M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous présente aujourd’hui, non pas une, comme à l’accoutumée, mais deux missions, ainsi qu’un compte de concours financiers. Le PLF pour 2025 prévoit en effet la création d’une mission budgétaire finançant l’audiovisuel public ; j’y reviendrai.
Je commencerai mon intervention en évoquant les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Le projet de loi de finances prévoit pour 2025 une baisse de 12 millions d’euros par rapport à 2024. La quasi-totalité de cette diminution est absorbée par le soutien aux radios locales. Le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), qui aide 750 radios associatives non commerciales, voit en effet son montant amputé de 10 millions d’euros.
Cette baisse met dans l’embarras un grand nombre de petites radios, qui sont précieuses dans nos territoires. Nous avons donc été nombreux à déposer des amendements sur le sujet ; la commission des finances elle-même en a déposé un. Le Gouvernement a manifestement entendu cet appel et devrait y être favorable.
Au-delà des radios, la moitié des crédits de la mission est fléchée vers le soutien au secteur de la presse écrite. Cela suscite un commentaire principal : la réforme des aides à la presse est devenue indispensable, vous en conviendrez, cher Michel Laugier… (Sourires.)
Alors que le secteur est très fragile et que les ventes de la presse écrite au numéro sont en chute libre, la réforme des aides à la distribution attend toujours. Les États généraux de l’information, qui ont rendu leurs conclusions en septembre dernier, n’ont pas directement suggéré une rationalisation d’ensemble des aides à la presse ; celle-ci paraît pourtant plus que nécessaire.
La mission comporte également une partie des crédits de l’État en faveur du livre et de la lecture, à hauteur de 327 millions d’euros.
Ces crédits sont pour l’essentiel destinés aux grandes bibliothèques, en particulier à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Les bâtiments sont, pour certains, vieillissants, et ils font l’objet d’investissements continus. L’essentiel des dépenses de la BNF se concentre sur sa masse salariale, dont la croissance est essentiellement liée aux mesures générales concernant l’ensemble de la fonction publique, lesquelles n’ont d’ailleurs été que partiellement compensées.
J’en profite pour rappeler que ces crédits sont limités, en comparaison de la dépense des collectivités en faveur de la lecture. Les collectivités territoriales ont ainsi dépensé pour les bibliothèques près de 1,4 milliard d’euros en 2022.
J’en viens à la mission « Audiovisuel public ». Voilà quelques semaines, nous avons adopté la loi organique du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l’audiovisuel public, qui permet de pérenniser le système antérieur du compte de concours financiers financé par l’affectation d’une fraction de TVA.
En conséquence, la mission « Audiovisuel public », qui avait été créée pour anticiper l’hypothèse où la loi organique ne serait pas adoptée, n’a plus de raison d’être.
Le Gouvernement a logiquement déposé un amendement tendant à abonder les recettes du compte de concours financiers pour un montant correspondant à celui qui avait été adopté par le Sénat en première partie du PLF. La commission a alors déposé un sous-amendement, afin de préciser la répartition des crédits.
Mais voilà que nous parvient, la nuit dernière, un nouvel amendement du Gouvernement, qui, lui, ne respecte pas le montant adopté par le Sénat en première partie ! Faire et défaire, c’est toujours travailler, me direz-vous. Aussi vous présenterons-nous un nouveau sous-amendement, visant à entrer dans un cadre rationnel…
Je tiens à préciser que l’abondement du compte de concours financiers aura pour corollaire le rejet de la mission « Audiovisuel public », afin de ne pas financer deux fois cette activité, ce qui serait un comble.
En conséquence, nous serons défavorables à tous les amendements déposés sur ladite mission, non par principe, mais parce qu’ils sont amenés à devenir sans objet du fait du rejet de la mission.
En ce qui concerne le niveau du financement accordé, le montant des crédits prévus initialement pour 2025 était stable par rapport à l’année précédente, au cours de laquelle on avait connu une forte augmentation.
Dans le contexte actuel, il est pourtant légitime que l’audiovisuel public prenne sa part de l’effort général d’économies. Le Sénat a donc adopté, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, un amendement ayant pour objet de prévoir 65 millions d’euros d’économies. Je souligne d’ailleurs que, ce faisant, le montant versé en 2025 serait égal à celui qui a été versé en 2024, dans la mesure où les crédits ont été diminués l’année dernière, en cours de gestion.
Je l’ai déjà indiqué, je suis certain que la seule piste d’économies durables est celle d’une réorganisation générale de l’audiovisuel public. La pseudo-stratégie de mutualisations « par le bas » se hâte avec lenteur et ne saurait suffire. La priorité est à la réforme de l’audiovisuel public, et nous avons entendu le Premier ministre reprendre, sur votre impulsion, madame la ministre, cette initiative dans son discours de politique générale. Comme quoi, tout finit par arriver…
Mes chers collègues, la commission des finances vous propose donc d’adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ainsi que les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », tels qu’ils seront modifiés par l’amendement du Gouvernement et notre sous-amendement. Cela impliquera bien sûr de rejeter les crédits de la mission « Audiovisuel public », qui, je le répète, n’a plus lieu d’être. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la ministre, heureusement que vous êtes là ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi, rapporteur pour avis. Je vous aime, madame la ministre, oui, d’autant que vous avez déclaré précédemment que vous considériez la culture et l’audiovisuel comme relevant du domaine régalien. Je suis donc certain que vous écouterez avec une grande attention ce que je vais dire.
L’audiovisuel public extérieur est le parent pauvre de l’audiovisuel public en France. Malheureusement, l’année 2024, pour laquelle la loi de finances initiale prévoyait une légère hausse, aura en réalité été celle d’un massacre, parce qu’il a fallu geler des crédits, renoncer à des remboursements, etc. Bref, l’année dernière, l’audiovisuel public extérieur aura été le parent encore plus pauvre de l’audiovisuel public.
Aussi sommes-nous aujourd’hui dans une situation calamiteuse et catastrophique. Au moment où la Russie augmente considérablement ses moyens audiovisuels extérieurs, où la Turquie multiplie les siens, notamment contre les Kurdes, où la Chine, le Royaume-Uni avec la BBC et les États-Unis font de même, de notre côté, nous sommes toujours dans la stagnation, voire dans la diminution.
Madame la ministre, la France existe aussi au travers de sa parole extérieure. Nous avons sanctuarisé les crédits de la défense ; nous voulons également sanctuariser ceux de l’audiovisuel public extérieur, afin que la présence française dans le monde, l’existence même de notre pays, subsiste.
Aujourd’hui, avec les moyens affectés à France Médias Monde ou à TV5, nous fermons. Nous fermons des antennes, nous cessons les traductions et les sous-titrages, faisant ainsi en sorte que, en réalité, dans le monde francophone et dans le monde francophile, nous existions de moins en moins.
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères, mais aussi certains groupes politiques, ont déposé des amendements visant à augmenter – oh, pas de manière irraisonnée ! – de quelque 3 millions ou 4 millions d’euros les moyens de l’audiovisuel public extérieur.
Aussi, madame la ministre, je n’aurai qu’une question à vous poser dans le peu de temps qui m’est imparti : pensez-vous vraiment que, vu la situation – la France écartée d’Afrique et quasi écartée du Proche-Orient –, ces 3 millions ou 4 millions d’euros supplémentaires pour l’audiovisuel public extérieur représentent un coût trop élevé pour assurer la présence de notre pays dans le monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Mireille Jouve, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du contexte budgétaire particulier qui vient d’être dressé par mon collègue Roger Karoutchi, permettez-moi de vous apporter quelques détails sur la situation de chacun des opérateurs.
Commençons par France Médias Monde. La baisse prévue de plus de 10 millions d’euros des crédits de cet opérateur par rapport au contrat d’objectifs et de moyens (COM) non seulement aurait un impact en 2025, mais pourrait en avoir un au cours des années suivantes, selon qu’il y aura ou non un rattrapage. Si la trajectoire financière est durablement dégradée, l’entreprise sera contrainte de revoir le périmètre de ses actions et missions et de solliciter son actionnaire pour une recapitalisation.
Une dégradation persistante des moyens de France Médias Monde aurait pour incidence directe de réduire sa capacité à se transformer numériquement et de présenter un risque industriel majeur pour ses activités historiques, lesquelles ont un impératif besoin d’investissements ; je pense notamment aux infrastructures techniques vieillissantes, telles que les régies de France 24.
La subvention du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), qui était de 2,5 millions d’euros en 2024, sera portée à 4,1 millions d’euros en 2025, puis à 4,9 millions d’euros à partir de 2026. France Médias Monde devrait donc pouvoir développer son hub à Beyrouth, pour enrichir la production numérique de France 24 en arabe et de Monte-Carlo Doualiya, via la production de contenus dans tous les formats.
En Afrique, France Médias Monde prévoit de lancer une offre numérique panafricaine à destination des jeunes, afin d’offrir des contenus constructifs et de lutter contre les fausses informations circulant sur les réseaux sociaux. En outre, le pôle de Dakar poursuivra le développement de la production africaine de contenus.
En Europe centrale et orientale, le hub de Bucarest maintiendra le développement de la rédaction de Radio France internationale (RFI) en ukrainien, tandis que le projet de rédaction en turc pourrait être reporté, en raison du contexte budgétaire.
Le problème de la prévisibilité des ressources concerne également TV5 Monde, qui a commencé la rédaction de son nouveau plan stratégique quadriennal. Ce plan ne comportant pas de programmation budgétaire, l’entreprise demeure dans l’incertitude quant aux moyens dont elle pourra disposer. Les marges de manœuvre devraient résulter, au cours des années à venir, de l’arrivée de nouveaux pays autour de la table.
TV5 Monde devra néanmoins consolider en 2025 les économies engagées en 2024 dans la diffusion, en supprimant des sous-titrages dans certains pays, en réduisant les productions propres, avec l’arrêt de plusieurs magazines, en cessant la distribution en Allemagne et en renonçant à la distribution par satellite de la chaîne Style en Afrique.
Enfin, grâce aux financements apportés par la partie canadienne, la plateforme TV5 Monde Plus poursuivra son développement dans les 200 pays dans lesquels elle est présente, avec son modèle proposant 6 000 heures de programmes financés par la publicité. L’offre TiVi5 Monde, qui propose des programmes de qualité à la jeunesse africaine, ciblée par les médias russes, chinois et turcs, sera également préservée.
Notre avis sur ces crédits est donc réservé. (M. Henri Cabanel applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les difficultés auxquelles se trouve confronté le secteur de la presse depuis des années ne sont que le reflet de la place de plus en plus contestée de l’information dans nos sociétés.
Les réseaux dits sociaux n’ont pas seulement aspiré les ressources de la presse, ils ont également fait dériver les faits vers l’opinion et les débats vers l’invective. Ainsi, la presse supporte aujourd’hui les charges de Gutenberg et la concurrence de Zuckerberg…
En 2023, la diffusion de la presse a ainsi encore baissé de 4,5 %, variation qui se situe dans la triste moyenne des dernières années. Si le montant des aides demeure stable, ce dont on ne peut que se féliciter, il faut cependant relever qu’elles se caractérisent surtout par leur grande immobilité et par leur incapacité à enrayer cette chute infernale.
Les trois quarts des crédits sont ainsi encore destinés à la diffusion ; cela ne correspond en rien à la réalité d’une pratique de lecture qui passe de plus en plus par le numérique. Nos aides vont ainsi à un ancien monde qui n’a manifestement que peu d’avenir et ne soutiennent pas assez le nouveau monde qui se déploie à grande vitesse.
À cet égard, nous attendons beaucoup maintenant, madame la ministre, du projet de loi qui doit tirer les conclusions des travaux des États généraux de l’information. De nombreux chantiers sont en attente ; certains d’entre eux ont été évoqués à l’occasion de l’examen par le Sénat de la proposition de loi visant à renforcer l’indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes, de notre collègue Sylvie Robert.
Je crois pour ma part que nous pouvons rassembler cet ensemble autour de deux piliers, étroitement imbriqués.
Il faut, d’une part, assurer un avenir économique à la presse, car, sans indépendance financière, l’indépendance éditoriale devient vite une illusion ; cela passe notamment par une réflexion sérieuse sur la répartition des ressources publicitaires et par une évolution de la législation sur les droits voisins.
Il convient, d’autre part, de conforter l’indépendance des rédactions et surtout de la faire vivre, afin que les lecteurs puissent enfin percevoir la spécificité et la valeur du travail des journalistes.
Je ne crois pas à des mesures autoritaires. Je penche plutôt pour des mécanismes incitatifs, notamment au travers du levier des aides à la presse.
À ce propos, je dois évoquer ce que l’on peut qualifier de psychodrame, à savoir l’incompréhensible baisse de 10 millions d’euros des crédits du soutien aux radios indépendantes, qui permet aux 746 stations locales de faire vivre nos territoires. Cette réduction a fait l’objet d’un véritable tir de barrage, du président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) aux élus locaux, en passant par les parlementaires.
Je me réjouis donc que nous ayons été entendus et que ces crédits puissent être rétablis dans quelques instants, sur l’initiative du Gouvernement. La nécessité absolue de réaliser des économies ne doit pas se confondre avec des frappes aveugles décidées sans aucune concertation…
Je conclus par un dernier mot – rassurant, celui-ci – sur l’Agence France-Presse (AFP), qui allie depuis plusieurs années qualité de la gestion et ambition éditoriale, dans un contexte pourtant extrêmement difficile. Son endettement, qui était de 50 millions d’euros en 2018, devrait être nul en 2028 ; cela nous fait bien entendu rêver, durant cette inédite discussion budgétaire de janvier…
Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits de la presse pour 2025.
M. Laurent Lafon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après bien des frayeurs nées de la crise pandémique et de la crainte que les spectateurs ne perdent le goût de la salle au profit du confort des plateformes, le cinéma a montré en 2024 qu’il était plus vivant que jamais.
Malgré un début d’année très difficile, conséquence de la grève des scénaristes de Hollywood, la fréquentation s’est spectaculairement redressée au printemps, avec notamment trois grands succès de notre cinéma : Le Comte de Monte-Cristo, qui a attiré plus de 9 millions d’entrées, Un p’tit truc en plus, qui a rassemblé 11 millions de spectateurs – neuvième plus grand succès français de tous les temps –, et la reconnaissance internationale du film de Jacques Audiard, Emilia Pérez.
Un grand film d’aventures, une comédie populaire et une œuvre inclassable mélangeant comédie musicale et drame : cette diversité est la marque de fabrique de notre cinéma, qui est parmi les seuls au monde à pouvoir proposer des créations aussi variées.
Le cinéma a donc prouvé sa capacité de résistance, avec 181 millions d’entrées en 2024. Il peut envisager assez sereinement l’avenir et conserver son statut de sortie culturelle préférée des Français, en étant présent dans tous les territoires, avec un maillage inégalé.
Cette situation favorable ne doit rien au hasard. Comme mes collègues Sonia de La Provôté, Alexandra Borchio Fontimp et moi-même l’indiquions l’année dernière, notre cinéma bénéficie du soutien d’une politique publique qui est menée avec constance depuis soixante-quinze ans et qui nous place aux tout premiers rangs mondiaux.
Le cinéma devra néanmoins, dans les années à venir, se confronter à de nouveaux enjeux, en particulier à la pleine prise de conscience des violences sexuelles et sexistes sur les plateaux de tournage et à l’irruption de l’intelligence artificielle, qui rebattra les cartes pour tout le monde.
De fortes inquiétudes sont apparues très récemment. J’y consacrerai la fin de mon propos.
Le budget proposé cette année pour le bras armé de la politique de ce secteur, à savoir le CNC, est principalement marqué par un prélèvement de 450 millions d’euros sur les réserves de la structure. Vous noterez, avec raison, qu’il faut être riche pour supporter une telle ponction sans trop de souffrance… Je préciserai qu’il faut surtout être bien géré et ne pas céder à la facilité de dépenser tout l’argent disponible !
Ce prélèvement représente une fraction tout à fait significative de l’effort global exigé par la situation budgétaire. Il me paraît lourd, mais, à ce stade, encore supportable.
La commission des finances avait souhaité porter le montant à 650 millions d’euros, ce qui aurait placé le CNC dans une position très risquée. Je remercie donc mes collègues qui, sur l’initiative de notre président Laurent Lafon, sont finalement parvenus à un compromis plus acceptable, à hauteur de 500 millions d’euros.
Je demeurerai extrêmement vigilant sur cette question. Les réserves du CNC sont non pas un trésor, jalousement protégé, mais une enveloppe destinée à compenser au cours d’une année l’écart entre dépenses et recettes, ainsi qu’à couvrir les risques contentieux.
Sous cette réserve, qu’il me semblait important de mentionner, la commission de la culture a exprimé un avis favorable sur l’adoption des crédits alloués au cinéma pour 2025.
M. Laurent Lafon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, en remplacement de M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis.
M. Laurent Lafon, en remplacement de M. Mikaele Kulimoetoke, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je présente les conclusions de la commission de la culture sur les crédits du programme « Livre et industries culturelles » à la place de notre collègue rapporteur pour avis Mikaele Kulimoetoke, dont je regrette l’absence.
Les industries culturelles, qui englobent l’audiovisuel, l’édition, le jeu vidéo et la musique, sont en voie de normalisation après la crise pandémique. Elles réunissent en 2023 un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros, qui progresse six fois plus vite que le PIB, signe de la vitalité du secteur.
Les crédits budgétaires sont globalement stables, nonobstant des mesures d’économie sur des opérateurs comme la Bibliothèque publique d’information (BPI), le Centre national du livre (CNL) et le Centre national de la musique (CNM). Le secteur apporte donc sa contribution à l’effort national.
Cette politique rigoureuse a permis de concentrer les moyens sur le plus important opérateur du programme, à savoir la BNF, qui voit sa dotation progresser de 4,7 millions d’euros.
L’objectif est de l’aider à faire face au véritable mur d’investissements qui se dresse devant elle. Je pense au chantier du centre de conservation d’Amiens, dont le budget devra vraisemblablement être rehaussé, et, surtout, à la rénovation du site François Mitterrand, lequel fête ses 30 ans en 2025. Mes chers collègues, j’attire votre attention à tous sur les années à venir, qui s’avéreront cruciales pour la BNF.
Comme vous le savez, notre commission a toujours suivi très attentivement la trajectoire du Centre national de la musique, qui a été créé grâce à une initiative parlementaire adoptée à l’unanimité. L’année dernière, nous avons su mener un combat commun avec la commission des finances pour doter le CNM d’une fiscalité à la hauteur des objectifs ambitieux qui lui sont assignés par la loi. De fait, la taxe streaming, si elle n’est pas encore pleinement acceptée par le secteur, doit encore monter en puissance.
Le plafonnement de la taxe sur les spectacles de variétés nous alerte. Cette dernière a enregistré d’excellents résultats, signe de la vitalité des acteurs de la musique.
Toutefois, la limite de 50 millions d’euros pose de redoutables questions au Centre, car cette somme revient en partie à l’émetteur. Face au risque de rupture d’égalité, j’approuve pleinement l’amendement de rehaussement du plafond déjà adopté, sur l’initiative du Gouvernement, même s’il est clair que le débat ressurgira dès l’année prochaine. Peut-être le CNM aura-t-il durant cette période le temps de faire évoluer les modalités de reversement de cette taxe.
Avant de conclure, je dirai un mot sur le secteur de l’édition, en soulevant deux problèmes qui devront être résolus en 2025.
D’une part, nous n’avons connu que de maigres progrès en 2024 sur la question lancinante des relations entre auteurs et éditeurs, la répartition de la valeur entre ces deux acteurs incontournables donnant lieu à des débats sans fin qui menacent le monde de l’édition. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour mener à bien un travail d’écoute et de dialogue et, ainsi, avancer.
D’autre part, des tentatives de contournement de la loi du 30 décembre 2021 visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs, dite loi Darcos, ont lieu de la part d’un grand acteur du commerce en ligne en matière de facturation des livraisons.
Son interprétation très souple des dispositions pourtant claires que nous avons adoptées dans cet hémicycle fragilise considérablement, en premier lieu, les librairies indépendantes. Nous ne nous y trompons pas : il s’agit d’une première attaque en règle contre notre souveraineté culturelle. Nous demeurons extrêmement vigilants concernant l’application de ce texte, auquel nous tenons tout particulièrement.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un géant des réseaux sociaux a récemment renoncé à son programme de vérification de l’information, tandis que le propriétaire d’une autre plateforme majeure invoque régulièrement la liberté d’expression pour diffuser de fausses nouvelles.
Parallèlement, la liberté de la presse est bafouée dans de nombreux États, où les médias deviennent des instruments de propagande, non seulement sur leur sol, mais aussi à l’étranger.
Ce ne sont là que quelques exemples du chaos informationnel auquel nous sommes confrontés. Dans ce contexte, disposer de médias fiables, solides et indépendants est essentiel.
Plusieurs textes européens ont pour objet cette exigence. Celle-ci passe par un financement indépendant et prévisible de l’audiovisuel public. Alors que la suppression de la contribution pour cette dernière, appelée redevance, a plongé le secteur dans l’incertitude pendant deux ans, le Sénat a entamé une réforme de la loi organique relative aux lois de finances, qui est désormais aboutie. En effet, le texte a été adopté et promulgué ; il a même été validé à la fin du mois de décembre dernier par le Conseil constitutionnel.
L’État doit ne pas pouvoir revenir, en cours d’année, sur le montant d’imposition affecté à l’audiovisuel public par la loi de finances. Les tentatives de cette nuit de la part de Bercy, cherchant à prélever 50 millions d’euros supplémentaires sur de tels crédits, sont la parfaite illustration de l’intérêt à mener le combat de l’adoption de notre réforme du financement. L’indépendance du service public de l’audiovisuel est un principe fondamental sur lequel nous ne devons pas transiger ; celui-ci est désormais garanti.
Nous l’affirmons : nous ne soutiendrons pas le coup de rabot supplémentaire de 50 millions d’euros proposé par voie d’amendement. Ce n’est finalement rien d’autre que la facture des concessions faites au parti socialiste par le Gouvernement ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Max Brisson. Absolument !
Mme Colombe Brossel. Ah non !
Mme Sylvie Robert. Et la dissolution, on en parle ?
M. Cédric Vial. Voilà le coût de la non-suppression des 4 000 postes d’enseignants et du retrait de l’extension de la période de carence pour les fonctionnaires ! Nous refusons de faire payer la note à l’audiovisuel public.
Mme Sylvie Robert. Ce n’est pas au niveau !
M. Cédric Vial. Ce préalable établi, la question du niveau de financement se pose.
La situation budgétaire du pays implique que chacun prenne sa part des économies à réaliser. Le Sénat a voté, en première partie de la loi de finances, 65 millions d’euros d’économies supplémentaires, soit une baisse de 1,6 % des crédits de l’audiovisuel public.
Cet effort mesuré témoigne de notre soutien au secteur. Il doit toutefois être réparti de manière équitable, en tenant compte de la taille et des spécificités de chaque entreprise. Il est notamment crucial de préserver France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel, qui sont confrontés à des défis particuliers.
Avec le rapporteur de la commission des finances, Jean-Raymond Hugonet, j’ai plaidé, par ailleurs, pour le maintien du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », garant de l’effectivité du contrôle parlementaire. Nous remercions le Gouvernement de présenter un amendement en ce sens, ainsi que la commission des finances.
Enfin, je souligne l’importance de la réforme de l’organisation du secteur qui sera présentée dans le courant de l’année. Je sais pouvoir compter sur le Gouvernement et particulièrement sur Mme la ministre pour soutenir cette réforme essentielle, défendue par notre président Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)