M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’enseignement scolaire est aujourd’hui à la croisée des chemins.

Il est confronté à une diminution inquiétante du nombre d’élèves, très marquée dans le premier degré de l’enseignement public, moindre dans le second degré et dans l’enseignement privé sous contrat.

Comme chacun le sait, cette rétractation des effectifs scolaires est appelée à s’accélérer dans les prochaines années, en raison de l’évolution défavorable de la natalité dans notre pays.

Ainsi, entre 2011 et 2023, le premier degré a perdu près de 360 000 élèves et les dernières projections disponibles prévoient une diminution des effectifs de plus de 350 000 élèves entre 2023 et 2028.

Dans ces conditions, l’État, qui est toujours à la recherche d’économies budgétaires pour réduire les déficits publics, pourrait être tenté de reprendre une partie des crédits affectés à l’enseignement scolaire, selon une logique purement comptable.

Ce serait une grave erreur, mes chers collègues, tant les besoins de l’école de la République sont immenses.

Pour redresser les résultats objectivement mauvais dans les matières fondamentales – mathématiques, français –, pour satisfaire les objectifs de l’école inclusive, pour permettre à nos enseignants et à nos AESH de percevoir une rémunération décente, pour répondre au défi de la ruralité et de la fermeture des services publics et, plus largement, pour tendre vers une égalité des chances effective quel que soit le lieu de résidence des élèves, les moyens de l’éducation nationale doivent être sanctuarisés.

Notre rapporteur spécial de la commission des finances, Olivier Paccaud, a considéré à juste titre qu’il n’était pas envisageable, au regard des défis qu’il nous faut relever, de supprimer plus de 4 000 postes d’enseignants en équivalent temps plein.

Le devenir de nos écoles nous préoccupe tout particulièrement. Qui parmi nous n’a pas été sollicité par un maire d’une commune rurale ou périurbaine au sujet d’une fermeture de classe ou de la suppression d’un poste d’enseignant ?

Les conséquences de ces suppressions sur l’attractivité des territoires sont terribles, sans compter le sentiment de déclassement qu’elles peuvent susciter chez nos concitoyens.

C’est pourquoi il nous faut impérativement sortir d’une vision des moyens à court terme et engager des politiques éducatives agiles, afin d’adapter en permanence nos réponses aux enjeux.

Je veux par ailleurs évoquer la question fondamentale de l’école inclusive.

Si nous pouvons nous réjouir de l’augmentation constante du nombre d’élèves en situation de handicap en milieu ordinaire et de celui d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, nous allons devoir faire de sérieux progrès pour mieux coordonner le monde éducatif et le monde médico-social.

Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) n’ont objectivement pas constitué une réponse suffisamment pertinente et efficace pour favoriser la scolarisation des enfants handicapés.

Gageons que les pôles d’appui à la scolarité (PAS), qui sont en cours de déploiement, permettront de fluidifier les relations entre les équipes éducatives et le personnel médico-social en amont des notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Les conditions de mise en œuvre de la prise en charge des enfants handicapés pendant la pause méridienne, qui incombe désormais à l’État, grâce à l’action énergique de notre collègue Cédric Vial, doivent être précisées rapidement.

La circulaire du 24 juillet 2024 s’est en effet révélée une source de complexité inouïe pour les collectivités locales. J’invite donc le Gouvernement à prendre toute la mesure des difficultés d’application sur le terrain.

Enfin, je souhaite exprimer mon inquiétude au sujet de la médecine scolaire. Le PLF pour 2025 prévoit une diminution de 30 millions d’euros des crédits consacrés à la santé scolaire, l’augmentation que nous avions votée dans le cadre du précédent budget n’étant pas reconduite.

Mes chers collègues, nous savons que la santé psychologique de nos jeunes ne cesse de se dégrader, au point que la santé mentale a été érigée en grande cause nationale en 2025. Les médecins titulaires et contractuels en activité sont trop peu nombreux. La démographie médicale a fortement décru entre 2017 et 2021 et les départs à la retraite vont s’accélérer dans les deux prochaines années.

Dans mon département, l’Essonne, où moins de quatorze postes en équivalent temps plein sur trente-six sont pourvus, la situation n’est guère reluisante. Et pourtant, le nombre d’élèves à prendre en charge ne cesse d’augmenter. J’en appelle au bon sens et à la mobilisation générale.

Pour garder les médecins titulaires à leur poste, il est urgent de réévaluer leur grille indiciaire et de redéfinir rapidement des missions et des objectifs de santé qui ont du sens et qui sont réalisables.

Mais il faudra faire plus encore : attirer de nouveaux médecins contractuels avec un salaire attractif et revaloriser un métier qui est exercé dans des conditions matérielles de plus en plus précaires, sans locaux, sans moyens pour les dépistages, sans accès partagé aux données de santé, sans véhicule pour les déplacements, sans assistance médicale.

Sans réaction urgente de l’éducation nationale, la médecine scolaire n’existera plus d’ici deux ou trois ans, en raison du départ massif des médecins les plus âgés, des demandes de détachement et de l’absence de recrutements.

Nous le voyons, les marges de progrès sont importantes dans tous les domaines de l’enseignement et de la vie scolaire.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires, que j’ai l’honneur de représenter, votera les crédits de cette mission, tout en restant vigilant sur les réponses qui seront proposées pour bâtir l’école de demain.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, en décembre 2021 déjà, la Cour des comptes dressait un constat implacable : « […] la performance globale du système éducatif français […] reste médiocre malgré l’importance des moyens mobilisés ».

Comment lui donner tort, quand plus de la moitié des élèves entrant en classe de quatrième ne maîtrisent pas les compétences élémentaires requises en français et en mathématiques, quand chaque année plus de 62 000 élèves décrochent du système scolaire ?

Comment lui donner tort, quand la mobilité sociale y est la plus faible d’Europe, quand les actes de violence et les atteintes à la laïcité – on recense près de 70 000 incidents graves par an – se multiplient ?

Comment lui donner tort, enfin, quand la crise des vocations s’amplifie – 3 200 postes n’ont pas été pourvus au concours et le taux de démissions a explosé ces dix dernières années –, quand 53 % des Français estiment que l’école fonctionne mal et que 65 % d’entre eux – la proportion atteint 79 % chez les enseignants – se disent pessimistes quant à son avenir ?

Mes chers collègues, comment en sommes-nous arrivés là, au point que 40 % des élèves de fin de primaire ne possèdent pas les compétences fondamentales en lecture et en mathématiques ?

Comment en sommes-nous arrivés au point que 7 % des enseignants seulement se sentent valorisés par la société, au point que plus de trois jeunes sur quatre déclarent avoir subi des violences à l’école et 29 % ne pas s’y sentir en sécurité, contre 10 % en moyenne dans les pays de l’OCDE ?

Pourtant, l’attachement à notre école demeure ; son redressement est espéré ; des réponses sont à apporter.

Pour la majorité des acteurs, ces réponses sont essentiellement financières. C’est ainsi que, depuis vingt ans, une réponse unanime a été apportée : il faut plus de moyens.Force est de constater que cette année n’échappe pas à la règle, pas moins de 63 milliards d’euros de crédits étant affectés à l’enseignement scolaire.

Toutefois, ne serait-il pas temps de questionner la légitimité de cette méthode consistant à dépenser toujours plus pour toujours moins de résultats ? Ne masque-t-elle pas l’impuissance à réformer un système trop vertical, trop uniforme, trop oublieux des particularités ?

Alors qu’en Europe – et pas seulement en Suède –, la tendance générale conduit à donner plus d’autonomie au système d’éducation, la verticalité, la centralisation et l’uniformisation épuisent toutes les initiatives dans notre pays et découragent les meilleures idées.

Ainsi, 10 % seulement des décisions éducatives sont prises au niveau des établissements et 2 % des décisions réelles le sont en autonomie totale. Le Conseil d’État vient d’ailleurs de le rappeler au sujet des groupes de besoins.

Pourtant, La Cour des comptes l’affirme : « […] les systèmes scolaires les plus performants sont ceux qui donnent le plus de place à chaque établissement, fédérant la communauté éducative autour d’un projet qui encourage les enseignants à être novateurs et à améliorer leur performance ».

Tout est dit : ce sont bien la liberté et l’autonomie qui font défaut. C’est donc à l’aune de ce constat que nous devons enfin ouvrir une réflexion autour de la nécessaire autonomie des établissements. Le pilotage par le haut est obsolète et inefficace.

En ce qui nous concerne, nous avons adopté en avril 2023 une proposition de loi qui posait les fondations des établissements publics autonomes d’éducation. Ces établissements seraient dotés de la capacité à contractualiser pour tout ce qui touche à l’organisation pédagogique, au dispositif d’accompagnement des élèves, à l’affectation des personnels, à l’allocation et à l’utilisation des moyens, ainsi qu’au recrutement des élèves.

Cette expérimentation s’appuierait sur les contrats de mission, remettant en cause le système très linéaire du barème et de l’ancienneté dans l’affectation des moyens. C’est ce dernier système qui conduit, par escalade, à la nomination des professeurs les moins formés, les moins chevronnés, les moins bien payés, aux postes les plus difficiles, et ce au moment où ils entament leur carrière et leur vie professionnelle. Tout cela est absurde et conduit à une véritable crise des vocations, aux démissions massives, aux nombreux cas de dépression recensés et aux places vacantes aux concours.

Certes, il existe déjà des postes à profil, mais les contrats de mission seraient, eux, limités dans la durée. Ils soigneraient la sortie de la mission et reconnaîtraient réellement à ce moment le service rendu à la République.

Parallèlement, la question de la formation des professeurs doit être posée. Il est nécessaire de dissocier celle des enseignants du premier degré de celle des enseignants du second degré, tout comme il est nécessaire de renouer avec les écoles normales du professorat pour redonner enfin la main à l’éducation nationale.

De même, il faut agir sur le prérecrutement et lier formation initiale et formation continue en régionalisant les concours du second degré.

Enfin, en ces temps de crise de l’école publique, il est indispensable de réaffirmer avec force l’attachement de notre République à la liberté d’enseignement, une liberté que ceux qui ont provoqué la crise de l’école publique veulent remettre en cause.

L’école publique ne se rénovera pas en détruisant les réseaux qui, eux, fonctionnent. Nous attendons une position claire sur ce sujet : est-il encore possible, dans notre pays, de rappeler notre attachement à la liberté de choix des parents et à la primauté des parents dans l’éducation de leurs enfants ?

À ce titre, je tiens à saluer quelques initiatives privées originales, telles que les réseaux Espérance banlieues et Excellence ruralités, qui concourent à la réussite éducative, notamment dans des territoires aux besoins éducatifs particuliers.

Regardons en face la crise dans laquelle s’enfonce inexorablement notre système éducatif. Pour y faire face, nous avons besoin d’un cap, d’une vision, et pas seulement de crédits en hausse, aussi souhaitables soient-ils, en particulier pour poursuivre la revalorisation indiciaire des professeurs.

Nous avons aussi besoin d’engagements forts, à l’instar de ceux qui ont été pris sur l’école inclusive et sur le lycée professionnel. Nous saluons ces initiatives : madame, monsieur les ministres, elles doivent être poursuivies et amplifiées.

Oui, il faut aller plus loin et, pour reprendre une expression chère au Premier ministre, relever la ligne d’horizon. Il nous faut ouvrir le chantier du redressement de notre école sur la base de la liberté et de l’autonomie.

Celle-ci passera par le recentrage de l’école sur ses missions premières, par la réaffirmation de la transmission des savoirs fondamentaux, par la différenciation des parcours, y compris par des groupes de niveaux, à rebours de l’uniformisation, un échec absolu que ses défenseurs refusent d’admettre.

L’hétérogénéité des classes n’est pas la solution. Le fait de permettre aux élèves de travailler leurs points faibles, de remédier à leurs difficultés, d’acquérir de nouveau les compétences et les connaissances qui leur manquent est une excellente chose. C’est ce qui se passe partout ailleurs dans la société. Pourquoi cela serait-il différent à l’école ? Quelle est cette vision totalement extérieure aux réalités de la société ?

Pour rénover l’école, il faut aussi, parallèlement, restaurer l’autorité des professeurs, personnaliser leur carrière, en la fondant sur la reconnaissance de leur engagement et sur une protection sans faille et sans hésitation.

Bref, il nous faut faire le contraire de ce qui a conduit notre école à tourner le dos à ce qui a fait sa force et à ce qui suscitait l’admiration que lui ont longtemps portée les Français et que nous devons retrouver.

Le groupe Les Républicains votera en responsabilité les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je me réjouis d’intervenir au nom du groupe RDPI sur l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Avec près de 88,9 milliards d’euros – 64,5 milliards d’euros si l’on exclut la contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions » –, la mission « Enseignement scolaire » demeure bien dans le projet de loi de finances pour 2025 le premier budget de l’État.

La hausse limitée des crédits, qui augmentent de 1,68 milliard d’euros, s’explique principalement par des facteurs mécaniques.

Dans un contexte aussi contraint que celui que nous connaissons, cette relative stabilité des crédits montre l’engagement solide et constant du Gouvernement en faveur de l’éducation, pilier de notre société.

Pour assurer cet équilibre, le Gouvernement prévoit, compte tenu de la forte baisse démographique en cours, la suppression de 4 000 postes, principalement dans le premier degré de l’enseignement public.

Selon les prévisions, l’école primaire devrait en effet accueillir près de 70 000 élèves en moins à la rentrée 2025. Quant au nombre d’élèves du second degré, il a entamé une décroissance qui devrait s’accélérer dans les prochaines années.

S’il est évident que ce budget doit s’inscrire dans une trajectoire soutenable, nous craignons que ce niveau de suppressions n’aille à l’encontre des politiques menées ces dernières années pour soutenir notre système éducatif et qu’il remette en question la poursuite de l’ensemble des chantiers engagés.

Nous accueillons donc avec intérêt les amendements des rapporteurs visant à limiter cet effort à 2 000 postes, afin de prendre en compte les besoins des territoires ruraux.

Nous demeurons sceptiques, en revanche, sur la méthode proposée, à savoir le transfert de 75 millions d’euros du pacte enseignant destiné à pallier les absences de courte durée dans les collèges et les lycées.

Alors que les crédits alloués à l’éducation nationale ont connu une progression constante depuis 2017, afin notamment de revaloriser le métier d’enseignant et de mieux accompagner les élèves en difficulté, ce budget est donc un budget de transition.

Certaines évolutions me semblent toutefois importantes.

Dans le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », je note ainsi la mise en œuvre d’un pilotage et d’un encadrement pédagogique qui garantissent l’efficience de l’action éducative et l’égalité de tous les élèves.

Ce budget consacre en effet plus de 1 milliard d’euros à la mise en place de cette politique par les personnels de direction et d’administration, mais aussi par ceux de l’inspection nationale.

Je souhaite également appeler votre attention, au sein du programme 230 « Vie de l’élève », sur l’action n° 02 « Santé scolaire ». Un montant de 732 millions d’euros, en hausse de près de 20 %, est consacré à la politique de santé au sein de l’institution scolaire, au travers d’actions d’éducation à la santé, à la prévention, à divers enjeux transversaux – sexuels ou alimentaires – et à la promotion de chacun.

À un moment où d’aucuns souhaiteraient revenir sur ces politiques éducatives, je tiens à rappeler leur importance. L’engagement du Gouvernement en la matière est un très bon signal, que je veux souligner.

Ce programme inclut également la lutte contre le harcèlement, un fléau contre lequel nous devons nous mobiliser, sensibiliser et alerter, dans notre réseau national, tout comme dans notre réseau d’enseignement français à l’étranger.

Nous nous réjouissons notamment que le programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe) soit renforcé.

Notre groupe défendra un amendement visant à abonder de 2 millions d’euros le dispositif 3018, numéro unique pour les jeunes victimes de harcèlement et de violences numériques.

Par ailleurs, alors que le nombre d’élèves en situation de handicap a progressé de 5,6 % en 2024 par rapport à la rentrée 2023, je me réjouis de la création de 2 000 postes d’AESH en équivalents temps plein.

Nous ne pouvons que saluer la meilleure inclusion dans notre école des élèves à besoins éducatifs particuliers. Nous avons encore des marges de progression sur ce sujet, mais nous avançons rapidement depuis quelques années. Ainsi, la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des AESH et des assistants d’éducation a donné des résultats positifs : en juin 2024, 63 % des AESH bénéficiaient d’un CDI, soit trois fois plus qu’en 2022.

Pour conclure sur ce sujet, je me joins à l’appel de notre commission qui, après avoir fait adopter en janvier dernier une loi permettant l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien, a constaté que son application posait quelques difficultés. Nous gardons ce point de vigilance en tête.

Le programme 214, « Soutien de la politique de l’éducation nationale », est en légère augmentation et poursuit trois objectifs : la programmation et la gestion des grands rendez-vous de l’année scolaire ; l’amélioration de la qualité et de la gestion des ressources humaines ; l’optimisation des fonctions support.

Ce programme regroupe également les financements versés aux établissements publics nationaux administratifs participant à la mise en œuvre de la politique éducative.

J’ai bien pris en compte les amendements déposés par le rapporteur spécial de la commission des finances visant à restreindre encore plus le budget de ces opérateurs. Je pense, au contraire ,qu’il est essentiel de s’appuyer sur eux. Aussi, j’ai moi-même déposé un amendement visant à soutenir le réseau Canopé, acteur incontournable de la formation continue des enseignants et des membres de la communauté éducative, qui profite notamment d’un bon maillage territorial.

En tant que sénatrice des Français de l’étranger, j’ai pu constater que l’expertise de ces opérateurs pouvait dépasser nos frontières et aider à la formation de nos enseignants même dans le réseau d’enseignement français à l’étranger.

Les crédits consacrés à la formation des enseignants sont constamment sous-consommés, mais il m’apparaît préférable de les flécher correctement plutôt que de les diminuer.

Le budget consacré à l’enseignement scolaire pour 2025 démontre manifestement une volonté d’engagement clair pour l’éducation sous toutes ses formes, malgré un contexte budgétaire extrêmement contraint.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Samantha Cazebonne. Sous réserve de l’adoption des amendements visant à diviser par deux le nombre de postes supprimés,…

M. le président. Il faut conclure, madame !

Mme Samantha Cazebonne. … sous réserve également de l’adoption de nos amendements, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera pour l’adoption des crédits de cette mission.

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, bien que le projet de loi de finances pour 2025 porte globalement la marque de l’austérité imposée par le Gouvernement, je constate avec satisfaction l’augmentation des crédits alloués à l’éducation.

Malheureusement, cette hausse s’accompagne de suppressions de postes d’enseignants, que le Gouvernement justifie en grande partie la baisse de la démographie dans certaines régions. Il est essentiel que notre système éducatif soit soutenu par des ressources humaines suffisantes afin de garantir un encadrement adéquat. La réussite de nos enfants en dépend.

J’exprime donc ma profonde inquiétude face à cette logique de suppression : elle est loin selon moi d’être la meilleure réponse à la situation actuelle. La baisse démographique dans certaines zones ne justifie pas une réduction uniforme des moyens humains dans l’éducation nationale, bien au contraire.

Il est fondamental que l’État prenne en compte la réalité territoriale et les besoins spécifiques de certains départements, notamment de ceux qui, comme la Seine-Saint-Denis, connaissent des défis particuliers.

Notre département, qui souffre d’une densité scolaire particulièrement élevée, a en effet besoin de ressources humaines supplémentaires pour répondre aux défis sociaux et éducatifs. Or la logique des suppressions de postes ne retient pas ces spécificités locales.

Loin de justifier des suppressions, la baisse du nombre d’élèves pourrait au contraire être utilisée comme un levier pour améliorer les conditions d’enseignement et la qualité du service public de l’éducation.

Nous devons mieux répartir les ressources, renforcer la qualité de l’enseignement et davantage articuler ses différents niveaux, notamment entre le primaire et le collège. Nous savons que la transition entre ces deux étapes de la scolarité est un moment clef, souvent mal vécu par les élèves. Une meilleure coordination entre enseignants du primaire et du secondaire permettrait de fluidifier cette transition, de faciliter le passage du savoir et de renforcer l’apprentissage des fondamentaux.

Nous devons ajuster les effectifs et orienter les ressources vers les territoires qui en ont le plus besoin, notamment les départements sinistrés comme la Seine-Saint-Denis. Cela permettrait d’assurer une égalité des chances entre tous les élèves, quels que soient leur territoire d’origine ou leur environnement social.

Il est impératif que le budget de l’éducation prenne en compte non seulement la réalité démographique, mais aussi les inégalités sociales et territoriales.

Je souhaite également attirer votre attention sur un point fondamental : l’inclusion des élèves en situation de handicap, dont le nombre ne cesse d’augmenter dans nos établissements scolaires.

Les AESH jouent un rôle indispensable dans leur parcours scolaire ; pourtant, nous manquons de ces personnels essentiels. Alors que nous devons absolument garantir la qualité de l’enseignement des élèves, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur cette logique de suppression.

Voilà quelques semaines, j’ai été saisi par le personnel éducatif d’un lycée de mon territoire au sujet de l’absence d’infirmier scolaire dans l’établissement. Il s’agit pourtant d’un poste clef non seulement pour gérer les soins médicaux des élèves au quotidien, mais également pour identifier les situations de grande précarité et de vulnérabilité sociale, et déclencher si nécessaire les dispositifs de soutien et d’accompagnement adaptés.

En réorganisant les ressources et en renforçant l’inclusion des élèves en situation de handicap, nous pourrons véritablement améliorer les conditions d’apprentissage et garantir à chaque élève les meilleures chances de réussite.

Permettez-moi enfin d’évoquer un sujet essentiel, qui grève directement le pouvoir d’achat des familles et menace l’égalité des chances de nos élèves : le coût des fournitures scolaires.

Nous avons constaté cette année une hausse des prix significative, notamment dans le primaire, où l’augmentation a été de 23 %. Cette inflation, qui pèse lourdement sur les finances des ménages, contribue à creuser les inégalités. C’est pourquoi je défendrai un amendement visant à instaurer la gratuité des fournitures scolaires pour tous les élèves.

Jules Ferry disait : « Il faut faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui viennent de la naissance, l’inégalité d’éducation. » Mes chers collègues, je ne doute pas que nos débats seront riches. Il est temps d’appréhender l’éducation, l’enseignement et l’école de manière générale non plus comme une dépense, mais comme un investissement.

Donnons à l’éducation la place qu’elle mérite. Ainsi, nous pourrons être fiers de répondre aux défis de notre temps tout en honorant l’héritage de ceux qui ont rêvé d’une école au service de tous.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail rigoureux des rapporteurs.

À l’instar de l’enseignement technique agricole, que j’évoquerai en seconde partie de mon propos, nous pouvons nous réjouir que le budget de l’enseignement scolaire, premier budget de l’État, doté de 88,9 milliards d’euros pour l’année 2025, demeure stable malgré un contexte inédit et grave marqué, d’une part, par une forte contrainte budgétaire, dictée par la nécessité de redresser les comptes publics, de l’autre, par une baisse démographique importante.

Nous compterons ainsi 75 000 élèves de moins à la rentrée 2025 par rapport à la rentrée dernière. Sur le papier, cette baisse semble justifier la suppression de plus de 4000 postes d’enseignants, mais sur le papier uniquement, car la réalité du terrain n’est pas arithmétique.

Ces suppressions de postes, qui se concentrent sur l’enseignement public du premier degré, risquent en effet d’accélérer les fermetures de classes, particulièrement dans les territoires ruraux déjà éprouvés en 2024. Maintenir ces postes, c’est éviter de nouvelles fermetures, c’est améliorer la qualité d’encadrement des élèves, c’est permettre aux professeurs d’enseigner dans de meilleures conditions pour de meilleurs résultats.

Je rappelle que, depuis la première édition du classement Pisa en 2000, les résultats de la France se dégradent dans tous les domaines évalués – lecture, mathématiques, sciences –, et ce malgré la volonté affichée par vos prédécesseurs, madame la ministre, de renforcer les moyens sur les savoirs fondamentaux.

À l’entrée en sixième, un tiers des élèves ont des difficultés à lire et à écrire. C’est un échec.

Ces 4 000 suppressions de postes ne sont pas acceptables et je présenterai avec mon groupe un amendement visant à abaisser à 2 000 ETP le nombre de postes supprimés.

En matière d’école inclusive, je note que le Gouvernement avance, en ouvrant 2 000 nouveaux postes d’AESH en 2025. Cette mesure est cependant à mettre en regard du nombre de postes non pourvus et de celui des notifications MDPH non respectées.

Dans son rapport Linclusion scolaire des élèves en situation de handicap de septembre 2024, la Cour des comptes dispose : « il paraît indispensable, dans le contexte budgétaire actuel, de s’interroger sur le caractère soutenable d’une telle hausse des effectifs d’AESH ».

Même si, grâce à la loi Vial, 63 % des AESH bénéficient aujourd’hui d’un CDI contre seulement 20 % en 2022, leur statut demeure précaire et le métier manque cruellement d’attractivité. Par ailleurs, les familles et les collectivités se heurtent souvent à des lourdeurs administratives. La prise en charge sur le temps méridien, par exemple, se voit compromise par la complexité des conventions tripartites. Une simplification de ces dispositifs est nécessaire pour garantir une mise en œuvre équitable.

De plus, les expérimentations, comme la transformation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés en pôles d’appui à la scolarité (PAS), inquiètent. Le rôle ambigu de l’État, qui deviendrait à la fois prescripteur et payeur, suscite des interrogations légitimes.

En ce qui concerne la santé scolaire, le Sénat avait voté, l’an dernier, une augmentation des crédits consacrés à la médecine scolaire de 30 millions d’euros. Dans sa copie finale, le Gouvernement avait retenu un montant de 22 millions d’euros. Ces crédits ne seront pas reconduits cette année. Pourtant, je doute que la médecine scolaire ait retrouvé la santé… Je rappelle que près de 50 % des postes de médecins sont vacants et que de grandes disparités entre les départements existent à cet égard.

La question de la santé scolaire ne se réduit pas au calcul d’un budget, elle représente avant tout un enjeu de santé publique. Il en va de même pour les séances d’éducation à la sexualité. Or moins de 15 % des élèves en bénéficient, alors que la loi prévoit que trois séances annuelles doivent être dispensées de manière obligatoire dans les écoles, les collèges et les lycées.

Chaque année, nous rappelons que l’éducation à la sexualité est non pas une option, mais bien une obligation légale. Soumission chimique, non-respect du consentement, agressions sexuelles… Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les conséquences graves de la dictature de la pornographie. Il y a urgence : une génération informée est une génération protégée. (Mme Colombe Brossel applaudit.)

Autre sujet de préoccupation, la formation des enseignants demeure, elle aussi, un angle mort.

Dans notre rapport sur la formation initiale et continuée des professeurs, nous montrons avec Max Brisson que 62,5 % seulement des crédits attribués à la formation ont été consommés en 2023. C’est non pas le manque de moyens qui freine la formation, mais le fait que les crédits soient inutilisés et mal alloués et que les formations soient souvent inadaptées.

Nous avons formulé treize recommandations ; la mise en œuvre de neuf d’entre elles dépend du ministère de l’éducation nationale. Nous proposons notamment de favoriser, le plus tôt possible, une confrontation avec le métier d’enseignant, de faire de la formation continuée un temps obligatoire complémentaire de la formation initiale ou encore de rendre effective l’obligation de formation continue inscrite dans la loi depuis 2019.

Nous appelons le Gouvernement à se saisir de ces propositions et à faire preuve de détermination sur le sujet.

J’en arrive enfin à l’enseignement technique agricole.

Son budget de 1,73 milliard d’euros est stable, si nous faisons abstraction des mouvements de crédits liés à des ajustements et à des mesures techniques. Les effectifs sont en hausse constante depuis 2019. Pour la première fois, la voie scolaire accueille plus de 200 000 jeunes.

Entre 40 % et 60 % des agriculteurs partiront à la retraite d’ici à 2030. L’enjeu est donc aussi d’assurer le renouvellement générationnel.

Je tiens à attirer votre attention sur plusieurs points de vigilance et d’inquiétude.

Ce budget ne tient pas compte du coup de rabot supplémentaire annoncé par le Premier ministre. Selon les informations relayées par la ministre de l’agriculture lors de son audition au Sénat, l’éducation technique agricole serait concernée à hauteur de 18 millions d’euros. Les contours de cette baisse sont encore flous, ce qui suscite des inquiétudes.

Notons également que 30 % des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles sont en difficulté financière, alors qu’ils n’étaient que 19 % dans cette situation en 2021.

Dans le privé, 45 établissements du temps plein de l’enseignement technique agricole sur 176, ainsi qu’environ 50 maison familiale rurale (MFR) sur un total de 410, rencontrent aussi des difficultés. Il ne faut pas oublier non plus que les exploitations agricoles adossées aux établissements sont souvent dans des situations déficitaires.

Les MFR sollicitent une augmentation de 12 millions d’euros de leurs crédits ; nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats.

« Peut mieux faire », telle sera mon appréciation en guise de conclusion. Qu’il s’agisse des suppressions de postes, des défis organisationnels pour les AESH ou du soutien à la santé scolaire, un suivi rigoureux sera nécessaire.

L’enseignement technique agricole, avec son excellent taux d’insertion professionnelle, ses petits effectifs et son maillage territorial, mérite d’être soutenu.

Enfin, l’ambition affichée par le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui sera examiné en janvier prochain au Sénat, ne pourra se concrétiser sans un soutien budgétaire à la hauteur des objectifs fixés.

La dégradation des comptes publics oblige à faire mieux avec moins.

Mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera ces crédits, dans un esprit de responsabilité – au Gouvernement d’en faire preuve également. L’enseignement scolaire a besoin de visibilité et de stabilité, ce qu’il est bien difficile de garantir lorsque quatre ministres différents se succèdent en une année. L’éducation nationale n’a pas besoin d’un ministre par saison ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)