Sommaire

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaire :

Mme Nicole Bonnefoy.

Procès-verbal

Loi de finances pour 2025

Suite de la discussion d'un projet de loi

Défense

défense

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

Régimes sociaux et de retraite

Compte d'affectation spéciale : Pensions

Transformation et fonction publiques

Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État

Gestion des finances publiques

Crédits non répartis

régimes sociaux et de retraite

compte d'affectation spéciale : pensions

Après l'article 64

transformation et fonction publiques

Après l'article 64

compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'état

gestion des finances publiques

Article additionnel après l'article 60

crédits non répartis

Enseignement scolaire (suite)

(À suivre)

Présidence de M. Dominique Théophile

vice-président

Secrétaire :

Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Loi de finances pour 2025

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale (projet n° 143, rapport général n° 144, avis nos 145 à 150).

Nous poursuivons l'examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

seconde partie (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Défense

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je laisserai aux rapporteurs pour avis le soin d'exprimer les remarques et la position du Sénat au sujet des crédits demandés pour les quatre programmes de la mission « Défense ».

Dans un contexte marqué par l'effort de redressement des comptes publics, je me contenterai de souligner le respect de la progression des crédits de 3,3 milliards d'euros, conformément à la programmation militaire, portant le total des autorisations d'engagement à 93 milliards d'euros et des crédits de paiement à 60 milliards d'euros.

Monsieur le ministre, cette sanctuarisation des crédits, acceptée par le Parlement en vertu de la loi de programmation militaire (LPM), doit avoir une contrepartie : une gestion irréprochable et une information sans faille des assemblées. Or tel n'est pas exactement le cas aujourd'hui…

Cette gestion est-elle irréprochable ? Les reports de charges passeraient de 3,9 milliards d'euros en 2022 à près de 7 milliards d'euros fin 2024. Nous ne disposons pas encore du chiffre définitif – j'y reviendrai. Quoi qu'il en soit, la hausse du montant global dépasse à l'évidence 3 milliards d'euros en deux ans. En valeur relative, les reports de charges représentaient environ 14 % des crédits de la mission, hors dépenses de personnel, en 2022. En fin de gestion 2024, cette proportion dépasserait même 20 %.

Depuis 2023, le ministère remet ainsi à plus tard une part croissante des paiements dus au titre de livraisons pourtant déjà effectuées. Bref, il achète plus qu'il ne peut payer. Or ces près de 7 milliards d'euros représentent 0,25 point de PIB, et sont bien une dette venant s'ajouter à la dette officielle.

Vous me répondrez qu'en début de programmation il est logique d'engager des dépenses qui trouveront à se lisser dans le temps avec l'augmentation des crédits. Soit, mais, en écho aux travaux de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques conduite par le président de notre commission des finances, Claude Raynal, et son rapporteur général, Jean-François Husson, nous avons appris que Bercy, dans une note datée du 7 décembre 2023, recommandait de reporter des crédits de la mission « Défense » de 2023 vers 2024, afin de limiter la dépense de l'année en cours et de réduire d'autant, optiquement tout au moins, le déficit public annuel de l'État.

C'est la décision qui a été prise. Concrètement, elle revenait à recourir davantage encore aux reports de charges. Monsieur le ministre, je sais que vous n'en êtes pas l'auteur, mais, plus généralement, la très forte hausse des reports de charges constitue ce qu'il faut bien appeler de la cavalerie budgétaire. Une telle méthode n'est pas de nature à garantir une véritable transparence de la gestion.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Quand nous interrogeons le ministère à propos de l'évolution de ces reports, quand nous lui demandons à quel horizon il prévoit un retour à un équilibre satisfaisant du fait de l'augmentation des crédits de paiement, nous n'obtenons que la mention de cet objectif : un report de charges autour de 20 % des ressources en crédits de paiement hors masse salariale, soit le niveau très élevé actuellement constaté.

C'est là une illustration du péché originel de la LPM, que nous avions dénoncé en son temps. En effet, une bonne partie des 13 milliards d'euros de recettes exceptionnelles que vous annonciez était constituée de reports de charges que vous inscriviez en recettes. Or – nous en avons désormais la démonstration – il s'agit bien d'une dette, qui, en tant que telle, devra être honorée.

Par ailleurs, le concept d'économie de guerre ne nous semble pas compatible avec cette pratique, qui revient à demander à la base industrielle et technologique de défense (BITD) d'assurer durablement la trésorerie de ministère.

J'en viens à un autre enjeu majeur : l'information du Parlement.

Monsieur le ministre, je ne puis que déplorer que les assemblées ne disposent pas des éléments nécessaires à leur éclairage.

Nous avons réussi à obtenir hier – hier seulement ! – un chiffrage des surcoûts supportés en 2024 par les armées du fait de la situation en Nouvelle-Calédonie, du déploiement des forces de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) sur le front oriental de l'Europe, des jeux Olympiques et de la guerre en Ukraine. Cette communication est tout de même un peu tardive… Permettez-moi de relever, à ce propos, un effet positif de la censure, qui, en nous laissant un mois de travail supplémentaire, nous a au moins permis d'obtenir ces documents.

Ces surcoûts conditionnent le report de charges, qui risque fort d'approcher, voire de dépasser 7 milliards d'euros. Selon les calculs que nous avons pu faire cette nuit, 500 à 600 millions d'euros pourraient encore s'ajouter aux reports évoqués. Le total approcherait ainsi 7,5 milliards d'euros.

Toujours au sujet de l'information du Parlement, je me dois de revenir sur les cibles et résultats des indicateurs d'activité des forces et de disponibilité des matériels, dont nous ne disposons plus depuis trois ans.

Nous avons peine à penser que nos challengers et potentiels agresseurs attendent les documents budgétaires du Gouvernement pour avoir une idée précise du niveau d'activité de nos forces et de l'état de nos matériels…

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Et pourtant si !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Vous faites valoir que la France était, jusqu'à présent, l'un des rares pays à publier ces indicateurs. Soit, mais elle est aussi l'un des rares pays dont la Constitution permet au chef de l'État d'engager les forces sans passer par le Parlement…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Mais non !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Je vous renvoie à l'article 35 de notre Constitution. Une telle prérogative a pour nécessaire contrepartie une relation de confiance entre les pouvoirs exécutif et législatif quant à la réalité des forces et des financements militaires.

Le Gouvernement ne rendra certainement pas service à nos armées en limitant l'information de la représentation nationale, à l'heure où cette dernière est invitée à chercher des économies de toutes parts, sur le fondement d'une évaluation critique des politiques publiques.

Monsieur le ministre, nous restons attachés à la lettre de la LPM et à l'esprit ayant guidé sa construction. En accordant annuellement les crédits sollicités, qui correspondent à la programmation militaire, nous respectons les engagements pris. Mais le Gouvernement doit, plus que jamais, faire montre d'une plus grande rigueur dans la gestion des crédits et d'une meilleure considération pour la représentation nationale.

Mes chers collègues, sous ces réserves, la commission des finances vous invite à voter ces crédits.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis, en remplacement de M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis.

Mme Gisèle Jourda, en remplacement de M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 144, regroupant les crédits dédiés au renseignement et à la prospective du ministère des armées, est doté de 2 milliards d'euros pour 2025. Cette enveloppe progresse ainsi de près de 6 % par rapport à 2024.

La loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 prévoyait un effort historique en faveur de l'innovation de défense, les besoins retenus au titre du patch innovation dépassant 10 milliards d'euros pour la période considérée.

Le projet de loi de finances pour 2025 va au-delà de la trajectoire initiale : les crédits dédiés à l'innovation atteignent près de 1,3 milliard d'euros, contre un peu plus de 1,2 milliard d'euros prévus par la LPM.

Hors dissuasion, les crédits d'études amont s'établiront ainsi à 832 millions d'euros, un montant supérieur de 68 millions d'euros à l'annuité 2025 de la LPM.

Un tel effort, consenti dès les premières années de mise en œuvre de la LPM, va dans le bon sens. La situation est-elle pour autant idyllique ? Pas tout à fait.

Si les armées affirment n'avoir identifié aucune impasse dans les études qui seront lancées au cours des prochaines années, les industriels ont mis en lumière plusieurs points de vigilance.

Par ailleurs, les conséquences de l'annulation de 33 millions d'euros prévue en 2024, affectant principalement les crédits dédiés à l'innovation, ne sont pas encore connues. Il n'est pas exclu que cette coupe dans les moyens du programme 144 impose le report de certaines opérations dont le lancement était prévu en 2025.

J'en viens à l'accès au financement des entreprises de la BITD.

Si, à cet égard, des avancées peuvent être notées, grâce aux alertes lancées par le Parlement et au volontarisme de la délégation générale de l'armement, force est de constater que les entreprises de la BITD continuent de rencontrer des difficultés d'accès au financement bancaire et aux investissements.

Certes, les cas remontés sont peu nombreux – on en a dénombré une vingtaine l'an dernier. Mais soyons conscients qu'ils ne représentent que la partie émergée de l'iceberg. Nombre d'entreprises se voient ainsi refuser un prêt, un financement export ou encore une garantie d'emprunt au seul motif que leur activité concerne la défense. De telles situations sont inacceptables à l'heure où l'on parle d'économie de guerre.

Face à ces difficultés, nous demandons au Gouvernement de prendre rapidement des initiatives. Les propositions existent : il suffit de relancer les initiatives parlementaires suspendues depuis la dissolution !

J'ajoute – et je conclurai sur ce point – que les menaces venant de certaines institutions européennes ne sont pas toutes écartées. En témoignent les lignes directrices de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) quant à la dénomination des fonds ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), étendant le champ des armes controversées au nucléaire.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 144, sans modification.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais maintenant vous présenter la part des crédits de ce programme consacrée au renseignement intéressant la sécurité de la France. Il s'agit plus précisément des crédits de fonctionnement, d'investissement et d'intervention de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

Avec 508 millions d'euros de crédits de paiement en 2025 contre 476 millions d'euros en 2024, le budget de ces deux services devrait progresser conformément à l'objectif fixé par la LPM : le doublement des crédits entre 2017 et 2030.

En parallèle, les effectifs devraient progresser, entre 2024 et 2025, de 7 652 à 7 814 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Sont prévus, à cette fin, 735 millions d'euros de crédits de paiement de titre 2 relevant du programme 212 « Soutien de la politique de la défense ».

Au total, près de 1,25 milliard d'euros seraient consacrés, en 2025, à la fonction de renseignement extérieur, de sécurité et de défense. Vous noterez toutefois que je m'en tiens au conditionnel : je ne m'en féliciterai qu'une fois le budget effectivement voté, sans réduction de crédits.

J'observe que l'allocation accordée est conforme aux besoins programmés. En outre, je rappelle qu'elle s'inscrit dans la trajectoire visant un total de 5 milliards d'euros pour le renseignement au cours des années 2024 à 2030, couvertes par la dernière LPM. C'est un des motifs qui ont conduit le Sénat, en particulier les élus du groupe auquel j'appartiens, à voter cette loi de programmation.

À cet égard, je tiens à formuler une observation.

Nous assistons à l'accroissement de la conflictualité sur l'ensemble des théâtres extérieurs comme sur le territoire national. Nous sommes face à une véritable néo-guerre froide, du cyber, de la désinformation, parfaitement documentée par nos collègues Rachid Temal et Dominique de Legge dans leur rapport relatif aux influences étrangères.

2025 sera une année particulière pour la DGSE, avec le lancement du chantier de ses futurs locaux, au Fort-Neuf de Vincennes – le bâtiment devrait être livré et mis en service entre 2030 et 2031.

2025 marquera également une étape très importante de la transformation de la DRSD. J'ai pu visiter avec le général Susnjara le nouveau bâtiment construit au cœur du fort de Vanves. Il contribuera à renforcer le travail de contre-ingérence, afin d'écarter les menaces pesant sur les forces et les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense.

Je ne saurais conclure cette intervention sans saluer l'ensemble des personnels qui œuvrent, dans l'ombre, à notre sécurité extérieure. Je pense en particulier aux services qui, avec l'appui de la coopération internationale, ont rendu possible le retour en France de nos quatre ressortissants retenus au Burkina Faso. Ces femmes et ces hommes ont la reconnaissance de la Nation.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits du programme 144. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI. – Mme Marie-Arlette Carlotti et M. Akli Mellouli applaudissent également.)

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous félicitons du maintien des crédits inscrits pour 2025 dans la LPM, bien conscients de l'effort que leur préservation représente dans le contexte actuel.

Je souhaite néanmoins évoquer deux sujets de préoccupation.

Je pense tout d'abord à la fin de gestion. L'impact des opérations extérieures (Opex), des missions intérieures, des missions opérationnelles (Missops) et de l'aide à l'Ukraine sur les crédits effectivement disponibles n'est pas négligeable ; le fait de ne pouvoir connaître, avec un minimum d'avance, le champ des dépenses prises en charge par l'interministériel fragilise sérieusement l'appréciation des efforts accomplis.

Monsieur le ministre, d'après les dernières données transmises sur les surcoûts dus aux Opex et aux Missops, le reste à charge pour la mission « Défense » sera très important, imposant de renoncer à un certain nombre de projets. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce propos ?

Je pense, ensuite, au maintien en condition opérationnelle (MCO).

C'était prévu : les crédits d'entretien programmé du matériel (EPM), après avoir connu une forte hausse en 2024, stagneront en 2025 pour les milieux terrestre et aérien. Il faudra donc arbitrer au cas par cas entre le soutien de la disponibilité technique, pour maintenir le niveau d'entraînement, et le développement des stocks de pièces, en vue de la haute intensité.

Ce choix suppose des réformes, d'une part pour augmenter la productivité du MCO, notamment des matériels aéronautiques, de l'autre pour transformer les marchés de soutien en service en marchés de soutien hybride, en particulier pour les matériels terrestres.

Il convient, en conséquence, de réorganiser le MCO pour la haute intensité. Il faudra impérativement préciser et développer ce travail en 2025 pour que la remontée des crédits, prévue dans la suite de la programmation, vienne nourrir un système globalement plus performant.

En effet, de véritables difficultés demeurent quant à la disponibilité technique des matériels, qu'il s'agisse de l'aéroterrestre ou des NH90 Caïman de la marine. La disponibilité de ces hélicoptères reste bien inférieure aux besoins, malgré tous les efforts engagés depuis 2023.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Malheureusement, ce n'est plus une affaire d'argent…

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis. Ces équipements doivent encore servir vingt ans : on ne peut en aucun cas se satisfaire de la situation actuelle.

Je n'oublie pas non plus l'armée de l'air et de l'espace. La progression de la disponibilité des avions de chasse sera encore entravée cette année, notamment par quelques cessions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons pas nous permettre de manquer les marches 2024 et 2025, car, en matière de préparation des forces, l'adaptation à la haute intensité n'en est encore qu'à ses prémices.

Tout en restant vigilante quant à la fin d'exécution 2024, la commission a émis un avis favorable sur les crédits du programme 178, dont le montant s'annonce conforme à la trajectoire fixée par la dernière LPM. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant que corapporteure du programme 178, je tiens avant tout à rendre hommage à ceux de nos militaires qui ont contribué à la réussite des jeux Olympiques de Paris, en juillet et août derniers.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Bravo à eux !

Mme Michelle Gréaume. En les plaçant sous le regard des Français et de tous les étrangers venus assister aux épreuves, les Jeux ont permis à ces militaires d'afficher leur professionnalisme sans faille et leur engagement au service de la Nation.

Monsieur le ministre, le déploiement de capacités spécialisées réalisé par les armées lors de l'événement, ainsi que le très bon dialogue civilo-militaire qui a permis la mobilisation de ces hommes et de ces femmes, ne sont-ils pas l'occasion de faire évoluer l'opération Sentinelle ?

D'une part, on pourrait diversifier les missions menées dans ce cadre pour tenir compte de la maîtrise de ces nouvelles capacités et d'enjeux d'importance croissante, comme les conséquences de plus en plus catastrophiques du changement climatique.

D'autre part, l'opération Sentinelle pourrait reposer sur un déploiement socle plus léger, assorti de processus d'alerte, permettant une remontée en puissance rapide lorsqu'elle sera sollicitée pour des missions précises par les autorités. Ces dernières fixeraient ainsi des objectifs à atteindre plutôt que des effectifs à fournir. Pour nos armées, une telle évolution serait gage d'efficacité, d'attractivité et de fidélisation.

En outre, je tiens à évoquer la progression vers les normes d'entraînement de la LPM.

La participation de la France aux exercices de l'Otan s'accroît depuis plusieurs années. L'objectif est clair : préparer nos armées, en particulier leur commandement, aux affrontements de haute intensité menés en coalition.

Ces exercices sont importants, notamment pour se préparer au déploiement de la brigade bonne de guerre au premier semestre 2025, puis de la division de combat au cours des années 2026 à 2028. Mais on observe parallèlement, malgré la hausse des crédits, une stagnation du niveau d'entraînement. Par exemple, pour l'armée de terre, le taux demeure d'environ 70 % de la norme.

À l'évidence, il est nécessaire de conserver un équilibre entre les différents niveaux d'entraînement, car les grands exercices entraînent moins les militaires du rang que ceux des états-majors. L'entraînement interarmées et au sein des garnisons en France ne doit pas devenir le parent pauvre de la préparation opérationnelle. Faute de quoi, on risque de ne jamais atteindre la norme fixée par la LPM pour la fin de la programmation.

Enfin, je salue la poursuite de la hausse des crédits des services de soutien en 2025. Cette nouvelle montée en puissance doit se faire au même rythme que le renforcement des capacités de nos armées dans leur ensemble.

En particulier, je me réjouis de l'avancée du projet de nouvel hôpital national d'instruction des armées à Marseille. De tels chantiers incarnent le renouveau du service de santé des armées. Cet instrument remarquable (M. le ministre le confirme.) a vacillé sous l'effet des réductions budgétaires, mais, aujourd'hui, il retrouve progressivement son envergure. Il s'agit d'un outil exceptionnel en Europe, au service de nos armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, j'adresse mes encouragements au Gouvernement pour l'un des chantiers les plus lourds et urgents relevant du programme 212 : celui du logement et de l'hébergement.

Les dépenses immobilières du ministère inscrites dans ce programme progressent de 5 % en autorisations d'engagement et de 35 % en crédits de paiement. Ces enveloppes atteignent, respectivement, 670 millions et 827 millions d'euros.

Les débats se sont longtemps concentrés sur la « dette grise », qui pourrait atteindre 4,5 milliards d'euros en 2025. Le service d'infrastructure de la défense (SID) nuance toutefois la pertinence de cette notion. Non seulement elle embrasse l'ensemble des infrastructures, au-delà des seuls bâtiments habités, mais elle est peu explicite quant à l'utilité des locaux.

Pour sa part, le SID invite à réfléchir aux contours de la notion de maintenance et à raisonner en flux. Selon ses calculs, une somme annuelle de 450 millions d'euros dédiée au gros entretien permettrait, en dix années, de maintenir le patrimoine utile en état bon ou moyen.

J'en viens plus précisément aux bâtiments d'hébergement. Un plan inédit, lancé en 2019, vise à améliorer les conditions d'accueil en enceinte militaire. Ses objectifs ont jusqu'à présent été tenus : plus de 1 milliard d'euros de travaux ont été engagés jusqu'à la fin de 2024 et 23 500 places ont été livrées.

En 2025, 4 100 nouvelles places seront livrées et 120 millions d'euros sont prévus au titre de l'enveloppe de 1,2 milliard d'euros fixée par la LPM pour commander 2 000 nouvelles places. Quant à l'état des bâtiments visés par le plan, il s'améliore peu à peu.

En matière de logement familial, le contrat de concession entré en vigueur en 2022 semble pour l'instant donner globalement satisfaction. Néanmoins, il faudra surveiller les nouvelles modalités d'attribution des logements directement par le concessionnaire, le service rendu aux usagers et, surtout, le taux de réalisation des demandes, en particulier pour les militaires faisant l'objet d'une mutation.

Le plan Fidélisation 360 accompagne cette amélioration de l'offre de logement par des mesures intéressantes : cautionnement, dispense de dépôt de garantie, partenariats bancaires, création d'une ligne téléphonique spécifique, etc.

D'une manière générale, compte tenu du contexte budgétaire, nous nous réjouissons que des progrès, aussi lents qu'ils nous paraissent, soient réalisés. La question fondamentale reste de savoir si la restauration des bâtiments du quotidien peut être maintenue à ce rythme, sans dommage significatif sur le moral des militaires, ou bien si ce rythme doit être accéléré. Le cas échéant, les dépenses consenties pour les autres types d'infrastructures seraient alors réduites.

Cette question dépasse donc les seuls enjeux du programme 212. Aussi, la commission a émis un avis favorable sur l'adoption de ses crédits.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Olivier Cigolotti et Antoine Lefèvre applaudissent également.)

Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 212 s'élèvent à près de 25 milliards d'euros ; un peu plus de 23 milliards d'euros seront consacrés aux dépenses de personnel, un montant à peu près équivalent à celui des crédits votés l'an dernier.

Le schéma d'emplois du ministère s'établit en 2025 à 630 équivalents temps plein (ETP) : ce n'est pas mal, mais, comme en 2024, il s'écarte encore de la trajectoire fixée par la LPM, qui prévoyait l'embauche de 700 ETP en 2025. (M. le ministre le conteste.)

La bonne nouvelle, c'est que les difficultés des armées à respecter leurs schémas d'emplois semblent avoir été en grande partie vaincues. Les efforts récents de fidélisation n'y sont certainement pas étrangers. Il faut donc les prolonger.

Ces efforts sont d'abord salariaux. La nouvelle grille indiciaire des sous-officiers supérieurs est finalement entrée en vigueur le 15 décembre dernier, avec un peu de retard. Quant à la nouvelle grille indiciaire des officiers, elle devrait s'appliquer à compter du 1er novembre prochain. Souhaitons que le calendrier soit tenu.

Une autre mesure très attendue, la première du plan Fidélisation 360 présenté en mars dernier, est l'intégration d'une partie des primes dans le calcul des pensions. Hélas, nous ne sommes pas parvenus à en savoir davantage sur la conception de ce dispositif, et son calendrier est plus flou encore.

À l'origine, celui-ci devait être introduit par voie d'amendement dans le présent projet de loi de finances et entrer en vigueur en 2026. Il est désormais question d'inclure cette disposition dans le projet de loi de finances pour 2026. Dès lors, selon le nouveau mode de calcul, les premiers versements seront réalisés en 2028 : ce n'est pas exactement ce qui était annoncé, monsieur le ministre…

Nous comprenons, bien sûr, la difficulté à tenir l'ensemble des promesses dans un cadre budgétaire devenu extrêmement contraint, mais il ne faudrait pas que l'ajournement de certaines mesures donne le sentiment aux militaires que l'on compose avec les engagements pris. Cela pourrait décourager certains de poursuivre leur carrière, au moment où l'on a le plus besoin d'eux.

Pour le reste, la déclinaison opérationnelle du plan Fidélisation 360 est très attendue sur le terrain : aide à la mobilité familiale, mutation double pour le personnel civil, référencement des médecins traitants pour les personnels en mutation, amélioration du soutien dans l'accès au logement, etc.

Enfin, le programme 212 comporte des crédits pour la réalisation de chantiers numériques de grande ampleur visant à moderniser les systèmes d'information des ressources humaines, des réservistes et des recrutements. Les enjeux financiers sont importants, mais les gains d'efficacité attendus sont élevés. Il faudra y être attentifs – nous savons, dans cette maison, combien les grands chantiers informatiques ont parfois posé problème par le passé.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption des crédits du programme 212. Mon groupe, lui, s'est abstenu, considérant que des efforts restent à faire pour respecter la trajectoire de la LPM et tenir l'ensemble des engagements pris. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2025, qui met en œuvre la LPM pour la deuxième année consécutive, avec sa marche de 3,3 milliards d'euros, constitue un moment de clarification.

En effet, le ministère des armées évoque non plus un « passage à l'économie de guerre », mais, de manière plus réaliste, une « préparation à l'économie de guerre ». Nous avions vivement regretté l'emploi de cette expression l'an dernier, car elle ne correspondait pas à la réalité. Reste à savoir ce qu'il en est aujourd'hui.

Les déplacements que nous avons effectués à Bourges et à Roanne dans le cadre des travaux de la commission ont montré que les choses bougeaient. Les processus de fabrication ont été adaptés afin d'accroître la cadence de production. Les industriels ont pris sur eux pour investir dans des machines-outils ultramodernes et constituer des stocks de composants.

Le contexte invite donc à poursuivre les relocalisations en France de notre industrie de défense, qui demeure très fragilisée, notamment pour ce qui est des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous aimerions savoir ce que le Gouvernement a prévu pour aider ce tissu local indispensable à nos grands groupes.

Si nous nous réjouissons de cette remontée en puissance, que les 19 milliards d'euros du programme 146 devraient conforter en 2025, il convient néanmoins d'être réalistes sur notre capacité à supporter un affrontement de haute intensité. En effet, l'état-major a pris un engagement sur deux mois pour définir ses besoins en matière de matériel, de munitions et de logistique. D'après le retour d'expérience de l'exercice Orion, ce délai ne serait que de quelques semaines.

Quoi qu'il en soit, il est trop bref pour permettre aux industriels de passer en économie de guerre. C'est la raison pour laquelle nous demandons de porter de deux à six mois la durée du référentiel retenu par les armées pour préparer un affrontement de haute intensité.

Parmi les priorités de l'année 2025 figure également le renouvellement des composants de la dissuasion nucléaire, tant aéroportée qu'océanique. Ces choix nous engageront pour au moins deux générations.

Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que le calendrier des différents programmes sera bien respecté et que ceux-ci n'auront pas à souffrir de retards de commandes et des reports de charges ? Car nous sommes inquiets d'une remise en cause de la LPM par le bas, à travers la multiplication des entorses au principe même des lois de programmation. (M. le ministre proteste.)

Devant la commission, vous avez indiqué que vous réfléchissiez à ce que les missions de réassurance à l'est de l'Europe ne soient plus considérées comme des Opex financées par un effort interministériel. Vous avez même estimé qu'elles pourraient être financées directement par les crédits de la mission « Défense ». Qu'en sera-t-il exactement en 2025 ? Avec quelles conséquences pour la LPM ?

Monsieur le ministre, nous avons besoin de clarté dans nos objectifs et de constance dans les moyens, car les défis à relever sont importants. C'est notamment vrai en ce qui concerne l'avenir du système de combat aérien du futur (Scaf). Ce projet européen demeure complexe. On doute des capacités de certains industriels qui ont rejoint le programme, et des désaccords demeurent sur les spécifications du futur avion.

En commission toujours, vous avez rappelé plusieurs lignes rouges, surtout en ce qui concerne l'emport du missile nucléaire, la capacité à apponter et la possibilité pour la France d'exporter le successeur du Rafale. L'absence de consensus sur tous ces points rend indispensable – voire incontournable – l'organisation d'un débat au Parlement en 2025. Il est urgent que nous nous interrogions sur l'intérêt pour la France de poursuivre ce programme et que nous envisagions d'autres options.

En conclusion, nous nous inquiétons des insuffisances persistantes de ce programme 146 pour nous préparer aux affrontements de haute intensité et des nombreuses impasses qui jalonnent ce budget : actions non financées, report de charges, référentiels insuffisants.

Telles sont les raisons pour lesquelles mon groupe s'abstiendra lors du vote sur ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage les inquiétudes de ma collègue Hélène Conway-Mouret sur l'avenir du programme Scaf.

J'ajouterai que le système principal de combat terrestre (MGCS), l'autre grand programme mené en coopération avec les Allemands, n'est pas dans une meilleure situation depuis l'accord signé entre Rheinmetall et Leonardo, en juillet 2024, pour développer le Panther KF51.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce n'est pas le même programme !

M. Hugues Saury, rapporteur pour avis. L'accord politique entre les gouvernements n'est pas soutenu par les industriels allemands, ce qui, à l'évidence, envoie un mauvais signal pour ce qui est d'une future défense européenne.

La création de la holding KNDS devait permettre de disposer d'un « Airbus de l'armement terrestre ». Or, aujourd'hui, cette entreprise ne peut proposer aucun produit réalisé en commun, et la partie française se voit refuser la commercialisation d'un char qui serait composé d'une tourelle française, avec un canon innovant, et d'un châssis allemand. Il s'agit de ne pas faire de l'ombre à Rheinmetall…

Ce n'est pas notre conception de la coopération franco-allemande, monsieur le ministre. Nous croyons en des coopérations équilibrées, respectueuses et innovantes. Or nous n'en prenons pas le chemin.

Si le Scaf et le MGCS retiennent notre attention, les moyens significatifs mais contraints de la LPM réduisent notre capacité à adapter nos matériels aux nouvelles menaces. Les frégates de défense et d'intervention (FDI), par exemple, n'ont pas été armées pour des combats de haute intensité. Quant aux navires et aux blindés, ils n'ont pas été prévus, dans leur conception initiale, pour lutter contre les drones.

Concernant les feux en profondeur et le successeur du lance-roquettes unitaire (LRU), nous avons pris trop de retard. Ainsi, nous ne parviendrons pas à respecter l'échéance de 2027 pour le retrait des matériels existants. Toutefois, le Gouvernement s'est engagé à commander les nouveaux lance-roquettes à la fin de l'année 2025, à l'issue de la compétition organisée entre deux groupements d'entreprises françaises. Il y a urgence, nous ne devons donc plus tarder !

J'en viens au lancement du standard F5 du Rafale. Cet avion devra être capable de délivrer le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G) qui sera plus lourd que le missile actuel. Or la LPM n'a pas prévu l'ouverture de crédits pour financer le projet T-REX qui permettrait de faire évoluer le moteur M88, nécessaire à la manœuvrabilité de l'avion et indispensable à la sécurité des pilotes. (M. le ministre le conteste.)

Nous souhaitons que des efforts soient faits pour réaliser cette évolution indispensable au succès du standard F5. Elle sera même décisive pour désigner l'appareil qui succédera au Rafale.

L'année 2025 constituera également un rendez-vous important pour le nouveau porte-avions nucléaire. Toutefois, le Gouvernement a reconnu qu'il manquait 1 milliard d'euros sur la période 2025-2027 pour entamer sa construction.

Bref, nous avons besoin d'y voir plus clair sur le financement de ces grands projets d'intérêt majeur. Ma collègue Hélène Conway-Mouret a raison sur un point : les annulations de crédits ne sont pas compatibles avec les investissements à réaliser. De même, le recours croissant aux reports de charges n'est pas plus rassurant pour l'avenir de la LPM.

Dans l'immédiat, le respect de la marche des 3,3 milliards d'euros, subordonné à l'adoption du présent projet de loi de finances, est indispensable. Aussi, compte tenu du maintien de cette marche budgétaire, la commission affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du programme 146. (Mmes Marie-Arlette Carlotti et Hélène Conway-Mouret, rapporteures pour avis, applaudissent. – M. Cédric Perrin applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Michelle Gréaume.

Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir augmenté de 46 % depuis 2017, les crédits de la mission « Défense » progressent de nouveau de 3,3 milliards d'euros cette année.

Le poids énorme et la croissance exponentielle de ce budget me préoccupent grandement, alors que, dans le même temps, d'autres budgets de la nation – consacrés au climat, à la réindustrialisation, au logement, à la santé, à l'éducation – font face à une contraction de leurs crédits. À titre d'exemple, en 2030, l'investissement dans le seul nucléaire militaire coûtera 21 millions d'euros par jour, soit le coût d'un collège !

Il est difficile de ne pas faire le parallèle entre l'augmentation de 7,5 % de ce budget et la diminution de 35 % des crédits consacrés à l'aide publique au développement (APD), qui se réduit comme peau de chagrin. Cette asymétrie des trajectoires budgétaires inquiète profondément notre groupe, tant elle symbolise l'implication de notre pays dans la grande dérive militariste planétaire, et contribue par là même au chaos mondial.

Privilégier de manière aussi manifeste le recours à la loi du plus fort et à la puissance militaire au détriment du partage, du dialogue, de la diplomatie et de la recherche de solutions pacifiques, en pensant ainsi nous protéger des innombrables insécurités collectives qui menacent notre nation, constitue une lourde erreur stratégique.

L'année 2025 sera marquée par le lancement officiel du porte-avions de nouvelle génération, dont le coût final s'élèvera à 10 milliards d'euros. Symbole et instrument type des guerres expéditionnaires, son prédécesseur, le Charles de Gaulle, a été utilisé en Afghanistan, en Irak et en Libye.

Depuis vingt ans, ces expéditions n'ont réglé aucun des problèmes posés, sans pour autant que la bravoure, le professionnalisme et l'exemplarité de nos soldats soient en cause, cela va de soi. Reste que la construction de ce nouveau bâtiment signe la persistance d'une logique produisant chaos, déstabilisation des États et violences, et contribuant à la persistance des conflits et du terrorisme. C'est la manifestation d'une logique archaïque de projection, dont nous récoltons d'ailleurs encore les fruits amers en Afrique.

La mission menée du 26 avril au 10 mai 2024, qui a mis notre porte-avions sous contrôle américain de l'Otan, confirme bien notre stratégie de rapprochement, voire d'alignement toujours plus étroit avec l'Alliance atlantique. Le bloc atlantiste, qui n'offre qu'une cohérence de façade, est incapable d'enrayer les velléités bellicistes et expansionnistes de certains de ses membres.

J'en veux pour preuve la Turquie d'Erdogan qui, animée par la nostalgie de l'Empire ottoman, veut étendre sa toile en Syrie en éliminant les démocrates et laïcs kurdes et en encourageant le retour des réfugiés syriens, quitte à soutenir et financer l'État islamique.

Songeons également aux propos expansionnistes de Donald Trump concernant le canal de Panama, le Canada et le Groenland, ainsi qu'aux propos interventionnistes d'Elon Musk, qui soutient le développement d'une internationale d'extrême droite en Europe.

Devons-nous nous résigner, nous, Français, à osciller entre une opposition largement passive et la soumission ? Sommes-nous contraints de nous rallier aux pratiques et aux valeurs de cette nouvelle Amérique ?

L'Otan, depuis sa fondation, repose sur une promesse simple : protéger collectivement ses membres contre une agression extérieure. Mais que se passe-t-il lorsque l'agresseur potentiel n'est autre qu'un membre de cette alliance ?

Si mon groupe a toujours été constant sur cette question, je veux aujourd'hui réaffirmer sa position avec force. Les récentes déclarations de Donald Trump redéfinissent la nature de l'Otan : le futur président américain souhaite transformer ce pacte collectif de défense en un instrument au service des ambitions américaines.

Dans ce contexte inédit de menaces pour la souveraineté du territoire européen, il est vital que la défense de nos territoires nationaux passe par une consolidation de nos forces conventionnelles. Ne sacrifions pas notre défense au profit d'outils de projection aux coûts budgétaires élevés, qui servent des opérations extérieures conduites sous l'égide des États-Unis.

Je le dis avec gravité : face à la dégradation du contexte stratégique et à la guerre en Ukraine, l'adoption d'une nouvelle loi de programmation militaire nous semblait justifiée, mais, désormais, les velléités expansionnistes américaines marquent un tournant et doivent nous amener à reconsidérer le modèle d'armée à suivre.

Ainsi, nous regrettons la priorité donnée à une répartition des crédits, qui privilégie de manière substantielle nos capacités de projection au profit d'une Amérique qui apparaît de plus en plus menaçante, et ce au détriment de la stricte défense de nos territoires et de nos plus proches alliés.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous appelons votre attention sur les fondements stratégiques de ce budget, qui sont, selon nous, à reconsidérer. Et c'est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote des crédits de la mission.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Rachid Temal applaudit également.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, malgré la récente dissolution de l'Assemblée nationale et une non moins récente motion de censure, vous êtes présent ce matin devant nous, tel un rescapé des soubresauts chaotiques de notre vie politique. Vous présentez aujourd'hui un budget intact, résistant au violent coup de rabot qui affecte pourtant la quasi-totalité des missions de l'État.

Alors que, mission budgétaire après mission budgétaire, le gouvernement Bayrou aggrave la copie du gouvernement Barnier, à coup d'amendements de dernière minute imposés par Bercy – ce qui incommode d'ailleurs tous vos collègues qui se succèdent au banc des ministres –, vous tenez bon, comme un phare dans la tempête, contre la mainmise des comptables.

M. Antoine Lefèvre. Quel talent !

M. Guillaume Gontard. Ainsi, la LPM poursuit-elle sa trajectoire sans accroc, dotée de 3,3 milliards d'euros de crédits de paiement supplémentaires, quand la dépense publique doit être réduite de plus de 30 milliards d'euros cette année. Avec la mission « Sécurités », il s'agit de la seule mission dont le budget est en hausse.

Cela ne relève pas de votre responsabilité, monsieur le ministre, mais permettez-moi de dire à nouveau qu'un État qui abaisse l'ensemble de ses ambitions, à l'exception de celles qui touchent à sa défense et à sa sécurité intérieure, adresse à sa population un message des plus anxiogènes.

M. Christian Cambon. Incroyable !

M. Guillaume Gontard. Nous sacrifions l'avenir au présent, en obérant au passage les inquiétudes de demain, à commencer par le dérèglement climatique.

La méthode du gouvernement auquel vous appartenez est scandaleuse. Enjamber la censure et reprendre l'examen du budget là où il s'était arrêté en décembre, sans permettre de réexaminer le volet recettes, est dommageable d'un point de vue démocratique et met en cause notre capacité à résorber le déficit public.

Cela étant, nous n'ignorons rien du contexte géopolitique déliquescent actuel, encore aggravé par la réélection de Donald Trump, qui inquiète les démocraties et réjouit les autocraties.

Alors qu'une épée de Damoclès pèse sur l'Ukraine, que l'incertitude autour de l'avenir de l'Otan est totale, que le droit international est piétiné aux quatre coins du monde, à commencer par le Proche-Orient, et que la loi du plus fort régit de plus en plus les relations entre les nations, il n'est pas raisonnable de faire l'économie de l'effort de réarmement national engagé depuis une décennie.

Néanmoins, nous continuons d'exprimer des réserves. Si nous nous sommes abstenus lors du vote de la LPM, c'est parce que nous craignions l'évolution exponentielle de cette trajectoire budgétaire destinée à préserver et à développer une armée complète, tout en renouvelant notre dissuasion nucléaire et en affirmant nos ambitions en matière de défense cyber, spatiale et sous-marine.

Nous le craignons d'autant plus aujourd'hui que cette situation est amenée à se répéter dans l'actuelle période de pénurie budgétaire, laquelle devrait se poursuivre plusieurs années encore, puisqu'il nous faut mettre fin au dérapage des finances publiques provoqué par votre propre incurie.

Pour y parvenir, et parce que vous vous refusez toujours à augmenter nos recettes, vous vous permettez à nouveau d'hypothéquer notre avenir en réduisant les crédits de l'éducation nationale, de l'écologie et des collectivités, qui assurent pourtant nos investissements, en somme le budget de toutes les missions de l'État.

Plus que jamais, il nous semble indispensable, sur le plan tant politique que financier, de bâtir l'Europe de la défense. Or, avec un Président de la République française démonétisé et un chancelier allemand sur la sellette, la tâche, à court terme, s'annonce ardue.

Toutefois, nous saluons l'action du nouveau commissaire à la défense et à l'espace, Andrius Kubilius, pour renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne et avancer sur l'intégration de nos politiques de défense.

Monsieur le ministre, nous avons reçu avec une certaine circonspection le discours très cocardier que vous avez prononcé aux Invalides, le 7 janvier dernier. Vous avez affirmé vouloir conduire un projet de simplification des procédures européennes. Pour notre part, nous considérons que c'est à la France de se plier aux exigences européennes, notamment en matière de contrôle de ses exportations d'armement, et non l'inverse.

Concernant la négociation en cours sur le programme européen pour l'industrie de la défense (Edip), vous avez déclaré : « En la matière, il vaut mieux ne rien faire que faire mal. » Nous ne partageons pas votre sentence. : au vu de la difficulté de la tâche, en effet, « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras » ! Il nous faut impérativement avancer, malgré un contexte contraint.

Compte tenu des freins que vous semblez multiplier, nous comprenons mal comment le pouvoir exécutif compte atteindre l'objectif d'un « programme massif d'investissements européens » et mettre en œuvre son ambition « d'assumer une préférence européenne », comme s'y est assigné le Président de la République lors de la conférence des ambassadeurs, à la veille de votre discours. Nous vous invitons à éclairer la représentation nationale sur ce point et à apporter des éclaircissements sur cette apparente contradiction, monsieur le ministre.

Fidèles à leur position de toujours, et constatant que la France a de moins en moins les moyens budgétaires de ses ambitions militaires, les écologistes continueront à plaider pour une plus forte intégration des politiques de défense des Vingt-Huit.

Pour toutes ces raisons, et particulièrement dans un contexte budgétaire étouffant, ils s'abstiendront lors du vote des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi en préambule de saluer la récente signature d'un accord de cessez-le-feu à Gaza. Nous espérons que les otages qui doivent être libérés la semaine prochaine, dont deux sont français, seront en bonne santé. (M. le ministre approuve.) Ce moment est important, après des mois de violence et de mort. (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.)

Je souhaite également rendre hommage à l'ensemble de nos forces armées pour le professionnalisme dont elles font preuve, non seulement sur le territoire national, mais aussi à l'étranger. Je pense notamment aux troupes françaises qui se trouvent encore dans nos bases en Afrique – j'en dirai un mot tout à l'heure – ou à celles qui sont actuellement déployées en Roumanie, conformément à l'accord-cadre de l'Otan. N'oublions pas non plus nos militaires membres de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) qui, ces dernières semaines, ont parfois été la cible de tirs.

Par ailleurs, je veux saluer le retour dans notre hémicycle de Mme la ministre déléguée Patricia Mirallès, avec qui nous avons travaillé dans le cadre de l'examen de la proposition de loi portant reconnaissance de la Nation envers les harkis. J'en profite, madame la ministre, pour vous indiquer que je souhaiterais que ce texte puisse être amélioré.

Je tiens également à saluer la présence de M. le ministre Sébastien Lecornu, lequel a su, une fois de plus, conserver son portefeuille,…

M. Christian Cambon. Flatteur !

M. Rachid Temal. … et obtenir un budget à la hauteur, non pas de ses ambitions personnelles, mais de celles de la France, afin qu'elle puisse faire face aux enjeux du monde actuel.

En 2024, la moitié des pays du monde ont connu des élections. Leur issue a démontré que les démocraties illibérales prennent le pas sur les démocraties libérales que nous connaissions jusqu'alors. C'est le cas en Europe, mais pas seulement : voyez ce qu'il advient de la première puissance économique et militaire du monde, les États-Unis.

Nous devons agir, car le monde change. Il nous faudra notamment réviser totalement la revue nationale stratégique. Il y a quelques mois encore, nous parlions du retour des empires contrariés. Dorénavant, il est clair que l'ère des empires puissances est de retour – tâchons de nous en souvenir.

En 1989, on parlait de « fin de l'histoire » ; on imaginait que la paix et la démocratie étaient enfin revenues. Or Poutine est arrivé au pouvoir en Russie et s'est imposé avec ses guerres permanentes ; d'abord menées loin de nos yeux, elles font aujourd'hui rage sur le territoire européen. Autre tournant, le 11 septembre 2001 et le djihadisme mondial sont venus percuter nos sociétés.

Dorénavant, chaque État essaie de jouer sa partition, tantôt en s'alliant avec d'autres puissances – je pense à la Russie et à la Turquie –, tantôt en s'alliant les uns contre les autres – songeons au territoire syrien et à la stratégie que mènent les deux mêmes protagonistes. Dès lors, il convient de nous interroger sur le rôle de la France et, plus généralement, sur le rôle de nos démocraties.

Même la dissuasion nucléaire, doctrine que nous soutenons sans réserve, semble remise en question aujourd'hui. En effet, face aux menaces, se profilent désormais des guerres informationnelles. À cet égard, je vous renvoie au travail que j'ai conduit avec Dominique de Legge dans le cadre de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères. Nous constatons que des États comme l'Azerbaïdjan, qui n'ont ni une puissance militaire ni une capacité de dissuasion nucléaire comparable à la nôtre, sont en mesure de nous faire très mal.

La guerre informationnelle est une réalité. D'ailleurs, l'administration Trump a une idée extrêmement claire et précise de ce qu'elle doit faire en ce domaine.

À ce stade de mon intervention, il me semble intéressant de faire un parallèle entre Donald Trump et le président chinois. Certes, la façon dont ils ont été élus ou leur conception de la démocratie diverge. Mais voilà deux dirigeants qui ont choisi la manière forte, celle de la puissance, et qui partagent une même vision de l'hégémonie territoriale de leur pays : Trump lorgne le Groenland, le Panama et le Canada, quand Xi Jinping convoite Taïwan.

États-Unis et Chine ont tous deux décidé d'utiliser leurs armes commerciales et militaires, mais aussi de devenir des puissances technologiques. Chacun a sa propre manière de s'imposer : d'un côté, on observe le rôle croissant des entreprises de la big tech sur les instituts de défense ; de l'autre, c'est l'État chinois qui exerce directement un contrôle sur l'information.

Dans ce contexte, je pense que nous avons besoin d'une défense française extrêmement puissante. Certains préféreraient que, dans ce domaine, nous nous entendions avec d'autres puissances. Pourquoi pas ?

Prenons d'abord l'exemple de l'Otan. Lors du dernier Forum transatlantique, les Américains ont appelé les États membres de l'Alliance à consacrer davantage de moyens à leur défense : on parle de porter l'effort de 2 % à 4 % du PIB ! Cela doit nous conduire à nous interroger.

Et l'Europe ? Le président de la Banque centrale européenne (BCE) vient d'annoncer qu'il fallait que nous achetions des armements américains : il y a de quoi tomber de sa chaise !

La Commission européenne, de son côté, a annoncé préparer un livre blanc. C'est une bonne chose, mais elle entend aussi recourir à un simple règlement européen pour créer un marché unique de l'armement, sans en référer aux parlementaires nationaux. Ce n'est pas faire injure à l'Union européenne que de rappeler ce qui s'est passé pour le marché unique de l'électricité. (M. le ministre rit.) Il y a de quoi se poser des questions !

Dans ces conditions, à quel avenir nos entreprises d'armement peuvent-elles s'attendre ? Serons-nous capables, demain, d'assurer notre défense avec notre propre stratégie ? Je vous le redis, monsieur le ministre, il est temps que notre pays revoie sa revue nationale stratégique.

Lors de l'examen de la LPM, nous avions discuté du repositionnement de nos bases en Afrique – c'est à cette époque que le Président de la République avait nommé notre ancien collègue Jean-Marie Bockel comme envoyé spécial. Sur ce continent, les choses sont simples aujourd'hui : à l'exception de Djibouti, la feuille de route est une feuille blanche…

Je ne formule aucun grief à votre égard, monsieur le ministre, mais il importe de repenser notre stratégie en Afrique. Sans parler de l'action de notre pays dans l'Indopacifique, au sujet de laquelle nous avons été un certain nombre de sénateurs à rédiger un rapport en 2023. Là encore, il reste beaucoup de chemin à faire…

Nous ne pouvons pas laisser les choses en l'état. Il faut changer de méthode ! Le président de la commission des affaires étrangères, Cédric Perrin, sera d'accord avec moi : dans les prochaines semaines, il est impératif que nous soyons associés au cœur des réflexions qui seront menées sur ces enjeux stratégiques, vitaux, et même civilisationnels.

Le 20 janvier prochain, nous changerons d'ère, et pas du seul fait de Donald Trump. En effet, ce dernier doit être considéré non pas isolément, mais dans un ensemble global ; nous devons en tous les cas prêter attention à la logique qui est la sienne.

J'en viens aux crédits de la mission. Chacun a pu s'exprimer sur cet aspect budgétaire et, notamment, notre excellent rapporteur spécial, Dominique de Legge, dont je partage l'analyse.

À l'époque, nous avons longuement débattu, ici même, avec la majorité sénatoriale, des 413 milliards d'euros d'efforts en faveur de notre défense ; rappelez-vous en particulier de l'intervention qu'avait faite le président Retailleau à cette occasion. Il avait fallu trouver le bon équilibre pour qu'en définitive nous votions la loi de programmation militaire.

Depuis 2022, nous constatons une augmentation de 75 % du report de charges, qui est passé, en proportion des crédits, de 14 % en 2021 à 20 % en 2024, soit l'équivalent d'une marche supplémentaire à franchir. Cette situation suscite naturellement des interrogations, notamment pour la fin de la programmation militaire.

Il est donc primordial qu'en vue de la prochaine revue nationale stratégique un débat ait lieu sur ces aspects financiers : il est indispensable de rendre soutenable la trajectoire de la LPM. Chacun doit en prendre conscience : davantage de moyens doivent être alloués.

C'est du reste la raison pour laquelle le groupe socialiste a proposé, sans succès jusqu'ici, la création d'un livret d'épargne défense souveraineté. Nous devons expliquer aux Français que, au-delà du rendement du livret lui-même, leur épargne contribuera à leur sécurité future, car elle financera les capacités militaires et de défense de notre pays.

Monsieur le ministre, c'est donc bien parce que nous nous interrogeons sur cette trajectoire budgétaire que nous demandons la révision de la revue nationale stratégique.

Je profite de cette occasion pour rappeler que les socialistes, eux aussi, ont toujours été attachés à notre défense nationale. Vous vous référez souvent à votre héritage gaulliste, ce qui est louable ; nous pouvons, quant à nous, invoquer François Mitterrand et sa conviction de la nécessité de la dissuasion nucléaire. Nos deux familles ont d'ailleurs œuvré de concert pour garantir une forme de continuité entre les grands pôles politiques de droite et de gauche autour de cette approche de la dissuasion et de la défense. C'est la raison pour laquelle nous sommes, les uns et les autres, si impliqués sur ce sujet aujourd'hui.

J'en termine par une remarque qui concerne directement le Sénat. Au-delà des seules discussions financières, nous devrions organiser de temps à autre des débats en séance publique sur les questions relatives à la défense. Nous limiter à en parler une fois par an, à l'occasion du débat budgétaire, ne suffit pas. À ce titre, sachez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que notre groupe demandera l'inscription à l'ordre du jour de notre assemblée d'un débat sur les conséquences de l'élection de Donald Trump, en particulier sur la politique française.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons lors du vote des crédits de cette mission, mais il s'agit bel et bien d'une abstention d'alerte et de soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Marques dubitatives sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)

M. Christian Cambon. Pourquoi vous abstenir après un discours si formidable ?

M. Olivier Cigolotti. La chute n'était pas au niveau du reste du propos !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Mme Marie-Claude Lermytte applaudit.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, votre présence en nombre ce matin atteste de l'importance particulière de cette mission, qui regroupe 60 milliards d'euros de crédits de paiement.

Il y a plus d'une décennie, une guerre a débuté sur notre continent par une annexion. Nombreux sont ceux qui ont été tentés de s'en accommoder. Voilà bientôt trois ans que cette guerre a repris et, désormais, sa haute intensité nous contraint tous à reconnaître que la paix nécessite des capacités militaires de poids.

Après l'invasion de la Crimée, l'élection de Donald Trump en 2016 aurait dû inciter l'Europe à bâtir sa souveraineté. Hélas, nos partenaires européens ont continué à déléguer leur sécurité.

Dix ans plus tard, trois ans après l'invasion de l'est de l'Ukraine, quelques mois après la réélection de Donald Trump et peu de temps après que des câbles sous-marins ont été sectionnés, la situation n'a toujours pas fondamentalement évolué. Les vingt-sept pays européens ne comptent toujours qu'un seul porte-avions : le nôtre !

Le réveil est néanmoins en cours chez certains de nos partenaires européens. Les dépenses militaires des États membres ont ainsi augmenté de plus de 30 % depuis 2021 et devraient atteindre cette année 326 milliards d'euros, soit 1,9 % du PIB de l'Union européenne.

La France, quant à elle, n'a pas renoncé à entretenir ses capacités militaires et occupe une place particulière au sein de la défense européenne. Cependant, elle doit assurer la défense de son territoire hexagonal et ultramarin, ainsi que de la deuxième zone économique exclusive la plus étendue du monde. Nos armées peuvent beaucoup, mais elles ne peuvent pas tout.

Je saisis l'occasion pour remercier l'ensemble de nos militaires, qui méritent beaucoup de respect et de reconnaissance.

Alors que notre pays fait face à des contraintes budgétaires particulièrement fortes, le Gouvernement a fait le choix de poursuivre l'exécution de la loi de programmation militaire, un effort représentant cette année 2,1 % du PIB pour la mission « Défense », soit 60 milliards d'euros en crédits de paiement. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Cet effort significatif place les armées au deuxième rang des politiques publiques les plus prioritaires, après l'éducation nationale, même s'il convient de souligner le poids croissant de la dette. Un tel effort pour nos armées et la défense revêt une importance capitale. Les dépenses militaires sont en hausse partout dans le monde ; il en est de même pour notre pays.

Outre la défense du territoire national et des Français, nos armées se doivent également de soutenir nos alliés. Ainsi, l'armée de l'air et de l'espace a cédé vingt-quatre Rafale à la Grèce et à la Croatie et plusieurs Mirage 2000 à l'Ukraine, laquelle a également reçu des canons Caesar de la part de l'armée de terre.

Ces efforts sont nécessaires pour défendre les valeurs et les intérêts de la France, ils requièrent cependant d'importants moyens. Les défis sont nombreux, qu'il s'agisse du maintien en condition opérationnelle des matériels existants, de la conception de ceux qui les remplaceront demain, comme le porte-avions de nouvelle génération, et, ce tout en garantissant une dissuasion crédible.

Sans les femmes et les hommes engagés pour la défense de la France, ces matériels ne seraient rien. Nous voulons rendre hommage au courage et au professionnalisme de nos soldats, de nos militaires, en y associant les réservistes.

Je prendrai l'exemple du département des Ardennes. Monsieur le ministre, vous connaissez bien le 3ᵉ régiment du génie. (M. le ministre opine.), puisque vous vous êtes encore récemment rendu à Charleville-Mézières où ce régiment historique est basé. Les liens qu'il entretient avec l'éducation nationale, à travers les classes de défense, les collèges et les lycées, sont importants.

N'oublions pas le passé militaire de nos départements. Malheureusement, dans certains d'entre eux, il ne reste plus que le délégué militaire départemental ; c'est pourquoi nous sommes si attachés non seulement à nos régiments, mais aussi à nos amicales régimentaires.

Gardons enfin à l'esprit la place de nos militaires dans le cadre de l'opération Sentinelle, qui joue un rôle si important pour notre pays.

Il nous faut indubitablement continuer à susciter des vocations, recruter et intégrer de jeunes militaires. C'est primordial. À cet égard, nous devons veiller à ce que les conditions de travail rendent la vocation militaire plus attrayante, un facteur important de l'accroissement des effectifs, mais également de la fidélisation dans les armées.

Le contexte actuel est lourd de menaces. Il y a quelque temps, la Russie a tiré un missile balistique hypersonique à capacité nucléaire sur l'Ukraine ; au Moyen-Orient, la chute de Bachar el-Assad constitue certes une bonne nouvelle dans l'absolu, mais la situation demeure explosive ; enfin, la Chine poursuit son action contre les démocraties et se montre particulièrement agressive envers Taïwan.

Partout, les tensions s'exacerbent. Par la diplomatie, la France doit s'efforcer de les apaiser, mais elle doit également se doter des moyens d'affronter des conflits plus durs. La sécurité de nos concitoyens et de nos alliés implique un strict respect de la loi de programmation militaire, qui s'avère fondamentale à travers de nombreux dispositifs.

Ne l'oublions pas : cette mission « Défense » est essentielle. C'est la raison pour laquelle pour laquelle le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de l'adoption de ses crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE, RDPI et SER.)

M. Cédric Perrin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le temps perdu, paraît-il, ne se rattrape jamais. Et pourtant, c'est bien à cela que nous devons nous atteler aujourd'hui : rattraper les précieuses semaines que nous a fait perdre la censure endossée à l'Assemblée nationale par une alliance des contraires improbable et assez irresponsable.

Ces semaines sont précieuses, car, dans le domaine militaire plus que dans d'autres, le temps est toujours un élément capital. En matière opérationnelle, bien sûr, mais aussi en matière financière, car tous les crédits qui ne sont pas engagés au moment opportun, toutes les sommes qui ne sont pas décaissées en temps voulu se traduisent par des décalages dans la conduite des programmes.

In fine, c'est la remontée en puissance de nos industriels qui se voit entravée ; c'est le soutien, l'équipement et la préparation de nos forces qui se trouvent compromis ; et c'est avant tout la sécurité des Français qui est mise en jeu.

Dans le contexte que nous connaissons, moins que jamais, nos armées ne peuvent se payer le luxe d'attendre. Il leur faut au plus vite un budget, et j'ajouterai un bon budget !

Malgré les vicissitudes de notre vie politique, malgré l'état de nos finances publiques, il était indispensable que celui-ci puisse, a minima, demeurer conforme au cadencement prévu par la LPM à laquelle, mes chers collègues, nous avons largement participé. Avec son esprit visionnaire, le général de Gaulle affirmait que la défense est le premier devoir de l'État et que ce dernier ne peut y manquer sans se détruire lui-même.

Considérer, comme certains d'entre nous dans cette assemblée, qui sont absents aujourd'hui, qu'il y aurait là une source à laquelle puiser de nouvelles économies est purement irresponsable.

M. Christian Cambon. Tout à fait !

M. Bruno Sido. Très bien. !

M. Cédric Perrin. Ce serait choisir de ne pas regarder en face la marche du monde et ignorer que nous avons basculé dans une nouvelle ère, placée sous le signe de la polarisation et de la confrontation, dans laquelle les mouvements tectoniques de l'ordre international se font plus visibles, plus rapides et plus violents.

Je veux parler de l'antagonisme croissant entre Pékin et Washington, à l'ombre duquel se déploie l'opposition entre un supposé « Occident collectif » et un prétendu « Sud global » ; je veux parler du réveil des impérialismes et de l'enhardissement des dictatures qui accélèrent le délitement du multilatéralisme et libèrent le recours à la force ; je veux enfin parler du retour de l'incertitude stratégique pour l'Europe, prise en étau entre une menace russe réaffirmée et une imprévisibilité américaine qui met à l'épreuve la force et la nature du lien transatlantique.

Dans ce nouveau monde, la conflictualité ne fait que s'étendre et se durcir, les menaces s'intensifient et exploitent les évolutions technologiques pour se diversifier. L'essor des conflits confirme que la voûte nucléaire demeure notre garantie ultime de sécurité, mais il nous montre également que celle-ci peut être contournée et que, afin de ne pas en faire une nouvelle ligne Maginot, il nous faut réinvestir dans tous les segments de notre défense.

Parmi les périls qui pèsent aujourd'hui sur la France comme sur ses alliés, le plus vif provient assurément du flanc Est de notre continent. Depuis bientôt trois ans s'y déroule une guerre de haute intensité dont l'Europe avait perdu la mémoire et à laquelle elle demeure loin d'être préparée, une guerre dans laquelle les Ukrainiens résistent toujours héroïquement, mais de plus en plus difficilement, à l'agression russe.

À l'heure où se met en place une nouvelle administration américaine, qui pourrait radicalement changer la face du conflit, nous ne pouvons pas manquer à nos engagements ni renier nos propres intérêts. Dans cette phase si périlleuse pour l'Ukraine, le soutien que nous lui apportons ne saurait donc fléchir tant que, sur le terrain, son courage et sa volonté lui permettent de tenir.

Au-delà de ce théâtre, de nombreux autres conflits engagent notre sécurité. Au Moyen-Orient, bien sûr, où s'opère une vaste recomposition, à la fois chaotique et violente ; dans le Caucase, où, après avoir rayé le Haut-Karabagh de la carte, les visées panturques constituent désormais une menace existentielle pour l'Arménie ; dans l'Indo-Pacifique, où nos outre-mer font l'objet de toutes les convoitises, voire de toutes les déstabilisations, et où l'expansionnisme chinois vient de plus en plus souvent heurter la souveraineté de ses voisins.

Dans toutes ces zones, les armées françaises apportent leur coopération et contribuent à la stabilité. De la mer Rouge à la Jordanie, de l'Europe occidentale aux rivages asiatiques, elles prouvent chaque jour leur valeur. Elles permettent à la France de tenir son rang dans le concert des grandes puissances militaires ; je tiens ici à leur exprimer de nouveau notre profonde gratitude et à saluer le dévouement sans faille des hommes et des femmes qui servent sous nos drapeaux.

Dans le même élan, je souhaite souligner que le meilleur hommage que nous puissions leur rendre, c'est de nous assurer qu'ils disposent des moyens dont ils ont besoin. Il s'agit à mon sens d'un engagement moral : celui de respecter les femmes et les hommes qui servent sous le drapeau tricolore. Ces militaires qui mettent leur vie en jeu pour protéger les nôtres méritent une armée à la hauteur de leur courage et de leur dévouement.

Or, si je me réjouis bien évidemment que la trajectoire financière de la LPM soit respectée, il me semble également nécessaire d'en souligner certaines limites qui se font jour.

En effet, 2025 sera une année charnière de la programmation, avec pas moins de 51 milliards d'euros engagés en matière d'équipement. Pour plus des deux tiers, ces crédits seront consacrés à des chantiers d'avenir : la modernisation de notre dissuasion nucléaire, le remplacement de notre porte-avions ou encore le passage du Rafale au standard F5.

Ces incontournables de notre posture stratégique sont des éléments fondamentaux pour nos armées, comme pour notre base industrielle et technologique de défense (BITD), et cela nous oblige naturellement à les maintenir au plus haut niveau d'efficacité.

Cependant, il est à noter que le coût de ces programmes structurants semble avoir été évalué au plus serré. Par ailleurs, et même si les crédits seront décaissés sur le temps long, il faut garder à l'esprit que ces dépenses contribueront à rigidifier la suite de la programmation. Dès lors, elles viendront nécessairement contraindre les marges de manœuvre, lesquelles apparaissent de plus en plus minces.

Nous le savions déjà : les améliorations dues à la LPM sont réelles et certaines sont déjà visibles sur le terrain, mais elles n'aboutiront pas pour autant à des forces étoffées. Aviation de chasse, frégates de premier rang ou programme Scorpion, pour chacune de nos armées, les formats resteront taillés au plus juste.

En outre, nos forces sont désormais confrontées à une multiplication des aléas stratégiques qui se traduit par une sollicitation croissante. Elles assument un soutien à l'Ukraine qui pèse parfois lourd sur certains parcs et sur certaines dotations, et elles sont confrontées à de nouveaux besoins capacitaires qui apparaissent régulièrement dans des domaines tactiquement ou technologiquement très évolutifs.

Préparer l'avenir tout en répondant à ces enjeux immédiats exige donc un budget suffisamment ambitieux pour pouvoir être suffisamment réactif ; à défaut, nous prendrions le risque de voir nos faibles marges opérationnelles se changer en trous capacitaires extrêmement préjudiciables, a fortiori à l'heure du « pivot vers la haute intensité ».

Or, au moment où nous portons notre regard sur l'année 2025, force est de constater que 2024 appelle de notre part une certaine vigilance. Entre reports, gels, surgels et annulations de crédits portés à des niveaux inhabituellement élevés, cet exercice aura en effet connu une exécution pour le moins mouvementée, parfois difficile à retracer, et qui a souvent suscité des interrogations ou de l'inquiétude quant à la bonne mise en œuvre de la LPM.

Cette exécution budgétaire aura surtout mis en exergue les conséquences très directes que peuvent emporter les dépenses exceptionnelles dans le cadre d'un budget qui, certes, augmente, mais qui demeure néanmoins contraint au regard des impératifs stratégiques.

Ainsi, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 a opportunément ouvert 837 millions d'euros de crédits supplémentaires pour prendre en charge les surcoûts opérationnels survenus l'année dernière. (M. le ministre opine.)

Pour autant, dans le même mouvement, il a été procédé dans ce texte à plusieurs annulations ; les crédits du programme 146, notamment, ont été amputés de 532 millions d'euros. De ce fait, on observe à nouveau un lien inquiétant entre surcoûts imprévus, d'une part, et érosion des crédits d'équipement, d'autre part.

Cette situation devra être d'autant plus surveillée que les provisions pour opérations extérieures et missions intérieures ont été largement revues à la baisse sur l'ensemble de la programmation.

Certes, la fin de l'opération Barkhane amoindrit la charge ; certes, on peut espérer que le surcroît d'activités intérieures de 2024 demeure conjoncturel. En revanche, les opérations de réassurance ou de sécurité internationales, telles que Lynx et Aigle en Europe de l'Est, ou Aspides en mer Rouge, semblent s'installer dans la durée.

Tout porte donc à croire que leur financement devra être pris en compte à moyen, voire à long terme, ce que ne permet pas la loi de programmation telle qu'elle est actuellement bâtie.

Enfin, j'insisterai sur les reports de charges. Ceux-ci auront en effet utilement contribué à nous faire franchir la bosse budgétaire liée à l'inflation et au coût des carburants. Mais force est de constater qu'ils s'inscrivent désormais dans une trajectoire qu'il faut maîtriser, d'abord parce qu'ils représentent autant de marges de flexibilité en moins pour le budget des armées, ensuite parce qu'ils font peser une contrainte financière sur les épaules des industriels de la défense et, en bout de chaîne, sur celles des PME.

Le financement de ces dernières reste pourtant une préoccupation majeure, autant qu'un angle mort de la préparation à la haute intensité et à l'économie de guerre. En effet, en dépit des bouleversements de l'environnement stratégique, en dépit de la prise de conscience collective qui s'en est suivie, leur difficulté d'accès aux crédits bancaires semble toujours aussi prégnante.

En particulier, les taxonomies européennes et autres instruments de responsabilité, comme d'ailleurs les politiques internes des banques, n'ont connu aucune évolution notable et perturbent toujours les circuits d'investissement et d'innovation, une situation ubuesque au regard du contexte international et des crises auxquelles nous faisons face. L'état d'esprit des banques doit changer.

Vous le savez, monsieur le ministre, le Sénat a formulé des propositions très concrètes en la matière, et il reste évidemment plus que jamais disponible et mobilisé pour faire aboutir ces idées.

De manière générale, c'est l'environnement global des entreprises de défense qui doit être amélioré, ainsi que cela a été largement souligné lors de l'examen de la LPM. La conduite des programmes s'égare dans trop de complexité et de sophistication ; les normes et les procédures s'empilent, notamment en matière de marchés publics, les règles civiles s'avérant totalement inadaptées aux spécificités de la défense et notamment à l'importance, et surtout au rythme, de l'innovation.

Résultat : des délais indus, des surcoûts inutiles et, parfois, des équipements inadaptés ou trop coûteux. La réorganisation de la direction générale de l'armement (DGA) ou l'évolution de certains de ses process sont à ce titre des jalons importants.

Pour autant, nous sommes encore loin du choc de simplification annoncé, et surtout espéré par les industriels, lesquels attendent aujourd'hui que ce chantier soit approfondi pour qu'eux-mêmes puissent continuer à accélérer.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les défis posés à notre outil militaire sont désormais aussi nombreux qu'exigeants. Ils vont de la conduite des grands programmes d'armement au maintien en condition opérationnelle, de l'innovation à la production en masse, du recrutement et de la fidélisation à l'activité des forces, ou encore, bien sûr, de la sécurité de nos compatriotes à la préservation de la stabilité internationale.

Le général de Gaulle, encore lui, nous avertissait déjà de l'importance de l'anticipation : « l'intelligence consiste à prévoir », disait-il.

Face à l'ampleur de la rupture stratégique que nous vivons et malgré nos profondes difficultés budgétaires, seule la constance de nos efforts permettra de relever ces défis. En ne déviant pas de la ligne d'horizon minimale définie par la LPM, c'est avant tout cette perspective que le projet de loi de finances pour 2025 permet de préserver au bénéfice de nos armées.

Prévoir, c'est investir aujourd'hui dans une armée résiliente et moderne qui pourra répondre aux crises sans compromis sur son autonomie stratégique ; prévoir, c'est aussi refuser que nos soldats soient contraints de faire face à l'adversité sans disposer des moyens nécessaires pour cela.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, investir dans la défense, ce n'est pas céder à une logique belliciste, mais simplement affirmer que la France, forte de son héritage et de son indépendance, doit rester maîtresse de son destin.

Alors, honorons les enseignements de l'histoire, honorons la vision du général de Gaulle et donnons à nos armées les moyens d'assurer la sécurité de notre Nation aujourd'hui et demain.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Olivier Cigolotti, Michel Masset et Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à présenter nos meilleurs vœux aux femmes et aux hommes engagés dans nos armées, sans oublier ceux d'entre eux qui ont fait le sacrifice ultime de leur vie pour le pays, ainsi que leurs proches. Nous ne les oublions pas.

Ce matin, nous examinons les crédits de la mission « Défense » pour 2025 dans un contexte inédit à bien des égards.

Inédit au niveau national, tant nous avons le sentiment que, dans un autre hémicycle, règne la volonté de jouer aux quilles avec les gouvernements plutôt que de légiférer dans l'intérêt général du pays. Cela explique que nous nous retrouvions ce samedi de janvier pour reprendre l'examen d'un budget d'une année déjà entamée.

Inédit également au niveau international, puisque le monde tel qu'il est se caractérise par des crises simultanées et persistantes en de nombreux endroits. En somme, un état de « permacrise » et de « polycrise ».

Ce qui caractérise aussi notre monde, c'est le retour de la puissance à l'état brut, avec des visées affichées de prédation territoriale, de prédation de ressources matérielles et immatérielles, le tout s'accompagnant de nouvelles frontières pour les théâtres d'opérations, notamment dans le cyberespace et le spatial.

L'examen des crédits de cette mission nous renvoie à notre responsabilité profonde de protéger les Français, d'assurer leur défense et celle de nos intérêts. Félicitons-nous que, depuis 2017, les budgets successifs de la mission « Défense » s'inscrivent dans une volonté de réparation, avec une hausse budgétaire continue, passant de 32 milliards d'euros en 2017 à 41 milliards d'euros en 2022, pour atteindre 50 milliards d'euros cette année.

Mes chers collègues, ce budget est l'affirmation d'un choix, celui du strict respect de la trajectoire financière inscrite dans la dernière LPM, et donc du respect du vote des parlementaires.

En dépit d'une situation financière des plus contraintes, la sécurité des Français et les crédits de la mission « Défense » ne seront pas une variable d'ajustement, comme en témoignent ces 3,3 milliards d'euros de crédits additionnels.

Dans quel but ? Notre environnement évolue, nous devons nous adapter, « être souples comme le cuir, mais trempés comme l'acier pour être et durer », aurait dit le général Bigeard.

M. Rachid Temal. Voilà une référence pour le moins douteuse !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Notre environnement stratégique est nouveau et nécessite à la fois des capacités de projection rapide et d'engagement dans des conflits de haute intensité.

La guerre en Ukraine a démontré les besoins en très grande quantité de munitions d'artillerie, de munitions de petits calibres, de systèmes de frappe dans la profondeur et, bien sûr, de drones de différents formats. De fait, nous constatons une augmentation de plus de 12 % des crédits du programme 146. L'année 2025 verra aussi la livraison des missiles moyenne portée (MMP), ces missiles antichars très attendus dans l'armée de terre.

La haute intensité des conflits implique également la mobilisation sur un temps long des ressources humaines. De ce point de vue, le présent budget se veut respectueux de nos forces. Nous touchons là au sujet de la condition militaire, un enjeu majeur et structurel pour l'avenir, en particulier dans une société où l'engagement à long terme et, potentiellement, au sacrifice de sa vie, n'est plus une évidence.

Le ministère l'a bien compris. Je veux saluer l'évolution du plan Famille II, devenu plan Fidélisation 360, avec une nouvelle dynamique, l'amélioration des conditions de vie en emprise militaire, la nouvelle politique de rémunération des militaires, ainsi qu'un certain nombre d'efforts indiciaires.

J'en viens à un point sur lequel nous devons nous mobiliser pour trouver des solutions, notamment avec Bercy : les reports de charges évoqués par le rapporteur spécial Dominique de Legge. Ceux-ci ont augmenté et pourraient représenter le linceul des LPM, car ils alimentent ce que l'on appelle la bosse budgétaire. Or nous ne souhaitons naturellement pas anéantir les efforts réalisés difficilement.

De ce point de vue, les parlementaires sont utiles, car ils peuvent aiguillonner le travail interministériel. Chacun sait que beaucoup a déjà été fait pour soutenir notre base industrielle et technologique de défense (BITD). Continuons dans cette voie.

Notre BITD est en pointe en matière d'innovation : je salue le fait que ce budget permettra la livraison du supercalculateur le plus puissant en intelligence artificielle (IA) militaire classifiée d'Europe. (M. le ministre approuve.) Cette IA va irriguer tous les usages opérationnels.

Il en va de même s'agissant du domaine quantique, et l'observatoire mis en place dans ce domaine sera précieux pour fédérer toute une communauté d'experts. Il convient de ne pas s'attarder, car nos adversaires, nos compétiteurs, ne nous attendront pas.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, à la lumière de tous ces éléments, le groupe RDPI votera avec conviction les crédits de la mission « Défense » pour 2025.

Permettez-moi de profiter du temps de parole qu'il me reste pour remercier et féliciter l'armée des champions, c'est-à-dire les sportifs de haut niveau présents au sein de nos armées. Grâce à tous ces athlètes, nous avons remporté vingt et une médailles, soit 30 % des médailles françaises aux jeux Olympiques de 2024.

Je pense plus particulièrement à l'Icaunaise Eugénie Dorange, qui a permis à l'Yonne d'atteindre la petite finale de canoë,…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Bravo !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. … à l'aviateur Nicolas Gestin, également en canoë,…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Bravo !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. …, au second maître Shirine Boukli,…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Bravo !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. …  ou au matelot Joan-Benjamin Gaba,…

M. Sébastien Lecornu, ministre. Bravo !

M. Jean-Baptiste Lemoyne. … et je pourrais en citer bien d'autres.

Ils ont battu le record mondial de médailles obtenues par des militaires aux jeux Olympiques. Cela en dit long et témoigne d'un état d'esprit d'excellence de nos armées. Nous en sommes fiers et reconnaissants : militaires et sportifs font résonner La Marseillaise et portent haut les couleurs de la France ; je les en remercie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais vous donner lecture de l'allocution d'André Guiol, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, retenu dans son département du Var.

« En mars dernier, la destruction d'un drone américain par un chasseur russe au-dessus de la mer Noire a illustré, si certains en doutaient encore, le retour des rivalités de puissance dans des espaces autrefois stabilisés.

« Dès lors, il est normal que, dans ce contexte, le montant accordé à notre défense pour 2025 atteigne 50,5 milliards d'euros, soit 3,3 milliards d'euros de plus qu'en 2024. Pour autant, nous ne devons pas nous réjouir de cette hausse, qui dépeint une situation ponctuée par le retour des conflits de haute intensité et l'émergence de nouvelles menaces hybrides. La montée en puissance de technologies innovantes, comme les drones, l'intelligence artificielle et le domaine cyber, nous impose un effort sans précédent.

« Ainsi, l'augmentation des crédits se concentre sur plusieurs priorités majeures.

« Tout d'abord, le renouvellement de la dissuasion nucléaire, qui représente près de 40 % du financement consacré à la modernisation de nos forces armées. Cet investissement crucial pour garantir une dissuasion crédible repose notamment sur la construction de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE 3G), le développement des missiles M51.3 et des missiles air-sol nucléaires de quatrième génération (ASN 4G).

« Le programme Rafale devra s'ajuster pour rester en phase avec les objectifs de la loi de programmation militaire 2024-2030. Concrètement, cela signifie qu'il nous faudra atteindre un parc de 178 avions, tous modèles confondus, pour l'armée de l'air et la marine d'ici à 2030, avec une montée en puissance à 225 appareils prévue à l'horizon 2035.

« Dans le même esprit, la dotation de 130 millions d'euros figurant dans le programme 178 pour la mise en œuvre du supercalculateur de l'agence ministérielle pour l'intelligence artificielle de défense est un indicateur positif sur l'état de préparation de nos armées.

« L'anticipation des sauts technologiques dans les domaines de l'espace, des fonds marins, du cyber et des drones justifie l'augmentation significative des crédits de la mission.

« Cependant, cette trajectoire ambitieuse ne doit pas masquer certains défis structurels qui persistent.

« Le report de charges, estimé à près de 3 milliards d'euros, et les surcoûts des missions intérieures, comme l'opération Sentinelle, mettent sous tension la préparation opérationnelle de nos armées. Si ces dispositifs restent indispensables pour protéger nos concitoyens des menaces directes et pour répondre aux catastrophes naturelles exacerbées par le changement climatique, ils révèlent certaines limites.

« Il est crucial de maîtriser la réquisition des armées, en la concentrant sur des missions à forte valeur militaire. Cela nécessite de privilégier une réquisition maitrisée, combinant réactivité et désengagement rapide.

« Le coût des matériels et des opérations pèse lourdement sur notre modèle de défense, ce qui doit nous inciter à repenser en commun l'effort industriel, afin de maintenir le cap du multicapacitaire. Cette soutenabilité financière doit être au cœur de nos réflexions pour éviter que nos ambitions stratégiques ne se heurtent une fois de plus à l'agenda américain.

« Notre notoriété dans les domaines technologiques de pointe devrait nous permettre d'impulser une dynamique tendant à l'élaboration d'un projet de défense commune. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur la manière dont les objectifs de la LPM prennent en compte l'ambition européenne en matière de défense.

« Même si le texte mentionne certains projets conduits en commun avec des États partenaires, comme le système de combat aérien du futur (Scaf), développé conjointement avec l'Allemagne et l'Espagne, il semble ignorer notre rôle au sein de l'Agence européenne de défense et les moyens qu'il faudrait y consacrer.

« Je crois pourtant qu'il est temps de placer la coopération européenne au centre de notre politique militaire. Nous ne pourrons pas faire réellement aboutir l'Europe de la défense sans une évolution institutionnelle majeure qui implique que nous levions l'ambiguïté autour de notre autonomie stratégique.

« Comme l'écrit Jean Monnet dans ses Mémoires : " L'Europe se fera dans les crises. Elle sera la somme des solutions qu'on apportera à ces crises ".

« Les membres du groupe du RDSE, plus que jamais soucieux de défendre l'Europe, voteront les crédits de cette mission. » (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2025 est la deuxième année d'exécution de la loi de programmation militaire promulguée en août 2023.

Les autorisations d'engagement demandées au titre de la mission « Défense » dans le présent projet de loi de finances pour 2025 s'élèvent à 93,6 milliards d'euros, soit une hausse de 37,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Les crédits de paiement s'élèvent, quant à eux, à 60 milliards d'euros, soit une augmentation d'un peu plus de 5 %. En neutralisant l'inflation, en euros constants, la hausse serait de 35,5 % en autorisations d'engagement et de 3,9 % en crédits de paiement.

Cet effort important doit être salué, a fortiori dans un contexte général d'économies significatives pour le redressement des finances publiques. La mission « Défense » est celle qui connaît la plus forte hausse de crédits en 2025.

À la suite du rapporteur spécial, Dominique de Legge, et du président de la commission des affaires étrangères, Cédric Perrin, je souhaite cependant attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la forte hausse du report de charges depuis 2022.

En effet, alors que ce report s'élevait à 3,88 milliards d'euros à la fin de l'année 2022, il devrait s'établir à 6,8 milliards d'euros à la fin de l'année 2024, augmentant ainsi de plus de 75 % en deux ans, dans des proportions quasiment équivalentes à celles de la marche – autrement dit l'effort – prévue chaque année dans le cadre de la LPM.

Cette évolution concerne surtout les dettes contractées auprès des fournisseurs et représenterait, en 2024, 20,3 % des crédits. Nous veillerons à ce que ce report reste raisonnable et ne remette pas en cause la programmation votée à l'été 2023.

Pour la première fois depuis près de quarante-cinq ans, la France débute l'année sans budget. Cette situation a de nombreuses conséquences pour les Français.

Monsieur le ministre, vous avez vous-même déclaré que l'absence de réel budget pour 2025 menaçait le réarmement de notre pays. Mais elle menace également nos exportations, alors même que l'année 2024 a été la deuxième meilleure année pour nos ventes à l'étranger et que les perspectives pour 2025 étaient tout à fait encourageantes.

Il est essentiel de doter la France d'un budget, sauf à condamner les hausses de crédits prévues sur l'ensemble des opérations stratégiques de la mission. C'est en effet grâce à ces hausses de crédits que pourront être relancées ou relocalisées les productions d'armement, nécessaires pour garantir notre souveraineté et incontournables pour préserver la vie économique de nombre de nos territoires. Sans budget pour la France, la hausse de 3,3 milliards d'euros de crédits prévue dans la LPM serait effacée.

Par ailleurs, le contexte mondial n'a jamais été aussi tendu. Le conflit entre la Russie et l'Ukraine persiste dans sa logique d'escalade, la Russie ayant menacé dernièrement de frapper Kiev avec son missile Orechnik. Quant à la situation au Moyen-Orient, elle reste extrêmement fragile.

L'immobilisation des crédits complique également la tâche du Gouvernement, qui s'est fixé pour objectif de préparer la France à entrer dans une économie de guerre. Chaque semaine sans budget qui passe menace d'accentuer le retard que prennent les programmes en cours. Or, dans ces conditions, comment notre base industrielle et technologique de défense pourrait-elle remonter en puissance ? Comment pourrions-nous assurer sereinement la poursuite des grands programmes européens, comme le Scaf ou le système principal de combat terrestre (MGCS) ?

La poursuite des programmes de coopération à l'échelle européenne, comme à l'échelle internationale, est pourtant primordiale. Dans un contexte d'instabilité géopolitique mondiale, il est indispensable que l'Union européenne puisse réellement jouer son rôle en matière militaire.

Après l'élection de Donald Trump, toutes les hypothèses peuvent et doivent être envisagées, notamment en ce qui concerne l'Otan. Il faut conserver la présence américaine au sein de cette instance car, qu'elle soit forte ou faible, celle-ci est indispensable au maintien de l'architecture de l'organisation, qu'il convient de préserver, même si la dissuasion reste un sujet de première importance pour l'avenir. Or cela ne pourra se faire que si nous envoyons un message clair à nos alliés : nous devons leur assurer que nous sommes en mesure de fournir les moyens financiers nécessaires à notre défense. La défense européenne en dépend également.

Au moment où notre Haute Assemblée s'engage dans l'examen des crédits de la mission « Défense » et alors que le risque d'un rejet du budget perdure, une remise en cause de la LPM est à craindre sérieusement.

En effet, tous ceux qui soutiennent une nouvelle censure du Gouvernement seront les artisans d'un retard technologique et stratégique que la France sera seule à subir, puisque les autres pays, conscients de la gravité du contexte, continuent d'avancer. Notre débat a donc aussi pour enjeux le maintien de la paix et la préservation de notre souveraineté. Ne l'oublions pas et faisons-en sorte que les engagements pris envers nos armées soient tenus.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Union Centriste voteront unanimement les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je tiens à vous remercier de votre mobilisation, en ce samedi matin, en faveur de la défense de nos forces armées. Je me joins aux propos que vous leur avez adressés.

En effet, la valeur d'une armée d'emploi ne se mesure pas seulement à l'aune du budget qu'on lui consacre – et c'est heureux, parce que les crédits ont considérablement diminué ces dernières années –, mais aussi par le courage de ses soldats et leur capacité à accepter des missions au cours desquelles ils sont susceptibles d'être blessés ou tués, et de devoir tuer sur ordre.

Aussi, je ne peux commencer mon intervention sans avoir une pensée particulière pour les soldats qui sont tombés l'année dernière, en 2024, notamment la maréchal des logis Claudin, engagée au sein de la Finul, qui a perdu la vie à l'automne dernier lors d'une mission impliquant une patrouille importante. Je salue également la mémoire des deux pilotes de Rafale qui, lors d'un entraînement au mois d'août dernier, sont décédés dans un terrible accident.

Les questions budgétaires ne doivent pas faire oublier la force d'âme et la force morale de nos soldats qui sont le fruit de l'héritage du passé et dont nous voulons prendre soin.

Plutôt que lire un discours, permettez-moi de reprendre un certain nombre d'éléments qui me semblent importants dans le cadre de la présentation de ces crédits.

Premièrement, comme l'ont rappelé Olivier Cigolotti et le président Perrin, avant de nous prononcer sur les reports de charge ou d'envisager les critères techniques du contenu de la LPM, il faudrait savoir si les crédits de la mission « Défense » pour 2025 seront votés ou non, alors que l'année a déjà débuté. Autrement dit, la loi de programmation militaire, qui prévoit une marche de plus de 3,3 milliards d'euros, sera-t-elle adoptée ? Ou bien encore, la programmation militaire que nous avons votée devant le monde entier – nos compétiteurs d'une part, nos alliés d'autre part – sera-t-elle respectée ? En effet, le charme des programmations militaires, si je puis le dire ainsi, réside dans leur caractère pluriannuel, notamment en ce qui concerne les équipements majeurs ; or tout décalage ou dérapage en la matière peut conduire à anéantir les efforts de réarmement que le Gouvernement et le Parlement ont collectivement prévus depuis 2017.

Par conséquent, il est faux de dire que la censure du précédent gouvernement n'a pas eu d'impact sur les crédits de cette mission au moment où nous en débattons. Bien évidemment, il ne s'agit pas de pointer du doigt ceux qui l'ont votée, car ils n'ont fait qu'exercer ainsi l'un des droits les plus fondamentaux de tout parlementaire. Mais affirmer que cette décision a été neutre ou indolore serait un mensonge. La réalité est celle d'un choc de confiance vis-à-vis des industries de défense et de nos soldats. Cette question devra être traitée politiquement, comme il se doit, devant le peuple français.

Deuxièmement, qu'on le veuille ou non, le budget de la mission « Défense », dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2025, est conforme à la programmation militaire. Le sénateur Gontard a d'ailleurs lui-même souligné que le Gouvernement n'avait pas déposé d'amendement en vue de donner un coup de rabot aux crédits de cette mission. Certains d'entre vous défendront peut-être l'idée, à travers leurs propres amendements, qu'il faut réduire ces crédits, mais croyez bien que cette programmation militaire reste protégée au regard des risques qui pèsent sur notre pays, comme le prouvent les chiffres, que je rappelle même s'ils sont connus : 50,5 milliards d'euros de crédits seront consacrés à la mission « Défense » pour 2025, soit une augmentation de 7 % par rapport à l'année dernière, ou encore 9,5 milliards d'euros supplémentaires depuis 2022, l'année de ma prise de fonction, et 18 milliards d'euros supplémentaires depuis 2017.

Par conséquent, il est clair que nos discussions politiques, stratégiques et budgétaires ne s'inscrivent plus du tout dans une logique de raréfaction des moyens, mais bel et bien dans un cadre où le ministère doit gérer une crise de croissance.

Ces crédits seront-ils suffisants ? Telle est la question sous-jacente qu'ont posée plusieurs orateurs. Comme je vous l'ai toujours dit, en l'assumant parfaitement, je considère qu'il s'agit là d'un plancher et non pas d'un plafond. Mais, dès lors que les moyens augmentent, il importe surtout de savoir si l'argent va au bon endroit : ces crédits nous permettront-ils de gagner la guerre de demain ou bien ne serviront-ils qu'à gagner celle d'hier en finançant des réparations ? Tel devrait être, me semble-t-il, l'enjeu des discussions que nous aurons.

Troisièmement, le montant des crédits consacrés à notre réarmement est supérieur aux objectifs qui avaient été définis – et je remercie le président Perrin de l'avoir souligné. En effet, quand on examine un budget militaire, il faut toujours prendre en compte la réalité de la gestion.

Or, pendant des années, alors que les programmations militaires étaient généreuses sur le papier, on a procédé à des annulations de crédits : en somme, des milliards d'euros étaient inscrits en autorisations d'engagement, mais les crédits de paiement ne suivaient pas. La programmation paraissait cohérente en théorie, mais son exécution budgétaire manquait de rigueur. Bref, on était loin d'une gestion à l'euro près.

Que l'on soutienne ou non le Gouvernement, personne ne peut nier que, dans les copies que je propose depuis 2022, les budgets de la défense, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, sont supérieurs à ceux que prévoient la loi de programmation militaire : preuve en est l'ouverture d'un milliard d'euros de crédits supplémentaires l'année dernière.

Par conséquent, à défaut de partager ses convictions, je comprends que le sénateur Gontard puisse dire que nous continuons de nous réarmer dans un contexte politique et budgétaire déliquescent, et je l'assume devant vous. Ainsi, l'année dernière, alors que la loi de finances initiale pour 2024 prévoyait 47,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement, le budget de la mission a atteint 48,3 milliards d'euros en exécution, soit un milliard d'euros de plus que prévu. Cela nous a permis de répondre aux préoccupations légitimes de la commission des affaires étrangères du Sénat, notamment en ce qui concerne le surcoût des opérations extérieures (Opex), comme l'a mentionné le président Perrin.

Le rapporteur spécial, Dominique de Legge, appelle à davantage de transparence entre le Parlement et le Gouvernement. J'y suis favorable, du moins sur les sujets qui ne touchent pas à nos intérêts. Ainsi, sur la disponibilité du matériel, je reste à la disposition du Sénat pour faire la démonstration que ce serait un non-sens que de livrer quel que secret que ce soit.

Pour autant, il est clair que, dans le cadre de l'aide que nous apportons à l'Ukraine, ce milliard d'euros supplémentaire en autorisations d'engagement et en crédits de paiement nous a permis d'absorber un certain nombre de surcoûts. À ce titre, monsieur le président Cambon, nous avons tenu parole : nous étions en effet convenus que la programmation militaire ne financerait pas à elle seule l'aide à l'Ukraine.

Quatrièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, je note que vous ne parlez plus d'inflation dans vos interventions. C'est l'avantage d'être maintenu dans ses fonctions que de voir les saisons passer et les choses changer : lorsque nous avons construit ensemble la programmation militaire, nous avons passé plusieurs heures à débattre de sa soutenabilité au regard de l'inflation, certains d'entre vous reprochant au Gouvernement de ne pas prendre suffisamment en compte ce critère. Ce matin, personne n'en a soufflé mot, ce qui prouve bien qu'il n'y a aucun problème en la matière.

Et pour cause : l'évolution du contexte macroéconomique nous a redonné des marges de manœuvre dans l'exécution de la programmation militaire. On ne peut pas ignorer cette réalité, surtout quand on cherche à traiter le problème des reports de charges. Avec la même honnêteté et dans un même souci de transparence, il me faut préciser, bien évidemment, que si ce critère macroéconomique venait à évoluer dans le mauvais sens, cela aurait aussi un impact négatif sur la programmation militaire.

Cinquièmement, si j'avais pu moins recourir aux reports de charges, je l'aurais fait. Je l'ai toujours dit.

Pour autant, ces reports doivent-ils nous inquiéter au point de considérer qu'ils remettent en cause la structure de la programmation militaire ? Pour un ministre des armées, l'alternative est simple : soit il passe commande aux fournisseurs, ce qui augmente le report de charges, soit il refuse de commander. En ce qui me concerne, je préfère passer commande à nos industriels pour respecter la programmation militaire.

Une autre question se pose : faut-il envisager les reports de charges aujourd'hui de la même manière qu'il y a vingt ans, ou même qu'en 2017, année où Florence Parly a été nommée ministre des armées ? Non ! Car la situation n'est pas la même selon que les crédits militaires augmentent ou diminuent… Sachons distinguer le bon cholestérol du mauvais. (Sourires.)

Aujourd'hui, les reports de charges sont élevés, car les commandes sont nombreuses, comme c'était le cas entre les années 1960 et 1980. Dans les années 1990 et 2000, les reports de charges résultaient des efforts de trésorerie que l'on faisait porter aux industries de défense, ce qui n'est plus le cas. À cet égard, je m'inscris en faux contre les propos qu'ont pu tenir certains d'entre vous ce matin : non, la trésorerie des industries de défense n'est pas mise à mal par les reports de charges.

Au contraire, nous veillons à ce que l'effort considérable que les contribuables sont appelés à fournir ne donne pas lieu à des effets d'aubaine indus au profit de nos industries de défense – que je soutiens pourtant de tout mon cœur en tant que ministre de la défense. Notre réarmement n'est plus comme jadis l'œuvre d'arsenaux de l'État. C'est une différence notable avec la grande période des années 1960, 1970 et 1980. Il nous faut donc trouver un juste milieu.

Certes, nous devons débattre des reports de charges et le sénateur de Legge a raison de nous y inciter au nom de la commission des finances. Mais nous devons aussi prendre de la distance en veillant à considérer que ces reports ne viennent pas forcément fragiliser les industries de défense, lesquelles d'ailleurs – vous auriez pu me le reprocher – touchent des intérêts moratoires sur lesdits reports…

Par conséquent, comme l'ont suggéré la sénatrice Jourda et le sénateur Temal, au moment où le monde se réarme, nous devrions concentrer notre réflexion sur la meilleure manière d'aider ces industries à capter des financements privés, notamment des financements bancaires et des levées de fonds. De toute évidence, il reste à définir un modèle économique pour soutenir notre renforcement capacitaire.

Sixièmement, certains d'entre vous ont abordé la question de la fidélisation des personnels.

Madame la sénatrice Carlotti, oui, l'échéance de la revalorisation de la grille indiciaire des officiers sera respectée, comme elle l'a été, malgré un léger décalage, pour les sous-officiers. À ce propos, il ne se passe pas une seule visite sur une base aérienne ou sur une base navale sans que des sous-officiers viennent me dire qu'ils se réjouissent de voir leur situation enfin évoluer. En outre, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la cible des 700 équivalents temps plein (ETP) sera atteinte en 2025, comme la loi de programmation militaire le prévoit.

Je vous remercie, madame Gréaume, pour vos propos sur le service de santé des armées (SSA). Je sais que c'est un sujet auquel vous tenez infiniment, et nous veillerons à ce que les choses continuent d'avancer.

Septièmement, j'assume quelques décalages par rapport à ce qui a été voté dans la LPM : cela ne concerne que quelques cas, sur lesquels je vais m'expliquer.

Ainsi, il va sans dire qu'il nous faut accélérer le déploiement de l'intelligence artificielle, selon des modalités encore à imaginer, et ce afin de créer un véritable arsenal technologique. L'Agence ministérielle de l'intelligence artificielle de défense y travaille. C'est pourquoi j'ai proposé que celle-ci bénéficie de crédits supplémentaires, une initiative que j'ai pris soin de détailler lors de ma dernière audition devant votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Les munitions sont un autre point sensible de notre réarmement. Le président Perrin a évoqué le « pivot vers la haute intensité » : il s'agit moins d'engager une évolution du format de notre armée que de renforcer nos stocks de munitions, simples et complexes. À cet effet, j'ai proposé l'ouverture de 1,9 milliard d'euros de crédits supplémentaires, ce qui nous permettra de nous doter de torpilles lourdes, de missiles Mistral, Aster ou Scalp, etc.

À l'évidence, il est essentiel que nous organisions prochainement un débat sur les nombreuses bascules auxquelles nous sommes en train d'assister. M. Temal a parlé de l'Afrique. Parmi ceux qui ont évoqué l'Union européenne, certains à droite de l'hémicycle ont soutenu que les questions de défense relevaient d'une souveraineté qu'il n'était nullement question d'abandonner, quand le sénateur Gontard considère – je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point – que la France n'a plus les moyens de ses ambitions et que les Français doivent se mettre au diapason de ce que veulent les Européens. Monsieur Gontard, je résume sans doute un peu rapidement les propos forts que vous avez tenus et auxquels je suis loin de souscrire.

En effet, j'estime que la clé du débat consiste à définir ce que nous souhaitons partager au sein de l'Union européenne. Par conséquent, le Gouvernement et le Parlement – car la diplomatie parlementaire joue un rôle important – doivent prendre l'initiative d'ouvrir la réflexion en ces termes : quels projets de défense pourrions-nous partager avec d'autres États membres sans abîmer notre souveraineté ni subir une standardisation qui ne nous correspondrait pas, car elle serait trop influencée par les États-Unis ?

Je souhaite que le Sénat s'empare de ce débat dont l'enjeu n'est rien moins que la coordination entre l'Union européenne et l'Otan, autrement dit la création du fameux « pilier européen » au sein de l'Otan. Le sujet court depuis de nombreuses années : il est temps de faire évoluer notre réflexion. Les conséquences sur des projets comme le Scaf ou le MGCS risquent d'être redoutables, mais il est temps de distinguer ce qui peut être mutualisé de ce qui ne peut absolument pas l'être, et de placer le curseur en matière de souveraineté au bon endroit.

C'est un débat noble, qui devra associer le Parlement. Toutes les contributions seront les bienvenues, les vôtres, bien sûr, celles des think tanks également. Nous devrons définir précisément, devant le peuple français et au regard de notre histoire, le niveau de mutualisation que nous sommes prêts à consentir.

Nous devrons également reparler de la place que la France doit occuper au sein de l'Otan. Nous avons commencé à en débattre dans le cadre du projet de loi de programmation militaire, mais il faudra aller plus loin.

Les grandes bascules géographiques, en Afrique, dans l'Indo-Pacifique et sur le plateau continental européen, méritent notre attention. Nous devrons plus particulièrement réfléchir à la situation en Ukraine : quid du jour d'après ?

Autre enjeu, l'articulation entre la dissuasion nucléaire et ce qui relève du conventionnel, non seulement militaire, mais aussi civil. Certains d'entre vous ont en effet très justement rappelé l'essor des menaces hybrides, de la guerre informationnelle ou cyber ou bien encore de la militarisation de l'espace. L'arrivée de M. Musk au sein de l'administration américaine n'ira pas sans créer un grand bouleversement de ce que les Européens croyaient acquis en matière spatiale.

Monsieur le sénateur Temal, la revue nationale stratégique sera-t-elle révisée ? Je ne le sais pas, car la décision relève du Président de la République et du Premier ministre. Toutefois, comme ministre des armées – je m'adresse en particulier au président de la commission des affaires étrangères, Cédric Perrin, et au rapporteur du dernier projet de loi relatif à la programmation militaire, Christian Cambon –, je suis à la disposition du Sénat pour que nous menions ces débats en profondeur.

Encore une fois, en matière de finances publiques, les questions techniques sont importantes pour garantir la sincérité des textes, mais elles ne doivent pas oblitérer une question plus redoutable : l'argent que nous continuerons de mettre sur la table, au point de doubler le budget des armées d'ici 2030, comme l'a rappelé Jean-Baptiste Lemoyne, nous permettra-t-il de nous prémunir contre les menaces de demain et de pourvoir à la sécurité des autres ?

Nous avons commencé à en discuter dans le cadre de l'examen du projet de loi de programmation militaire. Sur l'initiative du groupe socialiste, un débat relatif à la politique étrangère de la France en Afrique s'est également tenu au Sénat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, dans le cadre duquel nous avions pu faire avancer notre réflexion sur tous ces sujets. Si d'autres initiatives de ce type étaient lancées par votre commission des affaires étrangères, je me rendrais évidemment disponible, tout comme Jean-Noël Barrot. Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas faire l'économie d'une certaine lucidité stratégique, qui appellera une forme de lucidité budgétaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, LR, UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures trente.

défense

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Défense

93 579 690 162

60 003 543 448

Environnement et prospective de la politique de défense

2 173 138 952

2 076 223 248

Préparation et emploi des forces

15 265 976 430

14 318 070 053

Soutien de la politique de la défense

24 766 940 323

24 919 730 428

dont titre 2

23 226 544 707

23 226 544 707

Équipement des forces

51 373 634 457

18 689 519 719

M. le président. L'amendement n° II-1173 rectifié n'est pas soutenu.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Tant mieux !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est indéfendable !

M. le président. Les amendements nos II-625 et II-1315 rectifié sont identiques.

L'amendement n° II-625 est présenté par le Gouvernement.

L'amendement n° II-1315 rectifié est présenté par MM. Canévet et Delahaye et Mmes O. Richard et Jacquemet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

 

672 560

 

672 560

Préparation et emploi des forces

 

142 940

 

142 940

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

 

56 389 375

 

56 093 430

 

56 389 375

 

56 093 430

Équipement des forces

 

 

 

 

TOTAL

 

57 204 875

 

57 204 875

SOLDE

- 57 204 875

- 57 204 875

La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° II-625.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Cet amendement, issu d'une réflexion interministérielle, vise à traduire les différentes mesures catégorielles pour l'État. En effet, les crédits dits « T2 », autrement dit les dépenses de personnel au sein de l'administration de l'État, peuvent connaître des augmentations ou des diminutions sans rapport avec les mesures votées dans le cadre de la programmation militaire. Pour ne citer que cet exemple, l'augmentation du point d'indice a rehaussé ces crédits sans que cela relève de cette programmation.

Le gouvernement de Michel Barnier proposait un certain nombre de mesures d'économies – je pense en particulier au jour de carence dans la fonction publique. Le Premier ministre François Bayrou en a présenté d'autres, cette semaine, dans le cadre du dialogue qu'il entretient avec les différents groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Cet amendement vise à couvrir la non-dépense de certains crédits en prévoyant des mesures d'économies dans les champs concernés. Il faudra sans doute – je dois vous le dire –réévaluer le montant inscrit dans cet amendement du Gouvernement, compte tenu des engagements très récents que le Premier ministre a pris, notamment auprès du groupe socialiste, si j'ai bien compris.

Nous le ferons dans le cadre des discussions budgétaires et parlementaires à venir, mais je me devais, au nom de la solidarité gouvernementale, de vous présenter cet amendement, et ce d'autant plus que c'est grâce à cette solidarité gouvernementale que nous avons pu préserver la programmation militaire.

M. le président. L'amendement n° II-1315 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, je tiens à saluer l'habileté dont vous faites preuve pour défendre un amendement qui s'inscrit dans un contexte pour le moins incertain et difficile à comprendre.

Je peine à faire le lien entre les propos qu'a tenus le Premier ministre, ici, il y a quelques jours, sur la nécessité de réduire la dette et la dépense publique, et les arbitrages qu'il semble vouloir rendre.

Je nourris aussi de l'incompréhension quant à la méthode. En effet, j'avais cru comprendre que le Parlement était là pour voter le budget. Or il semble que les décisions se prennent dans des cénacles particuliers, en présence sans doute de quelques parlementaires, mais pas en séance plénière.

Néanmoins, comme je n'ai pas envie de vous être désagréable, monsieur le ministre, (Sourires) j'émettrai un avis favorable sur cet amendement, conformément à ce qu'a décidé la commission des finances, en espérant que le chiffre que vous avez annoncé ne sera pas revu à la baisse, mais respecté.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Je profite de cette occasion pour revenir sur les propos que j'ai tenus lors de la discussion générale.

Comme je l'ai dit, il est important de prendre en considération tous les éléments qui contribuent aux bascules stratégiques que l'on observe partout dans le monde, lesquelles vont au-delà du seul changement de présidence aux États-Unis. De ce point de vue, nous considérons que la revue nationale stratégique devrait être modifiée, ou tout au moins repensée, pour tenir compte de ces changements.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé à juste titre que cette décision relevait de la compétence du Président de la République, chef des armées. Néanmoins, les membres du groupe socialiste avec lesquels je viens de m'entretenir ont le sentiment, tout comme moi, après vous avoir écouté, que la voie est ouverte à cette réflexion.

Par ailleurs, vous venez d'affirmer que vous étiez favorable à une demande chère à mon groupe, à savoir notre souhait que le Sénat inscrive à son ordre du jour davantage de débats concernant les questions stratégiques et de défense – tant il est vrai que nous ne pouvons plus nous contenter d'en discuter dans le seul cadre budgétaire. Nous considérons que vous avez pris là une forme d'engagement – vous sembliez en quelque sorte garantir une obligation de moyens, à défaut d'une obligation de résultat.

Compte tenu des réponses que vous nous avez fournies sur ces deux points précis, monsieur le ministre, je vous indique que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera les crédits de la mission « Défense ». Notre groupe, je le rappelle, avait très largement contribué à bonifier le projet de loi de programmation militaire, avec le souci permanent de le faire correspondre au mieux aux ambitions de notre pays. Tout comme nous avions voté ce texte à l'époque, nous voterons donc ce budget aujourd'hui.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Dans la mesure où cet amendement résulte d'un arbitrage interministériel, nous vous ferons plaisir, monsieur le ministre, et nous le voterons.

Toutefois, je souscris à ce que vient de dire le rapporteur spécial Dominique de Legge. Je ne vois guère la raison qui justifie de défendre cet amendement en l'état, pas plus que l'amendement identique de M. Canévet.

En effet, le Premier ministre a annoncé renoncer aux deux jours de carence supplémentaires et entretient le flou sur la baisse du taux d'indemnisation des arrêts maladie, mesures qui justifiaient la ponction initiale des crédits de la mission ; en conséquence, cet amendement semble ne plus avoir d'objet…

De plus, il ne me semble pas de bonne méthode d'adopter un amendement à titre provisoire, d'autant que, vous nous l'avez annoncé, monsieur le ministre, le montant des économies sera révisé en commission mixte paritaire. Mieux vaudrait faire figurer ce montant dès à présent, en se conformant simplement aux annonces du Premier ministre.

Enfin, et surtout, cet amendement vise à prendre en compte un enjeu fondamental, celui d'assurer la cohérence globale de la loi de programmation militaire. Je rappelle que le Sénat a bataillé ferme pour obtenir une trajectoire de réarmement crédible ; nous y avons passé beaucoup de temps et de nuits. Les armées ont impérativement besoin de ces crédits pour respecter le contrat opérationnel qui leur a été fixé.

Le rapport Pour rendre l'armée plus attractive : retenir, attirer, réunir, rendu par nos collègues Vivette Lopez et Marie-Arlette Carlotti en octobre 2024, montre bien les efforts qu'il reste à faire en matière de ressources humaines pour renforcer l'attractivité de nos armées. Au contact des régiments, on constate au quotidien ce déclin des vocations.

Si, par extraordinaire, la totalité des crédits n'était pas entièrement consommée par les dépenses de personnel, nul ne doute que le ministère des armées saurait les réaffecter pour en faire un bon usage.

En l'état actuel des choses, si nous soutenons la mesure générale qui légitime le dépôt de cet amendement, ce dernier crée un trou dans le blindage de la LPM. Je citerai deux exemples pour illustrer mon propos : le montant des crédits annulés, 57 millions d'euros, équivaut à peu près à 40 Griffon et à 19 000 fusils HK416, dont nous avons du mal à équiper l'ensemble de nos troupes.

Nous voterons donc cet amendement, bien qu'il nous semble assez saugrenu.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Sébastien Lecornu, ministre. Compte tenu des montants évoqués, je prendrai le temps de répondre aux propos que je viens d'entendre et d'éclairer la représentation nationale et le Sénat.

Je ne reviens pas sur les propos des sénateurs de Legge et Perrin, mais nous voyons bien les limites de ce que sont devenues les lois de programmation militaire au gré des évolutions. Jusqu'à récemment, il était impensable d'intégrer les dépenses de personnel, dites T2, à une loi de programmation militaire. Cette dernière avait vocation à définir des contrats opérationnels, des cibles capacitaires, et, de manière plus globale, le modèle d'armée.

Entre 1962 et 2002, jusqu'au début des années 2000 pour faire simple, il était impensable qu'une augmentation du point d'indice des fonctionnaires ou une mesure sur le nombre de jours de carence en cas d'arrêt maladie ait des répercussions sur la programmation militaire.

Il convient de s'interroger sur ce à quoi devront ressembler les lois de programmation à l'avenir. À force de faire figurer la moindre orientation dans les lois de programmation pour sanctuariser des financements, nous avons fini par créer de la rigidité, et ce d'autant plus dans un contexte budgétaire contraint et un environnement inflationniste. Le Sénat étant particulièrement attentif à ce que les lois ne soient pas trop bavardes – je regarde Roger Karoutchi, car il s'agit de l'un de ses chevaux de bataille –, il me semble opportun d'évoquer ce point clé.

Monsieur Temal, je vous remercie des propos que vous venez de tenir au nom du groupe socialiste. Oui, je m'engage à garantir une obligation de moyens. Pour autant, il appartient aux parlementaires de définir le cadre agréé. Les livres blancs que nous avons connus il y a dix ou quinze ans ont parfois constitué un moyen pour les responsables politiques de se défausser sur des « sachants », avec un profil technique, lorsqu'il était question de diminuer les crédits militaires.

Les sommes en jeu sont tellement importantes et les questions traitées sont tellement graves qu'il faut, me semble-t-il, travailler de concert avec le Parlement. La démarche est exigeante : elle implique de se départir de ses éléments de langage habituels et de prendre des risques. À cet égard, un parlementaire est plus libre dans son expression que le ministre des armées, en particulier s'agissant des menaces que constitueraient des pays comme la Chine – le nom de cet État a été prononcé – ou encore l'Iran.

Le contexte stratégique de ces derniers mois ne remet pas en cause les principaux objectifs de la programmation militaire en matière de dissuasion, de nouveaux espaces de confrontation ou de nouvelles technologies. En revanche, je suis frappé par la brutalité des transformations auxquelles nous assistons.

Imaginons que nous ayons eu ce débat budgétaire à l'automne : il n'y avait pas de soldats nord-coréens sur la ligne de front entre la Russie et l'Ukraine ; la situation en Syrie était tout autre ; la trêve à Gaza, que vous avez eu raison de citer au début de votre intervention, monsieur Temal, n'était pas intervenue… En ce qui concerne cette dernière, je me permets de préciser qu'elle fait suite à la trêve au Liban, à laquelle nous avons œuvré avec les Américains en déployant un dispositif de « déconfliction » entre les Israéliens et les Libanais. Je pense enfin aux opérations militaires massives que la Chine a menées aux abords de Taïwan au début du mois de décembre.

Dans cette chambre où le débat démocratique est plus calme et le temps électoral plus clair…

M. Rachid Temal. Sans parler de la qualité !

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ayant moi-même été élu sénateur, je me garderai bien de convoquer la grande qualité de vos travaux de peur de me le voir reprocher. Le cadre me semble propice pour tirer tous les enseignements de l'ensemble de ces paramètres.

Il s'agit d'un travail exigeant, qui impliquera de s'intéresser davantage à une forme de dualité, puisque la programmation militaire sera de plus en plus percutée par des éléments civils. Ce travail devra être conduit avec d'autres commissions et d'autres acteurs. Je ne développerai pas plus avant, mais je pense bien entendu au sujet de l'aérospatial.

Puisque nous sommes au mois de janvier, je forme le vœu que nos futurs débats portent non plus sur la question de savoir si la loi de programmation militaire est respectée ou non – vous voyez bien qu'elle l'est –, mais sur celle de savoir si nous dépensons bien notre argent pour prévenir les menaces de demain.

Au moment où je vous parle, je réponds de la copie que je vous présente, dont je connais autant les forces que les limites. Les menaces qui percutent le continent européen évoluent très rapidement ; mon obsession est que les élites françaises, qu'elles soient politiques, économiques, intellectuelles ou militaires, avancent aussi vite que ces menaces. Et je ne parle même pas de l'investiture de Donald Trump, qui obligera de nombreuses capitales européennes à évoluer sur les questions de coordination entre l'Union européenne et l'Otan et de souveraineté nationale.

Nous devrons en débattre, et je laisse au président Perrin le soin de définir le cadre dans lequel il souhaitera le faire. Je me rendrai évidemment disponible pour y participer. De même, le personnel du ministère est à votre disposition pour vous éclairer, y compris lors d'auditions non retransmises. Il me semble important que vous puissiez entendre ce que notre renseignement militaire ou la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ont à dire sur l'évolution des menaces.

Le moment est venu de mener un travail innovant et original entre le Sénat et le Gouvernement, afin de montrer que nous sommes sur la bonne voie et de préparer le prochain débat présidentiel de 2027. En effet, nous devons éclairer le vote des Français en nourrissant le débat public sur la réalité des enjeux de stratégie militaire. Acquittons-nous de ce devoir collectif !

MM. Rachid Temal et Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-625.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-1180 rectifié bis, présenté par MM. Saury, Pillefer, Bonneau et Perrin, Mme Dumont, M. Pellevat, Mmes Sollogoub, Guidez et Belrhiti, MM. Paul, Chaize, Brisson, Panunzi et C. Vial, Mme Dumas, M. Naturel, Mme Perrot, M. Ruelle, Mme P. Martin et MM. Gremillet et Genet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

 

 

 

 

Préparation et emploi des forces

 

 

 

 

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

 

10 000 000

 

10 000 000

Équipement des forces

10 000 000

 

10 000 000

 

TOTAL

10 000 000

10 000 000

10 000 000

10 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Hugues Saury.

M. Hugues Saury. Cet amendement vise à augmenter les crédits alloués au programme 146 « Équipement des forces » pour soutenir la filière française des drones.

Les drones sont devenus des éléments incontournables des théâtres de guerre, comme nous l'avons constaté en Ukraine. Les forces armées doivent donc disposer d'un éventail complet de ces aéronefs.

La France accusait un léger retard sur cette technologie, qu'elle rattrape petit à petit. Toutefois, elle ne dispose toujours pas d'un drone de moyenne altitude à longue endurance (Male). Notre armée est donc encore dépendante des États-Unis et de leurs drones Reaper, d'autant que le projet de drone Male européen est régulièrement ajourné.

Pourtant, notre base industrielle et technologique de défense est en capacité de répondre aux besoins de l'armée. Il s'agit aujourd'hui d'accompagner la finalisation et la massification de la production.

Cet amendement vise donc à permettre à la direction générale de l'armement de continuer de soutenir la filière du drone Male. À ce dessein, nous proposons d'abonder le programme 146 de 10 millions d'euros. Pour assurer la recevabilité financière formelle de cet amendement, nous proposons de soustraire un même montant de crédits du programme 212 « Soutien de la politique de la défense ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. La commission des finances tend à faire confiance aux spécialistes des questions de défense, et je vois que cet amendement est cosigné par nombre d'entre eux. Hugues Saury a raison de souligner combien les drones constituent de plus en plus un enjeu stratégique.

La commission sollicite l'avis du Gouvernement et souhaiterait notamment savoir si le Gouvernement est disposé à lever le gage. Nous considérons que la trajectoire financière de la loi de programmation militaire doit être respectée. Cela devrait se faire par redéploiement, mais si le ministre se sent d'humeur généreuse, nous ne nous y opposerons pas ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Saury, sur le fond, votre intuition est bonne. La « dronisation », dont le président de la commission des affaires étrangères et de la défense a, à raison, fait l'un de ses chevaux de bataille, est le segment sur lequel nous n'avons pas été bons ; ne nous racontons pas d'histoires.

Cela s'explique par de nombreuses raisons.

Tout d'abord, en France, l'innovation militaire impulse toujours les innovations civiles – l'atome, internet… Or le drone est à l'origine une innovation civile, qui est désormais utilisée dans le schéma militaire. Pour des raisons culturelles, notre système n'a pas su se l'approprier.

Ensuite, nos industriels n'ont pas toujours compris à quel point il convenait d'innover rapidement, ce qui a permis à des acteurs nouveaux d'émerger dans le champ militaire, y compris des entreprises qui avaient commencé dans le domaine civil.

La loi de programmation militaire, telle que vous l'avez adoptée, est-elle caduque ? Sur la dronisation, ce n'est pas le cas ; elle est toujours valable. J'en profite pour vous faire une annonce. Comme vous le savez, le projet de drone Male européen a du retard, mais je souhaite que les gains budgétaires réalisés par rapport à la programmation continuent d'être affectés au développement des drones militaires. À l'avenir, chaque plateforme, que ce soit à terre, dans l'air ou en mer, devra disposer de son propre drone.

Cela vaut bien sûr pour les avions – vous savez que le nouveau standard F5 du Rafale sera doté d'un drone accompagnateur –, mais aussi pour les bateaux et pour l'armée de terre. La grande transformation de l'armée de terre que nous sommes en train de conduire s'articulera autour de deux éléments : d'une part, la guerre électronique, sur laquelle la guerre en Ukraine nous a beaucoup appris – en la matière, nous n'avons pas de retard, mais veillons à ne pas reproduire la même erreur que sur les drones ; d'autre part, la dronisation.

La dronisation de l'armée de terre est fondamentale : elle va du petit drone tactique dont chaque combattant doit être muni, au même titre que de son arme de poing, jusqu'aux drones des plateformes les plus lourdes, notamment la cavalerie blindée. Hugues Saury a évoqué le MGCS : il est impensable qu'un char, en 2040, n'évolue pas dans un univers fondamentalement dronisé, quand bien même il ne serait pas lui-même doté initialement de cette composante.

Ce processus concerne également l'artillerie. Le canon Caesar qui est actuellement produit n'a strictement rien à voir avec celui qui était produit il y a trois ans. À cet égard, nous avons tiré profit du retour d'expérience de la guerre en Ukraine. En matière d'artillerie, les drones peuvent servir à l'acquisition de cibles à moyenne portée.

Votre amendement m'amène à évoquer le rôle de nos industriels. Nous avons beaucoup entendu parler de Delair, par exemple, mais il convient également de souligner le travail remarquable de Turgis et Gaillard, en particulier le drone Aarok.

J'ai donc demandé, je le redis, de consacrer les gains budgétaires liés au retard du projet de drone Male européen pour réaliser des acquisitions susceptibles d'accélérer la dronisation de notre armée.

Si la géopolitique crée des ruptures, c'est aussi le cas des nouvelles technologies : au-delà des drones, je pense notamment à la guerre électronique, à l'intelligence artificielle, mais aussi à l'innovation quantique. Les sauts capacitaires dans chacun de ces domaines auront des répercussions sur l'organisation des armées ; nous devons nous y préparer.

Enfin, j'ai demandé à l'armée de terre de faire évoluer sa transformation. Plutôt que de continuer à saupoudrer les mesures de modernisation pour qu'elles profitent à l'ensemble des régiments – pour des raisons d'égalité et de justice compréhensibles –, j'ai demandé à ce que quelques régiments fassent l'objet d'une modernisation accélérée.

Cette décision a notamment été prise à des fins de compréhension. En effet, je me suis aperçu que de nombreux observateurs, y compris les plus savants d'entre eux, avaient parfois du mal à saisir en quoi consistait cette modernisation de l'armée de terre. Nous allons donc créer, en quelque sorte, des régiments témoins – pardonnez-moi cette expression –, qui montreront concrètement les évolutions liées à la « scorpionisation », à la guerre électronique, à la modernisation de certaines structures combattantes et forces de soutien.

Je considère donc votre amendement comme satisfait, et je vous invite, si vous en êtes d'accord, à le retirer. En contrepartie, je m'engage à répondre à toutes les questions que vous pourrez vous poser tout au long de l'année 2025 sur les initiatives en la matière de l'armée de terre et de la DGA.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Le groupe socialiste soutient cet amendement. Comme je l'ai déjà indiqué en présentant les crédits du programme 146, Hugues Saury et moi-même, qui en sommes les corapporteurs pour avis, nous rendons régulièrement sur le terrain. Je peux donc témoigner, tout comme lui, de la puissance de l'innovation française.

Certes, nous avons pris du retard à cause de décisions qui ont été prises il y longtemps, en considérant que les drones ne joueraient pas un grand rôle à l'avenir. Au regard des conflits actuels, nous voyons bien que c'était une erreur.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'attirer l'attention sur le fait que les drones ne concernent pas seulement l'armée de l'air. Vous avez raison, toutes les armées ont besoin de drones. Il ne s'agit pas simplement de nous aligner sur nos compétiteurs ou concurrents en matière d'armement ; il s'agit de tirer les leçons des conflits armés actuels, au cours desquels les drones jouent un rôle essentiel.

Je ne doute absolument pas de la capacité de nos industriels à développer un nouveau drone Male ; ils savent le faire. C'est essentiel, car nous entrons dans une nouvelle ère de combat, de nouveaux systèmes aérien et terrestre s'apprêtant à être déployés.

Monsieur le ministre, je vous remercie de l'intérêt particulier que vous portez au développement de ce type d'équipements, dont nous avons besoin. Nos chercheurs et nos industriels sont tout à fait capables, non seulement de produire cette technologie, mais aussi de l'améliorer pour que nos équipements soient encore plus en pointe qu'actuellement.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Lorsque j'entends parler de drones, je me sens obligé de prendre la parole. (Sourires.)

Cet amendement de notre collègue Hugues Saury est important, ne serait-ce que parce qu'il nous donne l'occasion de revenir sur la question des drones. Je rappelle que le Sénat suit ce sujet de très près depuis longtemps : le rapport d'information de Jacques Gautier et Daniel Reiner de 2013 a poussé à l'acquisition de drones Reaper ; en 2017, j'ai réalisé avec Gilbert Roger et Jean-Marie Bockel un rapport d'information intitulé Drones d'observation et drones armés : un enjeu de souveraineté, que nous avons actualisé en 2021 au travers d'un autre rapport d'information.

Les préconisations de ces rapports sont désormais appliquées. Monsieur le ministre, vous avez raison de dire que nous avons pris énormément de retard et que nous n'avons pas été bons ; c'est une évidence

Dans Vers l'armée de métier, le général de Gaulle estimait que la technologie devait être au service de la stratégie. Lorsque nous nous penchons sur les conflits auxquels nous sommes actuellement confrontés, qu'il s'agisse de l'Ukraine, du Haut-Karabakh, de l'Éthiopie ou d'autres, nous constatons que le drone est devenu un véritable game changer.

Depuis 2017, nous ne cessons de rappeler, au Sénat, l'importance de travailler sur cette question. Petit à petit, nous progressons : 5 milliards d'euros de crédits ont été inscrits dans la dernière loi de programmation militaire de sorte que nous prenions le bon chemin.

Toutefois, il s'agit d'un chemin compliqué à emprunter : il faut faire des choix difficiles, à commencer par le choix entre les diverses catégories de drones. Vous avez rappelé que la livraison du drone Male européen était sans cesse retardée, mais il convient également de s'interroger sur l'usage que nous souhaitons faire d'un tel drone de combat. Ainsi, la guerre en Ukraine nous a fait comprendre que l'emploi d'un drone Male n'était pas forcément une évidence.

Les évolutions de cette technologie sont nombreuses. Je rappelle que les Ukrainiens ont produit plus d'un million de drones en 2024. Nous devons faire en sorte que les industriels français s'adaptent à cette nouvelle donne, ce qui est extrêmement complexe.

J'espère que nous travaillerons sur ces sujets, en particulier sur l'adaptation de notre industrie de défense pour qu'elle soit en mesure de fournir nos armées en drones en quantités importantes. Actuellement, notre armée utilise des drones de petite taille, mais il ne faut rien s'interdire en la matière.

Une ancienne ministre des armées avait expliqué que nous ne nous doterions pas de munitions rôdeuses, car ce n'était pas éthique. Je rappelle que le deuxième concile du Latran avait interdit l'arbalète pour la même raison, ce qui n'a pas empêché son usage quelques années plus tard.

Il convient de faire preuve de clarté sur ces sujets. Je ne sais pas si Hugues Saury maintiendra son amendement, mais celui-ci me semble important dans la mesure où il montre l'importance de consacrer des moyens importants au développement des drones. Les industriels français savent faire beaucoup de choses ; il convient donc de les soutenir. Nous sommes, me semble-t-il, tous d'accord sur ce point dans cet hémicycle.

J'insiste sur le fait que nous avons besoin de clarté sur la façon dont seront ventilés les 5 milliards d'euros prévus dans la LPM. Actuellement, nous n'avons aucune idée des postes budgétaires qui en bénéficieront.

M. le président. Monsieur Saury, l'amendement n° II-1180 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Hugues Saury. Monsieur le ministre, il s'agit d'un sujet extrêmement important, mais étant entendu que nous avons jusqu'à présent toujours travaillé en confiance, je compte sur vous pour nous informer des avancées en la matière.

Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-1180 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° II-1230, présenté par MM. Gontard, Mellouli, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes de Marco, Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Nationalisation d'ATOS

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Environnement et prospective de la politique de défense

 

 

 

 

Préparation et emploi des forces

 

 

 

 

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

 

 

 

 

Équipement des forces

 

70 000 000

 

70 000 000

Nationalisation d'ATOS

70 000 000

 

70 000 000

 

TOTAL

70 000 000

70 000 000

70 000 000

70 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement, inspiré par celui que notre collègue député Aurélien Saintoul a déposé à l'Assemblée nationale, tend à créer un programme « Nationalisation d'Atos » et à l'abonder de 70 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Nous connaissons tous la situation d'Atos : l'entreprise est endettée à hauteur de 5 milliards d'euros. Au printemps 2024, Bruno Le Maire avait mollement indiqué vouloir sauver les « activités stratégiques » de l'entreprise, sans les définir et sans dire comment il comptait s'y prendre. Juste avant l'été, une offre de reprise à 700 millions d'euros était finalement évoquée.

Cette somme est-elle toujours à l'ordre du jour ? Au regard du cours de l'action, qui ne vaut plus que 0,65 centime, on peut supposer que la valeur de l'entreprise n'est en réalité que de 70 millions d'euros.

Quant aux activités dites stratégiques, on devine qu'il s'agit de celles qui sont directement liées aux activités de défense et de sécurité : les supercalculateurs, les systèmes militaires tels que la plateforme Artemis.IA, qui doit devenir le futur logiciel de renseignement de la DGSI et remplacer Palantir, ou encore la gestion des systèmes de combat et de communication sur le porte-avions, les frégates et les sous-marins.

Quid des logiciels gérés par Atos qui sont utilisés au quotidien par tous les Français ? L'entreprise est essentielle à tous les échelons de la nation. FranceConnect, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), la SNCF, la Caisse des dépôts et consignations, EDF et une grande partie des logiciels de gestion de sécurité informatique des collectivités territoriales et des mairies dépendent d'Atos. Faut-il comprendre que ces activités ne sont pas stratégiques ?

Une nationalisation totale de l'entreprise nous paraît la meilleure solution. Ce serait parfaitement logique, dans la mesure où celle-ci est financée par l'État de longue date, prestataire de l'État et subventionnée par l'État. Elle appartient au patrimoine industriel de la France.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Nous débattons souvent de la situation d'Atos au Sénat. Le président Perrin a plusieurs fois attiré l'attention du Gouvernement sur ce sujet, de même que plusieurs collègues au cours de séances de questions d'actualité au Gouvernement.

Pour autant, monsieur Gontard, j'interprète votre amendement comme un amendement d'appel. D'une part, il n'est pas opérant, dans la mesure où vous ne prévoyez pas d'affecter les sommes concernées vers le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », qui serait mobilisé pour une éventuelle nationalisation. D'autre part, le montant de l'opération serait à la fois très sous-estimé et superfétatoire, le compte d'affectation spéciale disposant déjà des fonds nécessaires.

J'écouterai avec attention l'avis du Gouvernement, mais je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le président Gontard, vous avez vous-même reconnu qu'il s'agissait d'un amendement inspiré de débats antérieurs : c'est pourquoi j'en demande le retrait.

N'étant pas ministre de l'économie et des finances, mais ministre des armées, je suis dans une position de client de solutions stratégiques importantes vis-à-vis d'Atos. Mon ministère a toujours utilisé les outils à sa disposition pour bien identifier la partie l'intéressant et devant faire l'objet d'un contrôle.

À l'inverse, j'ai toujours veillé à ce que les questions de défense nationale ne soient pas instrumentalisées pour outrepasser ce périmètre très clairement défini. Dans ce dossier, je m'attache à ce que mon ministère se borne à se comporter comme le client d'une solution critique.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

M. Cédric Perrin. Je comprends parfaitement l'intention des auteurs de cet amendement d'appel, puisque je rappelle que mon groupe politique a lancé, le 2 août 2023, dans le Figaro, un appel au secours au Gouvernement au sujet d'Atos, au moment où il a semblé que Daniel Kretinsky allait racheter l'entreprise en catimini pendant l'été, ce qui ne s'est finalement pas fait.

Je ne reviendrai pas sur les supercalculateurs et les questions de défense évoquées par le ministre. Il appartient évidemment à Bercy de gérer ce dossier.

Monsieur Gontard, vous prélevez les crédits sur le programme 146 « Équipement des forces », ce qui me pose un sérieux problème. En effet, comme je l'ai expliqué précédemment, nous traversons une période dans laquelle la nécessité de se réarmer est importante.

Je voudrais également revenir sur l'amendement n° II-1173 rectifié, qui n'a pas été défendu, ses auteurs ayant battu en retraite, si je puis dire. (M. Roger Karoutchi rit.) En voyant cette proposition de supprimer 1,5 milliard d'euros de crédits du budget de la mission « Défense », je me dis que nous ne vivons pas tous sur la même planète. La somme de 70 millions d'euros avancée par M. Gontard est bien moindre, mais elle représente également un trou dans la LPM.

Comment peut-on, dans les circonstances actuelles, en lisant le journal tous les matins, vouloir soustraire 1,5 milliard d'euros au budget de la défense ? Pardonnez-moi de me répéter, mais les bras m'en tombent ! C'est proprement hallucinant ! Soyons raisonnables. Le Sénat a la réputation d'être une assemblée de sages, de gens qui réfléchissent avant de déposer des amendements et de parler. Je lance donc un appel pour que la raison revienne dans cet hémicycle dans les années à venir.

Je ne sais pas si de tels amendements sont téléguidés par Bercy ou par quelqu'un d'autre, ce qui serait dramatique, mais j'espère qu'ils seront vite de l'histoire ancienne. Monsieur Gontard, je parle des amendements en général et non du vôtre, qui est tout de même un peu gênant.

En tout état de cause, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

M. Rachid Temal. Permettez-moi de dire un mot de la situation d'Atos. Ce ne serait pas la première fois qu'une entreprise française passe sous pavillon étranger, que ce soit par la vente de brevets ou par un rachat. À chaque fois, le Parlement doit se montrer vigilant.

Lorsque nous débattrons de la nouvelle revue nationale stratégique, il conviendra de veiller à ce que la question des nouvelles technologies et celle des matières premières y soient davantage intégrées, dans l'optique de construire une filière durable. Et en effet, cela peut impliquer des financements publics.

En ce qui concerne Atos, comme Cédric Perrin et ses collègues, le groupe socialiste a plaidé pour une telle solution. Je l'ai fait avec d'autant plus d'entrain qu'une partie des activités d'Atos sont situées dans mon département du Val-d'Oise.

Nous sommes avant tout solidaires des conclusions de la mission d'information du Sénat qui a travaillé sur l'avenir d'Atos. Il convient de faire la part des choses entre le caractère privé de l'entreprise et les intérêts nationaux vitaux qu'il nous faut protéger.

Aussi, nous ne voterons pas cet amendement, non pas parce que nous ne soutenons pas Atos, au contraire, mais parce qu'il est possible de trouver des solutions plus pérennes, dans ce cas comme de manière plus globale.

Par ailleurs, il ne me semble pas opportun de supprimer le moindre financement attribué à nos forces armées. C'est du reste pourquoi mon groupe n'a voté aucun des amendements déposés sur les crédits de cette mission. Il faut être cohérent avec les discours que nous tenons.

Cela étant, je sais que d'autres budgets sont en souffrance, comme celui de la mission « Aide publique au développement », que nous avons examinée il y a seulement deux jours de cela, et dont je rappelle qu'elle représente 1 % du budget de l'État, mais 10 % des économies. Attention, comme nous l'avons vu dans certains territoires, les questions de défense et de développement vont parfois de pair !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Évidemment, je ne m'attendais pas à ce que l'on règle, ce matin, par cet amendement – qui est, de fait, un amendement d'appel –, la situation d'Atos. Néanmoins, j'aurais trouvé gênant qu'elle ne soit à aucun moment évoquée dans le cadre de ce débat budgétaire.

Je l'entends bien, cette question a fait l'objet de précédents débats et même d'un récent rapport d'information. Seulement, il va bien falloir décider à un moment donné !

D'une part, que faut-il faire ? La nationalisation est-elle la bonne solution ? Je n'en sais rien, même si, pour ma part, j'ai tendance à la penser. En tout cas, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

D'autre part, quelles activités doivent être protégées ? Seulement les activités stratégiques, militaires ? La définition du périmètre est une vraie question. Et, là encore, j'attends une réponse de la part du Gouvernement.

Enfin, permettez-moi de vous dire que, forcément, un amendement comme celui-ci doit être, d'une manière ou d'une autre, gagé. Et c'est bien pourquoi nous avons demandé au ministre de lever le gage. Par conséquent, votre argument, mes chers collègues, n'en est pas un.

À tout le moins, nous souhaitions, je le dis une nouvelle fois, que ce dossier Atos soit abordé dans le cadre de notre discussion. Et, je me répète, il faut ne pas traîner pour trouver des solutions et ne pas attendre que la situation s'aggrave, compte tenu notamment des enjeux stratégiques liés à cette entreprise.

Toujours est-il que je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° II-1230 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI, INDEP et SER.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Défense ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à douze heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

La parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le montant des crédits de cette mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », à laquelle nous sommes tous très attachés, n'est pas du même ordre que celui des crédits de la mission « Défense », dont nous venons d'achever l'examen : 1,9 milliard d'euros de crédits de paiement contre 60 milliards d'euros… Pour autant, ce budget a une valeur hautement symbolique.

Pour la deuxième année consécutive, les crédits de cette mission enregistrent une légère baisse – de 16,5 millions d'euros, cette année –, en lien avec les évolutions démographiques, le nombre de bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant et de la pension militaire d'invalidité (PMI) continuant malheureusement de décroître.

Ces deux pensions, qui relèvent du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », concentrent 1,17 milliard d'euros et sont versées respectivement aux titulaires de la carte du combattant et aux militaires et anciens militaires souffrant d'une invalidité du fait de leur engagement.

Le montant de ces deux pensions est fixé en fonction de la valeur du point de PMI, lequel est indexé sur les rémunérations publiques. Il a ainsi été revalorisé de 1 % au 1er janvier 2025, passant à 16,07 euros, soit une revalorisation légèrement supérieure à celle qui avait été annoncée à l'automne, et qui devait conduire à ce que la valeur du point s'établisse à 16,05 euros.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2025, plusieurs éléments concernant cette mission méritent que l'on s'y arrête.

Ainsi, l'effort en faveur des rapatriés se poursuit, après l'augmentation exceptionnelle des crédits qui leur sont alloués en 2022. Pour 2025, ils croissent de 11,3 millions d'euros, conséquence de la décision prise en loi de finances pour 2024 de revaloriser le montant des rentes viagères qui leur sont versées, ainsi qu'à leurs veuves.

De plus, la décision Tamazount et autres c. France du 4 avril 2024 de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) portant sur le dispositif de réparation prévu par la loi du 23 février 2022 indemnisant les rapatriés du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire national dans les camps ou hameaux de forestage va conduire à renchérir le coût de ce dispositif. En effet, à la suite de cette décision, certains dossiers devront faire l'objet d'un nouveau traitement, ce qui entraînera le versement d'indemnités plus importantes, pour un coût budgétaire supplémentaire estimé à 41 millions d'euros. Néanmoins, ce surcoût pourra être lissé dans le temps.

Les crédits dédiés à la Journée défense et citoyenneté (JDC) enregistrent une forte hausse – plus 15 millions d'euros –à la suite de la refonte dont elle a fait l'objet.

Les crédits de l'action « Mémoire » connaissent une légère baisse, à hauteur d'un peu plus de 9 millions d'euros, car la programmation mémorielle pour 2025 est moins importante qu'elle ne l'a été en 2024, année qui a vu se dérouler les célébrations du 80anniversaire des débarquements et de la Libération.

Cependant, mes chers collègues, j'attire votre attention sur les crédits consacrés à l'entretien du patrimoine mémoriel militaire de l'État. Si leur montant est demeuré stable entre 2024 et 2025, à hauteur de 16,6 millions d'euros, une partie d'entre eux, 8 millions d'euros, ont fait l'objet d'une annulation. Ces contraintes budgétaires entraînent des retards dans l'entretien des sépultures militaires.

Je tiens également à saluer l'action des opérateurs de la mission : l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), l'Institution nationale des invalides (INI) – établissement de santé reconnu – et l'Ordre de la Libération.

J'appelle à accorder une vigilance particulière au financement de l'INI, qui fait face à une situation budgétaire contrainte du fait de difficultés conjoncturelles. Je tiens vraiment à souligner le dévouement et l'engagement de l'ensemble de ses personnels.

Enfin, je tiens à mentionner ici tous les bénévoles, les porte-drapeaux, qui œuvrent dans les associations patriotiques et de mémoire à l'occasion des cérémonies nationales ou locales, sur tous nos territoires, en métropole comme en outre-mer. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

Pour conclure, je me permets de vous renvoyer, mes chers collègues, à l'ensemble des rapports d'information produits par la commission des finances : sur la JDC, sur l'ONaCVG – en lien avec la Cour des comptes –, sur l'INI, sur la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS), sur le service militaire volontaire (SMV) ou sur la prise en charge des militaires blessés, notamment au sein des maisons Athos, qui témoignent d'un bel engagement de l'État.

La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, qui revêt une haute valeur symbolique.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d'évoquer les enjeux financiers, je regrette d'emblée que les termes « anciens combattants » retenus, une fois encore, dans l'intitulé de cette mission, ne soient pas en conformité avec la nouvelle réalité du monde combattant… Peut-être cet intitulé sera-t-il modifié un jour… En tout cas, je renouvelle ma demande, comme je l'ai fait les deux années précédentes. Je ne comprends pas pourquoi rien ne bouge. (Sourires.)

Le projet de loi de finances prévoit que cette mission bénéficie, pour 2025, de 1,906 milliard d'euros en crédits de paiement. Cette enveloppe serait donc en diminution de 20 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Le léger repli des crédits initialement demandés par rapport à l'an passé s'explique par la diminution continue du nombre de bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité et des autres prestations versées aux combattants.

Il faut toutefois souligner que la modération des dépenses de PMI et d'allocation de reconnaissance du combattant s'explique aussi par une faible augmentation du montant de ces prestations. La revalorisation du 1er janvier 2025 est de seulement 1,07 %, soit une stricte application de la formule prévue par décret. Si elle reste en deçà de l'inflation prévisionnelle pour 2025, qui s'établit à 1,6 %, cette hausse est toutefois supérieure aux prévisions initiales du projet de loi de finances, à savoir 0,94 %. Sans doute faut-il s'en satisfaire, dans le contexte budgétaire contraint.

À l'avenir, il faudra tout de même, madame la ministre, réévaluer l'évolution sur les dernières années du pouvoir d'achat des pensionnés, afin de déterminer les mesures nécessaires de correction de la valeur du point de PMI. Pareillement, cela fait plusieurs années que nous en parlons.

S'agissant des autres lignes budgétaires de cette mission, la commission a regretté que l'indemnisation des harkis et des autres membres des formations supplétives en raison de l'indignité de leurs conditions d'accueil fasse l'objet d'une sous-budgétisation problématique. Cette situation ne peut qu'allonger la durée de traitement des demandes d'indemnisation, qui est un droit reconnu et non un poste pilotable de dépenses.

En revanche, nous nous réjouissons que l'enveloppe budgétaire globale allouée au dispositif Athos de réhabilitation psychosociale des blessés psychiques soit portée à 6,1 millions d'euros. La consolidation des moyens financiers des maisons Athos, qui ont pleinement prouvé leur utilité, est une bonne chose. Je sais que vous y êtes sensible, madame la ministre.

Enfin, alors que l'examen de cette seconde partie du projet de loi de finances s'accompagne de la demande d'efforts budgétaires supplémentaires, la présente mission semble être relativement épargnée par de nouvelles coupes.

Cela étant, j'attire plus particulièrement l'attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas sacrifier, dans l'exécution budgétaire à venir, les dispositifs qui portent leurs fruits. Outre le programme Athos, que je viens d'évoquer, je pense en particulier au service militaire volontaire. Pour m'en être entretenue avec vous, madame la ministre, je sais que vous êtes favorable à ce qu'il continue d'évoluer.

La commission des affaires sociales émet un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, sous le bénéfice des observations formulées sur le point de PMI. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur spécial et M. Cédric Perrin applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de 1,91 milliard d'euros consacré à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » reflète des choix budgétaires qui limitent les avancées sociales et mémorielles, pourtant indispensables à la cohésion nationale.

La revalorisation du point de PMI demeure insuffisante face à l'inflation. Les anciens combattants, blessés et invalides continuent de porter les stigmates physiques et psychologiques de leur engagement. Pourtant, cette revalorisation reste limitée, laissant les bénéficiaires à la merci d'une perte de pouvoir d'achat, alors même que l'inflation pèse lourdement sur leur quotidien.

Cette situation exige une réponse budgétaire plus ambitieuse et un soutien accru pour ceux qui incarnent le sacrifice au service de la Nation.

Par ailleurs, la baisse de 10 millions d'euros des crédits alloués aux actions mémorielles, si elle marque un retour au niveau antérieur, suscite néanmoins des inquiétudes quant à la capacité de l'État à entretenir et à développer des initiatives essentielles.

Alors que la mémoire joue un rôle central dans la transmission des valeurs républicaines et l'éducation des jeunes générations, ces réductions mettent en péril les projets locaux et nationaux, notamment la préservation des lieux de mémoire et les initiatives éducatives.

Permettez-moi de souligner une lacune récurrente dans nos priorités budgétaires et mémorielles : la transmission de la mémoire des guerres coloniales et, plus largement, de l'histoire du XXe siècle.

Trop souvent, cette mémoire complexe, riche de leçons et de récits multiples, est reléguée au second plan dans les politiques publiques et les débats nationaux.

Cette absence pèse lourd dans un contexte où les enjeux de politique étrangère et les relations internationales nécessitent une compréhension claire et nuancée de notre passé. Aujourd'hui, cette mémoire est trop souvent réduite à des caricatures qui alimentent les clivages, alors qu'elle devrait servir d'outil pour renforcer la cohésion nationale et éclairer les générations futures.

Il est donc impératif d'amorcer un véritable chantier pour transmettre cette mémoire de manière responsable et inclusive. Cette démarche devrait viser à sortir des oppositions stériles et à offrir une compréhension globale des faits historiques, sans nier leur complexité ni les zones d'ombre qu'ils comportent.

Des milliers de jeunes Français sont les héritiers de cette histoire, qu'ils soient descendants de combattants, de victimes, ou simplement citoyens désireux de mieux comprendre les défis auxquels leur pays a été confronté.

En parler, en faire un pilier central du récit national, c'est leur permettre de s'approprier pleinement cette histoire et d'y trouver un sens qui nourrit leur sentiment d'appartenance à la République.

L'inscription de cette mémoire dans le roman national est un puissant outil pour rassembler les Français autour de valeurs partagées. Elle offre une occasion unique de montrer comment les épreuves et les contradictions peuvent forger une nation plus forte et plus unie.

Transmettre cette mémoire, c'est également une manière de répondre aux défis de notre époque : lutter contre les replis identitaires et construire une citoyenneté éclairée, capable d'affronter les défis démocratiques, écologiques et sociaux du XXIe siècle.

Cette mémoire, loin d'être un poids, peut être une boussole pour notre jeunesse. La négliger, c'est passer à côté d'une occasion historique, celle de transformer un passé parfois douloureux en une force pour l'avenir.

Pour conclure, bien que ce budget manque d'ambition face aux défis contemporains, notre groupe votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. le rapporteur spécial et Mme Marie-Laure Phinera-Horth applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour  2025, examen pour le moins troublé cette année, nous sommes aujourd'hui amenés à discuter des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Je tiens tout d'abord à rappeler l'immense respect que porte le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain à l'ensemble des acteurs du monde combattant d'hier et d'aujourd'hui. La question de la reconnaissance mémorielle revêt une importance primordiale : elle participe aux fondations du vivre-ensemble dans notre pays. Ces valeurs sont aujourd'hui fondamentales et doivent plus que jamais être défendues.

En 2025, le nombre de bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité diminuant tendanciellement, les crédits de cette mission se réduisent très légèrement, de l'ordre de 1,1 % par rapport au montant prévu en loi de finances pour 2024.

Concernant les pensions et allocations, il apparaît que la revalorisation du point de PMI est une nouvelle fois inférieure à l'inflation. Nous vous avions déjà alertée sur ce sujet l'année dernière. Bien que je salue la volonté exprimée par le gouvernement précédent de revaloriser de 1,07 % ce point, il ne progresse toujours pas au rythme de l'inflation, qui, selon les prévisions, devrait s'établir à 1,6 %.

Nous ne pouvons que regretter cet écart. En effet, préserver le pouvoir d'achat de ces retraités dont les pensions sont déjà très faibles est indispensable.

Un autre point dont nous nous réjouissons est le maintien des subventions versées à l'INI et l'augmentation de 3,2 millions d'euros des crédits de l'ONaCVG.

Nous saluons enfin la hausse des crédits accordés au dispositif Athos pour financer le renforcement de l'accompagnement des militaires blessés psychologiquement et de leurs familles. Les quatre maisons Athos accueillaient, au début de 2024, plus de 400 militaires blessés. En 2024, une nouvelle maison Athos a par ailleurs vu le jour en Haute-Garonne, très près de chez moi, à Villefranche-de-Lauragais.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. C'est également mon territoire ! (Sourires.)

Mme Émilienne Poumirol. Ayant commis, en 2014, un rapport sur le syndrome de stress post-traumatique, je ne peux que m'en réjouir. Il convient de pérenniser l'existence de ces maisons.

Ce projet de loi de finances consacre aussi une augmentation de 10,1 % des crédits alloués aux actions en faveur des rapatriés.

Les crédits moyens accordés pour le versement des allocations de reconnaissance et des allocations viagères sont en augmentation, conséquence de la levée, en 2022, de la forclusion.

Nous proposerons par voie d'amendement d'aller plus loin et de mettre fin aux disparités existantes, en étendant la rente viagère de 700 euros par mois accordée aux veuves d'anciens supplétifs à toutes les veuves, sans tenir compte de la date de décès de leur mari, et ce dans un souci d'équité et d'équilibre. Il s'agirait d'un acte de reconnaissance fort à l'égard de ces retraitées à la pension modique.

Comme tous les ans, nous soutiendrons un amendement visant à assurer l'indemnisation des vingt-deux supplétifs concernés de statut civil de droit commun de la guerre d'Algérie qui se sont vu refuser l'allocation de reconnaissance.

La diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des allocations s'accompagne dans ce budget d'une hausse des dépenses de réparation du préjudice subi par les harkis pour l'indignité des conditions de leur accueil, fixées par la loi du 23 février 2022. Nous l'avions dit lors de son examen en séance, ce texte ne pouvait valoir solde de tout compte.

Le travail de reconnaissance et de réparation doit se poursuivre. La France a d'ailleurs été condamnée par la CEDH le 4 avril 2024, pour les conditions de vie « pas compatibles avec le respect de la dignité humaine » des harkis dans les camps de Bias et de Saint-Maurice-l'Ardoise, dans lesquels les rapatriés souffraient d'une privation de liberté.

Ainsi, la CEDH « considère que les montants accordés par les juridictions internes en l'espèce ne constituent pas une réparation adéquate et suffisante pour redresser les violations constatées ». Selon elle, « les sommes allouées aux requérants sont modiques par comparaison avec ce que la Cour octroie généralement dans les affaires relatives à des conditions de détention indignes ». Or il semblerait que le coût budgétaire de la revalorisation n'ait pas été répercuté dans les crédits inscrits dans la mission.

À ce sujet, madame la ministre, comment comptez-vous faire respecter le droit et limiter les délais d'indemnisation ?

Enfin, nous notons dans ce projet de loi de finances une augmentation significative – 57,4 % – des crédits consacrés au lien armées-jeunesse. Elle marque la volonté du Gouvernement de réformer la JDC pour la rendre plus immersive, afin de susciter davantage de vocations pour les carrières militaires.

Au-delà de la JDC, obligatoire pour tous les jeunes, M. Macron a mis en place le service national universel en 2019, qui avait pour objectif de permettre aux jeunes de tous horizons de vivre un « séjour de cohésion », séjour suivi d'une mission d'intérêt général.

Cependant, dans son rapport de septembre 2024, la Cour des comptes a pointé du doigt « des objectifs incertains » et l'« insuffisante planification des moyens nécessaires à sa montée en charge », le Président de la République ayant affirmé sa volonté de le généraliser en 2026.

Ce dispositif apparaît aujourd'hui comme peu lisible pour les jeunes et ils sont chaque année moins nombreux à participer à ces séjours de cohésion d'une durée de douze jours. Ainsi, en 2023, ils étaient environ 40 000, alors qu'on en attendait 64 000.

Au regard des conclusions de ce rapport, il apparaît opportun de se questionner sur l'avenir même du SNU, dont la généralisation coûterait entre 3,5 milliards et 5 milliards d'euros.

Nous espérons, madame la ministre, que ces pistes de réflexion seront prochainement étudiées par le Gouvernement.

En tout état de cause, le groupe SER votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, se satisfaire qu'il subsiste encore une mission consacrée aux anciens combattants, c'est admettre que les victimes des guerres s'additionnent encore et toujours au travers de conflits qui ne s'interrompent pas.

Chaque jour, l'actualité nous le rappelle, la paix n'est jamais acquise. Et s'il fallait trouver quelque réconfort dans ce vacarme, nous avons conscience que c'est aussi la guerre qui a façonné certaines de nos valeurs indestructibles telles que la Nation.

La Nation a une dimension spirituelle et philosophique. La Nation incarne la continuité historique, la permanence et l'unité d'un pays, une culture, un patrimoine, des valeurs partagées malgré les différences.

Ces biens précieux nous ont été légués par nos aînés. Notre devoir est de les transmettre aux générations futures en les accompagnant.

L'existence de cette mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » traduit l'impérieuse nécessité d'honorer la mémoire en général, celle des combattants en particulier, même si certaines générations se sont désormais éteintes.

Sur un plan plus pragmatique, le budget de la mission enregistre en 2025 une légère baisse, justifiée par la diminution du nombre de pensionnés. Les crédits s'élèveront ainsi à un total de 1,9 milliard d'euros.

Notre groupe est favorable au maintien des crédits de cette mission. Les différents rapports de contrôle de notre collègue Marc Laménie, dont je tiens à saluer la qualité des travaux, mettent régulièrement en lumière l'importance des opérateurs de l'État relevant de cette mission. Je pense naturellement à l'ONaCVG et à ses antennes départementales, à l'Institution nationale des invalides ou encore aux maisons Athos, de création plus récente, chères à notre collègue Jocelyne Guidez, présidente du groupe d'études Monde combattant et mémoire.

Il s'agit de respecter et de faire perdurer les engagements pris à l'égard de ceux et de celles qui ont servi notre nation au péril de leur vie. Revaloriser la pension militaire d'invalidité et l'allocation de reconnaissance du combattant est plus que légitime.

Nous saluons également le fait que les crédits affectés au soutien des rapatriés d'Algérie s'accroissent, pour un total de 123 millions d'euros. C'est une mesure importante de reconnaissance.

Ce budget prévoit une diminution des moyens alloués aux commémorations, puisque nous avons tourné la page du 80e anniversaire du débarquement du 6 juin 1944.

Madame la ministre, nous comprenons l'effort d'économies dans le contexte actuel, mais pourriez-vous nous expliquer pourquoi le budget alloué aux commémorations a été réduit, alors que nous entamons une période tout aussi symbolique autour des quatre-vingts ans de la victoire du 8 mai 1945 ?

Aider au financement de l'entretien, de la rénovation des monuments aux morts et des lieux de mémoire est une exigence nationale. Tous ces symboles, à l'heure où la tendance est à déboulonner les statues, doivent rester des lieux de commémoration, de rassemblement, d'unité et de pédagogie à l'égard des plus jeunes.

Notons que la Première Guerre mondiale reste l'événement le plus commémoré dans nos villes et nos villages. C'est un signe, et la Nation ne se laissera pas intimider par ceux qui voudraient condamner ces valeurs, considérées comme désuètes.

Puisse cette mission nous aider, malgré les turpitudes de ces derniers temps, à nous réunir, toutes générations et familles politiques confondues, autour d'un passé commun et à assurer la transmission aux citoyens de demain.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Hugues Saury. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. Hugues Saury. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission que nous examinons aujourd'hui est relativement modeste par son volume – moins de 2 milliards d'euros –, mais elle n'a rien d'anodin. À l'heure du retour de la guerre sur le sol européen et de la dégradation du contexte stratégique mondial, elle joue même un rôle essentiel.

En effet, cette mission symbolise avant tout le lien qui doit unir la Nation avec ceux d'entre nous qui, à travers les générations, consentent à risquer leur vie pour la défendre. Mais elle incarne aussi un esprit : celui du combat, qui anime nos militaires, et celui de résilience, que nous devons promouvoir et renforcer auprès de l'ensemble de nos concitoyens, en particulier parmi nos jeunes.

C'est pourquoi je me félicite que, malgré la situation de nos finances publiques, les crédits consacrés à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » puissent conserver, à peu de choses près, le niveau qui était le leur l'année dernière.

Cette quasi-stabilité, que le groupe Les Républicains saluera en votant le budget qui nous est soumis, constitue en réalité un effort financier, et ce à double titre.

Tout d'abord, dans le contexte budgétaire actuel, la baisse de 1 % des dotations apparaît comme un bien moindre mal.

Ensuite, la mission est pour une large part constituée de prestations versées aux ressortissants de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG). Or, en raison de l'avancée en âge de chaque génération du feu et des ayants cause, les besoins financiers se font mécaniquement plus faibles d'année en année. Dès lors, maintenir les crédits dans leur ensemble revient à augmenter ceux qui sont dédiés à certaines actions.

Je me réjouis donc que ces moyens supplémentaires aient pu être dégagés, mais surtout qu'ils soient alloués à des axes essentiels à mes yeux. Je pense notamment au meilleur accompagnement des blessés de guerre, qui matérialise la solidarité que la Nation se doit d'exprimer vis-à-vis de ceux qui acceptent de s'exposer au danger pour nous en protéger.

En effet, la pérennisation du plan Blessés, la mise en œuvre des mesures prévues par la loi de programmation militaire (LPM) ou encore la montée en puissance des maisons Athos sont des actions qui nous permettent d'exprimer notre reconnaissance.

Elles représentent surtout, pour les hommes et les femmes qui s'engagent, l'assurance que, s'ils devaient subir les conséquences du feu, la suite de leur vie ne serait pas nécessairement et irrémédiablement brisée. À l'instar des dispositifs prévus pour leurs enfants ou leurs conjoints au cas où ils devraient consentir au sacrifice ultime, ces mesures sont essentielles à l'engagement, et, donc, à la défense de la Nation.

Je pense ensuite aux actions en faveur des harkis et des rapatriés, qui sont indispensables pour contribuer à refermer les plaies nées d'une période ô combien douloureuse de notre histoire contemporaine. À ce titre, on ne peut que se réjouir de la hausse des crédits consacrés aux allocations viagère et de reconnaissance. En effet, elle est la conséquence des diverses révisions et revalorisations intervenues ces dernières années, que nous avions régulièrement appelées de nos vœux.

J'observe néanmoins que ces augmentations absorberont la quasi-totalité des 11 millions d'euros supplémentaires dédiés à cette action. Dès lors, cela signifie que l'enveloppe consacrée au droit à réparation créé par la loi du 23 février 2022 restera pour ainsi dire identique cette année, à hauteur de 70 millions d'euros. Mais cela signifie surtout que les conséquences budgétaires de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Tamazount n'ont pas été tirées à ce stade.

On peut comprendre, d'un point de vue comptable, la volonté de lisser le surcroît de dépenses sur les années à venir. Permettez-moi cependant de souligner que cela se traduira nécessairement par une mise en attente indue pour l'instruction de nombreux dossiers d'indemnisation.

Madame la ministre, ce dispositif a commencé à réparer une faute et à apaiser les souffrances nées des conditions de vie indignes subies par les harkis et leurs familles à leur arrivée sur le territoire national, eux qui ont pourtant fait le choix de la France et courageusement porté ses armes. Il serait donc malheureux qu'une ombre soit portée sur l'application de la loi, qui par ailleurs avance bien et satisfait progressivement à ses objectifs.

L'autre élément fort de ce projet de loi de finances a trait aux crédits consacrés à l'action « Liens armées-jeunesse », qui est absolument incontournable au regard de l'ambition de renforcer la résilience de notre société.

En effet, la guerre en Ukraine et la mobilisation du peuple ukrainien ont agi comme un révélateur. Par contraste, ces événements ont montré que, dans notre pays, la relation entre la Nation et ses armées s'était sans doute distendue depuis la fin du service militaire. Et force est de constater que les dispositifs mis en place depuis lors en direction de la jeunesse n'ont pas réussi à pleinement la restaurer, malgré les qualités indéniables de certains programmes, qui méritent d'être poursuivis et même amplifiés.

La progression de 57 % des ressources budgétaires, qui passeront de 26 millions à 41 millions d'euros, est dès lors un réel motif de satisfaction. Mais au-delà du niveau très substantiel de cette hausse, c'est surtout l'orientation qu'elle traduit qui mérite d'être saluée.

Cela fait en effet plusieurs années que, sur de multiples travées de cet hémicycle, nous exprimons notre préoccupation face à l'évolution de la Journée défense et citoyenneté (JDC). Nous étions nombreux à appeler à une révision de son format pour la recentrer sur son caractère militaire, afin de mieux diffuser l'esprit de défense et, pourquoi pas, faire naître des vocations dans l'active ou la réserve.

À partir de 2025, son déroulement sur des sites militaires, encadré par des militaires, est de bon augure et me semble de nature à renouer avec son objectif premier, à savoir contribuer à la mission régalienne de défense à travers l'information sur les enjeux de sécurité nationale.

Enfin, je souhaite aborder la revalorisation des diverses allocations perçues par les anciens combattants ou par leurs veuves, et qui sont conditionnées par la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI).

Ces dernières années, le sujet a été régulièrement évoqué. Fort heureusement, il a connu des évolutions qui ont permis de combler, mais dans une faible mesure seulement, le fossé qui s'était creusé au fil d'une inflation trop longtemps non compensée, ou insuffisamment.

Une nouvelle revalorisation a eu lieu au 1er janvier. Elle est toutefois bien modeste.

Je comprends bien sûr que les difficultés financières actuelles ne permettent pas d'aller plus loin dans l'immédiat. J'espère néanmoins, madame la ministre, que ce projet de loi de finances sera l'occasion de prendre date afin de progresser plus résolument, dans les mois à venir, sur cette question fondamentale pour l'ensemble du monde combattant. (M. le rapporteur spécial applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec l'examen de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », nous débattons des crédits alloués à la solidarité de la Nation envers les militaires et les anciens combattants en raison de leur engagement et de leurs sacrifices au service de la sécurité de notre pays.

Comptant près de 1,8 million de ressortissants, le monde combattant rassemble tous ceux qui, titulaires de la carte du combattant – anciens combattants, victimes civiles de guerre et conjoints survivants –, peuvent se prévaloir du bénéfice du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que les associations et fondations qui œuvrent pour la mémoire des conflits des XXe et XXIe siècles.

Le projet de loi de finances prévoit une légère baisse des crédits de cette mission, qui s'explique notamment par la diminution du nombre des ayants droit et des ayants cause en raison du déclin démographique naturel des bénéficiaires des pensions.

S'agissant du calcul des pensions militaires d'invalidité, le précédent gouvernement avait retenu l'hypothèse d'une valeur du point de PMI de 16,05 euros en 2025, soit une revalorisation de 0,94 % par rapport à 2024. Celle-ci semblait trop faible au regard des prévisions d'inflation.

Aussi, le groupe RDPI salue l'effort du gouvernement actuel, qui propose finalement de fixer cette revalorisation à 16,07 euros, même si ce montant reste inférieur aux 16,09 euros évoqués avant la censure. Nous serons vigilants sur le respect de cet engagement du Gouvernement et veillerons à ce qu'une budgétisation suffisante permette de financer ce surcoût.

Parmi les mesures présentées, notre groupe soutient celle qui prévoit le maintien des droits reconnus aux anciens combattants, ainsi que la poursuite de la mise en œuvre du droit à réparation pour les harkis.

Nous soutenons également la nouvelle version de la Journée défense et citoyenneté qui sera déployée à titre expérimental en 2025. Les crédits qui lui sont alloués augmentent significativement – de 57,4 % – en 2025 pour atteindre 41 millions d'euros. Cette révision aura pour vocation de renforcer le lien avec la jeunesse et les militaires.

En effet, dans un contexte géopolitique dégradé et alors que nos armées rencontrent des difficultés de recrutement, il est fondamental, à travers la JDC, de consolider l'attractivité des métiers des armées en s'appuyant sur une expérience plus militarisée. À titre personnel, je milite depuis des années pour un retour du service militaire dans les outre-mer, du moins à titre expérimental, afin de mieux encadrer notre jeunesse. Je ne désespère pas d'être entendue un jour…

Pour conclure, en ces temps de contrainte budgétaire, notre rôle est de nous montrer à la hauteur de nos responsabilités. Dans cette perspective, le groupe RDPI appelle à voter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, nous constatons la disparition progressive des générations ayant vécu les conflits armés. Cette évolution démographique entraîne inévitablement une réduction des crédits alloués à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Toutefois, il est impératif de maintenir un niveau élevé de reconnaissance et de réparation, à la hauteur des sacrifices consentis par celles et ceux qui ont défendu notre pays.

Cette mission ne se limite pas à un soutien financier. Elle relève d'une obligation morale de la Nation envers ses anciens combattants et leurs familles, mais également vis-à-vis des générations futures.

Cette responsabilité doit perdurer, sans compromis. En Lot-et-Garonne, la mémoire combattante demeure vive. En témoigne la récente réunion, dans mon département, du congrès annuel de l'Union fédérale des associations françaises d'anciens combattants et victimes de guerre, en présence de nombreux porte-drapeaux et d'un public issu de toutes les générations.

Les marges budgétaires dégagées doivent permettre d'améliorer les dispositifs existants et d'adapter les aides aux besoins actuels.

À ce titre, je salue la revalorisation des pensions militaires d'invalidité prévue pour 2025. Cette hausse de 2,2 % corrige en partie l'inadéquation des mécanismes actuels face à la conjoncture économique.

Concernant les harkis et leurs familles, les dépenses augmentent afin d'honorer certaines décisions de justice restées trop longtemps insatisfaites.

Madame la ministre, je souhaite également attirer votre attention sur l'instruction de certains dossiers qui peinent à aboutir dans mon département. Ces efforts supplémentaires sont nécessaires pour réparer des injustices historiques.

La politique mémorielle englobe aussi la préservation des sites historiques et la commémoration des événements majeurs. La baisse du nombre des bénéficiaires des crédits de la mission n'empêche pas la mise en place d'une politique ambitieuse pour honorer la mémoire de nos anciens.

Ainsi, la refonte de la Journée défense et citoyenneté participe à remettre au cœur des préoccupations de la jeunesse, tout au long de la scolarité, l'engagement envers les valeurs républicaines et l'honneur de la mémoire des anciens combattants. Je pense ici au concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), organisé en lien avec l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance (Anacr), à destination des collèges et des lycées.

Face à la résurgence de propos haineux et à la banalisation de l'antisémitisme, la transmission de l'histoire est plus que jamais cruciale pour sensibiliser les générations futures.

La mémoire des anciens bénéficiaires des crédits du programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » ne doit pas s'effacer.

Ce programme poursuit aussi l'indispensable travail d'identification et de restitution des biens spoliés. Des poilus de la Première Guerre mondiale à nos soldats actuellement engagés en opérations extérieures, en passant par les figures de la Résistance, nous avons le devoir de préserver la mémoire de toutes celles et de tous ceux qui ont défendu notre liberté.

En 2024, ce devoir sacré a contribué à souder la Nation autour de la mémoire de Missak et Mélinée Manouchian. Nous espérons qu'il perdurera en 2025 avec l'entrée au Panthéon de Marc Bloch.

Le groupe du RDSE, fidèle à son engagement en faveur de la mémoire combattante et des valeurs républicaines, votera les crédits de cette mission. (M. le rapporteur spécial applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m'exprime cet après-midi au nom de ma collègue Nadia Sollogoub, qui est absente pour raisons de santé. Je vous donne lecture de son intervention.

« L'analyse du budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » appelle une réflexion globale, tant sur sa structuration que sur sa trajectoire.

« En effet, de façon régulière et implacable, suivant en cela l'évolution démographique des bénéficiaires de ses crédits, ce budget se rétracte chaque année.

« Si, au fond, chacun comprend la logique de cette décroissance, il faudra pourtant, un jour, se poser la question de sa limite. Cette limite existe-t-elle, ou faut-il se résigner, l'année prochaine et les suivantes, à voir se contracter de nouveau les crédits finançant pourtant des actions en faveur de la reconnaissance du monde combattant ?

« S'il n'y a pas de limite à la fonte de ce socle, devons-nous accepter collectivement ce que cela signifie ? Triste symbole que de manifester notre reconnaissance au monde combattant en nous contentant d'appliquer une règle de trois, alors qu'un budget sanctuarisé permettrait un partage plus gratifiant entre bénéficiaires, de meilleures prises en charge, des actions nouvelles, quelques investissements peut-être…

« Madame la ministre, nous savons votre engagement au service de cette cause. C'est pourquoi j'invite le Gouvernement à la prudence quant à l'avenir du financement de cette mission à nulle autre pareille.

« Si, chaque année, nous pouvons nous féliciter, avec les rapporteurs, d'avoir sauvé quelques dispositifs financiers essentiels, la trajectoire de cette mission, je le répète, n'a rien de sain ni de satisfaisant. Je ne peux me résoudre à ce que moins de 1,9 milliard d'euros soient inscrits au titre de cette mission dans le projet de loi de finances pour 2026, tout simplement parce qu'il y aura forcément moins de titulaires de la carte du combattant.

« Rien ne garantit que ces baisses ne sont que conjoncturelles. Si, un jour – lointain ! –, nous discutions des crédits de cette mission dans un environnement budgétaire moins contraint, il n'est pas certain que ceux-ci augmenteraient pour autant. Je crains que le processus ne soit durablement enclenché et que, telle la grenouille plongée dans une eau chauffée progressivement, de compromis annuel en compromis annuel, l'on ne se dirige petit à petit vers ce jour où la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n'aura plus grand-chose à partager…

« Pourtant, le monde combattant, dans sa diversité, dans ce qu'il représente pour aujourd'hui et pour demain, mérite mieux qu'une reconnaissance qui se rétracte lentement.

« Il y a dans le monde deux catégories de personnes : celles qui ont connu la guerre, et celles qui ne l'ont pas connue. Il y a ceux qui ont fait la guerre, et ceux qui ne l'ont pas faite.

« Ceux qui l'ont faite ne peuvent pas mettre cette page de leur vie au passé, ils ne sont pas et ne seront jamais d'« anciens » combattants. Ils sont des combattants, portant cette expérience traumatisante qui ne les quittera plus jamais, qui aura exigé d'eux un dépassement de soi hors du commun, qui les aura marqués pour toujours.

« Je me fais cette réflexion à chaque fois que je rencontre ceux que l'on appelle les « anciens combattants », lors de cérémonies ou d'assemblées générales associatives. Cette histoire en eux n'est pas ancienne, elle cohabite avec leur présent.

« Je me permets de vous rappeler, madame la ministre, une expérience que nous avons partagée à Nevers, celle d'un combattant d'Indochine, largement octogénaire, venu témoigner devant des collégiens, qui a fondu en larmes lorsque vous lui avez donné la parole. Pour lui, la guerre, ce n'était pas au passé.

« Les combattants ne sont jamais « anciens », ils incarnent un autre visage de la vie et du monde. Ils sont et seront toujours au cœur de l'actualité.

« Cette négociation budgétaire annuelle, qui résulte du croisement de plusieurs données, dont le nombre de bénéficiaires, le niveau de l'inflation et l'âge du capitaine, devra cesser un jour, car elle est, au fond, assez blessante.

« Les tourments de notre planète doivent, hélas, nous préparer à accueillir les anciens combattants de demain – curieuse expression ! C'est bien la preuve que l'on doit changer cette dénomination et considérer le monde combattant comme un ensemble, regroupant ceux qui y entrent et ceux qui en sortent, des frères d'armes de tous les âges et de toutes les batailles, unis par le même courage et par le don d'une partie de soi à la même nation.

« Nous devons les accueillir dans ce cercle, sans états d'âme, avec une structuration solide, et non fluctuante, avec des moyens de prise en charge renforcés, avec les bons outils, et sans faillir, parce qu'eux n'ont pas tremblé. On entre parfois dans le monde combattant, on n'en sort jamais. Alors, tous les moyens doivent être sanctuarisés pour que la vie y soit un peu plus douce.

« "La guerre est la guerre, […] c'est-à-dire sans commune mesure avec le reste des choses, au-delà de la morale, de la raison, de toutes les limites de la vie ordinaire, une sorte d'état surnaturel devant quoi il ne reste qu'à s'incliner sans discuter ", témoignait Romain Rolland.

« Il ne s'agit pas, à l'occasion d'un débat budgétaire, d'évoquer ce que la guerre a d'évitable ou d'inéluctable, sa violence inutile, ses horreurs et son cortège de blessures. Je veux simplement rappeler que le budget dont nous discutons aujourd'hui est un dossier de chair et de sang, et que l'on ne peut pas le traiter avec une simple calculette.

« Madame la ministre, le groupe Union Centriste votera les crédits de cette mission, en espérant que ce budget aura connu cette année son dernier coup de rabot. »

J'en profite pour vous demander, en mon nom propre cette fois-ci, s'il serait possible de reprendre les travaux que nous avons interrompus il y a quelques mois. Je souhaiterais notamment obtenir une réponse de votre part sur les opérations extérieures (Opex) au Tchad. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur spécial, Mmes Marie-Claude Lermytte et Pascale Gruny et M. Roger Karoutchi applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est à noter que les députés ont été privés de l'examen de ce budget et que la chute du gouvernement Barnier a suspendu l'examen des crédits de cette mission par le Sénat.

Au-delà de ces péripéties, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » traduit financièrement la reconnaissance et la solidarité de la Nation à l'égard des anciens combattants, qui lui ont sacrifié une part d'eux-mêmes, ainsi que la volonté de l'État de transmettre la mémoire de notre histoire.

Alors que, comme l'écrivait Amin Maalouf, « nous marchons comme des somnambules vers un affrontement planétaire », il est nécessaire de rappeler l'impératif de la paix pour l'émancipation des peuples et des individus.

Malheureusement, le gouvernement Bayrou n'y semble pas plus sensible que le gouvernement Barnier. En témoigne la baisse de 1,1 % des crédits de la mission pour 2025. Les crédits finançant les pensions militaires d'invalidité connaissent une baisse de 4 %, dans un contexte où les anciens combattants subissent une perte de leur pouvoir d'achat face à l'inflation.

La dégradation constante de leur niveau de vie nécessiterait au contraire de revaloriser le point de PMI. L'augmentation de la valeur du point constitue une revendication de longue date des associations d'anciens combattants.

Selon l'Association républicaine des combattants pour l'amitié, la solidarité, la mémoire, l'antifascisme et la paix, la revalorisation du point de PMI a été beaucoup moins forte que l'inflation et aucun gouvernement n'en a tenu compte. Le décrochage est pourtant de plus de 16 %.

Le gouvernement Barnier avait prévu une hausse de 1,2 % du point de PMI, lui permettant d'atteindre 16,1 euros, soit une augmentation moindre que l'inflation prévue en 2025.

Concernant la campagne double, il semble important de régler le problème posé aux anciens d'Algérie. Actuellement, ceux-ci doivent prouver qu'ils ont pris part à des actions de feu ou de combat pour en bénéficier. Le Gouvernement doit corriger cette iniquité de traitement entre combattants, car elle n'a que trop duré.

De manière générale, la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la mission s'accompagne systématiquement d'une simple réduction des crédits. Les moindres dépenses devraient au contraire permettre de financer de nouveaux droits ou de renforcer les dispositifs existants.

Enfin, concernant la baisse des crédits dédiés à la politique de mémoire, je tiens à exprimer notre inquiétude. La mémoire est l'espace du passé. Après la célébration du 80e anniversaire de la Libération de la France, il convient de se rappeler de l'histoire, afin de ne pas la voir se répéter. Le souci de réaliser des économies budgétaires ne peut par ailleurs justifier à lui seul la réduction des crédits alloués à la transmission de la mémoire et à l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les moyens de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » nous semblent encore insuffisants. C'est la raison pour laquelle le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera contre l'adoption de ces crédits.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteure pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous retrouver cet après-midi pour parler de la mémoire et des anciens combattants, des sujets qui me tiennent profondément à cœur, en hommage à l'héritage de Clemenceau et de Maginot, en cette année du centenaire du Bleuet de France.

Vous connaissez la situation financière extrêmement préoccupante de notre pays. Je me réjouis que, dans le contexte international menaçant qui nous entoure, la trajectoire de réarmement soit pérennisée et que la loi de programmation militaire soit respectée : c'est une exigence pour garantir notre défense. Est-ce à dire que le ministère des armées ne doit pas contribuer aux efforts collectifs pour améliorer la situation financière et économique du pays ? Non.

C'est pourquoi j'ai consciemment fait le choix, dans la situation budgétaire que nous connaissons tous, de proposer des économies pour plus de 50 millions d'euros.

Je le dis tout de suite : cette diminution ne menace aucunement la double exigence de reconnaissance et de réparation que notre pays doit à celles et ceux qui ont pris les armes pour le défendre. Ces exigences ne sont pas négociables. Nous avons une dette envers eux : jamais je ne transigerai sur ce point.

La présentation tardive du projet de loi de finances pour 2025 nous a permis d'affiner les hypothèses sous-jacentes à plusieurs postes de dépenses et de confirmer deux dynamiques.

La diminution des bénéficiaires des pensions, rentes et allocations est une réalité structurelle. Cela nous permet d'ajuster la trajectoire financière et de revoir à la baisse certaines dépenses sans que rien ni personne n'en souffre.

Ensuite, les trois mois qui nous séparent de l'automne ont permis d'affiner les prévisions de facturation de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) pour des prestations servies aux grands invalides, dont les clefs de répartition n'avaient pas été revues depuis plus de dix ans.

Une étude approfondie a permis de constater une moindre dépense significative. Cette démarche technique ne remet pas en cause, d'une manière ou d'une autre, le niveau et la qualité des prestations délivrées. Là encore, cela n'aura aucun impact sur les bénéficiaires.

Ces deux éléments justifient l'amendement du Gouvernement visant à réduire les crédits de plus de 50 millions d'euros. Ce que je vous propose s'inscrit donc dans une logique de sincérisation du budget, car j'ai tenu à participer à l'effort qui est demandé à tous, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le budget que je présente s'élève ainsi à un peu plus de 1,85 milliard d'euros. Il préserve toutes les composantes de la politique de réparation et de reconnaissance, tout comme il sanctuarise le programme 158, ce qui est une obligation morale à l'heure où le retour de l'antisémitisme exige une réponse résolue – j'y reviendrai.

J'entre désormais dans le détail. Comme l'an passé, ce budget est construit sur plusieurs piliers.

Le premier pilier, c'est la valeur du point de la pension militaire d'invalidité. Je suis fière de confirmer qu'elle passe de 15,90 euros à 16,07 euros, soit une légère hausse par rapport aux hypothèses de l'automne. C'est un levier central pour le pouvoir d'achat du monde combattant, pour reprendre vos mots, madame la rapporteure pour avis. Je sais que vous suivez tout particulièrement ce sujet, avec le rapporteur spécial Marc Laménie et les membres du groupe sénatorial d'études « Monde combattant et mémoire » que vous présidez.

Le deuxième pilier est celui de la mémoire combattante, de sa conservation comme de sa transmission.

Dès le mois d'octobre 2023, nous sommes entrés dans le cycle des 80 ans des débarquements et de la Libération.

Mesdames les sénatrices Émilienne Poumirol et Marie-Claude Lermytte, monsieur le sénateur Akli Mellouli, vous m'avez interrogée sur la baisse des crédits dédiés aux commémorations. L'essentiel de ces commémorations ayant eu lieu l'année dernière, ce projet de budget est en phase d'atterrissage et diminue logiquement.

L'année 2024 fut celle de la mémoire des débarquements, des combats de la Résistance et de la chevauchée victorieuse jusqu'à Strasbourg.

L'année 2025 célèbrera, elle, la courte année 1945 avec les derniers épisodes de la Libération, comme ceux des poches de Colmar et de l'Atlantique, où se sont illustrés des combattants de la France d'outre-mer.

Ce sera aussi la remémoration du retour des « absents », les prisonniers, mais aussi les déportés, avec la commémoration de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau le 27 janvier prochain.

Le retour des déportés doit être l'occasion d'approfondir les réflexions sur les causes et les manifestations de l'horreur nazie, qui ont aujourd'hui davantage muté que disparu. À cette fin, 1 million d'euros de mesures nouvelles seront consacrés au Mémorial de la Shoah, afin qu'il puisse continuer de mener ses précieuses actions de transmission de la mémoire, d'éducation à l'altérité et d'enseignement d'une page sombre de notre histoire.

Enfin, nous célébrerons la victoire sur l'Allemagne nazie.

Ce cycle prendra fin le 2 septembre prochain, lorsque nous commémorerons les 80 ans de la capitulation du Japon. Ce sera l'occasion de mettre à l'honneur le souvenir héroïque des combattants du Pacifique.

Comme l'année passée, il faut que nos commémorations soient l'occasion de grandes célébrations, d'une communion mémorielle qui rassemblera chacun de nos concitoyens autour du souvenir reconnaissant de celles et ceux qui ont rendu la liberté à notre pays. J'aurai besoin de chacun d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour partager cet engouement populaire dans vos territoires et embarquer notre belle jeunesse.

Je m'engage, comme je l'ai fait dès mon arrivée au ministère des armées au mois de juillet 2022, à délocaliser les cérémonies de commémoration des journées nationales d'hommage chaque fois que cela sera possible et aura du sens. Je sais que vous y êtes très sensibles.

Le troisième pilier est l'accompagnement de nos militaires blessés. C'est la logique du plan Blessés, dont le ministre des armées, Sébastien Lecornu, m'a confié la charge.

Cela débute par plus de 7 millions de mesures nouvelles au profit de la transformation de l'Institution nationale des Invalides pour consolider cette remarquable institution, héritière de trois cent cinquante ans de solidarité nationale.

Cette année, avec 1 million d'euros supplémentaires, nous ouvrirons près de Colmar une sixième maison Athos, ce dispositif de réhabilitation psychosociale qui vient en aide aux blessés psychiques. Nous poursuivrons aussi les réflexions qui ont été engagées sur les conditions d'ouverture d'un dispositif maison Athos outre-mer.

Pour faire écho aux succès remportés par l'Armée de champions lors des jeux Olympiques et Paralympiques, un nouveau dispositif de 300 000 euros permettra de rembourser intégralement des prothèses de nouvelle génération à but sportif pour encourager la réhabilitation par le sport, que l'on sait si efficace pour nos militaires blessés.

Le quatrième pilier concerne l'attention particulière que nous continuons de porter aux harkis.

Après la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français, ce sont plus de 11 millions d'euros supplémentaires qui sont inscrits dans ce budget. Au total, les mesures en faveur des harkis s'élèvent à plus de 123 millions d'euros, dont 70 millions pour le droit à réparation.

Les conséquences de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) du 4 avril 2024 relative aux harkis sont, par ailleurs, bien prises en compte dans ce projet de ce budget.

Nous n'oublions évidemment pas la jeunesse.

Des mesures nouvelles à hauteur de 15 millions d'euros permettent de renouveler significativement l'organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC). Elle sera repensée en profondeur afin de devenir un véritable moment de rencontre entre notre jeunesse et nos armées.

Cette refonte permettra aussi de repenser les modalités de recensement des Français afin de disposer demain, comme l'a dit le ministre des armées, des données qui seront le cœur souverain de la capacité des armées à mobiliser en cas de besoin. Recenser les volontariats comme les compétences, voilà un objectif utile à la résilience de la Nation.

J'ajouterai un mot sur le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale ». Cette année, plus de 85 millions d'euros sont consacrés au financement des dispositifs d'indemnisation des victimes de la Seconde Guerre mondiale ou de leurs ayants cause. Le maintien de cet effort financier traduit le soutien constant du Gouvernement envers les victimes de l'antisémitisme.

En 2025, alors que nous commémorerons les 80 ans de la libération des camps, il était impensable de diminuer les crédits de ce programme. Alors que les actes antisémites sont en nette augmentation, alors que certains cherchent à importer un conflit étranger en France, la mémoire de la Shoah est un guide qui ne s'égare pas pour ceux qui, comme moi, croient que la promesse républicaine repose sur l'insécabilité du lien qui unit la liberté, l'égalité et la fraternité.

N'oublions jamais ce qu'a dit l'un d'entre vous, Robert Badinter, qui entrera bientôt au Panthéon : « Les morts nous écoutent. »

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget place la mémoire, le monde combattant et le lien entre les armées, la Nation et la jeunesse au cœur de la conservation de nos forces morales. En votant ce budget, vous apporterez votre pierre à l'édifice de la résilience de la Nation et vous resserrerez les liens qui nous unissent. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi qu'au banc des commissions. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)

M. le président. Je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure trente.

En conséquence, nous devons terminer l'examen aux alentours de quinze heures trente-cinq de passer à l'examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Neuf amendements sont à examiner.

anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

1 901 882 102

1 905 972 102

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

1 816 528 043

1 820 618 043

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

85 354 059

85 354 059

dont titre 2

1 589 256

1 589 256

M. le président. L'amendement n° II-2179, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

 

51 477 474

 

51 477 474

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

51 477 474

 

51 477 474

SOLDE

-       51 477 474

-51 477 474

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Comme je viens de l'expliquer dans mon propos liminaire, j'ai souhaité, en conscience, que mon ministère participe à l'effort budgétaire indispensable à la continuité de l'État. J'ai voulu que cette trajectoire budgétaire soit soutenable pour garantir la souveraineté de la Nation et la préservation de son modèle politique et social.

Cela signifie que nous ne touchons pas au réarmement engagé depuis 2017 et conforté par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, sur laquelle nous avons tous longuement travaillé. Nous faisons porter cet effort sur le programme 169, en réduisant de 51,5 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Nous nous sommes appuyés sur les travaux conduits depuis le dépôt du projet de loi de finances au mois d'octobre dernier.

Premièrement, la répartition fondant le remboursement à la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) par le ministère des armées de soins hospitaliers au profit de grands invalides de guerre n'est plus d'actualité. Après des études menées par la direction de la sécurité sociale, la Cnam et la direction du budget, l'actualisation a fait émerger des économies de l'ordre de 50 millions d'euros.

Deuxièmement, les dynamiques démographiques à venir allégeront les charges liées aux pensions militaires d'invalidité et aux allocations de reconnaissance du combattant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, c'est la troisième fois que je me présente devant vous pour défendre le budget de cette mission. Les deux précédentes années, j'ai réussi à maintenir les crédits sans avoir à procéder à des économies afin de pouvoir prendre de nouvelles mesures – celles-ci seront maintenues.

Avec cet amendement, nous tirons les conclusions des travaux qui ont été menés, dans un contexte où j'ai refusé toute amputation du programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale ». Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous l'assure, cette baisse de crédits n'affectera aucun bénéficiaire, ce qui était évidemment ma ligne rouge.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Je tiens tout d'abord à remercier tous ceux qui se sont exprimés sur cette mission.

L'amendement du Gouvernement, que la commission des finances n'a pas examiné d'un point de vue technique, vise à prévoir la réduction d'environ 51 millions d'euros des crédits du programme 169, qui concentre plus de 95 % des crédits de la mission. En revanche, les crédits du programme 158, lequel est hautement symbolique, ne sont pas réduits.

Compte tenu des enjeux importants auxquels nous devons faire face, nous sommes sensibles aux économies qui peuvent être faites. En l'occurrence, comme vous l'avez rappelé fort justement, madame la ministre, dans un esprit de solidarité, cette réduction ne pénalise absolument pas les ayants cause, qu'il s'agisse de pensions militaires d'invalidité ou d'allocations de reconnaissance du combattant.

Cet amendement va le sens de la sincérisation du budget de cette mission, dont les crédits s'élèvent globalement à presque 2 milliards d'euros.

Je rappelle, par ailleurs, que des mesures fiscales ont été prises pour aider certaines personnes seules ; je pense notamment à la demi-part fiscale dont bénéficient les titulaires de la carte d'ancien combattant, et dont peuvent bénéficier leurs veufs et veuves.

Enfin, on constate une stabilité des crédits de cette mission, qui préservent la notion, fondamentale, de respect dû aux anciens combattants.

À titre personnel, je suis favorable à cet amendement qui vise à procéder à la sincérisation budgétaire.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Cet amendement vise a priori à réaliser des économies.

Si j'ai bien compris, madame la ministre, il s'agit de supprimer le décalage qui existait entre les soins dont bénéficient les grands invalides et les facturations qui étaient établies jusqu'à présent par la Cnam, écart qui se serait accumulé sur plusieurs années.

Je voudrais être certain de ne pas me tromper. Si l'on supprime 51 millions d'euros correspondant aux facturations de la Cnam, le déficit de la sécurité sociale va augmenter.

Il s'agirait donc, dans un objectif de clarification, de supprimer ces facturations en trop, ce qui aura pour effet de diminuer les recettes de la branche maladie de la sécurité sociale. Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que mon raisonnement est bon ?

Tout comme les membres du groupe Union Centriste, je voterai en faveur de cet amendement. Pour autant, je n'ai pas vraiment saisi, en écoutant les propos de la ministre et du rapporteur spécial, s'il s'agissait d'un transfert. Étant un défenseur de la vérité des prix, je préfère que le déficit soit réellement là où il doit être, c'est-à-dire au niveau de la branche maladie, plutôt que dans le budget de l'État.

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Je ne reprendrai pas les propos qui ont été tenus sur le respect dû au monde combattant.

À mon sens, ce projet de loi de finances prend un tour inquiétant : dans un prétendu souci de sincérisation, on n'arrête pas de donner des coups de rabot. Ainsi, sur toutes les lignes budgétaires, on nous fait le coup de la sincérisation à la baisse !

Puisque le débat sur la première partie a été tronqué et que l'on doit reprendre l'examen du projet de finances, il nous faudrait valider toutes les réductions de crédits que nous propose le Gouvernement.

Pourtant, alors que tant Mme la ministre que les différents orateurs ont fait état de l'indispensable travail de mémoire qu'exigeait la situation de notre pays et de la société française, où l'on voit d'anciens relents resurgir, on nous dit qu'il faut aussi réduire les crédits dans ce domaine. C'est incohérent !

Puisque ce projet de budget devient totalement insincère, le groupe GEST votera contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de vous apporter davantage d'explications.

Je vous l'ai dit, pendant deux ans, j'ai tenu à maintenir le budget de cette mission afin de mener de nouvelles actions. Toutefois, par solidarité gouvernementale, il faut contribuer à l'effort. C'est pourquoi, tout au long de cette semaine, j'ai travaillé avec mon équipe pour trouver des millions d'euros et où faire des économies.

C'est par des mesures d'actualisation qui n'avaient pas été réalisées depuis une dizaine d'années qu'il a été possible de réaliser ces économies, lesquelles, de fait n'en sont pas vraiment.

Nous avons aujourd'hui la capacité de travailler sur cette actualisation avec la direction du budget, la Cnam et la sécurité sociale. Je peux donc vous confirmer qu'il s'agit non pas d'un report de dette sur la sécurité sociale, mais simplement d'une actualisation, car le budget alloué ne correspondait pas à la réalité.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, alors que nous avons repris nos travaux sur ce projet de budget, nous découvrons, mission après mission, des amendements du Gouvernement. En l'occurrence, on apprend qu'une actualisation n'a pas été faite pendant dix ans... Dont acte.

Je ne mets pas en doute la sincérité de vos propos, madame la ministre, mais les personnes concernées réagiront peut-être.

Il y a tout de même là un sujet ! Pour ma part, je m'interroge : doit-on poursuivre la procédure budgétaire comme si de rien n'était ?

Vous nous expliquez le travail que vous menez depuis deux ans – je ne doute pas de l'authenticité de votre engagement. Pourtant, depuis, il s'est passé des choses dans ce pays – élections législatives, censure du gouvernement… – et l'on continue, bon an mal an.

Je soumettrai donc à mon groupe une proposition relative à notre procédure budgétaire. En effet, nous ne pouvons pas voir arriver des amendements du Gouvernement que nous n'avons pas le temps d'étudier, et faire comme si de rien n'était. Les budgets des missions devraient être renvoyés en commission, afin que nous puissions les examiner à nouveau.

Pour notre part, nous n'avons pas le droit de faire des propositions. Alors que nous ne pouvons pas déposer de nouveaux amendements, on nous en soumet d'autres ! Va-t-on continuer à examiner les missions comme cela, avec des amendements gouvernementaux qui ne cessent de tomber, jusqu'à la réunion de la commission mixte paritaire ?

Cette situation nous met tous en difficulté, l'opposition sénatoriale comme la majorité.

Réfléchissons-y : poursuit-on le débat sur les missions sans rien dire ou les renvoie-t-on en commission pour qu'elles soient examinées de façon pluraliste, comme on sait le faire ici, au Sénat ?

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Si j'ai bien compris, ces 50 millions d'euros prévus de façon récurrente n'étaient pas dépensés ; aujourd'hui on sincérise le budget de cette mission en les ôtant dudit budget.

C'est une sincérisation, et non une économie.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Parfaitement !

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Mme Émilienne Poumirol. Comme Pascal Savoldelli, je ne doute pas de votre sincérité et du travail que vous avez pu faire, madame la ministre.

Pour autant, depuis mercredi dernier, nous examinons les budgets des différentes missions et nous constatons que, deux heures avant l'ouverture de la séance, un nouvel amendement de suppression de crédits arrive. Je l'ai vécu jeudi dernier avec la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». C'est systématique !

Notre collègue Bazin vient de dire qu'il ne s'agissait pas d'une suppression de crédits, puisque ceux-ci n'étaient pas utilisés. Cela signifierait que nous avions, les années précédentes, des budgets insincères, puisque nous prévoyions des dépenses qui n'étaient pas réalisées.

Je ne doute pas de votre honnêteté, mais comment se fait-il qu'il n'y ait pas de suivi des dépenses réelles, année après année ? Finalement, on a systématiquement voté un budget comprenant 50 millions d'euros de trop ; j'entends bien que les grands invalides sont de moins en moins nombreux, donc que les remboursements d'actes chirurgicaux, ou autres, diminuent...

Avons-nous vraiment voté des dépenses de façon insincère, faute d'avoir contrôlé si elles avaient été consommées ou non ?

On nous présente depuis trois jours des réductions de crédits sous prétexte de sincérisation et de contrôle. Cet argument me dérange. Le groupe SER ne votera donc pas cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-2179.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-1685 rectifié, présenté par M. Canévet, Mme Antoine, M. Delcros et Mmes N. Goulet et Vermeillet, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

 

7 000 000

 

7 000 000

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

 

23 000

 

23 000

TOTAL

 

7 023 000

 

7 023 000

SOLDE

-7 023 000

-7 023 000

La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Mme Sylvie Vermeillet. Compte tenu de l'adoption de l'amendement du Gouvernement, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° II-1685 rectifié est retiré.

L'amendement n° II-85 n'est pas défendu.

L'amendement n° II-32, présenté par M. Laménie, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

 

1 000 000

 

1 000 000

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

1 000 000

 

1 000 000

SOLDE

- 1 000 000

- 1 000 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Puisque l'amendement du Gouvernement a été adopté et que des explications légitimes et sincères viennent de nous être apportées – je remercie sincèrement Mme la Ministre et mes collègues d'avoir tenu un langage de vérité, car il est important d'aborder ces sujets avec force, conviction et respect –, je retire cet amendement, qui était un amendement d'appel.

M. le président. L'amendement n° II-32 est retiré.

L'amendement n° II-968 rectifié, présenté par M. Fernique, Mmes Belrhiti et Drexler, MM. Kern, Khalifé et Klinger, Mme Muller-Bronn, M. Reichardt, Mmes Schalck et Schillinger et M. M. Weber, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Reconnaissance et indemnisation des orphelins des incorporés de force d'Alsace et de Moselle pendant la Seconde Guerre mondiale

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

 

29 410 094

 

29 410 094

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

 

 

 

 

Reconnaissance et indemnisation des orphelins des incorporés de force d'Alsace et de Moselle pendant la Seconde Guerre mondiale

29 410 094

 

29 410 094

 

TOTAL

29 410 094

29 410 094

29 410 094

29 410 094

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Notre Nation a une dette à l'égard de l'Alsace-Moselle. Tel est l'objet de cet amendement transpartisan qu'ont signé onze sénatrices et sénateurs de ces trois départements.

Il y a dette parce qu'il y a eu manquement, d'abord du fait de l'abandon face à l'annexion de fait datant de 1940 : les citoyens français d'Alsace-Moselle ont été laissés à leur terrible sort. Cette réalité a longtemps été occultée. Cette injustice s'est prolongée parce que des décennies ont passé avant qu'il soit admis qu'il s'agissait bien d'une annexion, et non d'une occupation.

De cette annexion a résulté le crime de masse qu'a été l'incorporation de force. Toute une population masculine entre 17 et 36 ans fut contrainte, contre sa conscience nationale, à porter les armes sous un uniforme qu'elle détestait. On imposa à ces hommes le statut de traître et, pour les survivants et leurs proches, il a fallu vivre avec cet opprobre. Les apparences étaient contre eux et ils ont préféré se taire, alors que, comme l'écrit l'historien Jean-Laurent Vonau, il aurait fallu crier au monde entier la vérité du crime qu'ils avaient enduré.

Des 130 000 enrôlés de force, 40 000 ne sont pas revenus. Qui sait qu'au total, à l'échelle du pays, un Français sur cinq morts durant la Seconde Guerre mondiale est un Alsacien-Mosellan ?

L'Allemagne, sans clairement reconnaître le crime, a versé 250 millions de deutschemarks en 1981 pour les survivants, mais rien pour les orphelins.

La France, enfin, en 2010, a rendu leur dignité aux incorporés de force par la voix du président Nicolas Sarkozy. Cette reconnaissance nationale qu'ils n'étaient pas des traîtres vient d'être renouvelée par le président Emmanuel Macron à Strasbourg le 23 novembre dernier, avec les mots justes qu'il fallait.

Il revient à présent à la représentation nationale de concrétiser cette reconnaissance en faisant ce geste pour les enfants qui ont été privés de leur père. Quelque 3 500 de ces orphelins, très âgés, sont encore vivants, et nous le leur devons avant qu'il n'y en ait plus un seul.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Cet amendement important est soutenu par nos collègues de Moselle et d'Alsace.

Il est vrai que les orphelins des malgré-nous sont exclus de cette définition, alors qu'ils ont incontestablement un besoin de reconnaissance et de conservation de cette mémoire. C'est nécessaire, voire indispensable.

Certes, les malgré-nous ont été assimilés aux anciens combattants en 1945. Leurs orphelins sont pupilles de la Nation et peuvent bénéficier de l'action sociale de l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) – j'en profite pour saluer le travail de cette structure dans nos territoires et départements respectifs.

Il est vrai que le dispositif proposé aura un coût financier de 29,4 millions d'euros ; pour autant, il faut toujours mettre en avant l'aspect humain. Par ailleurs, les éventuels bénéficiaires pourront faire le choix d'une indemnité sous forme de rente.

Sur cet amendement, la commission sollicite l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à rappeler que les orphelins d'incorporés de force bénéficient du soutien de l'ONaCVG, comme vient de le dire M. le rapporteur spécial, en leur qualité de pupilles de la Nation. Ils ont exactement les mêmes droits à pension que les fils et filles des morts pour la France, et bénéficient d'aides de secours en cas de maladie, d'absence de ressources ou de difficultés momentanées.

Je rappelle également que ces orphelins ont reçu le versement d'une allocation unique financée par l'Allemagne, versée à leur mère ou bien à eux directement lorsqu'ils étaient orphelins de père ou de mère.

Toute mesure supplémentaire d'indemnisation des orphelins d'incorporés de force ne me paraît pas pertinente, d'autant qu'elle créerait une distorsion de situations avec les orphelins des autres morts pour la France.

Le Gouvernement est très attaché au périmètre actuel d'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie, de la Shoah et de la déportation, pour laquelle l'État français a reconnu sa part de responsabilité, responsabilité qui doit rester singulière.

Pour autant, nous devons donner toute sa place à la mémoire des incorporés de force dans notre mémoire nationale, ce qui constitue une tâche d'ampleur. Nous devons y travailler résolument, en faisant figurer cet épisode dans les manuels scolaires, en soutenant la recherche historique et le développement d'activités mémorielles. J'ai d'ailleurs demandé à la Mission du 80e anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire d'accentuer son soutien à des laboratoires de recherche, pour faire émerger des projets scientifiques sur ce thème.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. Madame la ministre, je m'attendais à l'argument sur le risque de distorsion de situations, lequel justifierait l'avis défavorable du Gouvernement.

Je tiens à dire combien la douleur liée à cette tragédie spécifique impose la reconnaissance de cette mémoire.

À Colmar, en 2010, la République, par la voix de Nicolas Sarkozy, disait aux incorporés de force, « à leurs familles, à leurs enfants [...], aux survivants de cette tragédie, [...] que ceux qui les ont abandonnés, ceux qui n'ont rien fait pour empêcher cette ignominie perpétrée contre des citoyens français, ont trahi les valeurs de la France, l'ont déshonorée ».

Le 23 novembre dernier, à Strasbourg, l'actuel Président de la République a dit, à juste titre, de ces enfants d'Alsace et de Moselle qu'ils furent mis « au service d'une cause qui les faisait esclaves » et qu'ils « comprirent parfois aussi dans leur rang des enfants perdus qui endossèrent la cause néfaste du Reich », ajoutant : « Il nous faut reconnaître les souffrances que les premiers subirent, celles que les seconds dans leur petit nombre causèrent. »

Madame la ministre, la reconnaissance des souffrances résultant de cet abandon de 1940 et de ce crime de masse commis de 1942 à 1945 devra aller au-delà des mots, même s'ils sont essentiels.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-968 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, il nous reste cinq minutes pour examiner les quatre amendements restant en discussion.

L'amendement n° II-1626, présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Briquet, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

6 000 000

6 000 000

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

6 000 000

6 000 000

TOTAL

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, dans mon intervention liminaire, je n'ai pas évoqué la diminution des crédits destinés aux commémorations, car je sais bien que leur montant sera moins important en 2025 que l'année dernière, à l'occasion de laquelle nous avons célébré l'anniversaire de la Libération.

Cet amendement a trait aux retraites des veuves de harkis. En 2015, nous avons voté une rente viagère pour les veuves dont les époux étaient décédés à partir de 2016. L'loi introduit une différence entre les pensions des veuves, selon que leur mari est décédé avant ou après 2016, ce qui constitue une incongruité.

J'ai cru comprendre qu'un amendement à l'objet similaire avait été adopté l'année dernière. Si tel est le cas, je retirerai bien évidemment mon amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. L'amendement étant satisfait, la commission en demande le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Un amendement à l'objet similaire ayant bien été adopté l'année dernière, cet amendement est satisfait.

M. le président. Madame Poumirol, l'amendement n° II-1626 est-il maintenu ?

Mme Émilienne Poumirol. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-1626 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° II-533 rectifié est présenté par Mmes Micouleau et Richer, M. Allizard, Mmes Belrhiti, Berthet et V. Boyer, M. Bruyen, Mme Di Folco, MM. Genet et Gremillet, Mmes Joseph et Lassarade et MM. Michallet, Milon, Panunzi, Piednoir, Rietmann, Sol, Somon et P. Vidal.

L'amendement n° II-1625 est présenté par Mmes Poumirol et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Briquet, Canalès, Conconne et Féret, MM. Fichet et Jomier, Mmes Lubin, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° II-1743 est présenté par M. Benarroche.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

92 290

 

92 290

 

Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

dont titre 2

 

92 290

 

92 290

TOTAL

92 290

92 290

92 290

92 290

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Catherine Di Folco, pour présenter l'amendement n° II-533 rectifié.

Mme Catherine Di Folco. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l'amendement n° II-1625.

Mme Émilienne Poumirol. Tous les ans, de façon répétitive, nous défendons cet amendement.

Jusqu'à présent, ils étaient vingt-sept ; ils ne sont plus que vingt-deux supplétifs de statut civil de droit commun de la guerre d'Algérie. Le Conseil constitutionnel a estimé que les demandes ou renouvellements de demande des supplétifs déposés entre le 5 février 2011 et le 19 décembre 2013 étaient éligibles à l'attribution de l'allocation de reconnaissance.

J'y insiste, cela concerne aujourd'hui vingt-deux supplétifs. Si l'on attend encore, ils finiront naturellement tous par mourir. La dépense serait de l'ordre de 92 000 euros ; les fédérations de rapatriés y sont, en particulier, très attachées.

M. le président. L'amendement n° II-1743 n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc Laménie, rapporteur spécial. Certes, ce sujet, que nous examinons tous les ans, mérite respect et reconnaissance, mais notre volonté d'objectivité et de sincérisation du budget nous conduit à demander le retrait de ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Pour être tout à fait exacte, j'ai demandé le chiffre du dernier comptage : ces supplétifs ne sont plus que vingt.

Il se trouve que je n'ai aucun dossier en cours : je ne puis donc y répondre. Néanmoins, je suis le sujet, puisque des amendements similaires sont déposés chaque année.

Le gouvernement demande donc le retrait des amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Poumirol, l'amendement n° II-1625 est-il maintenu ?

Mme Émilienne Poumirol. Oui, monsieur le président, je maintiens cet amendement, car les associations de rapatriés nous proposent chaque année de le déposer.

Vous l'avez dit, madame la ministre, ces supplétifs ne sont plus que vingt. Il a été question de sincérisation du budget : la dépense pourrait facilement être englobée dans ce budget.

Cette mesure répond au devoir qui est le nôtre d'assurer reconnaissance et égalité. Il est de notre responsabilité de défendre les supplétifs encore en vie qui ont servi la France au moment de la guerre d'Algérie.

M. le président. Madame Di Folco, l'amendement n° II-533 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Di Folco. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures trente-sept.)

M. le président. La séance est reprise.

Régimes sociaux et de retraite

Compte d'affectation spéciale : Pensions

Transformation et fonction publiques

Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État

Gestion des finances publiques

Crédits non répartis

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », du compte d'affectation spéciale « Pensions », de la mission « Transformation et fonction publiques », du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », de la mission « Gestion des finances publiques » et de la mission « Crédits non répartis ».

La parole est à Mme la rapporteure spéciale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma présentation des crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » change vraiment par rapport à celle que j'ai faite le 5 novembre dernier devant la commission des finances.

Pour cause, le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale entraîne une revalorisation des pensions automatique de 2,2 % au 1er janvier 2025 au lieu de 0,8 % prévus au mois de juillet dernier dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale initial, soit un surcoût de près de 1 milliard d'euros pour l'État ! Ce milliard d'euros imprévu va plomber le solde tout à fait précaire de notre système de retraites. Puisqu'il est dans tous les esprits, je ne peux qu'abonder dans le sens du nécessaire équilibre financier à trouver, sauf à condamner notre système par répartition.

En effet, la tentation est grande de basculer vers un peu de capitalisation, mais cela ne réglerait en rien l'équation. Si la capitalisation est optionnelle et additionnelle aux cotisations actuelles, elle ne comblera pas le déficit structurel du système. Si elle se substitue pour partie à l'actuel système par répartition, elle aggravera bien évidemment le déficit, car ce qui serait demain cotisé pour soi ne viendrait plus payer les pensions des retraités actuels.

Je mets donc en garde contre l'idée de fragiliser notre système par répartition : au-delà du gouffre financier que cela entraînerait, c'est l'esprit de solidarité intergénérationnelle, fondateur de la sécurité sociale, qui serait remis en cause.

Y a-t-il une solution ? Oui ! Elle se situe dans notre taux d'emploi. Je partage l'analyse de Gilbert Cette, président du Conseil d'orientation des retraites (COR) : « Le taux d'emploi de la population âgée de 15 à 64 ans s'élève à 82 % aux Pays-Bas contre 69% en France. Rattraper le taux d'emploi des Pays-Bas signifierait une croissance de notre emploi de 20 %. Même en supposant que les nouveaux embauchés aient une productivité moitié moindre que les actifs, cela élèverait le PIB d'environ 10 % et compte tenu d'un taux de prélèvements obligatoires supérieur à 45 %, les recettes publiques augmenteraient de 140 milliards d'euros par an. » Vous avez bien entendu ! Comment ne pas y réfléchir ? La marge est si grande qu'un compromis doit être possible.

En outre, parce que ce n'est jamais dit, je souhaite rappeler que la réforme de 2023 a eu des effets redistributifs marqués, notamment en faveur des plus petites retraites, dont le montant s'accroît de 12 %, alors que les pensions les plus élevées régressent légèrement. En outre, le niveau de pension à la liquidation croît en moyenne de 3,4 % pour les femmes, contre 1,7 % pour les hommes.

J'en viens aux crédits de la mission « Régime sociaux et de retraite », dont le montant atteint 5,9 milliards d'euros, en intégrant deux amendements du Gouvernement qui actent d'une sous-consommation des crédits de 193 millions d'euros pour 2024 et de la revalorisation des pensions de 2,2 % au 1er janvier 2025 pour 119 millions d'euros. Ils sont fléchés à près de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP.

La maquette budgétaire intègre enfin cette année les régimes de la Comédie-Française et de l'Opéra de Paris. Un amendement auquel la commission est favorable permettra, de plus, d'intégrer à la mission le régime des gérants de tabacs.

Les crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » s'élèvent à 69,3 milliards d'euros. L'incidence de la revalorisation de 2,2 % est de 856 millions d'euros. Ce supplément aura pour autre conséquence de rendre déficitaire le solde cumulé du compte d'affectation spéciale « Pensions » dès 2026, au lieu de 2027. En vertu de la Lolf (loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances), il doit être équilibré à tout moment. Ainsi, l'État, qui relève déjà dès cette année de quatre points son taux de contribution employeur, devra de nouveau l'augmenter l'an prochain, ce qui sera source de dépenses supplémentaires !

La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) doit aussi augmenter son taux de cotisation employeur de quatre points face à l'effondrement de son ratio démographique : moins de recrutements, donc moins de cotisants, et un recours massif à des contractuels qui, eux, cotisent au régime général et à l'Agirc-Arrco. À la différence du régime général toutefois, la CNRACL ne bénéficie pas d'un apport de CSG.

Pour mieux comprendre, il serait vraiment utile de disposer d'un document consolidant les six régimes de la sphère publique : le service des retraites de l'État (SRE), la CNRACL, l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et la retraite additionnelle de la fonction publique (Rafp).

Chers collègues, malgré les hausses importantes de crédits liées au rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous propose d'adopter les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale, puisqu'il s'agit d'honorer le versement des pensions de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter en quelques minutes la position de la commission sur les trois missions et le compte d'affectation spéciale qui couvrent le périmètre de Bercy.

La commission vous proposera d'adopter l'ensemble de ces crédits, sous réserve de leurs modifications par ses trois amendements.

La mission « Gestion des finances publiques » porte des crédits d'administrations cruciales pour la gestion des dépenses et des recettes de l'État, ainsi que pour nos concitoyens puisqu'il s'agit de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Ces administrations prennent toute leur part dans l'effort de redressement des finances publiques engagé par le projet de loi de finances. Cela se traduit par une stabilisation des crédits de la mission, après deux années consécutives d'augmentation et, surtout, par la baisse des dépenses de fonctionnement d'environ 1 %. Je salue également l'effort de rationalisation des effectifs de la mission, qui se poursuit et s'intensifie en 2025.

Je relève par ailleurs avec satisfaction que la contribution de la DGFiP et des douanes au redressement de nos comptes publics ne remet pas en cause les chantiers prioritaires des dernières années. Je pense notamment aux dépenses informatiques, qui ont longtemps servi de variable d'ajustement et qui sont préservées dans ce projet de loi de finances. Ces dépenses sont essentielles pour résorber la dette technique des administrations de Bercy et développer de nouvelles applications à même de produire des gains de productivité à moyen terme.

Les moyens consacrés à la lutte contre la fraude et les trafics de toute nature sont également renforcés. En témoignent la poursuite de la modernisation des moyens de contrôle des douanes, notamment au travers de l'acquisition de nouveaux scanners, et la création d'une nouvelle unité de renseignement fiscal, dans le cadre du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques.

Le Gouvernement s'était engagé lors de la présentation de ce plan au mois de juin 2023, à recruter 1 500 agents supplémentaires dédiés à la lutte contre la fraude fiscale à l'horizon 2027. Madame la ministre, compte tenu du contexte budgétaire difficile, le Gouvernement sera-t-il en mesure de tenir cet objectif ?

Je conclus mon propos sur cette mission en exprimant un regret concernant le déploiement des conseillers aux décideurs locaux pour les collectivités territoriales, les fameux CDL. Aujourd'hui, ce sont 913 conseillers qui sont en poste, alors que la cible initiale était fixée à 1 200. Cette cible a été revue à la baisse et est désormais fixée à un peu moins de 1 000 conseillers. Il est regrettable que le Gouvernement soit revenu sur son engagement initial, alors même que la qualité du travail des conseillers aux décideurs locaux est saluée par les collectivités, comme tous les maires dans nos départements peuvent en témoigner – ils le font d'ailleurs bien volontiers.

J'en viens à la mission « Crédits non répartis ».

La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles prévoit une ouverture de crédits raisonnable, à hauteur de 125 millions d'euros. Par ailleurs, 70 millions d'euros étaient inscrits sur la provision relative aux rémunérations publiques, mais l'amendement déposé par le Gouvernement a vocation à les supprimer intégralement. Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer sur le sort qui sera réservé aux mesures qui devaient initialement être financées par cette dotation.

Sur la mission « Transformation et fonction publiques » et au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », je m'attarderai sur deux éléments principaux.

En premier lieu, je souligne la baisse marquée des moyens de la mission « Transformation et fonction publiques » en 2025, dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques.

Ainsi, à périmètre constant, la réduction des crédits de la mission est de 21,6 % en crédits de paiement, soit une diminution de plus de 220 millions d'euros, pour aboutir à un montant de 800 millions d'euros.

En autorisations d'engagement, certes, la baisse est moins importante, mais elle n'en demeure pas moins substantielle, de 8,3 %, avec une dotation de 1,081 milliard d'euros en 2025. Cette évolution tire la conséquence logique de la sous-consommation chronique des crédits de plusieurs programmes, avec d'importants retards constatés en matière de décaissement.

Concernant la rationalisation de la gestion de la fonction publique, le précédent gouvernement a prévu de modifier les conditions d'indemnisation des arrêts maladie dans la fonction publique, en les alignant sur les conditions du secteur privé. Cette évolution devait inciter à la réduction de l'absentéisme et permettre des économies significatives, de l'ordre de 400 millions d'euros pour la seule fonction publique de l'État et de 1,2 milliard d'euros pour l'ensemble de la fonction publique. À cet égard, je regrette que le Premier ministre soit dernièrement revenu sur une partie de cette réforme, en renonçant au passage du délai de carence d'un à trois jours, mesure que je soutiendrai par amendement.

En second lieu, je souhaite mettre en avant la finalisation prochaine du programme de rénovation des cités administratives, qui couvre au total trente-six sites et dont quinze projets ont déjà été réceptionnés au 30 août dernier. Je rappelle que le programme a été créé dans la loi de finances initiale pour 2018 et que les travaux n'ont débuté qu'en 2022.

Aussi, je me félicite de la mise en œuvre du projet de foncière de l'État, rendue possible par le Gouvernement au travers d'un article additionnel rattaché à la mission « Gestion des finances publiques », et dont un « pilote », c'est-à-dire une expérimentation territoriale, devrait être déployé en 2025 dans deux régions, Grand Est et Normandie. Ce projet de foncière interministérielle publique, conçue sous la forme d'un établissement public industriel et commercial (Épic) qui percevra des loyers de la part des administrations occupantes, devrait notamment se traduire par la réduction des surfaces occupées.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé la création d'un fonds spécial, entièrement dédié à la réforme de l'État, qui serait financé en cédant une partie des actifs, en particulier immobiliers. Mme la ministre pourra sans doute nous apporter des précisions sur ce fonds spécial et son articulation avec le déploiement de la foncière de l'État.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires sociales a examiné conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

L'évolution des crédits budgétaires qui leur sont dévolus dépend notamment de la revalorisation annuelle des pensions sur l'inflation, ce qui influe sur le montant des pensions.

Vous le savez, en votant la censure du gouvernement Barnier le 4 décembre dernier, l'Assemblée nationale a rejeté la version du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 issue de la commission mixte paritaire.

Ce rejet a eu pour effet une revalorisation au 1er janvier 2025 des pensions de retraite sur l'inflation moyenne des douze derniers mois, soit 2,2 %. Le texte que nous examinons présentement diffère donc sensiblement de celui sur lequel la commission a émis un avis en séance. Il sera incontestablement plus dépensier que cela a été initialement envisagé, ce qu'à titre personnel je regrette dans le contexte actuel d'augmentation sans précédent de notre dette publique.

Deux constats s'imposent à l'étude des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

D'une part, les effets de la réforme des retraites d'avril 2023 sont limités à court terme, les agents de la SNCF et de la RATP liquidant de fait leur retraite au-delà de l'âge légal d'ouverture des droits. Cette tendance pourrait changer au fur et à mesure de la montée en charge de la réforme.

Autre part, à la suite de la réforme, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, du mode de financement des régimes spéciaux fermés, le Gouvernement a fait le choix, pour cette année, de compenser la subvention d'équilibre qui leur est versée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) par une subvention versée par l'État. Je regrette toutefois que le montant de cette compensation ne soit pas renseigné dans les crédits budgétaires, de sorte qu'il n'est pas possible de connaître la participation du contribuable au financement de ces régimes.

La trajectoire de son solde cumulé du compte d'affectation spéciale « Pensions » serait provisoirement redressée par le relèvement de quatre points du taux de contribution employeur au titre des personnels civils. Cela ne peut toutefois pas être le seul levier pour maintenir ce solde cumulé à un niveau excédentaire. Une refonte de son mode de financement me semble donc nécessaire dans la mesure où les prévisions indiquent qu'il serait déficitaire à l'horizon 2026.

En tout état de cause, compte tenu de la nécessité de permettre le versement sans interruption des pensions des assurés des régimes spéciaux et des fonctionnaires de l'État, la commission s'est déclarée, sous ces réserves, favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte d'affection spéciale.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des lois a examiné les crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » au mois de novembre dernier. Depuis, maints rebondissements sont venus bouleverser jusqu'à hier l'avis que je devais vous rendre aujourd'hui.

En effet, le nouveau gouvernement est revenu sur un certain nombre de mesures dans différents domaines, notamment celui de la fonction publique.

Ainsi, notre commission avait pris acte du reflux annoncé en 2025 des effectifs de la fonction publique, après plusieurs années de croissance continue. La suppression de 2 200 équivalents temps plein et la décrue du coût des mesures générales et catégorielles auraient permis de freiner la progression de la masse salariale de l'État, qui a augmenté de près de 25 % depuis 2017. L'intention du nouveau gouvernement de revenir sur les suppressions de postes annoncées dans l'éducation nationale remet en cause cette perspective.

En ce qui concerne les crédits du programme « Fonction publique » au sens strict, qui financent – je le rappelle – uniquement les actions interministérielles en matière de formation des fonctionnaires, d'action sociale et de gestion des ressources humaines, ils diminueront légèrement en 2025.

Il s'agira désormais d'améliorer l'analyse et le suivi de la performance de ces crédits, notamment pour les prestations d'action sociale et la plateforme « Choisir le service public », en recourant à l'avenir à des indicateurs plus pertinents.

En ce qui concerne la formation des agents, l'expérimentation à l'origine des classes préparatoires Talents et des concours Talents a pris fin le 31 décembre dernier, sans que le rapport prévu au plus tard pour le 30 juin 2024 ait été remis au Parlement. À ce jour, aucun bilan n'a donc été fait de ce dispositif qui existe depuis 2021. Aucune pérennisation n'a pu être proposée entre-temps, si bien que nous nous trouvons face à un vide juridique pour le moins problématique, qui a suscité des interrogations légitimes pour les candidats inscrits aux prochaines sessions des concours concernés.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé ces derniers jours la prorogation du dispositif. (M. le ministre confirme.) Cette annonce est une première étape, qui ne règle toutefois pas le problème, puisque seule une loi pourra rendre la prorogation effective. A quelques mois des premières épreuves des concours, l'urgence demeure donc. (M. le ministre acquiesce.)

D'autre part, nous partageons les inquiétudes du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur l'avenir de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. De fait, France Compétences participera pour la dernière fois à son financement en 2025.

La contribution de l'État, maintenue cette année, pourrait cesser dès 2026. Alors que le CNFPT peine déjà à répondre aux besoins des collectivités, qui se sont montrées exemplaires en la matière, un tel scénario serait absolument catastrophique.

Enfin, je déplore le manque de cohérence et de courage du Gouvernement. Dans le contexte de contrainte budgétaire que nous ne connaissons que trop bien, il a finalement renoncé à allonger d'un à trois jours le délai de carence en cas d'arrêt maladie. Cette mesure d'équité par rapport au secteur privé aurait pourtant induit une économie d'environ 289 millions d'euros pour l'ensemble de la fonction publique, sans compter son effet probable sur la réduction de l'absentéisme.

J'espère, madame la ministre, monsieur le ministre, que ce soir vous ne renoncerez pas à l'abaissement à 90 % du taux de remplacement de la rémunération des agents publics durant leurs arrêts de courte durée. Cela permettra de dégager quelque 900 millions d'euros d'économie.

La fonction publique et ses agents, qui s'attachent à apporter chaque jour à nos concitoyens un service public de qualité, constituent l'un des premiers atouts de notre pays. Il nous paraît fondamental qu'ils contribuent eux aussi à l'effort de redressement des finances publiques.

Cela étant, si la commission s'est déclarée fin novembre 2024 favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique », aujourd'hui le groupe Les Républicains n'apprécie pas les concessions et les reculades du Gouvernement, qui, si elles constituent pour celui-ci une assurance vie, n'en demeurent pas moins une dégradation très importante et inquiétante de la trajectoire de réduction de notre déficit engagée par Michel Barnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Thierry Cozic.

M. Thierry Cozic. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi plusieurs missions.

Je débuterai mon propos par la mission « Gestion des finances publiques », dont l'une des mesures les plus saillantes prévoit d'étendre le délai de carence des fonctionnaires d'un à trois jours, sous prétexte d'alignement sur le régime du secteur privé.

Sans présager de sa suppression potentielle à la faveur des négociations que le Parti socialiste a réussi à arracher au Premier ministre, je tiens d'abord à rappeler en quoi cette mesure démagogique est un non-sens, bien qu'une partie de cet hémicycle y soit très sensible, puisqu'elle propose de la reprendre chaque année par voie d'amendement – ce qu'a fait M. le rapporteur spécial.

Je parle de démagogie, car la part d'absence d'au moins un jour pour raison de santé au cours d'une semaine est 2,6 % chez les enseignants et de 3,2 % dans la fonction publique d'État, alors qu'elle s'élève à 3,9 % dans le secteur privé. Les enseignants et les agents d'État sont parmi les moins absents.

La situation est différente pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Néanmoins, je tiens à rappeler que c'est à ces postes que les agents sont le plus exposés à des publics vulnérables. Je pense notamment à ceux qui travaillent dans les crèches, les Ehpad, les hôpitaux et les centres de protection maternelle et infantile (PMI). C'est aussi là que la pénibilité des métiers physiques est la plus importante, que ce soit dans le domaine de la voirie, les collèges, les espaces verts. Si l'on compare des métiers ayant des caractéristiques identiques, il n'y a presque pas de différence en nombre de jours d'absence pour maladie entre le privé et le public.

À ce titre, je tiens à revenir sur l'un des éléments répétés ad nauseam dans ce débat, à savoir la comparaison entre le secteur public et le secteur privé en France. Cette comparaison est faussée, car, dans le secteur privé, le délai de carence de trois jours est largement compensé. Près de deux tiers des salariés bénéficient d'une protection via leur prévoyance d'entreprise. Pourtant, cette réalité est systématiquement occultée dans l'argumentaire en faveur de l'extension du délai de carence dans le public.

Par ailleurs, cette approche s'inscrit dans une tendance récurrente à l'alignement sur le moins-disant social, ignorant notamment que les rémunérations dans le public sont déjà significativement plus faibles que dans le privé à niveau de diplôme équivalent.

De plus, dans un contexte où l'attractivité de la fonction publique est déjà mise à mal, notamment dans l'éducation nationale, l'extension du délai de carence paraît particulièrement malvenue. Cette mesure constituerait une double peine pour des agents déjà confrontés au gel du point d'indice et à des conditions de travail souvent dégradées. Elle risque d'accentuer la crise des vocations que connaissent de nombreux services publics essentiels.

Par conséquent, je rappelle toute l'importance de ne pas étendre ce délai de carence à trois jours dans la fonction publique, tant cela apparaît comme une fausse solution d'équité, fondée sur une comparaison biaisée avec le secteur privé.

Les études disponibles démontrent que les effets d'une telle mesure seraient largement contre-productifs, tant pour la santé des agents que pour l'efficacité du service public.

Au lieu de cette approche punitive, une politique véritablement équitable devrait plutôt avoir pour objectif d'améliorer la protection sociale tant dans le privé que dans le public et de se confronter à une réalité, elle, bien concrète, à savoir que les sous-effectifs chroniques conduisent à une explosion des épuisements professionnels et des maladies liées au travail. Il serait temps de s'atteler aux causes plutôt qu'aux conséquences.

Je m'attarde un instant sur les retraites, plus précisément sur le mode de calcul du déficit prétendument abyssal de notre système de financement, plus spécifiquement de la « dette cachée » qui lui serait afférente.

En effet, dès le début de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a assuré que le déficit du régime des retraites représentait « 50 % des plus de 1 000 milliards [d'euros] de dette supplémentaires accumulés par notre pays ces dix dernières années ».

Selon ses calculs, qu'il défend depuis le mois de décembre 2022, le déficit du système s'établit entre 40 milliards et 45 milliards d'euros par an. Cependant, le système était excédentaire en 2022 et en 2023, et il n'était déficitaire que de 6 milliards d'euros en 2024.

Au nom du groupe socialiste, je tiens à dénoncer ce mode de calcul pour le moins fantaisiste.

Je le rappelle, le financement de notre système de retraite est mixte, c'est-à-dire qu'il repose très majoritairement sur les cotisations, mais aussi sur les financements de l'État.

Les cotisations employeur de l'État sont particulièrement élevées non parce que les pensions du secteur public seraient très élevées, mais parce que l'État doit compenser deux phénomènes : la baisse du nombre de fonctionnaires et le gel du point d'indice.

C'est donc parce qu'il a fait de sévères économies budgétaires sur la masse salariale du secteur public, et non parce qu'il dépense sans compter – comme certains aimeraient à le penser –, que l'État doit cotiser un montant très élevé pour les retraites des fonctionnaires.

Lorsqu'il était haut-commissaire au plan, M. le Premier ministre soutenait que tout ce qui n'est pas financé par des cotisations, c'est de la dette. Ce raisonnement, totalement absurde, qui n'est pas repris par les économistes spécialistes de la question, n'est pas le fruit du hasard : il correspond à une volonté de dramatiser le déficit dans l'objectif de forcer à faire des économies, en menant ce que l'on appelle « la politique des caisses vides ».

Objectivement, les retraites ne sont pas à l'origine du creusement de la dette ces dernières années, sauf si l'on considère que ce poste de dépense est particulièrement illégitime. En réalité, il ne l'est pas plus que l'éducation ou l'armée. Le discours sur la « dette cachée » des retraites brouille complètement la légitimité de ces dépenses et ne favorise pas l'émergence de solutions.

Alors que les partenaires sociaux se voient confier la mission de s'entendre afin de retravailler la réforme des retraites de 2023, le groupe socialiste rappelle que seul un débat honnête et apaisé nous permettra collectivement de sortir par le haut d'une réforme rejetée par 86 % des actifs en 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, couvrir de manière exhaustive les importants défis auxquels l'État doit faire face en seulement quatre minutes, particulièrement quand il s'agit de sujets aussi essentiels que les pensions de retraite, le patrimoine immobilier de l'État ou encore l'administration fiscale, est un exercice difficile. Ces thèmes centraux méritent une attention particulière.

L'ensemble de ces crédits traduisant la qualité de nos services publics sont destinés à accompagner la transformation durable de l'action de l'État et de ses agents, afin de la rendre plus efficace au service des usagers.

Permettez-moi de vous faire part de deux observations.

Ma première observation concerne la modernisation de la fonction publique grâce au recours à la dématérialisation des procédures de déclaration ou de contrôle.

Si la dématérialisation a pour objectif d'améliorer le service envers les usagers, il paraît toutefois difficile d'aller plus loin dans la mesure où les citoyens, les collectivités locales et les acteurs économiques réclament fortement le maintien de la présence territoriale des services publics.

Un certain nombre de nos concitoyens rencontrent encore des difficultés d'accès à internet, en raison soit de l'absence de haut débit dans certaines zones, soit de la complexité de l'utilisation de cet outil. J'espère que des mesures spécifiques sont prévues pour accompagner ces usagers dans la transition numérique.

Ma seconde observation concerne l'importance de la lutte contre l'absentéisme afin d'assurer la continuité et la qualité des missions de service public.

L'extension du délai de carence d'un à trois jours et la limitation du remboursement des congés maladie à 90 % pour les arrêts de trois jours à trois mois pourraient contribuer à une meilleure équité entre le secteur public et le secteur privé, tout en dégageant une économie potentielle d'environ 1,2 milliard d'euros par an.

Cette approche s'inscrit dans une perspective plus large de réduction des dépenses, soutenue par le groupe Les Indépendants, qui préconise une diminution de 2 % des crédits d'un grand nombre de missions du budget de l'État.

Cet effort raisonnable est dicté par l'état de nos finances publiques. Un amendement de notre collègue Emmanuel Capus vise ainsi à diminuer de 2 % des crédits de la mission « Gestion des finances publiques ». Le vote de notre groupe sur les crédits de cette mission dépendra du sort réservé à cet amendement.

Face à la menace d'une crise budgétaire, la réduction durable de la dépense publique doit constituer une préoccupation majeure. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à l'Himalaya budgétaire qui se dresse devant nous, je concentrerai mon propos sur la mission « Transformation et fonction publiques ». Permettez-moi de saluer d'entrée la stabilité de ses crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », à hauteur de 275 millions d'euros.

La transformation de la fonction publique, sa modernisation ainsi que sa capacité à attirer, former et fidéliser des agents compétents sont des défis majeurs pour notre pays, les collectivités territoriales et le bon fonctionnement de nos services publics.

Dans plusieurs filières et métiers, le secteur privé exerce une forte concurrence sur le service public en matière de recrutement. Les conditions de travail, le déroulé de carrière, les perspectives d'évolution et les rémunérations dans la fonction publique ne semblent plus à la hauteur des attentes des candidats et des agents.

En outre, de nombreux agents des fonctions publiques sont touchés par une quête de sens, alors même que la vocation de servir devrait être le cœur et le moteur de leurs métiers.

Pour moderniser l'action publique à l'image des transformations enclenchées dans d'autres pays, il est plus que nécessaire de disposer d'un vivier d'agents publics compétents, formés aux transitions et aux enjeux de demain.

Dans ce contexte, je souhaite revenir sur le programme 148 « Fonction publique » et évoquer plus spécifiquement l'attractivité de la fonction publique. Il s'agit d'un chantier prioritaire, compte tenu de la baisse inquiétante du nombre de candidats aux concours et des tensions de recrutement qui concernent les trois versants de la fonction publique.

Des difficultés récurrentes touchent le recrutement des soignants, des personnels du secteur médico-social, des policiers, mais aussi des enseignants. Nous avons tous en mémoire le spectacle des petites annonces sur le site leboncoin.fr ou les jobs dating désespérés organisés par plusieurs académies pour recruter des enseignants contractuels.

Ces problèmes de recrutement touchent de plein fouet la fonction publique territoriale, alors même que les collectivités territoriales font face à un vieillissement de leurs effectifs, 44 % des agents territoriaux ayant plus de 50 ans. Les besoins de recrutement sont donc appelés à s'accroître considérablement.

Selon une étude du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) menée auprès de 4 000 collectivités, 64 % d'entre elles signalent au moins un champ professionnel en tension. Ces difficultés de recrutement concernent une grande variété de postes – agents de services techniques, animateurs, maîtres-nageurs, ingénieurs et conducteurs de projets, informaticiens…

Le problème est particulièrement épineux dans le secteur de la petite enfance, de nombreuses crèches étant contraintes de fermer des sections ou de réduire leur amplitude horaire faute de personnel qualifié. Il est indispensable que les crèches puissent compter des professionnels compétents en nombre suffisant pour assurer un service de qualité.

Pour renforcer l'attractivité et favoriser les évolutions de carrière dans les métiers de la petite enfance, plusieurs mesures s'imposent. J'en esquisse quelques-unes, régulièrement évoquées par les élus et les cadres en charge de ces sujets dans mon département des Hauts-de-Seine.

Par exemple, privilégier les formations diplômantes en alternance permettrait de réduire les absences prolongées des agents et d'alléger les coûts pour les collectivités. Nous pourrions également encourager la validation des acquis de l'expérience, outil précieux, mais encore trop peu utilisé dans la fonction publique territoriale. Il serait sans doute possible de faciliter l'accès au concours d'auxiliaire de puériculture et d'éducateur de jeunes enfants. Enfin, pourquoi ne pas augmenter le nombre de places offertes, voire supprimer les concours dans certains cas, ou bien tout simplement permettre la promotion interne pour ces cadres d'emploi ?

Mes chers collègues, un autre point de vigilance concerne l'apprentissage au sein de la fonction publique. Comme l'a souligné la rapporteur Mme Di Folco, la baisse constante des dotations versées au CNFPT par France Compétences surprend, notamment les sommes versées au titre de la prise en charge des frais de formation des apprentis dans les métiers publics. Les financements inscrits en 2025 ne permettront de couvrir que 9 000 contrats d'apprentissage, soit moins de la moitié des 21 000 nécessaires.

L'apprentissage est pourtant un levier majeur d'insertion pour les jeunes, un vivier de compétences, ainsi qu'un moyen d'adaptation aux besoins des collectivités locales. Celles-ci constituent parfois le dernier recours de candidats qui peinent à trouver un contrat d'apprentissage auprès d'un employeur privé. Ce désengagement progressif est donc inquiétant.

J'en viens aux deux sujets qui fâchent : la durée légale de travail et les jours de carence dans la fonction publique.

La durée annuelle effectivement travaillée par les agents de la fonction publique territoriale est toujours inférieure à la durée légale fixée à 1 607 heures et à celle des agents des deux autres fonctions publiques. Faire travailler les agents publics territoriaux à la même hauteur que les autres agents de la fonction publique constituerait une source d'économie. (M. Thomas Dossus s'exclame.)

Du reste, il est illusoire de penser que l'on peut faire tourner une collectivité ou délivrer un meilleur service public en travaillant moins.

Au demeurant, ce reproche contribue à alimenter certains stéréotypes sur les métiers de la fonction publique, ce qui nuit de façon itérative à leur attractivité.

De même, l'allongement du délai de carence d'un à trois jours représenterait une source d'économie substantielle – cela est documenté – et permettrait de lutter contre l'absentéisme qui reste plus élevé dans le public que dans le privé.

Cette question a évidemment de multiples causes et doit faire l'objet d'un travail de fond. Outre le coût induit pour la collectivité, je tiens à souligner la dégradation des conditions de travail qui en résulte pour les collègues présents à leur poste qui doivent absorber la charge de travail des absents, au risque d'entretenir sans fin la spirale de l'absentéisme.

M. Thomas Dossus. Ce n'est pas de l'absentéisme dans ce cas !

Mme Marie-Do Aeschlimann. Fallait-il pour autant renoncer purement et simplement à appliquer cette mesure ? Je ne le pense pas. Ce qui est sûr, c'est que de moins en moins d'actifs comprennent l'inégalité de traitement entre le public et le privé.

J'en viens à la question, tout aussi difficile, de la complexité administrative.

La simplification administrative est un sujet qui semble tenir à cœur au Gouvernement, qui prévoit de faire adopter rapidement un projet de loi de simplification de la vie économique. Cela tombe bien, car il s'agit aussi d'une priorité de la réflexion sénatoriale depuis longtemps.

Le Premier ministre a également annoncé qu'il souhaitait poursuivre la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle en diffusant celle-ci dans l'action publique, l'industrie, la formation et la recherche à l'aide d'un programme d'investissement dans les infrastructures.

On ne peut que se féliciter que le Gouvernement mette l'accent sur la simplification. La Haute Assemblée a eu l'occasion à maintes reprises de dénoncer le coût de la complexité administrative pour nos concitoyens, nos entreprises et nos collectivités locales.

Mes collègues sénateurs Devinaz, Moga et Rietmann ont déjà tiré la sonnette d'alarme en 2023. Dans leur rapport d'information La sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises, ils comptent près de 44 millions de mots formant le flux de ces normes. La France occupe le 107e rang sur 140 pour le fardeau administratif, selon l'indice de compétitivité mondiale. Selon l'OCDE, cette complexité a un coût estimé à 3 % du PIB.

Le constat n'est pas nouveau. Georges Pompidou déclarait déjà en 1966 : « Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! » Depuis, on a le sentiment que plus cela change, plus c'est la même chose, voire que cela empire.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur cet impérieux chantier. Que comptez-vous faire pour aider les collectivités territoriales à se désengluer de la complexité administrative ? Le constat est connu, notamment depuis le rapport d'information de Mme Gatel et M. Pointereau relatif à la simplification des normes imposées aux collectivités territoriales, et les États généraux de la simplification organisés au Sénat en 2023. Le Sénat a d'ailleurs voté un train de mesures pour la simplification et le toilettage de divers codes l'an dernier.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Do Aeschlimann. L'inflation normative complexifie les projets locaux.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, la fonction publique est au cœur de la modernisation de l'action de notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour examiner les crédits de quatre missions primordiales et de deux comptes d'affectation spéciale non moins importants. J'en soulignerai les points clés.

La situation des finances publiques appelle à faire un effort collectif sans précédent en matière de réduction des dépenses de fonctionnement de l'État.

Dans ce contexte, les crédits de paiement de la mission « Transformation et fonction publiques » ont ainsi été réduits de 407 millions d'euros, soit une baisse significative de 28 %, tout en conservant la même ambition de transformation.

En effet, le plan Talents du service public poursuivra son déploiement pour permettre une meilleure représentativité de la fonction publique dans sa diversité.

Le développement de l'apprentissage constitue également un axe structurant de ce plan. Un certain nombre de freins ont été levés ces dernières années pour favoriser l'apprentissage dans la fonction publique. Ce budget doit permettre d'atteindre en 2025 la conclusion d'au moins 9 000 contrats d'apprentissage par an dans la fonction publique territoriale ; je le souhaite en tout cas.

Ce budget traduit des engagements forts dans d'autres domaines essentiels. La mission « Gestion des finances publiques » s'inscrit pleinement dans la dynamique de modernisation et de proximité de l'action publique engagée depuis 2017. Un montant de 10,97 milliards d'euros lui est alloué cette année, en augmentation de 72 millions d'euros par rapport à l'année précédente, principalement en raison de la hausse des dépenses de personnel.

La diminution de 0,8 % des dépenses de fonctionnement et de 7,8 % des dépenses d'investissement nous paraît légitime, notamment en raison de la réduction des dépenses immobilières.

Nous saluons d'ailleurs les rénovations énergétiques et l'optimisation du parc immobilier de l'État, qui illustrent la volonté du Gouvernement de s'inscrire dans une stratégie plus vertueuse, alliant maîtrise de nos finances et transition écologique.

Ces ajustements contribuent à la rationalisation des dépenses sans compromettre les réformes structurantes en cours, telles que l'expérimentation du compte financier unique visant à renforcer la gestion comptable et financière des collectivités locales, le déploiement accru de l'intelligence artificielle pour lutter plus efficacement contre la fraude, ainsi que le renforcement des moyens alloués aux renseignements douaniers et à Tracfin.

Le contexte de l'examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions », est particulier. La réforme paramétrique des retraites d'avril 2023 entre pleinement en effet ; en outre, la revalorisation des pensions sur l'inflation est en vigueur depuis le 1er janvier 2025.

Avec 5,9 milliards d'euros, cette mission demeure essentielle pour le versement des pensions de milliers d'affiliés, principalement ceux qui le sont aux régimes spéciaux des transports terrestres. Sont principalement concernés des agents de la SNCF et de la RATP, des marins ou encore des anciens mineurs.

Enfin, nous voterons les crédits de la mission « Crédits non répartis », particulièrement importante en raison de l'imprévisibilité de la vie publique.

Pour autant, nous soutiendrons les amendements du Gouvernement et du sénateur Canévet, qui annulent 70 millions d'euros de crédits sur le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques », car il s'agit d'une légitime participation de cette mission aux efforts budgétaires que nous devons consentir.

En conclusion, le groupe RDPI votera en faveur des budgets de ces missions pour 2025, indispensables pour la modernisation de notre administration, la gestion financière de l'État et la soutenabilité de nos régimes sociaux et de retraite.

M. le président. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le regroupement de ces missions me conduit à évoquer divers sujets.

La déclaration de politique générale a été l'occasion d'évoquer la question des retraites dont plusieurs orateurs viennent de se saisir. Le groupe du RDSE a rappelé sa position : nous attendons des efforts et de nouvelles avancées sur la pénibilité, l'usure au travail, la durée de cotisation ou encore la gratification en cas d'engagement citoyen.

En ce qui concerne l'aspect financier du problème, que l'on sait déjà très contraint, nous attendons le verdict de la Cour des comptes pour faire le point. Pour l'instant, la balle est dans le camp des partenaires sociaux. Nous en débattrons très vite, je l'espère.

Je souhaite appeler l'attention sur la programmation budgétaire prévue pour l'année 2025 autour de thématiques chères au RDSE, notamment en ce qui concerne le bâti, l'environnement et l'efficience des services publics.

Du point de vue environnemental, ce budget acte un recul de l'ambition de l'État en matière de rénovation énergétique de son parc immobilier.

En réduisant les crédits du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », l'État consolide son rang d'élève assez médiocre en matière de sobriété énergétique des bâtiments, alors que dans le même temps il accroît les contraintes pesant sur les propriétaires et les bailleurs privés.

Ce constat est inquiétant. La réglementation sur le diagnostic de performance énergétique (DPE) incite à mettre en vente les biens et provoque une tension du marché locatif, ce qui exacerbe la crise du logement, en particulier en milieu rural.

En outre, les informations lacunaires sur l'état actuel du parc foncier et l'absence de stratégie formalisée ne permettent pas de dessiner une trajectoire claire et séquencée pour la rénovation énergétique du parc foncier de l'État, qui lui permet d'atteindre les objectifs fixés pour 2050.

Cela doit profondément nous interroger, alors que la Cour des comptes rappelait à l'ordre l'État sur ce sujet dans son rapport sur la politique immobilière de l'État de décembre 2023.

Il me semble qu'il faudrait a minima préserver les crédits destinés à la rénovation des bâtiments et élaborer une véritable stratégie pilotée par la direction de l'immobilier de l'État.

Des avancées intéressantes sont néanmoins proposées pour optimiser le parc immobilier public, mais il faut les encadrer par des garde-fous.

Je ne reviens pas sur l'intérêt de créer une foncière de l'État afin de tendre vers une gestion plus responsable, durable et sobre du parc immobilier public. Toutefois, il faut prendre trois précautions.

Tout d'abord, pour écarter tout risque éventuel de privatisation du parc immobilier de l'État, il est impératif que cette société foncière soit dirigée par un établissement public.

Ensuite, pour éviter d'alimenter un réservoir à passoire thermique, la réduction du parc immobilier public doit s'articuler avec des garanties claires.

Enfin, pour éviter que l'optimisation des surfaces ne conduise au recul des services publics, un dialogue exigeant avec les élus doit être formalisé.

Mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le ministre, devant la nécessité de réduire le déficit financier et afin de faire avancer le débat parlementaire, le groupe RDSE réserve son vote en fonction de la discussion parlementaire.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les attentes de nos concitoyens sont grandes à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, ce qui accroît encore la responsabilité de notre assemblée.

Nos décisions reflètent des choix politiques, mais elles s'inscrivent dans une forme d'urgence, qui nous impose de donner un budget à la France et d'assurer la continuité des services publics.

Le projet de loi de finances, tout en reflétant les contraintes budgétaires actuelles, vise à concilier maîtrise des dépenses et réponse aux enjeux prioritaires.

Je tiens à saluer le travail de qualité mené dans ce contexte particulier, malgré l'interruption et la reprise de la discussion budgétaire, par nos rapporteurs spéciaux Sylvie Vermeillet et Claude Nougein.

La mission « Gestion des finances publiques » affiche pour 2025 un budget de 10,97 milliards d'euros, stable après plusieurs années de hausse.

L'amendement du Gouvernement qui vise à réduire ses crédits de 104,2 millions d'euros en agissant principalement sur la masse salariale doit être envisagé avec discernement. Si nous partageons l'objectif de maîtrise des dépenses publiques, cette réduction ne saurait être faite au détriment de la qualité des services rendus à nos concitoyens. C'est dire l'enjeu et les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Quelques avancées notables doivent être reconnues, comme l'acquisition de nouveaux équipements pour la douane et le renforcement des ressources dédiées à Tracfin pour lutter contre les flux financiers illicites. Cependant, au cours des dix dernières années, l'augmentation limitée des crédits de cette mission, à hauteur de 1,16 %, l'avait fait demeurer parmi les rares à maintenir une approche constante de rationalisation des dépenses.

Nous saluons les efforts réalisés dans le cadre de la réorganisation du réseau de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et l'objectif ambitieux de créer 2 000 services locaux d'ici à 2026. Cependant, cet objectif ne peut masquer le fait que l'accueil physique est encore trop souvent insuffisant dans nombre de communes.

Monsieur le rapporteur spécial l'a indiqué, la réduction du nombre de conseillers aux décideurs locaux soulève des interrogations en ce qui concerne la capacité à maintenir un service de qualité, surtout dans les zones les plus isolées.

Le maintien d'un budget informatique de 584,3 millions d'euros montre une volonté de modernisation technologique. Toutefois, les dépassements récurrents de coûts doivent être maîtrisés pour garantir l'efficacité de ces investissements. Nous soutenons pleinement l'instauration de mécanismes d'alerte en cas de dérapage.

En outre, la lutte contre la fraude fiscale et les flux illicites reste une priorité que nous saluons – notre collègue Nathalie Goulet milite âprement en ce sens depuis de nombreuses années. En 2023, le recouvrement de 10,6 milliards d'euros par le contrôle fiscal illustre l'efficacité croissante des dispositifs déployés.

Les avancées en matière d'intelligence artificielle et de data mining témoignent de la modernisation des méthodes, mais elles doivent être accompagnées d'un renforcement des effectifs de terrain pour assurer une présence sur tout le territoire.

À cet effet, je tiens à saluer l'exemplarité dont a fait preuve le service douanier cette année, notamment pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques, d'autant plus que la réserve opérationnelle de la douane n'a pu être activée faute de décret d'application.

La mission « Transformation et fonction publiques » peut se résumer en deux mots : économie et rationalisation.

La rationalisation du patrimoine immobilier de l'État a été prévue par la réforme de la foncière annoncée au mois de février dernier. Un établissement public industriel et commercial (Épic) viendra centraliser la gestion immobilière, ce qui représente une opportunité majeure. La réduction de 25 % des surfaces occupées sur une décennie et les gains prévus de 1 milliard d'euros témoignent d'une ambition louable, que le groupe Union Centriste soutient pleinement.

Enfin, la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions » illustrent les défis de l'équilibre financier face au vieillissement démographique. À l'origine, cette mission affichait une baisse des crédits reposant sur le gel partiel de la revalorisation des pensions. Nous savons ce qu'il en a été, cette revalorisation a finalement eu lieu le 1er janvier dernier.

La subvention d'équilibre pour les régimes spéciaux diminue, notamment pour la SNCF et la RATP, mais des déséquilibres structurels subsistent. La création d'un nouveau schéma de financement et l'intégration progressive des régimes au régime général sont des avancées bienvenues.

Le compte d'affectation spéciale « Pensions » reste en excédent à court terme grâce à la hausse du taux de contribution employeur, mais sa détérioration à moyen terme nécessitera des ajustements.

À l'heure où des discussions reprennent autour de la réforme des retraites adoptée en 2023, il est essentiel que chacun ait bien en tête le poids financier de notre système de retraite sur la dette publique. Selon les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), un déficit de 0,3 % du PIB est attendu d'ici à 2027, malgré l'augmentation de l'âge de départ à la retraite. Il faut rendre notre système à la fois plus équitable et plus durable, sans préjuger du débat sur l'ampleur de la contribution publique au financement du système.

Si cette tendance se poursuit, le solde cumulé du compte d'affectation spéciale « Pensions » sera entièrement consommé à l'horizon de 2027.

Mes chers collègues, conjuguer responsabilité budgétaire et ambition pour l'avenir, tel est notre objectif. Nous devons veiller à ce que nos décisions reflètent l'équilibre entre efficacité économique, sociale et justice territoriale sans entamer la qualité des services publics. Le groupe Union Centriste votera pour l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour reprendre l'examen du budget d'un gouvernement censuré. En effet, si le président Macron n'a, en principe, plus de majorité à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances qui nous est présenté ici s'inscrit bien dans la continuité de la politique menée depuis sept années ; la destruction du service public est donc toujours à l'œuvre.

À l'automne dernier, c'est M. Kasbarian, alors ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique à l'automne dernier, qui a présenté le projet de budget de la mission « Transformation et fonction publiques ». Ses ambitions étaient claires : s'inspirer d'Elon Musk et partager avec ce dernier « les meilleures pratiques pour lutter contre l'excès de bureaucratie ». Ainsi, en reprenant ce projet de budget, monsieur le ministre, vous vous inscrivez dans les pas de votre prédécesseur.

Pour sa part, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky luttera toujours pour préserver un service public de qualité et les droits des agents de la fonction publique. Nous défendons le bien commun plutôt que les intérêts d'une minorité qui s'enrichit sur le dos des autres. C'est pourquoi nous dénonçons les « coups de rabot » supplémentaires que vous nous présentez par voie d'amendement.

Face au « fonctionnaire-bashing », il faut rappeler que, selon direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), les enseignants et les fonctionnaires de l'État sont moins en congé pour maladie que les salariés du secteur privé.

Quant aux agents des fonctions publiques hospitalière et territoriale, ce sont les plus exposés à un public vulnérable et à un sous-effectif chronique, qui les épuisent jour après jour. Le nombre d'arrêts maladie est dans ce cas le symptôme de l'épuisement des agents.

Pourtant, les responsables politiques à l'origine de ces conditions de travail de plus en plus difficiles en imputent la responsabilité aux agents. Il semble plus simple de se livrer à la critique des fonctionnaires que de tout mettre en œuvre pour que leurs conditions de travail soient acceptables. N'oublions pas, en effet, que notre État, nos hôpitaux, nos collectivités, sont soutenus par les agents qui les composent.

Je souhaite également revenir sur le fameux « excès de bureaucratie » contre laquelle vous dites vouloir lutter.

Prenons l'exemple de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Cette dernière a notamment pour mission de lutter contre le fléau de la fraude fiscale, qui nous coûte chaque année 100 milliards d'euros. D'ailleurs, au mois de mai 2023, le Gouvernement a – c'est paradoxal – mis en avant la nécessité de lutter activement contre la fraude fiscale.

Pourtant, au-delà des annonces, les moyens ne sont pas au rendez-vous. Monsieur le ministre, vous souhaitez supprimer 505 équivalents temps plein (ETP) en 2025 au sein de la DGFiP ; parallèlement, on nous annonce un redéploiement d'agents pour les services du contrôle fiscal. Or celui-ci ne repose pas uniquement sur l'action des vérificateurs ; il s'inscrit dans une chaîne plus large, à laquelle concourent l'ensemble des agents de l'administration fiscale.

Ainsi, il est indispensable que les services déconcentrés, par exemple, soient en mesure de collecter et d'analyser les données en amont. Un redéploiement est insuffisant et la suppression de postes mise en œuvre en parallèle ne fera qu'aggraver la situation. Bref, le projet de loi de finances pour 2025 s'inscrit dans la tendance précédente et continue d'empêcher de mettre en œuvre une véritable politique de lutte contre l'évasion fiscale.

Parallèlement, nous assistons à la suppression de 2 200 postes dans la fonction publique, au gel du point d'indice des fonctionnaires et à la suppression de la garantie individuelle du pouvoir d'achat.

Pour toutes ces raisons, mais également parce que ce budget n'a pas de légitimité démocratique, nous voterons contre les crédits de ces missions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons maintenant quatre missions et deux comptes d'affectation spéciale, qui concernent des sujets aussi variés que le recouvrement de l'impôt, la politique immobilière de l'État ou encore les pensions et traitements des agents publics. Chaque année, nous nous livrons à cet exercice invraisemblable : nous ne disposons que de deux heures pour couvrir toutes ces questions…

Nos règles de discussion budgétaire atteignent ici leurs limites, d'autant que, depuis la reprise de l'examen de ce budget, nous subissons des salves d'amendements de rabot de dernière minute. Nous sommes heureux de vous voir enfin au banc du Gouvernement, madame la ministre, pour nous expliquer la logique de tout cela.

C'est dans les missions qui nous sont présentées aujourd'hui que se traduisent pleinement une idéologie à courte vue, une volonté aveugle de réduction des dépenses qui, sous couvert d'efficacité, menacent nos services publics et l'avenir du pays. Et cela est vrai quel que soit le gouvernement, quel que soit le ministre présent au banc.

Commençons par la mission « Transformation et fonction publiques ». Nous constatons que, au travers de son amendement, le rapporteur spécial nous propose une baisse des crédits de 125 millions d'euros, prétendument pour amorcer la réduction de 25 % des surfaces de bureaux de l'État d'ici à 2032. Cette approche, qui privilégie la réduction aveugle et transversale des dépenses, ne tient aucun compte des réalités de terrain. La rénovation énergétique, la modernisation des bâtiments de l'État sont des investissements nécessaires pour notre avenir et non des variables d'ajustement budgétaire.

La mission « Crédits non répartis » illustre, quant à elle, une logique de gestion budgétaire opaque et peu démocratique. Les crédits de cette mission ne concourent pas à une politique publique définie et ne sont pas astreints à des objectifs de performance. Ils servent de provision pour les dépenses de personnel et les aléas de gestion. Pour 2025, ses crédits de paiement diminuent de 61,8 %, ce qui suscite des inquiétudes quant à la capacité de l'État à faire face aux imprévus, d'autant qu'un amendement gouvernemental a pour objet d'en amputer les crédits d'encore 70 millions d'euros.

La mission « Gestion des finances publiques » traduit – il faut le saluer – des efforts en matière de recrutement, notamment à la DGFiP, avec 1 500 agents. C'est un effort louable pour la mise en œuvre effective de la justice fiscale et de l'efficacité de nos services publics.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » n'est pas épargnée par cette logique de coupes budgétaires, avec un amendement du Gouvernement tendant à proposer 193 millions d'euros d'économies pour atteindre les objectifs globaux qu'il a fixés au projet de loi de finances pour 2025. Notons toutefois, par souci d'honnêteté, les efforts financiers positifs consentis à destination du personnel de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et de la gendarmerie nationale.

Je reviens à la mission « Transformation et fonction publiques », qui concentrera le plus gros de nos critiques. Cette mission est censée accompagner la transformation durable de l'action de l'État. Pourtant, ses crédits diminuent de 27 %. Cette baisse résulte de la fin de la stratégie de performance et de résilience des bâtiments de l'État, de la baisse du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) et de l'extinction du programme 352 « Innovation et transformation numériques ».

Cette baisse des moyens, alors que les défis auxquels nous sommes confrontés sont immenses, constitue un mauvais signal. On parle de rénovation énergétique, de transformation numérique ou encore de plan Talents du service public, mais les moyens ne sont pas au rendez-vous !

C'est aussi dans cette mission que nous est proposée par voie d'amendement la scandaleuse augmentation à trois du nombre de jours de carences dans la fonction publique. Il semble que cette mesure ne soit plus d'actualité, en raison des récentes négociations menées par le Gouvernement, mais de telles mesures, qu'elles soient ou non conservées dans le projet de loi de finances, jettent le soupçon sur toute la fonction publique, alimentant et traduisant les phantasmes et les pires clichés des libéraux et des conservateurs à l'encontre des fonctionnaires et de leur rapport au travail.

Les écologistes s'opposent avec force à cette vision, qui laisse à croire que les fonctionnaires se mettent en arrêt maladie par complaisance, alors que ne sont jamais remis en cause les modes de management et que l'on ne s'interroge pas davantage sur le bien-être au travail de nos agents.

Nos votes seront déterminés au cas par cas et dépendront largement du sort des amendements du Gouvernement et de la majorité sénatoriale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification. Monsieur le président, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant toute chose, permettez-moi de vous dire l'émotion mais également l'humilité qui sont les miennes alors que je m'exprime pour la première fois ici, au Sénat, dans cet hémicycle.

À l'émotion personnelle se mêle également la responsabilité, celle de porter, avec ce ministère, la voix des 5,7 millions d'agents qui composent la fonction publique et qui méritent notre totale reconnaissance, notre respect et notre considération. Nous traversons en ce moment des crises majeures, du point de vue humanitaire, à Mayotte, mais également du point de vue institutionnel ou économique. Face à ces crises, ce sont eux qui sont en première ligne pour protéger les Français.

C'est pourquoi je me fais le devoir de les défendre, de les protéger et de leur simplifier la vie. Ce devoir est d'autant plus grand que notre contexte budgétaire extrêmement difficile impose à l'État des efforts d'une ampleur inédite. C'est un discours que j'assume totalement, avec responsabilité, mais aussi avec transparence. Si nous voulons préserver nos services publics, si nous voulons prendre notre part dans cet effort collectif, il faut le faire et il faut le faire maintenant.

Cette part, les services que j'ai l'honneur de diriger la prennent pleinement. Nous faisons ainsi un effort considérable en réduisant, de 138 millions d'euros dans le texte initial, les crédits des programmes 349 « Transformation publique », 352 « Innovation et transformation numériques », 148 « Fonction publique » et 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques ». Cela représente une baisse de 22 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 et cela ne tient pas compte des amendements à cette mission.

Ma collègue Amélie de Montchalin et moi-même vous proposerons d'aller un cran plus loin dans l'ambition budgétaire. Par exemple, une proposition de baisse de nos crédits vise à recentrer la direction interministérielle du numérique (Dinum) sur sa mission première, qui est de maximiser l'impact des projets numériques, en diminuant leurs coûts de fonctionnement. En outre, cette limitation s'accompagne d'une mesure de périmètre, puisque ce projet de loi de finances acte le rassemblement des crédits de la Dinum sur le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », afin de mettre en application les recommandations de la Cour des comptes.

En parallèle, nous devons nous assurer de l'efficacité de la dépense publique, afin que chaque euro prélevé sur le compte des Français soit un euro bien dépensé. Malgré les contraintes budgétaires que j'évoquais, je souhaite donc continuer de mener les transformations d'ampleur et faire en sorte que chaque investissement réalisé soit visible et améliore significativement le quotidien de nos concitoyens.

Ceux qui ont déjà navigué sur un voilier le savent parfaitement : par gros temps, il faut accepter de réduire la voilure pour tenir son cap. Le cap de la France, c'est l'assainissement de ses comptes publics, indispensable si nous voulons préserver les services publics qui font la grandeur de notre pays. Pour moi, ces efforts nécessaires, dans le cadre de ce projet de loi de finances, ne sont pas antinomiques avec les principaux défis de la fonction publique : renforcer son attractivité et faciliter la vie des agents comme des usagers.

C'est pourquoi, au nom du Gouvernement, j'assumerai une baisse de l'ordre de 6 milliards d'euros des dépenses sur la masse salariale de l'État. Cet engagement budgétaire répond à un impératif moral et politique, qui est, je le sais, largement partagé sur les travées de cet hémicycle. Je tiens à avoir un mot particulier pour les présidents et les sénateurs de la majorité sénatoriale et des groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) et Les Indépendants – République et Territoires, avec lesquels je partage la même ambition pour notre pays.

Pour renforcer l'attractivité du service public, nous avons en main de nombreux leviers, dont certains sont d'ordre budgétaire. Je pense évidemment à la question de la formation de nos fonctionnaires, investissement essentiel pour garantir un service public de qualité. Ainsi, nous avons augmenté de 5 % les crédits consacrés aux actions de formation interministérielle. Je n'oublie pas non plus la question de l'action sociale interministérielle, présente dans ce budget.

Je veux par ailleurs citer le chantier de la transformation publique au service de la simplification. Si les crédits alloués à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et à la Dinum ont été mis à contribution, je défends un budget de plus de 100 millions pour transformer et changer l'action publique. Ces dépenses représentent des investissements directs dans un service public plus réactif, plus moderne, plus satisfaisant pour les agents comme les usagers.

J'en viens aux jours de carence. Il est vrai, comme l'ont montré les calculs des inspections, que le passage d'un à trois jours de carence pourrait engendrer 289 millions d'euros d'économies en année pleine. Pour autant, lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère, j'ai voulu consulter l'ensemble de la représentation syndicale et j'ai discuté avec les agents, afin de comprendre les raisons d'une certaine forme de colère. Cette idée, tous la vivaient comme une mesure stigmatisante et estimaient qu'elle n'était pas la meilleure approche pour résoudre la question de l'absentéisme.

Je vais être honnête ; initialement, j'étais plutôt favorable à cette mesure. Néanmoins, après les consultations auxquelles j'ai procédé, j'ai été convaincu que nous avions surtout besoin de retrouver le chemin d'un dialogue social apaisé et serein. C'est ce que propose le Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai bien entendu vos propos : nous devons poursuivre nos efforts budgétaires, simplifier la vie des Français et des usagers, améliorer l'attractivité de la fonction publique. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Francis Szpiner applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le président, madame la rapporteure spéciale, monsieur le rapporteur spécial, mesdames les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la première fois que je m'exprime devant vous en tant que ministre des comptes publics. Si j'éprouve un plaisir sincère à vous retrouver, je tiens également à vous assurer de mon très grand respect pour le Sénat.

Nous traversons une période exceptionnelle en matière économique et budgétaire. Le Premier ministre nous a fixé un cap : redonner au plus vite un budget au pays et sortir la France du surendettement, afin de retrouver les marges de manœuvre permettant de financer les politiques essentielles pour notre avenir et nos concitoyens, tout en demeurant attachés à la justice fiscale et sociale et à l'efficacité de la dépense publique.

Notre objectif, vous le savez, est de revenir à un déficit de 5,4 % du PIB cette année, puis, à partir de l'année prochaine, de bâtir nos budgets non plus de façon automatique, mais en partant des besoins du terrain. Ce sera un changement de méthode nécessaire et attendu.

Pour trouver les économies supplémentaires – vous le savez, la censure du Gouvernement a eu un coût direct estimé à environ 12 milliards d'euros (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.)  –, nous nous sommes fixé cinq principes très simples : réduire de 5 % les dépenses des opérateurs dont le budget a connu une hausse continue depuis des années ; réduire de 10 % nos achats publics ; ne pas reconduire les crédits n'ayant pas été utilisés l'an dernier – les reports ne doivent plus être la norme –, ce qui restaurera la maîtrise de notre dépense ; arrêter d'arroser le sable mouillé, si vous me permettez cette expression triviale, c'est-à-dire ne plus octroyer de subventions aux bénéficiaires dont la trésorerie est abondante ; prendre en compte, enfin, l'effet de la loi spéciale et des services votés, ce qui signifie que le temps passé sans budget ne pourra pas être rattrapé et que les dépenses faites sur neuf mois n'équivaudront pas mécaniquement à celles qui auraient été faites sur douze.

Au-delà de ces mesures, un certain nombre de politiques publiques seront améliorées ou réduites, en suivant de très nombreuses préconisations de la Cour des comptes ou de rapports parlementaires.

Aujourd'hui, nous examinons les crédits d'un certain nombre de missions.

Il s'agit d'abord de la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui doit tirer la conséquence de l'absence de décalage de six mois de la revalorisation des pensions, due au rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 au travers de la censure du précédent gouvernement. Je tiens à le répéter, cette censure a un impact important sur la trajectoire de finances publiques et elle contraint la méthode et le contenu de nos travaux.

Mmes Colombe Brossel et Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas la censure, c'est la dissolution !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », nous proposons de créer une société foncière, qui a été évoquée dans les précédentes interventions. Cette foncière jouera un rôle central dans la gestion du patrimoine immobilier de l'État, en donnant une vision opérationnelle permettant d'optimiser la gestion et d'améliorer la rénovation énergétique et thermique de nos bâtiments. À cet égard, les pilotes de la région Grand Est et de Normandie nous permettront d'étudier comment le foncier public peut être mieux mis à contribution pour construire des logements destinés aux agents publics et aux étudiants.

Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques » ont connu des hausses importantes au cours des deux dernières années, afin de renforcer nos moyens contre les fraudes. Je l'ai déjà indiqué et je le répète, vous me verrez au cours des prochaines semaines agir de manière très volontariste pour continuer la lutte contre toutes les fraudes.

Nous renforcerons ainsi les moyens de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) en matière de renseignement douanier, ainsi que ses capacités navales dans les zones touchées par le trafic de stupéfiants. À cet égard, je salue l'examen en séance publique, dans cet hémicycle, d'ici quelques jours, de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.

Au sein de la DGFiP, les moyens humains consacrés au renseignement fiscal sont également renforcés. Nous accroîtrons également de 1 million d'euros les moyens de Tracfin, pour répondre aux exigences de la lutte renforcée contre la criminalité organisée et les narcotrafics.

La transformation numérique est au cœur de nos stratégies, puisqu'un tiers des crédits sont destinés à résorber la dette technique et à investir dans les outils d'avenir. Pour ce qui concerne les dépenses de personnel, les administrations, en particulier la DGFiP, ont fourni un effort exceptionnel de rationalisation des effectifs. J'en profite pour saluer les agents publics de ces administrations, les hommes et les femmes qui œuvrent, au sein de ces administrations, au fonctionnement régulier de l'État, mais qui luttent également contre toutes les fraudes.

Permettez-moi de remercier, en conclusion, Mme la rapporteure spéciale, M. le rapporteur spécial et Mmes les rapporteurs pour avis de leurs travaux. Je mesure combien les délais sont courts, combien les modalités de travail sont perfectibles, mais je tiens, sans les justifier, à vous dire que, si nous travaillons ainsi, c'est parce que les Français attendent un budget, un budget qui n'augmente pas les impôts qu'ils paient et qui nous remette sur une trajectoire budgétaire sincère, sérieuse, de façon à pouvoir faire face aux futures crises. Il s'agit d'un enjeu national et vous pouvez compter sur mon engagement dans cette voie. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour examiner l'ensemble des crédits de ces missions, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à deux heures et quinze minutes.

régimes sociaux et de retraite

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Régimes sociaux et de retraite

5 995 017 245

5 995 017 245

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4 182 014 643

4 182 014 643

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

778 862 981

778 862 981

Régimes de retraite des mines, de la SEITA, et divers

1 034 139 621

1 034 139 621

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° II-718 est présenté par le Gouvernement.

L'amendement n° II-1677 rectifié est présenté par M. Canévet, Mme Antoine, M. Folliot, Mme N. Goulet, M. Delcros et Mme Vermeillet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

 

138 939 704

 

138 939 704

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

 

20 074 940

 

20 074 940

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

 

34 357 377

 

34 357 377

TOTAL

 

 193 372 021

 

 193 372 021

SOLDE

- 193 372 021

- 193 372 021

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° II-718.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il s'agit d'un amendement de reprogrammation budgétaire de 193 millions d'euros, qui tend à constater les exécutions passées et à procéder à une annulation de crédits, afin de respecter les services votés.

C'est donc un amendement de constat de réduction. Il ne s'agit nullement d'un « coup de rabot ».

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour présenter l'amendement n° II-1677 rectifié.

Mme Sylvie Vermeillet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-1686 rectifié, présenté par MM. Canévet et Delcros, Mmes N. Goulet, Vermeillet et Antoine et M. Folliot, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

 

 

 

 

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

 

650 000

 

650 000

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

 

245 000

 

245 000

TOTAL

 

895 000

 

895 000

SOLDE

- 895 000

- 895 000

La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.

Mme Sylvie Vermeillet. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-1686 rectifié est retiré.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. Ces amendements identiques visent à tirer les conséquences du nouveau calcul de la baisse des prévisions de dépenses pour la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Les services administratifs chargés de ces modélisations indiquent que cette prévision évolue en lien avec la constatation des crédits consommés lors de l'exercice 2024.

En effet, l'année dernière, il a été constaté une sous-exécution des crédits sur certains régimes, du fait de recettes plus dynamiques que prévu dans la loi de finances initiale, ce qui minore le besoin de subventions d'équilibre. Je veillerai évidemment à ce que cette évolution se fasse bien à droit constant.

Je confirme donc qu'il ne s'agit ni d'un coup de rabot ni d'une économie : c'est la traduction d'une sous-exécution.

La commission émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Pas un coup de rabot, je demande à voir !

Je trouve extraordinaire qu'il faille attendre le mois de janvier pour se rendre compte que tous les crédits n'ont pas été utilisés et que l'on peut donc retirer 193 millions d'euros à cette mission, alors que cela n'a pas été prévu dans le budget initial. Pour ma part, je ne crois pas un fieffé mot de ce qui vient d'être dit !

Par ailleurs, je veux réagir à vos propos, madame la ministre. Vous prétendez que la censure a un coût, que c'est elle qui a engendré ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est-à-dire des coûts de rabots supplémentaires. Non ! Ce qui a un coût, c'est ce qui a mené à la censure, c'est-à-dire la politique menée pendant sept ans et qui a conduit au déficit abyssal que personne n'avait vu venir ! Ce qui a un coût, c'est la dissolution de l'Assemblée nationale ! Il faut arrêter de vouloir mettre sur le dos de ceux qui ont censuré le précédent gouvernement tous les maux du budget.

Peut-être faudra-t-il surtout écouter les Français, parce que tous ces coups de rabot que vous appliquez au-delà de ce qui était déjà prévu sont inadmissibles. Que croyez-vous qu'il adviendra à la fin ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Enfin – enfin ! –, nous avons une explication politique, après des heures de discussion sur la suite de l'examen du projet de loi de finances !

Nous avons vu passer plusieurs « amendements de rabot », puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, tombés parfois la veille pour le lendemain, qui ont une faible lisibilité politique et illustrent une vision uniquement comptable des choses. Vous voilà enfin au banc du Gouvernement, madame la ministre, pour nous en donner des explications.

Toutefois, celles-ci relèvent plutôt de la fiction, comme l'a souligné Mme Lubin. Selon vous, en effet, la bonne gestion budgétaire aurait échappé, il y a deux mois, aux ministres qui vous ont précédée et, d'un coup, la lumière fut, vous permettant de trouver quelques millions d'euros non consommés, source d'économies…

En réalité, ce que vous appelez le coût de la censure, c'est en réalité le coût de la méthode Barnier irresponsable, qui en est à l'origine. Un gouvernement minoritaire qui oublie toute une partie de l'hémicycle dans ses discussions est forcément condamné à tomber, quand il se met dans les mains de l'extrême droite. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) J'espère que l'on retiendra la leçon…

Par ailleurs, il aurait été possible de procéder autrement pour adopter un budget. On aurait pu, par exemple, terminer l'examen du budget tel qu'il avait été présenté, puis examiner un projet de loi de finances rectificative, dans le cadre duquel vous nous auriez présenté vos mesures. Cela vous aurait permis de présenter une logique politique globale, peut-être même avec – on peut toujours rêver – de nouvelles recettes, puisque vous nous imposez des coups de rabot sur tous les budgets sans que l'on puisse agir sur les recettes, ce qui aurait pu se faire dans le cadre d'un véritable choix politique.

En outre, n'oublions pas que ces déficits ont une cause, que l'on connaît : sept ans de politique de l'offre financée par la dette. ((Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mmes Monique Lubin et Émilienne Poumirol. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je ne veux pas verser dans la polémique – ce n'est pas l'objectif de notre séance de cet après-midi –, mais je pense qu'il faut rétablir quelques faits. Aussi vais-je expliquer, très factuellement, certaines choses que j'ai dites à la tribune et que je n'ai pas pu développer faute de temps.

De façon mécanique, depuis le mois de novembre dernier, l'absence de budget a entraîné deux phénomènes.

En premier lieu, la conjoncture se dégrade parce que le pays est dans une posture attentiste. La prévision de croissance a donc mécaniquement baissé de 0,2 point de PIB, ce qui représente 6 milliards d'euros de recettes supplémentaires à trouver ou d'économies supplémentaires à faire. Cela me semble indéniable ; c'est factuel, c'est observable.

En second lieu, le budget ne pouvant probablement pas être adopté avant la fin du mois de février ou le début du mois de mars – le plus vite possible, j'espère –, un certain nombre de mesures de recettes et d'économies ne peuvent pas encore être mises en place. Cet effet mécanique nous coûte aussi, par rapport à la copie du gouvernement précédent, 6 milliards d'euros.

Aussi, quand j'affirme que la censure coûte 12 milliards d'euros, je ne suis pas en train d'agiter un chiffon rouge, j'observe simplement, de façon factuelle, les conséquences de la baisse de la croissance liée à l'attentisme et l'effet du report de l'application de mesures de recettes et d'économies que vous avez adoptées.

J'en viens à l'amendement n° II-718.

Cet amendement a été déposé par le gouvernement précédent, qui constatait que les prévisions de dépenses et de recettes, Mme la rapporteure spéciale l'a très bien expliqué, conduisaient mécaniquement – je dis bien : mécaniquement – à cette réduction de 193 millions d'euros. Je crois que, dans ce débat, nous devons être très méthodiques.

Il est vrai que ce gouvernement propose, par ailleurs, des économies supplémentaires sur un certain nombre de missions, mais il suggère également des augmentations de crédits. Vous avez pu le constater avec la mission « Outre-mer », par exemple, qui a bénéficié d'une « rebudgétisation » au-delà du financement initial, en raison de la situation à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Vous le verrez aussi lors de l'examen de la mission « Enseignement scolaire », qu'Élisabeth Borne vous présentera tout à l'heure. De même, l'hôpital bénéficiera d'un surcroît de crédits de plus de 1 milliard d'euros.

Nous faisons des choix, mais nous sommes aussi extrêmement contraints. Le Premier ministre l'a dit, le but est d'avoir un déficit de 5,4 %, alors que le précédent gouvernement visait 5 %. Dans cette position contrainte, nous cherchons néanmoins les compromis. C'est la position que je tâche d'adopter moi-même : me fonder sur les faits et construire des compromis.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Ministre, je vous remercie de prendre le temps de poser les termes du débat. Reste que, à vous écouter, les bras m'en tombent ! Ce n'est pas mécanique du tout !

Dès la fin de la déclaration de politique générale du Premier ministre, nous avons commencé de réexaminer le budget, mission après mission, avec des amendements budgétaires qui tombaient la veille, disait Thomas Dossus. En l'espèce, c'est d'ailleurs une chance, car, dans le cadre de l'examen de la mission « Culture », un amendement d'annulation de crédits portant sur des dizaines de millions d'euros est tombé quelques minutes avant l'ouverture de la séance publique ! Quel manque de respect pour le Parlement et pour tous ceux que cela concerne…

J'y insiste, madame la ministre : ce n'est pas de la mécanique, vous faites des choix politiques et nous les dénonçons comme tels. Ce coût n'est pas celui de la censure ; les Français sont en réalité en train de payer le prix de la dissolution. Depuis le 10 juin dernier, nous sommes « dans la seringue » et l'addition que vous êtes en train de présenter aux Français est bien celle de la dissolution.

Vous faites des choix politiques, disais-je, et je vais l'illustrer par deux exemples tirés de la séance d'hier et de celle d'avant-hier.

Hier, le Gouvernement a proposé d'annuler 40 millions d'euros supplémentaires dans le secteur de la culture, mais, bizarrement, la ministre de la culture est parvenue à préserver le pass Culture.

Avant-hier, lors de l'examen de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », le Gouvernement a déposé un amendement d'annulation de 123 millions d'euros de crédits, mais, bizarrement, cela ne concernait pas le service national universel (SNU), auquel les parlementaires proposent unanimement de mettre fin.

Ne nous prenez donc pas pour des perdreaux de l'année, madame la ministre. Vous faites des choix politiques et nous les dénoncerons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-718 et II-1677 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° II-1987, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

89 753 974

 

89 753 974

 

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

13 356 974

 

13 356 974

 

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

15 618 454

 

15 618 454

 

TOTAL

118 729 402

 

118 729 402

 

SOLDE

+ 118 729 402

+ 118 729 402

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement mécanique – je réutilise le mot – rehausse les crédits de la mission pour tenir compte de la revalorisation des pensions de retraite de 2,2 % au 1er janvier 2025.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. À la suite du rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale, les retraites ont été revalorisées de 2,2 % au 1er janvier 2025, alors que l'administration, pour sa prévision de recettes dans le projet annuel de performances, s'est fondée sur une hausse des pensions de 0,8 % au 1er juillet 2025.

Par conséquent, il convient de mettre à jour les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Le Gouvernement s'appuie ainsi sur le travail des services en charge des prévisions de dépenses, ce qui est nécessaire pour que les différentes pensions soient bien versées.

Néanmoins, le coût se révèle substantiel : 120 millions d'euros. Nous verrons par la suite l'effet de la revalorisation sur le compte d'affectation spéciale « Pensions », puisque la revalorisation de 2,2 % représente une hausse de près de 1 milliard d'euros. D'ailleurs, il est un peu surprenant que ce rehaussement mécanique au 1er janvier 2025 se fasse sans distinction de ressources.

La commission émet, bien entendu, un avis favorable sur cet amendement, afin que les pensions soient versées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1987.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-1493, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

 

 

 

 

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

 

 

 

 

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

71 394 558

 

71 394 558

 

TOTAL

71 394 558

 

71 394 558

 

SOLDE

+ 71 394 558

+ 71 394 558

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement technique vise à inscrire dans le cadre de la Lolf, grâce à un effort notable, le financement du régime d'allocations viagères des gérants de débits de tabac (RAVGDT). En effet, celui-ci était jusqu'à présent abondé par une taxe affectée alors que la loi organique ne permet pas d'utiliser une telle fiscalité pour des organismes dénués de personnalité morale.

En un mot, l'État collectera la taxe pour la diriger vers son budget général et allouera ensuite au régime la stricte somme nécessaire. Le processus est totalement neutre pour les buralistes et beaucoup plus lisible pour les fonctionnaires en charge de l'élaboration du budget comme pour les parlementaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. Cet amendement a pour objet de gagner en lisibilité.

La logique voudrait que l'ensemble des régimes de retraite ayant besoin d'un concours de l'État soient retracés dans la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Pour cette raison, j'ai déjà salué l'intégration de ceux de l'Opéra de Paris et de la Comédie-Française dans le périmètre.

Il est ainsi légitime qu'y figure la subvention nécessaire à l'équilibre du régime d'allocations viagères des gérants de débits de tabac. Je suis satisfaite de cette évolution, qui permettra au Parlement de suivre la totalité des régimes nécessitant un abondement par l'État, même s'il en reste encore quelques-uns à inscrire.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1493.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

compte d'affectation spéciale : pensions

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions », figurant à l'état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Pensions

68 483 628 839

68 483 628 839

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité

65 143 656 244

65 143 656 244

dont titre 2

65 140 406 244

65 140 406 244

Ouvriers des établissements industriels de l'État

2 090 010 904

2 090 010 904

dont titre 2

2 082 609 533

2 082 609 533

Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

1 249 961 691

1 249 961 691

dont titre 2

17 000 000

17 000 000

M. le président. L'amendement n° II-1986, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité

dont titre 2

836 317 980

 

 

 

836 317 980

 

836 317 980

 

 

 

836 317 980

 

Ouvriers des établissements industriels de l'État

dont titre 2

19 868 925

 

 

19 868 925

 

19 868 925

 

 

19 868 925

 

Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

+ 856 186 905

 

+ 856 186 905

 

SOLDE

+ 856 186 905

+ 856 186 905

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. L'objet de cet amendement obéit, une fois encore, à une logique mécanique : il est important que le compte d'affectation spéciale « Pensions » retrouve un niveau correspondant à ses dépenses.

Nous prenons acte par notre proposition que la revalorisation des pensions de retraite de 2,2 % au 1er janvier 2025 entraîne 856 millions d'euros de dépenses supplémentaires par rapport à la rédaction initiale du projet de la finance. Aussi, il s'agit de conduire l'État à augmenter automatiquement le taux de son prélèvement employeur de quatre points. Celui-ci, qui était resté inchangé pendant près de dix ans, passera donc de 74 % à 78 %.

Une fois encore, notre démarche est que l'État équilibre ses comptes en trouvant en son sein les économies nécessaires au financement des retraites des agents publics.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. Il s'agit d'un amendement miroir de celui que nous venons d'adopter pour la mission « Régimes sociaux et de retraite ». De fait, il tend à adapter le texte aux effets de la revalorisation des retraites de 2,2 % au 1er janvier 2025, quel que soit leur niveau, contre 0,8 % prévu au sein du projet annuel de performances. L'incidence représente 856 millions d'euros – c'est un amendement colossal, mais nous devons honorer ce montant pour verser les pensions.

Nous cherchons des millions d'euros d'économies çà et là, mais le coût pour le compte d'affectation spéciale « Pensions » est mécanique.

Nous n'avons pas d'autre choix que de voter cet amendement. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. J'aime bien votre argument, madame la rapporteure… Vous parlez d'un amendement « colossal ». Il l'est, en effet !

Ce faisant, vous induisez que nous ne pouvons pas faire autrement que l'adopter, de manière anormale. Quand tout va bien, les pensions sont indexées au 1erjanvier sur l'inflation. Ce qui n'était pas normal, c'était de vouloir revenir en arrière en supprimant une pratique établie. Il est important de recadrer le discours.

Par ailleurs, je ne comprends pas bien pourquoi vous avez précisé deux fois que les pensions étaient revalorisées quel que soit le montant des ressources. Chaque année, toutes les pensions de retraite sont revalorisées, pas seulement les petites pensions.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. Madame Lubin, nous ne revalorisons pas mécaniquement et indistinctement les pensions de retraite chaque année. En 2021 n'ont été revalorisées que celles qui se situaient sous un plafond de 2 000 euros. Cette indexation n'est pas automatique. Elle l'est dans le cas présent. (Mme Monique Lubin acquiesce.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1986.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions », figurant à l'état D.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Après l'article 64

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-572 est présenté par M. Capo-Canellas.

L'amendement n° II-1988 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 64

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les services accomplis par les techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile au cours de la période durant laquelle ils ont exercé des fonctions de contrôle de la circulation aérienne sont, pour ceux d'entre eux qui sont nommés dans le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2034, considérés comme des services actifs pour l'application du quatorzième alinéa de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite et comme des services effectifs pour la détermination de la bonification prévue à l'article 5 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ainsi que pour l'acquisition du droit à l'allocation temporaire complémentaire prévue par les dispositions du I de l'article 6-1 de cette même loi.

La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l'amendement n° II-572.

M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement vise à accompagner le plan de requalification des techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC). Il s'agit, pour le calcul des droits à la retraite, de considérer comme effectifs les services effectués par ces techniciens en qualité de contrôleurs de la circulation aérienne.

La mise en place d'un des éléments du protocole social qui a été conclu au sein des volets « Modernisation » et « Accompagnement social » se traduit par une augmentation de dépenses au titre du compte d'affectation spéciale « Pensions » de 150 000 euros en 2025.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° II-1988.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement a pour objet de reprendre les conclusions du dialogue social qui s'est tenu au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) au mois de mai 2024. Celui-ci a amené à rapprocher, voire à rendre identiques dans un certain nombre de cas, les modalités de calcul de retraite des techniciens supérieurs des études et de l'exploitation de l'aviation civile, au vu des services effectifs qu'ils accomplissent, et des contrôleurs de la circulation aérienne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. Dans un récent rapport d'information, Vincent Capo-Canellas a expliqué les tenants et les aboutissants du nouvel accord social pluriannuel conclu au printemps dernier entre la DGAC et les syndicats représentatifs de son personnel.

D'après son analyse, malgré son coût non négligeable et contrairement aux négociations précédentes, cet accord contient des évolutions et des dispositifs concrets susceptibles d'améliorer enfin la performance du contrôle aérien français, notoirement insuffisante par rapport à celle de nos principaux partenaires européens.

Parmi ces mesures, le protocole vise à la création d'ici à 2030 d'un corps unique de contrôleurs aériens. Cela passe notamment par un plan de requalification dans le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) des TSEEAC qui exercent une activité de contrôle. Afin d'assurer l'attractivité du secteur et conformément à l'accord conclu au printemps dernier, ce plan de requalification suppose que les TSEEAC concernés bénéficient, au titre des périodes de contrôle qu'ils ont effectuées, des mêmes conditions de calcul de pensions de retraite que leurs collègues ICNA.

La commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-572 et II-1988.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-1666 est présenté par le Gouvernement.

L'amendement n° II-1970 est présenté par Mme Vermeillet, au nom de la commission.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 64

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du second alinéa de l'article 4 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure est supprimée.

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° II-1666.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement a pour objet d'appliquer aux gendarmes un certain nombre de dispositions incluses dans la réforme des retraites de 2023 qui, pour le dire trivialement, avaient été oubliées.

Nous rendons ainsi effectif un mécanisme permettant aux gendarmes qui liquident leur retraite au-delà de la limite d'âge de recevoir une bonification. Celle-ci reflétera leur engagement plus long dans leur service.

Précédemment, il existait un mécanisme d'écrêtement de cette bonification. Il a été supprimé pour un certain nombre de fonctions afin d'éviter de pénaliser en cas de poursuite d'activité : personnel militaire, autres agents en catégorie active ou super-active comme les policiers, les douaniers ou les sapeurs-pompiers professionnels. Pour les gendarmes, le mécanisme était resté en place ; il est donc supprimé, de sorte que ceux-ci soient sur un pied d'égalité avec les autres professionnels dont les missions sont proches à certains égards.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour présenter l'amendement n° II-1970.

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. Il s'agit d'un amendement de justice, qui est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Puisqu'il est question d'injustice et de dispositions qui n'ont pas été traduites, je me demande où en est le décret concernant les avantages que nous avons accordés aux sapeurs-pompiers volontaires lors de la réforme des retraites.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame la sénatrice, je ne peux pas vous répondre d'emblée. Je transmettrai cette question au ministère de l'intérieur, qui est en charge de la bonne application de ces dispositions.

Vous connaissez notre attachement à ce que les mesures votées soient appliquées.

Mme Monique Lubin. Ce n'est pas le cas !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-1666 et II-1970.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64.

transformation et fonction publiques

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Transformation et fonction publiques

1 081 446 081

800 578 998

Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

674 956 624

360 300 105

Transformation publique

77 478 806

109 570 076

dont titre 2

1 500 000

1 500 000

Fonction publique

275 081 997

276 780 163

dont titre 2

290 000

290 000

Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

53 928 654

53 928 654

dont titre 2

53 928 654

53 928 654

M. le président. L'amendement n° II-8, présenté par M. Nougein, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

 

125 000 000

 

125 000 000

Transformation publique

dont titre 2

 

 

 

 

Fonction publique

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

125 000 000

 

125 000 000

SOLDE

-125 000 000

-125 000 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet une diminution de crédits de 125 millions d'euros pour 2025, correspondant à la mise en œuvre du début de la trajectoire de réduction de 25 % des surfaces de bureaux de l'État d'ici à 2032. En effet, 1 milliard d'euros d'économies sont prévus sur huit ans. En termes de surfaces occupées, les économies attendues représenteraient 5 millions de mètres carrés sur les 100 millions de mètres carrés d'ensemble.

Il s'agit, certes, d'un amendement visant à réaliser des économies, mais, surtout, d'une mesure de bonne gestion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, nous reviendrons sur l'enjeu de la bonne gestion et utilisation de l'immobilier de l'État lors de l'examen de l'amendement n° II-1758 portant article additionnel après l'article 60, qui vise à mettre en place une foncière d'État.

L'objectif d'une telle structure sera, comme vous le soulignez, de mieux utiliser le parc immobilier. Reste que, pour réduire la surface utilisée, il faudra réorganiser le reste des superficies disponibles. À ce titre, nous devons d'abord investir dans le réaménagement et la rationalisation avant de nous séparer au fur et à mesure de mètres carrés. La foncière aura précisément pour objet de mettre en forme ce travail.

En diminuant les crédits aujourd'hui alors que nous n'avons pas commencé l'œuvre de rationalisation, il est certain que nous ne pourrons pas réduire de facto les surfaces, les agents publics n'ayant pas alors les bâtiments et les équipements adaptés à leurs missions. Il faut investir pour faire des économies ! Ce raisonnement paraît contradictoire, mais, en vérité, il est nécessaire de procéder ainsi. Les sommes dont vous parlez sont tout à fait atteignables passé ce court délai d'investissement préalable.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Madame la ministre, sous quel délai pensez-vous mettre en place la politique que vous venez de décrire ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous lançons les projets pilotes dans les régions Grand Est et Normandie. L'objectif est de diminuer les surfaces pour les optimiser.

Pour que ces initiatives – je parle sous le contrôle du ministre de la fonction publique – soient une réussite tant pour les agents que pour les finances publiques, il nous faut nous assurer d'un délai de déploiement en cohérence avec notre capacité d'adaptation. Cela prendra probablement quatre ou cinq ans. Si nous coupons aujourd'hui les crédits qui, précisément, servent à investir dans la réorganisation de nos surfaces, nous ne serons pas en mesure de réussir ce chantier.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Je retire l'amendement !

M. le président. L'amendement n° II-8 est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-2181, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

 

60 250 079

 

60 250 079

Transformation publique

dont titre 2

 

3 962 436

 

3 962 436

Fonction publique

dont titre 2

 

14 083 896

 

14 083 896

Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

dont titre 2

 

164 964

 

 

164 964

 

164 964

 

 

164 964

TOTAL

 

78 461 375

 

78 461 375

SOLDE

-78 461 375

-78 461 375

La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il faut faire des efforts. Cela consiste parfois à présenter des amendements d'annulations de crédits. Pour la présente mission, ces dernières s'élèvent à un peu plus de 78 millions d'euros. Au travers de cet amendement, le Gouvernement insiste sur les actions à consentir pour rétablir nos finances publiques.

Je salue les suggestions avancées par les sénateurs des groupes Union Centriste et Les Indépendants – République et Territoires, puisque leurs amendements vont dans le même sens que le mien. Toutefois, j'en demanderai le retrait, d'autant que, si l'amendement gouvernemental est adopté, ils deviendront sans objet.

Je sais que, dans cet hémicycle, vous êtes nombreux à vouloir participer à l'amélioration de la santé de nos finances publiques, mesdames, messieurs les sénateurs.

L'effort demandé pour cette mission s'élève à 78,5 millions d'euros et vous demande de bien vouloir voter en sa faveur.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° II-1649 rectifié ter est présenté par MM. V. Louault, Malhuret, Chasseing, Rochette, Brault, A. Marc et Chevalier, Mme Lermytte et M. Laménie.

L'amendement n° II-1682 rectifié est présenté par M. Canévet, Mme Antoine, MM. Folliot et Delcros et Mmes Vermeillet et N. Goulet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

 

13 483 572

 

13 483 572

Transformation publique

dont titre 2

 

 

 

 

Fonction publique

dont titre 2

 

7 130 977

 

7 130 977

Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

dont titre 2

 

164 964

164 964

 

164 964

164 964

TOTAL

 

20 779 513

 

20 779 513

SOLDE

- 20 779 513

- 20 779 513

La parole est à M. Marc Laménie, pour présenter l'amendement n° II-1649 rectifié ter.

M. Marc Laménie. Cet amendement, présenté par notre collègue Vincent Louault et par plusieurs membres de notre groupe, a lui aussi pour objet une réduction des crédits de la mission, mais pour un montant de 20,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

M. le président. L'amendement n° II-1682 rectifié n'est pas soutenu, non plus que le n° II-1683 rectifié.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Hier encore, l'amendement déposé par le Gouvernement tendait à des minorations de crédits à hauteur de 20,7 millions d'euros, ce qui explique sans doute celui qui figure dans les amendements de nos collègues. Vers midi aujourd'hui, ce montant est passé à 78,5 millions d'euros ! Vraisemblablement, quelqu'un a phosphoré cette nuit, imaginant un moyen de réduire le déficit de l'État…

Je ne pense pas que cette manière d'agir à l'égard du Sénat soit la bonne.

Il va de soi que la commission des finances est favorable à la réduction des dépenses publiques. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur ces amendements.

M. Marc Laménie. Non, je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° II-1649 rectifié ter est retiré.

La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Sans surprise, nous voterons contre cet amendement de réduction des crédits.

J'en profite, madame la ministre, monsieur le ministre, pour vous alerter.

Depuis quatre jours, j'ai le sentiment que nous assistons, mission après mission, – permettez-moi d'être un peu trivial – à la foire à la saucisse du coup de rabot ! Chaque ministre, à tour de rôle, y prend sa part.

Tout à l'heure, Mme Mirallès, au moment de proposer une coupe de 50 millions d'euros, reconnaissait que cet effort lui avait été demandé. Nous continuons donc sur cette lancée…

Ces baisses se font au dernier moment, sans aucune concertation. Si vous me passez l'expression, vous bafouez le travail parlementaire ! Vous ne pouvez pas, d'un côté, longuement négocier avec nous comme la semaine dernière et, de l'autre, revenir sur vos engagements.

Nous avons pris nos responsabilités jeudi dernier. Pour autant, nous n'avons pas accordé de blanc-seing au Gouvernement. Je vous préviens : nous ne pourrons pas accepter que des coups de rabot aient lieu les uns après les autres tout au long de l'examen des missions qui restent examinées durant les prochains jours.

Vous parlez du coût de la censure. Je répète que ce n'est pas qui coûte cher, c'est la politique qui est menée depuis sept ans et la dissolution qui s'est ensuivie au mois de juin dernier.

Le moment est particulièrement inquiétant. Nous avons pris des engagements et nous les avons tenus. La balle est donc dans le camp du Gouvernement. Attention : les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-2181.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-1732 rectifié, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de compétences techniques mis à disposition des projets ministériels

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

 

74 000 000 

 

74 000 000 

Transformation publique

dont titre 2

 

 

Fonction publique

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

dont titre 2

 

 

 

 

Fonds de compétences techniques mis à disposition des projets ministériels

74 000 000

 

74 000 000

 

TOTAL

74 000 000

74 000 000

74 000 000

74 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Comme vous le savez, le groupe CRCE-K reste très vigilant sur le recours aux cabinets de conseil privés par l'administration. Si elle pose des questions de souveraineté particulièrement problématiques, l'externalisation est, en plus, très coûteuse.

Or la fonction publique connaît des problèmes de recrutement d'ingénieurs et de data scientists à très haut niveau de qualification du fait de la difficulté de rivaliser avec les salaires astronomiques du privé. Le gouffre financier d'une telle carence est immense. D'après la Cour des comptes, les trois quarts des 890 millions d'euros versés par l'État en 2021 au titre des prestations externalisées concernent le domaine informatique.

Par cet amendement, nous souhaitons maintenir le recrutement au sein de la fonction publique en matière informatique pour éviter les dépenses pharaoniques provoquées par l'externalisation des prestations dans ce domaine. Nous proposons donc de revenir sur les suppressions de crédits du programme « Innovation et transformation numériques », afin d'abonder ce nouveau fonds.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Je partage l'objectif de rationaliser le recours aux cabinets de conseil privés. Néanmoins, cette question fait déjà l'objet d'une proposition de loi spécifique et transpartisane en cours de discussion au Parlement – d'ailleurs déjà votée au Sénat.

Pour cette raison, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Madame la sénatrice, je suis convaincu que nous avons besoin d'investissements forts pour transformer l'État. Tel est le sens de l'annonce par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale de la création d'un « fonds spécial dédié à la réforme de l'État ».

Cette transformation est confiée à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), qui coordonne les missions permettant de simplifier la vie des Français et des agents, ainsi que d'assurer l'accès à un service public de qualité. L'amendement que vous présentez vise à baisser ses moyens pour créer un nouveau fonds. De plus, vous ciblez des crédits dont l'objet est d'honorer les engagements passés par l'État.

La réforme de la chose publique nécessite – j'y crois beaucoup – un temps long. Les résultats du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) sont probants. L'économie totale qui a été réalisée est de 1 milliard d'euros, dont 512 millions d'euros d'économies annuelles récurrentes.

Sur la forme, le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » ne finance pas de dépenses de personnel, ce qui rend cet amendement sans objet.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1732 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-1738 rectifié, présenté par Mme Linkenheld, MM. Cozic et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kerrouche, Chaillou et Bourgi, Mme Narassiguin, M. Roiron, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

 

10 000 000 

 

10 000 000 

Transformation publique

dont titre 2

 

 

 

 

Fonction publique

dont titre 2

10 000 000 

 

 10 000 000

 

Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 10 000 000

 10 000 000

10 000 000 

10 000 000 

SOLDE

 0

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Cet amendement vise à répondre à l'urgence de garantir un financement suffisant à l'apprentissage dans la fonction publique territoriale afin de permettre aux collectivités locales de poursuivre leur engagement en faveur de la formation et de l'emploi des jeunes.

La réforme de 2018 a modifié en profondeur les mécanismes de financement de l'apprentissage. Elle a conduit à la mise en place d'un système complexe, impliquant une participation de plusieurs acteurs : État, France Compétences, Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et collectivités territoriales elles-mêmes.

Malgré ce nouveau dispositif, les besoins des collectivités en faveur de l'apprentissage ont rapidement dépassé, du fait de leur dynamique, les moyens financiers disponibles. Les chiffres sont alarmants : 18 000 demandes de prise en charge ont été enregistrées en 2023, contre 8 200 en 2020 et, soit une hausse de 120 % en seulement trois ans !

La dynamique a été entravée par des ressources budgétaires insuffisantes qui contraignent le CNFPT à financer à peine la moitié des contrats. La situation pour 2024 et pour 2025 s'annonce plus critique encore. Le manque de fonds met en péril l'accès à l'apprentissage pour de nombreux jeunes et compromet la capacité des collectivités à renforcer leurs effectifs avec des compétences adaptées aux enjeux actuels.

Pour ces raisons, cet amendement, sur l'initiative d'Audrey Linkenheld et des élus socialistes, vise à majorer les crédits d'engagement et de paiement de 10 millions d'euros sur l'action n° 01 « Formation des fonctionnaires » du programme 148. Cette mesure permettra de répondre à l'urgence en évitant à des milliers de jeunes et de collectivités de rester sans solution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Cet amendement a le mérite de poser la question de la soutenabilité du modèle de financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale. Toutefois, la dotation du CNFPT à ce titre a fait l'objet d'un accord avec l'État dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2023-2025.

En conséquence, le montant de la dotation versée par l'État a été fixé à 15 millions d'euros de crédits pour 2025. L'adoption de cet amendement se traduirait par un quasi-doublement des crédits, ce qui ne va pas du tout dans le sens de la réduction des dépenses publiques.

Par conséquent, sur cet amendement, la commission émet un avis très défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Nous sommes à peu près tous convaincus que l'apprentissage a montré toute son efficacité et que les employeurs prennent leur part de l'effort au travers des 25 000 contrats signés en 2023 dans l'ensemble des services publics.

En tant qu'élu local, maire et président d'agglomération, j'ai moi-même poussé le recrutement de davantage d'apprentis. L'actuelle ministre d'État Élisabeth Borne, quand elle était Première ministre, a elle-même très clairement demandé aux employeurs publics de participer à l'effort de recrutement à l'instar de ce que réalisent les entreprises, dans sa circulaire du 10 mars 2023 relative au renforcement du recrutement d'apprentis dans la fonction publique pour les années 2023-2026.

C'est dans cet état d'esprit que les objectifs ont été fixés dans le cadre de la convention triennale signée entre l'État, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et France Compétences en 2023.

Cette convention prévoit que les objectifs annuels minimum en matière de contrats d'apprentissage sont établis à 9 000 contrats par an, pour une participation respective de l'État à hauteur de 15 millions d'euros et de France Compétences à hauteur de 10 millions en 2024 et de 5 millions en 2025.

Oui, l'État a joué le rôle d'une pompe d'amorçage. Il nous faut poursuivre collectivement ce défi.

Madame la sénatrice, nous sommes sur la bonne voie, puisque les objectifs ont été atteints en 2024, avec la signature de 9 000 contrats.

Je sais d'expérience que la pression budgétaire sur nos collectivités est particulièrement forte. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé, dans son discours de politique générale, de baisser de 2,8 milliards d'euros en 2025 l'effort demandé dans la précédente version budgétaire aux collectivités.

Je pense que cet effort doit nous permettre de trouver les moyens d'investir dans nos services publics et dans des politiques en faveur de nos jeunes.

Même si j'ai, comme vous, un profond respect pour notre fonction publique territoriale, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, d'autant qu'il vise à baisser dans les mêmes proportions des crédits essentiels à la rénovation de notre parc immobilier.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois. Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur le fait que la convention triennale dont vous avez parlé s'achève en 2025.

Nous sommes en 2025 ! Je vous incite donc vraiment à renégocier une nouvelle convention pour que les collectivités sachent ce qui se passera à partir de 2026.

Comme il faut un certain temps pour négocier, ce travail doit être engagé rapidement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Madame le rapporteur pour avis, rendez-vous est pris !

Je vous invite à venir au ministère pour évoquer cette question et d'autres sujets encore, puisque je vous sais aussi notamment mobilisée sur la protection sociale complémentaire (PSC) des agents publics. Je pense que nos échanges seront fructueux !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1738 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-1733, présenté par M. Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

 

 2 000 000

 

 2 000 000 

Transformation publique

dont titre 2

 

 

 

 

Fonction publique

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

dont titre 2

2 000 000 

 

2 000 000

 

  2 000 000

 

2 000 000

 

TOTAL

 2 000 000

  2 000 000

 2 000 000 

 2 000 000 

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. À la suite de la publication du rapport des travaux de la commission d'enquête demandée par le groupe CRCE-K sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, le gouvernement précédent a annoncé faire évoluer sa stratégie de pilotage de ses dépenses et d'internalisation des compétences de conseil.

L'Agence de conseil interne de l'État a ainsi été formée au sein de la direction interministérielle de la transformation publique.

Bien que le gouvernement ait alors annoncé que l'agence serait dotée de 75 agents à la fin de l'année 2024, celle-ci ne devrait finalement en comprendre que 55, et le schéma d'emplois, dans le projet de loi de finances qui nous est présenté ici, est nul.

Pourtant, la souveraineté de l'État face aux cabinets de conseil privés et la bonne utilisation des deniers publics sont primordiales. Nous devons activement lutter contre ce phénomène tentaculaire, coûteux et dangereux qu'a dénoncé la commission d'enquête.

C'est pourquoi cet amendement vise à renforcer les moyens disponibles en matière de conseil interne à hauteur de 2 millions d'euros et, ainsi, à permettre l'embauche de 20 agents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Pour les mêmes raisons, cet amendement appelle le même avis défavorable de la commission que l'amendement n° II-1732 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Madame la sénatrice, le Gouvernement partage la volonté qui est la vôtre : la baisse du recours aux cabinets de conseil privés, qui conduit à une augmentation de la dépense publique et à une perte de l'expertise interne au sein des services de l'État.

C'est tout le sens de l'Agence de conseil interne inaugurée à la fin du mois de mars 2024, conformément aux objectifs de la circulaire du 19 janvier 2022.

Cette agence agit au service des ministères, en complémentarité des missions des inspections. Le tandem constitué par les revues de dépenses des inspections et les missions de l'Agence de conseil interne est vertueux pour nos services publics, mais aussi pour notre dépense publique.

Grâce à ce faisceau d'actions, les dépenses de conseil ont été divisées par trois entre 2021 et 2023 : 191 millions d'euros ont été économisés.

Lundi prochain, je me rendrai auprès des agents de l'agence pour les remercier du travail accompli et leur demander de rester concentrés sur des actions concrètes permettant de véritables améliorations du service public et des gains d'efficience.

Cet amendement vise à passer les effectifs de ce service de 55 à 75 agents. Si tel était bien l'objectif envisagé par le gouvernement de l'époque, la croissance des effectifs de l'agence a déjà été très forte ces derniers mois.

Par conséquent, 2025 sera une année de consolidation de l'action de l'agence au travers des missions qu'elle conduit et de l'animation de la communauté du conseil interne de l'État dont elle a la charge.

Par conséquent, tout en partageant la volonté de poursuivre la montée en charge de l'agence sur le plus long terme, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1733 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-1739 rectifié, présenté par Mmes Canalès, Brossel et Linkenheld, MM. Cozic et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kerrouche, Chaillou et Bourgi, Mme Narassiguin, M. Roiron, Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

 

400 000 

 

 400 000 

Transformation publique

dont titre 2

400 000 

 

 400 000 

 

Fonction publique

dont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

400 000  

400 000  

400 000  

 400 000 

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. J'ai cru comprendre que, lors de sa déclaration de politique générale à l'Assemblée nationale, le Premier ministre a souhaité que les écrits des cahiers de doléances soient utilisés par l'ensemble du Gouvernement, pour y répondre.

Voilà qui tombe bien, parce que, sur l'initiative de Marion Canalès, l'ensemble des sénateurs socialistes ont déposé cet amendement qui vise à dégager les financements nécessaires à la création d'une plateforme numérique permettant enfin de rendre publiques et accessibles les pages des cahiers de doléances que près de 2 millions de Françaises et de Français se sont appliqués à noircir lors du grand débat national de 2019 à ceux qui – chercheurs, collectifs, particuliers… – ont envie de les consulter ou de les étudier.

Cette opération, qui a consisté, dans une période de désenchantement politique, à appeler les Français à s'exprimer honnêtement, à formuler des propositions – ce qu'ils ont fait – et à dessiner le chemin qui nous permettrait de renouer avec le commun, a, de fait, été interrompue dans la phase qui aurait été la plus utile pour l'ensemble du pays, celle qui consistait à se saisir de ce qui a été écrit pour en tirer des leçons de politique publique et agir.

Ces contributions figurent aujourd'hui dans les archives départementales. Nombre d'entre nous ont eu l'occasion d'en consulter.

Il convient de redonner aux cahiers de doléances de l'existence dans l'espace public. Tel est l'objet du présent amendement.

Ce dernier s'inscrit en complémentarité avec un autre amendement, qui sera examiné la semaine prochaine, tendant à abonder le budget de l'Agence nationale de la recherche pour qu'elle puisse analyser, sur le fond, ces contributions essentielles au débat et à la vie démocratique de notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Je partage bien évidemment l'objectif de valoriser via la création d'une plateforme numérique dédiée les cahiers de doléances renseignés par nos concitoyens lors du grand débat national en 2019.

Cependant, la charge, relativement limitée, correspondant à une telle mesure – elle est évaluée à 400 000 euros par les auteurs de l'amendement – peut être absorbée en gestion par les crédits du programme « Transformation publique ». Je considère donc qu'il s'agirait d'un doublon.

Par conséquent, la commission est un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Laurent Marcangeli, ministre. Comme vous l'avez indiqué, madame la sénatrice, le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a rappelé l'importance de la mobilisation et des élus lors du grand débat national de 2019.

Près de 20 000 cahiers de doléances ont été rédigés par nos concitoyens, exprimant des besoins et des attentes et formulant des propositions sur des thèmes qui vont de l'économie à la santé, en passant par la fiscalité ou encore la transition écologique.

Ces cahiers, qui ont été numérisés, sont une source importante d'inspiration pour identifier les priorités d'action attendues par les Français dans plusieurs domaines.

Ce faisant, nous sommes fidèles à la démarche d'écoute de nos concitoyens, qu'ils soient particuliers, élus locaux, membres d'associations ou chefs d'entreprise. Cette démarche guide nos plans de transformation pour l'action publique.

Les modalités pratiques de publication de ces près de 20 000 cahiers doivent être examinées, sachant que nous devons être particulièrement précautionneux sur les questions de protection des données personnelles.

Les montants demandés pour cette action ne sont pas nécessaires en l'état et méritent d'être affinés en fonction des arbitrages du Gouvernement.

De plus, vous gagez cette dépense sur un programme qui finance des opérations immobilières au service des agents publics, opérations qui sont des vecteurs d'investissement à court et moyen termes et qui nous permettront d'améliorer la qualité de vie et la qualité de travail de nos agents.

Par conséquent, le gouvernement demande de retrait de cet amendement à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Nous savons qu'il ne sera pas adopté, mais nous maintenons cet amendement.

Néanmoins, comme je suis résolument optimiste, je retiens de votre réponse, monsieur le ministre, que le chemin n'est pas fermé, même si les modalités que nous proposons ne recueillent pas votre assentiment. J'entends donc qu'un engagement pourrait être pris pour avancer et rendre publics les cahiers de doléances.

Le grand débat national a eu lieu en 2019. Nous sommes en 2025. Je comprends qu'il faille examiner de près les conditions de numérisation et d'accès public, mais on peut tout de même se dépêcher un peu ! Il me semble qu'on en a eu le temps…

Vous le savez, de nombreux citoyens se mobilisent sur ce sujet, sur lequel un travail transpartisan est engagé à l'Assemblée nationale.

Je crois que nous avons vraiment là l'occasion, en cette période de doute qui, parfois, fracasse notre pays, de rendre crédible la parole politique.

Nous continuerons à nous mobiliser sur le sujet pour que l'engagement que je devine au travers de vos propos soit traduit. Cela me paraît extrêmement important.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Je veux appuyer cette démarche.

On ne peut pas dire que la réponse de M. le ministre soit très claire : « il faudrait », « on pourra », « on verra »…

La réalité, c'est que cela fait cinq ans qu'un certain nombre de Français se sont exprimés en croyant sincèrement à la parole du Président de la République, qui disait souhaiter la recueillir. Cinq ans plus tard, tout est enterré ou, en tout cas, caché au fin fond des archives départementales. Il est vrai que l'on peut avoir accès à ces documents, mais il est nécessaire de les rendre publics.

Globalement, les Français se sont exprimés parfois avec véhémence, mais aussi avec sincérité. Il faut aller plus loin, en permettant que cette parole inspire nos politiques publiques. Nous avons besoin d'y voir plus clair !

Encore une fois, nous payons là des promesses non tenues. Il y a eu la promesse non tenue de la politique de l'offre, qui se fracasse aujourd'hui sur les réalités budgétaires. Il y a eu la promesse non tenue de la convention citoyenne, qui n'a été retranscrite que partiellement dans des lois. En l'occurrence, c'est une promesse d'ouverture et d'écoute qui n'a pas été tenue par le président Macron.

Dans ce budget, nous commençons à payer les factures du premier quinquennat et des deux ans qui ont suivi. Ça commence à faire lourd !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1739.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Action et transformation publiques », figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'amendement tendant à insérer un article additionnel qui est rattaché, pour son examen, aux crédits de la mission « Transformation et fonction publiques ».

Après l'article 64

M. le président. L'amendement n° II-1663 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 64

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L'article L. 822-3 du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° Au 1° , les mots : « l'intégralité » sont remplacés par le pourcentage : « 90 % » ;

2° Au dernier alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Dans les situations mentionnées au 1° et au 2° , le fonctionnaire ».

II. – Le code de la défense est ainsi modifié :

1° Au treizième alinéa de l'article L. 4138-2, après la première occurrence des mots : « en congé de », sont insérés les mots : « maladie, dont la rémunération peut être réduite, et de celui placé en congé de » ; 

2° L'article L. 4138-3 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le militaire conserve sa rémunération.

« Dans les autres cas, le militaire perçoit une rémunération réduite de 10 %, à l'exception des indemnités de résidence et pour charge de famille perçues en totalité. »

III. – À la seconde phrase du premier alinéa du 2° de l'article 54 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs, les mots : « l'intégralité » sont remplacés par le pourcentage : « 90 % » et les mots : « ; ce traitement est réduit de moitié » sont remplacés par les mots : « et la moitié de son traitement ».

IV. – Les dispositions de l'article L. 822-3 du code général de la fonction publique sont applicables aux agents des administrations parisiennes dans leur rédaction résultant de la présente loi.

V. – Les dispositions du présent article s'appliquent aux congés de maladie accordés au titre des articles L. 822-3 du code général de la fonction publique et L. 4138-3 du code de la défense, ainsi que du premier alinéa du 2° de l'article 54 de l'ordonnance du 4 janvier 2005 précitée, à compter du premier jour du mois suivant celui de la publication de la présente loi.

Le présent V est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres Australes et Antarctiques françaises.

La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Marcangeli, ministre. Je profite de l'examen de cet amendement pour revenir sur un sujet que j'ai évoqué au début de l'examen de ses missions et qui lui est, de mon point de vue, intrinsèquement lié : le débat sur les jours de carence.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'annonce en fin d'année dernière du passage aux fameux trois jours de carence a suscité l'incompréhension des représentations syndicales de notre pays, qui ont vu une forme de vexation.

Il ne vous a pas échappé que, dans ce cadre, une journée de mobilisation nationale de la fonction publique organisée le 5 décembre dernier a battu des records. Réforme des retraites exceptée, cela faisait longtemps que l'on n'avait pas vu autant d'agents publics dans la rue et que l'on n'avait pas connu un taux de grève aussi suivi !

Je veux revenir sur la réalité des chiffres, qui est particulièrement importante. Je pense surtout à la mise en œuvre effective de la réforme par les services de l'État, au regard de sa faisabilité.

D'abord, la mesure représente un peu moins de 300 millions d'euros d'économies sur le budget général global. Cela représente un peu moins de 150 millions d'euros sur le budget de l'État – il convient en effet de distinguer la fonction publique d'État de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale.

Cet impact doit être encore plus nuancé, pour la simple et bonne raison que l'adoption exceptionnellement tardive du projet de loi de finances cette année – j'espère que nous aurons un texte budgétaire le plus rapidement possible ! –, combinée à une mise en œuvre tributaire de systèmes informatiques de paie, aurait conduit, en 2025, à un gain réel inférieur à 50 millions d'euros. En effet, la mesure ne pourrait être appliquée avant le mois d'octobre prochain.

Par ailleurs, je dois vous rendre compte des entretiens que j'ai avec les organisations syndicales. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le Premier ministre a demandé aux membres du Gouvernement de créer les conditions d'un dialogue respectueux, serein, apaisé avec ces organisations, notamment celles de la fonction publique, mais également avec la représentation politique du pays.

L'un d'entre vous a tout à l'heure souligné qu'il fallait écouter. Les propositions faites par le Premier ministre attestent que le Gouvernement a l'intention de négocier avec l'ensemble des forces politiques désireuses de participer à une solution de stabilité politique pour le pays, dans le cadre d'un pacte de responsabilité assumé. C'est ce que je défends aujourd'hui et ce que j'ai défendu lorsque j'étais président de groupe à l'Assemblée nationale après les élections législatives du mois de juillet dernier.

D'autres études peuvent montrer que les arrêts maladie de courte durée sont minoritaires – je tiens à le dire – et que l'effet réel de la mesure sur l'absentéisme des agents publics reste encore à établir.

Pour ma part, j'assume aujourd'hui devant vous cette reprise de dialogue avec les organisations syndicales. Néanmoins, au regard de la situation de nos comptes publics et des engagements que nous devons prendre à l'égard d'abord des Français – allons-nous leur laisser un pays endetté et nous soustraire à nos obligations vis-à-vis de nos partenaires et des générations futures ? –, il est aujourd'hui indispensable d'agir pour diminuer nos dépenses publiques et nos déficits.

C'est la raison pour laquelle nous abaissons à 90 % le taux de rémunération en cas de congé maladie. Je sais que cette mesure est difficile, mais elle est inéluctable au regard de la situation de nos finances publiques.

Je plaide depuis toujours pour la réduction de la dépense publique. J'en assume une part au sein de ce ministère, notamment au travers de cette mesure. L'abandon, en parallèle, de ce que le précédent gouvernement a annoncé sur le nombre de jours de carence, permet un équilibre.

Nous avons engagé un dialogue social visant à discuter des sujets, y compris structurants – sur les carrières, sur l'attractivité de la fonction publique, sur le logement des fonctionnaires, sur leur protection fonctionnelle… Je sais que ce dernier sujet vous intéresse également fortement, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dans le même temps, nous sommes obligés de faire face à des obligations en matière de réduction de nos dépenses publiques. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'adopter cet amendement.

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que nous avons dépassé depuis cinq minutes le temps qui était imparti à l'examen de ces missions.

Par conséquent, je vous remercie d'être le plus synthétique possible en présentant les douze amendements restants afin de ne pas trop décaler l'examen des missions suivantes et d'éviter que nous n'achevions nos travaux tard dans la nuit.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. La mesure portée par cet amendement paraît particulièrement pertinente, eu égard à la nécessité de rationaliser la gestion des emplois publics afin d'assurer une efficience accrue, et proportionnée. Le taux de 90 % demeure proche du plein traitement et, surtout, constitue un alignement sur les conditions d'indemnisation applicables au secteur privé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1663 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64.

compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'état

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », figurant à l'état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Gestion du patrimoine immobilier de l'État

340 000 000

340 000 000

Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État

0

0

Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État

340 000 000

340 000 000

M. le président. L'amendement n° II-2182, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État

 

 

 

 

Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État

 

40 300 000

 

40 300 000

TOTAL

 

40 300 000

 

40 300 000

SOLDE

- 40 300 000

- 40 300 000

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit une nouvelle fois d'un amendement mécanique, sous-tendu par des raisons que vous connaissez désormais.

Puisque, pendant deux mois, les opérations immobilières et d'entretien des bâtiments de l'État qui n'entrent pas dans le cadre du service minimum ni dans le cadre, strict, des services votés seront à l'arrêt, elles sont de facto décalées et reportées.

Par conséquent, la baisse de 40 millions d'euros qui est proposée ne constitue pas une diminution de nos ambitions : elle est la traduction calendaire du fait que, en 2025, nous n'exécuterons que 10 douzièmes de notre programme, les deux premiers mois de l'année n'étant pas utiles, dans la mesure où l'État ne fonctionnera pas comme prévu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Sur le fond, je partage l'objectif de rationalisation des dépenses immobilières de l'État.

Sur la forme, nous avons reçu cet amendement, comme le précédent, aujourd'hui à midi.

Pour ma part, j'avais déposé au nom de la commission un amendement visant le même objectif, mais avec des montants plus élevés. Madame la ministre, vous m'avez expliqué que ce n'était pas possible ; c'est pourquoi je l'ai retiré.

Nous constatons, via l'amendement du Gouvernement, que c'est finalement possible… En conséquence, la commission se remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Pas d'entourloupe entre nous, monsieur le rapporteur spécial.

Vous proposiez une réduction des crédits de 125 millions d'euros, ce qui aurait représenté une moindre capacité d'action. Je vous ai répondu sur le fond, et mes arguments sont toujours valables aujourd'hui.

Si nous voulons que les agents publics travaillent dans de bonnes conditions, si nous voulons réduire la surface, il nous faut des moyens d'investissement. Je vous ai demandé que l'on puisse les conserver.

Cet amendement a pour objet de tirer la conséquence du fait que, comme nous l'impose la loi spéciale, pendant deux mois, nous ne pouvons pas intervenir comme nous l'aurions voulu dans la rénovation de nos bâtiments publics et la transition énergétique – démarches que vous appelez également de vos vœux. Durant cette période, nous ne pouvons pas lancer ces opérations, engager ces investissements, passer les marchés publics pour la rénovation des cités administratives et des bâtiments publics. Par conséquent, nous décalons tout notre planning et nos actions de deux mois, ce qui justifie cette baisse de 40 millions d'euros.

Je reviens sur l'argument que j'ai présenté. Sachez que c'est pour moi une souffrance ! L'État ne fonctionne pas actuellement comme il devrait : il fonctionne en service dégradé, en service minimum.

Derrière les 40 millions d'euros que nous repoussons, il y a des entreprises du bâtiment, des architectes, des bureaux d'études qui ne reçoivent pas les sommes qu'ils attendaient au titre des contrats que l'État doit engager.

Je ne veux pas supprimer cette politique, mais je constate que nous prenons du retard. C'est la raison pour laquelle j'ai émis un avis défavorable sur votre amendement tout à l'heure et je vous propose cet amendement désormais.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-2182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », figurant à l'état D.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Les crédits sont adoptés.)

gestion des finances publiques

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Gestion des finances publiques

11 064 944 738

10 971 512 721

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

8 255 484 171

8 209 484 171

dont titre 2

6 971 364 631

6 971 364 631

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

999 272 686

983 840 667

dont titre 2

528 087 085

528 087 085

Facilitation et sécurisation des échanges

1 810 187 881

1 778 187 883

dont titre 2

1 375 492 598

1 375 492 598

M. le président. L'amendement n° II-82, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

 

850 000 000

 

850 000 000

 

850 000 000

 

850 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

 

 

 

 

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

850 000 000 

 

850 000 000 

SOLDE

- 850 000 000

- 850 000 000

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Il s'agit d'un amendement d'appel, même si un amendement ayant le même objet a déjà été adopté au Sénat à une certaine époque.

Le ministre, que j'ai écouté attentivement, n'a pas du tout cité le glissement vieillesse technicité (GVT) parmi ses pistes de réflexion.

Je rappelle que les frais de personnel de l'État représentent 42 % du budget. Si l'on veut faire des économies, il faut aussi essayer d'en trouver parmi ces 42 % !

Je sais qu'une surcotisation pour les retraites représente une bonne part de ce montant, mais il y a aussi un moyen de freiner la hausse de la masse salariale de l'État par le biais du GVT.

Ralentir le GVT, ce n'est pas le supprimer. On pourrait, par exemple, bloquer les avancements d'échelon durant six mois. Cela permettrait de réaliser des économies substantielles.

En l'état actuel de nos finances publiques, tout le monde doit faire un effort. Il n'y a pas de raison que la fonction publique, comme le reste de l'économie, n'y participe pas.

Je soumets donc cette idée à notre assemblée et au Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. La proposition de suspension pendant six mois de toutes les mesures individuelles d'avancement est assez radicale et pénaliserait l'ensemble des fonctionnaires. Cela ne semble pas souhaitable.

Dans ces conditions, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il s'agit d'un amendement à 900 millions d'euros, dont le dispositif concerne la seule mission « Gestion des finances publiques ». Par conséquent, seules sont concernées les administrations qui gèrent les impôts en France, en particulier la direction générale des finances publiques (DGFiP).

La DGFiP ne me semble pas en mesure d'absorber 900 millions d'euros de coupes, et je ne le souhaite pas ! Je pense que ce serait une atteinte très grave à sa mission.

En réalité, monsieur le sénateur, votre amendement est un amendement d'appel. Ralentir le glissement vieillesse technicité, c'est-à-dire repenser les carrières des fonctionnaires, demande une loi spécifique ; cela ne saurait être imposé en loi de finances.

Sur le fond, si nous retenons ce raisonnement, des agents seront ralentis dans leur progression, quand la mesure sera totalement neutre pour d'autres.

Si l'on veut travailler sur la masse salariale, le ministre de la fonction publique, les organisations syndicales et les employeurs peuvent sûrement réfléchir et faire beaucoup.

En tout état de cause, cette mesure ne semble pas la bonne. En particulier, elle grèverait massivement un service de l'État qui non seulement collecte l'impôt et contrôle fiscalement les fraudes, mais assure aussi notamment le soutien aux collectivités. Ce n'est assurément pas le bon outil.

Par conséquent, le Gouvernement demande de retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Delahaye, l'amendement n° II-82 est-il maintenu ?

M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-82 est retiré.

La parole est à M. le vice-président de la commission des finances.

M. Thomas Dossus, vice-président de la commission des finances. Je m'exprime en ma qualité de vice-président de la commission des finances, en remplacement de Claude Raynal.

Nous avons déjà dépassé de dix minutes le temps réservé à l'examen de cette mission.

Le Sénat doit encore examiner trois missions qui ont été reportées à ce soir.

Mes chers collègues, pourrions-nous examiner très rapidement la dizaine d'amendements qui restent, pour essayer de terminer aux alentours de dix-huit heures ?

M. le président. Je m'associe à votre demande, mon cher collègue.

L'amendement n° II-16, présenté par M. Nougein, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

 

150 000 000

 

150 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

 

 

 

 

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

150 000 000

 

150 000 000

SOLDE

-150 000 000

-150 000 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Pour 2025, cet amendement prévoit une diminution de 2,5 % des emplois des opérateurs de l'État, représentant 10 000 équivalents temps plein, sur un total de 400 000 emplois.

Cette diminution se justifie par l'existence de nombreux doublons entre les missions assumées par ces opérateurs et d'autres entités, en particulier les collectivités territoriales, voire les ministères. Il y a là une source de réduction des dépenses publiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le Gouvernement propose une mesure globale de réduction des dépenses des opérateurs de 5 % et, sur le plafond d'emplois, une mesure de freinage des primorecrutements à hauteur de moins 10 %.

Par ailleurs, je rappelle que la hausse de la cotisation employeur au titre du d'affectation spéciale « Pensions » pour les opérateurs est également une mesure de freinage très forte.

Je pense que nous avons déjà sollicité les opérateurs et les agences de manière inédite dans l'effort de contribution de l'ensemble de la sphère publique à la réduction des dépenses.

En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-1756 rectifié, présenté par MM. Capus et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, MM. Laménie, Chasseing, Brault et L. Vogel, Mme Lermytte, MM. Rochette, Chevalier, A. Marc, V. Louault, Dhersin et Longeot, Mme Vermeillet et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

145 000 000

145 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

TOTAL

145 000 000

 

145 000 000

SOLDE

- 145 000 000

- 145 000 000

La parole est à M. Emmanuel Capus.

M. Emmanuel Capus. Cet amendement vise à proposer une diminution de 2 % des crédits de la mission, soit une réduction de 145 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

M. le président. L'amendement n° II-2183, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

72 003 730

22 889 589

72 003 730

22 889 589

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

19 538 841

1 592 469

19 538 841

1 592 469

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

20 661 692

4 524 668

20 661 692

4 524 668

TOTAL

112 204 263

112 204 263

SOLDE

-112 204 263

-112 204 263

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. L'amendement que vous venez de présenter me paraît satisfait par l'amendement du Gouvernement, monsieur Capus. Dans le cadre de la contribution des programmes budgétaires à la réduction du déficit, celui-ci vise en effet à réduire les crédits de 112 millions d'euros.

Ainsi, le Gouvernement propose d'accroître les économies, notamment en matière de rénovation immobilière, en réduisant les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Nos objectifs convergent donc pour ce qui concerne la mise en œuvre opérationnelle de la réduction des déficits.

La disposition que le Gouvernement entend mettre en place est opérationnelle et correspond aux possibilités effectives d'économies au sein des programmes visés.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° II-1679 rectifié est présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Delcros et Folliot et Mmes Vermeillet et Antoine.

L'amendement n° II-1755 rectifié bis est présenté par MM. Capus et Malhuret, Mme Paoli-Gagin, M. Laménie, Mme Lermytte et MM. Chasseing, Brault, L. Vogel, Rochette, Chevalier, A. Marc, V. Louault, Dhersin, Longeot et Chatillon.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

 

67 563 382

 

 

22 889 589

 

67 563 382

 

 

22 889 589

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

18 239 390

1 592 469

18 239 390

1 592 469

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

18 347 519

4 524 668

18 347 519

4 524 668

TOTAL

104 150 291

104 150 291

SOLDE

- 104 150 291

- 104 150 291

L'amendement n° II-1679 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l'amendement n° 1755 rectifié bis.

M. Emmanuel Capus. La disposition que cet amendement vise à introduire étant moins-disante que celle du Gouvernement, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-1755 rectifié bis est retiré.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. L'amendement n° II-2183 ayant été déposé ce matin, la commission n'a pas pu s'en saisir. Il tend toutefois à aller dans le même sens que d'autres amendements gouvernementaux que nous avons examinés.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement n° II-1756 rectifié étant satisfait par l'amendement n° II-2183, la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-1756 rectifié ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Le gouvernement demande de retrait de cet amendement au profit de l'amendement n° II-2183.

M. le président. Monsieur Capus, l'amendement n° II-1756 rectifié est-il maintenu ?

M. Emmanuel Capus. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-1756 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° II-2183.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-17, présenté par M. Nougein, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

dont titre 2

 

112 000 000

 

 

112 000 000

 

112 000 000

 

 

112 000 000

Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

dont titre 2

Facilitation et sécurisation des échanges

dont titre 2

TOTAL

112 000 000

112 000 000

SOLDE

-112 000 000

-112 000 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Cet amendement vise à porter d'un à trois jours le délai de carence dans la fonction publique d'État.

Cette disposition est un marronnier, mes chers collègues. Nous en débattons chaque année et, chaque année, elle est votée par la majorité sénatoriale.

Cette année, nous pensions que le Gouvernement suivrait la majorité sénatoriale.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Pourtant, voilà trois jours, il a changé de pied.

Je maintiens tout de même cet amendement. Je ne reviens pas en détail sur cette disposition, que chacun connaît et qui vise à aligner le secteur public sur le secteur privé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons discuté du nombre de jours de carence et de la réduction à 90 % du taux d'indemnisation des congés maladie. Par conséquent, d'une certaine manière, le débat a déjà eu lieu.

Comme le ministre l'a expliqué, en reprenant ce texte, il ne s'agit pas de nous en tenir à ce qui a été voté. Compte tenu des annonces faites par le Premier ministre et des discussions qui ont été menées avec des groupes politiques, le gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Permettez-moi de rappeler le cadre dans lequel nous avons été amenés à chercher un compromis, mesdames, messieurs les sénateurs.

Premièrement, je déplore avec vous le calendrier très contraint dans lequel nous examinons ce budget. Nous reconnaissons tous que ce calendrier nous est imposé et que ce n'est pas ainsi que nous souhaitons travailler.

Deuxièmement, nous examinons un budget de compromis. Le Gouvernement cherche à mettre sur la table un budget qui n'est idéal pour personne, mais il s'agit de faire en sorte que tout le monde y retrouve ses priorités, ce qui suppose aussi que chacun compose avec des mesures qui n'étaient pas celle qu'il attendait.

M. le président. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Madame la ministre, le Gouvernement émet-il bien avis défavorable sur cet amendement ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Oui !

M. Thierry Cozic. Cela me rassure, car le Sénat vient déjà de réduire à 90 % le taux d'indemnisation des congés maladie. Si cet amendement était adopté, le texte issu du Sénat allongerait de surcroît à trois jours le délai de carence, ce qui serait tout de même exceptionnel, mes chers collègues.

Soyez réaliste, monsieur le rapporteur spécial : il faut choisir entre la baisse des remboursements et l'augmentation du nombre de jours de carence. On ne peut pas faire les deux !

Je vous confirme que la volonté d'aligner le secteur public sur le secteur privé est un marronnier de la droite française, monsieur le rapporteur spécial.

Je rappelle toutefois que, dans l'un de ses rapports sur le sujet, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) souligne que, par le biais de conventions collectives, deux tiers des salariés du privé sont aujourd'hui protégés contre la perte de revenus induite par le délai de carence.

En d'autres termes, monsieur le rapporteur spécial, vous affichez clairement le souhait, comme la droite en général, d'aligner les conditions de travail des fonctionnaires, dont nous constatons sur le terrain qu'elles sont de plus en plus difficiles, non pas sur celles de l'ensemble des salariés du privé, mais sur celles des salariés des entreprises les moins-disantes socialement.

Est-ce véritablement cette politique que la droite aujourd'hui défend ? Éclairez-moi, mes chers collègues ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J'abonde dans votre sens, monsieur le sénateur Cozic.

Il y a quelques années, lorsque j'étais ministre de la transformation et de la fonction publiques, j'ai lancé un important travail sur la prévoyance et la protection sociale complémentaire des agents publics avec toutes les forces syndicales, ainsi que les employeurs territoriaux – Mme Di Folco s'en souvient.

Dans notre pays, on méconnaît la très grande inégalité qui existe entre les agents de la fonction publique et les salariés du secteur privé, qui tient à la nature de la protection sociale complémentaire.

Comme vous l'indiquez, monsieur le sénateur, les jours de carence dans le secteur privé sont très massivement couverts par les régimes de prévoyance et par les régimes de protection complémentaire. Ces régimes compensent par exemple l'écart entre les indemnités journalières – aujourd'hui plafonnées à 1,8 Smic, et bientôt à 1,4 Smic – et le salaire journalier, ce qui n'est pas le cas dans la fonction publique.

Une grande réforme de la protection sociale complémentaire maladie des agents publics a recueilli l'accord unanime des forces syndicales. Par ailleurs, sous la conduite du ministre Guerini, qui m'a succédé en tant que ministre de la transformation et de la fonction publique, un accord sur la prévoyance a été conclu. Toutefois, celui-ci ne couvre pas les jours de carence.

M. Cozic a donc raison, monsieur le rapporteur spécial : si cet amendement était adopté, l'allongement du délai de carence se cumulerait à la réduction à 90 % du taux d'indemnisations des congés maladie qui a été votée et figure désormais dans le texte.

Par cohérence avec le compromis que nous sommes en train de construire, il conviendrait donc de retirer cet amendement de la commission.

M. Max Brisson. Nous n'avons pas besoin de leçons ! Cela commence à bien faire, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. En moyenne, les agents publics sont absents 14,5 jours par an, contre 11,7 jours pour les salariés du secteur privé.

Je ne suis par ailleurs pas du tout d'accord avec vos propos, madame la ministre. Un amendement du gouvernement précédent – vous n'en faisiez pas partie – visait bien à cumuler la baisse à 90 % du taux d'indemnisation et l'allongement du délai de carence à trois jours.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. C'était avant !

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. J'ai bien compris qu'à vos yeux le gouvernement Barnier était nul et que jamais le Gouvernement que vous appartenez n'aurait fait une bêtise pareille !

En tout état de cause, je maintiens cet amendement.

M. Olivier Rietmann. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Comme à son habitude, la gauche fait preuve de cohérence, et c'est une bonne chose. Permettez toutefois qu'il en soit de même pour nous, madame la ministre. Cela vous échappe peut-être, mais, à la droite de cet hémicycle, nous avons des convictions et nous avons l'intention de les défendre. Pour notre part, nous pensons que la disposition proposée par la commission est utile.

La communication non verbale a son importance, madame la ministre. J'observe que, comme le Premier ministre récemment, vous êtes en dialogue permanent avec la partie gauche de cet hémicycle. Cela devient même une habitude.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je m'adresse au rapporteur spécial !

M. Max Brisson. Je vous invite toutefois à faire un peu attention, madame la ministre, et ce pour deux raisons.

D'une part, toutes les concessions que vous faites à la gauche ont un coût et se traduisent aujourd'hui par des coups de rabot. Ce n'est pas parce que vous refusez ce terme qu'il ne recouvre pas une réalité : depuis trois jours, par les amendements qui nous sont présentés pour répondre aux attentes de la gauche, ce sont autant de coups de rabot qui nous sont proposés.

Le parti socialiste échappe certes par là à son emprisonnement par La France insoumise (LFI), mais j'estime que le budget de l'État n'a pas pour objet de contribuer à la libération du parti socialiste.

M. Olivier Rietmann. Excellent !

M. Max Brisson. D'autre part, à mon sens, vous avez tout intérêt à modifier votre langage corporel et à prendre l'habitude de vous tourner davantage vers la partie droite de cet hémicycle. Vous y trouverez en effet des soutiens sans doute quelque peu plus constants, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Vous avez évoqué un budget de compromis, madame la ministre. Je répondrai à mon collègue Brisson qu'une partie du compromis avec la droite a déjà été passée, non pas dans cet hémicycle, mais lors les discussions qui ont eu lieu, en amont du débat parlementaire, entre les partis de droite et le Gouvernement.

Si nous avons aujourd'hui autant de difficultés à construire un budget qui réponde aux besoins du pays tout en respectant nos contraintes budgétaires, c'est parce que vous, la droite, Les Républicains, mais aussi la droite macroniste, avez refusé toute nouvelle recette supplémentaire pour le budget de l'État.

Mme Laurence Rossignol. Vous préférez raboter les indemnités journalières des fonctionnaires plutôt que d'aller chercher l'argent là où il faudrait aller le chercher, en taxant les hauts patrimoines et les dividendes.

Ne nous parlez donc pas des compromis que nous passons avec le Gouvernement et n'interpellez pas Mme la ministre, mes chers collègues, puisqu'en matière de compromis vous avez déjà fait le boulot !

Par ailleurs, rendons-nous ensemble la semaine prochaine auprès des infirmières et des personnels soignants des hôpitaux. Vous leur expliquerez que, selon vous, ils sont des fainéants qui prennent des congés indus et que, pour qu'ils en prennent moins, la meilleure chose à faire est d'allonger leur délai de carence. Allez donc expliquer cela aux agents de la fonction publique hospitalière et aux enseignants !

Comment s'étonner dans ces conditions que nous ayons tant de difficultés à recruter des fonctionnaires dans notre pays, encore que cela ne vous dérange guère, puisque votre objectif est de tout passer au privé et de tout financiariser. La voilà, votre politique ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Contrairement à ce que vous avez laissé entendre, mon cher collègue Brisson, nous ne sommes pas mus par la volonté de parvenir à de prétendus petits arrangements entre amis ni à d'accords pour le parti socialiste ou pour quiconque. Quelle que soit notre place, à la gauche ou à la droite de cet hémicycle, c'est l'intérêt général de nos concitoyens qui nous motive, que ces derniers soient fonctionnaires ou non.

Lorsque nous revenons sur la situation des fonctionnaires, il nous faut considérer que ce sont aux intérêts de ceux qui, jour et nuit, nous accueillent dans les hôpitaux et gèrent des crises dans les collectivités territoriales que nous portons atteinte. Il ne nous a pas paru juste d'allonger le délai de carence pour de tels agents. Cela ne nous paraît pas juste aujourd'hui, monsieur le rapporteur spécial.

Permettez-moi par ailleurs de revenir sur l'adoption de l'amendement n° II-1663 rectifié, sans les voix du groupe SER.

Ces derniers jours, le Premier ministre a annoncé qu'il renonçait à allonger à trois jours le délai de carence dans la fonction publique. Pourtant, par cet amendement, le Gouvernement, certes maintient le délai de carence actuel pour les agents publics, mais instaure une réduction de 10 % du taux de remplacement, en lieu et place du plein traitement actuellement en vigueur en cas de congé maladie, portant celui-ci à 90 %, et ce pendant trois mois, non pas consécutifs, mais filants.

À titre personnel, je peine à comprendre dans quelle mesure l'intérêt de nos concitoyens fonctionnaires serait préservé par le renoncement à l'allongement du délai de carence, dès lors que, dans le même temps, le taux de remplacement de leur traitement se voit réduit de 10 %.

Le groupe SER votera évidemment contre l'amendement du rapporteur spécial.

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté, pour explication de vote.

Mme Marianne Margaté. Le groupe CRCE-K votera également contre cet amendement.

Monsieur le rapporteur général, permettez-moi de revenir sur les chiffres que vous brandissez comme autant de vérités. Vous indiquez que les agents publics sont absents en moyenne 14,5 jours par an, contre 11,7 jours pour les salariés du privé ; en revanche, vous oubliez de rappeler que le rapport de l'Igas Revue de dépenses relative à la réduction des absences dans la fonction publique souligne clairement que les écarts de taux d'absence entre le privé et le public s'expliquent à 95 % par les caractéristiques des agents – âge, sexe, état de santé –, ainsi que par la nature de leur emploi.

Comme je l'ai indiqué au début de l'examen de ces missions, les conditions de travail de plus en plus difficiles de nos agents épuisent le secteur public et dégradent la qualité du service public qui est rendu. Nos agents publics méritent à mon sens davantage de respect et de reconnaissance de la part du Sénat.

Je rappelle par ailleurs qu'au-delà de trois mois de congé pour maladie, période durant laquelle nous venons de réduire le taux de remplacement du traitement des agents publics de 100 % à 90 %, ces derniers ne perçoivent plus que 50 % de leur traitement, ce qui n'est pas le cas des salariés du secteur privé.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Comme M. le rapporteur spécial l'a rappelé, nous votons régulièrement cet amendement. Il serait toutefois opportun, afin de tirer toutes les conséquences de la comparaison du public et du privé, qu'une telle disposition s'accompagne de la mise en place d'un système assurantiel au bénéfice des agents publics, sur le modèle de celui qui existe dans le secteur privé.

M. le ministre a eu l'occasion d'indiquer sa volonté de moderniser la fonction publique et de limiter l'évolution de la masse salariale dans un cadre négocié et respectueux du dialogue social. Une telle démarche me paraît productive.

Nous avons voté un dispositif portant à 90 % le taux de prise en charge des arrêts maladie. Celui-ci remplit une partie de l'objectif qui est le nôtre.

Nous avons également pris acte des discussions qui se sont tenues dans l'autre chambre du Parlement. Cela n'a rien de choquant, mes chers collègues. Nous souhaitons en effet moderniser la fonction publique dans le cadre du dialogue social, mais nous souhaitons aussi que la discussion budgétaire se traduise par l'adoption d'un budget et nous voulons de la stabilité, ce qui suppose d'instaurer un cadre de non-censure.

Telles sont les raisons pour lesquelles la grande majorité du groupe Union Centriste ne votera pas cette année cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je partage pleinement les arguments développés par mes collègues de gauche. Je n'y reviens pas.

Je tiens toutefois souligné que, au cours des dernières années, voire décennies, l'on observe une féminisation de la fonction publique, qu'elle soit territoriale, nationale ou hospitalière. Par conséquent, toute atteinte portée à la rémunération des fonctionnaires, toute attaque de leur droit à être malades est aussi un coup porté à l'égalité salariale et une attaque de plein fouet du pouvoir d'achat des femmes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

C'est la vérité, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-1684 rectifié n'est pas soutenu, non plus que l'amendement n° II-386.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Gestion des finances publiques », figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'amendement tendant à insérer un article additionnel qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Gestion des finances publiques ».

Article additionnel après l'article 60

M. le président. L'amendement n° II-1758, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 60

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Des biens immobiliers relevant du domaine privé ou du domaine public de l'État peuvent être transférés en pleine propriété à l'établissement public créé en application du premier alinéa du II du présent article. Ces transferts s'effectuent à titre gratuit. Un décret fixe la liste des biens transférés et arrête la date de leur transfert.

II. – La société anonyme Agence de gestion de l'immobilier de l'État est transformée en un établissement public national à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre chargé des domaines.

Cet établissement a pour mission de :

1° gérer, entretenir et rénover les biens immobiliers dont il est propriétaire afin d'optimiser leurs usages et de contribuer aux objectifs de l'État en matière de transition écologique ;

2° mettre ces biens immobiliers à disposition des services de l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics de l'État ou de tout organisme public ou privé ;

3° acquérir des biens et droits immobiliers de toute nature ;

4° valoriser les biens et droits immobiliers qu'il détient par tous moyens. Dans le cadre de la valorisation du domaine privé, il pourra les céder, lorsque ceux-ci ne sont plus utiles à l'État ;

5° réaliser tous travaux et opérations d'aménagement, de développement, de promotion, de construction, de restructuration ou de démolition ;

6° réaliser toutes prestations, notamment d'études, services ou conseils, au profit de tout organisme public, dans le champ de ses missions.

L'établissement public met les biens dont la propriété lui a été transférée par l'État à disposition de ce dernier, des collectivités territoriales, des établissements publics de l'État ou de tout organisme public ou privé, dans les conditions prévues par un ou plusieurs contrats de bail ou conventions d'occupation du domaine public.

Cet établissement public peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes dont l'objet concourt à la réalisation des missions définies aux 1° à 6° de l'alinéa précédent, après accord préalable du ministre de tutelle.

Il est autorisé à conclure des marchés de partenariat, dans les conditions prévues par le livre II de la deuxième partie du code de la commande publique.

L'établissement public est administré par un conseil d'administration qui arrête les orientations stratégiques de l'établissement et exerce le contrôle permanent de sa gestion. Il est composé de représentants de l'État, de personnalités qualifiées et de représentants du personnel de l'établissement. Son président est le directeur de l'immobilier de l'État.

L'établissement public est dirigé par un directeur général qui est responsable de sa gestion.

Les ressources de l'établissement public sont constituées par :

1° Les subventions de l'État, des collectivités territoriales et de toutes autres personnes publiques et privées ;

2° Les emprunts de toute nature, y compris les crédits-baux ;

3° Le produit d'opérations commerciales ;

4° Les dons et legs ;

5° Le revenu des biens meubles et immeubles ;

6° Le produit des placements ;

7° Le produit des aliénations ;

8° D'une manière générale, toute autre recette provenant de l'exercice de ses activités.

L'établissement public est soumis au contrôle économique et financier de l'État.

La transformation de la société Agence de gestion de l'immobilier de l'État en établissement public n'emporte ni création de personne morale nouvelle, ni cessation d'activité. Les biens, droits, obligations, contrats et autorisations de toute nature de l'établissement public sont ceux de cette société au moment de la transformation de sa forme juridique. Cette transformation ne permet aucune remise en cause de ses biens, droits, obligations, contrats et autorisations et n'a, en particulier, aucune incidence sur les contrats conclus avec des tiers par la société Agence de gestion de l'immobilier de l'État pour la gestion de l'immobilier de l'État et les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce.

III. – Ne donnent lieu au paiement d'aucun impôt, droit ou taxe, ni d'aucune contribution ou frais perçus au profit du Trésor :

1° Les transferts de propriété mentionnés au I ;

2° Les opérations résultant de la transformation prévue au II ;

3° Les transferts de propriété effectués entre l'établissement public créé en application du II et une société dont il détient directement ou indirectement l'intégralité du capital.

IV. – L'établissement public mentionné au II du présent article est substitué de plein droit à l'État pour les droits et obligations afférents à la gestion, à l'entretien et à l'exploitation des biens qui lui sont transférés en application du I du présent article à compter de la date de leur transfert. Le décret visé en I précisera les modalités d'application de cette substitution et listera le cas échéant les contrats qui en sont exclus.

V. – Nonobstant toute disposition contraire, l'établissement public mentionné au premier alinéa du I du présent article ainsi que ses filiales peuvent conclure des emprunts de toute nature, y compris des crédits-baux immobiliers.

VI. – Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :

1° L'article L. 213-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« l) les transferts en pleine propriété des immeubles appartenant à l'État réalisés conformément à l'article XXX de la loi n° XXX du XXX de finances pour 2025, ainsi que les transferts réalisés entre l'établissement public mentionné par cet article et une société dont il détient directement ou indirectement l'intégralité du capital. » ;

2° Avant le dernier alinéa de l'article L. 240-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – aux transferts en pleine propriété des immeubles appartenant à l'État réalisés conformément à l'article XXX de la loi n° XXX du XXX de finances pour 2025, ainsi que les transferts réalisés entre l'établissement public mentionné par cet article et une société dont elle détient directement ou indirectement l'intégralité du capital. »

VII. – Le I de l'article L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots « filiale mentionnée au 5° de cet article, » sont insérés les mots : « aux sociétés dont l'établissement public créé en application de l'article XXX de la loi n° XXX du XXX de finances pour 2025 détient directement ou indirectement l'intégralité du capital, » ;

2° Au troisième alinéa, après les mots « s'applique » sont insérés les mots : « à l'établissement public national créé par l'article XXX de la loi n° XXX du XXX de finances pour 2025 et ».

VIII. – L'établissement public mentionné au premier alinéa du II ainsi que ses filiales émettent un avis conforme à l'inscription d'un ou plusieurs de leurs biens sur la liste mentionnée au 2° du II de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.

IX. – Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article, notamment le nom et la composition du conseil d'Administration de l'établissement public mentionné au I ainsi que la date de la transformation de la société anonyme Agence de gestion de l'immobilier de l'État, qui doit intervenir au plus tard le 1er juin 2025.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons déjà largement abordé ce sujet au cours de la discussion. Cet amendement vise à créer une foncière de l'État afin de distinguer clairement l'État propriétaire – la foncière – et l'État locataire.

L'expérimentation commencera dans les régions Grand Est et Normandie. Dans un cadre à définir, elle permettra notamment de valoriser un certain nombre d'emprises afin de créer de nouveaux logements pour les agents publics, pour les soignants, pour les policiers, mais possiblement aussi pour les étudiants.

Une telle proposition me paraît donc utile pour nos finances publiques et, plus largement, pour notre pays.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-1758.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.

crédits non répartis

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits non répartis

495 000 000

195 000 000

Provision relative aux rémunérations publiques

70 000 000

70 000 000

dont titre 2

70 000 000

70 000 000

Dépenses accidentelles et imprévisibles

425 000 000

125 000 000

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-690 est présenté par le Gouvernement.

L'amendement n° II-1681 rectifié est présenté par MM. Canévet et Delcros, Mmes N. Goulet, Vermeillet et Antoine et M. Folliot.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Provision relative aux rémunérations publiques

dont titre 2

 

70 000 000

 

 

70 000 000

 

70 000 000

 

 

70 000 000

Dépenses accidentelles et imprévisibles

TOTAL

70 000 000

70 000 000

SOLDE

- 70 000 000

- 70 000 000

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° II-690.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement tend à tirer les conséquences de la loi du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dite loi spéciale, et de l'absence de mesures catégorielles nouvelles dans les premiers mois de l'année et dans les prochaines semaines. Il s'agit donc d'acter, dans un souci de stricte sincérité budgétaire, les effets mécaniques de la loi spéciale sur le financement des services publics, et partant, de procéder aux réductions de crédits inutiles.

Permettez-moi de développer ce point.

Il est toujours possible de réduire la dépense publique en gestion, en d'autres termes, en constatant a posteriori que l'on a moins dépensé que prévu. Le Gouvernement parce qu'il estime toutefois que les marchés financiers, nos partenaires européens et la société dans son ensemble doivent aujourd'hui disposer d'une parfaite lisibilité budgétaire, fait désormais le choix le choix, certes plus difficile politiquement, de la plus grande transparence et tire toutes les conséquences de la loi spéciale et des mesures annoncées.

En le faisant en début d'année, nous nous donnons les moyens de procéder à moins de gels épars de crédits en gestion et nous vous livrons dès maintenant notre vision de la gestion des finances publiques.

Je me tourne vers la partie droite de l'hémicycle, monsieur Brisson. Depuis de très nombreuses années, la commission des finances du Sénat appelle à juste titre les gouvernements à présenter dès le début de l'année les budgets les plus proches de la réalité, de manière à contenir les reports systématiques, ainsi que les mesures de gel et de surgel.

Par cet amendement, le Gouvernement répond à cette demande. Toute autre explication ne serait que mauvaise politique.

M. le président. L'amendement n° II-1681 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Nougein, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-690.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Crédits non répartis », figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des missions « Régimes sociaux et de retraite », « Transformation et fonction publiques », « Gestion des finances publiques » et « Crédits non répartis », ainsi que des comptes d'affectation spéciale « Pensions » et « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Enseignement scolaire (suite)

M. le président. Le Sénat reprend l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » », figurant à l'état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Enseignement scolaire

88 828 111 773

88 817 133 670

Enseignement scolaire public du premier degré

27 490 907 364

27 490 907 364

dont titre 2

27 428 576 946

27 428 576 946

Enseignement scolaire public du second degré

39 523 106 898

39 523 106 898

dont titre 2

39 045 257 381

39 045 257 381

Vie de l'élève

8 143 063 307

8 153 063 307

dont titre 2

5 482 672 727

5 482 672 727

Enseignement privé du premier et du second degrés

8 938 183 839

8 938 183 839

dont titre 2

8 015 747 441

8 015 747 441

Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 999 997 231

2 980 819 128

dont titre 2

2 147 483 298

2 147 483 298

Enseignement technique agricole

1 732 853 134

1 731 053 134

dont titre 2

1 176 320 275

1 176 320 275

Dans l'examen des crédits de cette mission, nous en sommes parvenus à l'amendement n° II-2186.

M. le président. L'amendement n° II-2186, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

1 507 480

1 507 480

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

20 871 294

20 871 294

Vie de l'élèvedont titre 2

18 710 272

18 710 272

Enseignement privé du premier et du second degrés

dont titre 2

5 000 951

5 000 951

Soutien de la politique de l'éducation nationale

dont titre 2

6 224 655

6 224 655

Enseignement technique agricole

dont titre 2

150 432

150 432

TOTAL

52 465 084

52 465 084

SOLDE

-52 465 084

-52 465 084

La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez exprimé des craintes légitimes quant à l'élaboration des cartes scolaires pour la rentrée 2025. En raison de la suppression de 4 000 postes de professeur, celle-ci s'annonçait en effet singulièrement difficile.

Un large consensus s'est élevé, en particulier dans votre chambre, pour revoir cette mesure. Le Gouvernement l'a entendu et il a fait le choix fort de considérer que la baisse démographique devait être un levier d'action pour réduire les inégalités entre les élèves et les territoires et développer différentes politiques éducatives prioritaires.

Permettez-moi de les évoquer brièvement.

Revenir sur cette suppression de 4 000 postes d'enseignant nous permettra tout d'abord de faciliter l'élaboration des cartes scolaires. Étant élue d'un territoire rural, je sais que les fermetures classes suscitent chaque année des inquiétudes d'autant plus vives qu'elles sont annoncées tardivement.

Je veillerai du reste particulièrement – c'est une mesure que j'ai annoncée lorsque j'étais Première ministre – à ce que cette discussion concerne désormais les trois ans à venir, de sorte que les territoires disposent d'une visibilité pour plusieurs années.

Nous serons également en mesure de renforcer les brigades de remplacement. Il est en effet fondamental que nos écoles disposent des moyens suffisants en cas d'absence d'un professeur.

Nous pourrons par ailleurs continuer à élever le niveau des élèves, en renforçant le soutien des élèves fragiles de quatrième et de troisième, tout en permettant aux bons élèves de continuer à progresser.

Nous pourrons améliorer le déploiement de l'école inclusive, en particulier par la mise en place des pôles d'appui à la scolarité, qui associent des personnels médico-sociaux autour d'un professeur, ainsi que par le déploiement de nouvelles unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis).

De même, nous veillerons naturellement à améliorer la sécurité et le climat scolaires, en ouvrant de nouveaux postes de conseillers principaux d'éducation (CPE) et d'assistants d'éducation (AED).

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, pour atteindre l'objectif de 5,4 % de déficit public en 2025, l'État doit continuer à faire des efforts budgétaires. C'est l'obligation qui nous incombe : trouver des marges de manœuvre pour financer nos politiques prioritaires – je viens d'en citer quelques-unes.

Les dispositions de cet amendement traduisent cet impératif, en tenant compte de l'effet des services votés au titre de la mission « Enseignement scolaire ». L'effort portera sur la réduction de la réserve de précaution des dépenses de fonctionnement du ministère. Il conduira, comme en 2024, à solliciter les trésoreries disponibles, souvent importantes, de nos établissements et opérateurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Mes chers collègues, je suis bien en peine de vous donner l'avis de la commission, puisqu'elle n'a pas pu se réunir…

Mme Laurence Rossignol. C'est moche !

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. Je parle sous l'autorité de son président.

Nous vivons des temps étonnants : non seulement le turbo-rabot gouvernemental est de sortie, mais le grippe-sou de Bercy rédige nuitamment des amendements. (Sourires.) Notre mission n'est pas seule à « subir » un coup de rabot ; toujours est-il que nous n'avons pu examiner ces dispositions en commission. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat. Il serait malhonnête de parler au nom de la commission.

À titre personnel, je voterai cet amendement. Cela étant, je tiens à souligner le manque de cohérence et de cartésianisme dont fait preuve, non pas Mme la ministre, mais le Gouvernement. D'un côté, celui-ci revient sur la fameuse suppression de 4 000 postes d'enseignants ; de l'autre, il reprend près de 52,5 millions d'euros. Où est la cohérence ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. Honnêtement, je ne la trouve pas. Je pense d'ailleurs que, si heureuse soit-elle de disposer d'un plus grand vivier d'enseignants, Mme la ministre d'État est sans doute un peu surprise par de tels procédés. (Mme la ministre d'État rit.)

Je rappelle, enfin, que nous avons trouvé un consensus dans cet hémicycle au sujet des suppressions de postes : à l'unanimité, nous avons rejeté la baisse de 4 000 postes proposée par le Gouvernement pour la limiter à 2 000. Cette mesure était totalement financée : les 75 millions d'euros nécessaires étaient prélevés sur l'augmentation des crédits du pacte enseignant, que, comme d'autres ici, je ne jugeais pas si utile que cela.

Mes chers collègues, en résumé, je vous invite à voter en votre âme et conscience.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Nous découvrons aujourd'hui un nouveau coup de rabot : le Gouvernement entend prélever plus de 52 millions d'euros sur la mission « Enseignement scolaire ». Cette mesure s'ajoute aux 70 millions d'euros de réduction de crédits que le Sénat a votés avant la censure. Par conséquent, dans ce projet de loi de finances, ce sont 222 millions d'euros destinés à notre école qui disparaissent !

Un tel procédé, que nous avons constaté à maintes reprises depuis de la reprise de nos travaux, est tout bonnement inacceptable. Il trahit un véritable manque de considération pour la représentation nationale. Il est d'autant plus choquant que nous n'avons toujours pas l'assurance, à cette heure, que les 4 000 postes seront bel et bien préservés, quoi que vous en disiez, madame la ministre.

Certes, grâce à l'adoption de l'amendement du rapporteur spécial, le projet de loi de finances limite certes le nombre de suppressions de postes à 2 000, mais on attend encore la traduction des annonces de M. le Premier ministre : le Gouvernement n'a déposé aucun amendement en ce sens. Il n'a pas non plus annoncé de seconde délibération.

Madame la ministre, vous parlez de la réserve de précaution. Pourtant, en 2024, 683 millions d'euros ont été ponctionnés par décret sur le budget de l'éducation nationale. On nous certifiait alors que ces économies resteraient indolores, au motif qu'elles seraient prélevées pour l'essentiel sur la réserve de précaution. Tel n'a pas été le cas… Vos dernières annonces m'inspirent donc de vives inquiétudes.

Concrètement, que s'est-il passé l'an dernier ? Ce sont les professionnels et les élèves qui ont fait les frais de votre politique : l'enveloppe finançant les heures supplémentaires ponctuelles a été réduite. Les frais de déplacement ont été amputés, ce qui a tout particulièrement pénalisé les psychologues de l'éducation nationale – et Dieu sait si les élèves ont besoin d'eux, qui plus est depuis la crise du covid : je sais que vous êtes d'accord avec moi sur ce point. De même, certains inspecteurs, enseignants spécialisés et remplaçants ont été contraints d'avancer des frais, voire de renoncer à leurs déplacements. En parallèle, on a renoncé à reconduire divers contrats d'enseignants non titulaires, au prix de nouveaux défauts de remplacement.

Vous l'avez compris, nous ne pouvons pas voter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Le budget de l'éducation, premier budget de la Nation, est censé nous rassembler. Il mérite d'être défendu avec d'autant plus de force qu'il recouvre des sujets majeurs.

Dès lors, on aurait pu espérer que le Gouvernement s'abstienne de présenter le fameux amendement de baisse de crédits qu'il inflige à chaque mission budgétaire depuis la reprise de nos travaux… Cet amendement a été déposé, comme chaque fois, deux heures avant le début de l'examen de la mission. Dont acte. Comme l'ensemble des ministres depuis la déclaration de politique générale, vous venez présenter un tel amendement, madame la ministre.

C'est inacceptable sur la forme. M. le rapporteur spécial vient de le dire avec humour et je ne puis que souscrire à ses propos.

C'est tout aussi inacceptable sur le fond.

Le Gouvernement propose de baisser de 18 millions d'euros les crédits du programme 230, « Vie de l'élève ». Concrètement, où fera-t-on des économies ? Sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les quartiers populaires ? Sur les fonds sociaux ? Sur les fonds dédiés à la formation des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et à l'inclusion de ces élèves ? Sur les fonds finançant l'internat ? Voilà, en effet, ce que finance ce programme budgétaire.

J'ai malheureusement eu l'occasion de le dire plusieurs fois depuis la reprise de nos travaux : ce que le Gouvernement est en train de faire est inacceptable sur la forme comme sur le fond. La situation est d'autant plus baroque que nous avons changé à la fois de gouvernement et de ministre pendant l'examen de ce budget...

Lorsque le précédent gouvernement a joué avec les crédits de l'éducation nationale, un certain nombre de contrats de travail ont été interrompus du jour au lendemain : au beau milieu du mois de novembre, les professionnels concernés ont appris qu'ils ne pouvaient plus intervenir en classe ! Il a fallu donner, en urgence, l'autorisation aux recteurs de réembaucher ces personnels.

Ne jouez pas avec le budget de l'éducation nationale,…

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Colombe Brossel. … ne jouez pas avec l'avenir de nos enfants ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la ministre, au mois d'octobre dernier, le budget de l'éducation nationale élaboré par la ministre précédente a fait l'objet d'une alerte sociale de la part de l'intersyndicale. Cette mise en garde n'ayant absolument pas été prise en compte, les enseignants n'ont eu d'autre choix de faire grève en décembre dernier ; et je rappelle que ce mouvement a été très suivi.

Hier, vous vous engagiez à créer 324 postes dans le second degré et à réduire à 470 le nombre de postes supprimés dans le premier degré. À vous entendre, ces annonces étaient de nature à faciliter le dialogue entre votre ministère et les élus : tel était le vœu que vous formiez.

Aujourd'hui, vous vous présentez devant nous en grevant de 52 millions d'euros supplémentaires la mission « Enseignement scolaire », par un amendement déposé quelques heures avant l'ouverture de sa discussion.

Je le souligne à mon tour : cette méthode est à la fois insupportable et irrespectueuse, non seulement pour nous, parlementaires, mais aussi et surtout pour nos concitoyens, à qui vous assuriez encore hier que le budget de l'éducation nationale serait sanctuarisé.

Je condamne ce travail de sape. Je note d'ailleurs au passage au passage que seuls 5 millions d'euros d'économies sont demandés à l'école privée. Une fois de plus, c'est l'école publique qui paiera le plus lourd tribut. C'est elle qui, pour l'essentiel, subira ce coup de rabot : elle devra assumer 91 % des efforts d'économies.

Vous le savez, l'école publique ne peut diversifier les ressources dont elle dispose, contrairement à l'école privée, qui peut chercher des recettes complémentaires pour tenter, tant bien que mal, de garantir la qualité de son enseignement.

La rapide succession des ministres de l'éducation nationale cache mal la continuité sous-jacente : celle des logiques utilitaristes et libérales guidant votre action ; celle de politiques créant délibérément les conditions de l'attractivité de l'école privée en saignant à blanc l'école publique.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je comprends mieux pourquoi le ministère de l'éducation nationale avait besoin d'une ancienne Première ministre et d'une ministre d'État ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Madame la ministre d'État, à l'occasion de la présentation de cet amendement, vous nous avez réservé des annonces extrêmement positives, qui camouflent en réalité fait une baisse de crédits de 52 millions d'euros : il fallait bien, pour y parvenir, tout le talent d'une ancienne Première ministre !

Le calendrier des annonces gouvernementales a lui aussi un certain intérêt. Avant le vote de la dernière motion de censure, on a beaucoup parlé des fameux 4 000 postes. En revanche, on n'a guère évoqué cette baisse de 52 millions d'euros infligée au budget de l'éducation nationale. Chers collègues socialistes, à votre place, je me dirais : « Tiens, nous nous sommes fait avoir »…

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Oh !

M. Max Brisson. Ce calendrier est tout de même un peu surprenant.

M. Thomas Dossus. Il faut censurer !

M. Max Brisson. Enfin, madame la ministre d'État, je tiens à revenir sur certains de vos propos.

Vous avez annoncé une mesure attendue depuis bien longtemps : la pluriannualité de la carte scolaire. Cette solution permettra d'éviter des crises de nerfs systématiques, et je vous en remercie.

De même, j'ai écouté avec intérêt vos propos relatifs à l'école inclusive. À ce titre, nous devons encore beaucoup travailler.

En revanche – nous aurons l'occasion d'en reparler –, dans vos déclarations à la presse, vous revenez selon moi beaucoup trop fortement sur le « choc des savoirs » annoncé par M. Attal lorsqu'il était lui-même ministre de l'éducation nationale. Ainsi, vous avez déclaré que l'admission au lycée ne serait plus soumise à l'obtention du brevet des collèges. Vous renoncez à cette mesure et je le regrette particulièrement.

Quel curieux pays : tel un médecin qui poserait un diagnostic sans jamais délivrer d'ordonnance, on multiplie les évaluations du système scolaire, on constate nombre de dysfonctionnements, maints risques de décrochages, mais on ne prend aucune mesure pour aider les élèves en difficulté. Pourtant, si un élève ne parvient pas à obtenir le brevet des collèges, il y a fort à parier qu'il sera en grande difficulté au lycée. C'était là une bonne décision de Gabriel Attal et il est bien dommage que vous y renonciez !

M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.

M. Laurent Lafon. Je ne reviens pas sur la méthode suivie, que l'on pourrait dénoncer à propos de chaque mission. Ce qui est anormal dans cette situation, c'est en somme de voter le budget de l'éducation nationale un 18 janvier… Le cœur du problème est là.

Ce constat étant fait, nous sommes ici pour parler du budget : qu'y a-t-il de nouveau depuis le vote de la motion de censure ?

D'une part, Mme la ministre propose 52 millions d'euros d'économies par le biais de l'amendement présenté à l'instant.

D'autre part, une annonce importante a été faite : on ne supprimera pas 4 000 postes. On n'en supprimera seulement pas 2 000. On n'en supprimera aucun. Si l'on veut débattre objectivement du budget de l'éducation nationale dans sa nouvelle version, il faut aussi rappeler cette annonce.

Chers collègues socialistes, communistes et écologistes, sauf erreur de ma part, vous aviez demandé au Gouvernement de revenir sur ces suppressions ; or vous vous êtes gardés d'aborder ce point dans vos interventions respectives.

J'invite les uns et les autres à la modération. Pour le budget de l'éducation nationale, qui dépasse 63 milliards d'euros, une baisse de 52 millions d'euros, ce n'est même pas l'épaisseur du trait. On peut s'exprimer avec force pour dénoncer une méthode scandaleuse. Relativisons un tant soit peu, au regard du budget de l'éducation nationale et des enjeux éducatifs auxquels nous devons faire face.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre d'État, peut-être serez-vous mesure de m'éclairer : je ne sais toujours pas sur quels crédits du ministère de l'éducation nationale sont financés les cours d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Relèvent-ils du programme « Vie de l'élève » dont vous souhaitez réduire le budget ? J'ai interrogé quelques personnes par SMS : elles ne sont pas en mesure de me dire par quel biais sont rétribués les intervenants, notamment les membres d'associations, qui, en vertu de conventions, viennent donner ces cours dans les établissements scolaires.

Vous vous êtes engagée à ce que ces enseignements soient dispensés, conformément à la loi. Avec une telle baisse de crédits, les établissements auront-ils encore les moyens de les assurer ?

Vous me confirmez d'un hochement de tête que ces financements relèvent de l'éducation nationale : pouvez-vous me préciser sur quels crédits ?

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. Madame la ministre, vous êtes la cinquième personne nommée, depuis un an, à la tête de l'éducation nationale.

Mme Laurence Rossignol. Ce n'est pas de sa faute…

Mme Monique de Marco. Vos prédécesseurs ont fait beaucoup d'annonces. Gabriel Attal a ainsi pu déclarer que, pour lui, « l'école [était] la mère des batailles ». Sans doute avez-vous le même sentiment et les mêmes ambitions que lui.

Le nouveau Premier ministre ayant renoncé aux 4 000 suppressions de postes, j'espérais vraiment, aujourd'hui, une augmentation du budget de l'éducation nationale. Ce n'est pas le cas.

Même si certains considèrent que 52 millions d'euros, c'est très peu par rapport à ce budget, à la suite de Mme Brossel, je n'en souhaite pas moins savoir en détail quels seront les dispositifs supprimés au sein des programmes « Vie de l'élève » et « Enseignement scolaire public du second degré » ? Il nous faut des précisions pour affûter notre vote.

Pour ma part, je voterai contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Monsieur le sénateur Brisson, je tiens à vous rassurer. Toutes les mesures visant à relever le niveau des élèves dans nos écoles, nos collèges et nos lycées ont été annoncées par Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, quand j'étais Première ministre.

M. Max Brisson. Y compris la mesure relative au brevet des collèges…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Par définition, je soutiens donc ces dispositions.

Comme vous tous ici, je suis préoccupée par le niveau de nos élèves et j'entends prendre les mesures nécessaires pour le relever. Il convient de déployer de nouveaux moyens pour accompagner ceux qui éprouvent des difficultés. En parallèle, il faut faire en sorte que les bons élèves continuent à progresser : ce faisant, nous aurons encore davantage d'excellents élèves.

L'obtention du brevet des collèges, dont nous n'allons pas retracer l'histoire cet après-midi, n'a jamais été requise pour entrer au lycée. Cela étant, quand un élève autorisé à passer en seconde échoue à cet examen, il faut que l'on comprenne pourquoi. En effet, ce jeune doit pouvoir aborder la suite de son parcours scolaire dans de bonnes conditions, que ce soit via des prépa-secondes, actuellement mises en place à titre expérimental, ou par d'autres dispositifs de soutien.

Madame Rossignol, lorsque j'étais Première ministre, j'ai demandé au Conseil supérieur des programmes de concevoir le contenu de l'enseignement à la vie affective et relationnelle ainsi qu'à la sexualité. Il s'agit d'un programme à part entière, qui a vocation à être mis en œuvre…

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. … par les personnels de l'éducation nationale

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. J'espère que ce programme sera validé prochainement, même si – je le répète – je suis à la disposition de ceux qui souhaiteraient encore en évoquer tel ou tel aspect. Dès lors, nous formerons les personnels de l'éducation nationale pour qu'ils soient à même de le mettre en œuvre dès la prochaine rentrée.

Enfin, je précise que le programme « Vie de l'élève » finance les recrutements d'AED dans nos établissements, les fonds sociaux ainsi que les crédits éducatifs. Pour ma part, je regrette que ces fonds ne soient pas davantage mobilisés. En 2024, on disposait, à ce titre, d'un an de trésorerie. À l'évidence, nous avons des marges de manœuvre pour mieux aider les élèves à l'échelle des établissements sans abonder davantage encore des trésoreries déjà importantes.

Avant tout, il faut s'assurer que tous les parents d'enfants ayant besoin des fonds sociaux peuvent bel et bien y accéder. Pour l'heure, ce n'est, hélas ! manifestement pas le cas.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je n'aborderai pas ce débat sous l'angle éducatif, mais sous celui de la technique financière, en commençant par une observation.

Depuis que notre pays affronte des difficultés financières, les gouvernements successifs nous assurent tous qu'ils n'appliqueront pas de coup de rabot aveugle. Vous-même, madame la ministre, lorsque vous étiez Première ministre, n'avez pas manqué de prononcer cette phrase classique. En l'occurrence, c'est bien un coup de rabot aveugle que l'on nous propose, sur dix mois au lieu de douze...

Tel ou tel établissement, tel ou tel opérateur dispose d'une trésorerie excédentaire : on peut l'entendre. De même, on peut comprendre que le Gouvernement souhaite puiser dans ces fonds, bien que ce ne soit pas une idée brillantissime. Aujourd'hui, pour une économie de quelque 50 millions d'euros, ce qui représente un montant tout à fait dérisoire au regard du budget de 63 milliards d'euros dont dispose éducation nationale, vous êtes en train de perdre tous les bénéfices politiques de la précédente annonce. On pouvait savoir gré au Gouvernement de renoncer aux 4 000 suppressions d'emploi : vous perdez tout, et pour à peu près rien ! Pour 50 millions d'euros…

M. le rapporteur spécial s'est exprimé avec délicatesse, mais, à l'évidence, c'est sans enthousiasme qu'il votera votre amendement. Pour ma part, j'estime qu'il faut refuser ce coup de rabot purement et simplement. D'un point de vue technique, c'est ridicule et, pour vous-même, ce n'est pas très bon.

Bref, nous allons vous aider, madame la ministre Mme la ministre d'État sourit.), en rejetant cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. Si l'on s'en tenait à la copie votée par le Sénat avant la censure, on n'aurait pas besoin de ces 50 millions d'euros d'économies supplémentaires.

Par voie d'amendement, nous avons en effet limité à 2 000 la réduction du nombre d'enseignants. Revenir sur cette mesure, c'est accepter un coût supplémentaire de 150 millions d'euros pour la seule année 2025, qui ne sera seulement pas une année pleine. Qu'en sera-t-il en 2026 et au-delà ? Que ferez-vous des postes ainsi pourvus, alors que, malheureusement, la démographie scolaire se détériore d'année en année ? (Protestations sur les travées du groupe SER.)

Mmes Colombe Brossel et Marie-Pierre Monier. Eh bien, il y aura moins d'élèves par classe !

Mme Christine Lavarde. Si nos résultats s'amélioraient – je pense par exemple aux tests du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) –, on pourrait entendre cet argument ; mais ce n'est pas le cas ! Il est temps de se poser un certain nombre de questions.

Madame la ministre, je le répète : vous nous demandez, à la dernière minute, d'accepter 50 millions d'euros d'économies, alors que, dans notre copie, il n'y a absolument pas besoin de cette mesure. Nous ne sommes évidemment pas opposés aux efforts de modération de la dépense publique, mais, à nos yeux, il n'est au fond pas nécessaire de voter cet amendement, puisque nous avons réduit la dépense de 150 millions d'euros.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-2186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-228, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

 

 

 

 

Vie de l'élèvedont titre 2

133 776 000

 

133 776 000

 

Enseignement privé du premier et du second degrés

dont titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationale

dont titre 2

 

133 776 000

 

133 776 000

Enseignement technique agricole

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

133 776 000

133 776 000

133 776 000

133 776 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Nous proposons de recruter 2 000 AESH supplémentaires afin d'assurer pleinement les droits des élèves en situation de handicap.

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit déjà le recrutement de 2 000 AESH. Cette mesure va dans le bon sens, mais elle reste insuffisante face aux besoins constatés. Pour rappel, 436 000 élèves sont aujourd'hui en situation de handicap, chiffre en constante augmentation depuis le début des années 2000. Selon les données du ministère de l'éducation nationale, seuls 56 % des élèves en situation de handicap étaient accompagnés en 2022. De plus, certains AESH suivent jusqu'à cinq élèves à la fois.

Il est donc essentiel d'accélérer le recrutement d'AESH. En parallèle, d'autres mesures sont indispensables, comme la revalorisation des salaires, la titularisation et la création de formations adaptées.

M. le président. L'amendement n° II-206 rectifié, présenté par M. Laouedj, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Grosvalet et Masset, Mme Pantel, M. Roux et Mme Briante Guillemont, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

 

 

 

 

Vie de l'élèvedont titre 2

88 124 196

 

88 124 196

 

Enseignement privé du premier et du second degrés

dont titre 2

 

88 124 196

 

88 124 196

Soutien de la politique de l'éducation nationale

dont titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricole

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

88 124 196

88 124 196

88 124 196

88 124 196

SOLDE

0

0

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Par cet amendement, mon collègue Ahmed Laouedj appelle lui aussi l'attention sur le sort des AESH, lesquels doivent pouvoir vivre dignement de leur travail.

Œuvrant au côté de nos enfants, les AESH souffrent de rythmes de travail éreintants. Ils sont souvent contraints de suivre plusieurs élèves à la fois et ne peuvent donc accorder à chacun d'eux le temps qu'il exigerait. De surcroît, leurs salaires sont bien trop faibles.

M. le président. L'amendement n° II-559, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

dont titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degré

dont titre 2

 

 

 

 

Vie de l'élèvedont titre 2

30 000 000

 

30 000 000

 

Enseignement privé du premier et du second degrés

dont titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationale

dont titre 2

 

30 000 000

 

30 000 000

Enseignement technique agricole

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

30 000 000

30 000 000

30 000 000

30 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. La rentrée de 2024 a été, comme les précédentes, marquée par les dysfonctionnements en matière de scolarisation des élèves en situation de handicap. Les ministères compétents portent l'entière responsabilité des tensions résultant de cette situation dans les établissements scolaires.

Alors que plus de 490 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire, la moitié d'entre eux ne bénéficient pas de l'accompagnement auquel ils ont droit. Dans ces conditions, réduire de 4 000 à 3 000 le nombre d'emplois d'AESH créés à la rentrée est un choix lourd de conséquences.

En effet, le recrutement d'AESH est nettement inférieur aux années précédentes, et les effectifs restent insuffisants pour offrir un accompagnement de qualité aux élèves en situation de handicap. J'ajoute que ces derniers sont de plus en plus nombreux.

Voilà pourquoi nous proposons d'augmenter les futurs recrutements d'AESH.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. Nos amis écologistes veulent augmenter le nombre d'AESH de 2 000, nos amis radicaux de 5 000 et nos amis communistes, pour une fois moins-disants, de 1 000. (Sourires.)

Le projet de loi de finances crée déjà 2 000 postes d'AESH. Le budget de l'école inclusive s'élève à 4,5 milliards d'euros. Depuis 2017, le nombre d'AESH a été multiplié par quatre, pour atteindre bientôt 135 000. C'est vrai, on peut toujours faire mieux, mais il me semble objectivement que, sur ce dossier, l'on fait un mauvais procès au Gouvernement. On ne saurait prétendre que ses efforts sont insuffisants : j'y insiste, il crée déjà 2 000 postes d'AESH, et c'est déjà beaucoup.

Par conséquent, mes chers collègues, la commission demande le retrait de ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre d'État. Sur ce sujet, j'abonde pleinement dans le sens de M. le rapporteur spécial.

Évidemment, il faut poursuivre le déploiement de l'école inclusive. Nous y sommes tous attentifs, et pour cause, il s'agit d'un enjeu absolument majeur.

Madame de Marco, les moyens dégagés doivent notamment nous permettre de créer des pôles d'appui à la scolarité (PAS) pour soutenir le travail des AESH, en améliorant le niveau des élèves de quatrième et de troisième et en renforçant les brigades de remplacement.

Il faut bien sûr continuer à renforcer l'école inclusive. Toutefois – M. le rapporteur spécial l'a très bien dit –, 2 000 créations de postes sont déjà prévues. Elles nous permettront d'accompagner le fil des prescriptions d'AESH par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

De plus, je vous rappelle un enjeu majeur, sur lequel je me suis engagée à ouvrir la discussion dans le cadre de l'agenda social de mon ministère : l'attractivité du métier d'AESH. Nous avons déjà beaucoup travaillé à la revalorisation et à la CDIsation de ces personnels. À présent, nous devons être en mesure de leur offrir un véritable parcours de carrière.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements. J'y insiste, les 2 000 créations de postes prévues nous permettront de répondre aux besoins.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Madame la ministre d'État, lorsque vous étiez Première ministre et que M. Attal était ministre de l'éducation nationale, nous avons évoqué la nécessité, pour le ministère, de piloter davantage la politique de l'école inclusive. Nous constations alors qu'il était, à ce titre, largement soumis aux prescriptions des MDPH.

Nous commémorerons bientôt les vingt ans de la loi Handicap de 2005. C'est peut-être l'occasion d'une vaste remise à plat. (Mme la ministre d'État acquiesce.)

De grands efforts quantitatifs ont été faits. En particulier, de nombreux AESH ont été recrutés, mais ces professionnels restent dans une grande précarité. Ni leurs salaires ni leurs emplois du temps ne sont dignes d'une véritable politique de l'école inclusive. Dans nos classes, les professeurs éprouvent d'indéniables difficultés à cet égard.

(À suivre)