Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche, Mme Marie-Pierre Richer.

1. Procès-verbal

2. Hommage aux victimes du cyclone Chido à Mayotte

3. Hommage à Roger Madec, ancien sénateur

4. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

5. Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur

6. Loi spéciale prévue par l’article 45 de la Lolf. – Adoption définitive d’un projet de loi

Discussion générale

M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

M. Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, rapporteure pour avis

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

M. Thierry Cozic

M. Stéphane Ravier

M. Emmanuel Capus

Mme Christine Lavarde

M. Didier Rambaud

M. Raphaël Daubet

M. Vincent Capo-Canellas

M. Pascal Savoldelli

M. Thomas Dossus

M. Stéphane Sautarel

M. Hervé Maurey

M. Khalifé Khalifé

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Robert Wienie Xowie

M. Pierre Barros

Amendement n° 1 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles 1er bis (nouveau) et 2 – Adoption.

Article 3

Mme Annie Le Houerou

Adoption de l’article.

Vote sur l’ensemble

M. Pascal Savoldelli

M. Guillaume Gontard

Adoption définitive, par scrutin public n° 149, du projet de loi.

M. Laurent Saint-Martin, ministre

7. Candidature à une commission

8. Communication d’avis sur des projets de nomination

9. Ordre du jour

Nomination d’un membre d’une commission

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Marie-Pierre Richer.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 4 décembre 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Hommage aux victimes du cyclone Chido à Mayotte

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, le cyclone Chido a durement frappé, en le traversant de part en part, le département de Mayotte, laissant derrière lui un paysage de désolation. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que MM. les ministres, se lèvent.)

À des dégâts considérables s’ajoute un bilan humain dont nous ne connaissons pas encore l’ampleur, en nombre de blessés et de pertes humaines, en raison de l’étendue de l’habitat informel et des grandes difficultés d’accès.

Compatissant à la douleur de nos compatriotes mahorais, je tiens à leur exprimer au nom du Sénat tout entier notre solidarité et notre soutien, mais aussi à les assurer de notre mobilisation à leurs côtés pour les aider à surmonter cette terrible épreuve. J’assure toutes les familles, en particulier celles qui ont perdu un proche et dont le courage et la résilience forcent le respect, de notre profonde sympathie.

J’ai une pensée particulière pour nos collègues sénateurs de Mayotte, Salama Ramia et Saïd Omar Oili, avec lesquels je me suis entretenu au téléphone, ainsi que pour notre ancien collègue Thani Mohamed Soilihi, secrétaire d’État à la francophonie.

Je remercie les services de l’État, le préfet, le président du conseil départemental, les forces de secours et de sécurité et les acteurs de la sécurité civile et de la santé, ainsi que les militaires, tous mobilisés pour venir en aide à la population dans des conditions extrêmement difficiles. L’heure est à l’urgence pour permettre à nos compatriotes, si attachés à la République, en particulier aux nombreux enfants isolés, de disposer d’eau, de nourriture, d’un toit pour s’abriter et de l’accès aux soins.

Les communes, sur lesquelles s’appuie l’État, jouent un rôle essentiel dans ce dispositif. Je salue l’engagement des maires et de l’ensemble des élus, qui, comme toujours lors des crises, sont en première ligne pour apporter un soutien immédiat à la population et pour aider leurs collectivités à surmonter cette épreuve.

Lorsque viendra le temps de la reconstruction, nous devrons réfléchir avec les élus locaux à une solution durable tenant compte de la situation des Mahoraises et des Mahorais, du département et de son environnement régional.

En hommage aux victimes et pour exprimer notre solidarité à nos compatriotes du département de Mayotte, je vous invite, mes chers collègues, à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que MM. les ministres, observent une minute de silence.)

3

Hommage à Roger Madec, ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, c’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès soudain de notre ancien collègue Roger Madec, qui fut sénateur de Paris. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que MM. les ministres, se lèvent.)

Son nom restera lié au XIXe arrondissement de Paris, où il s’engagea très tôt, après ses études, comme militant au parti socialiste. C’est là qu’il choisit ensuite de s’investir. Il y fut conseiller de Paris, puis maire de l’arrondissement en 1995, un mandat qu’il occupa durant dix-huit années. Il fut également vice-président du conseil régional d’Île-de-France.

Élu sénateur en septembre 2004, puis réélu en septembre 2011, il siégea naturellement au sein du groupe socialiste. J’ai donc une pensée pour tous ses collègues de groupe, en particulier ceux qui l’ont connu, ainsi que pour les sénateurs qui ont siégé en même temps que lui.

Au sein de notre institution, il travaillait notamment sur les questions relatives aux droits des collectivités territoriales. Nous nous souvenons de son investissement lors des débats de société qui marquèrent son mandat, notamment ceux sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes du même sexe.

Président de Paris Habitat jusqu’en 2020, il était attentif au respect du principe d’un logement pour chacun.

Ses proches le décrivent comme un homme de conviction attentif aux autres, notamment ceux dont la situation est la plus précaire, mais aussi comme un élu de terrain, qui fit beaucoup pour son arrondissement.

Je veux assurer sa famille et ses proches de notre sympathie et leur présenter nos condoléances les plus sincères.

Je vous propose, mes chers collègues, d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que MM. les ministres, observent une minute de silence.)

4

Conférence des présidents

M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie le mercredi 11 décembre 2024, sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création d’une commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants (droit de tirage du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky) et d’une commission d’enquête aux fins d’évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis (droit de tirage du groupe Union Centriste).

Ordre du jour des prochaines séances du Sénat

SEMAINE SÉNATORIALE

Mercredi 18 décembre 2024

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (texte n° 207 ; demande du Gouvernement en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution).

Ce texte sera envoyé à la commission des finances avec une saisine pour avis de la commission des affaires sociales.

• Réunion de la commission pour le rapport : mardi 17 décembre en début d’après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 17 décembre à 18 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 18 décembre matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 17 décembre à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mercredi 15 janvier 2025

À 16 h 30

Désignation :

- des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants (droit de tirage du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky) ;

- des vingt-trois membres de la commission d’enquête aux fins d’évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis (droit de tirage du groupe Union Centriste).

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à ces commissions d’enquête : mardi 14 janvier à 14 h 30

5

Souhaits de bienvenue à un nouveau sénateur

M. le président. Je salue l’arrivée de notre nouveau collègue, Jean-Marc Ruel, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la bienvenue dans notre assemblée. (Applaudissements.)

6

 
Dossier législatif : projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
Article 1er

Loi spéciale prévue par l’article 45 de la Lolf

Adoption définitive d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 207, rapport n° 210, avis n° 209).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Antoine Armand, ministre de léconomie, des finances et de lindustrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de m’associer à l’hommage qui vient d’être rendu à M. Roger Madec, qui fut membre de cette assemblée.

Je m’associe également au message adressé par le président Gérard Larcher à nos compatriotes mahorais, en rappelant la solidarité du Gouvernement envers toutes les victimes et leurs proches.

Je tiens à insister sur l’extraordinaire mobilisation de l’ensemble des services de secours et des services de l’État, qui, depuis des jours, ne dorment plus et travaillent chaque minute pour venir au secours des victimes, identifier les dégâts et préparer dès maintenant la reconstruction. Mon collègue Laurent Saint-Martin et moi-même travaillons aussi à cette préparation, en réunissant quotidiennement à Bercy une cellule de crise, afin que soient mises en place les aides d’urgence, tandis que se poursuivent les opérations de secours.

Je tiens aussi à exprimer à Mme la sénatrice et à M. le sénateur de Mayotte notre soutien, celui du Premier ministre et du Gouvernement tout entier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous n’ignorez pas qu’une motion de censure, adoptée le 4 décembre dernier lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, a interrompu la discussion des textes financiers, qu’elle a compromis l’adoption d’une loi de finances pour 2025 et qu’elle a, pour le moment, privé notre Nation d’un budget.

J’ai eu l’occasion de le dire en commission des finances, et je le répète ici, cette situation est grave et exceptionnelle. Je ne reviendrai pas sur les nombreux impacts immédiats pour nos compatriotes ; j’en citerai seulement quelques-uns.

Pour nos compatriotes ultramarins, il n’y aura pas de baisse de la TVA sur 6 000 produits alimentaires au 1er janvier en Martinique et en Guadeloupe ; en Nouvelle-Calédonie, le prêt d’un milliard d’euros qui était prévu ne pourra être accordé, faute de garantie votée en loi de finances au 1er janvier.

Je ne reviendrai pas non plus sur les aides aux agriculteurs ou sur celles à l’innovation pour les petites et les moyennes entreprises, qui ne pourront être accordées.

Il s’agit d’une très mauvaise nouvelle pour notre économie. Tous ces problèmes, que d’aucuns ont refusé de voir, ont pourtant été rappelés très clairement et très explicitement vendredi dernier par une agence de notation, qui a abaissé la note de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette loi spéciale que mon collègue Laurent Saint-Martin et moi-même vous présentons aujourd’hui n’est pas un budget.

Il ne s’agit pas d’un budget, car ce n’est pas une loi sous-tendue par une prévision de croissance, une prévision de déficit, une prévision d’endettement, bref un cadre économique et financier qui permettrait aux acteurs économiques, dans l’ensemble de nos territoires, de se projeter, d’identifier les occasions d’investissement et les possibilités d’emploi.

Ce texte ne peut en aucun cas nous faire croire – je veux le redire ici – que nos déficits ont disparu, que notre dette n’existe plus et qu’il n’y a pas d’urgence budgétaire !

Je connais vos travaux, votre détermination et la conscience que vous avez, sur toutes ces travées, de l’urgence budgétaire. Je vous le dis donc très simplement : notre déficit, notre dette et l’urgence budgétaire sont toujours là, et cette dernière ne fera que s’aggraver avec les jours et les semaines. Nous devrons collectivement, en tant que responsables politiques, y apporter une réponse.

Ce projet de loi spéciale prévu, vous le savez, à l’article 47 de notre Constitution, a été présenté devant la commission des finances du Sénat moins d’une semaine après la censure, conformément à l’engagement pris par le Président de la République devant les Français le 5 décembre dernier. Il n’est donc – je le répète – qu’un texte technique, sans portée politique, qui vise uniquement à éviter la discontinuité budgétaire entre la fin de l’exercice 2024 et l’adoption d’un budget.

Il ne s’agit pas, comme on l’entend trop souvent, de la reconduction du budget de l’année 2024. Comme le rappelle la circulaire du Premier ministre, ainsi que l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), il s’agit d’ouvrir le minimum de crédits nécessaires à la continuité de la vie de la Nation et des services publics, dans une limite maximale, qui est celle du budget de l’année précédente.

En aucun cas nous ne pouvons dire – donc nous en satisfaire – que cette loi permettrait de passer une année. Au contraire, cette loi, qui vise à éviter la discontinuité, appelle d’autant plus l’urgence budgétaire !

Ce projet de loi, que mon collègue Laurent Saint-Martin détaillera, vise seulement à atteindre deux objectifs : premièrement, continuer à lever l’impôt, permettre de tenir nos engagements, notamment à l’égard de l’Union européenne, et donner de la visibilité aux collectivités locales ; deuxièmement, permettre à l’État et aux organismes de sécurité sociale de continuer à émettre de la dette.

Aujourd’hui, notre responsabilité collective est donc contenue à l’examen et à l’adoption de cette loi spéciale que nous vous soumettons.

Je veux saluer ici, bien sûr, l’esprit de responsabilité dont a fait preuve l’Assemblée nationale en adoptant ce texte à l’unanimité des 481 députés votants. Je ne doute pas que le Sénat fera de même.

Nous devrons dès demain, bien au-delà des clivages politiques, donner un cadre économique, financier et donc budgétaire à notre pays. Il en a besoin, et nous le lui devons.

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé du budget et des comptes publics.

M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’avoir, à mon tour, une pensée pour l’ensemble de nos compatriotes de Mayotte, en particulier pour tous les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP), des douanes et de l’Urssaf qui sont mobilisés en permanence.

Le ministère du budget et des comptes publics, que je représente ici, leur rend hommage et les remercie chaque jour.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, l’Assemblée nationale a adopté ce texte à l’unanimité. Je forme le vœu qu’il en aille de même au Sénat, afin que ce texte soit mis en œuvre le plus rapidement possible.

Tôt ou tard, il faudra donner un budget à la France. Le projet de loi spéciale que vous vous apprêtez à examiner ne saurait en tenir lieu. Le Premier ministre l’a lui-même clairement souligné, lors de la passation de pouvoir vendredi dernier, et, de nouveau, hier lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale.

La situation de nos finances publiques n’a pas changé depuis la censure du Gouvernement. L’état de nos comptes est le même, avec tous les défis que cela emporte pour le présent comme pour l’avenir. La décision de l’agence de notation Moody’s, ne nous dit pas, hélas, autre chose.

Chacune et chacun ici – je le sais – en est parfaitement conscient. Malgré l’issue des débats budgétaires, il ne s’est trouvé personne, sur quelque travée que ce soit, pour contester la gravité de la situation, le caractère excessif de notre endettement ou la nécessité de réduire le déficit.

Il y a donc au Parlement, je le crois, un espace pour engager le redressement des comptes publics, pourvu que les forces politiques qui le composent parviennent à s’entendre, en responsabilité, sur les modalités de l’effort à fournir.

Ce texte ne préjuge donc pas des nouveaux arbitrages qui seront rendus, sous l’autorité de François Bayrou, par un prochain gouvernement de plein exercice. Il ne préempte en aucun cas les futures décisions budgétaires, dont je souhaite évidemment qu’elles soient prises rapidement, dans l’intérêt supérieur de notre pays et de nos concitoyens.

Il n’a pas davantage vocation à permettre la répétition des débats que nous avons eus ensemble lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Ce texte n’a qu’un seul objectif, qui délimite strictement son contenu : assurer à titre exceptionnel et transitoire la continuité de la vie de la Nation. Il ne peut ni faire moins ni faire davantage, tant la jurisprudence à cet égard est claire.

En premier lieu, la loi spéciale ne permet pas de modifier le code des impôts. Elle n’exprime pas le consentement à l’impôt ; elle n’en constate que la nécessité. Elle ne permet donc ni de reconduire pour l’année suivante les dispositions fiscales qui arrivent à échéance à la fin de l’année 2024 ni de modifier le barème de l’impôt sur le revenu pour l’indexer sur l’inflation. L’avis rendu par le Conseil d’État sur ces deux points ne souffre aucune ambiguïté.

Cette loi spéciale ne peut qu’autoriser temporairement le Gouvernement à continuer à percevoir les impôts et taxes existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. C’est indispensable pour assurer le financement de nos services publics, de notre système de protection sociale et, bien sûr, des collectivités territoriales.

En second lieu, le décret qui sera pris après la promulgation de la loi spéciale nous place sous le régime restrictif des services votés.

La loi spéciale n’autorise pas le Gouvernement à engager des dépenses nouvelles. Conformément à la Constitution et jusqu’à l’adoption d’une nouvelle loi de finances pour l’année, les crédits se rapportant aux services votés seront donc temporairement ouverts par décret.

Ces services votés correspondent au niveau minimal de crédits jugé indispensable pour permettre l’exécution des services publics en 2025 dans les conditions de l’année précédente. Cela signifie que, en l’absence de loi de finances, le Gouvernement ne pourra pas augmenter les budgets ; je pense à ceux des armées, de la justice et de l’intérieur, par exemple.

Sauf nécessité pour la continuité de la vie nationale ou motif d’urgence caractérisé, le Gouvernement ne pourra pas non plus procéder à de nouveaux investissements ou à des dépenses discrétionnaires de soutien aux associations, aux entreprises ou aux collectivités.

Comme vous le savez, la situation à Mayotte, durement touchée, réunit ces deux conditions. Des crédits pourront être ouverts pour l’île de Mayotte, tant sur le fondement de la loi de fin de gestion pour 2024 que sur celui des décrets de services votés pour 2025.

Enfin, la loi spéciale autorise le Gouvernement à recourir aux emprunts nécessaires pour assurer ses engagements, ainsi que le fonctionnement régulier des services publics.

Vous le savez, les recettes fiscales et sociales ne suffiraient pas à couvrir le besoin de financement des administrations publiques ; c’était d’ailleurs tout l’objet des débats sur la dette que nous avons menés. Nous ne pourrions donc pas assurer nos engagements auprès de nos créanciers ni garantir le fonctionnement régulier des services publics sans la possibilité de recourir à l’emprunt.

Par conséquent, il est indispensable d’autoriser tant l’État que les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à émettre de la dette.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai pas plus long. Je n’imagine pas que ce projet de loi ne soit pas adopté. Aussi ne m’étendrai-je pas sur les conséquences de son éventuelle non-adoption.

Il ne s’agit pas d’un texte politique. Il s’agit de parer à l’urgence, dans l’attente d’un nouveau budget. Il s’agit d’assurer la continuité de la Nation, le fonctionnement régulier des services publics et le respect des engagements pris par notre pays.

Avec ce texte, nous vous proposons tout simplement que nécessité fasse loi, dans le respect du droit. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE. – M. Alain Chatillon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, en m’exprimant à cette tribune, je constate que nous vivons des temps graves et une période inédite.

Sous la Ve République, en effet, jamais la France n’a connu une telle situation budgétaire. La toute récente censure politique nous a rendus incapables de nous doter d’un budget pour l’année à venir ; nul ne sait à cet instant quand nous serons en mesure d’en voter un.

Sans tomber dans la caricature de certains oiseaux de mauvais augure, il est essentiel de prendre conscience de la gravité du moment : il est tout sauf anodin qu’un pays n’arrive pas à se doter d’un budget.

Cela l’est encore moins compte tenu de la dégradation de nos finances publiques, qui s’est accélérée en 2024. Après une grave crise sanitaire, à laquelle aucun pays n’a échappé, nous avons dû faire face à la crise énergétique et à la crise inflationniste. Même une fois terminées, ces trois crises ont malheureusement conduit notre pays à la perte totale de contrôle de nos finances publiques que l’on observe aujourd’hui.

Au pire moment, voilà que la France s’enfonce désormais dans une crise institutionnelle, qui risque de nous empêcher de redresser la barre. Nous ne sommes pas réunis aujourd’hui pour en déterminer les responsabilités, mais il me semble que notre pays n’avait pas besoin de cela, et nos finances publiques encore moins.

La vérité, c’est que la France se retrouve dans une situation de très grande fragilité. Nous sommes réunis aujourd’hui pour constater les effets délétères de cette crise institutionnelle.

L’agence de notation Moody’s a d’ores et déjà abaissé la note de la dette souveraine de la France. Certes, celle-ci reste relativement élevée, et l’on peut trouver plusieurs raisons de se rassurer en constatant que le spread avec l’Allemagne n’augmente pas davantage ou que le CAC 40 continue de progresser. Mais ne nous voilons pas la face : l’incapacité de la France à se doter d’un budget est très grave, même si elle n’a pas à court terme les conséquences catastrophiques que certains veulent lui donner.

Les deux précédents que nous avons connus sous la Ve République n’ont rien à voir avec la situation actuelle, puisque, tant en 1962 qu’en 1979, le Parlement avait très vite voté un budget au début de l’année suivante. La France ne faisait alors pas face à l’instabilité politique. Comment savoir quand et de quel budget notre pays se dotera pour l’année à venir ?

Les cas étrangers ne sont pas non plus comparables. Même sans budget depuis deux ans, l’Espagne, qui a connu une croissance de 3 % en 2024, se découvre des ressources fiscales en forte progression. En 2024, même sans budget, son déficit public est repassé sous la barre des 3 %. Des conditions à la fois budgétaires et juridiques lui permettent de fonctionner sans budget, ce qui n’est malheureusement pas le cas de notre pays.

Je le rappelle, la France finira l’année avec un déficit public à plus de 6 % du PIB, et la croissance reste atone, la Banque de France ayant récemment abaissé ses perspectives à 0,9 % pour 2025.

Par ailleurs, le taux de chômage repart à la hausse et reste sensiblement supérieur à celui de la zone euro, alors que le nombre de défaillances d’entreprises est au plus haut.

Enfin, le déficit commercial de la France demeure lui aussi abyssal, à plus de 80 milliards d’euros sur les douze derniers mois, tandis que notre dette publique tutoie des sommets vertigineux.

Compte tenu du contexte inédit et très dégradé dans lequel nous avons à examiner ce projet de loi spéciale, je m’étonne des débats causés par ce projet de loi. Il faut revenir à une analyse calme et posée.

Ce projet de loi dit « spéciale » résulte de l’application conjointe de l’article 47 de notre Constitution et de l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). En réalité, le cas de figure actuel, à savoir une censure gouvernementale empêchant la promulgation d’une loi de finances avant la fin de l’année, ne correspond pas strictement aux procédures d’urgence prévues dans ces textes.

Malgré la qualité de notre cadre constitutionnel et organique, nous sommes dans un cas de figure qui n’a pas été prévu par les textes. J’y reviens, il est grave de se trouver dans une telle situation institutionnelle.

Toutefois, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est assez claire : « Il appartient, de toute évidence, au Parlement et au Gouvernement, dans la sphère de leurs compétences respectives, de prendre toutes les mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ». Cette jurisprudence est confirmée par l’avis du Conseil d’État rendu récemment à la demande du Gouvernement.

Rappelons donc l’objet de ce texte. Il vise à prévoir « les mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ». Rien que ça, mais tout ça ! La vie nationale doit continuer, mais toutes les mesures qui ne seraient pas strictement « nécessaires » à cette poursuite n’ont pas leur place dans ce texte.

À cet égard, je vous avoue que le débat sur l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu m’a rendu perplexe. Cette indexation n’est évidemment pas nécessaire à la continuité de la vie nationale. Pour autant, elle se fera, et le Gouvernement nous a confirmé que nous disposions de plusieurs mois pour la voter. Je vous propose donc de sortir ce sujet du projet de loi spéciale qui nous occupe. (M. Hervé Gillé proteste.)

Il faut plutôt s’atteler à traiter les enjeux budgétaires et économiques majeurs que j’ai rappelés. À mon sens, cela passe tout d’abord par la poursuite de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 en cours de discussion. Cela permettrait de nous donner à la fois un cap et une boussole pour 2025, en entamant le redressement de nos comptes qui est si nécessaire.

Indexation du barème de l’impôt sur le revenu, mesures pour les agriculteurs, trajectoire de la loi de programmation militaire, etc. Je souhaite que, face aux enjeux auxquels notre pays doit faire face, un sursaut nous permette d’unir nos forces rapidement pour parer ces risques immédiats et agir face à l’urgence.

Le projet de loi spéciale – c’est sa nature, je viens de le rappeler – est très court, car il est limité au strict nécessaire. Sa version initiale comportait trois articles ; l’Assemblée nationale en a ajouté un.

Parce que ces articles paraissent nécessaires et suffisants et parce que la priorité est de rassurer les Français en garantissant la poursuite de la vie nationale, la commission des finances propose d’adopter ces quatre articles sans modification, afin que le Sénat vote dès aujourd’hui un texte conforme à celui de l’Assemblée nationale. En effet, l’intérêt supérieur du pays doit prévaloir.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avant de conclure, je dirai un mot des services votés, c’est-à-dire sur les crédits que, en application des règles organiques, le Gouvernement pourra ouvrir par décret, sans autorisation parlementaire formelle. Il s’agira d’un enjeu essentiel durant les semaines à venir.

Ces crédits correspondent au minimum indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics. Avant la Lolf, le montant des services votés figurait dans le projet de loi de finances ; ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous devrons donc être particulièrement attentifs aux choix que fera le Gouvernement sur leur montant et leur répartition.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur les défauts majeurs du régime des services votés. D’une part, ces crédits ne permettront pas de tenir en gestion pendant toute l’année. D’autre part, ils ne pourront pas tout financer. Pour ne parler que des collectivités territoriales, je le rappelle, tant qu’il n’y a pas de budget 2025, il n’y a pas de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), pas de dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et pas de fonds vert.

Enfin, les services votés seront ouverts sans autorisation parlementaire, puisque nous n’avons pas voté de loi de finances initiale.

Toutes ces raisons doivent nous pousser à poursuivre et à achever rapidement le projet de loi de finances pour 2025 en cours de discussion.

Mes chers collègues, vous le voyez bien, nous explorons un chemin nouveau et totalement inédit, sans précédent sous la Ve République. Je le dis avec clarté, mais avec force, cette loi spéciale donnera tout ce qu’il faut à l’État pour assurer ses fonctions essentielles au début de 2025, mais rien de plus.

Il nous faut le plus rapidement possible achever l’examen du projet de loi de finances en cours de discussion, afin de donner un budget à notre pays et de rassurer les Français.

Enfin, notre responsabilité est aujourd’hui de nous unir, en mettant de côté nos divergences et en gardant à l’esprit l’intérêt supérieur de notre pays et des Français.

Cet intérêt supérieur, nous le servirons ensemble, en rassemblant nos forces, pour participer au redressement de nos comptes publics et retrouver la confiance en l’avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – MM. Emmanuel Capus et Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, rapporteure pour avis. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de m’associer aux propos tenus sur Mayotte.

Il y a déjà deux ans, la présidente de la commission des affaires sociales Catherine Deroche s’était rendue à Mayotte en compagnie de plusieurs de nos collègues. Elle avait remis un rapport d’information décrivant le dénuement dans lequel vivent les habitants de l’île, en matière d’eau, d’accès aux soins et de logement, notamment, ainsi que le climat d’insécurité qui y régnait. Aujourd’hui, ces habitants vivent l’horreur. Même s’ils sont loin géographiquement, ils sont proches dans nos pensées et dans nos cœurs.

Nous voilà donc réunis, en ce début d’après-midi, pour examiner un nouveau type de loi : la loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances.

Je ne suis pas la seule à le faire remarquer, le fait que nous soyons réunis à la mi-décembre pour examiner un tel texte montre la gravité de la situation.

La loi spéciale a, comme vous le savez, le statut de loi de finances. La commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de l’article 3, qui autorise la sécurité sociale à emprunter.

En réalité, cet article 3 n’appelle pas de longs commentaires. Comme l’article 2 relatif à l’autorisation d’emprunter de l’État, il est très succinct, notamment parce qu’il ne comprend pas de plafond par organisme.

La disposition des lois de financement de la sécurité sociale autorisant la sécurité sociale à emprunter comprend des plafonds pour les différents organismes concernés. Par exemple, dans le cas du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, le plafond d’emprunt de l’Acoss était fixé à 65 milliards d’euros. L’année précédente, il était à 45 milliards d’euros. La détermination de ces plafonds est rendue obligatoire par la loi organique.

Toutefois, l’article 3 du présent projet de loi spéciale n’établit pas de plafond. Lors de l’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur un amendement du rapporteur général tendant à rétablir ces plafonds. Le ministre chargé du budget et des comptes publics a justifié cet avis en arguant que, selon lui, de tels plafonds politiques n’auraient pas relevé du champ de la loi spéciale et n’auraient donc pas été constitutionnels.

Que l’on partage ou non cette analyse, il serait paradoxal d’introduire des plafonds d’emprunt, par nature politiques, dans un texte censé être purement technique.

Cette absence de plafonds s’explique aussi probablement par des raisons pratiques. En tout premier lieu, la détermination de plafonds aurait impliqué d’en fixer le niveau, on ne sait trop selon quelles hypothèses, dès lors qu’on ne sait pas où l’on va. Par ailleurs, il pourrait être juridiquement délicat d’augmenter ces plafonds en cours d’année, le code de la sécurité sociale prévoyant que des décrets de relèvement ne puissent être pris que pour les plafonds fixés par une loi de financement de la sécurité sociale.

Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle émis un avis favorable à l’adoption conforme de l’article 3.

Il me paraît toutefois nécessaire de se projeter au-delà de la loi spéciale, qui ne fera pas miraculeusement disparaître le déficit de la sécurité sociale. Sans aucune mesure législative ou réglementaire d’amélioration du solde, ce déficit serait d’environ 30 milliards d’euros en 2025 et pourrait encore augmenter d’ici à 2028.

Rappelons-nous que, en 2020, au début de la crise sanitaire, l’Acoss s’était temporairement trouvé dans l’impossibilité d’emprunter. Pour payer les prestations, il avait fallu mettre en place un financement d’urgence impliquant la Caisse des dépôts. Comme la Cour des comptes l’a récemment rappelé, le financement des déficits par l’Acoss se fait « dans des conditions qui pourraient mettre en risque le versement des prestations ».

Nous ne pouvons pas laisser la dette sociale augmenter de 30 milliards d’euros par an et s’accumuler à l’Acoss. Il faut réaliser rapidement de nouveaux transferts de dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), ce qui n’aura de sens et ne sera possible que si on sait où l’on va et donc si l’on dispose d’une loi de financement de la sécurité sociale, avec une programmation crédible.

C’est la pérennité de notre protection sociale qui est en jeu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi spéciale, conçue pour assurer la continuité de la vie nationale, que nous examinons cet après-midi doit pallier l’absence de budget, à quelques jours de l’année 2025, afin de permettre au Gouvernement d’ouvrir par décret les crédits se rapportant aux services votés.

Cette loi est indispensable pour assurer le financement nécessaire au fonctionnement des institutions et des services publics. Je me réjouis que l’Assemblée nationale l’ait adoptée à l’unanimité, ce que s’apprête probablement à faire le Sénat si les votes constatés en commission des finances se confirment.

D’application rare, le quatrième alinéa de l’article 47 de la Constitution et l’article 45 de la Lolf, qui limite le champ de la loi spéciale à la perception des impôts existants, sont entendus de façon stricte. Cela conduit à ce que ne soient permises que des mesures d’ordre financier « nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale », comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel.

Si j’entends cette interprétation et si je l’ai moi-même appliquée, j’estime qu’une appréciation un peu plus souple aurait sans doute pu être tentée, comme la commission des finances de l’Assemblée nationale l’a suggéré. Il eût fallu pour ce faire que cette vision fût partagée par l’ensemble du Parlement.

Quoi qu’il en soit, du fait de son champ très limité, la présente loi spéciale ne suffira pas, et nous ne pourrons laisser la France sans budget bien longtemps.

Nos concitoyens et nos collectivités attendent de nombreuses décisions. Si les mesures fiscales peuvent être adoptées dans tout texte législatif, tel n’est pas le cas des dépenses budgétaires. Une loi de finances est par exemple exigée pour garantir plus de moyens à notre armée ou à notre justice, soutenir nos agriculteurs ou encore accorder les dotations soutenant l’investissement de nos collectivités territoriales.

Aussi, face aux choix qui s’offrent à nous, j’estime, comme le rapporteur général, que la poursuite de la discussion du projet de loi de finances que nous étions en train d’examiner constitue la meilleure solution, parce que c’est la plus rapide et la plus efficace.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Évidemment, la copie initiale du gouvernement démissionnaire doit être revue pour mieux traduire les aspirations profondes des Français, qui se sont notamment manifestées lors des dernières élections législatives.

Toutefois, la procédure parlementaire permet de modifier et d’adapter le texte dès lors que, messieurs les ministres, l’on n’abuse pas de secondes délibérations visant à détourner le sens des votes effectués…

Laissons donc le Sénat finir l’examen du texte en première lecture, puis l’Assemblée nationale en débattre dans le cadre d’une deuxième ou d’une nouvelle lecture.

Durant ce travail parlementaire, rien n’empêchera le gouvernement nouvellement installé de proposer lui-même des modifications, y compris significatives, sur les dispositions discutées. Certes, la règle dite de l’entonnoir empêchera de proposer des mesures nouvelles, mais celles-ci pourraient être valablement insérées dans un projet de loi de finances rectificative.

Ainsi, plutôt que de nous embarquer dans l’élaboration d’un nouveau texte, qui, en raison de la préparation technique et du travail parlementaire qu’elle impose, exigerait un délai de plusieurs mois, nous devons choisir, ensemble, le pragmatisme et l’efficacité.

Si, malgré nos efforts, cela ne fonctionnait pas en raison de l’absence de compromis entre les forces politiques – à mes yeux, ce serait d’ailleurs profondément regrettable et même dommageable pour notre pays –, il nous resterait toujours la possibilité d’adopter, au travers d’un texte législatif autonome, les mesures fiscales les plus attendues par nos concitoyens et apportant les correctifs les plus importants.

Une proposition de loi portant indexation du barème de l’impôt sur le revenu est déjà prête et pourrait être rapidement déposée par le rapporteur général et moi-même ; d’autres mesures pourraient éventuellement y être associées.

Toutefois, soyons clairs, cela constituerait un pis-aller, et j’ose croire que, avec un gouvernement à l’écoute de tous – de tous, j’y insiste ! – et avec un parlement ouvert à des accords, une voie est possible pour doter la France d’un véritable budget.

En attendant, garantissons la continuité de la vie nationale et votons donc pour le projet de loi spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Thierry Cozic. Monsieur le président, avant toute chose, je tiens à m’associer à votre hommage, en ayant une pensée fraternelle pour nos concitoyens mahorais. Le 101e département français a été très durement touché par le cyclone Chido et je tiens à exprimer tout le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain aux victimes et à leurs familles, ainsi qu’aux forces de secours et aux services de l’État qui œuvrent actuellement auprès des Mahorais.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner un projet de loi quasi historique, puisqu’il est inédit depuis 1979. Ce projet de loi n’appelle, sur le fond, que peu de commentaires, mais, formellement, il dit tout de la séquence politique que traverse notre pays.

En effet, si nous examinons ce texte aujourd’hui, c’est précisément parce que le précédent gouvernement, auquel vous apparteniez, messieurs les ministres, a refusé de voir les réalités politiques du pays. Depuis deux ans, Emmanuel Macron se comporte comme un mauvais perdant, qui veut sans cesse rejouer le match qu’il a pourtant perdu, et par trois fois !

Il sera le président qui n’aura jamais été capable de tirer les leçons de ses défaites : tel un joueur de poker compulsif, il pense perpétuellement pouvoir « se refaire » au prochain coup, dans l’unique dessein de récupérer sa mise et même, si possible, de gagner un peu plus ; mais on ne peut jouer le destin de la France à la roulette russe.

Dans quelle démocratie saine le Premier ministre est-il issu de l’un des plus petits groupes de l’Assemblée nationale ?

Dans quelle démocratie saine le Président de la République utilise-t-il son pouvoir de nomination comme un pouvoir de décision, faisant fi de tous les enseignements des différents scrutins ?

Ce piétinement des résultats n’est pas sans conséquence pour le pays. Les études sur le sujet mettent en relief des chiffres désastreux, qui témoignent à eux seuls du climat de défiance qui règne dans le pays.

En deux décennies de règne, après huit guerres de religion, Henri IV changea de religion à six reprises et réconcilia entre eux les Français, tout en redressant le pays. (Sourires. – Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Loïc Hervé. C’est une belle référence !

M. Thierry Cozic. Le nouveau Premier ministre, François Bayrou, qui se voit volontiers comme un Henri IV moderne, a la lourde tâche de réconcilier entre eux les Français, mais, attention, n’est pas le Vert-Galant qui veut !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il cherche la poule au pot…

M. Olivier Paccaud. Attention à Ravaillac ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Thierry Cozic. Au pays des Lumières, où la laïcité est seule reine, changer de religion à de multiples reprises ne changera rien…

Pour réussir à réconcilier le pays, il va falloir l’écouter et entendre ce qu’il nous a dit lorsque le Président de la République a mis en œuvre sa « dissolution d’amertume » en juin dernier. Quel est l’intérêt de redonner la parole au peuple si c’est pour ne tirer aucune conséquence politique quand ce dernier s’est massivement exprimé ?

Il est clair que, par cette nomination, le Président de la République préfère la coalition à la cohabitation. À tous ceux qui nous disent que la personnalité du nouveau Premier ministre, conjuguée aux conditions pour le moins baroques de sa nomination, garantira une cohabitation, je tiens à rappeler un principe simple : la cohabitation, c’est lorsque le parti du Président de la République est dans l’opposition. Tout le reste n’est que littérature…

En dépit de ce nouveau coup de force d’un macronisme finissant, le gouvernement sur le point d’être nommé sera presque celui de la dernière chance pour Emmanuel Macron. Le président qui se voyait en maître des horloges devrait entendre le compte à rebours qui est désormais lancé, car, au-delà des dégâts inhérents de la politique promue par Emmanuel Macron, ce qui est désormais en cause, ce sont les dégâts que sa conduite entraîne.

Nous arrivons à un moment où sa manière d’exercer le pouvoir représente un coût astronomique pour les Français. Depuis plusieurs mois, nous vivons sur la scène politique nationale dans un état de sidération, mais nous ressentons en outre un sentiment d’humiliation et de colère profonde lorsque nous voyons notre pays s’effacer sur la scène internationale.

Nous sommes peut-être encore en assez bonne forme pour faire des photos en marge de l’inauguration de Notre-Dame de Paris, mais nous n’avons plus la capacité de peser sur les décisions du monde : en Ukraine, au Moyen-Orient ou encore en Indo-Pacifique, sur tous ces théâtres internationaux, c’est sans nous que se nouent les accords et les désaccords.

À cet égard, il est éclairant de se pencher sur la validation par Mme von der Leyen du traité avec le Mercosur, car je tiens à souligner certaines évidences qui semblent échapper à tous ceux qui imputent ce passage en force à la chute du gouvernement Barnier.

Je rappelle en effet qu’Emmanuel Macron avait publiquement soutenu le renouvellement du mandat de la présidente de la Commission européenne et que le groupe macroniste Renew Europe, présidé par Valérie Hayer, avait voté à l’unanimité dans le même sens, de même d’ailleurs le parti populaire européen (PPE), auquel appartiennent les députés européens Les Républicains, menés par François-Xavier Bellamy !

Le discrédit qui en découle est aussi important pour la France que pour ces groupes politiques, qui se sont révélés incapables d’infléchir la décision forcenée de leur propre présidente…

Je le dis donc avec gravité et solennité, le prochain gouvernement devra changer de méthode de travail par rapport au gouvernement censuré, sans quoi les mêmes causes produiront les mêmes effets.

À ce titre, je tiens à dire publiquement que le groupe socialiste n’a pas goûté la salve d’amendements visant à supprimer plusieurs mesures emblématiques adoptées par la Haute Assemblée durant l’examen du budget.

M. Hervé Gillé. Absolument !

M. Thierry Cozic. En moins de deux heures, vous avez, messieurs les ministres, rayé d’un trait de plume des mesures pourtant adoptées par le Sénat, telles que la hausse de la flat tax, de l’exit tax ou de la taxe dite Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). En tout, ce ne sont pas moins de 27 secondes délibérations qui ont été votées un dimanche après-midi,…

M. Thierry Cozic. … à la suite d’un conclave de la commission des finances.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous y étiez !

M. Thierry Cozic. Notre collègue Pascal Savoldelli l’a très justement souligné : nous avons assisté à un véritable 49.3 sénatorial.

Le changement de méthode doit donc avoir lieu, et très vite, car sept ans de macronisme ont mis les finances publiques dans un état de délabrement qui ne nous permet plus d’attendre.

À ce sujet, la dégradation d’un cran de la note souveraine de la France par l’agence Moody’s, dans la nuit de vendredi dernier, constitue une première alerte qu’il ne faut ni négliger ni dramatiser.

Nous sommes en effet loin des prédictions ridicules auxquelles se sont livrés certains membres du gouvernement, affirmant que, en cas de censure, l’absence de budget nous condamnerait à un shutdown à l’américaine, qui menacerait le versement des salaires des fonctionnaires, des retraites et des aides sociales, certains allant jusqu’à dire que les cartes Vitale seraient bloquées…

Toutefois, il semble désormais capital de mettre un terme à l’instabilité politique qu’a lui-même créée le président Macron, tout en gardant la mesure nécessaire qui incombe aux fonctions respectives des uns et des autres.

Les tentatives de dramatisation, frôlant parfois la malhonnêteté intellectuelle, n’ont pas eu prise sur un pays ayant besoin de sérénité. Je le rappelle, les marchés, tout comme nos concitoyens, veulent de la stabilité. Ils ne cherchent pas un champion de saut en hauteur… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Le groupe socialiste pense qu’un autre chemin budgétaire existe, un chemin qui ne sacrifie ni notre modèle social ni nos services publics et qui permettrait de garantir les grands investissements de demain en matière de santé, d’éducation, de recherche ou encore d’écologie, mais également pour faire face aux nouvelles tensions géopolitiques.

Lors de son allocution télévisée, le chef de l’État a indiqué qu’il ne croyait pas que l’avenir de la France puisse se faire avec plus d’impôts. Pourtant, c’est bien avec moins de réductions des dépenses et plus de recettes fiscales que nous entendons engager le rétablissement de nos comptes publics.

Les baisses d’impôts successives des sept dernières années nous ont coûté 62 milliards d’euros par an. Pilier fondamental du macronisme économique, le principe de ces suppressions de prélèvements obligatoires a donné les résultats que l’on sait : des dérapages budgétaires, une économie en panne de productivité, une compétitivité accrue.

M. Thierry Cozic. Pour bâtir un consensus parlementaire, les soutiens du Président doivent s’affranchir des dogmes du patron : la France se porte plus mal depuis les baisses d’impôts massives ; il vous faudra tôt ou tard le reconnaître, messieurs les ministres.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, mon propos est résolument tourné vers les échéances budgétaires à venir, tant ce projet de loi spéciale n’appelle aucune réflexion particulière. En effet, ce texte de loi tampon se contente d’autoriser le Gouvernement à continuer de percevoir les impôts existants et à reconduire les dépenses de l’État au niveau de celles de 2024.

Le groupe socialiste regrette vivement que l’amendement visant à indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu pour les tranches les plus basses ne satisfasse pas les règles de recevabilité financière.

Néanmoins, mû par le sens des responsabilités et la conviction qu’il est nécessaire de garantir la continuité de l’État en dépit des circonstances politiques particulières, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Thomas Dossus et Guy Benarroche applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, on retiendra que la dernière chose que sait faire l’État quand tout va mal, c’est de percevoir l’impôt avec précision et efficacité, quitte à rendre imposables 380 000 foyers supplémentaires. C’est une allégorie qui en dit long sur l’état de l’État ! (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Loïc Hervé. La faute à qui ?

M. Laurent Burgoa. Qui a censuré ?

M. Stéphane Ravier. Calmez-vous, mes chers collègues, je viens à peine de commencer…

Les décisionnaires qui gouvernent et les fonctionnaires qui administrent auront réussi à étouffer tout dynamisme à l’intérieur du pays, tout en dispensant les bienfaits de l’État providence au monde entier, sans vouloir se rendre compte qu’ils pompaient un marais déjà asséché. Résultat, de déficits en dettes et de dettes en déficits, nous parvenons, après soixante-six ans de Ve République et cinquante ans de budgets déficitaires, à une situation inédite : le blocage politique sur notre budget national en fin d’année civile.

M. Rémy Pointereau. À cause de qui ?

M. Stéphane Ravier. Ne prenez pas ce projet de loi spéciale pour un texte banal ou une formalité de gestion ; c’est un terrible avertissement.

Le niveau de ras-le-bol des Français augmente aussi vite que leur niveau de vie diminue et aussi systématiquement que vous refusez de remettre en cause les dogmes ruineux des dernières décennies : toujours plus pour la Commission européenne, toujours plus pour l’assistanat, toujours plus pour l’immigration, toujours plus pour les administrations d’État… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)

En 2019, les « gilets jaunes » avaient demandé simplement deux choses : qu’on leur donne la parole et qu’on leur permette de vivre dignement de leur travail. Au lieu d’un renouveau démocratique, vous leur avez imposé vingt-cinq 49.3, un « front antirépublicain », des combines contre nature pour empêcher que le Gouvernement ne soit renversé et aucune évolution du référendum d’initiative partagée.

Pour ce qui est de la juste rémunération du travail, vous n’avez su proposer qu’inflation, impositions et cotisations supplémentaires, pour pallier le « n’importe quoi qu’il en coûte ». Aucune remise en question, et une véritable autoroute de l’injustice qui mène nécessairement à un avenir bien sombre.

Alors que Mayotte est entièrement détruite et que l’argent et les moyens manquent, vous confirmez cette provocation qui consiste à accorder, dans le cadre de l’aide publique au développement, 120 millions d’euros à la Chine, 171 millions d’euros à la Turquie et 800 millions d’euros à l’Algérie ! Mais que vous ont fait les Français pour que vous les méprisiez autant ? (Vives protestations sur les travées du groupe SER.)

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. Et nous, qu’est-ce que nous vous avons fait ?

M. Stéphane Ravier. Monsieur le ministre, vous pourriez certes dire que vous n’avez eu que peu de temps pour réformer l’État et réduire les dépenses publiques et que vous avez récupéré les comptes désastreux de M. Le Maire. Mais, non content d’avoir salué le bilan de ce dernier, vous avez réussi à faire pire !

M. Stéphane Ravier. En effet, alors que, voilà une vingtaine d’années, un député européen devenu Premier ministre giflait un gamin qui tentait de lui faire les poches, vous avez, quant à vous, voulu faire les poches des collectivités locales et des Français ! Vous avez donc reçu la raclée que vous méritiez, via la censure. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour éviter cela, vous auriez pu – vous auriez dû –, fort des cinquante et une années d’expérience politique de M. Barnier, arriver avec un programme de réforme de l’État clefs en main. Cela n’a pas été le cas.

Vous vous êtes réduits à la caricature de don Salluste percevant l’impôt : « Cette année la récolte a été très mauvaise, alors il faut payer le double ! », soit 40 milliards d’euros ! (Marques dimpatience sur les travées des groupes SER, UC et Les Républicains.)

M. Rémy Pointereau. Votre temps de parole est épuisé !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Stéphane Ravier. Dès lors, ne vous attendez pas, monsieur le ministre, à être accueilli ici au cri de « Vive notre bienfaiteur ! » (Brouhaha.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Stéphane Ravier. Et joyeux Noël à vous tous, mes chers collègues !

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, messieurs les ministres démissionnaires, mes chers collègues, le projet de loi spéciale que nous examinons cet après-midi est le texte de tous les paradoxes ; vous en avez cité un, madame la rapporteure générale.

Le premier de ces paradoxes est évidemment le fait que nous allons voter, en un après-midi, vraisemblablement à l’unanimité ou presque, un texte extrêmement important qui ne compte que trois articles. C’est un fait inédit !

Toutefois, le principal paradoxe, le voici : alors que nous vivons une crise politique, budgétaire, financière inédite, alors que cette crise jette le discrédit sur l’ensemble de la classe politique, il est un roc qui résiste, ce sont nos institutions. Nous pouvons, cet après-midi, adopter un texte permettant d’assurer la continuité de l’État, temporairement, et d’éviter un shutdown à la française.

Nous pouvons donc rendre hommage aux rédacteurs de la Constitution de la Ve République et au général de Gaulle, qui ont prévu l’imprévisible, ce qui nous permet de faire aujourd’hui face à une situation totalement inimaginable. (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cette Constitution et nos lois organiques, il nous appartient de les protéger ; c’est notre trésor, mes chers collègues.

M. Emmanuel Capus. Alors même que certains, à l’Assemblée nationale, ont essayé de les contourner, notre bicamérisme et les mécanismes de contrôle de la recevabilité des amendements ont fonctionné. Nous pouvons donc aujourd’hui avoir un débat serein ; et je tiens à cet égard à saluer la responsabilité de la présidente Braun-Pivet et celle de la commission des finances, avec une pensée particulière pour son président ; grâce à eux, nous pouvons débattre dans un climat serein, tout en protégeant notre trésor commun.

C’est la démonstration que, dans les pires moments de notre histoire, les institutions de la Ve République fonctionnent et opposent des garde-fous aux apprentis sorciers. À cet égard, je ne crois pas totalement inutile de rappeler une citation d’Albert Camus : « Toute forme de mépris, si elle intervient en matière politique, prépare […] le fascisme. » Gardons-nous donc de nous amuser avec notre Constitution…

Citons également Benjamin Constant, pour qui une Constitution est un pacte entre les générations et un rempart contre les passions du moment. Laissons donc, mes chers collègues, les passions du moment et concentrons-nous sur l’intérêt général de la Nation et des Français.

Ce texte est utile, et même indispensable. Il permettra, sous les réserves exprimées par le ministre, de reconduire les impôts et d’autoriser les emprunts.

Le troisième paradoxe est que tous ceux qui se sont prononcés contre les impôts de l’an dernier, lors de l’examen de la loi de finances pour 2024, voteront – en tout cas, je l’espère ! – leur reconduction.

Mes chers collègues, ce constat donne sans doute à réfléchir pour l’examen du PLF à venir : cherchons, si nous devions voter l’an prochain un texte auquel nous nous serions opposés cette année, à améliorer et à fluidifier nos débats dans cette enceinte !

Le quatrième et dernier paradoxe est que ce texte, s’il est utile et vital, ne résout pas les problèmes des agriculteurs, ni ceux des contribuables soumis à l’impôt sur le revenu (IR), ni ceux de nos très petites entreprises (TPE) et de nos petites et moyennes entreprises (PME), ni ceux de nos outre-mer. Je profite de ce stade de mon intervention pour m’associer, monsieur le président, à l’hommage que vous avez rendu à nos concitoyens de Mayotte.

Bien plus, ce texte ne résout en rien la crise budgétaire et financière qui est la nôtre. Comme vous l’indiquiez, monsieur le rapporteur général, Moody’s a dégradé de nouveau la note de la France en constatant la fragmentation de sa classe politique. Nous ne pouvons donc plus ignorer la situation.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cela fait longtemps que je mets en garde…

M. Emmanuel Capus. L’absence de PLF aura des conséquences. Il nous faudra donc d’urgence préparer un nouveau texte pour 2025. Celui de Michel Barnier n’était pas parfait, tant s’en faut. Il contenait trop d’augmentations d’impôts et pas assez de baisses de dépenses. Le futur texte devra être corrigé dans ces deux directions.

Il devra également préserver l’investissement dans la défense, dans la justice, dans la sécurité, dans la santé et dans l’éducation. Alors que la société devient chaque jour plus violente et que la guerre fait tomber toujours plus d’obus sur l’Europe, nous ne devons plus revenir sur aucun centime d’euro destiné à nos services publics régaliens.

Il faudra aussi dans ce PLF éviter de sombrer dans la facilité de la hausse stérile des impôts. Nous sommes déjà champions du monde des prélèvements obligatoires. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Mme Antoinette Guhl. C’est faux !

M. Yannick Jadot. C’est Le Pen qui dit cela !

M. Emmanuel Capus. En tout état de cause, monsieur le président, mes chers collègues, j’espère que ce projet de loi spéciale sera adopté à l’unanimité aujourd’hui par notre Haute Assemblée. En responsabilité, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, permettez-moi d’associer l’ensemble des sénateurs du groupe Les Républicains à vos propos relatifs au département de Mayotte.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, le contexte politique de ces derniers mois a donné au Sénat un rôle de premier rang dans le cadre du débat budgétaire. Rarement, voire jamais, nos travaux sur un projet de loi de finances n’avaient été aussi suivis et considérés.

Exercice constitutif de la souveraineté, le fait de lever l’impôt et d’en déterminer l’usage en dépenses est un principe constitutionnel mentionné à l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce principe se matérialise dans la procédure budgétaire française, qui tend à confier au seul Parlement le vote du budget et la compétence fiscale.

Toutefois, la rationalisation du pouvoir législatif entamée dès 1958, puis le virage de la Lolf à l’aube des années 2000, ont réduit la participation du Parlement à la matière financière.

Le Gouvernement construit le budget en sous-marin, d’avril à septembre, puis demande aux parlementaires son appropriation en un éclair : un mois. La discussion budgétaire en est naturellement amoindrie et se concentre trop souvent, malheureusement, sur la défense politique d’intérêts spécifiques, au lieu d’être consacrée aux enjeux globaux des finances publiques, à la pluriannualité ou à la responsabilisation.

Certes, des efforts ont été réalisés dans le sens d’une meilleure association du Parlement : création du Printemps de l’évaluation, débat sur les finances des collectivités ou sur l’état de la dette publique… Ces avancées, comme la révision de la Lolf en 2021, sont d’ailleurs d’origine parlementaire.

Le contexte politique actuel offre au Parlement l’occasion de se saisir plus intelligemment de la question budgétaire, dans une logique de responsabilisation des pouvoirs publics. Le Gouvernement, mes chers collègues, a besoin de notre expertise, de notre appui et de notre soutien pour garantir l’adoption d’un budget sérieux et partagé. Ce nouveau cycle de travail commun commence aujourd’hui avec l’examen de ce projet de loi spéciale.

Cette loi répond là encore à des exigences constitutionnelles. Je pense à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. S’y ajoutent les principes constitutionnels de continuité et d’égalité du service public.

Voter cette loi est incontournable. Rejeter le texte serait irresponsable, pour les Français, mais aussi pour la France. Notre pays a besoin d’un cadre économique, budgétaire et financier. La France a besoin d’un budget.

Ne nous voilons pas la face : l’avis positif émis le 26 novembre dernier par la Commission européenne sur notre plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) n’augure en rien du vote des États membres au début du mois de janvier prochain. En son point 15, il est indiqué que le projet de plan contient des mesures ayant une incidence budgétaire en 2025. Celles-ci sont tombées avec l’abandon du projet de loi de finances. Comme l’ont rappelé le président et le rapporteur général de la commission des finances, il est urgent de reprendre nos travaux.

Soyons lucides : le Fonds monétaire international (FMI) ne débarquera pas demain. Personne ne veut la déstabilisation de la zone euro ! Les Français détiennent une épargne abondante, notre économie est large, riche et diversifiée.

J’ai bien entendu que le Premier ministre définissait la lutte contre la dette comme le premier objectif de son action. Nous faisons face à ce seul défi. Il nous reste désormais à déterminer, rapidement, la voie à suivre, sous peine de dévisser.

Je vous rappellerai à présent quelques éléments factuels.

Depuis la dissolution, notre écart de taux avec l’Allemagne s’est accentué. Si les marchés financiers ont peu réagi au vote de la motion de censure, c’est parce qu’ils avaient déjà fortement sanctionné la décision du Président de la République en juin dernier.

Monsieur le ministre, vous soulignez tout à l’heure que la dette ne faisait que s’aggraver, mais vous avez omis de relever certains chiffres : un point de taux d’intérêt en plus représente 3,2 milliards d’euros de hausse de la charge de la dette la première année et 40 milliards d’euros la dixième année !

Notre dette ne commence à diminuer qu’avec un déficit à 3,3 % du PIB. Nous en sommes loin ! Elle ne refluerait donc pas avant 2028, selon la trajectoire du PSMT. Avec un déficit nul, il faudrait trente-sept années pour revenir à 60 % d’endettement. Avec un déficit de 1 % seulement – la marche pour atteindre cet objectif est haute –, il faudrait 137 années pour parvenir à un taux de 65 % !

Devant la commission des finances du Sénat, Pierre Moscovici faisait justement remarquer en octobre dernier que « tout euro consacré au remboursement de la dette est un euro perdu pour le service public et pour l’investissement ». Comment, à l’avenir, pourrons-nous financer la transition écologique et rester compétitifs dans les domaines de l’intelligence artificielle et de la santé si 100 milliards d’euros sont captés par le paiement des intérêts ?

Pour lors, l’incertitude règne. Comme nous le savons tous, elle n’est pas bonne pour l’économie : les particuliers se refusent à consommer et les entreprises retardent leurs investissements. La Banque de France nous a déjà sanctionnés, si j’ose dire, en révisant sa perspective de croissance pour 2025 et pour 2026.

Il est grand temps d’être responsable. Nous devons rassurer les Français et les milieux économiques en adoptant rapidement un PLF au début de l’an prochain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le président, avant de commencer, je souhaite évidemment associer mon groupe à votre propos liminaire et adresser nos pensées aux victimes du cyclone Chido à Mayotte, sans oublier toutes les personnes mobilisées pour sauver des vies.

Monsieur le président, messieurs le ministre, mes chers collègues, quatorze jours nous séparent de l’année 2025, une année pour laquelle notre pays n’a toujours pas de budget.

Cette situation est-elle une première dans l’histoire de la VRépublique ? Si nous regardons en arrière, nous pouvons répondre : pas vraiment. Nous avons en mémoire l’année 1962, où la loi de finances pour 1963 a été intégralement adoptée le 23 février de cette année-là, ainsi que l’annulation de la loi de finances pour 1980 un jour de réveillon de Noël.

Ces deux souvenirs pourraient nous laisser penser que la situation dans laquelle nous sommes ne serait en rien nouvelle. Pourtant, mes chers collègues, le moment est bel et bien inédit, et cela pour trois raisons.

Tout d’abord, il l’est compte tenu du contexte politique. Malgré la nomination d’un nouveau Premier ministre, le Gouvernement qui présente le présent projet de loi est démissionnaire, car il a été censuré par une majorité de 331 députés. L’hémicycle de l’Assemblée nationale est fragmenté, aucune majorité solide n’y existe à ce stade et sa dissolution est impossible dans l’immédiat.

Ensuite, le moment est inédit, parce que les finances publiques placent la France dans une position difficile, où l’immobilisme serait fatal.

Enfin, il est inédit, car notre pays est doté depuis 2001 d’une loi organique qui encadre l’adoption de ce projet de loi spéciale.

Mes chers collègues, je n’ai nul besoin de vous convaincre. Mais posons-nous la question pour celles et pour ceux qui nous écouteraient depuis l’extérieur de notre assemblée : pourquoi l’adoption d’un projet de loi spéciale est-elle nécessaire pour le pays ?

Un budget permet, en schématisant, l’autorisation de percevoir des recettes et de réaliser des dépenses. Or qui dit absence de budget dit aussi absence de recettes et de dépenses. Si aucun PLF n’est voté pour l’année à venir, en l’occurrence 2025, de quel droit l’État pourrait-il continuer à percevoir les impôts ? Telle est la principale raison d’être de ce projet de loi spéciale : répondre à cette question par un texte transitoire, au contenu limité, mais vital pour notre pays et pour la continuité de nos services publics.

Je précise bien : « au contenu limité », car le domaine de ce texte est strictement encadré, raison pour laquelle il ne contient que quatre articles.

L’article 1er autorise l’État à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la prochaine loi de finances, sans en ajouter ni en retirer. L’objectif est de permettre à l’État, ainsi qu’aux autres personnes publiques, de percevoir de manière temporaire les ressources nécessaires pour assurer la continuité de leurs missions.

Il s’agit également de rendre possible la reconduction des prélèvements sur les recettes de 2024 au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales, avec, pour ces dernières, le détail introduit par nos collègues députés à l’article 1er bis.

Les articles 2 et 3 du projet de loi visent quant à eux à autoriser l’État à recourir à l’emprunt et à habiliter les régimes et organismes de sécurité sociale à recourir à des recettes non permanentes, avec, en ligne de mire, la nécessité de couvrir leurs besoins de trésorerie.

Je répète : « au contenu limité », du fait de la tentation d’introduire par voie d’amendement l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu. Comme l’indique le Conseil d’État dans son avis du 10 décembre 2024, « les mesures nouvelles d’ordre fiscal […] ne relèvent pas du domaine de la loi spéciale ».

Notre groupe est bien entendu favorable à cette indexation. Celle-ci est nécessaire pour nos concitoyens. Mais comme le Conseil d’État l’explique, notre droit, en l’occurrence la Constitution et la Lolf, ne permet pas d’intégrer cette mesure dans le projet de loi spéciale. L’indexation doit être décidée par notre Parlement dans le cadre de la future discussion budgétaire et fiscale, car il s’agit d’une décision politique.

Mes chers collègues, au-delà de la démission du Gouvernement, le vote d’une mention de censure entraîne des conséquences.

Ces conséquences sont regrettables pour les embauches. Elles se font sentir également pour nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie, qui devront attendre le milliard d’euros annoncé face aux dégâts causés par les émeutes. Elles pèsent sur nos agriculteurs, qui patienteront encore pour les nombreuses mesures de soutien fiscal dont ils auraient pu bénéficier bien plus tôt.

Je n’oublie pas non plus que cette censure a accéléré la première étape de conclusion des négociations du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, un traité auquel s’opposent largement le Parlement et, a fortiori, le pays.

M. Yannick Jadot. Quelle blague !

M. Didier Rambaud. Je n’oublie pas, en outre, que les collectivités ne pourront bénéficier de leurs dotations d’investissement tant qu’il n’y aura pas de budget.

Je n’oublie pas, enfin, que, dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 décembre dernier, l’agence de notation Moody’s a décidé de dégrader la note souveraine de la France.

Ces conséquences étaient connues de celles et de ceux qui ont voté la motion. Les 331 députés concernés doivent désormais s’en expliquer, au lieu de s’offusquer des effets d’une censure qu’ils ont célébrée. (M. Guy Benarroche proteste.)

M. Didier Rambaud. Pendant que nous prenons sur l’agenda parlementaire pour un tel texte, le temps court, avec son lot de défis et de difficultés.

Pour l’heure, mes chers collègues, à nous d’adopter au plus vite ce projet de loi spéciale, que notre groupe votera évidemment, et de nous tenir prêts pour la discussion budgétaire à venir.

Face à l’urgence du moment qui s’annonce, construisons cette discussion dans un esprit de compromis, esprit qui caractérise si bien le Sénat et peut-être à l’avenir – espérons-le ! – notre Parlement tout entier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Raphaël Daubet. Permettez-moi, monsieur le président, d’associer le groupe RDSE à vos propos de soutien au territoire de Mayotte et à ses habitants.

Pour certains, devoir voter ce texte par nécessité, parce que la France n’aura pas réussi à se doter d’un budget au 1er janvier, constitue l’épilogue cruel d’un chantage à la motion de censure dont l’issue ne faisait guère de doutes : « La bourse ou la vie ! », en somme.

J’y vois surtout un échec collectif, dont je prends ma part. Nous pouvons nous interroger sur la responsabilité des uns et des autres ; celle des parlementaires, celle du Gouvernement, celle du Président de la République et celle des institutions. Mais chacun doit aussi s’interroger en lui-même, car il n’est pas d’échec collectif qui n’ait, en vérité, engagé de responsabilité personnelle.

Le tragique dans cette histoire est que cet échec pourrait n’être que la première étape de la chute d’un régime vieillissant, affaibli et cerné par les populismes.

Le piège se referme lentement sous nos yeux. Le régime s’enfonce tout seul dans une nasse bien tendue, affaibli par l’avachissement de ses institutions et par l’usage qui en est fait. Il est affaibli aussi parce que la comptabilité et la gestion des risques ont supplanté l’humain et les idéaux politiques, à mesure que la bureaucratie a pris le pas sur les élus. Partout dans le monde, la victoire des populistes se fait contre les establishments. Cette situation doit nous interpeller.

Évidemment, le groupe RDSE votera en faveur de cette loi spéciale, afin de permettre un fonctionnement minimal de l’État. Mais nous appelons de nos vœux la convocation en urgence d’une conférence budgétaire, pour qu’une majorité arithmétique de parlementaires volontaires se constitue et fasse face à quelques points d’achoppement essentiels, avant de reprendre l’examen du budget 2025.

Cette conférence doit être la plus large possible. Le dialogue doit réunir les démocrates de toutes les familles politiques, qui accepteront de considérer en priorité l’intérêt des Français. En effet, c’est bien d’eux qu’il s’agit !

Les dernières prévisions de l’Insee, il y a deux jours, sont alarmantes. En 2025, la croissance sera très affaiblie, a fortiori si la commande publique ralentit. Les exportations seront fortement concurrencées par la production chinoise. Le logement et l’immobilier s’enfoncent déjà dans la crise. Les agriculteurs, comme vous le savez, sont aux abois.

Chacun comprend qu’il sera impossible de construire un budget satisfaisant pour tout le monde, mais la gravité de la situation exige que nous trouvions un accord minimaliste, le moins mauvais possible. Concéder une victoire au compromis, en pareil cas, n’a rien de déshonorant.

L’une des clefs sera certainement de revoir l’objectif de réduction des déficits. Nous continuons de penser que la marche de 60 milliards d’euros dès cette année était trop haute. Nous devons négocier entre nous, puis avec l’Europe, la trajectoire de retour à l’équilibre de nos finances publiques.

Soyons lucides, mes chers collègues : notre vie politique continuera d’être traversée par des combats qui s’amplifieront, par des désaccords très profonds et par le retour des idéologies, qui viendront percuter les défis actuels : le mur de la dette, le changement climatique, la mondialisation et le financement du système de protection sociale.

Serons-nous capables de faire surgir de la mêlée des solutions démocratiques, pour protéger non pas les intérêts d’un système, mais ceux des Français, et pour retrouver le chemin de l’ambition républicaine ? Le groupe RDSE veut croire qu’aucun Himalaya n’est infranchissable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, je m’associe tout d’abord aux pensées que vous avez adressées à nos compatriotes de Mayotte, auxquels je renouvelle l’expression de notre pleine solidarité. Je salue également la mobilisation des services de l’État.

Je formulerai quatre observations rapides sur ce projet de loi spéciale.

Premièrement, nous avons besoin de continuité, mais surtout de stabilité et de visibilité en matière de finances publiques.

Ce projet de loi spéciale, dont nous nous félicitons, ne nous offre qu’une continuité partielle. Au-delà des incertitudes qui pèsent par exemple sur l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, nous découvrons chaque jour que l’absence de textes budgétaires emporte le risque de creuser des trous dans le fonctionnement régulier de l’État, alors que ce dernier doit toujours être à même de s’adapter aux contingences du moment.

Bien sûr, nous revisitons les jurisprudences, nous défrichons de nouvelles limites – je pense par exemple, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, à l’application de la loi spéciale au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais demeurent de multiples incertitudes.

L’effet de la censure sur le PLFSS et sur le PLF nous conduit à ajouter une zone de risque à une situation financière et politique déjà très critique. Autant dire qu’il y a urgence à reprendre rapidement l’examen des textes budgétaires !

Le groupe Union Centriste soutient la volonté exprimée par le Premier ministre, François Bayrou, de restaurer la stabilité financière et de retrouver un cap à partir de la coalition sortante, à laquelle devront s’ajouter les éléments de programme qui permettront d’éviter la censure. C’est une voie difficile, mais il n’y en a pas d’autres aujourd’hui, à moins de spéculer sur le non-respect des échéances et d’ajouter de nouvelles incertitudes et de nouvelles difficultés à la situation du pays et de nos compatriotes.

Deuxièmement, nous avons paradoxalement besoin plus encore aujourd’hui qu’hier d’efficacité et de puissance dans l’action publique.

Ce besoin, nous en mesurons l’importance au moment où un drame sans précédent s’est abattu sur Mayotte ; au moment où nos agriculteurs attendent des mesures concrètes ; au moment où la nécessité d’amplifier notre effort de défense a rarement été aussi impérieuse – l’Europe comme la France sont interpellées. Et je pourrais citer bien d’autres exemples.

Ajouter de l’instabilité et de l’incertitude à ce contexte revient à accroître le risque financier, alors que, déjà, nous payons plus cher que de nombreux pays le financement de notre dette : le seul remboursement des intérêts menace le pays d’étouffement et obère sa capacité d’action. L’assainissement de nos finances publiques est bien sûr un impératif. Ce projet de loi ne règle rien de ce point de vue.

Troisièmement, nous devons retrouver une cohérence économique et financière. Là encore, cela passe par un projet de loi de finances. Il faut nous adapter à un contexte qui a changé, admettre que les 5 % de déficit seront difficilement atteignables, mais rester en cohérence avec nos engagements européens.

L’incertitude est notre ennemie : elle pèse sur ce qui nous reste de croissance. Il nous faut parvenir à un ajustement budgétaire qui devra être dosé. Un ajustement budgétaire bien réalisé réduit l’incertitude et favorise la croissance ; un ajustement budgétaire mal dosé affecte fortement cette dernière.

La baisse des taux et la maîtrise de l’inflation sont évidemment des éléments positifs, mais ils ne compenseront pas nos difficultés.

Quatrièmement, et enfin, nous devons faire un effort collectif de responsabilité. Le projet de loi de finances ne correspondra pas à l’entièreté des positions de chacun, mais nous devons trouver les termes d’un compromis. L’économie, en effet, n’attend pas : les déficits continuent de se creuser. Le monde ne s’arrête pas : il évolue de plus en plus vite. La paralysie politique n’est pas compréhensible à l’heure où les défis sont nombreux.

Le groupe Union Centriste votera bien sûr ce projet de loi spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, vous avez eu raison, vraiment, de nous réunir en un hommage unanime au peuple mahorais. Et nous avons raison de réclamer une réactivité forte et durable de l’État. Je dis bien « durable » : il faudra que nous soyons très vigilants sur ce point !

J’en profite pour vous demander, messieurs les ministres – cette demande s’adresse aussi à ceux qui, peut-être, vous remplaceront –, d’accentuer la coopération avec les Comores, qui souffrent aussi.

Nous débattons aujourd’hui sous la pression d’une crise profonde et exceptionnelle. Et ce sont deux ministres démissionnaires qui présentent un texte qui fait office de budget pour la France ! Où est le Premier ministre ?

M. Bruno Sido. À Pau ! (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. La crise institutionnelle découle d’une crise démocratique qui couve depuis des années et qui explose aujourd’hui. Cette crise a un responsable : le président Emmanuel Macron. (Exclamations.)

Mme Catherine Conconne. Tout à fait !

M. François Patriat. Cela faisait longtemps…

M. Pascal Savoldelli. Sa décision de dissoudre en juin dernier, quitte à installer l’extrême droite au pouvoir, puis, après que le score de la gauche réunie dans le Nouveau Front populaire l’a surpris, son refus de tenir compte du vote des électeurs, c’est-à-dire de la forte volonté de changement politique qui s’est exprimée : tout cela a conduit notre pays à l’impasse.

M. Fabien Gay. Exactement !

M. Pascal Savoldelli. Après cinquante jours de gouvernement démissionnaire, il confie le pouvoir à un Premier ministre issu d’un parti plafonnant à 5 % aux élections législatives, rendant inéluctable, par cette offense au suffrage universel, la censure de Michel Barnier.

Le budget présenté pour 2025 était un budget de continuation du macronisme, aménagé un peu en bien, mais surtout en mal. La censure par l’Assemblée nationale, seule réponse possible au 49.3, était un acte politique fort et nécessaire, et notre force politique l’assume.

Ce projet de loi spéciale aurait pu être présenté dans le cadre d’une nouvelle séquence où le Président de la République aurait enfin tenu compte du dernier scrutin, en nommant une ou un Premier ministre issu de la force arrivée en tête aux élections législatives, pour ensuite, au Parlement, avancer texte par texte.

Malheureusement, Emmanuel Macron, conseillé par ses mentors de la finance, s’est enfermé dans ses certitudes ultralibérales. Il a choisi de continuer vaille que vaille, sans rien changer, en foulant aux pieds les bulletins de vote, consacrant le coup de force démocratique enclenché le 9 juin dernier.

Il faut changer de logiciel, il faut ouvrir en grand les vannes de la démocratie, construire une loi de finances pour 2025, avec et pour les citoyens et les citoyennes !

Cette loi, il faut la mettre en débat partout, dans les métropoles comme dans les bourgs et les villages, sur les lieux de travail, avec les organisations professionnelles et avec les 250 000 salariés dont les emplois sont menacés.

M. Roger Karoutchi. Les soviets !

M. Pascal Savoldelli. Cette loi ne pourra en aucun cas être un copier-coller du texte qui fut présenté par Michel Barnier.

M. Pascal Savoldelli. Nous n’allons pas reprendre nos travaux comme si de rien n’était !

M. Roger Karoutchi. Bah si… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. Ce texte était récessif ; du reste, hier, la Banque de France, par la voix de son gouverneur, a abaissé sa prévision de croissance de 1,2 % à 0,9 %.

Une telle réappropriation de la politique, au sens noble du terme, est possible par une mobilisation de tous, qui suppose une mobilisation des moyens de l’État.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y en a plus vraiment : 3 300 milliards d’euros de dette !

M. Pascal Savoldelli. En attendant, l’adoption certaine de ce projet de loi spéciale marquera la fin d’une funeste séquence de communication destinée à faire peur à nos compatriotes.

Non, les cartes vitales ne sont pas dévitalisées ! Les collectivités territoriales pourront être financées et leur dotation reconduite, grâce à un ajout de l’Assemblée nationale ! Et si un projet de loi de finances est adopté avant la fin du mois d’avril prochain, les travailleurs ne paieront pas plus d’impôts !

Ces mensonges ont sali le débat politique : oui, ils ont sali le débat politique ! Et l’heure de la vérité a sonné. Cette loi spéciale vise à assurer la continuité de l’État et des services publics, et c’est tout.

Pour la clarté de nos débats, je redis notre profond rejet du précédent projet de loi de finances. Or c’est ce texte insincère, injuste et récessif qui servira de base aux décrets du Gouvernement.

Mes chers collègues, nous ne disposons d’aucune information, ou presque, quant aux décrets qui seront pris par le Gouvernement. Voilà le résultat du flou de l’article 45 de la Lolf !

Il n’est pas acceptable que les parlementaires, avant de voter la loi spéciale, ne connaissent ni la nature ni le montant global des crédits qui seront ouverts. Il est impératif de ne pas ajouter à l’incertitude politique une incertitude budgétaire.

Il est frappant, à l’heure où chacun vante le parlementarisme, que députés et sénateurs se voient privés de leur droit d’amendement. Je pense, par exemple, au refus d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu, au seul motif que le Conseil d’État aurait affirmé l’impossibilité d’inclure une telle disposition dans une loi spéciale. L’adoption de cet amendement était d’intérêt national et favorisait l’apaisement !

Ce projet de loi est un consensus construit dans l’urgence, une urgence qui acte l’échec de sept années de politique macroniste.

Le peuple français a raison de continuer à espérer vivre mieux, malgré les mauvais coups du président Macron et de la finance. Oui, le groupe communiste continuera à demander l’abrogation de la réforme des retraites et la revalorisation des salaires !

Comme l’écrivait si bien le poète Pablo Neruda, « Ils pourront couper toutes les fleurs, ils ne seront jamais maîtres du printemps ». (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, messieurs les ministres démissionnaires, mes chers collègues, j’ajoute évidemment les mots du groupe écologiste aux paroles de solidarité formulées par tous ici à propos de Mayotte.

Alors que, selon le calendrier initial, nous aurions déjà bouclé le projet de loi de finances 2025, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner un texte spécial, mais vital en ces temps troublés, le projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances.

Ce texte a vocation non pas à réorienter les grandes lignes de notre politique budgétaire, mais à garantir le fonctionnement de l’État dans une période d’incertitude. Il permet la collecte de l’impôt, le paiement des fonctionnaires et des pensions de retraite et la continuité des services publics, sur la base des services votés pour 2024.

Un tel texte est aujourd’hui indispensable. C’est pourquoi, dans une logique de responsabilité, je mets fin au suspense : le groupe écologiste le votera.

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Thomas Dossus. Toutefois, comment en sommes-nous arrivés là ? Cette loi spéciale, nécessaire par sa nature, n’en demeure pas moins le symptôme aigu d’une crise politique et budgétaire majeure.

Ne cherchons pas trop loin les responsables : la situation budgétaire catastrophique de la France en 2025 est la conséquence de sept ans de votre politique économique, messieurs les ministres démissionnaires. Celle-ci s’est transformée en une crise politique par l’effet d’une méthode, ou plutôt d’un cocktail où les LR, de retour au Gouvernement, étaient mélangés aux macronistes.

Ce cocktail fut amer pour les Français, Michel Barnier faisant le choix de placer la destinée du pays dans les mains de Marine Le Pen et d’ignorer le reste du Parlement, ce qui a abouti à sa chute au bout de trois mois.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avec l’aide de La France Insoumise, tout de même…

M. Thomas Dossus. Oui, la situation budgétaire catastrophique de la France est l’aboutissement de vos choix depuis 2017. Le Président de la République et son inamovible ministre de l’économie, Bruno Le Maire, ont appliqué sans relâche, jusqu’à l’absurde, une politique de l’offre, multipliant les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux ménages les plus aisés, sans jamais exiger de contrepartie, et ce quelles que soient les crises que traversait le pays.

Voici le résultat de ces milliards d’euros pour quelques-uns et de ces cadeaux fiscaux financés par la dette : 9 millions de pauvres, des plans sociaux qui se multiplient, nos collectivités qui se demandent comment boucler leur budget, un pays désarmé face aux catastrophes climatiques et le chaos qui envahit nos services publics sous-financés.

Cette crise budgétaire s’est transformée en crise politique, résultat d’un aveuglement politique qui vire au déni. La censure du Premier ministre Barnier est le dernier épisode en date de ce qui ressemble à une véritable débâcle institutionnelle due à un entêtement à poursuivre une politique dont la légitimité n’a plus de base démocratique.

En nommant François Bayrou Premier ministre-maire, le Président de la République s’enfonce dans le déni. Nous le répétons, les mêmes causes produiront les mêmes effets : les mêmes ronds de jambe à Marine Le Pen et le même mépris pour la coalition de gauche arrivée en tête aux législatives aboutiront à la même chute de M. Bayrou.

Le chef de l’État et ses soutiens ne cessent, depuis la censure, de pointer du doigt la responsabilité des oppositions. Ce faisant, ils semblent ignorer que la censure n’est que l’expression institutionnelle d’un principe simple : le Gouvernement est responsable devant le Parlement. C’est cette responsabilité qui a été ignorée, une amnésie certainement provoquée par l’abus de 49.3… (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

Les responsables – les agents du chaos – sont donc bien à trouver au banc des ministres. Je me dois de rappeler que, en toute responsabilité, nous étions parvenus dans cet hémicycle, sur certains points du budget pour 2025, à trouver des compromis, mais que, trois jours avant de chuter, le Gouvernement, dans son mépris habituel, a préféré imposer de secondes délibérations pour balayer les nouvelles recettes que nous avions inscrites dans le projet de loi.

Osons donc un conseil : dans l’intérêt du pays, le mépris du travail parlementaire doit quitter Bercy dans les valises des ministres démissionnaires. Cette loi spéciale, si elle est nécessaire pour éviter le chaos, n’est qu’un palliatif. Notre pays a besoin d’un véritable budget qui soit à la hauteur des défis sociaux, environnementaux et économiques auxquels nous faisons face.

Nous, écologistes, appelons de nos vœux un budget fait de priorités claires et de réels investissements dans la transition écologique, qui organise la solidarité et qui redonne des moyens à nos services publics, le tout financé par la justice fiscale.

Mes chers collègues, de cela, nous ne débattrons pas aujourd’hui, mais cela ne veut pas dire que ces sujets ont disparu. Il est urgent que le Gouvernement dépose un projet de loi de finances ; nous sommes prêts à y travailler rapidement.

Soucieux de l’intérêt général, nous voterons le projet de loi spéciale qui nous est présenté aujourd’hui, mais nous serons intransigeants face à toute tentative destinée à prolonger cette fuite en avant et cet attentisme qui affaiblissent le pays, creusent les inégalités et réduisent chaque jour un peu davantage notre capacité budgétaire collective à faire face aux défis de notre époque.

Il n’y a plus de temps à perdre ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pascal Martin applaudit également.)

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, qui aurait pu imaginer que nous en soyons là – que la France en soit là ? Aventure constitutionnelle, innovation institutionnelle, loi spéciale, et après ? On évite le shutdown en assurant la continuité de l’État de manière temporaire et exceptionnelle… Et après ?

Reconduire la trajectoire 2024 non corrigée de nos finances publiques ne consolide pas l’ancre des 5 % de déficit à la fin de 2025, un objectif que Michel Barnier et son gouvernement, dont je veux saluer l’action (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.), s’étaient engagés à tenir.

L’urgence budgétaire demeure donc et va même s’amplifiant, dans une déliquescence politique qui semble ne jamais s’arrêter.

Je me réjouis pourtant que, au désordre de nos comptes et à l’incertitude politique du moment, on n’ajoute pas une aventure juridique. Que la France soit un État de droit, disposant encore d’institutions fortes et d’un système administratif efficace, voilà sans doute le dernier signe de la crédibilité et de la stabilité de notre pays ; ne le galvaudons pas !

Notre groupe souhaite donc que nous en restions aux quatre articles adoptés par l’Assemblée nationale, des dispositions prévues par la Lolf, en adoptant ce texte conforme.

Pour autant, malgré la robustesse de nos institutions, ne laissons pas croire que ceux qui ont voté la censure n’ont pas précipité notre pays dans une difficulté accrue.

La liste est longue, et je n’en donne qu’un aperçu : non-redressement de nos comptes, qui va accroître le coût et le volume de notre dette ; mise en difficulté des ménages par la non-revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu ; non-réponse à l’urgence agricole ; risque pesant sur l’investissement local du fait de l’impossibilité de mobiliser les dotations d’investissement aux collectivités – dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), fonds vert.

Notre économie est en panne. Les nouvelles prévisions de croissance sont bien inférieures au 1,1 % escompté pour 2025. Les défaillances d’entreprises se multiplient. Patronat et syndicats s’unissent pour alerter sur les risques d’une crise économique aux conséquences sociales dramatiques.

Par-delà cette loi spéciale, qui agit comme un respirateur artificiel, nécessaire mais limité, il faut traiter l’urgence budgétaire sur le fond. Je souhaite donc la reprise des travaux du Sénat, déjà proposée par d’autres orateurs ; ainsi pourrons-nous doter très vite notre pays d’un véritable budget, eu égard notamment aux réponses à apporter aux quelques questions majeures que je viens d’énumérer, et donner enfin des perspectives, tout en agissant sur le quotidien.

Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas d’un projet de loi portant diverses mesures économiques et financières et mettant la question budgétaire sous le tapis – cela, c’est ce que demandent ceux qui ont empêché le PLF d’aboutir.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’une loi de finances initiale sérieuse, réduisant encore davantage la dépense publique, susceptible d’être corrigée en cours d’exercice par le biais d’un PLFR (projet de loi de finances rectificative) et dans laquelle seraient d’ores et déjà fléchées des réformes structurelles à venir, ces réformes dont notre pays a tant besoin.

Je le rappelle, trouver 60 milliards d’euros sur un périmètre de dépenses publiques de 1 600 milliards d’euros, cela correspond à une économie de 3,75 %. Quelle entreprise, quel ménage n’est pas capable de faire un tel arbitrage ?

Repartir d’une feuille blanche pour bâtir un nouveau budget, voici ce que cela signifierait : pas de budget avant avril prochain au plus tôt, et encore ! Outre qu’il emporterait des décisions trop tardives pour les Français, en particulier d’un point de vue fiscal, ce calendrier, de fait, creuserait encore davantage le déficit.

Je ne veux pas agiter le chiffon rouge du chaos : la peur n’est jamais bonne conseillère et elle est souvent contraire au bon sens, des expériences récentes l’ont encore montré. Je crois davantage à la pédagogie et je veux faire confiance à l’intelligence de chacun, ainsi qu’à notre intelligence collective.

Toutefois, je sais aussi que, comme l’écrivait Tocqueville, « ce qu’il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux ». Formons le vœu que nous sachions voir clair et loin dès le début de l’année 2025, après cette incroyable année 2024 qui compte quatre Premiers ministres et 366 jours – comme si 365 jours n’auraient pas suffi à une telle année ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi spéciale répond à une situation totalement inédite.

Certes, en 1979, il y a quarante-cinq ans, un texte similaire avait été soumis au Parlement, mais le contexte était très différent : il s’agissait uniquement d’un problème de procédure, qui avait conduit le Conseil constitutionnel à annuler la loi de finances, laquelle avait pu être promulguée dès le 18 janvier suivant.

La situation n’est malheureusement pas de même nature aujourd’hui, puisque nous terminerons l’année sans loi de financement de la sécurité sociale, sans loi de finances, sans réelle visibilité sur le calendrier dans lequel ces textes pourront être adoptés, et sans gouvernement. Cette loi spéciale est donc indispensable pour éviter la paralysie totale de l’État et permettre son bon fonctionnement minimal.

Pour autant, elle ne réglera pas tout, tant s’en faut. Malgré son adoption, de nombreuses difficultés demeureront jusqu’à la promulgation de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, qui n’interviendront probablement pas avant plusieurs mois.

Je voudrais, à cet égard, souligner l’irresponsabilité de ceux qui ont voté cette motion de censure, qui n’a que des effets négatifs pour la France et les Français. (M. Laurent Burgoa approuve.)

Elle aura des conséquences sur 18 millions de Français, qui verront leur impôt sur le revenu augmenter ou qui deviendront assujettis à cet impôt. Elle privera, pour plusieurs mois, les agriculteurs de mesures financières attendues, les forces de l’ordre de moyens supplémentaires, la Nouvelle-Calédonie des crédits dont elle a besoin pour se reconstruire.

Je pourrais également évoquer les conséquences de cette motion sur le chèque-restaurant, le prêt à taux zéro et la prise en charge des frais de transport par les employeurs. Je pourrais aussi, et surtout, évoquer les conséquences économiques et financières de cette censure. La dégradation de la note de la France par l’agence Moody’s en est le premier signe et vient renforcer les inquiétudes des investisseurs et des consommateurs.

Quant aux collectivités locales, elles vont – pour la première fois – commencer l’année sans la moindre visibilité sur les concours dont elles bénéficieront pour mettre en place leur budget. Il ne sera pas facile de l’établir dans ces conditions !

La France et les Français peuvent dire un grand merci aux irresponsables qui ont mis notre pays dans une telle situation. Nous n’en avions vraiment pas besoin !

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !

M. Hervé Maurey. Je dirai à présent quelques mots sur le futur projet de loi de finances. Celui-ci devra, de mon point de vue, proposer plus d’économies que le projet de loi de finances initial, qui comptait trop de hausses de fiscalité et pas assez d’économies.

Mme Silvana Silvani. Vous y allez fort !

M. Hervé Maurey. Je comprends que les délais contraints qui ont été imposés au gouvernement de Michel Barnier et qui s’imposeront à celui de Français Bayrou rendent la tâche particulièrement difficile.

C’est pourquoi j’en appelle au Gouvernement pour que, dès maintenant, il s’attelle, en vue du budget pour 2026, à une revue générale des dépenses publiques, qu’il interroge ligne par ligne, euro par euro, l’utilité de chaque dépense, comme nous savons le faire dans nos collectivités.

De toute évidence, il existe des économies potentielles importantes parmi les nombreuses agences de l’État qui se sont multipliées au fil des ans (M. André Reichardt approuve.) ou dans la gestion du parc immobilier de l’État, qui doit être rationalisée. Le pilotage des ressources humaines doit également être optimisé et la lutte contre la fraude – chère à notre collègue Nathalie Goulet – renforcée. Par ailleurs, les politiques publiques doivent être revues, voire supprimées pour certaines d’entre elles.

Il faut s’atteler rapidement, et avec détermination, à la recherche de ces indispensables économies structurelles.

Le Gouvernement ne partira pas d’une feuille blanche. Il peut s’appuyer sur de nombreux rapports du Parlement, mais aussi de la Cour des comptes et des inspections de l’État. Il est temps d’en faire bon usage ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Khalifé Khalifé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour faire face à une situation exceptionnelle, imposée par une censure au sujet de laquelle nous sommes en droit de nous interroger. Quelles sont ses réelles motivations ? En revanche, nous n’avons aucun doute sur ses conséquences, qui seront néfastes à la fois pour les finances de l’État et pour la population.

L’énorme travail réalisé pour établir le budget général et celui de la sécurité sociale, ainsi que les débats menés au sein de la commission mixte paritaire, est aujourd’hui réduit à néant. Messieurs les ministres, vous en conviendrez, un tel gâchis est attristant !

Nous voilà contraints de voter pour une loi « palliative » que nous n’avons pas souhaitée. La situation dans laquelle nous avons été entraînés nous oblige à faire cette sorte de faux témoignage consistant à adopter une loi sur la base d’un budget qui, rappelons-le, avait lui-même été adopté l’an dernier par 49.3… Mais quel autre choix avons-nous ?

Sans entrer dans les détails, et pour n’évoquer que l’article 3, je vous invite, mes chers collègues, à mesurer avec moi les effets néfastes de la perte de certaines avancées tant attendues.

Je pense tout d’abord à nos agriculteurs, déjà en grande difficulté. Leurs prétendus défenseurs ont mis en péril des dispositifs prévus, qu’il s’agisse de la revalorisation des pensions, de l’exonération des charges pour les travailleurs saisonniers ou des mesures en faveur des jeunes agriculteurs.

Pis encore, ils ont envoyé aux négociations complexes et difficiles du Mercosur un pays affaibli, avec un gouvernement démissionnaire.

Ceux qui prétendent « avoir le monopole du cœur » ont également privé, en votant la censure comme des moutons de Panurge, les personnes âgées, les personnes handicapées et, plus globalement, les personnes vulnérables d’un certain nombre de dispositifs urgents en leur faveur ou en faveur des structures médico-sociales qui les accueillent ! (MM. Alain Milon et Laurent Burgoa applaudissent. – Marques dironie sur les travées du groupe GEST.)

En matière de santé, leur comportement a retardé la lutte contre les déserts médicaux, la mise en place de mesures de prévention sanitaire, la lutte contre la fraude sociale et l’amélioration de la pertinence de l’offre de soins.

Mes chers collègues, cette loi spéciale dans le contexte actuel est une étape obligatoire. Mais cette solution technique et juridique que nous serons contraints d’adopter ne doit pas valider la notion de statu quo, qui conduit sans nul doute à aggraver le déficit. La maison brûle, ne restons pas aveugles !

Pour ma part, je reste confiant en notre capacité à réagir et à ne pas occulter les problèmes de fond qu’il est urgent d’aborder et de traiter. Je le rappelle aux uns et aux autres, les réformes, certes, sont peu populaires, mais demeurent vitales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

projet de loi spéciale prévue par l’article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, la perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée conformément aux lois et règlements.

M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie, sur l’article. (Marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Mais qu’est-ce que c’est que cette attitude ! On a encore le droit de parler !

M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’adresser mes condoléances et tout mon soutien aux Mahorais, dont le territoire a été très violemment frappé. L’État français doit déployer tous les moyens possibles pour leur venir en aide et permettre leur deuil : tout est à reconstruire.

L’objet de mon intervention dans le cadre de l’examen de cette loi spéciale est la situation de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. En effet, si la loi de fin de gestion a ouvert des crédits supplémentaires pour le pays, le projet de loi de finances est quant à lui en suspens.

Le débat budgétaire sur les crédits de la mission « Outre-mer » aurait été pour moi l’occasion de m’opposer à la logique de prêts envisagée pour la Nouvelle-Calédonie.

D’aucuns disent que la censure a pour conséquence de priver le pays de 1 milliard d’euros de crédits supplémentaires. Cependant, il convient également de préciser qu’il s’agissait de prêts, dans un contexte d’endettement de plus de 340 %.

Avec de tels prêts, l’endettement de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie aurait alors atteint 650 % ! Quelles perspectives de développement reste-t-il à un territoire endetté à un tel niveau ? Il y a urgence à reprendre les débats budgétaires, pour apporter des réponses à la hauteur des besoins pour le début de l’année 2025.

En attendant, au vu de l’urgence économique et sociale caractérisée et admise par tous en Nouvelle-Calédonie, cette loi spéciale et les futurs décrets de services votés doivent permettre de débloquer des crédits discrétionnaires d’urgence pour soutenir la population et permettre au pays de se reconstruire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Barros, sur l’article.

M. Pierre Barros. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre groupe s’inquiète du sort réservé à l’audiovisuel public, qui ne verra pas ses crédits reconduits par cette loi spéciale à la suite du rejet pour irrecevabilité en commission de notre amendement. (Marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Barros. L’audiovisuel public est financé désormais via un compte de concours financiers, abondé pour 2025 par un amendement au Sénat, donc en cours de discussion dans le cadre du projet de budget abandonné. Il aurait pu faire l’objet d’un prélèvement sur recettes exceptionnel pour assurer la continuité du service public sans contrevenir à la loi organique du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l’audiovisuel public.

De même, nous sommes étonnés par le rejet pour irrecevabilité en commission de notre amendement ayant pour objet l’indexation des trois premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire pour tous les revenus inférieurs à 82 341 euros annuels.

Nous l’avons appris tout à l’heure, cette disposition redeviendra peut-être recevable prochainement et sera prise par décret… Cette mesure attendue par nos concitoyens aurait pu être votée dans le cadre de ce projet de loi spéciale.

À toutes fins utiles, nous rappelons qu’une proposition analogue avait été déclarée recevable en 1979, lors du seul précédent rencontré à ce jour en matière de discussion d’un projet de loi spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après les mots :

que l’État

insérer les mots :

, y compris aux associations assurant une mission de service public,

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement – le seul à avoir passé le mur des recevabilités ! – vise à traduire une inquiétude qui monte dans le monde associatif, lequel assure parfois directement des missions de service public : aide aux personnes âgées, hébergement d’urgence, action sociale, aide aux sans-abri, protection de l’environnement, promotion de la culture et du sport, etc. Pour cela, elles ont besoin de moyens.

L’article 1er du présent projet de loi spéciale vise à prévoir que « la perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État est autorisée conformément aux lois et règlements ». Une lecture rapide pourrait conduire à penser que les associations sont effectivement concernées par le dispositif.

Or aussi bien l’article 45 de la Lolf que le Conseil d’État, dans son avis, sont muets sur ce cas précis. Les seuls éléments d’information dont nous disposons proviennent de l’audition devant le Sénat, le 11 décembre dernier, de M. Laurent Saint-Martin, qui a déclaré : « le Gouvernement ne pourra pas non plus procéder à de nouveaux investissements ou à des dépenses discrétionnaires de soutien aux associations […]. Les subventions aux entreprises ou aux associations sont suspendues. Seuls les crédits de paiement correspondant aux engagements juridiques passés pourront être versés ».

Il ressort de ces déclarations qu’une association étant déjà sous contrat avec l’État en 2024 pourra continuer à être payée en 2025, mais que seules les prestations ou missions de service public effectuées en 2024 pourront donner lieu à un paiement en 2025. La continuité des services publics ne serait donc pas pour autant assurée. Tout cela n’est pas clair…

À moins que MM. les ministres démissionnaires ne lèvent définitivement toute ambiguïté, il nous semble plus prudent de clarifier le texte, comme nos collègues députés l’ont fait à l’Assemblée nationale à propos des collectivités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cette demande est satisfaite en droit.

Vous commettez une erreur, mon cher collègue : vous évoquez les associations qui bénéficient de subventions publiques. Or la perception des taxes affectées aux associations reconnues d’utilité publique et qui effectuent une mission de service public est bien prévue dans le texte. Il n’y aura donc aucun problème et la continuité sera assurée pour des associations comme l’Agence de garantie des salaires (AGS), Action Logement ou l’Unédic.

En 2025, nous adopterons une loi de finances qui permettra leur financement en bonne et due forme, comme cela a toujours été le cas dans le passé.

C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Les deux choses sont bien distinctes. Dans cette loi spéciale, il est fait mention « des personnes morales autres que l’État ». Cet amendement est donc superfétatoire.

Monsieur Dossus, je comprends qu’il s’agit d’un amendement d’appel sur la question du financement des associations. Mais je vous redirai ici exactement la même chose que lors de mon audition devant la commission, car il s’agit non pas d’un choix politique, mais de la stricte application de l’article 45 de la Lolf !

Les services votés, c’est le strict minimum sur les bases des crédits votés en 2024, ce qui n’inclut pas les dépenses discrétionnaires telles que les financements versés aux associations, excepté les engagements qui ont déjà été pris et qu’il convient d’honorer.

Reste la question de l’urgence, qui sera examinée au cas par cas pour permettre de financer au début de l’année 2025 un certain nombre de priorités. J’ai cité Mayotte dans mon intervention liminaire. Il faudra effectivement décaisser rapidement des crédits. Les services du ministère sont d’ailleurs déjà à l’œuvre pour débloquer les montants nécessaires dès les premiers jours et les premières semaines de 2025, afin de répondre aux besoins.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Dossus, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. Thomas Dossus. Je n’ai pas été rassuré par les propos de M. le ministre. Il importe que nous votions en responsabilité.

Je maintiens donc mon amendement, dont les dispositions traduisent l’inquiétude d’un certain nombre d’associations légitimement préoccupées par leur trajectoire budgétaire pour 2025, monsieur le président.

M. Laurent Burgoa. Il ne fallait pas voter la censure !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
Article 2

Article 1er bis (nouveau)

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances initiale pour 2025, les prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales sont évalués à 45 057 825 520 €, qui se répartissent comme suit :

 

(En euros)

Intitulé du prélèvement

Montant

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation globale de fonctionnement

27 245 046 362

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs

4 753 232

Dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements

30 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

7 104 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale

664 114 745

Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale

378 003 970

Dotation élu local

123 506 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la collectivité de Corse

42 946 742

Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion

431 738 376

Dotation départementale d’équipement des collèges

326 317 000

Dotation régionale d’équipement scolaire

661 186 000

Dotation globale de construction et d’équipement scolaire

2 686 000

Dotation de compensation de la réforme de la taxe sur les logements vacants pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale percevant la taxe d’habitation sur les logements vacants

4 000 000

Dotation de compensation liée au processus de départementalisation de Mayotte

107 000 000

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (communes)

239 658 133

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (établissements publics de coopération intercommunale)

890 110 332

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (départements)

1 243 315 500

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (régions)

467 129 770

Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle

272 278 000

Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires

6 822 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport

48 020 650

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit de la collectivité territoriale de Guyane

27 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au profit des régions au titre de la neutralisation financière de la réforme de l’apprentissage

122 559 085

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation globale d’autonomie de la Polynésie française

90 552 000

Soutien exceptionnel de l’État au profit des collectivités du bloc communal confrontées à des pertes de recettes fiscales et domaniales du fait de la crise sanitaire

-

Soutien exceptionnel de l’État au profit des régions d’outre-mer confrontées à des pertes de recettes d’octroi de mer et de taxe spéciale de consommation du fait de la crise sanitaire

-

Soutien exceptionnel de l’État au profit de la collectivité de Corse confrontée à certaines pertes de recettes fiscales spécifiques du fait de la crise sanitaire

-

Soutien exceptionnel de l’État au profit de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna confrontées à certaines pertes de recettes fiscales spécifiques du fait de la crise sanitaire

-

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation de la réduction de 50 % des valeurs locatives de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises des locaux industriels

4 016 619 586

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale contributeurs au fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) subissant une perte de base de cotisation foncière des entreprises

3 000 000

Prélèvement exceptionnel sur les recettes de l’État de compensation du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)

-

Prélèvement exceptionnel sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales et des groupements de communes qui procèdent à l’abandon ou à la renonciation définitive de loyers

-

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre du soutien exceptionnel pour les communes et leurs groupements face à la croissance des prix de l’énergie et de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique en 2022

-

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre du soutien exceptionnel, au titre de l’année 2023, pour les collectivités territoriales face à la croissance des prix de l’énergie

400 000 000

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation de la réforme de 2023 de la taxe sur les logements vacants pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale percevant la taxe d’habitation sur les logements vacants

24 700 000

Prélèvement sur les recettes de l’État en faveur des communes nouvelles

17 600 000

Prélèvement sur les recettes de l’État visant à abonder le fonds de sauvegarde des départements pour l’année 2024

52 862 037

Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation et du lissage des pertes exceptionnelles de recettes de taxe foncière sur les propriétés bâties

3 300 000

Prélèvement sur les recettes de l’État destiné à compenser les pertes de recettes résultant de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties

7 000 000

Total

45 057 825 520

 – (Adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
Article 3 (début)

Article 2

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, le ministre chargé des finances est autorisé à procéder, en 2025, à des emprunts à long, moyen et court termes libellés en euros ou en autres devises pour couvrir l’ensemble des charges de trésorerie ou pour renforcer les réserves de change ainsi qu’à toute opération de gestion de la dette ou de la trésorerie de l’État – (Adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
Article 3 (fin)

Article 3

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, la caisse de prévoyance et de retraite du personnel ferroviaire, la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales sont habilitées, en 2025, à recourir à des ressources non permanentes dans la seule mesure nécessaire à la couverture de leurs besoins de trésorerie.

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, messieurs les ministres démissionnaires, ce texte est issu d’un contexte politique suscité par l’irresponsabilité : celle du Président de la République, qui n’entend pas nos territoires ; celle du Premier ministre Barnier, qui a préféré regarder du côté du Rassemblement national, transgressant ainsi le « front républicain ». (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Et c’est reparti !

Mme Annie Le Houerou. À gauche, nous espérions plus de considération pour les propositions raisonnables que nous avions formulées lors de la discussion du PLFSS, ici au Sénat comme lors de la commission mixte paritaire, des propositions responsables pour réduire le déficit de notre sécurité sociale et pour garantir l’avenir de notre système de protection sociale.

Ce rejet de notre main tendue au Gouvernement a conduit au rejet du PLFSS et à la censure. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le sujet des recettes n’est pas tabou, et nous devons reconsidérer les exonérations de cotisations sociales lorsqu’elles sont inefficaces pour l’emploi et pour la compétitivité des entreprises.

Nous devons assurer plus d’équité par la contribution des plus aisés à nos dépenses de santé, des recettes indispensables pour assurer la protection de nos concitoyens, de la crèche à l’Ehpad, en passant par l’hôpital. (Brouhaha.)

Ce projet de loi spéciale prévoit la possibilité pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) d’emprunter, donc de financer les caisses de sécurité sociale autant que nécessaire.

Bien qu’il soit indispensable, ce texte ne répond pas à l’exigence qui s’impose à nous de répondre aux agriculteurs attendant une revalorisation de leur retraite (Le brouhaha samplifie et couvre la voix de loratrice.), aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles et aux professionnels de santé.

La loi spéciale n’est pas une loi de financement de la sécurité sociale. Elle risque même d’aggraver les déficits. Puisqu’elle répond toutefois à l’urgence et à l’instabilité dans laquelle nous a plongés le Premier ministre Barnier, nous la voterons.

Il n’empêche que la situation nous oblige, en responsabilité, à reprendre le travail engagé, pour que chacun contribue équitablement à ce budget et pour que chacun puisse être assuré d’une prise en charge de qualité (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Bruno Sido. C’est fini !

Mme Annie Le Houerou. … ce qui n’est plus le cas dans notre pays, qui est confronté à des difficultés d’accès aux soins et à la détresse de nos hôpitaux.

Nous sommes prêts à y travailler et à réitérer nos propositions au futur gouvernement Bayrou, afin de répondre aux préoccupations exprimées par les Français et les Françaises dans les urnes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote. (Marques dimpatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Savoldelli. Je serai très bref. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Nous allons voter pour la continuité de l’État et pour la continuité des services publics. Nous allons donc voter en faveur de ce texte.

Néanmoins, il est vrai que nous sommes dans une situation totalement inédite, puisque l’on confie à des ministres démissionnaires – ce n’est bien évidemment pas leur personne qui est en cause – le mandat de présenter un budget.

M. Antoine Armand, ministre. Ce n’est pas un budget !

M. Pascal Savoldelli. Cette situation est difficile pour eux.

Si le Premier ministre avait été là, nous lui aurions réitéré notre souhait qu’il y ait bien un nouveau budget et que l’on ne reprenne pas les travaux parlementaires comme si rien ne s’était passé.

Nous allons donc voter favorablement, mais il faut revoir la copie. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Gontard. Mes chers collègues, je sais que vous êtes pressés de partir en vacances (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais il me semble que le moment est important, grave, et que ce que nous sommes en train de faire n’est pas anodin. Prenons donc deux minutes pour en discuter ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

J’ai beaucoup entendu parler de responsabilité, notamment à propos de ceux qui ont voté la censure. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pour ma part, je pense que nous devons faire le bilan de ce qui s’est passé et nous pencher sur les raisons pour lesquelles nous en sommes là, amenés à voter, à l’unanimité, ce projet de loi spéciale qui est nécessaire pour la continuité de notre pays.

Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette situation ? (Mêmes mouvements.) En raison de sept ans d’une politique de droite libérale, à laquelle vous avez participé et qui a conduit notre pays dans la situation dans laquelle il se trouve actuellement !

Je reviens sur ce qui s’est passé ces derniers jours : qui aurait pu prédire que le gouvernement Barnier allait durer si peu de temps ? Nous ! (Mêmes mouvements.)

De fait, nous avons été un certain nombre à attirer l’attention, prévenant que, si vous continuiez dans cette direction, à n’écouter personne, à ignorer l’enjeu démocratique et le résultat des élections qui ont eu lieu en juillet dernier, nous irions dans le mur !

J’appelle donc solennellement à prendre garde à ce qui va se passer demain ou après-demain. Le Premier ministre n’est pas présent, mais il y va de sa responsabilité : quelle ligne politique va-t-il désormais décider ?

Allons-nous continuer à examiner le texte qui a commencé à être débattu ici, avec les mêmes conséquences ? Ou allez-vous enfin comprendre et infléchir votre politique avec un peu plus de justice fiscale, un peu plus de justice sociale, un peu plus d’égalité, un peu plus de partage dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 149 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 345

Le Sénat a adopté définitivement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai très bref.

Je veux tout d’abord vous saluer et vous remercier de votre esprit de responsabilité, qui a permis un vote conforme à celui de l’Assemblée nationale, donc une adoption définitive du projet de loi dans les délais les plus brefs possible. Ce faisant, vous avez permis, comme je l’ai dit dans la discussion générale, que nous ayons le temps nécessaire après la promulgation de ce texte pour mettre en place les décrets relatifs aux services votés, qui seront absolument nécessaires à la continuité du financement de nos services publics.

Si je salue l’esprit de responsabilité du Parlement pour cette loi spéciale, je rappelle que rien n’est réglé concernant les comptes publics de notre pays et la nécessité de leur redressement. Il faudra bien un budget pour l’État et pour la sécurité sociale, et je ne puis que souhaiter qu’ils soient adoptés le plus rapidement possible, de manière que la facture de la censure ne soit trop lourde pour personne.

Nous avons parlé des agriculteurs, des associations et des collectivités territoriales. Nous avons parlé de nombreux d’acteurs de notre pays qui ont besoin d’un budget et pour lesquels celui-ci doit être adopté le plus rapidement possible.

Enfin, permettez-moi, monsieur le président, après ces longues semaines de débats sur le PLF et le PLFSS, de vous saluer, ainsi que l’ensemble des présidents de séance.

Je remercie également M. le président de la commission des finances, M. le président de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur général de la commission des finances et Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales de la qualité du dialogue que nous avons noué.

Enfin, je salue l’ensemble des groupes, avec lesquels, je puis le dire, les discussions ont été franches, mais toujours…

M. Laurent Saint-Martin, ministre. … respectueuses et très courtoises, puisqu’elles se sont toujours fondées sur des arguments de fond et de qualité.

Durant ces semaines, la Haute Assemblée, je crois, s’est honorée par sa réelle capacité à débattre et à améliorer les textes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances
 

7

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

8

Communication d’avis sur des projets de nomination

M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable, par vingt voix pour et neuf contre, à la nomination de Pierre Monzani à la présidence de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.

Par ailleurs, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a émis un avis défavorable, avec douze voix pour et dix-sept voix, contre à la nomination de M. Martin Ajdari à la présidence de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

9

Ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, sous les réserves d’usage – j’y insiste ! –, la prochaine séance publique est prévue le mardi 14 janvier 2025 à quatorze heures trente. L’ordre du jour sera défini par la conférence des présidents.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures quarante.)

nomination dun membre dune commission

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la commission de laménagement du territoire et du développement durable.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Jean-Marc Ruel est proclamé membre de la commission de laménagement du territoire et du développement durable.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER