M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Louis Vogel. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le garde des sceaux, la surpopulation carcérale est devenue insoutenable. Lors de votre premier déplacement dans vos nouvelles fonctions, au centre pénitentiaire de Liancourt, vous avez exprimé votre préoccupation face à ce qu’il faut bien appeler la crise de notre système carcéral.
Le plan « 15 000 places », qui visait à créer 15 000 places de prison supplémentaires se voulait une réponse massive, pragmatique, à ce problème.
Or notre taux d’incarcération continue d’augmenter. Il faudrait construire une nouvelle prison par mois pour répondre à la demande ! De nombreuses prisons n’ont pas encore été livrées. Où en est le calendrier de construction ?
Vous avez d’ores et déjà annoncé qu’il y aurait une inflexion de la politique menée en la matière, lorsque vous avez reconnu qu’il était nécessaire de différencier les établissements pénitentiaires et leur construction en fonction de leur destination.
Vous avez même évoqué une spécialisation des établissements selon la nature et la gravité des faits commis par les détenus : ainsi, vous avez évoqué une expérimentation de sites à sécurité renforcée pour les narcotrafiquants – comme vous le savez, le Sénat travaille beaucoup sur la question du narcotrafic. Seriez-vous en mesure de nous donner des précisions sur les lieux retenus pour l’implantation de ces établissements expérimentaux et sur leur nombre ?
Plus généralement, monsieur le garde des sceaux, ne devrions-nous pas profiter des contraintes financières actuelles pour redéployer les crédits, rénover l’existant, investir pour construire des établissements spécialisés, notamment pour les détenus atteints de troubles psychiatriques, qui sont à l’origine de 80 % des incidents dans les prisons, ou encore pour financer davantage de peines alternatives, notamment des peines de travaux d’intérêt général (TIG) ?
Bref, il convient de redéfinir le plan de construction de prisons et de l’inscrire dans une stratégie globale, si l’on veut remédier réellement à la situation actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Vogel, sur les 15 000 places de prison prévues depuis 2017, 6 500 places ont été créées par le Gouvernement. Mais il s’agit du chiffre brut. Si l’on retranche les places qui ont été fermées en raison de leur indignité, le chiffre net s’établit, en réalité, à 4 500 nouvelles places.
Les retards sont dus à différentes raisons.
Ils tiennent à la difficulté à trouver des lieux : les élus locaux souhaitent des prisons, mais pas chez eux !
Le processus de construction est très long. La responsabilité en incombe au ministère de la justice, car nous mettons sept ans en moyenne pour construire une prison, ce qui est inacceptable, puisque nous construisons toujours les mêmes établissements pour tout le monde.
D’autres difficultés tiennent à l’incapacité française à faire confiance aux élus locaux sur ce sujet ; plusieurs projets de construction de prison sont ainsi bloqués depuis très longtemps au ministère de la justice.
Vous avez parfaitement raison, monsieur le sénateur : il faut différencier les lieux de détention et donc les détenus, même si ce n’est pas la tradition française.
Toutefois, chacun en conviendra, la surpopulation carcérale est inacceptable : plus de 4 000 personnes dorment sur des matelas par terre, principalement dans les maisons d’arrêt – c’est moins le cas dans les prisons pour peine.
Nous devons donc nous intéresser en priorité à la situation des maisons d’arrêt et notamment à celle des personnes placées en détention provisoire, dans l’attente d’un jugement. Cela pose la question des délais d’audiencement, et donc celles de l’organisation du ministère de la justice, d’une part, et du code de procédure pénale, d’autre part. Je proposerai une simplification de ce dernier.
Le problème est aussi que l’on emprisonne dans les mêmes lieux des personnes incarcérées pour des raisons très diverses. Nous devrions ainsi séparer les détenus condamnés pour délit routier, pour radicalisation ou pour appartenance à la criminalité organisée, etc.
À la demande du Premier ministre, je proposerai dès demain, lors de mon déplacement à l’École nationale d’administration pénitentiaire d’Agen, un nouveau plan prison, que je vous présenterai également lors de l’examen de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
La stratégie du Gouvernement ira tout à fait dans le sens de vos propos, monsieur le sénateur ; elle marquera un changement profond de notre approche en matière de politique carcérale. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
missions de l’office français de la biodiversité
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Madame la ministre, vous avez déclaré lundi au Sénat, lors de l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » que vous n’acceptiez pas que l’on mette des cibles dans le dos des agents publics. Je salue cette déclaration, qui va à contre-courant de la vague d’attaques dont est victime l’Office français de la biodiversité. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
Certes, comme dans toute activité, il peut y avoir des incompréhensions, mais les missions de police environnementale restent confiées par l’État : il lui revient par exemple d’encadrer la chasse, de faire respect les règles environnementales, les dispositions sur l’arrachage des haies, les arrêtés sécheresse, etc.
Si ces missions peuvent être contestées, les fonctionnaires ne doivent en aucun cas être mis au pilori.
Certes, l’administration est toujours plus lourde et exige des procédures devenues parfois absurdes ou insupportables aux yeux des agriculteurs, mais c’est à l’État – exécutif et Parlement compris – de faire son autocritique et de revoir sa copie.
Les attaques envers les bureaux et les agents de l’OFB sont inacceptables. Les critiques des plus hauts responsables politiques, en pleine élection des chambres d’agriculture, ne sont pas non plus de nature à apaiser les débats, alors que certains syndicats se chargent déjà d’attiser les braises d’une situation hautement inflammable.
Doit-on rappeler que la police de l’environnement est une chance vu les bouleversements climatiques que nous connaissons ? Le président Trump a déjà fait sortir son pays de l’accord de Paris, alors que les incendies les plus dévastateurs de l’histoire de la Californie ont ravagé 16 000 hectares depuis le 7 janvier dernier.
Nous devons rester fermes sur la défense de l’environnement et soutenir les agents qui assurent ces missions essentielles.
Madame la ministre, puisqu’il est de bon ton de critiquer de plus en plus ouvertement l’OFB, pouvez-vous nous dire si ses missions sont remises en cause ? Le cas échéant, qui les assurera demain ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Gold, je vous remercie de votre question. Elle me donne de nouveau l’occasion d’exprimer dans cet hémicycle mon soutien le plus ferme aux agents de l’Office français de la biodiversité, eux qui sont en première ligne pour protéger notre environnement, assurer la qualité de notre eau et préserver notre biodiversité.
M. Hussein Bourgi. Dites-le au Premier ministre !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je le répète, ce sont des agents publics qui exercent des missions de police, au même titre que la police, la gendarmerie ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Dès lors, nous leur devons le même niveau de reconnaissance.
Il conviendrait de déconstruire certaines idées fausses qui circulent : contrairement à ce que l’on prétend, les relations entre l’OFB et les personnes qu’il contrôle, notamment les agriculteurs et les chasseurs, sont le plus souvent apaisées. C’est une réalité qu’il faut reconnaître.
Il est certain que des tensions peuvent survenir entre les contrôleurs et les contrôlés, voire des maladresses et des incompréhensions, comme dans toute situation de contrôle. Je ne crois pas que ce soit le seul domaine où nous entendons parler de ces phénomènes. (M. Mickaël Vallet s’exclame.)
Sachez que nous travaillons à remédier aux difficultés qui se posent, mais nos efforts ne sauraient nullement remettre en cause la légitimité des missions accomplies par l’OFB.
Permettez-moi d’énumérer les mesures qui ont été mises en œuvre depuis le début de l’année 2024, notamment dans la période récente, en collaboration avec ma collègue Annie Genevard.
Il y a un mois et demi, nous avons signé une circulaire explicitant très concrètement le sens de certaines mesures : contrôles d’accompagnement pédagogique à destination des agriculteurs, opérationnalisation du contrôle unique, port d’arme discret et utilisation de caméras-piétons. Ces dernières ont d’ailleurs fait leurs preuves dans la police.
Par ailleurs, le projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture permettra de simplifier certains régimes de sanctions. Il s’agit d’aller directement à la sanction administrative, de façon à proportionner les contrôles en fonction des infractions repérées. On améliorera ainsi la lisibilité et la rapidité du dispositif pour les contrôleurs et les contrôlés.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il nous faut maintenant travailler à rassembler. Les équipes du Premier ministre recevront la direction de l’OFB et les organisations syndicales, ce vendredi. Vous pouvez compter sur nous pour continuer à soutenir haut et fort les missions de l’OFB, en pleine intelligence avec les personnes contrôlées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
budget 2025
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, les Français ne sont ni coupables ni responsables de la destruction de plus de 50 milliards d’euros de recettes fiscales tous les ans, pas plus que de l’explosion de la dette publique, qui a augmenté de plus de 1 000 milliards d’euros sous Emmanuel Macron, ou de l’illusion de la théorie du ruissellement, laquelle s’est traduite par une aggravation des inégalités sociales.
Nous sommes et restons une opposition responsable. (M. Olivier Paccaud rit.) Malgré nos désaccords profonds, nous étions présents à la table des négociations, dès le 6 janvier.
Nous avons formulé des propositions concrètes et utiles pour les Français. Ainsi, des milliers d’emplois ont été créés ou sauvés dans l’enseignement ou l’hôpital. Nous avons obtenu des avancées pour le service public et ses agents.
M. Olivier Paccaud. C’est votre budget, bien sûr !
M. Patrick Kanner. Nous avons œuvré à consolider les moyens des collectivités territoriales, tant hexagonales qu’ultramarines. J’exprime d’ailleurs ma solidarité à nos concitoyens mahorais.
L’injuste réforme des retraites de 2023 est remise en chantier avec les partenaires sociaux, le Parlement ayant le dernier mot.
Bref, nous avons obtenu des résultats tangibles et conformes à l’intérêt du pays. Pourtant, le compte n’y est toujours pas.
Il ne reste que sept jours avant la date cruciale de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances, alors que les manques sont nombreux. Dans l’intérêt des Français, nous voulons des gages en matière d’écologie, mais aussi de justice sociale et fiscale.
Je me limiterai à trois questions claires, qui appellent trois réponses claires. Quand présenterez-vous au Parlement un texte sur la taxation des hauts patrimoines ? Allez-vous imposer aux salariés 7 heures de travail non rémunérées ? Renoncerez-vous à diminuer l’indemnité journalière des fonctionnaires en cas d’arrêt maladie ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Olivier Paccaud. Elles sont belles, les concessions !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, vous reconnaissez que nous avons accompli des progrès considérables. Le travail de dialogue qui a été le nôtre a en effet permis de trouver des zones d’accord inédites.
Nous avons ainsi œuvré à réunir les différents groupes du Sénat. Ceux de l’Assemblée nationale ont pu également s’entendre, alors qu’ils étaient assez profondément divisés pour décider, in fine, de renverser le Gouvernement.
Nous avons collectivement payé le prix de cette censure…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Et le prix des 49.3 ?
M. François Bayrou, Premier ministre. Nous avons ainsi été incapables de mettre des milliards d’euros à la disposition des Français et de remplir les engagements que nous avions pris.
En effet, monsieur le président, nous avons remis en chantier la réforme des retraites. C’est un fait suffisamment rare pour que l’un des intervenants à cette conférence sociale ait rappelé à ses collègues que la France est le seul pays où les partenaires sociaux se voient confier une responsabilité aussi importante. (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)
Je peux en témoigner, la réunion que nous avons organisée s’est très bien déroulée et s’est révélée utile. Nous sommes parvenus à trouver des chemins d’accord sur le budget, tels que l’augmentation de l’Ondam et la restauration des postes d’enseignants à l’éducation nationale, entre autres.
Pour autant, avons-nous relevé le défi budgétaire qui se présente à nous ? Existe-t-il un puits sans fond dans lequel nous pourrions puiser tous les crédits possibles afin de répondre à l’ensemble des problèmes ? Non, je ne le crois pas. Il ne suffit pas de signer des chèques pour que notre pays résolve enfin les difficultés qui se posent.
Vous avez évoqué les jours de carence. Sur ce sujet, le Gouvernement a proposé deux mesures qui ont été adoptées par le Sénat.
Plusieurs sénateurs du groupe SER. Par la droite !
M. François Bayrou, Premier ministre. Certes, mais il s’agit du vote du Sénat – permettez-moi de ne pas faire de tri parmi les membres qui composent votre assemblée. (Exclamations à gauche.)
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation. Très bien !
M. François Bayrou, Premier ministre. La première mesure consiste à imposer trois jours de carence sans indemnité aux fonctionnaires bénéficiant d’un arrêt maladie – dans le privé, les choses sont plus compliquées, car il faut tenir compte des mutuelles.
La seconde mesure est celle d’une réduction modérée de 10 % du montant de l’indemnité journalière en cas de maladie ordinaire.
Nous avons fini par abandonner la règle des trois jours de carence (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), une partie des sensibilités politiques représentées ayant manifesté son désaccord.
En revanche, la réduction du montant de l’indemnité journalière, proposée par voie d’amendement, est un impératif si nous voulons permettre au budget de la sécurité sociale de retrouver le meilleur équilibre possible. Il ne serait ni raisonnable ni sérieux d’abandonner cette mesure, car nous n’avons pas d’autre moyen pour rétablir cet équilibre.
Voilà un exemple des progrès que nous avons accomplis, des zones d’accord que nous avons trouvées et du sérieux budgétaire que nous devons défendre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Je vous remercie pour la tonalité de vos propos, monsieur le Premier ministre, mais vous n’avez pas répondu sur la taxation des hauts patrimoines – dont acte ! Nous aurons certainement l’occasion d’en discuter à d’autres moments.
Il n’y aura pas d’égalité républicaine dans ce pays sans équité, notamment sur le plan fiscal. À un moment donné, il faudra que vous fassiez le choix entre défendre les rentiers ou défendre les salariés. (Eh oui ! sur les travées du groupe SER.) Or vos réponses m’inquiètent, même si je ne doute pas de leur sincérité.
Je vous le répète, monsieur le Premier ministre : nous ne sommes ni vos alliés ni vos partenaires. Nous serons néanmoins des interlocuteurs exigeants. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Ne l’oubliez pas, car, le moment venu, nous ne l’oublierons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
tirs au fusil d’assaut à besançon
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Depuis le 11 janvier 2025, Besançon a subi trois mitraillages de commerces à la kalachnikov. Le dernier en date est survenu il y a deux jours dans le centre-ville, à 200 mètres des maisons natales de Victor Hugo et des frères Lumière. L’inquiétude grandit dans cette ville, ces événements faisant suite à l’assassinat en pleine rue de deux hommes.
Aussi, je remercie le Gouvernement d’avoir envoyé 80 policiers de la CRS 83. Je salue également le préfet, les services de police et de justice, dont je constate une nouvelle fois la mobilisation et le courage.
Monsieur le ministre, la lutte contre le narcotrafic et la criminalité est un combat national dont vous vous êtes emparé avec la volonté de réarmer l’État. La responsabilité de ce dernier est lourde, mais la part incombant aux communes n’en est pas moins importante.
En effet, il est de la responsabilité des maires de protéger les habitants de leur commune. Le code de la sécurité intérieure est clair : « Le maire concourt par son pouvoir de police à l’exercice des missions de sécurité publique… » Il est naturel qu’un maire se tourne vers l’État, mais cette démarche ne saurait l’exonérer de sa propre responsabilité.
Est-il acceptable qu’un maire refuse à sa police municipale d’exercer les compétences qui permettent une action complémentaire de celle de la police nationale ?
Est-il acceptable qu’un maire refuse de développer la vidéoprotection, alors qu’elle démontre son efficacité quand elle s’inscrit dans un maillage cohérent ? À cet égard, la ville de Besançon n’a rien demandé à l’État, ni en 2024 ni dans les premiers jours de l’année 2025.
Est-il acceptable qu’un maire, prisonnier d’une vision dogmatique et idéologique, se défausse toujours sur l’État ?
Pouvons-nous collectivement mener ce combat essentiel à l’avenir de la France si certains refusent de s’y associer ?
Bref, quelle réflexion pouvons-nous engager sur ce sujet sans remettre en cause le principe de la libre administration des collectivités territoriales ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Avant de répondre à la question qui m’est posée, je rappellerai les faits qui se sont produits à Besançon.
Le 18 janvier dernier, à une heure quarante du matin, les policiers ont été avisés d’un coup de feu sur la façade d’un restaurant. Peu après, ils ont reçu un second appel pour des coups de feu entendus près d’un garage. Le gérant de ce garage a déclaré que les tirs sur son établissement pouvaient être en lien avec l’affaire dans laquelle un membre de sa famille avait été tué par erreur et dont le procès s’est récemment tenu à Besançon.
Le 21 janvier dernier, les résultats balistiques ont permis de faire le rapprochement précis entre ces deux faits. D’autres tirs sont survenus la même nuit dans une autre commune, notamment contre un commerce. La gérante a indiqué que son mari, actuellement incarcéré pour association de malfaiteurs, devait passer en jugement le 21 janvier. Elle supposait elle-même l’existence d’un lien avec les violences du 18 janvier dernier.
Pour l’heure, l’enquête se poursuit. Nous devons rester prudents à ce stade, les pistes de règlements de comptes liés au narcotrafic n’étant pas confirmées.
Néanmoins, il est clair que ces tirs d’armes sur les commerces interviennent sur fond de trafic de stupéfiants. Ce dernier est en augmentation constante depuis 2017, ce qui suscite des actions de plus en plus violentes.
Aujourd’hui, de nombreuses villes de France sont touchées par ce fléau, d’où la lutte acharnée que Bruno Retailleau et moi-même avons engagée.
Le rapport coécrit par Jérôme Durain et Étienne Blanc a donné lieu à l’élaboration d’une proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. Son examen au Sénat en séance publique, le 28 janvier prochain, constituera une étape importante.
Par ailleurs, nous avons décidé de relancer le Beauvau des polices municipales, qui rendra ses conclusions prochainement. À cette occasion, nous examinerons les questions ayant trait aux droits accordés à la police municipale, au continuum de sécurité et à la complémentarité entre la police nationale et municipale.
Bref, le travail engagé nous conduira probablement à formuler des propositions législatives avant l’été. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
investiture de donald trump et dénonciation des accords commerciaux
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Karine Daniel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche est une source d’inquiétude pour nous, Européens, et fait peser de sérieuses menaces sur les relations transatlantiques et les équilibres commerciaux mondiaux.
Le président américain menace de taxer les importations de produits européens : la machine protectionniste américaine est ainsi relancée, menaçant de déclencher une guerre commerciale avec l’Union européenne. Rappelons que les États-Unis sont le premier pays partenaire vers lequel l’Union européenne exporte.
La nouvelle politique américaine aura des conséquences très concrètes pour la France en matière d’aéronautique, de production de médicaments, d’agriculture et surtout de viticulture.
Bref, les risques d’une guerre commerciale sont évidents. L’Europe devrait se demander si cette crise n’est pas l’occasion de renforcer son autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis, en particulier en matière d’énergie carbonée.
Dans ce nouveau contexte, comment le Gouvernement, aux côtés de ses partenaires européens, entend-il se positionner pour être le moteur d’un commerce international équilibré et respectueux de l’accord de Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Karine Daniel, je continuerai à marteler que les États-Unis sont et resteront un partenaire important pour la France et l’Europe. Nous serons forcés de continuer à travailler étroitement avec ce pays sur tous les sujets.
Nous avons déjà l’expérience de l’administration Trump. Il est certain que le nouveau président élu cherchera à pousser son avantage sur un certain nombre de sujets, parfois brutalement. Nous resterons fermes, en Européens, pour assurer la défense de nos intérêts.
Grâce à l’impulsion donnée par le Président de la République depuis 2017, l’Europe dispose de tous les outils pour se défendre contre les pressions commerciales, soutenir notre industrie et assurer notre souveraineté numérique.
L’unité européenne est la condition pour peser dans les rapports de force. L’Europe représente tout de même un marché de 450 millions de citoyens qui est tout à fait capable de décider de son avenir. À cette fin, elle doit pouvoir s’affirmer, et c’est bien le message que la France porte.
Nous sommes capables de résister aux pressions commerciales et aux pratiques déloyales : en témoignent les surtaxes imposées par l’Union européenne sur l’importation de véhicules chinois.
Nous disposons d’un instrument anticoercition, mais c’est à la Commission européenne de l’activer, car c’est elle qui est dépositaire d’une compétence exclusive en la matière.
L’Union européenne doit aussi faire un effort spécifique pour améliorer sa compétitivité et développer de nouveaux partenariats. Nous ne sommes pas opposés par principe aux accords commerciaux ; nous regardons au cas par cas le résultat des négociations, en fonction de nos intérêts.
C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés à l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur qui, en l’état, n’est pas encore satisfaisant.
Face au retrait américain, la France est plus que jamais attendue. Je suis certain qu’elle sera à la hauteur de ses responsabilités pour relever les défis actuels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Anne-Sophie Patru applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour la réplique.
Mme Karine Daniel. Plutôt qu’un retrait, nous constatons une offensive américaine. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais, pour l’heure, la réponse française et européenne est plutôt confuse.
Vous l’admettrez, regretter la sortie de l’accord de Paris et proposer l’augmentation des importations de gaz issu de fracturation hydraulique repousse les limites du « en même temps ».
Alors que tous les capitaux américains, publics et privés, vont être au service de l’administration Trump-Musk, les exportations et la compétitivité de la France de demain sont assurées par les investissements d’aujourd’hui.
Cette semaine, votre gouvernement, soutenu par la majorité sénatoriale, a raboté les crédits consacrés au plan France 2030, aux universités et à la recherche. Voilà la réponse de la start-up nation à l’investissement de 500 milliards de dollars réalisé par les États-Unis en faveur de l’intelligence artificielle. Nous appelons la France et l’Europe au sursaut ; il faut nous ressaisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
violences urbaines à mâcon