M. le président. La séance est reprise.
Article 12
I. – Il est institué au titre des deux exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024 une contribution exceptionnelle sur les entreprises qui déterminent leur résultat imposable à l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l’article 209-0 B du code général des impôts.
II. – Sont redevables de la taxe mentionnée au I les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 milliard d’euros.
Le chiffre d’affaires mentionné au premier alinéa du présent II s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition ramené le cas échéant, à douze mois.
Pour les entreprises membres d’un groupe au sens des articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la taxe exceptionnelle est due par chaque entreprise qui remplit individuellement la condition de chiffre d’affaires prévue au premier alinéa du présent II.
III. – L’assiette de la taxe exceptionnelle est égale au résultat d’exploitation retracé dans le compte de résultat mentionné au II de l’article 38 de l’annexe III du code général des impôts dans sa version applicable au 31 décembre 2024, pour sa part correspondant aux opérations à raison desquelles l’option prévue à l’article 209-0 B du même code a été exercée.
IV. – Le taux de la taxe exceptionnelle est fixé à 9 % pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024 et à 5,5 % pour le second exercice clos à compter de cette même date.
V. – Les réductions et crédits d’impôts et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la taxe exceptionnelle.
VI. – La taxe exceptionnelle n’est pas admise dans les charges déductibles pour la détermination du résultat imposable.
VII. – La taxe exceptionnelle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
VIII. – La taxe exceptionnelle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
IX. – Il est ajouté après le 2° de l’article 7 de l’ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 relative à l’adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d’autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte un 2° ter ainsi rédigé :
« 2° ter. – La taxe exceptionnelle sur les entreprises qui déterminent leur résultat imposable à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de l’article 209-0-B du code général des impôts prévue à l’article YY de la loi n° 2024-XXX du [date] de finances pour 2025 ; ».
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, sur l’article.
M. Gérard Lahellec. Il aura fallu trois projets de loi de finances pour que – enfin ! – le Gouvernement daigne considérer la proposition de mise à contribution de l’armateur visé par cet article et la nécessaire perception d’un produit fiscal assis sur les profits extraordinaires créés au moment de la reprise économique post-crise sanitaire.
Les chiffres sont déments. Entre 2017 et 2022, le chiffre d’affaires de cette entreprise a quadruplé, le résultat d’exploitation a été multiplié par cinquante-cinq et les profits par vingt-quatre. Par le biais de cette taxation, il nous est donc bien proposé de délibérer sur les superprofits.
Malgré tout, les recettes attendues de la taxe exceptionnelle sont assez dérisoires : 500 millions d’euros en 2025 et 300 millions d’euros en 2026. Monsieur le ministre, votre article 12 arrive un peu tard !
Par ailleurs, il se révèle discriminatoire, car il vise une seule société. Prenons garde que l’arbre ne cache pas la forêt ! La Compagnie maritime d’affrètement Compagnie générale maritime (CMA CGM) – je ne la citerai qu’une fois – ne peut servir de caution au Gouvernement pour protéger toutes les autres entreprises, qui réalisent elles aussi des profits indus.
La philosophie globale de ce projet de loi de finances pour 2025 se trouve résumée par cet article 12 : des efforts temporaires et, somme toute, dérisoires pour quelques-uns – les plus gros ! –, et une punition collective pour tous les autres.
M. le président. L’amendement n° I-990 rectifié, présenté par MM. Cozic et Kanner, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 209-0 B du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Le présent amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à remplacer la mesure figurant dans cet article par une suppression du dispositif dérogatoire de taxation au tonnage dont bénéficie le secteur du transport maritime.
Cette suppression permettra d’appliquer directement les dispositions prévues dans l’article 11 aux entreprises du transport maritime de marchandises, plutôt que de passer par des mécanismes dérogatoires dont le seul intérêt est de favoriser un seul et unique groupe français.
En effet, grâce à un avantage fiscal – il s’agit bien de cela – accordé par notre pays depuis 2003, l’assiette de l’impôt sur les sociétés est calculée pour les armateurs français à partir du tonnage des flottes et non des bénéfices réels. De fait, ces entreprises se retrouvent exonérées.
Par cette mesure, le Gouvernement prétendait défendre les armateurs européens contre la concurrence étrangère et éviter l’exil fiscal par usage de pavillons étrangers.
Or depuis plus de vingt ans, cette politique est mise en échec. En effet, la part des navires battant pavillon d’un État membre de l’Union européenne a décroché par rapport à l’évolution de l’ensemble de la flotte mondiale : +3,4 % entre 2017 et 2022, contre +7 %.
A contrario, ce dispositif a permis aux compagnies de transport maritime de défiscaliser leurs bénéfices records en 2021 et en 2022. Ainsi, en 2022, le groupe CMA CGM, devançant les superprofits de TotalEnergies, a enregistré le plus gros bénéfice annuel jamais réalisé par une société française : 23,5 milliards d’euros.
Ce mode de taxation a un coût pour nos finances publiques : la Cour des comptes, dans son rapport Le Budget de l’État en 2023 (résultats et gestion), l’évalue à 5,6 milliards d’euros en 2023, pour seulement 3,8 milliards d’euros en 2022. En une seule année, le coût de cette niche, troisième dépense fiscale du pays, a donc augmenté de près de 50 % !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Après avoir bien écouté la défense de l’amendement, je souhaite offrir à chacun quelques informations sur la taxation au tonnage. Celle-ci n’est pas un privilège national. Une vingtaine d’États membres de l’Union européenne l’ont adoptée, ainsi que des États tiers : Norvège, Royaume-Uni, États-Unis, Taïwan, Japon, Corée du Sud… Au total, 86 % de la flotte mondiale était concernée en 2023 par ce mode de calcul ou par un dispositif dérogatoire équivalent.
La concurrence internationale n’excuse pas tout, bien sûr. Mais j’aime autant que notre pays dispose d’un groupe de dimension internationale, qui…
M. Thierry Cozic. Ne paie pas d’impôts ! (Sourires sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. … gagne de l’argent !
En effet, derrière l’entreprise dont il est question, il y a le pavillon France et toute une économie, grâce à des efforts et à une stratégie qui viennent de loin. Prenons garde à ne pas adresser des signaux contradictoires à un certain nombre de nos acteurs !
Nous voulons continuer à disposer d’entreprises qui ont su se tailler une place dans ce secteur et qui font la fierté de notre pays.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce secteur d’activité bénéficie d’une fiscalité particulière pour des raisons tout aussi particulières.
Le constat est simple et n’appelle pas comme tout à l’heure, au sujet d’autres activités, un débat global sur la fiscalité et sur l’attractivité du pays : si nous revenons sur la taxe au tonnage, nous n’aurons plus d’acteur national. Disons-nous les choses clairement, demain, le pavillon ne sera plus français.
Le choix est donc politique : voulons-nous que CMA CGM reste un acteur industriel important ? Je pourrais vous citer ses investissements, car la liste en est publique. Voulons-nous préserver cette industrie nationale, qui contribue au redressement des comptes publics ?
Dès lors, sans revenir sur la taxe au tonnage, nous proposons de percevoir une contribution exceptionnelle, qui diverge de celle des autres groupes. Elle s’élèverait à 500 millions d’euros en 2025, puis à 300 millions d’euros en 2026, soit des montants tout de même considérables.
Donnons-nous les moyens de conserver nos acteurs industriels ! Je pense que nous serons tous d’accord pour reconnaître que nous avons intérêt industriellement et commercialement à ce que notre pays conserve un gros armateur, au profit de la France, de nos emplois et de l’économie du secteur.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.
M. Thierry Cozic. Je maintiendrai mon amendement. Monsieur le ministre, vous conviendrez que CMA CGM est en situation de quasi-monopole.
Voici quelques données : le chiffre d’affaires du numéro trois mondial du secteur a bondi de 33 % en un an, à près de 75 milliards de dollars, grâce à pas moins de 21,7 millions de conteneurs transportés. Le prix de ces derniers a flambé sous le double effet de la reprise économique mondiale après la crise sanitaire et des embouteillages de navires dans les grands ports mondiaux, accroissant le phénomène de rareté.
Les marges ayant considérablement augmenté avec cette hausse – quoi que l’on en dise, celle-ci a été répercutée sur le prix des produits transportés par la compagnie –, elles ont été alimentées au détriment du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Il n’est pas normal, je le répète, de maintenir l’assujettissement à la taxe au tonnage, car cette dernière gonfle ces marges sur le dos des consommateurs.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur Cozic, vous accusez CMA CGM – je mentionne le seul armateur dont vous avez parlé – de situation de quasi-monopole. Or cette société détient 12,7 % des parts de marché à l’échelle mondiale. Sachons dire simplement la vérité ! Au risque de me répéter, j’apprécie que le pavillon tricolore flotte sur une entreprise. C’est important !
De temps en temps, nos groupes politiques ont de véritables différences. Là, j’ai le sentiment que, quand une entreprise réussit, vous voulez lui prendre de l’argent, au motif que, d’une manière ou d’une autre, ses profits sont excessifs – ceux de CMA-CGM, tout comme tout à l’heure ceux d’Uber.
Enfin, je ne comprends pas que l’on veuille régler une question de droit du travail et répondre à des enjeux sociaux par un impôt. Je l’ai déjà dit, mais, pour ma part, je préfère me répéter que me contredire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Dans ce débat, les deux logiques ne se contredisent pas. Il faut distinguer deux périodes : la crise, durant laquelle un certain nombre d’entreprises ont réalisé des bénéfices extravagants, liés non pas à leur travail ni à leurs compétences, mais à la situation, et le retour à la normale, quand ceux-ci retrouvent un niveau traditionnel.
La question de M. Cozic mérite d’être posée. Il fallait imposer un prélèvement aux quelques grandes entreprises capables de monter les prix du fait de leur situation dominante, au moment même où elles réalisaient des bénéfices exceptionnels, à savoir au cours d’une période où l’État a soutenu – tout le monde en était d’accord – l’ensemble de l’économie française.
Or cette démarche n’a pas été suivie, et la taxe n’est proposée que cette année, alors que l’on revient à la normale, l’État étant dans une telle difficulté qu’il cherche finalement à négocier une participation de ces sociétés.
Nous pouvons au moins le reconnaître, les uns les autres : il est plus que dommage que, au moment opportun, nous n’ayons par ailleurs fait ce qui alors aurait été naturel.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Un prélèvement aurait pu être accepté, y compris par la grande entreprise que nous mentionnions.
Même si nous partageons tous l’idée qu’il vaut mieux avoir la troisième entreprise mondiale du secteur que l’inverse – c’est clair ! –, il n’empêche qu’une faute a été commise.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. À la sortie de la crise, le groupe Union Centriste formula la proposition d’une taxe sur les superprofits réalisés par quelques opérateurs. Mes chers collègues, comme le président de la commission des finances vient de l’indiquer, il est trop tard désormais pour la mettre en place : la messe est dite !
Il faut à présent se projeter. Même si la France possède le deuxième espace maritime le plus étendu au monde, il convient, notre pays étant confronté à une concurrence internationale particulièrement difficile, que nous soutenions les acteurs du transport sur mer, a fortiori à un moment où nous leur demandons des efforts de décarbonation extrêmement significatifs.
Soyons donc attentifs à ne pas supprimer les avantages compétitifs dont ils bénéficient grâce aux politiques maritimes mises en place au fur et à mesure par la France pour garder son rang. Ne revenons pas sur ces dispositifs. Le sérieux, me semble-t-il, impose de ne pas adopter cette proposition.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-994 rectifié, présenté par M. Cozic, Mme Blatrix Contat, MM. Lurel et Kanner, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
au titre des deux exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024 une contribution exceptionnelle
par les mots :
à compter du premier exercice ouvert à partir du 1er janvier 2025, et pour les exercices suivants, une contribution
II. – Alinéas 4, 5, 7, 8 à 10 et 12
Supprimer le mot :
exceptionnelle
III. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. – Le taux de la taxe est fixé à 5,5 %
IV. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Cet article entre en vigueur au 1er janvier 2025.
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Bien que le régime fiscal favorable de la taxation au tonnage ait initialement été conçu pour protéger les armateurs européens de la concurrence étrangère, il est désormais nécessaire de mieux encadrer la fiscalité de ces entreprises, pour qu’elle reflète davantage la réalité de leurs profits.
Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose de pérenniser la contribution exceptionnelle sur les entreprises de fret maritime qui est prévue à l’article 12 du présent projet de loi de finances, tout en maintenant ses conditions d’application.
Ainsi, cette taxe ne sera pas déductible du résultat imposable des entreprises redevables. De plus, ni les réductions et crédits d’impôt applicables à l’impôt sur les sociétés ni les autres créances fiscales, comme les reports en arrière des déficits, ne seront imputables.
Cette mesure a donc pour objectif de garantir une contribution fiscale plus équitable des entreprises de fret maritime, en adéquation avec leur capacité financière réelle.
M. le président. L’amendement n° I-1673, présenté par MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
qui remplit individuellement la condition de chiffre d’affaires prévue au premier alinéa du présent II
par les mots :
dont le groupe auquel elle appartient remplit la condition de chiffre d’affaires prévue au premier alinéa du présent II pour ses activités d’exploitation de navires armés au commerce
II. – Alinéa 6
1° Remplacer le taux :
9 %
par le taux :
18 %
2° Remplacer le taux :
5,5 %
par le taux :
11 %
La parole est à M. Grégory Blanc.
M. Grégory Blanc. Nous sommes évidemment heureux les uns et les autres de compter un fleuron national dans le secteur du fret maritime et de le voir gagner de l’argent. Tant mieux, nous en sommes fiers !
Ce groupe bénéficie – reconnaissons-le ! – du poids politique et diplomatique, ainsi que des réseaux internationaux de notre pays et de ses services publics. Ce n’est pas la question. Au moment où nous sollicitons d’un certain nombre de multinationales françaises une contribution exceptionnelle à l’effort de redressement des comptes publics, est-il légitime de demander à une entreprise de fret maritime de fournir un effort d’une semblable proportion, ou, au contraire, y a-t-il deux poids, deux mesures ?
J’ai entendu, monsieur le ministre, votre mise en garde concernant l’alternative suivante : augmenter la fiscalité, au risque de voir l’entreprise partir, ou maintenir les politiques actuelles, à savoir des avantages exorbitants du droit commun. Dans les faits, les grandes sociétés de fret maritime, comme le danois Maersk, sont adossées à des puissances économiques de rang mondial, parce qu’il existe une interpénétration entre leur activité et les services de l’État.
De notre point de vue, il est normal de demander à un tel armateur de fournir un effort équivalent à celui que nous avons voté à l’article 11 pour les autres multinationales. Pour cette raison, nous proposons d’augmenter le taux de la contribution exceptionnelle, qui passerait pour cette très grande entreprise de 9 % à 18 % en 2025.
M. le président. L’amendement n° I-1698, présenté par Mme Senée, MM. G. Blanc, Dossus, Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon, Mmes Souyris, M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots
qui remplit individuellement la condition de chiffre d’affaires prévue au premier alinéa du présent II
par les mots :
dont le groupe auquel elle appartient remplit la condition de chiffre d’affaires prévue au premier alinéa du présent II pour ses activités d’exploitation de navires armés au commerce
La parole est à Mme Ghislaine Senée.
Mme Ghislaine Senée. Cet amendement vise à corriger une faille dans la rédaction proposée, laquelle permet à certaines filiales de grands groupes de transport maritime d’échapper à la contribution exceptionnelle au prétexte qu’elles ne réalisent pas individuellement un chiffre d’affaires suffisant. En effet, les entreprises en question cherchent, en règle générale, à s’organiser en filiales, afin de répartir dans ces dernières leur chiffre d’affaires, donc d’éviter les contributions.
Nous proposons donc un petit ajout rédactionnel.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° I-408 rectifié est présenté par MM. Bilhac et Daubet, Mme Briante Guillemont, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Fialaire, Gold, Guiol et Masset, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° I-567 rectifié est présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Remplacer le taux :
9 %
par le taux :
18 %
et le taux :
5,5 %
par le taux :
11 %
La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° I-408 rectifié.
M. Michel Masset. Cet amendement vise à rehausser la contribution exceptionnelle prévue par le Gouvernement pour les grandes entreprises de transport maritime qui bénéficient de la taxe au tonnage. Il nous paraît équilibré, et cela pour deux raisons.
D’une part, il vise à associer plus justement ces entreprises au redressement des finances publiques, alors qu’elles ont engrangé ces dernières années des bénéfices importants, liés à la conjoncture économique.
D’autre part, il tend à conserver le caractère ponctuel de la mesure, laquelle ne pèsera donc pas, à plus long terme, sur le développement d’un secteur économique important pour la France.
Dans les conditions que nous proposons, les recettes attendues seraient plus élevées que celles qui sont prévues si la rédaction initiale était adoptée : elles atteindraient 525 millions d’euros en 2025 et 320 millions d’euros en 2026.
M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek., pour présenter l’amendement n° I-567 rectifié.
M. Christopher Szczurek. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous le devinez, mes chers collègues, la commission est totalement défavorable à la pérennisation de la contribution, donc à l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ghislaine Senée. Même pour le rédactionnel ?
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le ministre, j’essaie de retrouver la mémoire.
M. Roger Karoutchi. C’est une bonne chose ! (Sourires.)
M. Jean-François Rapin. N’y a-t-il pas eu en 2022, de la part de CMA CGM, une contribution volontaire de 200 millions d’euros pour la mise en place de ports verts et d’une filière verte de navires de pêche ? Le cas échéant, pouvons-nous lui en donner crédit ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-408 rectifié et I-567 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° I-2150, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour l’appréciation de la condition de chiffre d’affaires définie au premier alinéa du présent II, il n’est pas tenu compte des opérations de fusion, scission ou apport partiel d’actif, ni des transferts d’actifs, à titre onéreux ou à titre gratuit, effectués par les redevables qui déterminent leur résultat imposable à l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l’article 209-0 B du code général des impôts, lorsque ces opérations ou transferts interviennent au cours des exercices mentionnés au I du présent article.
II. - Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour la détermination de l’assiette définie au premier alinéa du présent III, il n’est pas tenu compte des opérations de fusion, scission ou apport partiel d’actif, ni des transferts d’actifs, à titre onéreux ou à titre gratuit, effectués par les redevables qui déterminent leur résultat imposable à l’impôt sur les sociétés dans les conditions prévues à l’article 209-0 B du code général des impôts, lorsque ces opérations ou transferts interviennent au cours des exercices mentionnés au I du présent article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, je vous présente un nouvel amendement anti-optimisation, car j’essaie de conserver la même logique sur tous les dispositifs. Là aussi, il faut rester prudent et vigilant…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Autant je rejoignais parfaitement votre ambition sur l’article 11, monsieur le rapporteur général, autant ici la précaution me paraît plus « inutile » – je mets le terme entre guillemets –, en tout cas plus complexe au regard d’une mesure courant sur deux exercices.
En définitive, il s’agit plus d’une forme de contractualisation que d’une taxation en tant que telle. On peut donc considérer que l’article 12 est plus sécurisé que l’article 11 et qu’une clause anti-abus est ici moins nécessaire.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.