Dans cette perspective, je propose de compléter l’article 119 bis du code général des impôts pour préciser que le « bénéficiaire effectif » peut être « déterminé dans les conditions de délais fixées par décret ». En effet, la technique de l’arbitrage des dividendes s’est répandue à la faveur de l’essor très important des flux de titres et d’actions. Il convient de déterminer le bénéficiaire effectif, ce qui est actuellement extrêmement difficile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement, au profit des amendements identiques que nous allons examiner dans un instant ; le dispositif que nous proposerons dans le cadre de l’amendement n° I-2178 nous semble plus solide.
Mme Nathalie Goulet. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-1612 est retiré.
Je suis saisi de six amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.
Les cinq premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° I-96 rectifié est présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste.
L’amendement n° I-621 rectifié bis est présenté par MM. Durox, Hochart et Szczurek.
L’amendement n° I-701 rectifié est présenté par MM. Savoldelli, Barros et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L’amendement n° I-1004 rectifié est présenté par MM. Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon--Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° I-2178 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre Ier de la première partie du code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Au 2 de l’article 119 bis, les mots : « lorsqu’ils bénéficient à » sont remplacés par les mots : « lorsque leurs bénéficiaires effectifs sont » ;
B. – L’article 119 bis A est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Le 1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , dans la limite du montant correspondant à la distribution de produits de parts ou d’actions mentionnée au b » sont remplacés par les mots : « ou transfert de valeur » ;
b) Les a et b sont ainsi rédigés :
« a) Le versement ou transfert de valeur est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou son montant est établi en tenant compte de ladite distribution ;
« b) Le versement ou transfert de valeur est lié, directement ou indirectement :
« – à une cession temporaire desdites actions ou parts réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;
« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites actions ou parts à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;
« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites actions ou parts ; »
3° Au 3, les mots : « mentionné au 1 apporte la preuve que ce versement correspond » sont remplacés par les mots : « ou transfert de valeur mentionnés au 1 du présent I apporte la preuve que ce versement ou transfert de valeur correspondent » ;
4° Le 4 est ainsi rédigé :
« 4. La personne qui effectue le versement ou le transfert de valeur mentionnés au 1 du présent I transmet à l’administration fiscale, à sa demande et sous format dématérialisé, le montant, la date, l’identité de l’émetteur des actions ou parts objets de l’opération mentionnée au 1 du même I et celle du bénéficiaire effectif desdits versement ou transfert de valeur.
« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa du présent 4 n’est pas en mesure de déterminer l’identité du bénéficiaire effectif mentionné au même alinéa, ladite personne transmet, en lieu et place de l’identité dudit bénéficiaire, les informations nécessaires à l’identification de sa résidence fiscale. » ;
5° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – 1. Lorsque les produits des actions et parts sociales et les produits assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis et les revenus visés au 1 du I du présent article sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits, la personne qui effectue le versement des produits applique, lors de la mise en paiement, le taux de retenue à la source prévu à l’article 187 du présent code.
« 2. Le bénéficiaire des produits mentionnés au 1 du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que le versement de ces produits dans l’État ou territoire mentionné au 1 a principalement un objet ou un effet autre que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.
« 3. La personne qui effectue le versement des produits et revenus mentionnés au 1 du présent II transmet à l’administration fiscale, à sa demande et sous format dématérialisé, le montant, la date, l’identité de l’émetteur des actions ou parts objets des opérations mentionnées au 1 du I du présent article et celle du bénéficiaire effectif desdits produits et revenus.
« Lorsque la personne mentionnée au premier alinéa du présent 3 n’est pas en mesure de déterminer l’identité du bénéficiaire effectif mentionné au même alinéa, ladite personne transmet, en lieu et place de l’identité dudit bénéficiaire, les informations nécessaires à l’identification de sa résidence fiscale. » ;
C. – Au 2 de l’article 187, après la référence : « 117 bis », sont insérés les mots : « et à l’article 119 bis A »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° I-96 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à introduire dans le projet de loi de finances une disposition issue de la proposition de loi transpartisane que notre ancienne collègue députée Charlotte Leduc avait déposée l’année dernière – ce texte avait reçu de nombreux soutiens et cosignataires au sein de notre hémicycle –, afin de mettre un terme à la fraude à l’arbitrage des dividendes.
Le dispositif envisagé est très complet – il s’agit, en quelque sorte, d’un prélèvement à la source –, et il me paraît parfaitement opérationnel face à un phénomène de fraude massive, qui coûte 3 milliards d’euros par an à la France.
M. le président. L’amendement n° I-621 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-701 rectifié.
M. Pascal Savoldelli. Une fois n’est pas coutume, je tiens à remercier M. le rapporteur général de la commission des finances ; je salue le travail transpartisan qu’il a conduit depuis plusieurs années sur la fraude à l’arbitrage aux dividendes, les fameux « CumCum » internes ou externes.
Compte tenu de cette approche collective et partagée, nous avons décidé de retirer les trois amendements que nous avions déposés et de nous rallier à la position juste et efficace de la commission des finances.
Au regard du montant du contentieux entre, par exemple, la Fédération bancaire française (FBF) et l’administration fiscale, j’avais appelé de mes vœux, en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », une intervention publique forte.
Je le dis sans équivoque, et j’espère que le message sera bien entendu par ses destinataires : ce ne sont pas les banques qui font la loi dans ce pays !
En France, cinq grandes banques sont actuellement poursuivies par l’administration fiscale et par le parquet national financier (PNF) pour de telles manipulations, et le fisc a déjà notifié 2,5 milliards d’euros de redressement aux établissements incriminés. Ces derniers auront eu recours à toutes les manœuvres dilatoires possibles et imaginables : dénégation sur l’abus de droit ; contestation de la notion de « bénéficiaire effectif », qui paraît pourtant assez claire.
En d’autres termes, les pratiques sont frauduleuses et considérées comme telles par leurs auteurs, mais elles ne pourraient pas tomber sous le coup de la loi.
Imaginons un actionnaire étranger, détenteur de titres d’une société française, qui les prêterait temporairement à une banque, comme par hasard au moment du versement des dividendes, pour éviter l’imposition à 12,8 % dans le cadre du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou à 25 % dans le cadre de l’impôt sur les sociétés. Les fraudeurs récupèrent ensuite leurs titres et se partagent le magot, un magot de l’ordre de 3 milliards d’euros par an !
Je pense donc que nous pouvons voter ces amendements identiques à l’unanimité.
M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° I-1004 rectifié.
M. Thierry Cozic. Je souhaite à mon tour remercier M. le rapporteur général du travail en commun que nous avons pu mener au sein de la commission des finances. Nous avons ainsi modifié nos amendements pour les rendre identiques au sien.
Mes collègues ont déjà présenté le dispositif envisagé. Je me rallie à cette position.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-2178.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, vous l’avez bien compris, nous ne pourrons pas voter un budget de redressement des comptes publics à hauteur de 60 milliards d’euros sans lutter résolument contre certaines pratiques agressives de fraude fiscale. Je fais ici référence aux montages d’arbitrage des dividendes, dits CumCum, qui permettent – cela a été rappelé –d’échapper à la retenue à la source ; cela représente plusieurs centaines de millions d’euros chaque année.
En tout état de cause, les travaux que j’ai menés dans le cadre de la préparation de ce projet de loi de finances m’ont permis d’acquérir deux certitudes.
Premièrement, et malgré ce que des acteurs influents veulent nous faire croire, de telles pratiques existent. Leurs bénéficiaires jouissent en effet d’une forme de sentiment d’impunité, pensant être protégés par la complexité ou l’opacité des montages qu’ils mettent en œuvre. Je le dis clairement : la complexité n’implique pas l’impunité.
Deuxièmement, s’il n’y a assurément pas de solution législative facile, nous avons, par notre vote, la capacité de donner à l’administration fiscale une base légale, robuste pour mettre fin à ces pratiques.
D’abord, cet amendement vise à expliciter l’intention du législateur à l’article 119 bis du code général des impôts : la retenue à la source doit s’appliquer en considération des « bénéficiaires effectifs » des produits distribués.
Cette notion de « bénéficiaires effectifs » – j’y insiste – est entrée dans le droit en 2001 aux Pays-Bas. Nous sommes loin d’être les pionniers en Europe. Au Danemark, son inscription a permis l’augmentation de 130 % des montants de retenue à la source depuis 2015 ; cela nous donne des raisons d’espérer. Et, dans ces pays, les banques n’ont pas perdu en compétitivité, sauf, évidemment, sur le marché des montages financiers frauduleux. De même, l’attractivité de la place de Paris ne sera pas remise en cause, malgré ce que de nombreux acteurs nous prédisent.
Ensuite, l’amendement tend à redonner sa vigueur au dispositif anti-abus qui a été adopté, ici, au Sénat, et qui a malheureusement été rendu inopérant lors de la navette parlementaire. Nous y intégrons des opérations complexes réalisées via des marchés réglementés ou par des produits dérivés ; il ne serait pas sérieux de les exclure si l’on cherche véritablement à mettre fin aux CumCum.
Je le précise, il s’agit d’une initiative très large, je l’espère unanime, des sénateurs. Mais elle s’inscrit aussi dans la continuité des travaux historiques de notre commission. Je salue notamment le tandem formé par Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier. J’aimerais également remercier Éric Bocquet et les sénateurs de toutes sensibilités politiques qui se sont associés à la démarche.
Le dispositif que nous souhaitons adopter est défendu en des termes identiques par de nombreux groupes politiques de notre assemblée. Je nous invite à l’adopter le plus largement possible, afin de marquer clairement et fortement la position de la représentation nationale sur le sujet. Je pense que ces amendements le méritent.
Nous évoquons souvent la fraude, qu’elle soit sociale ou fiscale. Il faut la combattre sans relâche et sans merci. La fraude fiscale concerne peut-être moins de monde, mais le phénomène est plus pernicieux, donc plus dangereux.
Le Sénat doit, me semble-t-il, se montrer exemplaire dans sa volonté de combattre la fraude fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER, CRCE-K et GEST.)
M. le président. Le sous-amendement n° I-2272, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 2178
1° Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
2° Alinéa 8
Remplacer les mots :
ou transfert de valeur
par les mots :
y compris sous la forme d’un transfert de valeur résultant d’une transaction ou d’une combinaison de transactions
3° Alinéa 10
Supprimer les mots :
ou transfert de valeur
4° Alinéa 11
a) Supprimer les mots :
ou transfert de valeur
b) Après le mot :
indirectement
insérer les mots :
, à l’une des transactions suivantes :
5° Alinéas 12 à 14
Supprimer le mot :
à
6° Après alinéa 14
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« …. Ne sont toutefois pas soumis à la retenue à la source dans les conditions prévues au 1 :
« …° les versements liés à une transaction négociée dans des conditions normales sur un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1 du code monétaire et financier lorsque ces conditions de négociation privent la personne qui est établie ou qui a son domicile fiscal en France de toute possibilité de connaître le lieu de résidence ou d’établissement du bénéficiaire. Lorsque les versements sont la conséquence de combinaisons de transactions, cette condition s’apprécie pour chacune des transactions formant combinaison ;
« …° les versements liés à une transaction, dont le prix a été fixé dans des conditions de marché, réalisés par une personne établie ou ayant son domicile fiscal en France lorsque cette personne, ou une personne faisant partie de sa communauté d’intérêt, ne détient pas directement ou indirectement les actions ou parts sociales au moment de la distribution des revenus mentionnés aux articles 108 à 117 bis. »
7° Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
8° Alinéa 17
a) Remplacer les mots :
ou transfert de valeur mentionnés
par le mot :
mentionné
b) Remplacer les mots :
desdits versement ou transfert de valeur.
par les mots :
dudit versement
9° Alinéas 18 et 23
Remplacer les mots :
nécessaires à l’identification de sa résidence fiscale
par les mots :
dont elle dispose utiles à la détermination de la résidence fiscale de ce bénéficiaire
10° Alinéa 21
Après le mot :
preuve
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
qu’il respecte l’ensemble des conditions fixées par la convention d’élimination des doubles impositions applicable pour ne pas faire l’objet ou bénéficier d’une exonération de retenue à la source
11° Alinéa 24
Remplacer le mot :
et
par le mot :
ou
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce sous-amendement vise à préciser les conditions d’application du mécanisme anti-abus proposé par la commission des finances et, partant, à assurer la solidité juridique des redressements qui prendront appui sur les décisions en découlant.
M. le président. L’amendement n° I-1011, présenté par MM. Ouizille, Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat, Briquet et Espagnac, MM. Éblé, Féraud, Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 119 bis A est ainsi modifié :
a) Le 1 est ainsi modifié :
- Le premier alinéa est ainsi modifié :
i) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
ii)les mots : « , dans la limite du montant correspondant à la distribution de produits de parts ou d’actions mentionnée au b, » sont supprimés ;
- Les a et b sont ainsi rédigés :
« a) Le versement est conditionné, directement ou indirectement, à la distribution de produits d’actions, de parts sociales ou de revenus assimilés mentionnés aux articles 108 à 117 bis, ou des revenus et risques attachés à ces titres, ou son montant est établi en en tenant compte ;
« b) Le versement est lié, directement ou indirectement :
« – à une cession temporaire desdites parts ou actions réalisée par la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France au profit, directement ou indirectement, de la personne qui est établie ou a sa résidence en France ;
« – ou à une opération donnant le droit ou faisant obligation à la personne qui est établie ou a sa résidence en France de revendre ou de restituer, directement ou indirectement, lesdites parts ou actions à la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France ;
« – ou à un accord ou instrument financier ayant, directement ou indirectement, pour la personne qui n’est pas établie ou n’a pas sa résidence en France, un effet économique similaire à la possession desdites parts ou actions. » ;
b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Lorsque les revenus mentionnés au I sont versés à une personne qui est établie ou a sa résidence dans un État ou territoire ayant signé avec la France une convention d’élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces revenus, l’établissement payeur des revenus applique, lors de la mise en paiement, la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis.
« Le bénéficiaire des revenus mentionnés au premier alinéa du présent II peut obtenir le remboursement de la retenue à la source s’il apporte la preuve qu’il en est le bénéficiaire effectif et que la distribution de ces revenus dans cet État ou territoire a principalement un objet ou un effet autres que d’éviter l’application d’une retenue à la source ou d’obtenir l’octroi d’un avantage fiscal.
« L’établissement payeur des revenus mentionnés au même premier alinéa adresse chaque année à l’administration fiscale, par voie électronique et au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les versements ont été effectués, une déclaration mentionnant le montant, la date, l’émetteur et le destinataire de chacun des versements. »
2° L’article 187 est ainsi modifié :
a) Au 2, après le mot : « et », sont insérés les mots : « pour les revenus mentionnés à l’article 119 bis A » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 3. Le remboursement d’une retenue à la source ne peut avoir lieu qu’après constat par l’administration fiscale qu’une retenue a effectivement eu lieu. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Alexandre Ouizille.
M. Alexandre Ouizille. Je m’associe aux hommages qui ont été rendus au travail engagé par M. le rapporteur général, et mon propos s’inscrit dans le sillage de celui de mes collègues.
Je tiens à souligner la dangerosité du sous-amendement du Gouvernement, dont l’adoption annihilerait ipso facto le travail de la commission et du rapporteur général. Or il est essentiel que ce travail puisse être mené à son terme.
Par son sous-amendement, le Gouvernement souhaite supprimer la notion de « bénéficiaires effectifs », la référence aux produits complexes, qui sont pourtant au cœur de la fraude – nous n’obtiendrons aucun résultat si nous ne nous intéressons pas à la manière dont sont conçus les CumCum –, et les mesures permettant de lutter contre les détachements en chaîne, qui sont un autre moyen d’échapper à l’impôt.
Je propose donc d’en rester à la version du rapporteur général. C’est la plus construite et la plus complète. C’est aussi celle qui donne les meilleures armes à nos services fiscaux et à nos services judiciaires. Comme l’a souligné M. Savoldelli, le phénomène dont nous parlons représente entre 1,5 milliard d’euros et 3 milliards d’euros – ce n’est pas une paille ! –, soit l’équivalent des taxes supplémentaires sur l’électricité qui étaient envisagées. C’est dire l’importance des dispositions que nous nous apprêtons à voter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° I-2272 et sur l’amendement n° I-1011 ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, j’aurais vraiment souhaité que le Gouvernement ne dépose pas ce sous-amendement.
Comme je l’ai indiqué en présentant mon amendement, l’introduction de la notion de « bénéficiaires effectifs » est la priorité. C’est la mesure-chapeau générale, le garde-fou qui aurait un effet définitif, comme cela a été démontré dans d’autres pays ; les services vérificateurs, qui sont concrètement confrontés au redressement de ces montages, en ont besoin. C’est ce qu’il faut faire. C’est d’ailleurs devenu une évidence : tous les acteurs impliqués dans la lutte contre la fraude fiscale aux CumCum le disent. Tous les pays qui ont lutté efficacement contre les pratiques en question ont procédé ainsi.
Par ailleurs, le dispositif anti-abus, loin de créer une difficulté d’interprétation, vient s’ajouter au droit commun et, quelque part, le renforcer. Il s’agit en fait d’un mécanisme assez courant dans notre droit, et cela n’a jamais posé de problème.
En revanche, l’adoption du sous-amendement créerait un trou béant dans la raquette. On sait aujourd’hui que la grande majorité des montages CumCum ont lieu via des marchés réglementés. Et sous prétexte que ces opérations seraient les plus opaques, il ne faudrait pas appliquer le revenu à la source ? Je rêve ! Cela revient à dire que, lorsque nous ne savons pas ce que nous avons en face de nous, nous ne taxons pas. Mais de quel droit ? C’est précisément parce que le destinataire est incertain que la retenue à la source doit s’appliquer, au moins par défaut. C’est ce que font, notamment, les États-Unis. Que je sache, ce ne sont pas tout à fait les ennemis de la finance, et ils ne sont pas non plus réputés pour vouloir asphyxier le système bancaire !
Il ne me paraît pas sérieusement envisageable d’exclure les transactions dans lesquelles la banque peut démontrer qu’elle n’a pas perçu elle-même le dividende. Les banques savent détacher le titre chez un tiers, afin de clamer qu’elles n’ont jamais reçu le dividende à taxer. En excluant ces transactions, nous créerions à nouveau une prime, pour ne pas dire une récompense, à l’opacité en ne couvrant pas une pratique déjà avérée.
Monsieur le ministre, je constate avec étonnement que, par votre amendement, vous cherchez à détricoter point par point chacun des dispositifs mordants de l’amendement de la commission. Comme cela avait été le cas en 2019, lorsque le dispositif que nous avions voté avait été vidé de sa substance à l’Assemblée nationale, l’adoption de votre sous-amendement – certes, je pense qu’il sera rejeté… – rendrait totalement inopérant le travail que nous avons mené.
Toutes les personnes qui s’engagent dans la lutte contre la pratique frauduleuse des CumCum ne peuvent que le constater, votre proposition aurait pour effet, ni plus ni moins, de laisser les banques poursuivre leurs pratiques de fraude fiscale. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez ? Je ne le crois pas.
Le Gouvernement souhaite-t-il s’engager résolument ou non contre la fraude fiscale à grande échelle de certains établissements financiers ? C’est la question qui nous est posée. Vous connaissez la réponse que nous y apportons.
Monsieur le ministre, face à une telle évidence, et au regard de la résolution de notre assemblée, je vous invite à retirer votre sous-amendement. À défaut, vous l’avez compris, j’en demanderai évidemment le rejet.
Enfin, l’adoption des amendements identiques ferait tomber l’amendement n° I-1011. Mais j’ai bien noté que M. Ouizille souhaitait se rallier à la position de la commission. (Applaudissements.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur le rapporteur, comme vous l’avez indiqué vous-même, il n’y a pas de « solution législative facile ». En vérité, s’il y avait une solution législative tout court, elle aurait probablement déjà été adoptée.
Nous partageons la même philosophie ; la question n’est pas là.
Notre sous-amendement ne vise pas à protéger qui que ce soit ou quoi que ce soit. En revanche, il est de la responsabilité du Gouvernement de veiller à faire en sorte que les mesures adoptées et, surtout, promulguées soient réellement applicables, afin, précisément, que les services fiscaux puissent tout simplement faire leur travail de redressement. Ni plus ni moins.
La différence entre notre sous-amendement et ce que vous proposez réside dans la notion de « bénéficiaires effectifs », qui se heurte à une vraie difficulté. Dans certaines situations, il appartiendra au contribuable d’établir qu’il est lui-même le bénéficiaire effectif. Cela revient donc à exiger des banques procédant à la retenue à la source de vérifier que leurs clients sont bénéficiaires effectifs. Or un certain nombre d’éléments, dont les marchés réglementés, que vous avez mentionnés, rendent le système peu lisible et ne permettent pas toujours d’identifier le bénéficiaire effectif. C’est donc davantage un problème de « pouvoir » faire que de « vouloir ».
La notion que vous avez l’intention d’introduire n’apporte pas de réponse sur la question des flux assimilables à des rétrocessions de dividendes. Or c’est un enjeu majeur.
Je souhaite également mettre en avant un argument juridique. Introduire la notion que vous proposez à l’article 119 bis A du code général des impôts, qui concerne l’abus de droit, serait source d’incertitudes.
En revanche, le sous-amendement du Gouvernement tend à prévoir un certain nombre de mesures.
Comme vous, nous proposons de sécuriser l’application de la retenue à la source, notamment pour les non-résidents couverts par une exonération conventionnelle.
Comme vous, nous souhaitons renforcer le dispositif anti-abus prévu à l’article 119 bis A, notamment par la suppression du délai de quarante-cinq jours.
En définitive, ce que le Gouvernement souhaite, malgré toute cette complexité législative, que chacun a bien comprise, c’est apporter de la sécurité juridique, en excluant deux cas qui sont source d’insécurité juridique.
Premier cas, la banque prouve qu’elle n’a pas reçu le dividende qui est le sous-jacent d’un produit dérivé.
Deuxième cas, la banque intervient sur un marché réglementé – vous y avez vous-même fait référence –, ce qui la prive de la connaissance de la contrepartie.
Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur général, je ne retirerai pas ce sous-amendement, dont l’adoption nous offrirait, me semble-t-il, plus de sécurité juridique. J’entends que le dispositif proposé ne vous satisfait pas sur le fond. Mais c’est probablement la meilleure convergence entre ce qu’il est possible de faire et ce que vous souhaitez faire à travers vos amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voudrais évidemment rendre hommage à Albéric de Montgolfier et à notre ami Éric Bocquet.
Avec une régularité de métronome, nous avons, les uns et les autres, déposé un amendement de même nature dans chaque projet de loi de finances depuis 2018. D’ailleurs, les positions ont pu varier. La commission y était tantôt favorable, tantôt défavorable. La dernière fois, le ministre trouvait même le dispositif tout à fait satisfaisant. C’est dire combien les avancées ont été spectaculaires sur la question du prélèvement à la source.
Car le système auquel nous sommes confrontés est un vrai bonneteau.
Je le rappelle, le parquet national financier a engagé sa plus grosse opération en la matière voilà deux ans. Le système est fragilisé par l’accès aux registres des bénéficiaires définitifs, ce qui pose un problème extrêmement sérieux. L’OCDE, qui est tout à fait au point sur la question, propose également un dispositif supplémentaire de coopération internationale.
Au fond, monsieur le ministre, votre sous-amendement, qui, s’il apporte un peu sécurité juridique, rogne les ailes de ce que nous souhaitons instituer, a un mérite : il nous permet de connaître d’emblée les limites qui nous seront opposées. La dernière fois, nous ne les avions découvertes qu’au cours de la réunion de la commission mixte paritaire. Il est toujours plus agréable d’en discuter avec vous aujourd’hui que de tout apprendre à la fin.
Je suivrai la position de la commission. Les Français nous regardent. Le phénomène dont nous parlons, c’est 55 milliards d’euros à l’échelon européen, et 3 milliards d’euros à l’échelon national.
M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.
M. Alexandre Ouizille. Le problème, ce n’est pas la « sécurité juridique » ! Les banques n’ont pas besoin de sécurité juridique. Nous, en revanche, nous avons besoin de mettre un terme à l’impunité juridique actuelle.
J’ai amené un document qui, à mon avis, illustre bien la situation. (L’orateur brandit un document.) C’est un prospectus datant de quelques années d’une grande banque, en l’occurrence Natixis, dans lequel il est expliqué comment procéder à un transfert temporaire pour échapper à la fiscalité sur les dividendes. C’est vous dire le sentiment d’impunité ! La fraude à l’arbitrage des dividendes est devenue un produit financier comme un autre !
M. le rapporteur général a proposé des mesures qui couvrent un maximum de cas, afin que la peur change de camp et que l’on introduise un peu de justice dans ce projet de loi de finances.
Monsieur le ministre, je vous demande à mon tour de retirer ce sous-amendement, qui n’a aucun sens et qui ne donne pas à notre justice et à nos services fiscaux les armes efficaces pour lutter contre les pratiques frauduleuses.
Il n’est pas digne d’un ministre et d’un gouvernement…
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ne parlez pas de « dignité » !
M. Alexandre Ouizille. … de donner l’impression d’être soumis à ce point aux acteurs financiers. Il n’y a pas d’autre terme pour décrire ce que vous proposez.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme je l’ai indiqué précédemment, nous sommes nombreux à avoir travaillé sur le sujet, en fonction de l’intérêt que nous y portions chacun. Pour ma part, j’ai eu le souci de tirer les enseignements de nos échecs passés.
Nous avons procédé à de nombreuses auditions, y compris avec le parquet national financier. Nous avons écouté tout le monde, et nous avons essayé de nous inspirer de ce qui se fait ailleurs.
Monsieur le ministre, même si l’adoption de votre sous-amendement aurait pour effet de quasiment annihiler les mesures que nous avons la volonté de mettre en place, je ne vous fais pas de procès d’intention.
Je sais simplement – cela m’a été expliqué – que lorsqu’une banque ne connaît pas forcément le bénéficiaire effectif, parce qu’elle déclare ne pas arriver à suivre, elle prend quand même ! Elle prend par défaut.
Nous devons donc vraiment graver cette notion de « bénéficiaire effectif » dans le marbre de la loi. C’est l’alpha et l’oméga, la base juridique qui permettra à la justice de faire son travail. D’ailleurs, s’il y a un bras de fer sur le sujet en ce moment, ce n’est pas pour rien !
Donnons-nous cette base juridique, qui permettra à la justice d’effectuer plus sereinement son travail. C’est tout ce que nous demandons, mais, pour moi, c’est déjà beaucoup.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre. D’abord, sur la forme, monsieur le sénateur Ouizille, je vous invite, comme il est de coutume dans cet hémicycle, à rester tempéré dans vos propos. Cela commence par ne pas me qualifier de ministre « indigne », alors que je suis un ministre qui protège avant tout l’administration dont il a la responsabilité.
Sur le fond, ensuite, sécuriser juridiquement un dispositif, c’est offrir un cadre de travail qui ne compromette pas les chances d’atteindre l’objectif que nous visons.
Vous semblez ne pas comprendre que nous partageons le même objectif sans toutefois emprunter le même chemin.
J’ai moi aussi travaillé sur ce dossier avec mon administration, et je sais aujourd’hui combien rien ne serait plus risqué et dangereux que de ne pas être en mesure d’identifier un « bénéficiaire effectif » que l’on aurait défini juridiquement.
Monsieur le rapporteur général, peut-être devriez-vous pousser la logique jusqu’au bout et proposer une retenue à la source systématique ex ante, en inversant pratiquement la charge de la preuve ? Cette option aurait pour contrepartie une lourdeur administrative extrême dans le recouvrement, et c’est sans doute la raison pour laquelle vous ne l’avez pas proposée.
Comme je l’ai indiqué, l’adoption de ce sous-amendement permettrait d’accompagner les nombreuses avancées en matière d’abus de droit que vous évoquiez : les quarante-cinq jours, les produits dérivés, etc.
Il n’y a donc nulle indignité dans ce travail. Je le répète, monsieur le sénateur Ouizille, faites attention à vos propos, parce les mots sont lourds de sens.
Je le redis, le Gouvernement a la volonté d’accompagner cette démarche, mais pas au prix d’avancées qui iraient à l’encontre de la sécurité juridique du dispositif, ce qui serait préjudiciable, et notamment aux personnes qui sont chargées d’enquêter, puis de procéder au recouvrement en cas de fraude avérée.