Le Sénat n’a pas adopté. (Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Claude Tissot applaudissent.)

Je mets aux voix l’amendement n° II-1412 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1416 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-775 n’est pas soutenu.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-774 n’est pas soutenu.

L’amendement n° II-1514, présenté par MM. Tissot, Lurel, Montaugé, Redon-Sarrazy et Michau, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

 

 

 

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

10 000 000

 

10 000 000

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

 

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à renforcer les moyens de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour la mise en œuvre du programme national de recherche Environnement-Santé-Travail (PNR EST). Je tiens à préciser qu’il avait été adopté en commission des finances à l’Assemblée nationale, sur l’initiative des députés socialistes.

Le PNR EST finance des recherches sur les risques pour la santé liés à notre environnement et sur les risques pour les écosystèmes.

Il se traduit par le lancement annuel d’appels à projets, pour un montant d’environ 8 millions d’euros. Ainsi, en 2023, quarante-cinq projets ont été retenus, pour 7,4 millions d’euros.

Malheureusement, le PNR EST connaît une baisse d’attractivité due à la concurrence des appels à projets de l’Agence nationale de la recherche. Dans ce contexte, l’Anses risque de ne plus pouvoir assurer de manière satisfaisante la nécessaire production de connaissances sur cette thématique environnement-santé-travail, pourtant cruciale.

L’objet du présent amendement est donc d’apporter un soutien financier supplémentaire de 10 millions d’euros à l’Anses pour conforter sa capacité d’intervention dans ce domaine et lui permettre de répondre aux besoins.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Klinger, rapporteur spécial. La commission estime qu’en l’état actuel des finances publiques un tel renforcement des moyens n’est pas envisageable, a fortiori s’il devait se faire au détriment du programme 215, qui retrace les moyens ministériels, en particulier ceux des services déconcentrés, dont nous avons besoin dans les territoires.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le programme 206 participe déjà au financement des projets du PNR EST à un niveau satisfaisant.

Avis défavorable également.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1514.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-1530, présenté par M. Duplomb, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

 

2 908 670

 

2 908 670

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

 

 

 

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

 

 

TOTAL

 

2 908 670

 

2 908 670

SOLDE

- 2 908 670

- 2 908 670

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. En comparaison des 284 millions d’euros de dette supplémentaire que nous venons de voter, cet amendement va paraître de bien faible portée.

Mon idée est toute simple : supprimer la subvention pour charges de service public versée à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite Agence Bio, dont les missions seraient reprises par FranceAgriMer.

Voilà un bon moyen de faire des économies tout en trouvant des pistes supplémentaires pour favoriser l’agriculture dans sa totalité au lieu de privilégier une agence, une de plus parmi les plus de mille que compte la France…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Notre collègue entend s’en prendre à la subvention pour charges de service public de l’Agence Bio. Or l’on sait pertinemment que le transfert des missions évoqué se traduirait de façon quasi certaine par un recul des pratiques pourtant indispensables pour mener à bien la transition de l’agriculture.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Duplomb, le Gouvernement, dans sa recherche de marges de manœuvre pour faire des économies, a maintes fois évoqué la situation des opérateurs et des agences. Selon les cas, il est pertinent soit de les conserver, soit de les mutualiser, soit de les supprimer.

En l’espèce, vous proposez que les missions de l’Agence Bio, en tant que telles, soient internalisées ou transférées à d’autres entités.

Si l’idée, dans son principe, est évidemment intéressante et même tout à fait pertinente, il faut tout de même étudier ses modalités d’application avec les principaux intéressés pour assurer à la fois son acceptabilité et son caractère opérationnel, tout en garantissant, dirais-je, un atterrissage en douceur. Dans un moment quelque peu délicat pour eux, il faut pouvoir convaincre les acteurs concernés que leurs missions continueront bel et bien d’être exercées dans de bonnes conditions.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-1530.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-1551 rectifié, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

275 000 000

 

275 000 000

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

 

275 000 000

 

275 000 000

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

 

 

 

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

TOTAL

275 000 000

275 000 000

275 000 000

275 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos II-1553 rectifié bis, II-1548 rectifié et II-1552 rectifié, qui vont tous dans le même sens puisque les quatre ont pour objet de défendre l’agriculture biologique.

Mme la présidente. J’appelle donc en discussion les amendements nos II-1553 rectifié bis, II-1548 rectifié et II-1552 rectifié, présentés par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° II-1553 rectifié bis est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

50 000 000

 

50 000 000

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

 

50 000 000

 

50 000 000 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

 

 

 

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

L’amendement n° II-1548 rectifié est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

 

50 000 000 

 

50 000 000 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

50 000 000

 

50 000 000

 

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

 

 

 

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

TOTAL

50 000 000

50 000 000

50 000 000

50 000 000

SOLDE

0

0

L’amendement n° II-1552 rectifié est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

15 000 000

 

15 000 000

 

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

dont titre 2

 

15 000 000

 

15 000 000

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

dont titre 2

 

 

 

 

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

 

 

TOTAL

15 000 000

15 000 000

15 000 000

15 000 000

SOLDE

0

0

Veuillez poursuivre, monsieur Salmon.

M. Daniel Salmon. Le vote qui vient d’être émis sur l’amendement précédent montre bien le sort que l’on entend réserver à l’agriculture biologique, et notre collègue Laurent Duplomb a toujours été clair sur ses intentions à cet égard.

Nombreux sont ceux qui ne pensent qu’à une chose : que l’agriculture biologique disparaisse ou, à défaut, qu’elle soit cantonnée dans une petite niche, pour ne gêner personne, et que l’on continue comme avant.

M. Daniel Salmon. Je ne vous donnerai qu’un simple chiffre : dans mon département, l’Ille-et-Vilaine, 2 % des eaux de surface sont de bonne qualité – 2 % ! Les coûts induits par la potabilisation, tout comme ceux qui sont liés aux maladies provoquées par cette pollution des eaux, sont colossaux.

Vouloir continuer comme avant et plaider pour que perdure le modèle dominant, c’est dramatique, et votre avis de sagesse, madame la ministre, est plus qu’inquiétant : on a besoin de l’Agence Bio !

J’en viens à la présentation de mes amendements.

L’amendement n° II-1551 rectifié tend à renforcer la politique générale de soutien à l’agriculture biologique, secouée par une crise de la demande depuis deux ou trois ans. Cette crise ne doit rien au hasard, elle est le fruit de politiques bien orchestrées : au-delà du fait que les marges réalisées sur le bio dans les grandes surfaces sont bien supérieures à celles qui sont tirées de la vente des produits conventionnels, on a petit à petit instillé un soupçon sur le bio, en promouvant des labels qui n’ont de bio que le nom et ne sont que des faux nez de l’agriculture conventionnelle. Voilà qui est plus que regrettable.

L’amendement n° II-1551 rectifié porte sur 275 millions d’euros. Cela paraît beaucoup, mais il faut mettre ce montant en regard des coûts cachés de cette agriculture qui est en train de tuer la biodiversité et, si l’on continue dans la même voie, de tuer carrément l’humanité !

Je le dis d’une manière très solennelle : je suis très inquiet, et mon inquiétude est partagée par une multitude de scientifiques. Or, dans ce monde où la désinformation fait rage, il faut savoir communiquer ; d’où, justement, l’importance de l’Agence Bio.

L’amendement n° II-1552 rectifié vise précisément à répondre aux besoins croissants de communication, afin de redonner au bio ses lettres de noblesse et de montrer combien il est bon : bon pour notre environnement, bon pour notre santé – c’est fondamental.

L’amendement n° II-1553 rectifié bis concerne l’écorégime. Ce dispositif a été totalement dilué, à force d’en faire bénéficier pratiquement tout le monde et de ne valoriser en aucune manière l’agriculture biologique. Là-contre, il faut un écorégime qui valorise ceux qui ont des pratiques vertueuses. C’est une question de santé publique, je le dis une nouvelle fois.

L’amendement n° II-1548 rectifié tend à soutenir la mise en œuvre de la loi Égalim, dont les dispositions en matière de restauration collective publique ne sont nullement respectées : seuls 7 % des produits qui y sont servis sont issus de l’agriculture biologique, bien loin des 20 % prévus ; même les obligations inscrites dans la loi en matière de repas végétariens sont méconnues, tout comme l’objectif d’atteindre un quota de 50 % de produits durables dans l’approvisionnement.

Vient un moment, madame la ministre, où il faut se donner les moyens d’agir. Je le redis, si ces actions représentent des dépenses supplémentaires, les sommes ainsi engagées ne sont pas de l’argent jeté dans la nature. Elles ont justement pour objet d’éviter ces milliards et milliards d’euros de coûts cachés dont font état de nombreuses études récemment publiées.

Nous risquons, dans quelques années, de nous réveiller avec la gueule de bois, comme cela s’est produit pour le réchauffement climatique,…

M. Laurent Duplomb. Vous êtes contre le nucléaire !

M. Daniel Salmon. … si nous laissons faire ces entreprises de désinformation qui s’efforcent de détruire l’agriculture biologique.

M. Jean-Claude Tissot. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. Si la commission comprend les objectifs défendus au travers de ces quatre amendements, elle ne peut les approuver, parce qu’ils ne sont pas soutenables sur le plan budgétaire. (M. Daniel Salmon sexclame.)

En effet, si nous adoptons ces amendements et tous ceux, car il y en a bien d’autres, qui sont de même nature, pour ne pas dire du même tonneau, nous allons épuiser les crédits pilotables, donc empêcher l’adoption d’un certain nombre d’autres amendements sur lesquels la commission des finances ainsi que, le plus souvent, la commission des affaires économiques ont émis un avis favorable.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Salmon, je ne vous cache pas que je suis profondément heurtée par les termes que vous utilisez. Vous avez dit, je vous cite en substance : « l’agriculture tue l’humanité ».

M. Daniel Salmon. Une certaine agriculture ! Je n’ai pas dit toute l’agriculture !

Mme Annie Genevard, ministre. Pensez-vous qu’en agriculture conventionnelle il n’y a que de mauvais agriculteurs, qui négligent l’environnement ? (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Vous essayez de monter les agriculteurs les uns contre les autres, madame la ministre ! C’est grave !

Mme Annie Genevard, ministre. Je suis profondément choquée que, sous couvert de défendre les agriculteurs, vous puissiez, dans cette enceinte, alors même que les débats sont filmés et que les agriculteurs vous regardent et vous écoutent, proférer de telles paroles. (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Lucien Stanzione. Arrêtez, madame la ministre !

Mme Annie Genevard, ministre. Je trouve cela vraiment très grave, monsieur Salmon.

M. Jean-Claude Tissot. Vous faites des raccourcis !

Mme Annie Genevard, ministre. Je vous ai connu et vous connais plus mesuré, et je dois dire que, venant de vous, de tels propos me surprennent énormément. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Thomas Dossus. Vous pouvez vivre sans eau potable ?

M. Jean-Claude Tissot. Vous n’avez pas d’arguments !

Mme Annie Genevard, ministre. Ce n’est pas parce qu’on internalise l’Agence Bio que l’on néglige l’agriculture biologique ; pas du tout :…

M. Thomas Dossus. Mais oui…

Mme Annie Genevard, ministre. … on s’efforce seulement de rationaliser les coûts de fonctionnement et la dépense publique. Aucun responsable politique normalement constitué ne saurait s’opposer, en ces périodes de difficulté budgétaire, à une telle volonté.

Je rejoins l’avis de M. le rapporteur spécial, les dépenses qu’entraînerait l’adoption de vos amendements seraient hors de proportion eu égard aux marges de manœuvre qui nous sont permises.

Permettez-moi de vous rappeler tout de même que l’agriculture biologique souffre de plusieurs maux.

Elle pâtit notamment d’une crise de la demande. Le marché du bio, vous le savez, connaît des jours difficiles ; au point, d’ailleurs, que toute la politique qui a visé pendant des années à encourager la conversion devrait à mon sens être redirigée vers le maintien, parce que le marché est mature.

J’ai encore en mémoire les propos tenus, dans le cadre de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, par Stéphane Le Foll, qui a théorisé l’agroécologie. (Marques dironie sur les travées du groupe GEST.)

Mme Annie Genevard, ministre. Politiquement, M. Le Foll n’est pas si loin de vous… Je le revois disant en substance : « Attention, trop de bio mettra en difficulté la filière. » (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)

S’il y a aujourd’hui tant de déconversions, c’est parce que la filière ne trouve pas son équilibre économique, tout simplement.

M. Thomas Dossus. Payez les services rendus !

Mme Annie Genevard, ministre. Entendez-moi bien, monsieur Salmon, je suis tout à fait favorable à l’agriculture biologique, évidemment. Une agriculture qui se veut de plus en plus exigeante ne saurait être condamnable ; il faut simplement qu’elle trouve son périmètre économique, ce qu’elle ne peut faire aujourd’hui en vivant de l’abondement de l’État. Ce n’est pas possible !

M. Guillaume Gontard. Ça, c’est insultant !

Mme Annie Genevard, ministre. Nous avons mis sur la table plus de 100 millions d’euros en 2023, plus de 100 millions d’euros en 2024. Cette politique épuise les finances publiques sans parvenir à assurer à cette filière les conditions durables de son maintien. Ce n’est pas ainsi qu’il faut aborder la question : toutes les difficultés de l’agriculture ne peuvent pas être résolues par des subventions, par des réponses budgétaires.

M. Thomas Dossus. Vous aidez aussi l’agriculture conventionnelle, non ?

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Madame la ministre, puisque nous allons passer un bout de temps ensemble, jusqu’à la fin de la soirée, je vous le dis franchement, ne cédez pas à ce genre de caricature.

Mme Annie Genevard, ministre. Je n’ai fait que reprendre les termes de M. Salmon !

M. Guillaume Gontard. Vous soutenez l’agriculture. Dont acte. Nous aussi ! (MM. Laurent Duplomb et Olivier Rietmann sexclament.) Quand nous déposons ce type d’amendements, c’est pour soutenir non seulement les agriculteurs, mais aussi l’agriculture et son avenir.

M. Guillaume Gontard. À force de nous voiler les yeux, nous ne pourrons plus boire d’eau. J’étais tout à l’heure avec Mme la ministre Vautrin, qui me parlait des sujets de prévention, de maladie, de fertilité. Voilà tout de même des enjeux qui vont nous coûter très cher !

La question de l’eau et de sa dépollution représente déjà, à elle seule, plusieurs centaines de milliards d’euros. Allons-nous continuer ainsi ? Vous nous parlez du déficit budgétaire actuel ; je vous parle, moi, des prochains : voulez-vous contribuer à créer les déficits du futur ? Je sais bien que non. À un moment donné, il va bien falloir changer d’orientation politique.

Madame la ministre, j’ai trouvé insultants les propos que vous avez tenus à l’endroit des agriculteurs bio quand vous avez indiqué que leurs exploitations ne fonctionnaient qu’avec des aides de l’État.

Mme Annie Genevard, ministre. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Guillaume Gontard. Ce sont des gens qui travaillent, qui ont réfléchi à réorienter leur production pour servir l’intérêt général. Vous pourriez donc évoquer ce type d’agriculture en des termes plus positifs.

C’est un véritable choix politique que nous avons à faire : si nous voulons accompagner l’agriculture biologique et son développement, il nous faut, concrètement, y mettre les moyens. Tel est exactement l’objet des orientations proposées dans ces amendements, qui incarnent, précisément, des choix politiques.

Je constate que vous vous refusez à faire ces choix, préférant pérenniser un modèle dont vous décrivez vous-même toutes les problématiques – voyez où il nous mène ! –, s’agissant, notamment, de l’absence de revenus pour des agriculteurs qui n’ont plus les moyens de se rémunérer.

Voilà où nous en sommes : le temps est venu d’agir.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, la commande publique, sans être une solution magique, et si elle n’en est évidemment pas l’unique levier, est une composante essentielle du soutien à la filière bio.

Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que la région Bretagne, où je suis, dans le cadre de mon mandat de conseiller régional, chargé de ce dossier, est au rendez-vous des objectifs fixés, avec plus de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans ses cantines, soit une progression de 100 % en l’espace de quatre ans, entre 2020 et 2024, à l’image, aussi, de ce que beaucoup d’autres collectivités mettent en œuvre, qu’il s’agisse des départements ou des communes.

Or force est de constater que, du côté de l’État, l’exemplarité n’est pas du tout au rendez-vous. On est même très loin, madame la ministre, des ambitions affichées : je pense aux restaurants universitaires et à nos hôpitaux, mais je pourrais citer bien d’autres exemples.

Je rappelle tout de même que la loi Égalim et la loi Climat et résilience s’appliquent aussi aux restaurants collectifs dépendant de l’État. Or, dans ce domaine, alors que le soutien à la filière biologique s’impose à lui, l’État ne fait pas le nécessaire.

Je souhaiterais, au-delà des déclarations d’intention que vous pouvez nous faire ce soir, que vous œuvriez avec vos collègues du Gouvernement pour que, dans tous les restaurants collectifs qui dépendent de l’État, les règles qui s’imposent à ce même État soient effectivement respectées, à l’image de ce que les collectivités sont capables de mettre en œuvre.

En dépit des contraintes budgétaires et malgré des moyens réduits, grâce aux efforts consentis en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, en appui des associations, en lien avec nos agents de restauration, qui font un travail exceptionnel, avec le concours des élèves, qui sont mobilisés, les collectivités, elles, se montrent capables d’absorber des coûts qui peuvent être un peu plus élevés.

En réalité, lorsque nous privilégions, comme dans nos services de restauration collective, des produits de qualité, de proximité, le « fait maison », nous arrivons à maintenir les prix, à soutenir nos agriculteurs et à leur garantir une juste rémunération.

Madame la ministre, il serait bon que l’État soit tout d’abord exemplaire chez lui !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Permettez-moi de revenir sur vos propos, madame la ministre. Je n’ai certainement pas vos compétences ministérielles : je suis juste paysan. Pratiquant une agriculture classique, conventionnelle, dans une exploitation qui n’a jamais été en bio, je ne pense pas avoir empoisonné qui que ce soit. Malgré tout, il est des réalités qui s’imposent à nous, parce qu’elles sont simplement factuelles, et ce que nous a dit mon collègue Daniel Salmon sur la qualité de l’eau est prouvé et indiscutable.

Vous affirmez que les exploitations bio ne vivraient que de primes. Ici, dans cet hémicycle, nous sommes quelques exploitants agricoles, qui touchons, pour nos exploitations conventionnelles, un certain nombre de primes. Faisons la comparaison avec les primes dont bénéficie le bio : c’est quand vous voulez ! Le résultat pourrait vous surprendre, madame la ministre…

Mme la présidente. La parole est à M. Michaël Weber, pour explication de vote.

M. Michaël Weber. Madame la ministre, si nous abordons des sujets d’une telle importance en nous contentant de postures, le débat va devenir assez vite compliqué. Je regrette que vous n’ayez retenu pour le traiter que le prisme économique, et encore, Jean-Claude Tissot vient de le dire très justement, en ne prenant pas en compte l’ensemble des éléments.

On pourrait ainsi intégrer le coût de l’inaction et de la réparation climatiques et environnementales. En définitive, c’est plutôt vous qui avez opposé agriculture biologique et agriculture conventionnelle, en disant que la première, je le traduis ainsi, n’était pas totalement viable économiquement.

Mes collègues l’ont rappelé, commençons par respecter ce que la loi prévoit déjà, ce qu’elle permet et ce qu’elle exige. Les chiffres en la matière sont incontestables, les obligations inscrites dans la loi Égalim pour ce qui est de la part de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective ne sont pas respectées.

Prenons aussi en compte l’impact de la non-action climatique pour fixer les moyens que nous devons mobiliser pour réparer les erreurs qui ont été faites en matière agricole : ainsi aborderions-nous le débat d’une manière beaucoup plus juste et apaisée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Je souhaite insister sur le volet de la prévention en santé, sujet qui m’intéresse et que je suis de près.

Force est de constater qu’en dépit des plans nationaux santé-environnement (PNSE) la prévention représente seulement 3 % du budget de la sécurité sociale.

Faisons un parallèle : quand les laboratoires pharmaceutiques, et en particulier Big Pharma, négocient le prix d’un médicament, ils veulent que soient prises en compte les économies futures induites par l’utilisation du produit, qui fera baisser le nombre d’hospitalisations et de pathologies lourdes ou chroniques à traiter. Pourquoi ne pas procéder selon la même logique pour ce qui est de l’agriculture biologique ?

L’agriculture biologique, mes collègues l’ont dit, est un élément essentiel de la prévention en santé. De multiples exemples attestent ainsi que la qualité de l’eau a des répercussions sur la santé, et l’on connaît le lien entre prévalence des cancers et facteurs environnementaux. J’y insiste, il est prouvé que la progression actuelle de ces maladies dans nos pays a des causes environnementales.

Un soutien à l’agriculture bio représenterait, certes, une dépense immédiate et de court terme. Mais gouverner, c’est ne pas se contenter de vues à court terme : c’est s’inscrire dans le long terme.

Or, à long terme, cette dépense aurait pour effet de réduire le nombre des pathologies chroniques, des hospitalisations et des cancers, donc les coûts énormes que tout cela entraîne. Il faut savoir que les prix des médicaments innovants destinés à guérir les cancers représentent une très grande partie des dépenses inscrites dans le PLFSS !

Je le répète, les mesures ici proposées représentent bien, à court terme, une dépense, mais elles relèvent, sur le long terme, de la prévention. Et, puisque gouverner c’est prévoir – on le dit suffisamment –, il est toujours bon de prendre en compte ce volet de la prévention.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Je suis un peu déçu, et même désolé, que nous ayons ce débat, et que l’on oppose ainsi les agriculteurs les uns aux autres.

M. Franck Montaugé. Ce n’est pas nous qui le faisons !

M. Thomas Dossus. On peut remercier Mme la ministre…

M. Daniel Gremillet. Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention et de respect, mes chers collègues ; j’aimerais que vous fassiez de même : c’est important !

Avec les membres de la commission des affaires économiques – j’en prends à témoin notre présidente, Dominique Estrosi Sassone –, et en particulier avec Anne-Catherine Loisier, nous avons passé beaucoup de temps en auditions sur ce sujet.

En réalité, et tel est d’ailleurs le piège de la loi Égalim, on s’éloigne tout doucement de ce que le consommateur souhaite acheter. C’est pour cela que je suis triste !

Un certain nombre d’entre nous avons été, dans une autre vie, actifs dans le domaine agricole, d’une façon ou d’une autre. Je pourrais vous parler, par exemple, de ce que j’ai fait en tant que président de chambre d’agriculture voilà plus de trente ans : j’ai engagé le premier technicien conseil en agriculture biologique au sein du département des Vosges…

À force de laisser croire que le marché est extensible et qu’il peut sans cesse absorber des volumes supplémentaires, on a menti aux paysans qui se sont engagés dans la reconversion de leur exploitation, car, au bout du compte, nous n’avons pas eu les marchés et les consommateurs n’ont pas été au rendez-vous !

Opposer les agriculteurs entre eux, faire croire que seuls ceux qui travaillent en bio ont permis aux Français de mieux vivre et de mieux s’alimenter, c’est une erreur. L’agriculture française a contribué d’une manière générale à ce que les Français soient mieux nourris et à améliorer leur sécurité alimentaire. (M. Thomas Dossus sexclame.) Mais si, mon cher collègue !

Il n’est pas imaginable de s’en remettre, pour faire vivre l’agriculture biologique, à la seule commande publique. Regardons ce que le consommateur est prêt à dépenser, au quotidien, pour se nourrir ; alors nous tomberons tous d’accord !

Je remercie les rapporteurs spéciaux pour l’avis qu’ils ont émis au nom de la commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Ce débat est symptomatique ! Notre pays pourrait être fier de son agriculture, qui est la plus respectueuse au monde de l’environnement…. (Il lest ! sur les travées des groupes SER et GEST.)