Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq ans après le début de la pandémie de covid-19, la mission « Plan de relance » est encore à l’ordre du jour de nos débats budgétaires.

Cette mission exceptionnelle a été créée dans un contexte inédit, pour permettre à l’État de déployer des moyens considérables – 100 milliards d’euros –, afin de protéger l’ensemble des acteurs économiques de notre pays des conséquences de la crise sanitaire.

Les résultats sont au rendez-vous, puisque l’activité et l’emploi ont retrouvé les niveaux qui étaient les leurs avant la crise, dès la fin de l’année 2021 pour la première, et dès la mi-2021, pour le second.

Mais toute mission « exceptionnelle » a vocation à être temporaire. Restructurée autour des programmes 362 et 363, concernant respectivement l’écologie et la compétitivité, la mission « Plan de relance » s’apprête donc à entrer dans une phase d’extinction progressive.

Ainsi, le programme 364 relatif à la cohésion des territoires sera clôturé à compter de l’exercice 2025.

De même, l’évolution des crédits de la mission est révélatrice : les crédits de paiement pour 2025 s’élèvent, dans ce budget, à 169 millions d’euros, alors qu’ils étaient de plus de 1,4 milliard d’euros en 2024, ce qui représente une baisse d’environ 88 %.

Enfin, dernier élément qui confirme l’entrée dans une phase d’extinction progressive, aucun engagement budgétaire nouveau n’a vocation à intervenir en 2025, y compris au titre des redéploiements.

Toutefois, pour l’heure, certains crédits restent nécessaires pour couvrir les décaissements associés aux engagements déjà pris ou qui doivent encore l’être.

En ce qui concerne le programme 362, 100 millions d’euros seront mobilisés ; une partie sera fléchée vers la rénovation énergétique et le renforcement des infrastructures antisismiques aux Antilles. La prévention des risques naturels majeurs reste un enjeu vital. Or, comme nous le rappelle malheureusement très souvent l’actualité, nous devons mettre à disposition davantage de moyens financiers pour protéger les populations locales. Le groupe RDPI, dont sont membres plusieurs élus antillais, salue par conséquent ce choix.

Dans le programme 363 « Compétitivité », 69 millions d’euros de crédits de paiement seront ouverts, principalement pour financer des commandes aéronautiques du ministère de l’intérieur, mais également pour soutenir la réalisation de projets industriels dans les territoires : il s’agit notamment d’abonder les fonds régionaux d’investissement, afin de renforcer le capital des PME et de favoriser la relocalisation. Cette réindustrialisation est nécessaire, tant pour notre compétitivité que pour notre souveraineté.

Mes chers collègues, je tenais à évoquer ces quelques exemples qui illustrent la raison pour laquelle la mission « Plan de relance » est encore présente dans ce projet de loi de finances, en dépit de son entrée dans une phase d’extinction progressive.

Dans le contexte budgétaire actuel, où la fin du « quoi qu’il en coûte » s’accompagne d’une quête exigeante d’économies, d’autres missions budgétaires font également l’objet d’une réduction de crédits.

C’est notamment le cas de la mission « Investir pour la France de 2030 », dont le budget, qui s’élève à 5,8 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2025, diminue de près de 25 % par rapport à l’exercice précédent.

Mais ces économies ne doivent pas remettre en question le bien-fondé de cette mission tournée vers l’avenir, véritable support au plan d’investissement pluriannuel France 2030.

Depuis son lancement, ce plan a permis de financer près de 4 300 projets grâce à des engagements budgétaires à hauteur de 32,7 milliards d’euros.

Voilà un plan à la hauteur de nos ambitions, pour que la France soit non seulement protagoniste, mais aussi avant-gardiste : il comporte des financements consacrés à l’accompagnement des entreprises dans l’innovation, à l’évolution des modèles d’affaires, à la structuration des filières ou encore au renforcement de la qualification des salariés.

Compte tenu des choix qui ont été faits et de la difficulté du moment, où trouver l’équilibre entre le besoin d’investir pour l’avenir de la France et la nécessité de faire en sorte que l’État soit plus exemplaire dans ses dépenses, la gestion et le contrôle des crédits de ces deux missions n’est pas chose aisée.

Le groupe RDPI votera en faveur de leur adoption.

Mme la présidente. La parole est à M. Raphaël Daubet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Raphaël Daubet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dispositifs France Relance et France 2030 arrivent à leur crépuscule.

Pour autant, l’examen des crédits qui leur sont consacrés nous conduit à nous interroger sur des sujets cruciaux : celui de l’investissement public et, en corollaire, des moyens que l’on accepte d’y consacrer ; celui de la prospective et de nos ambitions ; et, finalement, celui de l’espoir que l’on place dans la notion de progrès.

Il faut naturellement porter un regard critique sur ces dispositifs : nous l’avons fait. Je remercie d’ailleurs nos rapporteurs spéciaux. Nous avons identifié leurs faiblesses et leurs limites – j’allais dire leur maladie congénitale –, dans un système où l’on ne peut pas s’empêcher de suradministrer et de tout confier à des opérateurs.

Croyant bien faire, on a ainsi créé deux missions spécifiques, un cadre budgétaire peu conventionnel du point de vue des parlementaires, et un système assez opaque pour les bénéficiaires.

Pourtant, grâce au plan France Relance, des milliers de projets d’investissement ont été soutenus sur l’ensemble de nos territoires, au profit des collectivités locales. Nous parlons ici de rénovations d’établissements scolaires, de constructions de centres médicaux ou encore de mise en accessibilité de bâtiments publics.

Je pourrais ainsi citer, dans mon département du Lot, la réalisation de la maison de santé de Lacapelle-Marival, la restauration du château de Montal, la modernisation de l’abattoir public de Saint-Céré, la création d’un logement à Saint-Denis-lès-Martel, la rénovation de la salle polyvalente de Lacapelle-Cabanac, et j’en passe.

France 2030 portait une belle ambition, tournée vers la modernisation des entreprises, l’investissement stratégique et la décarbonation de notre économie. Et vous savez, mes chers collègues, combien l’idée de progrès est chère aux radicaux.

Sur mon territoire, des pépites industrielles ont fait un grand pas en avant grâce à cette impulsion. Je pense à l’entreprise Fives Machining à Saint-Laurent-les-Tours, qui développe des machines-outils de haute technologie, à Ratier Figeac, qui a pu internaliser la fabrication de pièces complexes auparavant produites à l’étranger, à Pivaudran à Souillac, qui a construit une nouvelle chaîne automatique d’anodisation, ou encore à Soben à Cahors, qui développe des robots mobiles autonomes.

Je ne pourrai évidemment pas mentionner tous les projets qui ont été soutenus, mais je maintiens ma position, monsieur le ministre : c’est par l’investissement public que l’on peut répondre à trois défis : soutenir le développement des territoires, aider nos entreprises à gagner en compétitivité et encourager la croissance.

Il est nécessaire de réduire le déficit, mais ce serait une erreur de faire porter l’effort budgétaire sur nos dépenses d’investissement. Il faut au contraire aller chercher les économies là où elles se trouvent, dans la suradministration et les dépenses courantes.

Monsieur le ministre, la République doit miser sur ses territoires, soutenir leur développement économique et la réalisation des leurs projets publics, tout en raccourcissant les courroies de transmission.

Le groupe du RDSE ne s’opposera pas à l’adoption de ces crédits, mais appelle au retour d’un État stratège qui soutienne une transformation tangible des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin deux missions qui, sur le fond, sont de bonnes missions, puisqu’il s’agit de missions d’investissement. On aimerait qu’il y en ait plus !

En effet, le problème, en France, c’est le niveau des dépenses de fonctionnement, que l’on n’arrive pas à financer. Et, de ce fait, on a du mal à financer les dépenses d’investissement.

Autant le dire tout de suite, le groupe Union Centriste partage le point de vue du rapporteur spécial Jean-François Husson : il n’est pas nécessaire d’ouvrir des crédits supplémentaires au titre de la mission « Plan de relance ».

Notre collègue Bernard Buis vient d’indiquer, au nom du groupe RDPI, qu’il était favorable à ces ouvertures de crédits, qui s’élèvent à 160 millions d’euros. Mais, mon cher collègue, la mission comporte aussi 6 milliards de crédits reportés d’une année sur l’autre. Voilà qui est largement suffisant pour financer toutes les dépenses à venir en 2025 ! Nous n’avons donc pas besoin de ces crédits supplémentaires.

La mission « Plan de relance » présente un certain nombre de défauts, monsieur le ministre, qui ont été parfaitement décrits par le rapporteur spécial, parmi lesquels l’opacité et la complexité. Finalement, Jean-François Husson n’a cité que peu d’opérations réussies ; en revanche, il a évoqué des actions, comme la création d’un portail de facturation interentreprises ou l’achat de dix hélicoptères par la gendarmerie nationale, dont on peut se demander ce qu’elles font dans un plan de relance…

L’objectif de ce plan était de faire repartir l’économie, de booster la croissance. La question est de savoir si nous y sommes parvenus.

Je commencerai par rappeler que nous ne disposons, comme la Cour des comptes l’a justement souligné, d’aucune vision globale consolidée de l’impact de ce plan de relance et du plan France 2030. Nous aimerions pourtant bien avoir un bilan de ces opérations ! Nous disposons rarement d’études d’impact des textes que nous examinons, mais nous avons aussi très peu de rapports d’évaluation de ce que nous votons.

En France, en général, on a tendance à être très contents de nous et à penser que l’on fait mieux que les autres. Mais, si l’on regarde les chiffres de la croissance entre 2020 et 2024, on constate qu’elle s’établit à 2,9 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, et qu’elle n’est que de 2,3 % en France. En somme, nous avons dépensé des centaines de milliards d’euros, mis nos comptes largement dans le rouge, pour finalement faire moins bien que la moyenne des pays de l’OCDE !

La situation de l’Espagne est particulièrement intéressante. Dans ce pays, la croissance, sur cette même période 2020-2024, s’est élevée à 5,7 % en moyenne, soit plus de deux fois plus qu’en France. Dans le même temps, l’Espagne a réduit sa dette de près de 20 points, la ramenant de 125 % à 106 % du PIB, sans augmenter les impôts, ou plutôt en les augmentant au début et en les baissant ensuite.

Nous devons avoir cet exemple à l’esprit, monsieur le ministre. J’ai noté que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, n’avait pas parlé de hausse d’impôts – j’en suis content et j’espère que cela sera suivi d’effets.

De même, le déficit budgétaire espagnol s’établit à 2,5 % du PIB, quand, en France, on parle d’essayer d’atteindre 5,4 % !

M. Vincent Delahaye. Il y a un an, le précédent gouvernement tablait, dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, sur un déficit de 3,7 % du PIB pour 2025. Dans le programme de stabilité 2024-2027, qui a été présenté il y a quelques mois, il a ensuite été question d’un déficit à 4,1 %. Et aujourd’hui, on nous parle d’un objectif de déficit à 5,4 %… Avant de donner des leçons aux autres, nous devrions regarder ce qu’ils font de bien et tâcher d’appliquer les mêmes recettes chez nous.

Autre remarque, le rapporteur spécial n’a pas évoqué le remboursement à l’Union européenne qu’il va nous falloir opérer. Je tiens pourtant à insister sur ce point.

En effet, pour réaliser ces investissements, la France a obtenu un prêt de l’Union européenne, et non une subvention : cela signifie que nous devrons rembourser, à partir de 2028, 2,5 milliards d’euros chaque année. Or je n’ai pas trouvé trace de ces crédits dans la loi de programmation des finances publiques. On nous annonce que notre cible de déficit pour 2029 est de 3 %, mais il ne faut pas oublier de prendre en compte ce remboursement dans nos prévisions.

De mon point de vue, le meilleur investissement que nous puissions faire, c’est d’assainir nos comptes publics. (Mme Vanina Paoli-Gagin approuve.) Beaucoup de pays l’ont fait dans les années 1990 et 2000, non pas en augmentant les impôts, mais en diminuant les dépenses. C’est bien ainsi que nous parviendrons à nous donner les moyens d’investir pour l’avenir et dans des secteurs stratégiques.

Permettez-moi enfin de dire deux mots sur le nucléaire. J’ai été rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050. Nous avons souligné l’importance de réinvestir très fortement dans la filière nucléaire.

J’espère, monsieur le ministre, que le gouvernement auquel vous appartenez fera montre de volontarisme en la matière et que l’on repartira de l’avant pour pouvoir se donner les moyens de faire en sorte que, sur le plan énergétique comme sur le plan budgétaire, la France aille mieux à l’avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Vincent Louault applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, je le dis d’emblée, vous avez une solide biographie ! (Sourires.) J’en profite pour indiquer à mes collègues que vous avez été, entre 1995 et 2001, conseiller municipal de Fontenay-sous-Bois, ville de 50 000 habitants de mon département, le Val-de-Marne. Je ne doute pas que vous conservez un bon souvenir de cette expérience et que vous la ferez fructifier dans l’exercice de vos nouvelles responsabilités.

Le plan France 2030 est, dit-on – en tout cas, il a été présenté comme cela –, une sorte d’emblème du second quinquennat du Président de la République.

Permettez-moi de vous dire avec sincérité et responsabilité que, sous des atours prétendument ambitieux, ce plan incarne parfaitement ce que je qualifierais de « méthode Macron », laquelle est reconnaissable à deux traits saillants.

D’abord, une opacité préoccupante : ce dispositif, hors des circuits budgétaires traditionnels, échappe à l’autorisation du Parlement et à toute possibilité de réorientation stratégique par un nouveau gouvernement. Mais, après tout, monsieur le ministre, cela vous concerne-t-il vraiment ?

Ensuite, une complaisance vis-à-vis de la logique capitaliste : en dépit de certains projets intéressants, comme la décarbonation de l’usine ArcelorMittal à Dunkerque, par exemple, on subventionne les intérêts du capital sans condition – j’y insiste– et sans critérisation.

J’ai parlé d’opacité préoccupante. Adossé au programme d’investissements d’avenir n° 4 (PIA 4), le plan France 2030 mobilise 54 milliards d’euros. Des dizaines de milliards d’euros sont ainsi distribués sans contrôle démocratique, alors que ce dernier devrait pourtant être la condition première de leur attribution.

Qui décide ? Au nom de qui ? Jusqu’à quand ? Voilà les questions fondamentales auxquelles, hélas, ce dispositif n’apporte, à nos yeux, aucune réponse satisfaisante.

Le flou est là. Les bilans transmis au Parlement sont anémiques. Il n’y a pas de transparence sur les retours financiers des investissements. Combien d’emplois ont-ils été créés en contrepartie de quelle somme d’argent public ? Je vous avoue que je n’ai pas ces informations.

En vérité, ces plans sont éloignés de l’idéal d’un outil de planification au service de la nation. Le Parlement, qui devrait être le lieu naturel de l’élaboration des priorités stratégiques, est relégué à un rôle de spectateur. Nous devrions construire la clarté, et nous héritons de l’obscurité…

Pourtant, l’ambition du plan France 2030 était louable : réindustrialiser le pays et engager la transition écologique, mieux produire, mieux vivre, mieux comprendre. Nous aurions dû applaudir une telle promesse.

Or que constatons-nous ?

Sur le plan écologique, aucune conditionnalité sérieuse n’encadre l’octroi des crédits.

Sur le plan industriel, nous manquons d’une véritable planification. Où sont les critères de production ? Pourquoi ne pas exiger le maintien des activités sur le territoire national pendant au moins une décennie ?

Sur le plan social, aucune garantie n’est apportée quant à la création d’emplois durables. En septembre dernier, comme vous le savez – c’est un fait connu dont on parle beaucoup, et heureusement –, 300 plans de sauvegarde de l’emploi étaient en cours. Pendant ce temps, nous injections des millions d’euros dans des entreprises domiciliées fiscalement – excusez-moi de vous le dire, monsieur le ministre – à l’étranger.

La Cour des comptes elle-même a mis l’accent sur le sujet. Citons un exemple précis : une start-up, dont la maison mère est domiciliée aux États-Unis et qui réalise un chiffre d’affaires dérisoire en France, a ainsi reçu 3,5 millions d’euros… On connaissait le plan Marshall, voici le plan « Marche pas » ! (Sourires.)

Un plan de cette envergure devrait être exemplaire. Nous savons ce qu’il faudrait faire pour qu’il le devienne : nous avons besoin de conditionnalités fermes pour garantir le respect des engagements écologiques et sociaux, d’une planification démocratique et d’un ancrage territorial, sans quoi France 2030 restera une promesse assez creuse et ne sera pas le grand plan d’investissement pour l’avenir que la France mérite.

Le groupe CRCE-Kanaky ne votera donc pas les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc.

M. Grégory Blanc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en définitive, en examinant ces missions, nous reprenons la discussion d’un budget qui, comme cela a été dit, repose sur des choix de court terme aux dépens de l’investissement pour l’avenir.

Depuis septembre, les gouvernements successifs ont décidé de faire les poches des opérateurs de l’État et des collectivités en 2025, mais c’est un tir à un seul coup ! En 2026, il faudra trouver de nouvelles sources de revenus ou d’économies, mais le gouvernement actuel ne le dit pas, ce qui est préjudiciable.

La transition écologique est la première victime. La France et ses autorités, si promptes à mettre en avant la réussite de la reconstruction de Notre-Dame de Paris ou des jeux Olympiques, renoncent, dans les faits, à bas bruit, à relever le premier des défis : le défi climatique.

L’ambition industrielle n’est pas non plus au rendez-vous, alors qu’il faudrait accompagner le développement de nos usines et investir dans la modernisation de notre appareil productif.

Le choix est fait, dans ce budget, de renforcer le rendement du capital par la défiscalisation plutôt que de soutenir l’investissement et la structuration des débouchés. C’est ce que l’on observe, par exemple, pour le photovoltaïque ou l’électrification du parc automobile.

Les crédits du plan France 2030 diminuent de 30 %. Moins 30 % pour préparer l’avenir, que dire de plus ?

Le prélèvement sur la trésorerie des opérateurs pose problème à la fois en termes de transparence et d’anticipation. Il n’était en effet pas prévu dans les documents budgétaires annexés aux textes précédents. Cela pousse à s’interroger sur la capacité du Gouvernement à anticiper et à communiquer clairement sur ses intentions. Comment expliquer qu’une initiative censée être aussi structurante pour l’avenir soit ainsi traitée ?

C’est d’autant plus préoccupant que, comme l’ont souligné nos rapporteurs spéciaux, ce manque de prévoyance s’accompagne d’une opacité dans la gestion des fonds et d’un défaut d’information du Parlement.

On constate aussi une opacité sur les retours sur investissement. L’information sur les retours financiers des investissements en fonds propres est insuffisante. La doctrine d’emploi des fonds qui seront ainsi récupérés doit être clarifiée.

De plus, si les enjeux de décarbonation, auxquels la mission vise à apporter une réponse, sont essentiels, il est souhaitable que l’orientation des financements ne crée pas de préjudices environnementaux collatéraux.

Ainsi, l’action « Fonds national post-maturation “Frontier Venture” » dispose d’un budget pluriannuel de 500 millions d’euros, dont 100 millions d’euros pour 2025. Elle finance les interventions du fonds d’investissement direct French Tech Seed. En guise de comparaison, la recherche hospitalo-universitaire ne dispose que d’un budget pluriannuel de 147 millions d’euros, dont seulement 8 millions d’euros de crédits de paiement pour 2025, tandis que les transports et les mobilités durables ne bénéficient que d’une enveloppe pluriannuelle de 125 millions d’euros, dont seulement 5 millions d’euros de crédits de paiement pour 2025.

Où est la cohérence, dès lors que des problématiques essentielles telles que la santé ou le développement des mobilités durables font l’objet d’un si faible investissement ?

Enfin, l’innovation promue par le plan prend souvent les formes du « techno-solutionnisme » : automobiles personnelles à hydrogène, agriculture robotisée et génétique, etc. Elle s’inscrit dans une conception figée du mode de vie passé. Ce n’est pas suffisant. Il conviendrait aussi d’orienter le tissu industriel vers un autre modèle économique et de financer la bifurcation écologique.

Les choix qui ont été opérés entretiennent l’illusion que notre mode de vie actuel pourrait perdurer grâce à de simples ajustements technologiques : ce n’est pas vrai !

Je dirai un mot, en conclusion, des inégalités territoriales. Celles-ci sont préoccupantes : 1974 projets sont situés en Île-de-France, et il n’y en a que 147 dans la région Centre-Val de Loire. L’utilisation de ces fonds soulève donc un enjeu d’aménagement du territoire. Cette question n’est, une nouvelle fois, pas abordée, et c’est regrettable.

Notre avis est donc extrêmement critique sur le déploiement budgétaire de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur spécial Jean-François Husson applaudit également.)

M. Éric Lombard, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, cher Claude Raynal, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureux que l’examen des crédits des missions « Plan de relance » et « Investir pour la France de 2030 » me donne l’occasion de prendre la parole, pour la première fois, en tant que ministre, dans cet hémicycle – la dernière fois, je m’étais exprimé en tant que directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

Je sais la sagesse de la Chambre haute et le rôle essentiel qu’elle joue dans cette période particulière pour le pays. J’ai toujours eu à cœur de privilégier un débat ouvert, franc et respectueux. Je ne doute pas que nous travaillerons ensemble de façon constructive.

Le Premier ministre a mentionné hier, ici même, dans sa déclaration de politique générale, le contexte international et économique et son souci de défendre l’esprit d’entreprise.

Vous avez rappelé, cher président Raynal, le contexte économique difficile, les déficits, à la réduction desquels nous nous attelons avec vigueur, et les difficultés de productivité auxquelles nous devons nous attaquer.

Mme la sénatrice Paoli-Gagin, élue de l’Aube, un département qui m’est cher, l’a rappelé également. Je connais son attachement au développement des entreprises, notamment technologiques.

Nous sommes confrontés à des défis nationaux et internationaux : je pense aux guerres, notamment aux guerres commerciales qui ne tarderont pas à se multiplier. Ce contexte confirme la pertinence de notre action dans le cadre du plan France 2030, qui est désormais en phase de déploiement, comme l’a rappelé à juste titre le rapporteur spécial Laurent Somon.

Ce plan vise à faire de la France un acteur majeur, un leader dans des secteurs stratégiques, en fixant dix objectifs précis, comme la production sur le sol français de 2 millions de véhicules électriques ou de vingt biomédicaments, ou encore en définissant six leviers transversaux, comme la sécurisation des ressources.

Depuis le lancement du plan voilà quatre ans – M. le rapporteur spécial Dossus a rappelé que deux grands hommes d’État, Alain Juppé et Michel Rocard, en partageaient la paternité –, 200 appels à projets ont été lancés et 4 300 projets ont été sélectionnés. Le plan finance l’ensemble du cycle de l’innovation, depuis la recherche fondamentale jusqu’à l’industrialisation. Il est ambitieux et produit déjà des résultats tangibles à l’horizon 2027.

L’enveloppe de 54 milliards d’euros allouée à ce plan devrait entraîner entre cinq et dix fois plus d’activités économiques, permettre la création de 300 000 à 600 000 emplois supplémentaires, qualifiés et non qualifiés, soit une augmentation du PIB de 1,5 % d’ici à 2030.

Monsieur Raynal, vous l’avez souligné, il faut continuer d’être extrêmement exigeant quant aux effets de ce plan.

M. le sénateur Daubet a rappelé l’utilité de l’investissement public. Hélas, le défi de la réduction des déficits dans lequel nous sommes fermement engagés, avec l’objectif – qui sera tenu – de passer sous les 3 % en 2029, nous impose de réduire aussi l’investissement public.

À ces résultats s’ajoutent des actions concrètes pour le futur – 250 000 nouvelles places de formation dans les métiers d’avenir ouvertes en 2024 –, parce qu’aucune innovation n’est possible sans compétences.

Monsieur le sénateur Lefèvre, vous dites être très attentif à la situation de nos finances publiques : « Combien ça coûte ? », demandez-vous. Hélas, encore une fois, la contrainte budgétaire nous impose de réduire les crédits de paiement du plan France 2030 pour les ramener à 5,3 milliards d’euros en 2025, contre 6,4 milliards d’euros en 2024 après la loi de finances de fin de gestion.

Cette baisse traduit la participation de ce plan à l’effort de redressement des finances publiques, mais de façon responsable, car elle s’appuie d’abord sur une optimisation de la trésorerie des opérateurs, comme l’ont à juste titre relevé MM. les rapporteurs spéciaux. Elle nécessitera un étalement du plan, mais sans remise en cause de son ambition pluriannuelle. En effet, face aux défis des semi-conducteurs, du cyber, de la décarbonation industrielle, la France ne doit pas relâcher ses efforts. France 2030 est aussi une feuille de route pour notre souveraineté et notre prospérité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle donc à voter les crédits de cette mission pour permettre à ce plan d’innovation d’ampleur de déployer tout son impact économique sur nos activités stratégiques.

D’aucuns ont parlé de transparence. À ce sujet, je rappelle que huit parlementaires et dix personnalités qualifiées pilotent l’évaluation de ce plan et remettent chaque année un rapport au Parlement.

J’en viens à la mission « Plan de relance », dont la perspective est tout à fait différente. Ce plan, doté de 100 milliards d’euros, a été la pierre angulaire de notre réponse à la crise économique et sociale provoquée par la pandémie. Il a connu un déploiement rapide et a pleinement atteint ses objectifs à court terme sur les trois programmes de transition écologique, de reconquête de la compétitivité et de garantie de l’équité sociale et territoriale.

Les résultats sont là, grâce à un déploiement rapide et massif. Je remercie M. le sénateur Bernard Buis d’avoir reconnu les effets de ce plan. M. le sénateur Delahaye, quant à lui, s’interroge sur certains investissements – à bon droit. D’ailleurs, je reconnais pleinement la nécessité pour toute politique publique d’être accompagnée d’études d’impact.

Grâce à ce plan, la France a retrouvé son activité d’avant la crise dès le troisième trimestre 2021, c’est-à-dire plus tôt que prévu. Le taux de chômage a chuté à son plus bas niveau depuis 2008, avec la création nette de 1,1 million d’emplois sur cinq ans. Pour quelqu’un ayant grandi avec l’envolée du chômage de masse, ce résultat revêt une importance particulière.

Au-delà des chiffres, ce plan a eu un impact concret sur nos territoires. Il a permis la rénovation de 500 kilomètres de petites lignes ferroviaires, l’installation de plus de 1 600 bornes de recharge, le raccordement de 2,5 millions de foyers à la fibre optique et l’engagement d’innovations majeures pour la souveraineté énergétique. Je pense à l’hydrogène, que certains d’entre vous ont évoqué.

Monsieur le sénateur Blanc, ce plan a aussi permis de soutenir et d’accélérer la transition écologique et énergétique, sur laquelle notre pays se doit d’être exemplaire.

Cependant, cette mission exceptionnelle n’a jamais eu vocation à durer, comme Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances, mais également rapporteur spécial de cette mission, l’a rappelé dans son propos introductif. Je salue son analyse comme toujours extrêmement aiguë et précise.

L’année 2024 a donc marqué un tournant dans la mise en extinction progressive de ce plan de relance. Ainsi, le programme consacré à la cohésion a été clos avec succès le 31 décembre dernier, étape qui a permis de transférer certains dispositifs vers des programmes budgétaires pérennes. Cependant, si l’ambition est une fermeture dans les meilleurs délais du plan France Relance, son maintien en 2025 doit nous permettre d’honorer les restes à payer. C’est très important pour une extinction en bon ordre.

Nous devons donc entretenir cette dynamique, finaliser les programmes en cours pour atteindre un taux d’exécution très satisfaisant – nous en sommes à 80 % – et préparer une extinction complète d’ici à 2026, même si j’ai bien entendu, monsieur Husson, vos remarques et critiques à cet égard. Nous les prendrons en compte.

Si nous n’assurions pas le financement résiduel de ces dispositifs en 2025, nous aurions à faire face à des conséquences bien plus redoutables. Nous renoncerions à nos engagements vis-à-vis des tiers, en particulier sur des dépenses conventionnées avec les collectivités territoriales – monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez rappelé que j’avais été élu local, mais j’ai surtout travaillé pendant sept ans avec toutes les collectivités locales de l’Hexagone et des outre-mer, ainsi qu’avec les entreprises. Nous aurions ainsi à financer le coût des dédits, des divers intérêts moratoires et nous mettrions en péril le plan national de relance et de résilience et ses financements européens.

Notre ambition, vous le comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, est de sécuriser le versement de ces fonds, d’assurer le succès du plan de relance sur le long terme, tout en en préservant l’ambition. France Relance n’est pas uniquement une réponse à la crise : c’est une base pour l’avenir.

Je rappelle pour conclure que ce plan a été un modèle de transparence et d’efficacité, permettant un suivi clair des sommes engagées. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à voter les crédits de cette mission, qui sont non pas seulement des dépenses, mais des investissements pour notre avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)