pour les conséquences demain de ces réductions sur l’investissement local.
L’annonce d’une baisse du taux du fonds de compensation sur la taxe pour la valeur ajoutée (FCTVA) et d’une réduction de son assiette, c’est-à-dire, très concrètement, des dépenses éligibles, suscite une inquiétude très forte.
Monsieur le Premier ministre, l’article 30 du projet de loi de finances dont nous entamerons l’examen dès la semaine prochaine va pénaliser toutes les collectivités, à rebours de la philosophie qui est la vôtre. Alors que vous annonciez un budget fondé sur un partage de l’effort, toutes les communes qui investissent, des plus fragiles aux plus riches, sans exception, subiront cette mesure drastique.
Par ailleurs, cet article a un caractère rétroactif, ce qui le rende doublement injuste. Lorsqu’elles ont mis en œuvre un plan d’investissement il y a trois, quatre ou cinq ans, les communes n’ont pas anticipé les mesures que vous annoncez.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous renoncer à cet article 30 ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Michel Barnier, Premier ministre. Je vous remercie, madame la présidente Cukierman du fond et du ton de votre question. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Je dis ce que je pense ! Et vous ne m’empêcherez pas de le faire, mesdames, messieurs les sénateurs, que cela vous plaise ou non. Il y a une manière de se parler !
Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles nous avons appelé à cet effort l’ensemble des partenaires, des collectivités et des citoyens, en essayant d’être justes. Je ne suis pas sûr que nous ayons encore complètement atteint cet objectif, mais nous allons nous efforcer d’y parvenir ensemble. Nous allons essayer d’améliorer l’équilibre final du projet de budget, avec tous les groupes de votre assemblée, et en tenant compte aussi d’un certain nombre de propositions et de bonnes idées de l’Assemblée nationale.
Notre déficit doit être réduit à 5 % de notre PIB l’année prochaine. Il y va de l’intérêt national. En ce qui me concerne, vous ne m’entendrez jamais montrer du doigt les collectivités locales. Je ne l’ai pas fait à Angers et je ne le ferai pas plus aujourd’hui que demain.
Les collectivités sont des partenaires. Je sais les efforts d’investissement qu’elles réalisent, le rôle vital qu’elles jouent en termes de cohésion sociale et territoriale. Notre pays en a grand besoin en ce moment où la République est fragile. Voilà ce qui justifie l’effort que nous allons faire au sujet du fonds de réserve, comme je l’ai indiqué la semaine dernière.
Comme vous me l’avez demandé, madame la présidente, et comme d’autres groupes l’ont demandé, qu’il s’agisse, ici, de la majorité sénatoriale ou, à l’Assemblée nationale, du socle législatif qui nous soutient – c’est un travail collectif –, je vous indique, concernant le FCTVA, que, oui, nous allons revenir sur le caractère rétroactif de l’article 30 pour continuer à soutenir l’investissement et pour ne pas être injustes.
D’autres mesures sont également prévues, comme l’étalement sur quatre ans, au lieu de trois ans, de la hausse des cotisations employeur et des dispositions concernant les dépenses des départements pour l’autonomie.
Puis viendra un moment où nous devrons, comme je l’ai dit au président Kanner, relever la ligne d’horizon, sortir de nos difficultés, après avoir, dans l’intérêt du pays, réduit le déficit. Nous devrons faire autre chose, dans un esprit de confiance, par le contrat plutôt que par la contrainte, avec l’ensemble des collectivités locales, en particulier les communes et les départements.
Nous parlerons ainsi de la compétence eau et assainissement, sur laquelle j’ai déjà évoqué l’avancée et la proposition d’ouverture des départements, de l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), du statut de l’élu, sur lequel votre assemblée a beaucoup travaillé, de la prévention des risques et de la sécurité au quotidien. Sur ce sujet, les deux ministres concernés, Bruno Retailleau et Nicolas Daragon, ont envoyé aujourd’hui même une circulaire à tous les préfets pour relever, avec les collectivités locales, le défi de la sécurité au quotidien, défi auquel l’État prendra sa part.
Il y a tellement de choses à faire pour améliorer la vie, pour créer du progrès, qu’il nous faut aller le plus vite possible, de la manière la plus juste, pour sortir de cette période difficile et travailler avec l’ensemble des collectivités locales. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
insécurité dans les petites villes de france
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre de l’intérieur, connaissez-vous Rumilly ?
Ville de 16 000 habitants située dans le département de la Haute-Savoie, aux confins de la Savoie, monsieur le Premier ministre, entre Annecy et Aix-les-Bains, elle a été le théâtre d’un nouveau drame dimanche. En plein après-midi, et au centre-ville, une bagarre générale entre deux bandes rivales s’est soldée par la mort d’un jeune de 17 ans, tué d’une balle dans la tête. Un autre jeune, blessé au thorax, est actuellement entre la vie et la mort.
Je pense à leurs familles et je comprends le traumatisme que cela représente pour les habitants de Rumilly et pour les élus de cette ville.
L’enquête déterminera bien sûr si cette affaire est un règlement de comptes et/ou si elle est liée à des trafics de stupéfiants.
En tout état de cause, ce drame est la preuve que même nos petites villes n’échappent pas aux phénomènes d’hyperviolence.
Monsieur le ministre de l’intérieur, les Français aspirent à la paix dans l’espace public. Alors que les maires de France se réunissent pour leur congrès annuel à Paris, quelles sont les initiatives prises par le Gouvernement pour les soutenir dans leurs actions locales visant à préserver la sécurité de nos concitoyens et à prévenir les violences ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, le constat que vous faites est une tragédie, je le fais mien aussi : des violences de plus en plus désinhibées, des violences dont les auteurs et les victimes sont de plus en plus jeunes, des violences qui sont en train de s’étendre sur l’ensemble du territoire. Aucun territoire aujourd’hui n’est épargné.
Un jeune de 17 ans est mort, un autre, âgé de 19 ans, est entre la vie et la mort. Je pense bien entendu à leurs proches et à leurs amis, et surtout à leurs familles.
Nous ne réglerons pas la question de l’hyperviolence avec des coups de menton ; nous ne la réglerons pas non plus en claquant des doigts. L’État seul ne pourra pas la régler.
Je l’ai dit ici il y a quelques jours en réponse à une question, nous avons réuni l’ensemble des acteurs de l’État chargés de la sécurité publique : les préfets, les policiers, les gendarmes. Je leur ai demandé d’élaborer, sur le terrain, un plan d’action pour restaurer la sécurité publique. C’est un contrat entre eux et nous. Je vais leur donner plus de liberté, en échange de résultats. Je leur ai surtout demandé de travailler avec les élus locaux, dans un continuum de sécurité. C’est fondamental.
Je viens de visiter deux communes, Meaux et, en Moselle, Metz. Je vous assure que, lorsque les élus se sentent concernés, quand ils réunissent, notamment au sein de comités locaux de sécurité, l’ensemble des partenaires, les policiers, bien sûr, les gendarmes, mais aussi la justice et les bailleurs sociaux, on obtient des résultats. Quand on met en place de la vidéoprotection, des polices municipales, quand celles-ci sont armées, on obtient des résultats. C’est important de le dire.
Telle est l’idée que je défends et que je continuerai de porter parce que, sans les élus locaux, sans les maires, nous ne pourrons rien.
Et Paris ne sait pas tout. C’est la raison pour laquelle nous mettrons en œuvre autant de plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien qu’il y a de départements.
Mais il nous faudra sans doute également apporter une réponse plus large, prendre en compte les familles, l’autorité parentale. Il faut restaurer l’autorité scolaire, les interdits aussi, le respect de l’autre, de la règle, une hiérarchie entre l’élève et l’adulte, l’élève et le maître. C’est fondamental. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre de l’intérieur, les maires sont très présents dans les domaines de la prévention, de l’éducation, de la politique de la ville, mais également de l’autorité publique, avec leurs polices municipales. L’État, avec la police nationale, avec la gendarmerie nationale, mais aussi avec la justice, doit se tenir à leurs côtés.
Monsieur le ministre, merci d’aider Rumilly ! Merci d’aider toutes les communes de France face au défi de l’insécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
nouveau coup porté aux collectivités territoriales dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025