Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa du 1 de l’article 150-0 D du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les gains nets résultant de la cession à titre onéreux de parts ou d’actions d’une société transmises dans le cadre du régime prévu à l’article 787 B sont, pendant une durée de huit ans à compter du jour de la transmission, constitués par la différence entre le prix effectif de cession des parts ou actions, net de frais et taxes acquittés par le cédant, et leur valeur au jour de la transmission abattue de l’exonération partielle de 75 % prévue au premier alinéa du même article 787 B. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. La paternité politique de cet amendement présenté par notre groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky revient au député du Modem Jean-Paul Mattei, dont personne ne conteste les qualités ou les compétences sur le sujet.
Il s’agit de tenir compte de la valeur des titres après abattement de 75 % comme base de calcul pour les plus-values de cession. Vous me concéderez que, sans cette mesure, l’avantage fiscal serait double, et ce sans justification : d’abord au moment de la conclusion du pacte, puis lors de la cession des titres et des parts. L’objectif est de limiter les effets du second avantage sans toucher au premier.
Encore une fois, si l’on peut avancer l’argument de la continuité de l’activité pour défendre l’intérêt de la niche fiscale du dispositif Dutreil, l’enrichissement personnel au moment de la cession des titres par les plus-values retirées est, quant à lui, contraire à l’intention du législateur. Par conséquent, la destruction de l’activité au moment où les actifs associés à l’activité sont cédés ne peut être invoquée. Il est donc normal d’exclure de l’assiette sur les plus-values le bénéfice du dispositif Dutreil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces vingt amendements ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je commencerai par donner globalement les avis de la commission, avant de faire des commentaires sur les amendements.
La commission demande l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° I-663. Elle souhaite le retrait des amendements nos I-401 rectifié, I-67 rectifié bis, I-427 rectifié bis, I-314 et I-1869 rectifié, ainsi que des amendements identiques nos I-1770 rectifié ter et I-1986 rectifié bis. L’avis est défavorable sur l’ensemble des autres amendements.
Je demande également le retrait de l’amendement n° I-403 rectifié bis relatif à l’intégration de la transmission des assurances vie au barème général des DMTG. Il tend, en effet, à remettre profondément en cause le dispositif qui soutient l’assurance vie. L’adoption de cet amendement aurait pour effet d’alourdir sensiblement – pour ne pas dire davantage – la fiscalité de l’assurance vie. Je rappelle que les primes versées après l’âge de 70 ans sont soumises aux droits de succession, ce qui limite l’optimisation fiscale. Il faut être attentif à ne pas envoyer des signaux contre-intuitifs : vous connaissez, mes chers collègues, le lien entre les sommes placées dans l’assurance vie et le financement de notre économie.
L’amendement n° I-945 rectifié tend à rehausser les tarifs des barèmes des DMTG : il est présenté comme un moyen de renforcer la progressivité, mais ne prévoit en fait que trois tranches, dont la plus basse est à 30 %. J’y vois donc une contradiction. Par ailleurs, le taux marginal de 60 % qui est proposé est pour le moins confiscatoire.
Je suis très réservé sur l’amendement n° I-401 rectifié, qui prévoit l’abattement progressif pour les transmissions en ligne directe, en raison de la complexité du système proposé. Si l’on veut alourdir la fiscalité sur les successions les plus importantes, il serait préférable de modifier le barème, lequel est très progressif. Je ne partage pas l’objectif visé : le taux marginal d’imposition va déjà jusqu’à 45 %.
L’amendement n° I-67 rectifié bis tend à doubler l’abattement en cas de donation. Ce dispositif renforcerait les inégalités de patrimoine. Ainsi, une personne pourrait recevoir jusqu’à 200 000 euros sans avoir rien à verser à l’État sur cette somme, là où actuellement, du fait de l’abattement, elle paye autour de 17 000 euros, ce qui représente un taux réel effectif de l’ordre de 8 % à 9 %.
L’amendement n° I-427 rectifié bis vise à permettre à un enfant de renoncer à l’abattement sur la part d’un ascendant pour bénéficier d’un doublement de l’abattement sur la part de l’autre ascendant. L’objet de cet amendement me semble mal raccordé avec son dispositif, lequel pourrait tout autant favoriser les familles monoparentales que celles dans lesquelles le patrimoine est mal réparti entre les deux ascendants.
L’amendement n° I-314 prévoit, quant à lui, le doublement de l’abattement sur les donations et successions pour les familles monoparentales, c’est-à-dire dans le cas d’un ascendant unique ayant le statut de parent isolé. Mais il existe déjà de nombreux avantages fiscaux permettant de prendre en compte cette situation.
Je rappelle que, du fait de l’abattement de 100 000 euros qui existe aujourd’hui, seules 20 % des successions et donations sont soumises à l’imposition au titre des DMTG.
L’amendement n° I-1669 rectifié tend à mettre en place une assiette des droits de donation et succession fondée sur la somme des flux successoraux : il me paraît excessif de supprimer purement et simplement la possibilité d’abattement.
L’amendement n° I-66 rectifié bis vise à diminuer le délai du rappel fiscal des donations : le coût d’une telle mesure serait très important pour les finances publiques, de l’ordre de 600 millions d’euros.
La suppression du pacte Dutreil, prévue par l’amendement n° I-660, serait extrêmement pénalisante pour nos entreprises et pour la préservation des activités économiques sur notre territoire.
L’amendement n° I-949 tend à différencier le niveau d’exonération au titre du pacte Dutreil selon la valeur des parts et actions visées. Sur le fond, l’amendement présente une forme de progressivité plus forte que celle prévue à l’amendement n° I-948, mais il y a toujours un effet couperet autour d’un seuil – qu’il soit de 12 millions ou de 50 millions d’euros – qui pourrait entraver la volonté de développement de la société.
L’amendement n° I-404 rectifié vise à diminuer le taux d’exonération du pacte Dutreil de 75 % à 50 %, à cibler le dispositif sur les biens affectés à l’activité opérationnelle de la société et à prendre en compte l’exonération dans le calcul de l’imposition des plus-values de cession. Le ciblage du dispositif mis à part, j’ai eu l’occasion d’expliquer pourquoi j’y étais défavorable. Je reviendrai ultérieurement sur mon opposition à l’exonération du calcul des plus-values de cession.
L’amendement n° I-948 prévoit le plafonnement du bénéfice du pacte Dutreil dans la limite de 5 millions d’euros. Le dispositif me paraît trop schématique, et il pourrait d’ailleurs aussi donner lieu à des effets de seuil, les entreprises évitant d’atteindre une valeur supérieure à celle à partir de laquelle il n’y aurait plus d’exonération.
Je le redis, je demande l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° I-663, relatif à l’application du pacte Dutreil aux seuls biens professionnels réellement affectés à l’activité opérationnelle de la société.
L’amendement n° I-661 vise à remplacer le pacte Dutreil par un abattement fixe de 2 millions d’euros sur les transmissions d’entreprises. Cela revient très concrètement à plafonner l’avantage fiscal dans le cadre du pacte Dutreil, ce qui n’apporterait qu’un gain relativement faible pour les entreprises dont la valeur est moins élevée.
L’amendement n° I-1343 prévoit le conditionnement du bénéfice du pacte Dutreil au maintien dans l’emploi. Une entreprise dont la rentabilité diminue est obligée, dans certains cas, de licencier du personnel : ce n’est pas parce qu’elle a bénéficié du pacte Dutreil qu’elle est censée déroger aux règles de la vie économique.
L’amendement n° I-1869 rectifié vise à l’application, en cas de mutation à titre onéreux des titres d’une société ayant opté pour un pacte Dutreil, des droits d’enregistrement en vigueur au moment de la transmission initiale. Son adoption conduirait à rajouter une nouvelle couche d’avantages dans le pacte Dutreil, ce qui est contradictoire avec les objectifs initiaux de l’amendement.
Les amendements identiques nos I-1770 rectifié ter et I-1986 rectifié bis tendent à ajouter un supplément d’exonération de 15 % dans le cadre du pacte Dutreil en cas d’engagement individuel de conservation de huit ans.
Il faut faire attention et manier le pacte Dutreil avec précaution pour ne pas le dénaturer, car il peut être utilisé à des fins d’optimisation fiscale. Par ailleurs, l’exonération actuelle, à 75 %, est déjà critiquée. Je pense qu’il faut la conserver, mais que nous ne devons pas aller plus loin.
L’amendement n° I-662, qui vise à prendre en compte l’exonération de 75 % du pacte Dutreil dans le calcul de l’imposition des plus-values de cession, risquerait en réalité de modérer fortement l’avantage fiscal du pacte Dutreil, voire de l’annuler, ce qui finalement conduirait à le vider de sa substance.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. J’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble des amendements, y compris sur l’amendement n° I-663 sur lequel le rapporteur général a sollicité l’avis du Gouvernement.
Le Gouvernement ne souhaite pas modifier la fiscalité des transmissions au-delà des sujets que nous avons déjà évoqués – je pense notamment au Dutreil agricole –, et ce pour différentes raisons.
D’abord, il est nécessaire d’assurer la stabilité d’un certain nombre de dispositifs. Les transmissions constituent un domaine dans lequel il faut avoir une certaine visibilité dans le temps, que ce soit sur le pacte Dutreil – même si j’entends qu’il faille débattre du contenu du dispositif – ou sur l’assurance vie.
Par ailleurs, si l’on touche à la fiscalité des transmissions, le coût pour les finances publiques peut rapidement devenir important selon l’évolution que l’on donne au taux de chaque taxation.
La modification de la fiscalité peut aussi entraîner des risques : je pense notamment aux propositions de resserrement ou de suppression d’un certain nombre d’outils fiscaux. Si l’on reprend l’exemple du Dutreil agricole, mais dans l’autre sens, supprimer ou affaiblir le dispositif constitue un risque au regard des investisseurs, des racheteurs, qui auraient pu investir davantage.
Enfin, une hausse de la fiscalité se traduirait par une perte de pouvoir d’achat pour les personnes concernées, c’est-à-dire les épargnants ; je pense en particulier à l’assurance vie.
Nous ne souhaitons pas de modification de la fiscalité de l’assurance vie ou du pacte Dutreil, au-delà de ce qui a déjà été voté dans la loi de finances de 2024. Je rappelle que le champ des activités éligibles à la transmission a déjà été rationalisé il y a à peine un an. Voilà ma réponse, monsieur le rapporteur général, à l’amendement présenté par M. Savoldelli sur lequel vous sollicitiez l’avis du Gouvernement.
J’y insiste, avant d’envisager de nouvelles modifications, il faut assurer la stabilité dans le temps des dispositifs fiscaux.
Enfin, l’assurance vie est un produit de placement extrêmement important pour nos concitoyens, qui détiennent plusieurs dizaines de millions de contrats. À un moment où les Français ont besoin, pour leur avenir, de réassurance sur un certain nombre de dispositifs fiscaux, nous devons leur envoyer un signal fort : ils doivent savoir que l’assurance vie sera préservée dans les conditions actuelles.
M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Nous venons de passer le cap de l’examen de la moitié du budget, et je souhaiterais comprendre quelle direction prend le Gouvernement.
Monsieur le ministre, où voulez-vous atterrir ? Nous avons examiné la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. On constate en parallèle que le budget de la sécurité sociale restera déficitaire. Hier, nous avons appris que le Premier ministre envisageait de renoncer au rendement que lui apportait l’évolution, qu’il avait lui-même imposée, des taxes sur l’électricité.
L’objectif est-il d’aggraver le déficit ou d’effectuer davantage de coupes dans la deuxième partie du budget ? Nous voulons connaître l’orientation retenue par le Gouvernement parce que nous avons proposé un certain nombre d’évolutions. Le rapporteur général, de manière assez directe, évoque des créationnites aiguës et des novations fiscales. Mais nous avons fait preuve de responsabilité ! Je reprends à mon compte ce que disait M. Capo-Canellas lors de la présentation de son amendement sur l’article liminaire lorsqu’il affirmait que les chiffres présentés étaient fallacieux.
Le déficit sera d’entrée de jeu supérieur à celui présenté dans la maquette initiale du Gouvernement. Je veux savoir dans quelle direction vous allez. Considérez-vous que le déficit sera supérieur à vos prévisions ? Allez-vous procéder à des coupes ou accepter de faire évoluer certains dispositifs fiscaux ? L’enjeu du débat sur les successions réside également dans cette question.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. J’ai effectivement livré un certain nombre d’appréciations sur l’effet récessif du budget, mais à aucun moment je n’ai indiqué que les chiffres étaient « fallacieux ». Je tenais à préciser ce point. Nous avons eu un débat et M. le ministre m’a répondu. J’ai simplement émis un doute sur notre capacité à atteindre les 5 %, sans employer des termes aussi osés et forts que celui-ci sur un sujet sensible. (M. Grégory Blanc en convient.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Il faut aider les parlementaires que nous sommes à connaître la vérité et à faire toute la transparence sur le dispositif Dutreil. Depuis dix ans, on nous dit, dans le cadre de la loi de finances, qu’il représente 500 millions d’euros. Est-ce vrai ou non ? Je ne mets en cause personne, mais les dernières données disponibles – celles du Conseil d’analyse économique en 2021 – l’évaluaient plutôt entre 2 milliards et 3 milliards d’euros. Il est nécessaire que nous puissions apprécier correctement la situation.
Monsieur le ministre, vous avez refusé les amendements qui prévoyaient l’abrogation du dispositif Dutreil. Sur les amendements « progressifs », dits de repli dans le langage parlementaire, vous avez dit : « C’est niet. » Votre collègue nous avait dit hier matin qu’il ferait des concessions, mais la ligne change tous les jours… Où sont les concessions faites à la gauche de l’hémicycle, voire à d’autres groupes ? Quand aurons-nous un véritable débat parlementaire, ce qui supposerait des ajustements de la part du Gouvernement ?
Nous avons la même discussion que sur les impôts de production. Nos échanges sur les amendements de repli que nous venons de proposer sur le Dutreil ressemblent à ceux que nous avons eus hier sur la contribution sur la valeur ajoutée.
Nous avons proposé un amendement qui tendait à réintroduire l’impôt économique local uniquement pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros ! Et il y a eu une majorité ici pour être du même avis que vous, monsieur le ministre, et pour le refuser…
Franchement, nous sommes en train d’installer un désordre social dans le pays ! Certes, nous sommes confrontés au problème du redressement de nos comptes publics, mais imaginez la réaction de nos concitoyens et concitoyennes lorsqu’ils feront l’addition des décisions qui sont prises ici !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. À titre personnel, je voterai l’amendement n° I-67 rectifié bis de M. Panunzi, qui tend à doubler l’abattement en cas de donation en ligne directe.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu’il y a deux ans le Sénat avait voté en première lecture un amendement que j’avais déposé, lequel ne prévoyait pas un doublement de l’abattement, mais portait celui-ci à 150 000 euros. Il avait fallu une seconde délibération – ce qui est très rare ! – pour revenir sur cet amendement, au motif que cette mesure coûterait trop cher et que les besoins n’étaient manifestement pas pris en compte.
Sur le coût, la situation n’a pas changé. Néanmoins, n’en déplaise au rapporteur général qui a indiqué, si je ne me trompe pas, que 80 % des successions étaient en deçà du seuil de 100 000 euros, cette limitation de l’abattement n’est pas satisfaisante. Je suivrai l’avis de la commission sur les successions, mais pas sur les donations.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Panunzi. Je vais retirer mes deux amendements – je suis désolé pour mon collègue André Reichardt ! Ce sont des amendements que je présente chaque année avant de les retirer.
Je vous signale, monsieur le ministre, que ce thème est une grande promesse de campagne du Président de la République. Nous ne pourrons pas ignorer cette question encore bien longtemps… Actuellement, nous payons des droits sur la mort ; il n’y a qu’en France que les droits de succession sont aussi élevés !
Je ne partage pas du tout l’explication donnée par le rapporteur général sur l’abattement de 100 000 euros ou de 200 000 euros. L’État récupère l’argent en grande partie sur les DMTG, même si cela a un coût. Au vu du contexte financier de cette année, je serai solidaire du rapporteur et du Gouvernement. Mais nous reviendrons sur ce sujet l’an prochain.
M. le président. Les amendements nos I-67 rectifié bis et I-66 rectifié bis sont retirés.
La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je veux aller dans le sens de notre collègue Savoldelli. Monsieur le ministre, nous avons déposé des amendements qui sont certes parfois très créatifs, pour reprendre les termes du rapporteur général, mais depuis le début des débats vous êtes – en tout cas, avec nous – inflexible, intraitable, presque dogmatique sur les thèmes que vous défendez dans le projet de loi de finances.
Dans quelques jours, le 4 décembre, quand la motion de censure sera examinée, vous hurlerez que ce sont des agents du chaos qui veulent faire tomber le Gouvernement, alors même que vous n’aurez jamais cherché à faire des compromis avec ceux qui voulaient travailler ce budget. Nous arrivons dans une impasse, même si nous n’en sommes qu’à la moitié de l’examen du projet de loi de finances (PLF). Il faut vous ressaisir, commencer à vous rapprocher des uns et des autres, et faire évoluer votre dogmatisme parce que cela ne tient plus !
Vous avez perdu des élections, vous êtes aux manettes, mais vous ne faites pas l’effort d’ouvrir votre réflexion à l’ensemble du camp républicain sur ces sujets ! Nous allons droit dans le mur, mais c’est vous qui accélérez au fur et à mesure de l’examen du PLF.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.
M. Thierry Cozic. Je rejoins mes collègues Pascal Savoldelli et Thomas Dossus. Nous en sommes à la moitié de la discussion. Monsieur le ministre, j’ai vraiment besoin de savoir quel est votre cap, ainsi que celui de la majorité sénatoriale. Nous avons examiné un peu plus de 1 000 amendements. Je rappelle ce qu’avait dit le Premier ministre lors de la présentation du PLF : il faut trouver 5 milliards d’euros supplémentaires d’économies.
Vous avez volontairement présenté un budget à trous en disant que vous étiez ouvert aux compromis. Nous avons fait des propositions, mais force est de constater qu’elles se sont toutes heurtées à une fin de non-recevoir, même celles qui étaient raisonnables – d’autres ne l’étaient pas, je le reconnais. Certaines propositions, dont celle du président Claude Raynal, paraissaient pourtant intéressantes.
M. Thierry Cozic. Certes, mais nous avons besoin de savoir où vous voulez atterrir ! Hier, vous avez annoncé en grande pompe dans l’hémicycle que le Gouvernement, donnant par là même des gages à l’extrême droite, revenait sur l’augmentation des taxes sur l’électricité, que nous avions soutenue.
J’aimerais d’ailleurs savoir si vous allez suivre la proposition du rapporteur général concernant la taxe sur le gaz : les deux mesures étaient en effet liées pour la majorité de cet hémicycle. Sinon, cela fera encore des recettes en moins… Où voulez-vous atterrir ? Quelle est votre position sur les 995 amendements qui nous restent à examiner ? Comment allez-vous accueillir les propositions émanant de notre partie de l’hémicycle ? Je crois que vous ne mesurez pas la situation dans laquelle sont les Français.
M. Thierry Cozic. La situation est lunaire, et je ne comprends pas à quoi vous jouez.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. La question de la taxation des successions revient chaque année, et je pense que c’est un vrai sujet. Mais, monsieur le ministre, si vous devez revoir votre copie, pensez aux successions en ligne indirecte : un taux de 65 %, c’est de la spoliation…
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Notre devise mentionne le mot « égalité », mais comment peut-on parler d’égalité lorsque, pour 90 % ou 95 % des nouveau-nés, tout est déjà joué ? Sur les travées de la droite, on entend souvent parler de mérite, mais certains naissent en ayant déjà des millions d’euros sur leur compte bancaire !
Le mérite et la notion de valeur travail que vous défendez à longueur de journée ont disparu : notre société favorise les héritiers. Ces valeurs défendues au moment de la Révolution française se sont aujourd’hui évaporées, et année après année nous continuons à creuser les inégalités dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu vos propos et vos alertes, et je suis tout à fait d’accord pour que nous travaillions ensemble. (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
Madame Goulet, vous avez raison, nous devons nous pencher sur la question des successions en ligne indirecte.
Monsieur Savoldelli, le dispositif Dutreil représente 750 millions d’euros, selon la dernière estimation.
Vous avez été plusieurs à poser des questions qui n’avaient plus rien à voir avec le sujet des successions. Nous pouvons avoir des échanges politiciens si vous le souhaitez, mais nous avons ici des débats de fond qui se passent extrêmement bien.
Il faut savoir ce que l’on veut ! Préférez-vous que cela se passe comme dans les collectivités, où l’on dit à l’opposition « Circulez, y’a rien à voir ! », ce qui empêche toute discussion et toute évolution du texte ? Une telle configuration a au moins le mérite d’être claire. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Pascal Savoldelli. Cela ne se passe pas ainsi ! De quoi parlez-vous ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. À ma connaissance, il n’y a pas eu depuis longtemps un projet de finances qui soit autant modifié par les parlementaires au cours de son examen !
Sur l’électricité par exemple, vous avez voté de nouvelles dispositions, le Gouvernement a évolué et vous osez parler de manœuvres ? Cela n’a aucun sens ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. Chers collègues, laissez M. le ministre s’exprimer.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Depuis le début de la discussion, le discours du Gouvernement est le même : par nature, le texte est perfectible, et nous sommes à l’écoute des deux chambres.
M. Patrick Kanner. Comment on le paie ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Au fur et à mesure de l’examen du texte, des propositions d’évolution sont avancées et des modifications sont adoptées sous réserve que l’on garde le cap exigeant du redressement des comptes publics.
Et vous reprochez au Gouvernement de ne pas prendre en compte toutes les propositions ? C’est pourtant le principe même du débat que nous avons.
Je ne comprends pas votre position. Vous n’avez jamais pu faire autant évoluer un texte au cours de son examen. Jamais. Je vous mets au défi de me citer un seul contre-exemple. (M. Thierry Cozic s’exclame.)
Vous êtes en plein paradoxe ! Plus vous modifiez ce texte, plus vous trouvez cela suspect et plus vous vous demandez où va le Gouvernement.
Pour ma part, au regard du calendrier qui nous est imposé, de la situation de l’Assemblée nationale qui n’a qu’une majorité relative, du contexte économique qui justifie qu’un certain nombre d’enjeux soient sur la table, je persiste à considérer qu’il est très sain de faire évoluer ce texte. Le Gouvernement l’a annoncé lors de son dépôt, c’est bien ce qui est en train de se passer et nous verrons ce qui sera voté à la fin de son examen.
De là à dire que le Gouvernement est sourd, qu’il n’écoute pas et qu’il est incapable de modifier un texte, comme vous l’avez fait, monsieur Savoldelli ou monsieur Cozic, c’est tout à fait paradoxal !
M. Grégory Blanc. Non !
M. Laurent Saint-Martin, ministre. D’habitude, le Gouvernement impose son projet de loi de finances et accepte quelques amendements à la marge.
Je le répète, jamais un texte de cette nature n’a connu autant de modifications au cours de son examen : les dispositions relatives à l’électricité n’en sont qu’un exemple parmi d’autres. Nous pourrions tous ensemble saluer cette situation nouvelle, même s’il est par définition bien normal que toutes les propositions ne soient pas retenues.
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 32 du règlement et a trait à la sincérité de nos débats.
Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention. J’ai eu le privilège de rencontrer avec Boris Vallaud le Premier ministre voilà quarante-huit heures. Force est de constater qu’il n’avait pas grand-chose à nous proposer, sauf sur la taxe comportementale, en l’occurrence celle sur le sucre dans les sodas. Nous lui avons pourtant proposé de faire évoluer le budget, y compris sur la question de l’électricité, en veillant à ce que cela génère des recettes équivalentes – nous sommes donc responsables.
Nous nous interrogeons sur l’atterrissage. Vous avez en effet levé un nombre inédit de gages ; il faudra bien faire les comptes à un moment donné. Où est l’effet ciseaux ? Allez-vous dégager des recettes supplémentaires ou devrez-vous faire des coupes dans les missions dont l’examen est à venir ?
Nous cherchons à comprendre ce qui est en train de se passer. M. Barnier lâche sur certains points en fonction de ses équilibres politiques. Je le comprends, même si mes collègues et moi-même combattons une alliance objective entre l’extrême droite et la droite républicaine. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mes chers amis, je comprends bien que cela vous gênait…
M. Albéric de Montgolfier. Non, cela ne nous gêne pas !
M. Patrick Kanner. C’est bien le cas. Dans notre pays, la majorité sénatoriale devenue gouvernementale est sous surveillance et influence de l’extrême droite. Je n’y peux rien, c’est ainsi.
Monsieur le ministre, nous avons besoin de nous projeter, puisqu’à partir de la semaine prochaine nous entamerons l’examen de la seconde partie du PLF, relative aux dépenses. Je le répète : quid de l’atterrissage ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Grégory Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.
M. Pascal Savoldelli. Ce rappel au règlement se fonde également sur l’article 32 du règlement et a trait à la sincérité de nos travaux.
Nous agissons tous ici de façon responsable. Pourrons-nous avoir un état des lieux précis de ce qu’a gagé le Gouvernement à la reprise de la séance cet après-midi, et non pas à la fin de l’examen de la première partie, c’est-à-dire dimanche prochain à dix-huit heures ? Cette information sera utile à tous les membres de cette assemblée, quelle que soit leur sensibilité politique.
Monsieur le ministre, on peut tous commettre des écarts de langage quand on répond ; cela m’arrive aussi. Pour autant, vous ne vous pouvez pas prétendre que, dans les collectivités territoriales, au moment du vote du budget, l’opposition s’entend dire « Circulez, y’a rien à voir ».
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je n’ai pas dit cela.
M. Pascal Savoldelli. Lorsque j’étais élu municipal ou élu départemental, je n’ai jamais connu un tel comportement. Dans les collectivités territoriales, cela ne se passe pas ainsi !