M. Antoine Lefèvre. Le sujet venant d’être largement exposé, je vais présenter de manière synthétique cet amendement d’appel, qui a pour objet d’indexer la DGF sur l’inflation, comme les élus locaux l’ont ardemment appelé de leurs vœux.
Si j’entends les positions que peuvent défendre le rapporteur général ou le Gouvernement à ce sujet, nous ne pouvons plus rester sans rien faire. Face au rétrécissement des moyens des départements et à l’accroissement du périmètre de leurs missions – la situation du département de l’Aisne, dont je suis élu, est symptomatique de ces difficultés –, nous proposons donc, par cet amendement, une revalorisation de la DGF en 2025 à hauteur de l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation (IPC), soit une revalorisation de 1,8 %.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° I-444 rectifié bis.
M. Michel Masset. Je m’associe à l’ensemble des propos qui viennent d’être tenus. Nous connaissons ainsi par avance la teneur des amendements que nous défendrons pour la reconnaissance de nos collectivités locales.
Je me réjouis aussi de constater que tous les groupes politiques, ou presque, sont favorables à une revalorisation de la DGF. Dès lors qu’il n’y en a pas eu depuis de nombreuses années, que l’on n’a pas tenu compte de l’inflation, il faut bien parler, s’agissant de cette dotation, d’une dégradation financière. Cette dégradation a un coût : le maintien à niveau des prestations sociales versées par les départements se fait désormais au détriment du soutien au bloc communal, de la cohésion territoriale et de l’investissement.
Voilà pourquoi, comme vient de l’indiquer mon collègue Antoine Lefèvre, nous proposons de revaloriser la DGF en 2025 à hauteur de l’indice prévisionnel de la consommation, soit une revalorisation de 1,8 %. La hausse sera ainsi de l’ordre de 491 millions d’euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault, pour présenter l’amendement n° I-593 rectifié.
M. Vincent Louault. Cet amendement est défendu.
On a beaucoup parlé de la hausse des allocations individuelles de solidarité et de l’absence d’indexation sur l’inflation de la DGF pour les départements. Tout le monde en parle, mais il est temps de faire quelque chose !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour présenter l’amendement n° I-626 rectifié bis.
Mme Brigitte Devésa. Sans revenir sur tout ce qui a déjà été dit, je tiens moi aussi à m’exprimer pour défendre mon territoire.
Rappelons que les départements investissent à hauteur de 12 milliards d’euros, dont 1,6 milliard d’euros directement en soutien au bloc communal. Il faut leur redonner des marges de manœuvre. À cet égard, il est indispensable d’indexer enfin la DGF sur l’inflation.
Je partage donc l’ensemble des propos tenus et je propose, à l’instar de mes collègues, une revalorisation de la DGF en 2025 à hauteur de l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation, soit – cela vient d’être dit – une hausse de 1,8 %, qui représenterait environ 491 millions d’euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-717 rectifié bis.
M. Pascal Savoldelli. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky considère que ne pas indexer la DGF sur l’inflation, c’est en réalité s’engager dans un processus substituant une solidarité horizontale à la solidarité nationale.
Il faut bien mesurer dans quel processus on s’engage. Si cette indexation n’est pas votée, nous ne pourrons emprunter qu’une seule voie, celle d’un accroissement de la péréquation. Les besoins sont là, on constate une hausse de 150 millions d’euros de la DSR, de 140 millions d’euros de la DSU, de 90 millions d’euros de la dotation d’intercommunalité (DI), de 10 millions d’euros des dotations de péréquation des départements.
Autrement dit, ce débat n’est pas qu’un débat technique et financier. Il l’est incontestablement, mais il pourrait aussi nous engager dans une autre voie, nous entraîner vers une réforme structurelle, imposant des mécanismes horizontaux de solidarité via une péréquation entre les différents niveaux de collectivité territoriale, du fait d’un recul incessant de la contribution de l’État.
Et ça, mes chers collègues, c’est un choix politique, qui aura évidemment des conséquences sur la conduite de l’action publique et se traduira concrètement par des fermetures ou des privatisations de crèches, ou d’autres évolutions semblables.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour présenter l’amendement n° I-935.
M. Thierry Cozic. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je rappellerai simplement que cette mesure structurante de revalorisation de la DGF à hauteur de l’inflation pour 2025 est défendue par l’ensemble des groupes de gauche du Sénat.
S’ils étaient adoptés, ces amendements permettraient de dégager environ 341 millions d’euros supplémentaires pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) par rapport à 2024.
Une telle décision paraît plutôt de bonne gestion quand on dresse le bilan des nombreuses décisions unilatérales prises par l’État depuis quelques années pour accroître les dépenses de nos collectivités. Je pense notamment à la revalorisation du point d’indice pour un coût supérieur à 2 milliards d’euros ; à la hausse du revenu de solidarité active (RSA), que les départements ont dû supporter ; aux mesures du Ségur de la santé, qui sont, certes, positives pour les fonctionnaires, mais que l’État a imposées sans aucune compensation.
Avec cet amendement, nous répondons, je pense, à une partie du problème que l’État a lui-même créé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour présenter l’amendement n° I-1188 rectifié.
Mme Ghislaine Senée. J’observe que, l’an dernier, nous étions six groupes sur huit à soutenir cette indexation ; cette année, nous sommes sept !
L’amendement est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l’amendement n° I-1216 rectifié ter.
M. Vincent Delahaye. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° I-1586 rectifié.
M. Arnaud Bazin. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° I-190 rectifié ter, présenté par Mme Noël, MM. D. Laurent, Anglars et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. J.B. Blanc, Houpert et Pellevat et Mme Muller-Bronn, est ainsi libellé :
I.– Alinéa 2
Remplacer le montant :
27 244 686 833 €
par le montant :
27 586 086 833 €
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.
M. Jean-Jacques Panunzi. Dans sa version initiale, le PLF pour 2025 prévoit une reconduction du montant de la DGF à son niveau de 2024. Après les revalorisations de la DGF du bloc communal à hauteur de 320 millions d’euros sur chacune des deux années 2023 et 2024, il renoue ainsi avec le gel appliqué de 2018 à 2022.
Le présent amendement tend, au contraire, à revaloriser la DGF du bloc communal à hauteur de l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix à la consommation pour 2025, soit une hausse de 1,8 %. La DGF des communes et des EPCI augmenterait ainsi d’environ 341 millions d’euros par rapport à 2024.
Mme la présidente. L’amendement n° I-937, présenté par MM. Féraud, Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas et Lurel, Mmes Artigalas, Bélim, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Darras, Fagnen et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou, Linkenheld et Lubin, MM. Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Ouizille, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le montant :
27 244 686 833 €
par le montant :
27 534 686 833 €
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Adel Ziane.
M. Adel Ziane. Le présent amendement vise à intégrer, pour la détermination de l’enveloppe 2025 de la DGF, l’augmentation de la dotation de solidarité rurale de 150 millions d’euros et celle de la dotation de solidarité urbaine de 140 millions d’euros prévues à l’alinéa 13 de l’article 61 du PLF.
Le texte prévoit en effet un accroissement des dotations de péréquation communales à un niveau similaire à celui de la loi de finances initiale pour 2024. Mais, à la différence de cette dernière, qui prévoyait une augmentation de l’enveloppe globale de DGF de 320 millions d’euros, il maintient celle-ci inchangée à l’article 29.
Cela revient à financer l’augmentation de la DSR et de la DSU par prélèvement sur la dotation forfaitaire. Or plusieurs centaines de communes n’en ont plus et, de ce fait, ne pourront pas participer au financement de la péréquation. Il y a là un paradoxe, ou, plus précisément, un effet « anti-péréquateur », puisque, schématiquement, ce sont les communes dites riches qui ne disposent plus de dotation forfaitaire.
La solution technique consistant à faire participer les communes sans dotation forfaitaire au financement des dotations de péréquation directement par prélèvement sur leurs douzièmes se révèle également inopérante, dans la mesure où l’article 64 du présent projet de loi prévoit par ailleurs qu’elles seront ponctionnées à hauteur de 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement, un niveau plafond selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Afin d’éviter que le financement de la péréquation soit paradoxalement « anti-péréquateur », en sollicitant plus fortement la dotation forfaitaire de communes moins riches que celles qui n’en disposent plus, cet amendement vise à ajuster l’enveloppe globale de DGF fixée dans cet article 29 du PLF, à due concurrence de l’augmentation de DSR et de DSU prévue à l’article 61, qui sera examiné en seconde partie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de ces onze amendements.
Madame la sénatrice Senée, je doute qu’un appel ait été lancé l’an dernier en faveur d’une indexation de la DGF sur l’inflation – très honnêtement, je ne l’ai pas vérifié. Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’une telle disposition n’a pas été adoptée.
Pour ma part, je considère que la stabilisation des concours financiers de l’État aux collectivités locales est une décision sage au regard de la situation très tendue, pour ne pas dire très grave, dans laquelle se trouvent les comptes publics du pays.
Il faut replacer cet échange dans la perspective plus générale de notre débat sur le projet de loi de finances et tout mettre sur la table.
Dans le projet de loi de finances, l’État demande aux collectivités territoriales de faire un effort de 5 milliards d’euros.
Nous avons pris en commission la décision de supprimer l’article 30 du PLF. Je pense que ce vote sera confirmé dans l’hémicycle. Cela représente 800 millions d’euros, soit nettement plus que l’indexation de la seule DGF. Nous avons clairement dit à l’État que nous refusions les évolutions proposées et, si j’en crois la presse, l’État aurait entendu, dans le cadre des négociations encore en cours, et notre message et celui des collectivités territoriales sur ce sujet.
Je mets également dans la balance de nos discussions ce matin le fonds de précaution de 3 milliards d’euros. Comme vous le savez, nous avons adopté en commission des finances deux amendements visant à réduire de deux tiers l’effort de solidarité demandé aux collectivités territoriales. La discussion en est au stade final s’agissant des modalités. Cela devrait grandement soulager les collectivités et les élus locaux, qui, tout en affirmant leur esprit de responsabilité et leur volonté de participer à l’effort, demandent que celui-ci soit fixé dans des proportions plus raisonnables.
Si nous parvenons à nos fins, l’enveloppe de 5 milliards d’euros d’effort demandée par le Gouvernement serait ramenée à 2 milliards d’euros. En tenant cette ligne, qui traduit responsabilité et sérieux budgétaire, les collectivités territoriales prendront leur part à l’effort. C’est le message que je souhaite que nous portions collectivement.
Le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne a eu l’occasion de rappeler un passé qui n’est pas si ancien que cela et les efforts demandés à une époque où – soyons objectifs – la situation de nos comptes publics n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.
Ce panorama étant dressé, avec, devant nous, l’effort collectif que l’on demande aux Français, je souhaite que chacun accepte de participer. Je le redis, cela peut se faire de manière plus raisonnable, pour des montants moindres que la proposition initiale du Gouvernement.
Enfin, l’indexation sur l’inflation est selon moi un faux sujet. Le Sénat a travaillé sur la question. Il faudrait maintenant, même si je ne sais pas si la période y est pleinement propice, que l’on réfléchisse à une nouvelle étape de décentralisation. Quelles libertés nouvelles pour les collectivités locales ? Quels moyens financiers ? Quelles responsabilités demain ? C’est une étape que nous appelons collectivement de nos vœux.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je partage les propos du rapporteur général.
Un certain nombre de points relatifs à la DGF ont été abordés à l’occasion des prises de parole sur l’article et des présentations d’amendement. Évidemment, l’enjeu est plus vaste et nous abordons une discussion de plusieurs heures sur la participation des collectivités territoriales à l’effort de redressement de nos comptes publics.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur la proposition initiale du Gouvernement, mais également sur notre volonté de la faire évoluer avec les parlementaires. Nous sommes disposés à étudier certaines modifications proposées, notamment sur le fonds de précaution, l’écrêtement de la dynamique de TVA ou le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
Concernant la DGF et le présent article 29, Jean-Baptiste Lemoyne a rappelé, à raison, certains faits historiques pas si lointains que cela – ils remontent à dix ans ! Oui, il y a eu dans l’histoire récente de notre pays des baisses de DGF. Décidées par des gouvernements socialistes, elles ont atteint 11 milliards d’euros.
Dans le projet de budget pour 2025, nous ne remettons pas en cause la DGF ni ne la baissons. Nous consolidons les augmentations réalisées en 2023 et en 2024, poursuivant, donc, la trajectoire engagée.
Je ne crois pas avoir vu d’amendements en ce sens, mais s’il y a des propositions pour réduire la DGF et, ainsi, accroître la contribution des collectivités territoriales, discutons-en ! Ce n’est toutefois pas la proposition du Gouvernement : ce que nous proposons, c’est de maintenir l’effort de péréquation.
J’ai entendu plusieurs orateurs mentionner la nécessité d’une réflexion sur l’architecture et les modalités d’attribution de la DGF. C’est une évidence ! Il faut avoir l’ambition de réformer cette dotation, dont certaines variables de calcul sont aujourd’hui obsolètes. Quoi qu’il arrive, c’est un travail qui devra être mené dès 2025, sans quoi nous aurons chaque année la même discussion sur toutes les anomalies de ce calcul.
Je partage l’avis de M. le rapporteur général concernant l’indexation sur l’inflation. Ce n’est en effet pas la bonne manière de traiter le sujet, indépendamment, évidemment, du coût d’un demi-milliard d’euros que représenterait cette indexation.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. En effet, c’est intéressant d’étudier l’histoire, monsieur le ministre ; elle nous permet de comprendre le présent…
Je le confirme, les conséquences de l’article 29 ne peuvent pas être appréciées, en 2024, comme si cet article avait été déposé en 2004. Du gel des années Sarkozy, à la baisse drastique des années Hollande, puis au non-rattrapage des années Macron, les collectivités ont été, au travers d’une attaque en règle contre la dotation globale de fonctionnement, très fortement mises à contribution depuis plus d’une décennie.
Sans revenir sur mes précédents propos, permettez-moi d’insister sur le fait que la question n’est pas seulement budgétaire. Elle concerne, plus largement, l’organisation territoriale de notre République, les moyens accordés – et dans quelles conditions – à nos collectivités territoriales. Doit-il y avoir, oui ou non, un effort de solidarité nationale à destination de l’ensemble de ces collectivités ? Ou les laisse-t-on se débrouiller entre elles ?
Je le dis, dans un pays en difficulté – je ne sais pas si nous traversons une crise historique, mais reconnaissons que la Nation est fragilisée –, dans un pays où, de plus en plus, on oppose de manière malsaine ceux qui auraient les moyens et ceux qui ne les auraient pas, dans un pays où les élus locaux sont chaque jour plus sollicités pour protéger leur population, continuer ainsi n’est pas une bonne réponse.
Bien évidemment, nous pouvons tous conclure nos interventions de ce jour – nous le faisons depuis des années – en évoquant la nécessité d’une grande réforme de la DGF et des finances des collectivités locales. Nous serons tous d’accord sur ce point. Cela dit, nous pouvons aussi tous reconnaître que la situation politique, dans laquelle nous avons, les uns et les autres, notre part de responsabilité, ne permettra pas une telle réforme.
De ce fait, ne pas faire un geste sur la DGF à travers cet article 29 est une erreur et un très mauvais signal envoyé à nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. Cette discussion sur la DGF et l’article 29 renvoie en effet à la question plus large du soutien de l’État aux collectivités territoriales et des relations qu’ils entretiennent entre eux. C’est dans ce cadre très global, incluant le sujet de la fiscalité locale, que le constat partagé de la nécessité d’une révision de la DGF doit s’inscrire. Il faut bien considérer l’ensemble de ces questions.
Notre débat doit aussi s’envisager, comme l’a fait M. le rapporteur général, sous l’angle plus large de l’effort demandé aux collectivités territoriales dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui.
En complément des propos déjà tenus, j’évoquerai les travaux en cours à la suite de l’adoption en commission des finances de l’amendement de suppression de l’article 64, lequel établissait, en deuxième partie du PLF, le fonds de précaution.
La question qui se pose est de savoir comment contribuer à l’effort national pour redresser le solde public, comme nous nous engageons à le faire, sans capter l’épargne des collectivités locales. Le dispositif de lissage sur lequel nous travaillons doit permettre de répondre à cet enjeu : en passant par ce biais, et non par une mise en réserve, on allège l’effort de 1 milliard d’euros et on fait contribuer les collectivités sans capter leur épargne.
Nous aurons évidemment l’occasion d’en reparler lors de l’examen de la seconde partie du PLF, mais je voulais dès à présent éclairer l’assemblée sur ce point. Cela permet, me semble-t-il, de porter un regard un peu différent sur la question de la DGF dans le contexte actuel.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour explication de vote.
M. Christian Bilhac. Oui, monsieur le ministre, il faut réduire les déficits, mais pas sur le dos des collectivités. Je répète qu’elles ne sont pas responsables de la situation financière !
Les collectivités locales sont le socle de la République ; c’est vrai en particulier des communes. Ce socle est aujourd’hui ébranlé parce que les élus n’ont plus les moyens de rendre service à leurs concitoyens.
Communes et départements sont dans une situation catastrophique. Aujourd’hui, les départements constituent également le socle économique, parce que la croissance sur laquelle compte le Gouvernement dans ses prévisions budgétaires n’aura pas lieu si les collectivités locales sont exsangues ! Et l’on va perdre des recettes.
Mais, parce que, oui, il faut faire des économies, je vous proposerai, en responsabilité, à l’article 33, non pas 500 000 euros, mais 2 milliards d’euros d’économies sur des opérateurs dont on dénonce à longueur d’année l’inutilité et le coût.
Chiche ! Donnons 500 000 euros aux collectivités et prenons 2 milliards d’euros aux opérateurs.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.
M. Simon Uzenat. Je veux tout d’abord, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, réagir à la comparaison qui a été faite avec ce qui s’est passé sous le quinquennat de François Hollande.
Je n’étais pas parlementaire à ce moment-là, mais j’ai pour habitude, par fidélité à ma famille politique, d’assumer ce qui a été fait, y compris les erreurs qui ont pu être commises. Nous sommes bien d’accord pour dire qu’il y en a eu. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) En tout état de cause, on ne peut pas mettre de signe égal entre la situation de l’époque et celle d’aujourd’hui.
Pour rappel – vous l’avez dit, monsieur le sénateur Lemoyne –, l’effort qui avait alors été demandé sur trois ans, c’est celui que vous demandez aujourd’hui en un an. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Sophisme !
M. Simon Uzenat. Non, monsieur Lemoyne ! Il faut être précis sur les chiffres. Et, même si la majorité sénatoriale va amoindrir l’effort, celui-ci restera infiniment plus important – tout le monde en convient.
De fait, nous ne raisonnons pas sur la base des 5 milliards d’euros annoncés par le Gouvernement, puisque, en réalité, l’effort sera plus proche des 11 milliards d’euros. Si nous le diminuons de 3 milliards d’euros, il restera, au minimum, de 8 milliards d’euros.
Du reste, à l’époque, l’inflation était égale à zéro. À l’époque, les collectivités avaient encore conservé une forme d’autonomie fiscale. Aujourd’hui, tout cela a disparu : l’inflation est beaucoup plus élevée et l’autonomie fiscale et financière, à la suite de vos décisions, a été quasiment réduite à néant. Les marges de manœuvre des élus locaux se sont donc forcément considérablement réduites.
Par ailleurs, il faut insister sur l’effet de ciseaux qui a résulté des décisions prises par les gouvernements depuis 2017, lesquels n’ont eu de cesse de transférer des charges et des compétences et de réduire l’autonomie fiscale et financière des collectivités, de les corseter au maximum, en augmentant la part des dotations.
Nous répétons ce que le président Raynal a dit à l’occasion des débats sur la taxe d’habitation ou sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : d’autres outils existent, qui reposent sur la confiance aux élus. (Marques d’impatience sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a ainsi défendu la création d’une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Mme la présidente. La parole est à Mme Ghislaine Senée, pour explication de vote.
Mme Ghislaine Senée. J’ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur général, mais nous savons que l’effort ne sera pas de 5 milliards d’euros ! Toutes les collectivités, tous les exécutifs, tous les adjoints aux finances qui nous regardent aujourd’hui savent que l’effort demandé sera bien supérieur à ce montant.
Pensons, par exemple, à la hausse des cotisations à la CNRACL.
On ne s’en est pas forcément rendu compte, mais le fameux alinéa 93 de l’article 21 sur les recettes de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), qui modifie l’assiette, avec effet rétroactif, fera perdre à la ville de Lyon 500 000 euros pour 2024. On est loin du petit détail technique ! En 2025, Lyon perdra 1 million d’euros.
Allez dans les mairies des grandes communes ! Vous y mesurerez les conséquences de cette « petite » modification de l’article 21.
Nous débattrons, à l’article 64, de l’instauration du fonds de réserve. Quoi qu’il en soit, l’effort sera beaucoup plus important que 5 milliards d’euros !
Si l’on souhaite que nos collectivités puissent assumer leurs dépenses de fonctionnement, notamment la hausse du taux de cotisation à la CNRACL, il faut absolument que l’on vote l’indexation de la DGF.
Mme la présidente. La parole est à M. Adel Ziane, pour explication de vote.
M. Adel Ziane. J’emboîterai le pas à mes collègues et réagirai aux arguments qui nous sont opposés en prenant pour exemple les années de la présidence de François Hollande.
Je souhaite que l’historiographie soit complète.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. M. Hollande a un fan-club dans l’hémicycle !
M. Adel Ziane. Je ne suis pas membre d’un fan-club ! Simplement, ayant entendu deux fois les mêmes arguments, je veux vous répondre, monsieur Lemoyne.
Je rappellerai juste quelques chiffres. Aujourd’hui, nous parlons d’un déficit public de 6 %. Ce déficit s’élevait à environ 5,2 % en 2011-2012, quand le Président de la République François Hollande est arrivé aux responsabilités – c’est bien de reprendre les chiffres –, contre 2,6 % lorsqu’il a quitté le pouvoir.
C’est le premier point. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud. Le sujet, ce sont les collectivités !
M. Adel Ziane. Je ne fais que mentionner des éléments factuels, qu’il convient de rappeler.
Monsieur le ministre, je viendrai vous voir tout à l’heure ; nous pourrons discuter de ces éléments. (Mêmes mouvements.)
J’en viens à mon second point, chers collègues, puisque nous devons nous justifier. Nous parlons d’une époque – c’était il y a dix ans – où les collectivités territoriales disposaient encore de marges de manœuvre pour construire un budget et répondre aux sollicitations.
Certains d’entre nous ont été élus aux finances. Je l’ai moi-même été de 2020 à 2023, dans ma ville de Saint-Ouen. J’ai bien vu les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation, de la baisse des impôts de production, notamment de la CVAE, de l’impôt sur les sociétés… Les élus aux finances ont alors dû se débattre.
Vous le savez : quelle que soit la sensibilité partisane à laquelle nous nous rattachons, nous avons dû trouver des solutions nouvelles et réfléchir à la possibilité de trouver d’autres subventions.