M. Mickaël Vallet. Nous ne sommes pas sociaux-démocrates, nous sommes socialistes !

M. Claude Malhuret. C’était une faute politique et, surtout, c’était une faute morale. Je ne crois pas, et surtout je n’espère pas, qu’une telle faute se reproduira. Les Français prennent en effet conscience jour après jour que la censure, dont ses promoteurs avaient juré qu’elle n’était qu’une péripétie, a des effets désastreux sur l’économie, sur la société et sur l’image du pays.

M. Mickaël Vallet. Et la dissolution, elle n’est pas néfaste ?

M. Claude Malhuret. Elle a mis le pays en pause, et une nouvelle censure le plongerait dans le chaos. Il est peu probable que nos concitoyens pardonnent à ceux qui s’aviseraient de recommencer.

Depuis 2022, et plus encore depuis la dissolution, un nouveau monde politique est né, dont ni les électeurs ni les élus ne maîtrisent les règles, notamment la première d’entre elles : comment gouverner sans majorité ?

Soit les partis de l’arc républicain sont assez intelligents et courageux pour trouver les compromis qui leur permettront de conduire le pays, soit, après la décomposition, la recomposition se fera au profit de l’un des extrêmes – et il n’est pas difficile de deviner lequel.

Nous avons donc tous une grande responsabilité à assumer, nous avons tous des efforts à faire et nous avons tous de graves difficultés à surmonter pour y parvenir. C’est sans doute pour la gauche républicaine que ces difficultés sont les plus fortes. Il va falloir qu’elle trouve le courage de s’arracher des griffes d’une alliance qui, depuis deux ans, et plus encore depuis le 7 octobre 2023, l’entraîne à la remorque d’une secte lancée dans un naufrage moral et politique.

Ce divorce sera d’autant plus dur que le gourou de la secte ne manquera pas de clouer au pilori ceux qu’il qualifiera de « traîtres », avec toute la meute de ses affidés et de leurs réseaux sociaux.

Si cette gauche modérée devait céder une fois de plus au chantage électoral et s’associer de nouveau à la chute d’un gouvernement, les populistes des deux bords sauraient qu’ils ont gagné et qu’il ne faudra plus longtemps avant que ne s’installe en France, comme dans tant d’autres démocraties, un régime illibéral.

Ce ne sera pas facile pour nous non plus. Deux acquis de l’action des gouvernements depuis 2017 me paraissent peu contestables : les mesures fiscales qui ont permis à la France de retrouver son attractivité et d’enregistrer une baisse du chômage, et le retour à l’équilibre – précaire, impopulaire, mais indispensable – du système de retraite.

Sur la réforme des retraites, « tout est sur la table », dites-vous, monsieur le Premier ministre. Sur les impôts, la phrase parue dans Le Parisien, « pas de hausse d’impôts pour les classes moyennes », suggère qu’il pourrait y en avoir pour d’autres.

Nous comprenons que l’enjeu majeur de la stabilité de nos institutions impose des choix douloureux, et nous sommes prêts à opérer les compromis nécessaires, mais nous ne saurions en faire avec la réalité, comme vous le proposent certains des membres de cette assemblée. Or le principe de réalité, c’est l’ordre dans les comptes et l’ordre dans la rue.

Lors de l’examen du budget de Michel Barnier, l’Assemblée nationale, en un accouplement incestueux des deux populismes, a voté 60 milliards d’euros de dépenses supplémentaires et supprimé toutes les économies prévues, avant de voter une motion de censure irresponsable.

C’est dans ce paysage surréaliste, monsieur le Premier ministre, que vous allez devoir gouverner, face à des députés extrémistes ayant perdu toute mesure et grisés par leur nouveau pouvoir de faire tomber les gouvernements.

Ce sera difficile, car il reste une dernière question qui n’est pas la moins angoissante : nous sommes proches du point de non-retour au-delà duquel trop de gens dépendent de l’État et au-delà duquel, donc, on ne peut plus rien changer, car trop d’intérêts, trop de « clients », au sens romain du terme, sont concernés. Si nous n’inversons pas à temps cette trajectoire, c’est une crise, inéluctablement, qui s’en chargera.

C’est le dernier enjeu du débat : si nous devions en arriver là, et si la France devait refuser de faire les efforts qu’elle a exigés en leur temps de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce, efforts qui ont porté leurs fruits, elle ferait peser un risque énorme sur l’unité européenne. Ce ne sont pas seulement les Français qui, très rapidement, nous en tiendraient rigueur : ce sont tous les Européens, dont j’ai indiqué en préambule à quel point, dans le monde d’aujourd’hui, leur avenir est en suspens.

Monsieur le Premier ministre, j’espère et je crois, pour toutes les raisons que j’ai évoquées, que toutes les forces de l’arc républicain seront au rendez-vous pour vous aider, car il faudra qu’aucune voix ne manque. En ce qui nous concerne, nous prendrons bien sûr notre part. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’extrême droite progresse dans de nombreux pays occidentaux ; au pouvoir en Italie, puissante en Suède, aux Pays-Bas, en Autriche, en forte progression en Allemagne, elle se réjouit de la prise de fonction de Donald Trump aux États-Unis.

Les récentes saillies d’Elon Musk, puissant milliardaire qui s’aventure sur le terrain politique, son autoritarisme, sa haine de l’État et du concept même de solidarité, montrent que le libéralisme économique, lié à des concepts antidémocratiques et autoritaires, menace l’équilibre mondial.

Jusqu’à présent, les démocraties occidentales se posaient en modèle face aux blocs autoritaires ou, plus récemment, face à la montée de l’islamisme radical.

Les démocraties européennes et américaines, en souffrance, peuvent-elles relever le défi d’une espérance pour les peuples du monde ? Telle est toute la difficulté de l’heure. Notre pays, la France, en raison de son histoire, a bien entendu un rôle précurseur à jouer s’agissant de porter ces idéaux de justice et d’égalité. Or nous ne saurions parler de démocratie en bafouant ces deux derniers concepts.

Sur les terres où sont nés les droits de l’homme, où les républiques sont devenues l’affaire des citoyens, sur ces terres qui ont connu tant de batailles et tant de luttes pour la conquête des droits les plus élémentaires, sur ces terres où « démocratie » devrait rimer avec « pluralisme » et « tolérance », la menace de la victoire de l’extrême droite est bien réelle, tant la désespérance nourrit la colère, tant les difficultés de vie nourrissent le rejet de l’autre et la concurrence plutôt que la solidarité.

Monsieur le Premier ministre, comme je l’avais indiqué à Michel Barnier depuis cette tribune le 2 octobre dernier, il est inacceptable que le bloc arrivé en tête à l’Assemblée nationale soit une fois encore écarté par Emmanuel Macron. Votre gouvernement est le gouvernement des battus dans les urnes ! Ce rejet par le peuple ne tient pas à un choix de personnes : il exprime un choix de fond, une volonté de changement politique.

La vie est dure pour les femmes et les hommes de notre pays, et j’ai une pensée particulière pour les victimes des deux cyclones successifs qui se sont abattus sur Mayotte.

Partout sur les terres de notre République, le constat est le même : pouvoir d’achat en recul, explosion des factures d’énergie, augmentation du prix des produits alimentaires et, dans le même temps, crise agricole, hausse du mal-logement, école en danger, accès aux soins entravé par un hôpital et une médecine générale en crise profonde, désertification médicale qui, dans la ruralité, est un facteur considérable de la colère qui gronde – et notre jeunesse, faut-il le préciser, est confrontée à un avenir incertain et instable.

Sur le terrain de l’emploi, le constat est glaçant. Il nous faut agir en urgence pour arrêter l’hémorragie qui touche les emplois industriels, dont 300 000 sont menacés.

Monsieur le Premier ministre, que dites-vous ? Que faites-vous ? Une action de réindustrialisation forte ne relève pas de manœuvres de couloir : elle suppose, pour la France, une ambition qui soit à la hauteur de l’enjeu. Un désarroi profond puise sa source dans la précarisation croissante des salariés ; le collectif a perdu du terrain face à l’individualisation des tâches. Or l’individualisation de la société, c’est le triomphe des puissants.

Monsieur le Premier ministre, pensez-vous longtemps refuser l’appétence sociale pour l’égalité, ce désir profond qui s’exprime au quotidien dans notre pays ? Resterez-vous sourd à cette profonde aspiration démocratique et sociale ?

Les sept années de macronisme – concept dont vous fûtes l’un des fondateurs – ont été utiles aux plus riches : les profits du CAC 40 ont explosé jusqu’à 100 milliards d’euros en 2024. Le ruissellement a bien eu lieu, par torrents, mais vers le haut…

Vous devez donc agir pour une nouvelle répartition des richesses ; je sais que c’est beaucoup vous demander, car cette idée est l’exact contraire de l’idéologie de votre socle commun, mais cet objectif doit être prioritaire si l’on veut s’attaquer aux déficits publics tout en répondant aux nécessités sociales.

Jusqu’à présent, votre seule réponse réside dans la réduction de la dépense publique, c’est-à-dire – traduisons ! – dans la poursuite de la casse du service public.

Or les Français veulent la sécurité et la justice dans tous les pans de leur vie.

Stop ! Rétablissons l’impôt sur la fortune ; modifions le barème de l’impôt sur le revenu pour taxer les plus favorisés, ceux dont les revenus dépassent 100 000 euros annuels, bien loin des classes populaires et des classes moyennes ; assurons la participation des plus grandes entreprises ; contrôlons les aides publiques qui leur sont généreusement accordées ; garantissons l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Oui, abrogeons sans tergiverser la réforme des retraites et rouvrons le dialogue social nécessaire à la recherche de réponses nouvelles.

Attaquons-nous franchement à l’optimisation fiscale, cette prime aux tricheurs, et sanctionnons l’évasion fiscale, laquelle représente plus de 80 milliards d’euros par an.

Relançons la croissance en favorisant l’augmentation des salaires et la revalorisation du Smic.

Enfin, qu’est-ce que la société humaine sans le service public ? Celui-ci continue de survivre dans notre pays, écho lointain du combat de la Résistance et de la victoire de ceux qui constituèrent le front républicain contre le fascisme. Depuis l’ère de Reagan et de Thatcher, le service public est la cible du libéralisme et du marché, pour qui tout est à vendre et à acheter.

Je veux le dire avec force ici, au Sénat : les collectivités territoriales sont un des derniers remparts contre la casse des services publics ; en tant que maire de Pau, vous le savez. Devenu Premier ministre, vous devez prendre la responsabilité du renforcement de leur autonomie financière.

Vous devez donc accepter d’indexer sur l’inflation la dotation globale de fonctionnement (DGF) et de supprimer ce fonds de précaution qui consiste à ponctionner certaines collectivités à hauteur de plus de 1 milliard d’euros. Allez-vous continuer à refuser d’actualiser le taux du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) ?

Plus largement, il faut redonner aux collectivités les compétences qu’elles doivent pouvoir exercer pour aménager leur territoire et répondre aux besoins des populations, dans nos territoires ultramarins, dans nos villages comme dans nos villes.

Il faut un statut protecteur et sécurisant pour les élus locaux, et, surtout, il faut cesser le double discours entre complainte sur le territoire d’élection et votes au Parlement en faveur de l’austérité. Cette duplicité est insupportable ; jamais je ne l’accepterai et toujours, avec mon groupe, nous la dénoncerons !

Monsieur le Premier ministre, depuis votre nomination, vous avez affirmé une volonté de dialogue, voire de compromis. Dans l’intérêt de notre peuple, nous avons accepté de vous écouter, cherchant à trouver une voie susceptible de satisfaire le choix des électeurs.

Vous nous compterez toujours parmi ceux qui, en responsabilité, seront à l’œuvre pour permettre à nos concitoyens de vivre mieux et pour en finir avec la crise politique, laquelle est mortifère pour la République. Malheureusement, nous ne pouvons que constater votre immobilisme, symbolisé par la reprise, dès cet après-midi, de la discussion du projet de loi de finances déposé par le gouvernement censuré.

De même, dans quelques jours, nous reprendrons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur lequel l’article 49.3 de la Constitution fut invoqué, déclenchant la censure. Emmanuel Macron annonçait pourtant le 5 décembre dernier, lors de son allocution télévisée, qu’un nouveau budget serait présenté.

Monsieur le Premier ministre, mes propos ne contiennent nulle menace, ils sont le simple rappel d’un principe de vérité : un comportement similaire provoquera un résultat similaire.

En définitive, en acceptant cette continuité qu’une simple promesse n’effacera pas, vous devenez le porte-parole d’un gouvernement censuré.

Pour répondre à la situation délétère qui s’installe dans notre pays, je demande au Président de la République d’accepter enfin le résultat des élections législatives en permettant la mise en œuvre d’une politique de rupture avec celle qu’il a lui-même conduite depuis 2017 et qui mène aujourd’hui la France vers le chaos institutionnel, mais également économique et social. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes RDPI et UC.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, « La vie est pavée d’occasions perdues », écrit Romain Gary dans La Promesse de laube. Je souhaite, monsieur le Premier ministre, que la promesse française que vous faites soit une réussite.

Quelles que soient nos divergences, nous n’avons plus de temps pour les occasions manquées : il y va de l’intérêt de la France. Chaque dirigeant politique doit assumer une part de la responsabilité collective ainsi engagée, donc écouter les Français, qui sont nombreux à souhaiter le compromis.

À nos concitoyens, nous devons de la clarté, de la stabilité et de la visibilité. Face à leurs inquiétudes, nous leur devons des réponses sur le budget, sur la question des retraites et sur toutes les politiques publiques qui intéressent leur quotidien et engagent leur avenir. Notre devoir est aussi, ce faisant, de conforter la place de notre pays sur la scène internationale, en particulier auprès de nos partenaires européens.

La France, vue depuis longtemps comme un bel exemple de démocratie des Lumières, ne doit pas se perdre dans un tunnel d’incertitude. Le contexte géopolitique nécessite la solidité et la puissance des espaces démocratiques et non belliqueux.

Faut-il rappeler à ceux qui œuvrent à la stratégie du chaos que personne n’a véritablement gagné les dernières élections législatives ? La digue du fait majoritaire, propre à la Ve République, a cédé.

À cet égard, l’instauration de la proportionnelle à l’Assemblée nationale pourrait ne pas suffire à sortir de l’impasse politique actuelle : il se pourrait au contraire qu’elle consacre la fragmentation du paysage politique. Nous devrons en débattre ; en tout état de cause, cette réforme devra être conçue dans le cadre d’un rééquilibrage du pouvoir exécutif. J’observe que les pays européens qui pratiquent la proportionnelle ont un Premier ministre fort, ce qui oblige les partis à élaborer des coalitions autour de lui.

En attendant, depuis le mois de juin dernier, la réalité politique et institutionnelle qui est la nôtre conduit à des négociations qui se déroulent non sans mal : hier une motion de censure, aujourd’hui des lignes rouges érigées de toutes parts et des avances gouvernementales encore timides.

Mon groupe souhaite que nous parvenions à trouver le chemin étroit par où le pays sortira de l’immobilisme. Vous le savez, monsieur le Premier ministre, les membres du RDSE n’ont pas le dogmatisme pour boussole ; cela tient tant à leur philosophie qu’à leur volonté de coconstruire. Pour autant et bien sûr, c’est au cas par cas, texte par texte, que nous jugerons vos propositions, en fonction des valeurs qui nous sont chères et dans le respect de la diversité qui caractérise notre groupe.

J’en viens au point névralgique : la question des retraites. Nous avons bien entendu votre décision de missionner la Cour des comptes pour un état des lieux financier que l’on sait déjà très contraint. Cela étant, derrière la logique mathématique d’une démographie défavorable et les corrections douloureuses qui en découlent, il y a des hommes et des femmes qui attendent un geste.

Les dernières élections ont envoyé un signal : nos concitoyens souhaitent la réouverture de la réforme et veulent des concessions, lesquelles devront bien sûr être réfléchies et soutenables. Pour la majorité des membres du RDSE, rien n’est tabou : nous plaidons pour de nouvelles avancées sur la pénibilité, l’usure au travail, la durée de cotisation ou encore la gratification en cas d’engagement citoyen.

Quel financement ? Laissons les partenaires sociaux faire en sorte qu’une fumée blanche sorte du conclave annoncé ; nous en débattrons en temps utile, mais les hausses de cotisations nous apparaissent difficiles à exclure.

En parallèle, n’oublions pas une question centrale : celle des conditions de travail. Un récent rapport pointe les failles du management français et la protection des salariés est fragilisée par l’ubérisation du travail ainsi que par l’expansion de la sous-traitance jusqu’au cœur de nos services publics.

Inquiétant aussi, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) vient de signaler qu’un public croissant d’actifs consomme de la cocaïne pour tenir au travail.

Aussi le chantier des conditions de travail doit-il être revu de fond en comble, secteur par secteur, branche par branche. Le défi est colossal et trois mois n’y suffiront pas, mais le relever est la condition de l’acceptabilité de l’allongement des carrières.

Seconde urgence : la conception d’un budget pour demain. À cet égard, nos positions sont claires, nous les avons exprimées avant que la motion de censure n’interrompe les travaux budgétaires du Sénat.

Je le rappelle, mon groupe souhaite une meilleure justice fiscale et un effort contributif mieux réparti. L’augmentation du taux du prélèvement forfaitaire unique et l’imposition des superdividendes, que nous avions un temps obtenues, ont fait les frais d’une seconde délibération. Nous attendons que les totems soient brisés sur ces points.

Nous voulons également que la barre de la réduction des dépenses soit fixée moins haut, afin de ne pas gripper le peu de croissance attendu en 2025.

Sans surprise, nous demandons la préservation des capacités d’investissement des collectivités locales – nous avons d’ailleurs d’ores et déjà été entendus sur ce point –, mais non que celles-ci soient purement et simplement exonérées d’un effort, à définir selon leur situation.

Je saisis cette occasion pour saluer vos intentions de réconcilier toutes les France : la France périphérique, la France provinciale et celle qui est issue des quartiers. La clé de tout cela, c’est l’aménagement du territoire, mais aussi le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration.

Nous vous suivrons, monsieur le Premier ministre, dès lors qu’il s’agira de mieux garantir les libertés locales, les services publics et les politiques de proximité et de soutenir les communes, les intercommunalités, les départements et les régions, qui sont aujourd’hui les premiers amortisseurs de la crise sociale que traverse notre pays.

Sur d’autres sujets, que je ne pourrai pas tous évoquer, je répète notre volonté d’ouverture, laquelle perdurera tant que vos politiques s’inscriront sans détour dans le sillon de la justice sociale, de la solidarité et du progrès.

Vous nous trouverez en particulier à vos côtés sur le chemin d’une école qui tiendrait mieux son rôle, et au premier chef celui de tremplin vers l’égalité des chances, à l’abri de tout séparatisme. Mon groupe est très attaché, vous le savez, aux fondamentaux républicains et au respect du principe de laïcité, seule condition du vivre-ensemble.

Quant aux valeurs de fraternité et d’humanisme, elles doivent rester au cœur des projets de la politique relative à l’immigration. Nous plaçons là nos lignes rouges.

Vous avez évoqué, monsieur le Premier ministre, le poids des normes. Comment ne pas penser à nos agriculteurs, mais aussi à nos PME, qui font vivre nos territoires, mais qui pourraient les déserter si rien n’était fait pour désentraver leur activité ?

J’ai enfin à l’esprit nos territoires ultramarins, bien souvent en première ligne du dérèglement climatique et des déséquilibres sociaux : aujourd’hui, je pense spécialement à Mayotte et à la Nouvelle-Calédonie. Il faudra les soutenir, car ces territoires sont notre richesse et participent au rayonnement de la France dans le monde.

À cet égard, je rappelle que notre pays n’a rien à gagner à alimenter des rapports tendus avec certains de nos voisins très proches. Mon groupe appelle par exemple à l’apaisement avec l’Algérie, car, en Afrique, de nombreux États commencent à nous tourner le dos. Notre perte d’influence pourrait bientôt être totale sur ce continent. Et notre diplomatie a besoin d’un cap cohérent.

Bien entendu, sans stabilité politique, rien ne sera facile.

Monsieur le Premier ministre, je n’appartiens pas à votre formation politique, mais nous avons en commun un bout de territoire pyrénéen et, dans cet hémicycle, nous avons, ensemble, la France à défendre.

Vous avez cité hier Pierre Mendès France. Son gouvernement a duré sept mois, mais son héritage a toujours été salué. C’est dire que l’on peut faire beaucoup en peu de temps !

Pour conclure, je veux rappeler ce que disait François Mitterrand de Pierre Mendès France, précisément : « [Il] nous laisse une foi, une méthode, un exemple : sa foi, la République ; sa méthode, la vérité ; son exemple, l’inlassable combat pour la paix et pour le progrès. » Voilà un chemin à suivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, le 2 octobre dernier, à cette tribune, je concluais ma réponse à votre prédécesseur en lui signifiant que son gouvernement n’avait pas d’avenir.

C’est avec gravité que je vais prononcer d’emblée les exacts mêmes termes. Après une motion de censure historique, vous et le Président de la République n’avez pas modifié un seul des paramètres qui ont entraîné la chute de Michel Barnier. « La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent », disait Einstein. Le diagnostic ne me semble pas réfutable.

Pourtant, avant et après le nouvel affront démocratique qu’a représenté votre nomination, nous, écologistes, socialistes, communistes, avons accepté d’échanger avec le Président de la République, avec vous et avec vos ministres. Face à un président et une minorité présidentielle qui n’ont eu de cesse de plonger le pays dans la crise politique et constitutionnelle, il nous fallait être responsables pour deux.

Cela est d’autant plus essentiel que la voix de la France est attendue dans un monde en déliquescence, où Donald Trump revient aux affaires et oblige l’Europe à se lever ou à disparaître, où il faut renforcer le soutien européen à l’Ukraine, où il faut stopper le génocide à Gaza, obtenir la libération des otages et empêcher la disparition de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (Unrwa).

La censure du Gouvernement et l’incapacité à adopter un budget sont des actes dont nous mesurons la gravité, comme nous mesurons l’inquiétude de nombre de nos compatriotes. La situation a indéniablement changé depuis l’automne et, malgré le nouveau coup de force présidentiel, nous n’avons pas compté nos heures pour trouver d’introuvables compromis. Mais à quoi bon ?

Après une motion de censure historique, le Président de la République nous avait fait part de son souhait de ne plus donner au Rassemblement national le pouvoir de déterminer le sort du gouvernement de la France. Nous avions osé croire un instant qu’il avait entendu le seul message incontestable des élections législatives : le barrage à l’extrême droite, à ses idées nauséabondes et à son incompétence crasse. Cette illusion n’a pas survécu à la nouvelle année.

Vous reconduisez le pacte faustien de vos prédécesseurs avec les héritiers de Pétain et des tortionnaires d’Algérie. J’en veux pour preuve, monsieur le Premier ministre, votre infâme tweet d’hommage à Jean-Marie Le Pen dans lequel vous qualifiez de « combattant » un ennemi de la République et de l’humanité et de « polémiques » le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme.

M. Stéphane Ravier. Vous oubliez l’homophobie ! (M. Joshua Hochart se gausse.)

M. Guillaume Gontard. J’en veux également pour preuve le maintien place Beauvau du ministre d’extrême droite Bruno Retailleau (Huées et très vives protestations prolongées sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe GEST. – M. le ministre de lintérieur rit.), encore encensé hier à l’Assemblée par l’orateur du Rassemblement national, et la nomination d’un second ministre de l’intérieur, avec Gérald Darmanin à la Chancellerie (Le brouhaha se poursuit. – Cest nul ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

Il fallait oser nommer garde des sceaux un populiste qui, il y a quelques semaines, tordait le cou à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la justice en jugeant choquantes les réquisitions du parquet contre Marine Le Pen (Mêmes mouvements. – Le tumulte sintensifie.),…

M. Guillaume Gontard. … prises sur le fondement d’une loi de moralisation de la vie publique dont vous étiez pourtant l’un des principaux instigateurs.

Toutes ces années à combattre la dérive droitière de Nicolas Sarkozy et de François Fillon pour vous livrer pieds et poings liés à leur pire rejeton, quel reniement ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Les huées redoublent.)

Reniement encore : après des décennies de batailles pour la moralisation de la vie publique, vous accueillez dans votre gouvernement des ministres accusés de corruption, de détournement de fonds et de faux témoignages sous serment. (Honteux ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Gontard. Reniement toujours, avec un revirement complet sur le cumul des mandats, proposition rétrograde rejetée par les deux tiers des Français.

Après une motion de censure historique, vous rebattez les cartes du jeu des sept familles de la droite pour nous présenter encore et toujours les mêmes ministres.