M. Guillaume Gontard. Plus de la moitié des ministres du gouvernement Barnier sont reconduits, dont quatorze au même poste ; et je ne compte pas les revenants des précédents gouvernements désavoués par les urnes.

Monsieur le Premier ministre, il fallait oser parler de nouvelles méthodes démocratiques et vous lamenter sur la totale ignorance des doléances des « gilets jaunes » après avoir recyclé dans votre gouvernement les deux Premiers ministres les plus brutaux du XXIe siècle : vingt-neuf utilisations du 49.3 cumulées, 143 « gilets jaunes » mutilés ou gravement blessés…

M. Laurent Somon. Il fallait respecter la loi !

M. Guillaume Gontard. … par une police appliquant une irresponsable doctrine de maintien de l’ordre dont l’évolution doit beaucoup à Manuel Valls, ministre de l’intérieur puis Premier ministre.

Ces méthodes se sont appliquées avec la même brutalité tout au long de la présidence Macron, avec un point culminant lors de la contestation de la réforme des retraites d’Élisabeth Borne.

Après quelques atermoiements, vous refusez de suspendre cette réforme inique et convoquez une conférence sociale où les syndicats de travailleurs viendront négocier dans un calendrier intenable et avec un revolver sur la tempe, sachant qu’ils auront le choix entre un accord au rabais et le maintien des 64 ans. Vos propos d’aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, ajoutent tout simplement de l’enfumage à l’enfumage.

Après une motion de censure historique, vous venez, comme tous vos prédécesseurs, nous soumettre un discours de politique générale vide, sans aucune vision, enfermé dans le dogmatisme macroniste de la politique de l’offre qui a ruiné nos finances publiques.

Non, tous les partis politiques ne sont pas responsables du dérapage des finances publiques. Les deux derniers quinquennats de gauche, gauche plurielle puis socialiste, ont réduit les déficits publics (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et UC.), et même la dette, pour ce qui est du gouvernement Jospin,…

M. Stéphane Piednoir. La bonne blague !

M. Guillaume Gontard. … au prix, parfois, de désaccords profonds au sein de notre famille politique.

Seules les droites sont responsables de ce dévissage total de nos finances publiques. Sortez de votre déni, assumez votre bilan ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Après une motion de censure historique, vous intimez au Parlement de reprendre l’examen du budget là exactement où il avait été stoppé en décembre, comme si rien ne s’était passé. Vous enjambez la censure comme le Président de la République a enjambé sa défaite aux élections législatives.

En refusant d’améliorer la justice fiscale pour accroître les recettes de l’État, vous nous proposez de nouveau le rabot généralisé. Ce rabot va encore aggraver la situation déjà intenable de notre école publique, de nos universités, de nos hôpitaux, de nos collectivités locales ; fragiliser nos industries, nos travailleurs victimes de l’inflation et exposés aux plans sociaux ; sacrifier la transition écologique ; laisser sur le carreau nos compatriotes ultramarins, à commencer par les Mahoraises et les Mahorais, qui attendent bien plus de la République.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ils souffrent de l’immigration !

M. Guillaume Gontard. Las ! dans votre monde, le dérèglement climatique n’existe tout simplement pas.

Nous vous demandions 7 milliards d’euros pour les différents postes de la transition écologique, plan Vélo, fonds vert, aide au développement, et j’en passe, pour tenter de retrouver la très relative ambition du budget 2024. Vous nous proposez 200 millions d’euros !

Nous avons bien compris, après 148 mots sur l’écologie consacrés au nucléaire et au technosolutionnisme, que vous aviez encore moins d’ambition écologique que vos prédécesseurs. Pas un mot sur l’écologie et le climat aujourd’hui, sacrée prouesse !

Vous avez passé plus de temps à mépriser l’action essentielle des agents de l’Office français de la biodiversité (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Mathieu Darnaud. Parlons-en !

M. Guillaume Gontard. … qui tentent comme ils le peuvent de limiter l’impact dans notre pays de la sixième extinction de masse du vivant. (Mme Nicole Bonnefoy applaudit.)

Comme vos prédécesseurs, vous vous montrez incapable, vous plaçant dans les pas de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), de répondre aux problèmes structurels du monde agricole.

Monsieur le Premier ministre, tel Phil Connors, incarné par Bill Murray dans Un jour sans fin, nous voilà condamnés à revivre sempiternellement le même jour politique…

M. Laurent Somon. Dans le film, il finit par gagner ! (Sourires.)

M. Guillaume Gontard. … et à voir indéfiniment se succéder des gouvernements de droite désavoués par les électeurs et proposant la même politique injuste, austéritaire, climaticide et empiétant sur les plates-bandes de l’extrême droite.

M. Francis Szpiner. C’est vous qui avez donné vos voix à l’extrême droite !

M. Guillaume Gontard. Je vous l’ai déjà dit : on ne gravit pas l’Himalaya en espadrilles, c’est irresponsable et suicidaire. On s’équipe, on partage, on écoute, on accepte de revoir et de modifier l’itinéraire, sans quoi l’on sombre dans la première crevasse.

Avec les écologistes, nous continuerons d’être responsables pour deux : nous continuerons de tirer sur la corde, crampons aux pieds, piolet à la main. Nous ne pouvons nous résoudre à cette mortelle randonnée !

Monsieur le Premier ministre, vous ne nous donnez pas d’autre choix que celui de la censure, mais il est encore temps : il est encore temps de changer de chaussures, de vous éloigner du précipice, d’être responsable ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER. – M. Fabien Gay lève le pouce.)

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a quelques mois, mon collègue Christopher Szczurek qualifiait le gouvernement Barnier de « dernier sursis du système » ; nous ne nous étions pas trompés. De la même manière que pour M. Barnier, nous préférerions pour la France que vous réussissiez, mais, honnêtement, rien, absolument rien, ne nous permet d’y croire.

Tout porte à croire que votre gouvernement n’a pour but que la préservation de ce qui reste du système, tant le conformisme semble être sa valeur cardinale. Tout au plus donnera-t-il l’occasion au parti socialiste et aux Verts de sortir de l’emprise mélenchoniste dans laquelle ils sont allés se compromettre par pur intérêt électoral.

Vous proposez une conférence sur le financement des retraites et une mission de la Cour des comptes. Pourtant, le constat est connu : les Français ne veulent pas de cette réforme. Ils l’ont montré lors des dernières élections législatives. Aucune solution n’est possible ou souhaitable, hormis l’abrogation de la mesure d’âge.

Si vous cherchez des financements, vous les trouverez en mettant fin à la gabegie des opérateurs de l’État et de l’aide publique au développement. Ce faisant, vous éviterez pour une fois d’abîmer encore davantage la vie des Français les plus modestes. (M. Mickaël Vallet proteste.)

La valse des gouvernements entraîne celle des Premiers ministres. Après votre nomination, monsieur Bayrou, une seule question nous vient à l’esprit : comment réglerez-vous les errements du présent alors que vous avez été le serviteur des turpitudes du passé ? Celui qui pose problème, c’est Emmanuel Macron ; or vous êtes l’un de ses principaux soutiens. Si nous reconnaissons que vous avez souvent été l’un des dirigeants les moins sectaires de la classe politique française, nous ne croyons pas à la moindre rupture de votre part.

Quelques mois après le vote des Français, la situation politique demeure donc inchangée, sans que les castings ou les promesses trop de fois entendues aient modifié d’un iota le blocage dans lequel notre pays se trouve.

Le pacte électoral contre la France populaire et travailleuse, conclu par Gabriel Attal et Jean-Luc Mélenchon, continue de produire ses effets délétères : comme un poison lent, il dévore toute stabilité parlementaire et attise les derniers feux d’un corps agonisant.

Chers collègues de droite, vous êtes encore dans l’illusion que vous êtes revenus au pouvoir. Certes, les rodomontades du ministre Retailleau peuvent sonner doux à nos oreilles et les sondages flatteurs annoncer des champs électoraux plus fructueux. Mais du Kärcher de Sarkozy aux opérations « place nette XXL » de M. Darmanin, nous ne sommes que trop habitués à ces paroles d’action et de rigueur, qui sonnent comme notre programme, mais dont la traduction concrète demeure toujours invisible ou reportée. Le ministre de l’intérieur dispose d’un pouvoir réglementaire puissant : il serait bon de vous en souvenir à l’heure où le chaos migratoire permet à des puissances étrangères de déstabiliser notre pays – je pense notamment à l’Algérie –, avec la complaisance de la gauche française.

Dès aujourd’hui, le Sénat devra se saisir de la suite du débat budgétaire reporté par la censure. Vous avez fait le choix de privilégier une logique pratique plutôt que politique, préférant soumettre de nouveau au Parlement un budget tout cuit, qui n’est pas le vôtre, et qui aurait sans aucun doute été rejeté à la suite du PLFSS sans que, fatalement, nous débattions de la moindre vision politique.

Si vous cherchez des économies, vous en trouverez dans nos amendements, en espérant que la situation critique de nos comptes publics permettra enfin de briser les préjugés et le sectarisme partisan.

Comme il est d’usage, en ce début d’année, je formule des vœux tout d’abord pour la France et ensuite pour vous, monsieur le Premier ministre. En effet, même si les signaux envoyés ne sont pas encourageants, nous préférerions que vous réussissiez et nous ne vous condamnons pas d’office à l’échec. Nous privilégierons toujours le bénéfice du doute à l’opposition systématique, absurde et contre-productive.

En revanche, si votre gouvernement persiste dans le mépris et la morgue du précédent, il risque de subir le même destin. Surtout, il attisera une colère populaire dont chacun d’entre nous mesure déjà l’ampleur. S’il faut, pour faire advenir la rupture que le pays attend, censurer votre gouvernement, parole tenue, nous le ferons !

Monsieur le Premier ministre, vous avez les cartes en main : pour le peuple français, soyez plutôt Sully que Ravaillac ! (M. Stéphane Ravier applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je profite de la référence que M. Gontard vient de faire au discours que j’ai tenu hier, à l’Assemblée nationale, pour corriger une injustice que j’ai commise en citant le gouvernement de Lionel Jospin dans la liste de ceux qui ont contribué à aggraver le déficit et la dette du pays. En effet, Lionel Jospin, lorsqu’il était à la tête du Gouvernement entre 1997 et 2002, a légèrement réduit l’endettement du pays. Il faut lui en donner acte. (Marques dapprobations et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.) Comme je m’efforce d’être honnête et juste dans mes jugements, je voulais le faire devant vous.

M. Darnaud a défendu à juste titre notre Constitution et nos institutions et a rappelé que l’audace n’était jamais une impasse. Il a pris la mesure des tensions géopolitiques auxquelles notre pays était soumis, tout comme je me suis efforcé de le faire. Conformément à la position que défendent les membres du parti Les Républicains, notamment M. Laurent Wauquiez, il a lancé l’idée d’un audit des agences et opérateurs de l’État, afin de saisir la pertinence de leur travail et d’avoir la capacité de les contrôler.

Je suis prêt, monsieur Darnaud, à discuter avec vous et avec vos collègues de la forme que pourra prendre cet audit, qui ne sera pas facile à mener pour la simple raison que l’on ne connaît pas exactement le nombre des agences. Telle est la vérité ! Il est même difficile d’apprécier la part de budget qui leur est attribuée : en 2018, on la chiffrait officiellement à 20 milliards d’euros ; en 2019, à 30 milliards d’euros ; et l’année dernière, à 83 milliards d’euros. L’augmentation est donc rapide et exponentielle.

Au sujet de ces agences, nombreux sont ceux qui défendent l’utilité de leur engagement et le rôle qu’elles remplissent au nom de l’État. Nombreux sont ceux également qui considèrent qu’elles sont plus efficaces que l’État lui-même. C’est d’ailleurs ce qui a justifié leur création, puisque les gouvernements successifs ont décidé de se servir de cet outil pour éviter d’avoir à assumer directement la charge d’un certain nombre d’actions publiques.

Vous avez également défendu le rôle du Parlement dans la réforme de notre système de retraite et je souscris à vos propos.

La surtransposition des normes agricoles est un problème qui est souvent dénoncé. Toutefois, je considère comme plus grave encore le déséquilibre qui consiste à imposer aux agriculteurs français des normes et des règles qui ne s’appliquent pas dans les autres pays, même au sein de l’Union européenne. C’est là, bien évidemment, ce qui a justifié la contestation et le rejet de l’accord avec le Mercosur, par exemple. Si donc nous commencions par rendre équitables les règles et les normes à l’intérieur de l’Union européenne, nous aurions déjà fait un grand pas.

Je vous confirme que M. Retailleau a tout mon soutien, ce dont vous vous êtes réjoui à la tribune. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Vincent Louault applaudit également.) J’ai même souhaité qu’il soit ministre d’État, ministre de l’intérieur. Malgré l’étonnement qu’ont exprimé certains d’entre vous, je soutiens également l’action du ministre d’État, ministre de la justice. En effet, au cours des années, voire des décennies précédentes, le manque de coordination et de communauté d’inspiration entre sécurité et justice a souvent été dénoncé. Or la construction gouvernementale que nous avons établie y remédie, avec la garantie de l’État de droit, qui reste pour moi essentielle. À cet égard, j’ai apprécié que l’un des orateurs précédents rappelle les combats qui ont été les miens sur ce sujet.

Plus précisément, la lutte contre le narcotrafic est un enjeu important. Il nous faudra aussi développer une politique et une action efficaces pour mettre fin à la délinquance des plus jeunes.

M. Kanner a rappelé que les membres du groupe socialiste n’ont jamais envisagé de faire partie du Gouvernement ou de rejoindre la majorité, mais qu’ils étaient prêts à saisir une éventuelle main tendue afin que les forces qui soutiennent le Gouvernement ou qui y participent – comment parler de « majorité » ? – et celles de l’opposition qui choisiraient le dialogue puissent avancer ensemble.

Vous vous rappelez sans doute que, dans l’une de mes interventions, après ma nomination, j’avais défini trois cercles : le premier était formé de ceux qui participent au Gouvernement, le deuxième de ceux qui sont radicalement opposés au Gouvernement et le troisième de ceux qui, étant dans une attitude d’opposition intellectuelle, choisissent cependant de dialoguer.

Par conséquent, monsieur Kanner, je ne peux que vous donner acte de la position que vous avez défendue.

En outre, vous avez rappelé les efforts que vous avez consentis – et je vous en donne acte aussi – pour que nous travaillions ensemble, de bonne foi, sans qu’il y ait la moindre compromission dans les positions que nous avons adoptées, en faisant des propositions qui nous ont permis, au cours de ces dernières heures, de progresser dans l’appréhension de ce que l’avenir pourrait être.

Je peux prendre deux engagements pour vous satisfaire.

Premièrement, un peu plus tôt à l’Assemblée nationale, alors que j’annonçais que la conférence sociale travaillerait durant trois mois, on m’a rétorqué que ce serait trop court. Si donc la conférence sociale demandait un délai supplémentaire de quelques semaines, je me suis engagé à le donner. Toutefois, il ne faudrait pas perdre trop de temps si nous voulons aboutir à un accord avant le mois d’octobre prochain, date qui correspond, comme vous le savez, au franchissement d’un nouveau seuil.

Par conséquent, trois hypothèses se dessinent. La première est celle où nous trouvons un accord qui aboutira à un texte que nous pourrons soumettre au Parlement, ce qui serait la meilleure issue possible. La deuxième est celle où nous ne trouvons pas d’accord et nous en venons à une situation de confrontation – toutefois, je ne crois pas à cette dernière hypothèse : pour avoir échangé avec les représentants des forces sociales qui participeront à cette conférence, je reste persuadé que chacun d’entre eux aura en tête de trouver une voie de progrès. S’il n’y avait aucun accord, il n’y aurait pas lieu de produire un nouveau texte. Troisième hypothèse, nous trouvons une zone d’accord ou une zone de progrès, identifiée par les participants et à laquelle le Gouvernement aura donné du crédit : nous préparerons alors un texte que nous soumettrons à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Autrement dit, avec cette dernière hypothèse, on sort du tout ou rien. C’est là le deuxième engagement que je prends : nous pourrons prendre acte des progrès que nous ferons, même si nous n’aboutissons pas au grand œuvre ou à la cathédrale sociale et législative à laquelle nous aspirons. Il s’agira simplement de marquer des points ou, du moins, de constater que nous l’avons fait, ce qui devrait satisfaire un certain nombre de vos demandes.

Quant aux autres propositions budgétaires sur lesquelles nous avons travaillé, je veux faire un geste de bonne volonté. Ainsi, je suis prêt à renoncer à la suppression de 4 000 postes dans l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC. – M. Stéphane Sautarel applaudit également.) Permettez-moi cependant de relativiser quelque peu mon propos à partir de la réalité : Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche sait très bien, tout comme chacun d’entre vous, que nous n’arrivons pas à pourvoir les postes que nous mettons au concours. Il faudra réaliser un travail important sur l’attractivité…

Mme Laurence Rossignol. Il faut mieux payer les enseignants !

M. François Bayrou, Premier ministre. Pas seulement, madame la sénatrice. Mais il est vrai que si les gouvernements précédents, notamment de votre bord politique, avaient amélioré les salaires des enseignants, nous n’en serions pas là.

Vous avez rappelé à juste titre que le niveau de recrutement des nouveaux enseignants, lorsque j’étais ministre de l’éducation nationale, était supérieur à deux fois et demie le Smic. (Mme Cécile Cukierman proteste.) Aujourd’hui, hélas ! les marges sont beaucoup plus étroites. Pour avoir des enfants qui exercent le métier d’enseignant, je connais la faiblesse des salaires dans l’éducation nationale.

Pouvons-nous redresser la situation ? Je crois en tout cas que nous pouvons y travailler. Les enjeux budgétaires étant considérables, ces problèmes ne pourront être résolus si nous n’améliorons pas l’équilibre général du budget.

Monsieur le président Kanner, voilà des réponses précises qui permettront d’apprécier la bonne foi qu’il y a eu dans nos échanges.

M. François Bayrou, Premier ministre. Vous avez souligné que vous aviez fait un pas vers nous ; je suis prêt à en faire autant pour que nous puissions avancer utilement sur ces sujets.

L’augmentation du taux de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) de 3,3 %, au lieu de 2,8 %, permettra de satisfaire certaines de vos demandes.

Mme Laurence Rossignol. Et les jours de carence ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Dun geste de la main, Mme Laurence Rossignol intime aux sénateurs de la droite de lhémicycle de se taire.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Le geste est d’une élégance moyenne, madame la sénatrice…

La question des jours de carence est entre les mains du Parlement. (M. Victorin Lurel proteste.) Le Sénat en débattra prochainement dans le cadre de la discussion d’un amendement au projet de loi de finances que vous avez déposé. Je trouve intéressant que le débat ait lieu au cours de l’examen d’un texte budgétaire. La solution n’est peut-être pas forcément dans le nombre de jours de carence (Mme Colombe Brossel proteste.) et le Gouvernement pourra développer d’autres propositions devant vous.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est dingue, on ne négocie pas ainsi !

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur Kanner, comme d’autres orateurs issus de la gauche de l’hémicycle, vous avez fustigé la politique de l’offre. Puis-je vous rappeler que cette politique a commencé d’être promue en France à partir de 2014 ?

M. François Bayrou, Premier ministre. C’est donc un gouvernement que vous souteniez qui a fait avancer notre pays dans cette voie, de manière décisive et déterminante, au risque même de perdre une partie de ses soutiens. Je ne veux pas manquer de lui rendre hommage sur ce point.

Enfin, vous voulez être « constructif et exigeant », deux adjectifs qui me paraissent absolument justifiés.

Monsieur le président Marseille, vous avez insisté sur la place qui a été faite aux sénateurs au sein du Gouvernement. Je veux rappeler qu’ils sont sept ou huit à y être entrés. (Exclamations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) L’hésitation vient du fait que Valérie Létard était sénatrice juste avant de devenir députée. Je la salue donc doublement, en lui adressant mes compliments et en lui déclarant toute ma satisfaction. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Bernard Buis applaudit également.) Les sénateurs n’étaient pas aussi nombreux dans les gouvernements précédents ; il n’y en avait parfois qu’un seul, si ma mémoire est fidèle.

Vous avez insisté sur la stabilité institutionnelle. C’est en effet l’une des clés non seulement de l’image de la France et de notre capacité d’action, mais aussi du jugement que les Français portent sur le monde parlementaire et politique que nous créons. Or l’on constate un immense rejet de l’instabilité dans tous les électorats, hormis peut-être celui de La France insoumise, ou plutôt une immense demande d’un retour à la stabilité, ce qui suppose que nous rétablissions des règles et une discipline pour doter notre pays d’un budget et nous attaquer aux priorités qui sont les vôtres, et que j’approuve, à savoir le logement, la loi d’orientation agricole et le partage de la valeur ajoutée.

M. le président Patriat… (Murmures amusés alors que M. le Premier ministre remet de lordre dans ses notes.) a déclaré à juste titre qu’il était important d’offrir toutes ses chances à l’amélioration du projet de réforme des retraites. Il a également raison d’évoquer les altérations que le blocage résultant de la censure a entraînées dans la vie quotidienne des Français. L’expérience qui est la sienne et le regard aiguisé qu’il porte sur la vie politique sont, pour le Gouvernement, suffisamment précieux pour que je le souligne devant la Haute Assemblée.

M. François Patriat. Il est bon ce Premier ministre !

M. François Bayrou, Premier ministre. M. Malhuret a dressé un tableau grave et responsable de la situation. Nous connaissons tous l’esprit et l’humour qui le caractérisent ainsi que son sens de la formule.

Il fait porter à une partie des courants politiques du pays, qu’il désigne comme « la gauche modérée », une certaine responsabilité dans la censure, et tous ceux qui s’intéressent à la démocratie française partageront certainement ce constat.

Il a rappelé que, depuis 2017, l’attractivité du pays, la modération de la fiscalité et l’ordre étaient des acquis, et constaté que trop de gens dépendaient en France de l’État. Il a ainsi posé les enjeux qui justifient une reconfiguration de notre politique budgétaire et de notre action publique.

Je souscris à son analyse lorsqu’il juge que trop de dépenses publiques ne correspondent pas à l’action la plus efficace que nous pourrions mener. C’est un énorme travail que de rebâtir la structure budgétaire de notre pays, mais je reste persuadé qu’il faudra le faire.

Il a terminé son propos, comme il se doit, en évoquant l’unité européenne, rempart nécessaire contre la fragilité de l’Europe.

Madame Cukierman… (M. le Premier ministre cherche du regard Mme Cukierman.)

M. Bruno Sido. À gauche toute, M. le Premier ministre ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Pour paraphraser Pascal, je ne vous chercherais pas si je ne vous avais pas trouvée. (Sourires.)

Vous avez rappelé, même si cela est profondément perturbant, que la démocratie libérale comporte des ferments d’illibéralisme. M. Elon Musk est bien évidemment l’un des acteurs, ou plutôt devrais-je dire agitateurs, de cette tendance. Il considère que les moyens considérables à sa disposition lui donnent le droit de s’immiscer dans la vie démocratique non seulement – et massivement – de son pays, mais aussi d’autres pays.

Vous avez insisté sur le fait que le pluralisme et la tolérance – je ne peux que me retrouver dans ces mots – étaient la marque de notre démocratie.

Vous avez rappelé que la réindustrialisation avait été remise en cause par un certain nombre de choix.

Vous avez condamné l’optimisation fiscale. Il se trouve que le Gouvernement y travaille afin que, cette année ou l’année prochaine, nous puissions disposer de mécanismes à même d’empêcher que l’injustice s’installe là où il devrait y avoir la certitude de la justice.

Enfin, vous avez dénoncé la faiblesse ou, du moins, l’importance insuffisante du service public en France. C’est le seul point sur lequel je suis en désaccord avec vous : nous sommes, de très loin dans le monde, le pays dans lequel les services publics sont les plus importants, les plus présents, les plus répandus dans tous les secteurs de la vie et, accessoirement, les plus chers. La question n’est donc pas tant celle de l’importance des services publics que celle de leur efficacité, de leur organisation et de leur implantation. Il y a selon moi une mauvaise répartition entre la fonction publique « de papier », pour reprendre une expression que j’ai déjà eu l’occasion d’employer, c’est-à-dire la fonction publique de bureaucratie, et la fonction publique de service, celle qui est sur le terrain – je pense notamment aux lits d’hôpitaux et aux salles de classe. C’est en mettant fin au déséquilibre de cette organisation que l’on pourra améliorer ce que vous dénoncez.

Madame Carrère, j’ai beaucoup apprécié votre intervention, d’autant que nous sommes l’un et l’autre fiers et heureux de venir du même coin du monde, les Pyrénées, cette région dont les représentants ont constamment apporté dans la vie nationale un sens de l’écoute, de la tolérance et parfois de l’humour que je trouve utile.

Vous avez dit que les Français étaient nombreux à souhaiter le compromis, et je suis d’accord avec vous : c’est là, me semble-t-il, une marque de l’époque.

Vous avez annoncé que vous détermineriez votre position au cas par cas et texte par texte. C’est là une évidence, qui vaut pour tous les groupes. M. Darnaud a tenu le même propos et le groupe centriste fera de même.

Selon vous, la conférence sociale devrait permettre de traiter le sujet de la pénibilité, celui de l’usure au travail et celui des rémunérations, notamment les avantages complémentaires en cas d’engagement civique. Vos suggestions sont bonnes et il nous reste à définir ensemble le moyen de les traduire concrètement.

Enfin, vous avez défendu la capacité d’action des collectivités locales. Je vous en donne acte.

Monsieur Gontard, vous m’avez offert l’occasion de corriger le propos erroné que j’avais eu sur l’héritage du gouvernement de M. Jospin.

Laissez-moi vous rappeler les propositions du Gouvernement qui satisferont vos demandes. Le plan Eau bénéficiera de 475 millions d’euros supplémentaires. La stabilité des taxes affectées aux agences de l’eau est un acquis. Le fonds Barnier, qui a pour objet de financer la prévention des risques naturels, notamment ceux qui sont liés aux sécheresses et aux bouleversements qu’elles provoquent sur les terrains argileux, sera doté de 75 millions d’euros supplémentaires, soit une augmentation de 33 % sur un an. Le fonds Chaleur verra ses crédits maintenus au même niveau, en hausse de 33 % par rapport à 2023. Le budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) sera augmenté pour couvrir le paiement des subventions.

Le fonds vert est abondé de 150 millions d’euros supplémentaires, ce qui porte à 1,2 milliard d’euros le montant des crédits de paiement pour 2025. Vous avez haussé les épaules lorsque j’ai évoqué le plan Vélo (Marques dironie sur les travées du groupe GEST.), mais les 50 millions d’euros supplémentaires dont il est doté ne me semblent pas négligeables. Nous avons également maintenu la taxe de solidarité sur les billets d’avion, laquelle, comme vous le savez, est sujette à débat.

De plus, nous avons renforcé la capacité d’investissement des régions en prenant une décision qui paraît technique, mais que tous les élus locaux comprennent. Jusqu’à présent, le coût des péages ferroviaires était inscrit en dépenses de fonctionnement des régions, ce qui était extrêmement pénalisant puisque le budget de fonctionnement est fortement dépendant des excédents de fonctionnement. Nous avons décidé d’inscrire ces coûts en section d’investissement afin de donner un peu d’oxygène aux régions en leur permettant de dégager des excédents plus généreux pour équilibrer leur budget de fonctionnement. Cette décision change beaucoup de choses pour le budget des conseils régionaux.

Pour ce qui est du programme de développement, je m’engage à ce que nous reprenions la dynamique positive en 2026. Monsieur Gontard, il n’est pas juste de dire que ces mesures ne représentent rien. Ce sont des efforts importants dans le sens d’une politique suivie en faveur du développement durable et de la lutte contre le changement climatique.

Par ailleurs, je maintiens que la production d’électricité non émettrice de gaz à effet de serre, non carbodépendante, c’est-à-dire l’électricité d’origine nucléaire et les calories et frigories géothermiques, est essentielle.

Monsieur Hochart… (M. le Premier ministre cherche du regard M. Joshua Hochart.)