Nous prévoyons ainsi un encadrement strict de ces pratiques et une approche progressive de leur autorisation, c'est-à-dire une démarche par étape s'appuyant sur les acquis de l'expérimentation de trois ans réalisée en application de la loi Égalim.
Par cet amendement, nous prévoyons également que de nouvelles expérimentations seront nécessaires pour permettre le déploiement de la technique.
En somme, après une demande aura lieu une expérimentation ; si cette dernière est concluante, elle sera pérennisée. Nous procéderions par expérimentations successives, au regard des besoins.
M. le président. L'amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Daubet, Bilhac et Cabanel, Mme Jouve et M. Masset, est ainsi libellé :
Alinéas 17 et 18
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« I bis. – Par dérogation au I, la pulvérisation aérienne par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques au sens du règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, de produits de biocontrôle mentionnés à l'article L. 253-6 du code rural et de produits autorisés en agriculture biologique est autorisée dans les cas suivants :
« 1° Lorsque les conditions techniques rendent impossible l'application par voie terrestre, notamment en raison de la pente, de l'accessibilité des parcelles ou de la hauteur des parties végétales à traiter ;
« 2° Lorsqu'elle présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre ;
« 3° En cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé définit les conditions d'application de la présente dérogation, notamment les critères techniques permettant de caractériser l'impossibilité de traitement par voie terrestre, conformément à l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement de mon collègue Raphaël Daubet vise à clarifier les conditions dans lesquelles la pulvérisation par drone peut être autorisée. Nous voulons en particulier mettre l'accent sur les situations dans lesquelles des contraintes techniques rendent impossible le traitement par voie terrestre.
Il s'agit notamment de prendre en compte la réalité du terrain dans les zones escarpées et difficiles d'accès, mais également la hauteur des parties végétales à traiter en arboriculture, qui fait obstacle à l'efficacité du traitement.
Cet amendement vise à définir un cadre clair pour limiter au strict nécessaire la pulvérisation par drone, qui ne serait autorisée que lorsque les conditions techniques rendent impossible l'application terrestre sur les cimes des arbres les plus hauts, ou lorsqu'elle présente des avantages manifestes pour la santé et l'environnement.
M. le président. L'amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Bilhac et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et MM. Masset et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Après le mot :
aéronef
insérer les mots :
à motorisation électrique
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à s'assurer que la motorisation des drones bénéficiant de dérogations leur permettant d'effectuer des travaux d'épandage ou de pulvérisation ne puisse être qu'électrique.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié, présenté par Mme Loisier, MM. D. Laurent et Menonville, Mmes Gacquerre et Romagny, M. Duffourg, Mme Billon, M. Chauvet, Mme Perrot, MM. J.M. Arnaud, Levi et Patriat, Mme Muller-Bronn, MM. Chevalier et V. Louault, Mme Schillinger, MM. Bruyen et Houpert, Mmes Paoli-Gagin et Gruny, M. Lemoyne, Mmes Ventalon et Imbert et M. Bouchet, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
ou lorsque l'utilisation de matériel agricole classique n'est pas adaptée
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement vise à étendre les dérogations prévues pour l'utilisation de drones, en y faisant figurer les conditions météorologiques particulièrement difficiles que l'on connaît depuis plusieurs mois, c'est-à-dire des pluies torrentielles qui détrempent complètement les terrains. Il vise à permettre l'usage des drones dans ces situations particulièrement préjudiciables.
M. le président. L'amendement n° 73 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger, M. Buis et Mme Cazebonne, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
« ... – Ces dérogations peuvent être accordées à titre expérimental.
« Ces expérimentations visent à déterminer, pour un type de parcelles ou de cultures, les avantages de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter, au moins, ou pour l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre.
« Leurs résultats sont évalués par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
« Un bilan de ces évaluations est présenté chaque année, pendant une période de trois ans, devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
« Un décret définit les conditions d'autorisation et modalités de réalisation de ces expérimentations qui garantissent la démonstration des avantages de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord et la prévention des risques pour la santé et l'environnement.
« Lorsque les résultats de ces expérimentations montrent, selon des critères définis par décret, que, pour le type de parcelles ou de cultures concerné, la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord est susceptible de présenter des avantages manifestes pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter, au moins, ou pour l'environnement, par arrêté des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé, pris après consultation des organisations professionnelles et syndicales concernées, une liste des situations dérogatoires justifiant le recours à la pulvérisation par aéronef circulant sans personne.
« Cet arrêté précise, pour chaque situation, les conditions encadrant le recours à une telle pulvérisation en conformité avec les conditions prévues à l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. »
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Il s'agit d'un amendement quasiment identique. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Cuypers, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 92.
En revanche, elle émet un avis défavorable sur les amendements nos 85 rectifié, 74 rectifié, 54 rectifié et 73 rectifié bis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 85 rectifié au profit de son amendement n° 92, qui s'appuie sur les travaux de l'Assemblée nationale lors de l'examen de la proposition de loi du député Fugit.
Monsieur Cabanel, il ne serait pas réellement justifié d'interdire un parc de drones en particulier, d'autant plus que la motorisation de l'essentiel des drones est électrique. Il semble injuste d'écarter des équipements qui peuvent être utiles. Le Gouvernement demande donc le retrait de l'amendement n° 74 rectifié ; à défaut, l'avis serait défavorable.
Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, le droit national ne peut pas s'écarter des conditions d'utilisation prévues par la transposition de la directive en question. Retrait de l'amendement n° 54 rectifié.
Le Gouvernement demande également le retrait de l'amendement n° 73 rectifié bis au profit de celui qu'il a déposé.
M. Bernard Buis. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 73 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Nous sommes devant un cas typique des positions défendues à droite de cet hémicycle : le triptyque numérique, robotique, génétique.
On parle souvent de l'indépendance des agriculteurs. Or nous sommes en train de leur créer des situations de dépendance très fâcheuses. En effet, d'où viendront ces drones et les logiciels qui les feront fonctionner ?
En outre, les agriculteurs sont aujourd'hui surendettés. Je ne suis pas certain que les pousser vers toujours plus de technologie améliorerait cet état de fait.
Ce « technosolutionnisme » privilégie la technique à l'agronomie. Or, vous le savez, des modes de culture alternatifs construits sur l'agronomie favorisent l'indépendance, au contraire de ce qui est défendu dans l'article 2.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Sur les drones, l'histoire est simple. Prenez la production de bananes en France : avant l'interdiction de tout traitement aérien, son rendement moyen était de soixante tonnes à l'hectare. L'interdiction du traitement aérien a fait baisser ce rendement à trente tonnes à l'hectare, soit de moitié. Reconnaissez qu'en matière de souveraineté alimentaire, on peut mieux faire…
Pour l'anecdote, comme les Français continuent de manger des bananes, nous nous sommes mis à manger des bananes costaricaines. Le Costa Rica autorise quarante-six traitements aériens, quand en France, en moyenne, on réalise huit ou neuf traitements à la base des bananiers – or la maladie se développe par le dessus.
L'autorisation du traitement par drone et de la pulvérisation par le dessus des mêmes produits – pas de chlordécone – qui sont autorisés aujourd'hui à la base des plantes nous ferait passer de neuf à six traitements, et permettrait de faire remonter le rendement à soixante tonnes à l'hectare.
Une personne intelligemment constituée peut-elle continuer à se dire qu'il vaut mieux manger des bananes costaricaines ayant subi quarante-six traitements aériens, plutôt que de sortir du dogme qui consiste à dire qu'il ne faut pas utiliser de drone parce que c'est trop de progrès, alors que cela permet de passer de neuf à six traitements avec exactement les mêmes molécules ?
Madame la ministre, vous ne précisez pas cela dans l'objet de votre amendement, qui ne vise pas à ouvrir la possibilité d'utiliser la pulvérisation par drone des mêmes molécules qui sont utilisées au sol. En effet, vous proposez de circonstancier l'utilisation des drones uniquement au biocontrôle.
Toutefois, je finirai par voter en faveur de votre amendement, parce qu'il présente au moins l'avantage de faire tomber le dogme relatif à l'utilisation des drones – cela n'a rien à voir avec la toxicité, puisque seuls des produits de biocontrôle seront utilisés.
Si l'on ne traite pas le problème à l'origine, on continuera de manger des bananes costaricaines. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je souhaite que vous nous donniez des explications complémentaires sur les épisodes de pluies très importantes, dont l'impact est considérable, notamment en viticulture. Il est en effet très compliqué de traiter par le sol des parcelles détrempées et en pente.
Dans le cas d'intempéries prolongées et particulièrement importantes, pourrait-on envisager que le préfet prenne un arrêté pour permettre aux viticulteurs d'intervenir avec des drones ?
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.
M. Franck Menonville. Les drones présentent plusieurs vertus.
Premièrement, la précision de l'intervention leur permet par exemple d'éradiquer un foyer de maladie à l'intérieur d'une parcelle.
En second lieu, ces engins présentent des vertus du point de vue de la santé publique. Cela a été dit au sujet de la culture de la banane : les traitements se font aujourd'hui par en dessous ; les produits retombent, ce qui implique pour l'applicateur la nécessité de se protéger. Le drone présente l'intérêt de pouvoir intervenir au-dessus de la culture, au plus près de la zone à traiter tout en protégeant l'opérateur.
M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.
M. Vincent Louault. Mes chers collègues, je traverse un moment de fatigue… Devant la complexité de l'usine à gaz que nous sommes en train de déployer pour obtenir une dérogation et utiliser une technologie innovante, les bras m'en tombent ! On comprend pourquoi on n'arrive pas à développer la créativité dans ce pays !
Il y a sept ans, en Thaïlande, j'ai visité une ferme qui utilisait déjà des drones. Depuis, grâce aux progrès technologiques, l'autonomie des batteries a été multipliée par trois et la précision des aspersions par dix ! Cela permet d'utiliser moins de produits phytosanitaires et de réduire la dérive au vent, car on peut l'utiliser la nuit, lorsque l'on aime bien dormir… Les progrès sont exponentiels.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. Eh oui !
M. Vincent Louault. Il est proposé de soumettre l'utilisation de cette technologie à des dérogations permanentes, à l'avis d'un comité. Comment se fait-il que la recherche n'ait pas réellement commencé à travailler sur les conséquences opérationnelles de l'utilisation de drones dans des fermes de 200 hectares ? Contrairement à ce que dit le décroissant M. Salmon,…
M. Daniel Salmon. Vous avez raison de me qualifier ainsi !
M. Vincent Louault. … l'utilisation de drones coûte moins cher qu'un tracteur et un pulvérisateur coûtant plusieurs centaines de milliers d'euros. (M. Daniel Salmon proteste.)
Cela vous fait mal, monsieur Salmon, mais la réalité, c'est que la technologie permettra de faire des économies, en totale sécurité, avec une utilisation toujours plus performante. Si cela ne vous plaît pas, tant pis pour vous !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. De mon point de vue – et je ne suis pas seule à penser ainsi –, la technologie ne fera pas de miracle, surtout dans un monde au climat détraqué. Notre collègue parlait des sols lessivés.
M. Laurent Duplomb. Ce sont les drones qui les ont lessivés ?
Mme Nicole Bonnefoy. Quand on voit les pollinisateurs décimés, les sols lessivés et contaminés, qui ont perdu leur fertilité et leur capacité à infiltrer l'eau, franchement, je ne pense pas que ce sera la technologie qui nous sauvera.
M. Laurent Duplomb. Venez donc au Sénat à vélo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, je ne partage pas du tout votre avis. Au contraire, je suis persuadée que l'innovation et la technologie offriront des réponses puissantes de progrès.
M. Thomas Dossus. Cela ne suffira pas !
Mme Nicole Bonnefoy. Même pour le changement climatique ?
Mme Annie Genevard, ministre. Tout à fait, pour le changement climatique également.
Permettez-moi de donner un exemple. Lors de la semaine de l'industrie agroalimentaire, j'ai fait la tournée des entreprises du secteur. Vous n'imaginez pas à quel point le progrès technologique comporte d'incidences sur l'empreinte carbone. (M. Vincent Louault fait des signes d'approbation.) La décarbonation de l'industrie, c'est très important !
M. Thomas Dossus. Quel est le rapport ?
Mme Annie Genevard, ministre. La technologie permet de réduire l'empreinte environnementale en diminuant la pression hydrique et les prélèvements en eau. Il est très important que les industries soient moins gourmandes en cette ressource !
La technologie a facilité la vie des agriculteurs, au quotidien. J'ai visité une entreprise qui produit des compotes de fruits. Elle contractualise avec les producteurs de fruits et a mis à leur disposition des appareils pour la cueillette automatique des pommes. Voilà un exemple de réduction de la dureté du travail, qui permet de répondre au manque de main-d'œuvre ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Bien sûr, la technologie et l'innovation apporteront des moyens très importants à l'agriculture ! Votre vision de l'agriculture est non seulement décliniste, mais aussi passéiste ! (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Vincent Louault. Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. L'agriculture, c'est moderne, et c'est facteur de progrès !
Je reviens aux drones. Aujourd'hui, leur utilisation est interdite. Monsieur le sénateur Louault, cette technologie a beau être utilisée depuis longtemps ailleurs, elle est encore en France l'objet d'une méfiance extrême. Pourtant, j'en suis convaincue, elle permet l'administration plus ciblée, plus efficace et donc plus économe de produits, tout en protégeant mieux l'applicateur – je ne reviens pas sur le cas de la culture de la banane.
Nous proposons de passer par une expérimentation, cette technique devant faire ses preuves avant d'être pérennisée. C'est ainsi que nous progresserons. Nous avons commencé par les vignes mères et les vignes porte-greffes, nous avons continué avec les bananeraies. Cette démarche itérative peut être appliquée à d'autres cultures.
Madame la sénatrice Loisier, en cas de conditions climatiques exceptionnelles, on peut imaginer que des demandes d'utilisation à titre expérimental soient déposées. Lors des dernières inondations – au fond, le sujet est le même –, les préfets ont reçu des demandes d'autorisation d'épandages au-delà du 1er novembre, parce qu'il était impossible de faire circuler un tracteur dans les champs inondés. Lorsque les conditions météorologiques et climatiques sont particulières, on peut imaginer être amené à prendre des dispositions particulières.
La méthode que nous proposons est une bonne méthode. Aujourd'hui, il y a une faible acceptation sociale des drones, parce que la population méconnaît les avantages que présente cette technologie. Il faut y aller, pour que celle-ci soit acceptée et que l'on n'ait pas d'idées préconçues à son égard. Je la crois véritablement utile à l'agriculture.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Encore une fois, je suis assez stupéfait. Le progrès et la robotique, cela existe ! Mes chers collègues, je vous invite dans une ferme 3.0 dans la Somme, à Aizecourt-le-Haut, où, dans le cadre d'une expérimentation, la mesure des reliquats d'azote est permise par passage de drones.
Demain, si l'on autorise l'épandage non seulement de produits phytosanitaires, mais aussi d'amendements du sol par drone, on pourra cibler les zones où il y a réellement des manques et éviter de disperser ces produits sur toute une surface, même là où ce n'est pas utile.
Par ailleurs, même si les drones font peur, les sauterelles agricoles que l'on voit dans les champs font également peur, notamment en raison des odeurs. Limiter la pulvérisation est forcément plus efficace.
En outre, il faut prendre en compte les conséquences au regard de la consommation des énergies fossiles. Les tracteurs qui tirent des sauterelles consomment du pétrole ou du gaz : un tracteur électrique de 300 chevaux, ce n'est pas pour demain !
Enfin, mes chers collègues, vous êtes très attentifs à la qualité et à la portance des sols. Justement, les drones permettent de ne pas les détruire.
M. Laurent Duplomb. Ils font même le contraire !
M. Laurent Somon. Je ne comprends pas cette opposition à la robotique.
Mes chers collègues, je le redis, je vous invite à Aizecourt-le-Haut, où des robots permettent même de désherber mécaniquement des cultures de radis.
M. Jean-Claude Tissot. C'est très bien ça !
M. Laurent Somon. Si vous savez comment sont cultivés les radis, vous comprendrez que cela permet de régler des problèmes, étant donné qu'on ne trouve plus de personnel pour le faire.
La robotique et l'intelligence artificielle, c'est l'avenir de notre agriculture.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. J'ai entendu des collègues demander du respect. Madame la ministre, je vous propose de remiser dans un carton les arguments selon lesquels nous serions passéistes et dogmatiques, et de les garder pour l'Assemblée nationale ! (M. Fabien Genet proteste.)
Au Sénat, nous échangeons des arguments politiques, et nous essayons de progresser ensemble en nous écoutant.
Personne ne le nie, le progrès technique et technologique a permis aux travailleurs et aux travailleuses de moins s'épuiser, à l'usine comme aux champs. C'est la marche du monde. Une usine d'aujourd'hui n'est pas la même qu'une usine d'il y a cinquante ans, ce qui vaut aussi pour les fermes. Et c'est tant mieux ! D'ailleurs, il y a un débat pour savoir si ce progrès technologique doit bénéficier au capital ou au travail : faut-il plus de rendement ? à qui vont les profits ? Il faut creuser ces sujets.
Le vrai débat porte sur l'utilisation des pesticides, que ceux-ci soient épandus par des humains ou par des drones. Quoi qu'il arrive, ces produits ont des conséquences sur le vivant et la biodiversité. Qu'un drone permette un épandage plus précis qu'un avion, personne ne le remet en cause ; mais qu'en est-il de la nocivité de ces produits pour les corps et pour les sols, qui est exactement la même ? C'est cela, le débat !
Nous rappelons notre opposition à vos positions, et nos propositions d'aller vers un autre modèle de transition agricole. Cher Laurent Somon, ne prenez pas comme prétexte le progrès technologique et ne mélangez pas le fait de désherber avec un robot – c'est très bien – et le fait d'épandre des produits par drone ! Excusez-moi, mais ce n'est pas exactement la même chose.
M. Olivier Rietmann. C'est plus efficace !
M. Laurent Somon. C'est plus ciblé !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je partage les propos de Fabien Gay.
L'un des précédents orateurs a avancé l'idée que nous serions « décroissants ». Pourquoi pas, cela ne me dérange pas : cela dépend de la manière dont on définit la croissance. Ce que je constate, c'est le bilan de la politique agricole que vous avez portée et soutenue. C'est elle qui a amené l'agriculture en décroissance ! N'inversons pas les choses. (M. Laurent Duplomb proteste.)
En ce qui concerne les pesticides, nous devons réfléchir collectivement. Nous sommes tous – peut-être pas tous, car j'ai aussi entendu des points de vue inverses – d'accord pour dire qu'ils sont néfastes pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, pour l'eau et pour la biodiversité. Personne ne pourra prouver le contraire.
Nous sommes donc tous d'accord pour dire qu'il faut diminuer très fortement leur utilisation, qui n'est souhaitable pour personne et n'est pas une solution d'avenir. Il faut agir : là-dessus, nous pourrions au moins nous mettre d'accord.
Évidemment, personne n'est contre la technique ou le progrès, au contraire. Nous disons justement qu'il faut davantage s'appuyer sur la science. Des techniques d'agroécologie élaborent d'autres modèles, qui fonctionnent. Effectivement, ceux-ci demandent peut-être plus de travail, parfois plus de mécanisation, mais il faut en tous cas une adaptation, une réflexion et donc un accompagnement.
Vous proposez de dépenser de l'argent dans des drones qui permettent peut-être de pulvériser moins de pesticides, mais le volume de l'utilisation de ceux-ci a augmenté et non baissé ces dix dernières années ! La véritable question, c'est de savoir si l'on continue avec le modèle que vous proposez ou si l'on inverse les choses pour accompagner des politiques vers un changement de modèle, afin de construire une véritable indépendance.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour explication de vote.
M. Patrick Chauvet. J'ai connu ce débat à l'Agence de l'eau Seine Normandie. Si nous étions presque tous d'accord pour rechercher l'efficience économique ou environnementale, certains pensaient que les nouvelles technologies étaient contraires à ces objectifs.
Objectivement, comme l'illustrent les cartographies aériennes des foyers de maladies sur les végétaux, l'utilisation des drones permet d'éviter de traiter toute la parcelle, dès le foyer repéré. Elle est très efficace tant en volume qu'en énergie. En outre, elle évite le compactage des sols. Cette technique a de nombreuses vertus, et va dans le sens de ce que l'on souhaite tous, y compris celui de la protection de la santé humaine.
M. Gontard avançait que l'on utilise davantage de produits phytosanitaires. Il faut regarder cela de plus près, car la seule baisse des surfaces dédiées à l'élevage a provoqué une hausse de la production végétale, qui a besoin de produits phytosanitaires.
M. Laurent Duplomb. Exactement ! Il n'y a plus d'élevage !
M. Patrick Chauvet. Tout est lié, et à l'hectare, il n'y a pas plus de pression phytosanitaire qu'auparavant. C'est dû au fait que le paysage des productions a changé et que l'élevage a décliné, ce que je regrette. Les nouvelles technologies sont bonnes pour l'environnement et l'économie ; elles sont pleines de vertus.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 85 rectifié, 74 rectifié et 54 rectifié n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 75 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 105, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre. L'article 2 de la proposition de loi vise à abroger, purement et simplement, l'article du code rural et de la pêche maritime qui interdit l'utilisation des produits phytopharmaceutiques de la classe des néonicotinoïdes et assimilés en France.
Cette interdiction avait été approuvée par le législateur en 2018. Il s'agissait à l'époque d'une surtransposition assumée par les parlementaires.
S'il est vrai que l'acétamipride reste autorisé jusqu'en 2033 à l'échelon européen, le Gouvernement ne juge pas raisonnable la proposition de réautoriser l'usage de cette molécule.
M. Daniel Salmon. Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. En effet, cette proposition ne tient pas compte de la décision du Conseil constitutionnel, qui a validé en 2020 un encadrement strict de la dérogation exceptionnelle accordée pour la culture de la betterave.
Au regard de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel pourrait ainsi censurer ces dispositions législatives, au motif qu'elles pourraient priver « de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
En l'état, la rédaction de l'article ne permet pas de répondre aux prescriptions validées par le Conseil constitutionnel en 2020. Elle court donc un risque avéré de censure, considérant que « les limitations portées par le législateur à l'exercice de ce droit ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ».
Dans la décision qu'il a rendue en 2020 sur la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, dite loi Betteraves, le Conseil constitutionnel a validé l'autorisation de cette molécule en considérant qu'elle était justifiée par un motif d'intérêt général et proportionnée à l'objectif visé grâce aux aménagements proposés. Je vous rappelle ceux-ci : cette dérogation avait un caractère exceptionnel, était ciblée uniquement sur la filière des betteraves sucrières, pour une période strictement transitoire, et était prise après l'avis d'un conseil spécialisé.
Ces différentes prescriptions ayant permis de limiter les risques pour la santé et pour l'environnement, le Conseil constitutionnel les a validées.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande la suppression des alinéas relatifs à la réautorisation globale, lesquels permettraient une utilisation très large de l'acétamipride.
M. le président. L'amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Masset, Cabanel, Bilhac et Gold, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
b) Le deuxième alinéa du II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :