« Jusqu'au 1er juillet 2026, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement, pris après avis du conseil de surveillance mentionné au II bis, peuvent autoriser la pulvérisation aérienne de produits contenant de l'acétamipride, substance appartenant à la famille des néonicotinoïdes dont l'utilisation est interdite en application du présent code.

« Cette pulvérisation s'opère selon les modalités fixées par décret. » ;

3° À l'article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « de semences betteraves sucrières » sont remplacés par les mots : « d'insecticides destinés à la culture de la noisette ».

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Cet amendement étant similaire au précédent, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 76 rectifié est retiré.

L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Longeot, Levi et Bazin, Mmes P. Martin et Antoine, MM. Maurey, Kern et Bonhomme, Mmes Herzog et Gacquerre, M. Chatillon, Mmes Billon et Patru, MM. Chauvet et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. V. Louault et Chevalier et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'Agence mentionnée à l'article L.1313-1 du code de la santé publique définit les filières agricoles pour lesquelles l'usage de l'acétamipride est autorisé. » ;

c) Le II bis est abrogé ;

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) doit pouvoir déterminer les filières agricoles habilitées à employer l'acétamipride pour la protection des cultures et des récoltes, en cas d'impasse technique.

Nous entendons la demande des agriculteurs, qui ne veulent pas d'interdiction sans solution.

M. le président. L'amendement n° 60 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Longeot et Levi, Mmes P. Martin et Antoine, MM. Maurey, Kern et Bonhomme, Mmes Herzog et Gacquerre, M. Chatillon, Mmes Billon et Patru, MM. Chauvet et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. V. Louault, Chasseing et Chevalier et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'usage de l'acétamipride est autorisé jusqu'au 28 février 2033. » ;

c) Le II bis est abrogé ;

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Cet amendement vise à s'arrimer aux décisions de l'Union européenne en autorisant à nouveau l'acétamipride jusqu'au 28 février 2033, date jusqu'à laquelle l'usage de cette substance est permis dans les États membres, pour les traitements employés dans les filières qui n'ont pas d'autre solution.

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, l'usage du néonicotinoïde acétamipride en traitement foliaire est autorisé jusqu'en décembre 2027 pour les cultures de betteraves où l'afflux de pucerons et le risque de présence de jaunisse sont avérés. » ;

c) Le II bis est abrogé ;

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Supprimer ou affaiblir ces dispositions, c'est toucher au cœur du présent texte.

La commission est naturellement défavorable à l'amendement de suppression du Gouvernement, dont la position ne nous semble pas acceptable. De même, elle est défavorable aux amendements nos 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71 ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements, au profit de l'amendement que j'ai présenté. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je suggère de mettre à profit la suspension de séance pour élaborer avec les deux auteurs de cette proposition de loi, ainsi qu'avec M. le rapporteur, une nouvelle rédaction tenant compte des obstacles juridiques signalés par Mme la ministre.

Monsieur le président, pourriez-vous nous indiquer l'heure de reprise de la séance ?

M. le président. A priori, vingt et une heures trente-cinq.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission se réunira donc à vingt et une heures vingt en salle 263 pour examiner cette nouvelle rédaction.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 2, aux amendements nos 105, 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71, en discussion commune.

Avant la suspension de séance, ces amendements ont été présentés, puis la commission et le Gouvernement ont donné leur avis. Mme la présidente de la commission des affaires économiques a quant à elle annoncé le dépôt d'un amendement supplémentaire.

Il s'agit de l'amendement n° 112, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par treize alinéas ainsi rédigés :

1° Les deuxième et troisième alinéas du II sont supprimés ;

2° Le II bis est ainsi modifié :

 a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

- A la première phrase, les mots : « , ainsi que la conformité de ces avancées au plan de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes de la filière concernée par un arrêté de dérogation mentionné au deuxième alinéa du II. » sont supprimés ;

- La deuxième et la troisième phrases sont supprimées.

b) Le troisième alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :

« II ter.- Sans préjudice de la nécessité d'obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009, un décret peut à titre exceptionnel, après avis du conseil de surveillance prévu au II bis, déroger à l'interdiction d'utilisation des produits mentionnée au II, ainsi que des semences traitées avec ces produits, pour un usage déterminé, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

« 1° Les substances actives contenues dans les produits sont approuvées en application du règlement (CE) n° 1107/2009 ;

« 2° Les alternatives disponibles à l'utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ;

« 3° Il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation.

« Ce décret peut interdire temporairement et pour une durée qu'il détermine la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs après l'emploi de semences traitées ainsi autorisées à titre exceptionnel.

« Le conseil de surveillance prévu au II bis se prononce, dans son avis, sur la nécessité d'une dérogation exceptionnelle, sur les conditions auxquelles cette dérogation serait adéquate et strictement proportionnée et sur l'état de la recherche d'alternatives.

« Le conseil de surveillance publie chaque année, et remet avant le 15 octobre au Gouvernement et au Parlement, un rapport relatif à chaque dérogation exceptionnelle et portant sur ses conséquences notamment environnementales et économiques, ainsi que sur l'état d'avancement du plan de recherche, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d'exploitation ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. L'acétamipride étant autorisé dans l'Union européenne jusqu'en 2033, nous proposons d'aménager l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime afin de permettre une dérogation à titre exceptionnel, prononcée par décret.

Limitée dans le temps, cette dérogation devrait être justifiée par l'absence de solution de substitution à même de garantir la pérennité de la filière concernée.

Une telle mesure bénéficierait aux quelques filières aujourd'hui dans l'impasse, sous réserve que la substance active considérée soit approuvée à l'échelle européenne.

Je précise que les filières dont il s'agit devraient être engagées dans « un plan de recherche sur les alternatives » à l'utilisation des produits visés.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je demande le vote par priorité sur cet amendement.

M. le président. Je suis saisi par la commission des affaires économiques d'une demande de priorité sur l'amendement n° 112.

Selon l'article 44, alinéa 6, du règlement, la priorité est de droit lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. La priorité est donc ordonnée.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 112 ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avant la suspension de séance, j'ai rappelé que les dispositions de cet article risquaient fort, en l'état, d'être censurées par le Conseil constitutionnel.

Désormais, la commission propose uniquement une dérogation permettant l'usage de l'acétamipride, substance qui reste autorisée à l'échelle européenne.

Nécessairement limitée dans le temps et strictement proportionnée, une telle dérogation ne pourrait s'appliquer qu'à une substance active autorisée dans l'Union européenne. Il faudrait, en outre, que les solutions de substitution soient inexistantes ou insuffisantes. Il faudrait, enfin, prouver l'existence d'un plan de recherche en vue du remplacement des produits phytosanitaires considérés.

En conséquence, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, nous nous trouvons là face à un cas d'école.

Avant la suspension de séance, je vous parlais du flufénacet : interdit depuis 2013, ce produit a bénéficié en tout et pour tout de neuf dérogations.

De telles procédures ne font que perdre du temps ; dans les faits, elles ne favorisent pas la recherche d'autres solutions. Or il en existe déjà, n'en déplaise à certains ! J'en conviens, elles vont parfois de pair avec une baisse de rendement, mais cette conséquence n'est pas toujours rédhibitoire.

Si l'on en croit les chiffres de FranceAgriMer relatifs aux betteraves à sucre, le rapport entre notre production et notre consommation est, ainsi, de 1,69. En d'autres termes, notre production excède notre consommation de près de 70 % ! (M. Vincent Louault lève les bras au ciel.)

Donner la priorité au rendement, pourquoi pas ? Mais gardons à l'esprit qu'un tel choix se fait au détriment de la biodiversité et, in fine, de la santé humaine.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Mon cher collègue, j'entends bien votre argument, mais dans certains cas les solutions de substitution s'apparentent à des légendes urbaines… (M. Daniel Salmon s'exclame.) Elles ne sont pas établies et ne peuvent être mises en œuvre par les agriculteurs.

Sur ce sujet, dont je parle souvent avec M. Tissot, il faut savoir garder les pieds sur terre. Si l'on en croit les rapports – et ils sont nombreux –, les solutions existent ; mais, dans la pratique, on ne les trouve pas. Restons dans le réel.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier de l'avis de sagesse que vous avez exprimé : peut-être allons-nous pouvoir atterrir.

Jusqu'à présent, je peinais à comprendre la position du Gouvernement : certains ministres doivent être plus puissants que d'autres et donc peser un peu plus lors des réunions interministérielles (RIM)… Fut un temps où tous les membres du Gouvernement prenaient part à ces arbitrages. J'ai bien l'impression que cette époque est révolue et que les hauts fonctionnaires gardent maintenant les RIM pour eux-mêmes… Je le regrette.

La filière noisette et une filière d'excellence, en particulier grâce à sa coopérative, Koki. Pourtant, elle joue aujourd'hui sa survie. Elle a perdu presque 60 % de son rendement – le chiffre est référencé et scientifiquement incontestable, contrairement à ce que l'on peut entendre quant aux baisses constatées ici ou là. Cette filière et cette coopérative d'excellence seront peut-être sauvées grâce à l'amendement de la commission.

De même, les betteraviers ont besoin d'une solution. Ils doivent pouvoir procéder à la pulvérisation d'acétamipride. (M. Daniel Salmon s'exclame.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. M. Louault a raison !

M. Vincent Louault. C'est une méthode qui fonctionne bien, même si elle n'a jamais été homologuée, faute d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette production.

En effet, les betteraviers disposaient d'une autre formule : le traitement des semences. C'est bien pourquoi les fabricants de molécules n'ont pas demandé d'agrément pour le foliaire.

J'y insiste, l'acétamipride sera d'un grand secours face aux années les plus dures, comme 2020. Cette année-là, les betteraviers ont perdu 40 % de leur récolte.

Dans certains secteurs, nous sommes bel et bien excédentaires, car nous avons des filières d'excellence. Ainsi, nous exportons du sucre partout dans le monde, et j'en suis plutôt fier, monsieur Salmon !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Je remercie M. le rapporteur d'avoir présenté cet amendement et Mme la ministre d'avoir émis un avis de sagesse.

À l'évidence, certains de nos collègues n'entendent pas très bien… En effet, l'autorisation doit être donnée sous réserve de recherches en cours sur des substituts.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Oui !

Mme Anne-Sophie Romagny. Je voterai l'amendement de la commission : ses dispositions correspondent en tout point à celles des deux amendements que j'ai défendus.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je tiens à remercier M. le rapporteur et la commission tout entière de la rédaction proposée.

L'amendement que j'ai défendu étant pratiquement le même : merci d'avoir écouté un petit groupe comme le RDSE, qui prône la sagesse ! (Sourires.)

J'ai déjà insisté sur l'enjeu de sécurisation : la dérogation doit être bien encadrée et prise par décret. Il est hors de question pour nous de réintroduire les néonicotinoïdes dans le cadre général.

Je me tourne de nouveau vers la gauche de cet hémicycle. Mes chers collègues, si le produit dont il s'agit est vraiment nocif, il faut obtenir son interdiction à l'échelle européenne. Mais, pour notre part, nous ne pouvons pas laisser nos agriculteurs sans solution.

La dérogation proposée permettra notamment à la filière de la noisette d'utiliser cette substance, autorisée en Europe, jusqu'à ce que nous trouvions un produit de substitution.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, je vous remercie de cette avancée.

Monsieur Salmon, nous ne sortons pas de dix années de dérogations, comme vous venez de le dire, mais de dix années d'interdits. (Mme Anne-Sophie Romagny manifeste son approbation.) Et nous y mettons fin !

Dans chaque filière, ces mesures ont fait la preuve de leur absurdité. On l'a vu au sujet de la noisette. Il en est de même pour la cerise : allez voir les producteurs. Ils vous diront combien d'hectares de cerisiers nous avons perdus, à cause des normes excessives, au profit de la Turquie !

En dix ans, nos exportations de pommes ont chuté de 700 000 tonnes à moins de 300 000. Sans la possibilité de réintroduire l'acétamipride, les producteurs se trouveront sans protection, dès avril 2025, contre le puceron cendré du pommier, cet insecte qui fait des trous dans les pommes au point de les rendre totalement invendables. C'est la réalité, monsieur Gontard !

Depuis dix ans, les Polonais ont pris toutes les parts de marché que nous avons perdues ; et, eux, continueraient d'utiliser ce produit contre le puceron cendré.

Pourrons-nous regarder les Français dans les yeux si nous, responsables politiques, nous mettons d'accord pour les empêcher de consommer des pommes françaises ? Au bout du compte, c'est ce qui arrivera si nous ne votons pas l'amendement de la commission.

Certains dénoncent une régression : je ne suis pas d'accord avec eux. Quand un enfant fait une erreur, il lui demande de la corriger. C'est cela, l'éducation. Nous aussi, nous devons corriger les erreurs commises par le passé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville et Mme Anne-Sophie Romagny applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Mon cher collègue, je ne pense pas être un irresponsable. Je ne suis pas un enfant non plus !

J'ai fait ma carrière dans l'agriculture et je sais que nous sommes à la toute fin d'un certain modèle. Vous refusez d'en convenir : à l'évidence, nous ne réussirons pas à vous en convaincre ce soir, mais j'y insiste malgré tout.

Bien entendu, les élus de notre groupe voteront contre l'amendement de la commission. Sauf erreur de ma part, la dérogation sera accordée si et seulement s'il n'existe pas de produit de substitution. Mais les solutions que nous proposons se heurtent toujours à des refus…

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Lesquelles ?

M. Jean-Claude Tissot. Des essais sont actuellement réalisés en plein champ, et ils fonctionnent. Vous vérifierez ! Bien sûr, le travail agricole est plus compliqué. Bien sûr, les rendements sont moindres, mais cela fonctionne, que vous l'acceptiez ou non.

Monsieur Louault, puisque vous parliez de l'acétamipride, je tiens à rappeler à tous nos collègues les propos tenus lors d'une audition devant la commission des affaires économiques en avril 2023 par M. Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : « L'acétamipride, que la France n'a heureusement jamais utilisé, est pire que l'imidaclopride. Il s'agit d'un produit stable qui est donc en quelque sorte le “chlordécone de l'Hexagone” ». (M. Vincent Louault s'exclame.)

M. Laurent Duplomb. L'Anses dit l'inverse !

M. Jean-Claude Tissot. Je n'invente rien. M. Huyghe s'est exprimé devant notre commission. Nous étions vingt-cinq ou trente à l'écouter.

Votre attitude relève de l'obscurantisme : vous niez la science,…

M. Laurent Duplomb. L'Anses, c'est donc de l'obscurantisme à géométrie variable…

M. Jean-Claude Tissot. … simplement parce que vous faites passer le rendement économique avant tous les autres paramètres.

Que faites-vous des dérèglements hormonaux ? Que répondrez-vous à vos enfants ou à vos petits-enfants lorsqu'ils viendront vous voir dans quelques années en vous disant : « Comment se fait-il que je sois stérile ? Pourquoi avez-vous autorisé ce produit ? » Vous pouvez rire ou hausser les épaules : c'est la vérité. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Nicole Bonnefoy. M. Tissot a raison !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je voterai naturellement l'amendement de la commission et je remercie M. le rapporteur, mon voisin de Seine-et-Marne, d'avoir présenté cette rédaction.

Nous sortons enfin du dogme : tout n'est pas noir ou blanc ! C'est la vertu de cet amendement, qui tend à ouvrir une dérogation assortie de conditions strictes, accordée par décret et limitée dans le temps.

Insistons sur le fait que la France est le pays qui a mis le paquet en matière d'investissements dans la recherche. Nous pouvons nous en enorgueillir. Mais, quand les substituts n'existent pas, nous ne pouvons pas nous contenter d'un simple non possumus : il faut proposer des outils à nos agriculteurs. Je pense notamment aux betteraviers de mon département de l'Yonne.

Cet amendement équilibré mérite d'être adopté par notre assemblée. (M. Vincent Louault applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

M. Franck Menonville. Je remercie sincèrement M. le rapporteur de son sens du compromis et Mme la ministre de son avis de sagesse.

Ces dispositions sont tout à fait vertueuses. Non seulement elles sont solides juridiquement, mais elles rassurent nos concitoyens. La dérogation prévue est limitée dans le temps et cible les filières dans l'impasse, pour ne pas dire en situation de crise, en leur proposant une solution efficace.

Pour toutes ces raisons, nous devons être nombreux à les soutenir, d'autant plus qu'elles laissent une large place à la recherche de produits de substitution.

Chers collègues de gauche, soyez certains que nous aimerions, nous aussi, disposer systématiquement de solutions de substitution. Mais dans certains cas elles n'existent pas ; et, dans d'autres, elles entraînent des baisses de rendement telles que les producteurs ne peuvent les mettre en œuvre.

Il faut reconnaître que, pour un certain nombre de filières, les substituts actuels ne sont pas matures économiquement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Chers collègues de gauche, je trouve que vous manquez tout de même un peu de cohérence.

Vous insistez sur le fait que les autorisations de mise sur le marché doivent avoir un fondement scientifique : nous sommes tous d'accord sur ce point. A fortiori, ceux d'entre nous qui ont une formation scientifique ne peuvent qu'abonder dans ce sens.

Mais quand l'Anses édicte une interdiction, vous vous empressez de l'appuyer ; et, quand cette agence peut donner son accord, vous en contestez le bien-fondé, quand bien même il s'agit d'un produit autorisé par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). En l'occurrence, c'est bien le cas, et l'Anses a délivré l'autorisation de mise sur le marché en 2021. J'y insiste, un peu de cohérence faciliterait nos débats.

Comme l'ont souligné MM. Menonville et Lemoyne, il faut regarder de près les résultats des recherches en cours. Personnellement, c'est ce que j'ai fait : on ne peut pas dire qu'ils sont tous satisfaisants. Les solutions proposées n'assurent pas un résultat stable, année après année : tout dépend du territoire, du climat et plus largement des circonstances, à la différence du produit phytosanitaire dont nous parlons.

Monsieur Tissot, je reprends à cet égard l'observation formulée par M. Jomier : un avis isolé n'a aucun intérêt. Ce qui compte, c'est l'analyse de cohortes.

M. Jean-Claude Tissot. Je suis tout à fait d'accord !

M. Laurent Somon. Nous avons tous un avis personnel ; le tout est de l'étayer sur des études scientifiques, notamment sur le travail de l'Anses.

D'ici à 2033, date à laquelle expire l'autorisation de mise sur le marché, nous avons l'obligation de trouver des produits de substitution à l'acétamipride. Toujours est-il que ce produit n'est pas le plus toxique, même si – nous sommes tous d'accord – il faut supprimer, à terme, l'utilisation de telles molécules. Nous garantirons ainsi une meilleure qualité sanitaire et environnementale. (M. Laurent Duplomb applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Mes chers collègues, sommes-nous d'accord pour reconnaître que les néonicotinoïdes en général… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. C'est toujours la même chose !

Mme Anne-Sophie Romagny. Nous parlons seulement de l'acétamipride !

M. Guillaume Gontard. … et ce produit en particulier sont néfastes à la fois pour la santé humaine et pour l'environnement, pour la biodiversité comme pour l'eau ? (M. Laurent Somon s'exclame.)

C'est bien dans ce cadre que nous débattons. La solution que vous nous proposez n'est clairement pas bonne,…

M. Laurent Duplomb. Vous avez interdit ce produit ! Cela fait dix ans !

M. Guillaume Gontard. … puisqu'elle a un impact sur la santé humaine et sur les milieux naturels.

Vous nous proposez une dérogation d'un an, dans l'attente de substituts. Mais vous nous dites que ces derniers n'existent pas. Il ne s'agit donc pas d'une simple prolongation d'un an, on le sait très bien.

Des expériences, des études ont été menées : des produits de substitution existent bel et bien. Je n'ai jamais dit que ces solutions étaient simples à mettre en œuvre, mais la mesure que vous proposez ne l'est pas non plus ! Il faudra traiter la pollution de l'eau, gérer les conséquences sur la santé humaine. Eh oui !

Au sujet du chlordécone, nous n'avons cessé de louvoyer, exactement comme vous le proposez. Aujourd'hui, cela nous coûte un pognon de dingue ! Et je ne parle même pas des questions de santé… Souhaitons-nous vraiment renouveler cette erreur ?

Soyons sérieux : nous disposons de substituts. Employons notre énergie à soutenir la recherche et accompagnons les changements.

Je reconnais que ces solutions ne sont peut-être pas toutes économiquement viables. Il faut donc accompagner les agriculteurs, comme le demandent d'ailleurs la plupart d'entre eux.

Évidemment, on peut agir à l'échelle européenne, mais le problème restera le même : toute interdiction imposera de mettre au point des produits de substitution. Je le répète, il faut s'efforcer de trouver ces solutions et d'accompagner les agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. À mon sens, la mesure proposée n'a rien de débridé. Il s'agit plutôt d'une correction salutaire.

Chers collègues de gauche, cette disposition est limitée dans le temps et assortie de modalités strictes. Pour votre part, que proposez-vous ? Devons-nous, pour être vertueux, acheter des noisettes américaines, turques ou italiennes ?

M. François Bonhomme. L'interdiction dont il s'agit a mis à terre la filière de la noisette. En effet, deux espèces, le balanin des noisettes et la punaise diabolique, ont produit des ravages sur les plans qualitatif et quantitatif : les pertes vont de 30 % à 80 %. La coopérative Koki a été mentionnée. Pour ma part, je citerai l'association nationale des producteurs de noisettes, qui nous met en garde contre le risque de perdre la filière tout entière.

Aujourd'hui, j'entends pousser des cris d'orfraie. Certains nous assurent qu'une telle distorsion de concurrence est saine pour notre production nationale, alors que cette dernière va à vau-l'eau et qu'elle a besoin de la mesure proposée par la commission.

Je remercie d'autant plus M. le rapporteur de son amendement et Mme la ministre de la sagesse dont elle-même fait preuve.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 105, 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 178 :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour l'adoption 197
Contre 111

Le Sénat a adopté.

Après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. V. Louault, Malhuret, Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Grand, L. Vogel et Wattebled et Mme Perrot, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le V de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement est rétabli dans la rédaction suivante :

« V. – Le montant de la redevance est réduit à la proportion que les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l'article L. 253-3 du code rural et de la pêche maritime représentent dans l'ensemble des produits phytopharmaceutiques acquis. »

II. – La perte de recettes résultant du I pour l'agence de l'eau est compensée, à due concurrence, par l'État.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Cet amendement de Mme Vanina Paoli-Gagin vise à assurer le déploiement des solutions de biocontrôle et à mettre en adéquation avec les enjeux constatés le montant de la redevance pour pollution diffuse (RPD).

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mon cher collègue, l'idée est intéressante, mais je rappelle que cette redevance est déjà modulée selon la dangerosité des produits. Ainsi, les agriculteurs sont incités à se tourner vers le biocontrôle.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, pour les raisons avancées par M. le rapporteur.

M. le président. Monsieur Louault, l'amendement n° 53 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Louault. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié est retiré.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, il nous reste cinquante-trois amendements à examiner, et Mme la ministre accepte, si nécessaire, que nous poursuivions nos travaux jusqu'à une heure du matin.

Nous souhaiterions finir l'examen de cette proposition de loi ce soir, d'autant que nous commencerons demain à étudier un autre texte très attendu : la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.

Je vous appelle donc à la concision, qu'il s'agisse des présentations d'amendements ou des explications de vote. Nous n'en pourrons pas moins débattre, évidemment, dans le respect des uns et des autres.

TITRE II

SIMPLIFIER L'ACTIVITÉ DES ÉLEVEURS

Article 3

I. – Le code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du V de l'article L. 122-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'avis de l'autorité environnementale se fonde sur les enseignements de la science et cite les études académiques mobilisées pour son élaboration. » ;

2° (Supprimés)

3° bis (nouveau) L'article L. 181-10-1 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa du I, après le mot « organise », sont insérés les mots : « , après concertation avec le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête, » ;

b) Le 1° du III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peuvent néanmoins choisir, en concertation avec l'autorité administrative chargée de la consultation du public, de remplacer cette réunion publique par une permanence à des lieux, jours et heures qu'ils déterminent, incluant au moins une journée dans la mairie de chaque commune du lieu d'implantation du projet ; »

c) Après la première phrase du 5° du même III, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peuvent néanmoins choisir, en concertation avec l'autorité administrative chargée de la consultation du public, de remplacer cette réunion publique par une permanence à des lieux, jours et heures qu'ils déterminent, incluant au moins une journée dans la mairie de chaque commune du lieu d'implantation du projet. » ;

d) Au dernier alinéa dudit III, après le mot : « consultation », sont insérés les mots : « ,ou le premier jour de la permanence qui lui est substituée, » ;

e) Au premier alinéa du IV, le mot : « clôture » est remplacé par le mot : « fin » ;

4° Après le premier alinéa de l'article L. 511-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent titre prennent en compte les spécificités des projets des exploitations agricoles, qui peuvent faire l'objet de procédures et prescriptions adaptées. » ;

5° L'article L. 512-7 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa du I, après le mot : « industrielles », sont insérés les mots : « et aux émissions de l'élevage » ;

b) (nouveau) Après le I bis, il est inséré un I ter ainsi rédigé :

« I ter. – Peuvent également relever du régime de l'enregistrement les installations d'élevage mentionnées à l'annexe I bis de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles et aux émissions de l'élevage, à l'exception des installations destinées à l'élevage intensif énumérées à l'annexe I de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. » ;

6° (nouveau) L'article L. 512-7-2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Si, sur la base notamment des informations fournies par le maître d'ouvrage, les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents définis par décret en Conseil d'État, sans préjudice des obligations résultant du droit de l'Union européenne. Le cas échéant, le préfet tient compte des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables ; »

b) Au 2°, les mots : « ouvrages, ou travaux » sont remplacés par les mots : « d'ouvrages, de travaux ou d'activités » ;

c) Au 3°, le signe : « ; » est remplacé par le signe « : » ;

II. (nouveau) – Le 5° du I du présent article entre en vigueur à la date de publication de l'acte d'exécution prévu au 2 de l'article 70 decies, de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles et aux émissions de l'élevage.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 11 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 46 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

L'amendement n° 81 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Guiol, Masset et Roux.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 4.

M. Daniel Salmon. Cet article, dans sa rédaction initiale, était déjà fortement problématique. Il instaurait en effet une procédure spécifique pour l'évaluation environnementale des projets d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) élevage : les projets de fermes-usines pourraient ainsi s'affranchir de la plupart des obligations relatives aux enquêtes publiques. Or il s'agit là d'une nouvelle atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement.

Sous couvert de simplifier, on assortit d'une dérogation le nouveau dispositif de participation du public – les décrets d'application n'ont été publiés qu'en novembre 2024 –, lequel s'ajoute à l'enquête publique.

La loi relative à l'industrie verte rendait déjà le droit moins lisible, et cette nouvelle dérogation empirerait cet état de fait. Nous demandons une stabilisation du droit relatif aux autorisations environnementales, trop fréquemment modifié.

La commission a encore aggravé cette rédaction, en modifiant les dispositions relatives à la consultation du public dans le cadre des enquêtes publiques pour tous les types d'ICPE – on s'éloigne ici de l'agriculture. Elle a ainsi supprimé les deux réunions publiques obligatoires, qui sont pourtant l'un des éléments-clefs de la loi relative à l'industrie verte en matière de démocratie environnementale.

Lesdites réunions publiques, qui sont les seuls moments de démocratie participative dans ces procédures, permettent de s'entretenir directement avec le maître d'ouvrage.

Le dernier alinéa relève les seuils faisant basculer de l'enregistrement à l'autorisation d'ICPE, ce qui aggravera encore la confusion. Une nouvelle catégorie d'ICPE doit être créée, soumise à autorisation, mais non à évaluation environnementale. C'est un exemple typique de dérogation qui rend le droit illisible, à l'opposé de la simplification !

Enfin, l'autorité environnementale doit fonder ses avis sur les enseignements de la science, en citant les études académiques mobilisées pour leur élaboration. Or cette précision est inutile : il va de soi que l'on s'appuie sur la science, même si, en entendant certains propos, on peut en douter…

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour présenter l'amendement n° 11.

M. Jean-Jacques Michau. Nous proposons nous aussi de supprimer l'article 3, dont l'objectif est clairement de promouvoir le laisser-faire en limitant autant que possible les contrôles et la participation des citoyens sur des projets qui affecteront pourtant leur territoire, voire leur vie quotidienne.

Les dispositifs proposés remettent en cause le dépôt d'avis par les autorités environnementales : il faudrait préciser dans la loi que ces derniers doivent être fondés sur la science… On sous-entend ainsi que les décisions actuelles ne le sont pas, et qu'elles seraient dictées par des groupes de pression.

De plus, cet article remet clairement en cause le principe de non-régression environnementale, en excluant les activités d'élevage du cadre applicable aux autorisations environnementales, en simplifiant le système des ICPE ou encore en proposant de relever les seuils en deçà desquels on peut s'affranchir de l'enquête publique.

Nous défendrons toujours une agriculture familiale, à taille humaine et en phase avec les attentes sociétales. Dans ce cadre, nous militons pour une agriculture soucieuse de l'environnement, qui amorce réellement sa transition agroécologique ; une agriculture respectueuse des hommes comme des animaux.

Ce n'est pas en facilitant toujours davantage l'agrandissement de nos exploitations et de nos élevages, en limitant les contrôles et le dialogue démocratique, que nous serons à la hauteur des besoins et des attentes de notre société.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 46.

M. Gérard Lahellec. Assouplir encore le régime applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement, c'est porter une nouvelle atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement et nous exposer à un important risque contentieux. De nombreuses associations l'ont souligné, à l'instar de la direction générale de la prévention des risques (DGPR).

Pis, en proposant d'inscrire dans la loi que les avis de l'autorité environnementale doivent être fondés sur la science, on suggère que les décisions actuelles ne le sont pas ; de tels sous-entendus posent quand même question.

Enfin, cet article participe de l'instabilité du droit, donc à l'insécurité juridique, puisqu'il revient sur les dispositions de la loi Industrie verte de 2023 quant à la participation du public pour les ICPE élevage.

Comme le soulignent de nombreux acteurs, en voulant « simplifier », on crée une dérogation à l'application de ce nouveau dispositif de participation du public : les décrets d'application datent de novembre 2024. Ils viennent donc tout juste d'être publiés.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. L'amendement n° 81 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Ce n'est pas en niant les difficultés que les problèmes vont se résoudre ; nous serons au moins d'accord sur ce point.

Nous sommes face à une vraie dissonance cognitive : nos concitoyens, du moins les plus militants d'entre eux, tolèrent de moins en moins la présence de bâtiments d'élevage. Ils n'ont de cesse de dénoncer leurs nuisances, mais ils mangent toujours autant de viande…

La véritable alternative est donc la suivante : voulons-nous consommer la viande que nous produisons nous-mêmes, selon nos propres normes environnementales et sociales, ou souhaitons-nous en importer toujours plus de Pologne, d'Ukraine, de Thaïlande ou du Brésil ?

J'émets évidemment un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, rendez-vous compte de la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui certains éleveurs !

Dans la nuit de vendredi à samedi derniers, des activistes ont forcé l'entrée du siège social d'Evel'Up, une coopérative porcine de Bretagne. Ils ont tenté d'y mettre le feu, causant des dégâts importants, qui s'élèvent probablement à plusieurs centaines de milliers d'euros. Naturellement, une enquête est ouverte.

Il faut bien prendre la mesure des difficultés qu'éprouvent les éleveurs à se doter de nouvelles installations, voire à maintenir celles qui existent, face à des personnes qui veulent détruire leur outil de travail.

Plus que jamais, nos éleveurs sont en proie au découragement. Aux crises sanitaires et aux épizooties en tout genre s'ajoutent les difficultés causées par des environnements défavorables, ainsi que les attaques de certains activistes. Ces derniers ne veulent plus voir du tout d'élevage en France ; ils s'en prennent systématiquement aux bâtiments d'élevage, voire aux éleveurs eux-mêmes.

Dans un contexte si difficile pour nos éleveurs, la suppression de l'article 3 serait particulièrement regrettable.

Cet article vise à apporter une simplification majeure et très attendue, grâce au travail du rapporteur et de la commission, que je salue et félicite.

La rédaction initiale de la proposition de loi soulevait de nombreuses difficultés. Or le travail accompli en commission a permis d'améliorer sensiblement le texte.

Ainsi, on a pris soin d'adapter la procédure d'autorisation environnementale introduite par la loi relative à l'industrie verte afin d'ajuster les modalités de consultation du public. Au total, deux réunions publiques pourront avoir lieu ; mais, selon la nature du projet, le commissaire enquêteur pourra les remplacer par une permanence en mairie, comme cela se fait très souvent pour les projets soutenus, par exemple, par les collectivités territoriales.

Par ailleurs, les élevages soumis à autorisation au titre de la directive relative aux émissions industrielles, ou directive IED, pourront également être soumis à enregistrement.

Ces deux simplifications très importantes figurant à l'article 3, je suis défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Bien entendu, nous condamnons toute forme de violence, qu'elle vienne des activistes que vous évoquez, madame la ministre – l'enquête fera la lumière sur cette affaire –, ou de ceux qui murent les locaux l'Office français de la biodiversité (OFB). Il faut aussi le rappeler, car il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures.

Pour autant, ce n'est pas en édulcorant la consultation du public que l'on améliorera l'acceptabilité des projets. Nous sommes en démocratie et nous avons toujours intérêt à débattre.

Lorsque nous défendons les énergies renouvelables (EnR), nous, écologistes, nous acceptons le débat public.

Des réunions publiques sont prévues. Il faut avoir le courage de dialoguer avec nos concitoyens : moins on le fera, plus les oppositions seront fortes et moins elles seront contrôlables.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Je m'associe à tous ceux qui, ici, défendent l'élevage.

Je pense plus précisément à la Bretagne. Dans le seul département des Côtes-d'Armor, la production laitière a diminué de 10 millions de litres en un an. Au cours de l'année écoulée, le cheptel breton a perdu 120 bovins par jour. La production de volailles a baissé de 10 % depuis 2021, et la production de porcs de 8 %.

Les causes de cette chute doivent être cherchées ailleurs que dans la stigmatisation évoquée par certains : elle réside dans l'attractivité des métiers, dans la rémunération du travail paysan. Ces facteurs expliquent en grande partie les difficultés que je viens de citer.

De grâce ! Considérons l'élevage dans son ensemble. C'est précisément pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Alain Cadec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je ne sais pas si tout le monde ici se figure ce dont on parle.

On parle d'éleveurs qui, comme moi, se lèvent très tôt tous les matins, 365 jours par an, et travaillent plus de 70 heures par semaine.

On parle d'éleveurs que l'on a jetés dans la concurrence avec d'autres pays et d'autres continents,…

M. Daniel Salmon. Qui les y a jetés ?

M. Laurent Duplomb. … en leur infligeant, jour après jour, des contraintes supplémentaires.

Ces éleveurs doivent investir des centaines de milliers d'euros, qu'ils rembourseront à la sueur de leur front.

Aujourd'hui, avec la loi Industrie verte, on leur impose d'organiser un débat avec tous leurs voisins au début de l'enquête publique ; puis un second débat, à la fin de cette procédure, après que vous aurez fait monter la mayonnaise, en expliquant à ces mêmes voisins que des paysans près de chez eux, ce sont des nuisances qui feront baisser la valeur de leur bien, qui les empêcheront de dormir, qui entraîneront de mauvaises odeurs, qui attireront les mouches, etc.

M. Jean-Claude Tissot. Et si c'est vrai ?

M. Laurent Duplomb. À cause de vous, ces débats tourneront au pugilat !

Qui, en France, accepterait de faire 70 heures par semaine, de se lever si tôt tous les matins, de travailler pour gagner si peu…

M. Daniel Salmon. Pourquoi les éleveurs gagnent-ils si peu ?

M. Laurent Duplomb. … et d'investir en se mettant tous ses voisins à dos après avoir été stigmatisé ? Personne !

Il faut revoir ce régime, sinon plus aucun éleveur n'acceptera d'investir, et nous ne mangerons plus de viande française. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Bravo, monsieur Duplomb ! Avec ces amendements, nous voyons bien les deux blocs qui s'affrontent.

M. Lahellec a raison : nous assistons à la décapitalisation de nos élevages. On voit que tout menace de s'arrêter. Plus un poulailler ne se crée en Bretagne, pour une simple et bonne raison : les opposants se dressent de toutes parts et les associations utilisent le débat public pour se faire mousser. Même un pauvre poulailler de poules pondeuses fait polémique. Plus aucun agriculteur ne veut en créer un. C'est cela, la réalité !

M. Daniel Salmon. Pas du tout !

M. Vincent Louault. La simplification est indispensable.

Vous pouvez nous accuser de défendre je ne sais quel schéma… La vérité, c'est que vous n'aimez pas la production française ! (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.) Votre seul but, c'est de porter atteinte à nos outils de production.

Vous voulez sanctuariser la France. Vous voulez faire de la campagne une carte postale pour bobos parisiens. En attendant, nous ne pouvons plus produire ni installer un seul poulailler en Bretagne. (Mêmes mouvements.) Vous rendez-vous compte de cela ?

Mes chers collègues, cet article est indispensable pour que nos jeunes agriculteurs puissent encore avoir des projets et espérer produire en France.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Mes chers collègues, nous devrions pouvoir débattre de ces questions plus calmement.

À aucun moment je ne m'en suis pris à qui que ce soit. En revanche, nous avons été directement attaqués par M. Duplomb. De quoi nous accuse-t-on, d'ailleurs ? D'être des bobos ? À tout prendre, j'aime mieux être bobo que bourrin… (Marques d'approbation sur les travées des groupes GEST et SER. – Protestation sur les travées du groupe Les Républicains.)

J'ai grandi dans un village, entouré d'éleveurs : je n'ai de leçons à recevoir de personne ! Je viens d'un territoire de montagne qui ne vivrait pas sans l'élevage. Comme vous, j'ai la prétention de défendre l'élevage et l'agriculture, mais un certain type d'agriculture, celle qui fait vivre nos villages, alors que votre agriculture a littéralement vidé les campagnes.

Les exploitations ne cessent de s'agrandir et nos villages sont en train de mourir. C'est cela, votre modèle ? En tout cas, ce n'est pas le mien. Au lieu de donner des leçons, confrontons plutôt nos arguments !

Madame la ministre, vos propos m'interpellent, car ils ne semblent pas de nature à favoriser un climat de sérénité. Je suis contre toute forme de violence ; il est intolérable que les agriculteurs soient pris pour cibles. Mais il faut aussi s'interroger : pourquoi ne veut-on plus d'un certain type de poulaillers ? Parce que la société évolue – et il faut en tenir compte.

Quoi qu'il en soit, j'aurais aimé que vous évoquiez, en parallèle, les attaques contre France Nature Environnement (FNE) ou contre le siège de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Et, surtout, quel est le rapport entre l'attaque de cette coopérative et l'article dont nous débattons ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur Louault, monsieur Duplomb, j'exerce le même métier que vous : un peu de respect, je vous prie ! Vous pouvez hausser les épaules… Pourquoi auriez-vous le monopole, sinon du cœur, du moins du bon élevage ?

Nous n'avons tout simplement pas la même vision de notre métier. J'irai même plus loin : ce dont vous rêvez, en somme, c'est de faire ce que vous voulez, quand vous voulez et où vous voulez, qu'importe si cela gêne les voisins ou qui que ce soit d'autre.

Pourtant, certains chiffres parlent d'eux-mêmes. Notre pays compte aujourd'hui 400 000 paysans. Demain, ils ne seront plus que 200 000 ou 300 000 : pourquoi donneraient-ils le la à 69 millions d'habitants ?

Bien sûr, rien ne m'énervait davantage que d'entendre quelqu'un venir dans ma ferme pour me donner des leçons. Mais si l'on veut cohabiter, si l'on veut pratiquer l'élevage dans de bonnes conditions, il faut parler à nos concitoyens, aux « bobos », comme vous les appelez ; il faut leur expliquer comment nous travaillons. Il faut leur dire ce dont nous avons besoin pour gagner notre vie.

Il est inadmissible de stigmatiser ainsi certaines personnes, de dresser les uns contre les autres.

Quant à votre ritournelle sur les 70 heures de travail par semaine, c'est bon, nous l'avons assez entendue !

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. M. Salmon a eu l'honnêteté de dénoncer les actions violentes de certains activistes contre des stations d'élevage ; je lui en donne acte.

Néanmoins, je me dois de relever une contradiction : à longueur d'articles sur internet, la nébuleuse environnementale, à laquelle s'associe le Parti vert, défend la théorie de la désobéissance civile.

M. Daniel Salmon. La désobéissance civile, c'est autre chose !

M. François Bonhomme. Vous appelez des militants ou des sympathisants à contester une règle, y compris par l'entrave et la suspicion, sous prétexte qu'elle ne vous convient pas, qu'elle irait à l'encontre de l'action climatique ou de la protection de l'environnement, quand bien même des discussions sont en cours avec les autorités légitimes ; cela me paraît tout à fait contradictoire avec la dénonciation vertueuse de la violence.

Vous encouragez des mouvements de protestation, puis vous prétendez que vous n'y êtes pour rien : assez d'hypocrisie ! (M. Daniel Salmon proteste.) Il y a là un problème de cohérence sur lequel j'attire votre attention. En dépit de vos condamnations, vous alimentez en sous-main des actes de violence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Je ne peux pas laisser dire que mon collègue Laurent Duplomb est un bourrin ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Tissot. Qui a dit que l'on parlait de M. Duplomb ?

M. Jean-Marc Boyer. Ceux qui tiennent de tels propos ne défendent pas l'agriculture ; d'ailleurs, je me demande bien où ils habitent…

Pour ma part, j'habite dans un village, entouré d'agriculteurs. Je vis près de jeunes producteurs de saint-nectaire, qui comme Laurent Duplomb se lèvent très tôt, et qui sont aujourd'hui pressés par des normes et des contraintes que vous soutenez, ici même, dans cette assemblée : c'est inadmissible ! En soutenant toutes ces normes et contraintes, vous ne défendez ni l'agriculture ni l'installation des jeunes.

Vous avez évoqué l'Office français de la biodiversité (OFB). Or, aujourd'hui, quand un jeune agriculteur épand par inadvertance un peu de lisier près d'un ruisseau, les agents de l'OFB arrivent aussitôt, pistolet à la ceinture. C'est vous qui avez demandé l'emploi de ces méthodes inadmissibles ! (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

Enfin, il existe dans ma région des projets de réserves collinaires vertueux préservant la biodiversité, avec des panneaux photovoltaïques. Les agriculteurs, y compris les jeunes, accordent des terrains pour la réalisation de ces chantiers. Qui est venu manifester contre ces prétendues « mégabassines » ?

M. Daniel Salmon. Ce n'est pas pareil !

M. Jean-Marc Boyer. Vous et vos amis !

M. Mickaël Vallet. On n'a plus le droit de manifester ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 11 et 46.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à supprimer le deuxième alinéa de l'article 3, en vertu duquel l'avis de l'autorité environnementale doit être fondé sur les enseignements de la science et citer les études académiques mobilisées pour son élaboration.

On ne peut que souscrire à l'intention de cet alinéa. Néanmoins, une telle disposition expose les projets à des risques d'annulation par le juge, au simple motif qu'une étude académique parmi tant d'autres ne serait pas mentionnée dans l'avis de l'autorité. Il convient de lever ce risque juridique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Afin d'éviter tout effet pervers, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous voterons cet amendement : il nous paraît en effet évident que l'on s'appuie sur la science en pareil cas…

Comme l'a rappelé M. Lahellec, de nombreux élevages sont à l'abandon en Bretagne, où l'on voit désormais des friches agricoles un peu partout. Pourquoi les jeunes ne reprennent-ils pas les exploitations ? C'est une question qu'il faut se poser.

Lors du dernier Salon des productions animales – carrefour européen (Space), un article de Ouest-France relatait qu'une personne avait investi 800 000 euros pour un poulailler neuf, en espérant se rémunérer à hauteur de 70 % du Smic. L'intéressé devra donc travailler à côté…

Quand on met l'accent sur la compétitivité au détriment des revenus, quand on pratique le moins-disant social, il ne faut pas s'étonner que l'élevage soit abandonné : chacun veut un salaire digne de ce nom, et c'est bien normal.

Certains sont peut-être fiers de travailler 70 heures par semaine, mais ce n'est pas le modèle qui se vend bien aujourd'hui.

M. Laurent Duplomb. Le droit à la paresse…

M. Daniel Salmon. Pour notre part, nous voulons un revenu décent pour les agriculteurs, s'appuyant sur la vérité des prix.

Voilà notre position. Sans aller jusqu'à dire que, par comparaison, le reste n'est qu'épiphénomène, je pense que l'on ne regarde pas les choses en face. À l'évidence, on essaie de nous enfumer, car il faut trouver un bouc émissaire…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 68 rectifié, présenté par M. Bleunven, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Chasseing et Henno, Mmes Jacquemet et de La Provôté, MM. Levi, Longeot et Maurey, Mme Perrot et M. L. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rétablir les 2° et 3° dans la rédaction suivante :

2° L'article L. 181-9 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la référence : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Par dérogation au I, lorsque que la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet destiné à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles, l'instruction de la demande se déroule en trois phases :

« 1° Une phase d'examen ;

« 2° Une phase de consultation du public, qui est réalisée sous la forme d'une enquête publique conformément au chapitre III du titre II du présent livre ;

« 3° Une phase de décision. » ;

3° Après la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 181-10, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour les projets destinés à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles, elle est réalisée selon les modalités prévues au II de l'article L. 181-9. » ;

II. – Alinéas 4 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Yves Bleunven.

M. Yves Bleunven. Tandis que nous nous écharpons au sujet des modèles de production, notre pays perd toujours plus d'élevages.

Moi qui suis Breton, je suis écœuré de voir à quelle vitesse l'élevage se décapitalise en Bretagne. Dans quelques années, et même dans quelques mois, on discutera de fermetures d'usines. C'est toujours la même rengaine !

Pour ma part, je tiens particulièrement à l'article 3 et je propose que l'on revienne à sa rédaction d'origine.

Cet amendement vise à conserver une participation du public dans le cadre de la procédure d'enquête publique pour les décisions ayant une incidence sur l'environnement. Maîtrisée par les agriculteurs comme par les administrations déconcentrées, cette procédure s'appliquait jusqu'en 2024.

Pour l'avenir de l'élevage français, il est essentiel que les éleveurs ne soient pas obligés d'organiser deux réunions publiques pour leurs projets soumis à autorisation. De même, ils ne sauraient devoir répondre en continu, sur un site internet, aux commentaires publiés par tel ou tel contributeur lors des consultations du public, ou être soumis à une consultation de trois mois au lieu de trente jours.

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié bis, présenté par Mme Havet et MM. Canévet et Buis, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rétablir les 2° et 3° dans la rédaction suivante : 

2° Après le troisième alinéa de l'article L. 181-9 sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Par exception, lorsque que la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet destiné à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles, l'instruction de la demande, après qu'elle a été jugée complète et régulière par l'autorité administrative, se déroule en trois phases :

« 1° Une phase d'examen ;

« 2° Une phase de consultation du public qui est réalisée sous la forme d'une enquête publique conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du présent livre ;

« 3° Une phase de décision. » ;

3° Le premier alinéa du I. de l'article L. 181-10 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« La consultation du public est réalisée selon les modalités fixées à l'article L. 181-10-1, à l'exception :

« – du cas prévu au troisième alinéa du III de l'article L. 122-1-1 pour lequel la consultation du public est réalisée selon les modalités prévues à l'article L. 123-19 ;

« – des projets destinés à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles, pour lesquels la consultation du public prend la forme d'une enquête publique en l'application des dispositions prévues à l'article L. 181-9. » ;

II. – Alinéas 4 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement de notre collègue Nadège Havet tend à adapter les modalités de l'instruction des dossiers d'autorisation d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et de la phase de consultation du public aux spécificités des installations agricoles.

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 4 à 9.

Mes chers collègues, il faut bien prendre conscience de ce que nous sommes en train de faire : on ne supprime pas les réunions de concertation du public pour les seuls projets d'élevage, mais pour tous les projets soumis à autorisation environnementale, c'est-à-dire toutes les ICPE – je rappelle que seules 20 % d'entre elles sont agricoles.

Monsieur le rapporteur, la rédaction que vous nous proposez, laquelle vise nombre de projets économiques au titre des installations, ouvrages, travaux et activités, est totalement hors de propos. Au nom de bénéfices discutables pour les éleveurs, c'est toute la démocratie environnementale que vous mettez à mal.

C'est d'autant plus incompréhensible que toutes les procédures ont été mises à plat et tirées vers le bas par la loi Industrie verte. Les décrets d'application de ce texte sont entrés en application le 22 octobre dernier, et vous voulez déjà tout réécrire – évidemment, en tirant toujours vers le bas.

Loin de simplifier quoi que ce soit, l'adoption d'une telle mesure complexifierait la vie de tous les acteurs, notamment les maîtres d'ouvrage, qui se sont préparés depuis un an.

J'y insiste : en réduisant pour ainsi dire à néant la consultation du public, on ne rendra service ni aux éleveurs, ni aux agriculteurs, ni à aucun porteur de projet.

Chaque activité économique doit s'implanter dans un territoire. Pour perdurer, elle doit composer de manière harmonieuse avec son environnement : acceptation par les populations, préservation du cadre de vie, débouchés en termes d'emploi et de production de richesses, etc.

Lors des réunions publiques, des dizaines de personnes peuvent interroger le maître d'ouvrage en personne. Ces discussions interactives n'ont strictement rien à voir avec des permanences. Le commissaire enquêteur voit alors les personnes en tête à tête, les unes après les autres, en absence du maître d'ouvrage, sans projeter le moindre exposé du chantier et des mesures prévues, comme c'est le cas lors des réunions publiques. Ces dernières sont utiles ; elles permettent généralement au porteur de projet d'améliorer sa copie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. L'objectif est bien de simplifier les règles de la loi Industrie verte pour tous les secteurs. C'est pourquoi, en commission, nous avons donné la possibilité au commissaire enquêteur de remplacer les deux réunions publiques obligatoires, au début et à la fin de l'enquête publique, par de simples permanences en mairie. Dans de nombreux cas, il n'y aura donc plus d'enquête publique.

Mme Nicole Bonnefoy. C'est très démocratique !

M. Pierre Cuypers, rapporteur. En conséquence, la commission est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien mesurer la portée de la simplification proposée.

Pour mener des projets d'installation classée pour l'environnement, nos éleveurs font face à de telles lourdeurs administratives qu'ils en sont parfois découragés : les multiples recours auxquels la procédure peut donner lieu rendent l'issue des projets tout à fait incertaine.

Simplifier la procédure, c'est donc rendre service aux porteurs de projet, qu'il nous faut encourager.

Plusieurs orateurs l'ont rappelé, y compris M. Salmon, de nombreux élevages sont en déshérence. La décapitalisation est à l'œuvre et notre souveraineté alimentaire régresse.

Nous devons porter une attention toute particulière au monde de l'élevage : il y va véritablement d'une grande tradition de l'agriculture française, notamment en montagne.

Pour bien connaître le sujet, je puis vous assurer qu'en montagne l'élevage est une activité économique matricielle. Nous devons absolument encourager, non seulement les éleveurs, mais aussi ceux qui veulent reprendre des exploitations. C'est très important.

Monsieur le sénateur Bleunven, ce texte facilitera vraiment les choses pour nos éleveurs.

C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de ces amendements.

M. le président. Monsieur Bleunven, l'amendement n° 68 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Bleunven. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 68 rectifié est retiré.

Monsieur Buis, l'amendement n° 56 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Bernard Buis. Au vu des explications de Mme la ministre, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié bis est retiré.

Monsieur Gontard, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?

M. Guillaume Gontard. Oui, monsieur le président.

Madame la ministre, vous n'avez pas répondu à ma question.

Les dispositions de cet article ne s'appliquent pas qu'aux élevages : elles concernent l'ensemble des projets soumis à autorisation environnementale, ce qui pose un vrai problème.

J'alerte également sur un autre sujet. À vous entendre, les concertations et les enquêtes publiques ne seraient qu'une perte de temps ; il faudrait donc les supprimer pour mieux avancer… Or je pense que vous vous trompez lourdement.

Qu'on le veuille ou non, l'acceptation des projets est difficile à obtenir, et ce quelle que soit leur nature, qu'il s'agisse d'activités agricoles ou de projets éoliens. On ne surmontera certainement pas cette difficulté en tentant de passer en force ! C'est au contraire par une meilleure concertation en amont des projets, en expliquant, en écoutant et en s'adaptant que l'on y parviendra.

En l'occurrence, vous cherchez la simplification, mais vous risquez fort d'aboutir au résultat inverse.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur : cet article couvre tous les types d'installations classées pour l'environnement.

Pourquoi une telle disposition ? Il ne s'agit pas d'être moins-disant.

À titre liminaire, je remarque que la nécessité de simplification ne concerne pas seulement l'activité agricole. Elle s'étend à d'autres types d'activités.

Les préfets comme les commissaires enquêteurs nous ont alertés quant aux difficultés qu'entraînerait l'adoption de dispositions différentes selon les types d'activités : un tel choix entraînerait à coup sûr une grande complexité.

Voilà pourquoi cette disposition a été calibrée ainsi – en interministériel, je tiens à le préciser. Cela étant, je vous l'accorde, il faudra examiner à l'usage la manière dont elle s'applique aux différentes activités.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 108, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le 4° du III est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ces réponses, à l'exception de la réponse à l'avis de l'autorité environnementale, sont facultatives. Les réponses aux observations et aux propositions du public peuvent être transmises et publiées en une fois, jusqu'à la fin de la consultation du public ; »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mes chers collègues, nous vous proposons d'aller encore un peu plus loin dans la simplification de l'enquête publique née de la loi Industrie verte en prévoyant, par cet amendement, que les réponses aux observations du public sont facultatives.

Mme Nicole Bonnefoy. C'est risible !

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Ainsi, seule la réponse à l'avis de l'autorité environnementale demeurerait obligatoire.

Quant aux porteurs de projet qui souhaiteraient tout de même apporter des réponses aux remarques du public, ils pourraient procéder en une seule fois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 10 et 11 de l'article 3.

La prise en compte des spécificités agricoles est d'ores et déjà au cœur de la réglementation environnementale applicable aux ICPE. En conséquence, les précisions dont il s'agit ne semblent pas nécessaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 57 rectifié est présenté par Mme Havet et MM. Canévet, Buis et V. Louault.

L'amendement n° 69 rectifié bis est présenté par MM. Bleunven, J.M. Arnaud, Chasseing et Henno, Mme Jacquemet, MM. Levi, Longeot et Maurey, Mme Perrot et M. L. Vogel.

L'amendement n° 86 rectifié bis est présenté par Mmes Loisier et Romagny, M. Duffourg, Mme Billon et M. Chauvet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéas 12 à 15

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

5° Au second alinéa du I de l'article L. 512-7, après la première occurrence de la référence : « annexe I », sont insérés les mots : « à l'exception des activités d'élevage » ;

II. – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l'amendement n° 57 rectifié.

M. Bernard Buis. Cet amendement de ma collègue Nadège Havet tend à porter les seuils français d'autorisation ICPE au niveau des autres États membres, aujourd'hui moins contraignants.

Ce relèvement permettrait d'alléger les contraintes administratives pesant sur les projets agricoles sans réduire la protection effective de l'environnement. La lourdeur, la complexité et les coûts liés à la procédure d'autorisation en vigueur constituent un frein majeur.

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 69 rectifié bis.

M. Yves Bleunven. Cet amendement est identique à celui de Nadège Havet – c'est normal : nous sommes Bretons tous les deux. (Sourires.)

Nous souhaitons revenir à la rédaction initiale de l'article 3. On rouvrira ainsi la possibilité de relever les seuils d'enregistrement et d'autorisation ICPE pour les élevages porcins et avicoles, afin de les aligner sur la réglementation européenne des directives sur les émissions industrielles (IED) et sur l'évaluation des incidences de projets sur l'environnement (EIE).

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l'amendement n° 86 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Pour ne pas prendre de risque inutile, nous préférons maintenir la date de 2026 : c'est seulement à cette échéance que nous pourrons relever ces seuils, conformément à la directive IED et à la directive relative aux émissions de l'élevage.

J'émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Cette rédaction, que j'ai examinée attentivement, fragilise le dispositif. En effet, elle n'est pas compatible avec le droit communautaire : on ne peut pas anticiper une disposition européenne prévue pour 2026.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de ces trois amendements identiques. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Buis, l'amendement n° 57 rectifié est-il maintenu ?

M. Bernard Buis. Oui, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Bleunven, l'amendement n° 69 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yves Bleunven. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 69 rectifié bis est retiré.

Madame Loisier, l'amendement n° 86 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Anne-Catherine Loisier. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 rectifié et 86 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 70 rectifié est présenté par M. Bleunven, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Henno, Levi et Longeot, Mme Perrot et M. L. Vogel.

L'amendement n° 96 rectifié est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 16 à 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 70 rectifié.

M. Yves Bleunven. Dans le même esprit que précédemment, cet amendement vise à assurer la sécurisation juridique des projets – il s'agit là d'un véritable enjeu pour les éleveurs.

À cet égard, l'ajout introduit en commission des affaires économiques mérite d'être salué, mais il reste insuffisant. Il convient selon nous de supprimer les cinq alinéas relatifs à l'encadrement du basculement entre les régimes d'enregistrement et d'autorisation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 96 rectifié.

Mme Annie Genevard, ministre. Je souscris en tout point aux propos de M. le sénateur Bleunven, qui a parfaitement défendu ces dispositions.

M. Olivier Rietmann. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié bis, présenté par Mme Havet et MM. Canévet et Buis, est ainsi libellé :

Alinéas 16 à 20

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

6° L'article L. 512-7-2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Si, sur la base des informations fournies par le maître d'ouvrage, les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents énumérés à l'annexe de l'article R. 122-3-1. Le cas échéant, il tient compte des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables.

« Il indique les motifs qui fondent sa décision au regard d'un ensemble de critères pertinents tels qu'énumérés à l'annexe de l'article R. 122-3-1, ainsi que des mesures et caractéristiques du projet présenté par le maître d'ouvrage et destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l'environnement et la santé humaine. » ;

b) Le 2° est abrogé ;

c) Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« Dans les cas mentionnés au 1° , le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 2° et ne relevant pas du 1° , le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. » 

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement tend à encadrer plus précisément la décision du préfet d'instruire les demandes d'enregistrement ICPE suivant les règles de l'autorisation environnementale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. La commission est favorable aux amendements identiques nos 70 rectifié et 96 rectifié. En revanche, elle est défavorable à l'amendement n° 58 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 58 rectifié bis ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis défavorable.

M. Bernard Buis. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 rectifié et 96 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 179 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 230
Contre 108

Le Sénat a adopté.

Article 4

I. – L'article L. 361-4-6 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :

a) Après les mots : « chargé de l'agriculture, », sont insérés les mots : « et au comité départemental d'expertise mentionné à l'article L. 361-8, » ;

b) À la fin, sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Dès lors qu'un nombre suffisant de réclamations, précisé par arrêté préfectoral, est atteint au sein du département, le comité départemental d'expertise peut lancer une enquête de terrain en vue d'évaluer une perte moyenne de production sur une zone donnée. Au terme de cette enquête, le même comité, s'appuyant sur l'expertise de la chambre départementale d'agriculture, propose, le cas échéant, une rectification des évaluations des pertes de récolte ou de culture. L'organisme chargé de verser l'indemnisation fournit une réponse écrite dans un délai d'un mois à compter de la réception des préconisations du comité départemental d'expertise. » ;

2° Après le mot : « article », la fin du III est ainsi rédigée : « , notamment les modalités permettant l'effectivité des voies de recours mentionnées au II. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er juin 2025.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l'article.

M. Daniel Gremillet. En l'état, la rédaction de l'article 4 piège complètement la production herbagère destinée à l'élevage. Mais ceux d'entre nous qui ont cherché à déposer des amendements se sont heurtés à l'article 40…

Si l'on reprend l'histoire, on constate que le système d'indemnisation des calamités agricoles institué par la loi du 10 juillet 1964 était bien fait, y compris pour les prairies et les plantes fourragères. Le comité départemental d'expertise procédait alors à des constats sur le terrain. Aujourd'hui, on s'en remet à l'interprétation satellitaire, qui a montré ses imperfections.

J'en veux pour preuve un exemple très concret, que j'ai déjà eu l'occasion de citer : l'interprétation satellitaire des attaques de scolytes en forêt, dont les résultats sont véritablement catastrophiques. De fait, ce n'est pas parce qu'il est vert en haut que l'arbre n'est pas attaqué en bas. Il en va de même pour l'interprétation satellitaire des rendements en herbe : ce n'est pas parce que c'est vert que les volumes de production herbagère sont significatifs.

Nous devons être en mesure d'apporter une réponse plus concrète à la production herbagère destinée à l'élevage.

Madame la ministre, sur ce sujet, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention. Vous avez déclaré que les assureurs allaient partir. Peut-être ; mais, ce qui est certain, c'est que les éleveurs cesseront de couvrir leurs productions herbagères au titre de l'assurance récolte.

La rédaction de l'article pose un vrai problème pour l'élevage. Elle est moins-disante que la proposition issue du travail sénatorial relatif aux calamités agricoles. C'est un véritable sujet.

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'État met en place un plan pluriannuel de renforcement de l'offre d'assurance récolte destinée aux prairies. Ce plan aborde les questions d'information des éleveurs en cours de campagne, de perfectionnement et d'accroissement de la performance de l'approche indicielle, de meilleure intégration de l'ensemble des aléas climatiques dans l'assurance récolte des prairies et de simplification et d'accélération de la procédure de recours pour les éleveurs.

Le Gouvernement remet un rapport au Parlement au plus tard le 31 décembre 2026 sur l'état d'avancement de ce plan pluriannuel et la poursuite de son déploiement.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Gremillet, vous vous faites l'écho d'une préoccupation dont j'ai pris note dès mon arrivée au ministère.

Lors du sommet de l'élevage à Cournon-d'Auvergne, qui s'est tenu peu après ma prise de fonctions, on m'a parlé de l'assurance prairie et l'on m'en a tout de suite signalé les imperfections.

Comme vous le soulignez, si le système ne fonctionne pas bien et si l'assurance n'est pas au rendez-vous, nous nous exposons au risque de désassurance, scénario que personne d'entre nous ne veut évidemment voir advenir.

Certains prônent le retour aux comités départementaux d'expertise. Ce n'est pas possible ! Dans cette hypothèse, nous perdrions les assureurs et les réassureurs. Ce qu'il faut, c'est améliorer l'indice Airbus.

M. le rapporteur propose une feuille de route pour perfectionner le fonctionnement de l'assurance récolte destinée aux prairies, sur la base d'un travail partenarial avec l'ensemble des parties. Je pense que c'est une bonne méthode.

Vous avez essayé d'améliorer les choses, mais par des dispositions qui ont été censurées au titre de l'article 40. Cela dit, le travail en cours n'est pas compromis pour autant.

J'en prends l'engagement devant vous, le Gouvernement travaillera à l'amélioration du dispositif. Mais il ne remettra pas en cause le nouveau régime de l'assurance récolte, pour les raisons que j'ai énoncées.

M. le président. Le sous-amendement n° 110, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement 104, après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans ce plan pluriannuel, pour les évaluations des pertes de récoltes ou de cultures fondées sur des indices, il est étudié la possibilité que des instances en département placées sous l'autorité des préfets de département, puissent se réunir postérieurement à chaque fin de campagne de production, sur demande des organisations syndicales d'exploitants agricoles représentatives. Ces instances départementales pourraient être chargées de présenter et expliquer les résultats des indices utilisés, d'échanger sur les éventuels points de contestation et de les analyser. Le préfet transmettrait une synthèse des travaux de l'instance au comité national des indices.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement. Il ne s'agit certes que d'un premier pas timide pour traiter des élévations de pertes en prairie avec des indices, mais ces dispositions vont dans le bon sens.

Notre sous-amendement vise à préciser que l'on étudiera, dans le cadre du plan pluriannuel du renforcement de l'offre d'assurance récolte destinée aux prairies, la possibilité de réunir des instances départementales après chaque campagne de production, sur demande des organisations syndicales représentatives, pour traiter de problématiques liées aux indices.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 110 ?

Mme Annie Genevard, ministre. L'insuffisante prise en compte des observations de la profession pouvant donner lieu à recours est précisément l'un des reproches adressés au dispositif actuel. J'émets, en conséquence, un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, permettez-moi de faire un bref rappel.

Lors du dépôt de cette proposition de loi, Franck Menonville et moi-même avons voulu, avec l'article 4, mettre un pied dans la porte pour obliger les assureurs à négocier avec la profession au sujet des injustices majeures.

Ce satellite qui voit tout l'inverse de ce que les agriculteurs constatent en nombre, réalité décrite à l'instant par Daniel Gremillet, est une de ces injustices.

Nous avons reçu les assureurs, qui nous ont dit qu'ils ne nous suivraient pas si nous changions l'unité de mesure, parce qu'ils ne sauraient plus à quel saint se vouer. Nous pouvons, en toute objectivité, les comprendre. (M. Franck Menonville acquiesce.) Ils se sont rapprochés de la profession pour négocier avec elle la rédaction de cet article ; les discussions menées la semaine dernière ont permis d'avancer, mais pas au point d'aboutir à une conclusion définitive.

Les assureurs sont prêts à aller encore plus loin. Mais l'amendement que nous avions déposé a été censuré par la commission des finances en vertu de l'article 40. Or, pour continuer à avancer, nous devons voter une rédaction, même perfectible.

Comme Daniel Gremillet et d'autres de mes collègues, je suis conscient qu'en l'état l'article 4 ne suffit pas à régler le problème. Mais je suis aussi conscient que personne ne peut pas porter toute la misère du monde. Les assureurs et la profession doivent travailler ensemble pour parvenir à une rédaction de compromis.

Nous ne pouvons pas être les seuls à proposer des solutions, pour nous faire, tôt ou tard, taper dessus !

M. Franck Menonville. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Il s'agit à l'évidence d'un dossier très complexe.

Monsieur le rapporteur, je salue l'effort accompli par la commission ; mais, dans la pratique, la solution proposée via votre sous-amendement ne fonctionne pas ! Il n'y a rien à constater quand il n'y a plus de récolte. Seuls des comités d'expertise peuvent effectuer un bilan annuel, en se rendant sur le terrain. C'est ainsi que l'on évaluera le niveau des récoltes. C'est cela, la vraie vie.

Pour en avoir tous fait l'expérience, nous savons que les événements climatiques affectent parfois différemment plusieurs points d'un même territoire. La réalité de la production herbagère sur le terrain exige donc une finesse d'appréciation.

D'ailleurs, madame la ministre, combien d'éleveurs sont assurés pour leurs prairies ? Très peu. En la matière, c'est l'un des problèmes qui se posent. Et si l'on n'améliore pas les choses, je puis vous assurer qu'il n'y en aura plus du tout.

Le hasard – mais je ne crois pas trop au hasard – a voulu qu'un éleveur du département des Vosges me fournisse, ce week-end, copie du document d'assurance relatif à ses prairies. Il s'agit d'un cas tout à fait concret.

Selon les relevés satellites, cet éleveur a vu ses volumes de fourrages augmenter de 28,9 % par rapport à la moyenne triennale. Il m'a dit : « Daniel, j'aimerais bien avoir réellement tant de bottes de foin supplémentaires ! » En effet, il en est loin…

En pratique, les calculs obtenus par ce biais sont bien éloignés de la réalité.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 110.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, MM. Chevrollier, Verzelen et Saury, Mme Guidez, M. Delcros, Mme Lermytte, M. Cambier, Mme Vermeillet, M. Perrion, Mmes Pluchet et Billon, MM. Wattebled et Houpert, Mmes Perrot et Jacquemet, MM. Chasseing, Longeot, J.M. Arnaud, Brault et P. Vidal et Mmes Herzog et O. Richard, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 431-6 du code de l'environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Constitue un étang piscicole tout plan d'eau naturel ou artificiel relié aux milieux aquatiques utilisé pour une activité d'aquaculture et toute autre activité liée à l'étang lui-même.

« Les dispositions relatives aux étangs piscicoles s'appliquent également aux installations de transformation et de commercialisation situées à leurs abords immédiats et nécessaires à leur exploitation. »

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je tiens à attirer votre attention sur une catégorie d'agriculteurs très particuliers : les pisciculteurs d'étang.

Puisqu'il s'agit de lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, je vous alerte quant aux normes que ces professionnels doivent appliquer, qu'il s'agisse des vidanges, des démarches administratives ou de lutte contre la prédation des cormorans.

Ces contraintes sont encore complexifiées par l'absence de définition juridique de l'étang piscicole. À ce jour, on est contraint de s'en tenir à la notion générale de plan d'eau, sans aucune distinction d'usage.

Cet amendement vise précisément à donner une définition aux étangs piscicoles.

La production de poissons assurée par cette filière a baissé de presque 60 % en dix ans. Ce déclin aggrave le déficit de la balance commerciale française en matière de produits issus de la pêche et de l'aquaculture, lequel dépasse désormais 4 milliards d'euros.

Les rapports sont unanimes : non seulement le développement de la pisciculture en étang est un enjeu de souveraineté alimentaire, mais il peut contribuer à réduire l'empreinte environnementale globale de la consommation de protéines animales en France.

J'ajoute que les étangs rendent des services écosystémiques, parmi lesquels la régulation des régimes hydrologiques, l'épuration de l'eau et l'augmentation de la biodiversité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Ma chère collègue, votre demande est satisfaite par l'article 17 du projet de loi d'orientation agricole.

En outre, je rappelle que nous avons, sur ce sujet, adopté des amendements de notre collègue Guillaume Chevrollier.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, j'entends votre préoccupation. Mais, comme l'a dit M. le rapporteur, votre demande est déjà satisfaite par plusieurs textes, dont le code de l'environnement et deux arrêtés ministériels relatifs aux étangs piscicoles.

En conséquence, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Madame Sollogoub, l'amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je vous fais confiance, mais ma demande n'est pas satisfaite par le code de l'environnement. Peut-être le sera-t-elle par des décrets à venir ou par le projet de loi d'orientation agricole. Quoi qu'il en soit, en l'état, rien n'est fait.

Cela étant dit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié est retiré.

TITRE III

FACILITER LA CONCILIATION ENTRE LES BESOINS EN EAU DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET LA NÉCESSAIRE PROTECTION DE LA RESSOURCE

Intitulé du titre III

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié octies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mmes Saint-Pé et L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Romagny, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :

Concilier la nécessaire protection de l'agriculture et de la ressource en eau 

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Cet amendement rédactionnel vise à apporter quelques clarifications importantes pour la jurisprudence, demain.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Honnêtement, je ne vois pas ce que cette modification peut apporter. La commission y est donc plutôt défavorable, mais s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié octies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

Le code de l'environnement est ainsi modifié :

1° L'article L. 211-1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– après la seconde occurrence du mot : « gestion », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « respecte le principe de non-régression du potentiel agricole, prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : » ;

– au 1°, les mots : « , ou dont » sont remplacés par les mots : « et dont » ;

– au 5° bis, la seconde occurrence des mots : « l'eau » est remplacée par les mots « la ressource » et, après le mot : « garantir », sont insérés les mots : « le développement de » ;

– après le même 5° bis, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter La préservation de l'accès à la ressource en eau aux fins d'élevage ; »

b) Le II est ainsi modifié :

– après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle doit permettre de satisfaire les exigences du maintien et du développement des activités agricoles et piscicoles. » ;

– au début du 3°, les mots : « De l'agriculture, » sont supprimés ;

1° bis (nouveau) Après l'article L. 211-1-1, il est inséré un article L. 211-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1-2. – Pour l'application du présent titre, et notamment du VII de l'article L. 212-1, et dans le respect des dispositions de l'article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, les projets destinés au stockage de l'eau et aux prélèvements nécessaires au remplissage des plans d'eau, permanents ou non, qui répondent à un usage partagé au sens du 5° bis du I de l'article L. 211-1 sont réputés d'intérêt général majeur. » ;

2° L'article L. 212-1 est ainsi modifié :

a) Le II est ainsi modifié :

– au 1°, le mot : « économique » est remplacé par les mots : « des nécessités économiques » ;

– la dernière phrase du 3° est ainsi rédigée : « Elles sont compatibles avec le principe de non-régression du potentiel agricole, qui implique une préservation voire un accroissement ponctuel des prélèvements d'eau aux fins agricoles, notamment d'irrigation et d'élevage. » ;

b) Au premier alinéa du VII, après le mot « humaines », sont insérés les mots : « , notamment agricoles, » ;

c) Le XI est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils prennent particulièrement en compte et évaluent, dans leur phase d'élaboration ou d'instruction, les impacts attendus sur l'économie agricole, et s'assurent du respect du premier alinéa et du 5° bis du I de l'article L. 211-1, du 3° du II et du VII du présent article. » ;

d) Le XIII est complété par les mots : « , notamment celles relatives au respect du principe de non-régression du potentiel agricole » ;

3° Le 1° du II de l'article L. 212-5-1 est complété par les mots : « , dans le respect des dispositions relatives à la protection du potentiel agricole mentionné au premier alinéa et au 5° bis du I de l'article L. 211-1, au 3° du II et au VII de l'article L. 212-1 » ;

4° Le premier alinéa de l'article L. 212-6 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « département », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « , qui s'assure notamment du respect du principe de non-régression du potentiel agricole, tel que mentionné au premier alinéa et au 5° bis du I de l'article L. 211-1, au 3° du II et du VII de l'article L. 212-1. » ;

b) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Son arrêté d'approbation est publié. » ;

5° L'article L. 213-8 est ainsi modifié :

a) Au 2°, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;

b) Au 2° bis, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l'article.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réellement surpris que cette proposition de loi n'ait pas fait l'objet, a minima, d'une saisine pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, tant les sujets qu'elle traite relèvent également du champ de compétence de celle-ci. Je m'en suis d'ailleurs ouverte au président de notre commission.

Cette ostracisation délibérée est une nouvelle preuve de la volonté des auteurs de ce texte de faire passer des normes d'intérêt général pour des contraintes d'intérêt privé.

La gestion de l'eau, dont nous traitons ici, est l'une des grandes thématiques sur lesquelles travaille notre commission. De nombreux collègues ont rédigé des rapports d'information importants sur la question. Je pense notamment à Hervé Gillé et à Rémy Pointereau.

Au lieu de s'inspirer des propositions de bon sens figurant dans leurs rapports, cet article risque de fragiliser un édifice juridique indispensable à la conciliation des usages de l'eau. La définition des zones humides est ainsi remise en cause, alors que le bon fonctionnement du cycle de l'eau en dépend en grande partie.

Il serait bon que nos collègues lisent et entendent, ne serait-ce qu'une seule fois, les travaux d'hydrologues de renom. Si la nouvelle définition prévue par l'article devait être adoptée, un très grand nombre de zones humides seraient déqualifiées, alors qu'elles sont parfaitement caractérisées. De ce fait, elles ne feraient plus l'objet des mesures de préservation fonctionnelle dont elles peuvent bénéficier.

Mes chers collègues, il s'agit là d'un enjeu d'intérêt général majeur : en rendant cumulatifs les critères de sol et de végétation, cette rédaction rendra impossible le classement en zone humide d'une parcelle cultivée sur laquelle l'activité agricole empêche le développement de la végétation naturelle caractéristique – je pense par exemple à la production de maïs.

Malgré toutes les circonlocutions de M. le rapporteur, cet article aura de lourdes conséquences sur l'environnement et pour le partage de l'eau.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, sur l'article.

M. Vincent Louault. Ce sujet est très important et mérite que nous y passions un peu de temps.

La définition actuelle des zones humides empêche de construire sur des zones cultivables, des zones classées U par les plans locaux d'urbanisme (PLU) ou UI dans les zones industrielles. Le rapport de compensation est d'un sur trois, et je ne parle pas du « zéro artificialisation nette » (ZAN) : c'est alors la double peine !

Dans un village de mon département, un terrain situé à 100 mètres de l'église est classé en zone humide sur la base du seul critère pédologique, à cause de la présence d'oxydes ferreux. Or des régions entières ont des sols riches en oxydes ferreux : je pense à la Vendée, territoire à l'origine entièrement marécageux (Mme Annick Billon le confirme.), ou encore au Pas-de-Calais, département intégralement classé en zone humide.

La loi portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement, est revenue sur une jurisprudence que l'on avait mis trente ans à établir. Ce travail a pris beaucoup de temps, car il a fallu définir ce qu'est un étang, puis ce qu'est une zone humide. Selon cette jurisprudence, une terre doit cumuler la présence d'oxydes ferreux dans le sol et celle de plantes hygrophiles pour être qualifiée comme humide. Je demande que l'on revienne à cette définition.

Je suis très déçu de la réponse technocratique du Gouvernement. Ce dernier tend une simple sucette aux agriculteurs, en les autorisant à mener des projets agricoles, et oublie purement et simplement les collectivités territoriales.

Le Sénat est l'assemblée des collectivités : nous ne saurions accepter de voir nos zones U bousillées par les zones humides créées par les semelles de labour de nos charrues !

Nous nous sommes donc entendus en commission pour réinstaurer le caractère cumulatif des critères définissant une zone humide. Mes chers collègues, j'en appelle à votre vigilance : il faut rejeter l'amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l'article.

M. Michel Canévet. Avant tout, je tiens à féliciter les auteurs de cette proposition de loi. Il faut effectivement lever un grand nombre des contraintes qui pèsent sur les agriculteurs pour assurer la souveraineté alimentaire et économique de notre pays.

Des contraintes, il y en a partout : samedi dernier, je me suis rendu à la cérémonie des vœux de la commune de Lampaul-Guimiliau, où a fermé il y a onze ans l'abattoir Gad, qui employait 850 personnes. Cette fermeture s'explique tout simplement par la diminution de l'élevage breton.

Un projet vise à installer sur l'ancien site de Gad une unité de transformation du lin, dont la culture a jadis fait la prospérité d'une partie du Léon, au nord de la Bretagne. Or les porteurs du projet, qui souhaitent construire sur ce site déjà industrialisé, ont découvert que l'on y soupçonnait la présence d'un couple de chauves-souris : ils doivent non seulement déployer plus de 100 000 euros d'investissement pour construire une tour susceptible d'héberger, le cas échéant, ces animaux, mais aussi geler 2 000 mètres carrés devant la future unité de production.

C'est là une simple illustration des contraintes que nous faisons peser sur tous ceux qui entreprennent. Le résultat est clair : alors que nous aurions pu produire du lin dès cette année sur 400 à 500 hectares, le projet est reporté à des jours meilleurs. Voilà, madame la ministre, la réalité du terrain ! Et il ne s'agit que d'un exemple parmi bien d'autres.

Nous devons lever les contraintes et faire en sorte que notre réglementation tienne compte des réalités économiques. Là où il y a eu une activité industrielle, une nouvelle activité industrielle doit pouvoir s'implanter.

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, sur l'article.

Mme Lauriane Josende. Je tiens à alerter le Gouvernement sur les difficultés que rencontrent les territoires touchés par la sécheresse.

Madame la ministre, vous connaissez très bien la situation terrible dans laquelle se trouvent les Pyrénées-Orientales : le rendement des vignobles y a été divisé par deux à cause de la sécheresse dont nous faisons les frais depuis deux ans.

J'avais déposé des amendements sur cet article, mais ils ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 41 de la Constitution. Puisqu'il s'agit a priori de mesures réglementaires, je m'en remets à vous.

Il convient de simplifier les normes et d'alléger les contraintes. Je précise que ces dispositions ont été élaborées avec l'ensemble des acteurs locaux, qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou des acteurs économiques, en particulier les agriculteurs.

Il s'agit tout simplement de coller à la réalité du terrain. En France, les règles relatives au débit des cours d'eau sont applicables partout et inadaptées aux spécificités de la géographie méditerranéenne.

Le débit de nos cours d'eau peut être très fort en hiver, mais, malheureusement, quasi inexistant en été, du fait de la sécheresse. L'arrosage dépendant des canaux gravitaires, la question des retenues collinaires est cruciale.

Je tiens à souligner que vous vous êtes intéressée à nos difficultés dès votre prise de fonction et que vous vous êtes rendue dans notre département. Si nous ne pouvons passer par la loi, il est temps d'adopter par voie réglementaire ces mesures, qui sont prêtes et faciles à appliquer.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Lauriane Josende. Je compte sur votre engagement.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, sur l'article.

M. Mickaël Vallet. Le fait de passer par une proposition de loi nous prive d'étude d'impact, ce qui pose tout de même problème.

De nombreux collègues appellent à porter un regard objectif sur la situation en se fondant sur des données scientifiques ; mais, faute d'étude d'impact, l'on risque de minimiser les conséquences d'un tel article.

Dans l'exposé des motifs, on se contente d'indiquer que le retour à la définition des zones humides de 2019 a pour objet de « réduire l'insécurité juridique des agriculteurs ». Selon cette définition, pour être qualifié de zone humide, un terrain devra cumuler deux critères – un sol hydromorphe et une végétation hygrophile – et non plus à répondre à l'un des deux.

Pour ma part, je ne parviens pas à comprendre de quelle insécurité juridique il est question. J'ai consulté le compte rendu des débats en commission : il a été question de pertes de chances pour la construction de zones industrielles, comme à l'instant au sujet du lin.

Mes chers collègues, nous pouvons tous donner des exemples locaux, mais cela ne fera pas une étude d'impact. En revanche, comme chacun d'entre vous, je sais que les zones humides, qui filtrent naturellement l'eau, constituent des zones tampons irremplaçables. La construction de stations d'épuration se heurte à de nombreuses difficultés urbanistiques : nous devrions donc nous réjouir d'en avoir de « naturelles ».

Je souligne également que ces zones sont des réserves de biodiversité, sans tomber dans la caricature du couple de chauves-souris ou de je ne sais quel pélobate cultripède qui empêcherait la construction d'une unité de production.

En outre, ces zones sont utiles pour capter le carbone – ce n'est pas un petit sujet – et permettent de maintenir un élevage extensif.

Un rapport de 2009 estimait que 67 % des zones humides avaient disparu en un siècle, et l'on voudrait encore en retrancher. L'argument de la sécurité juridique des agriculteurs ne colle pas à bien des réalités de terrain. Voici la mienne : mon département compte plus de 100 000 hectares de zones humides, dont plus de 10 000 dans un seul canton. Mais les agriculteurs, toutes tendances syndicales confondues, n'appellent pas à requalifier ces zones.

Monsieur le président, mon temps de parole étant écoulé, je poursuivrai mon propos après la présentation des amendements de suppression de l'article.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 12 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 47 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L'amendement n° 82 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Cabanel et Guiol, Mme Jouve et MM. Masset et Roux.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 5.

M. Daniel Salmon. L'article 5 modifie la hiérarchie des usages de l'eau en reconnaissant par principe un ouvrage de stockage d'eau pour une activité agricole comme d'intérêt général majeur et en inscrivant le principe de « non-régression du potentiel agricole » dans le code de l'environnement. Ce faisant, il remet en cause l'ensemble de la politique sanitaire et écologique de la gestion de l'eau.

De plus, il modifie la définition des zones humides afin d'en réduire le périmètre, donc le niveau de protection. Or les scientifiques et les organismes chargés de la protection des écosystèmes ont largement documenté le fait que ces zones cruciales pour la biodiversité, le fonctionnement du cycle de l'eau et la lutte contre les inondations étaient en train de disparaître.

Certains réclament que nous nous fondions sur la science pour légiférer : c'est précisément ce que je fais.

Ces constats ne sortent pas du chapeau : ils sont issus des travaux d'hydrologues spécialistes du sujet. Il est donc hors de question de revenir sur la définition des zones humides.

En l'absence de tout encadrement et de toute distinction entre les usages agricoles de l'eau, cet article favorise les pratiques intensives et ouvre la voie à l'accaparement des ressources par les acteurs dont les moyens financiers sont suffisants pour réaliser des ouvrages.

À l'heure actuelle, les zones de répartition des eaux (ZRE) couvrent plus d'un tiers de l'Hexagone. Autrement dit, la quantité d'eau disponible est inférieure aux besoins de la population, y compris hors des périodes de sécheresse. Ce déséquilibre structurel menace à la fois les usages et les milieux. Il nuit aux objectifs de reconquête et de maintien du bon état des eaux.

Une telle situation devrait nous conduire à adopter une trajectoire généralisée de sobriété, applicable à tous les usages. Pourtant, l'irrigation continue de se développer – les surfaces irrigables ont augmenté de 23 % entre 2010 et 2020. Elle est essentiellement destinée à la culture du maïs et du soja. Bref, on irrigue ici et on déforeste au Brésil : bonjour le développement durable !

Pour l'ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 5.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 12.

M. Jean-Claude Tissot. Nous proposons nous aussi de supprimer l'article 5, relatif à l'usage de la ressource en eau en agriculture.

Nous pensons sincèrement que les solutions proposées ne sont pas les bonnes. Ce n'est pas en traitant la question de l'eau sous le seul prisme de l'agriculture que nous trouverons un système efficace, durable et acceptable par tous.

La crainte que cet article nous inspire a encore été renforcée lorsque nous avons pris connaissance de certains amendements déposés par nos collègues centristes, qui tendent à aller encore plus loin. Il nous paraît impensable de légiférer avec tant de légèreté sur ce sujet crucial – l'eau est notre bien commun le plus précieux.

Nous nous opposons fermement à la modification de la hiérarchie des usages de l'eau consistant à reconnaître par principe un ouvrage de stockage d'eau pour une activité agricole comme d'intérêt général majeur et à inscrire le principe de non-régression du potentiel agricole dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ou les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage).

Dans le contexte actuel, le fait de diminuer la part de la société civile au profit de celle des agriculteurs dans les comités de bassin s'apparente clairement à une provocation. Cet article nous apparaît davantage comme un tract politique, visant à donner des gages à une partie des représentants du monde agricole, qu'à une réforme réfléchie de notre modèle de gestion de la ressource en eau en agriculture.

Pourtant, face aux effets du changement climatique, nous pourrions nous accorder sur la nécessité d'une réforme globale de notre politique de l'eau en vue d'un usage raisonné et partagé de cette ressource. Mais une telle réforme doit faire l'objet d'un texte de loi à part entière, fondé sur la concertation de tous les acteurs, accompagné d'une étude d'impact solide et documentée, nourrie notamment de la littérature savante.

À cet égard, je tiens à mentionner les travaux de notre collègue Hervé Gillé. Dans son rapport d'information sur la gestion durable de l'eau, remis en 2023, M. Gillé relève que le dialogue et la concertation sont la clef d'un usage raisonné et partagé de la ressource. L'une des précieuses recommandations de ce rapport est de conditionner les retenues d'eau à des contrats d'engagement réciproque portant notamment sur des changements de pratiques pour aller vers davantage de sobriété.

En tout état de cause, cet article ne ferait que déséquilibrer le système et attiser les tensions existantes. Les membres du groupe socialiste demandent donc sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 47.

M. Gérard Lahellec. L'article 5 facilite les projets de stockage de l'eau présentant un intérêt général majeur, en oubliant que le partage de l'eau est essentiel et qu'il faut, en priorité, assurer la disponibilité de l'eau potable pour chacun.

De plus, cet article propose une nouvelle définition des zones humides, au risque de voir ces dernières disparaître sinon entièrement, du moins en partie.

Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à proposer la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l'amendement n° 82 rectifié.

M. Henri Cabanel. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. L'article 5 est crucial pour sécuriser les usages agricoles de l'eau. La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour cet article absolument déterminant comme pour presque tous les autres articles du présent texte, nous avons travaillé en bonne intelligence avec le ministère de la transition écologique. (Marques d'ironie sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) L'eau relevant, comme vous le savez, du périmètre de ce ministère, il était important que nous travaillions de concert.

Il s'agit là d'un sujet majeur pour les agriculteurs, car la question du stockage est particulièrement déterminante. Au cours de l'année qui vient de s'écouler, malgré une pluviométrie exceptionnelle, de nombreux territoires ont subi des sécheresses aux conséquences dramatiques. Face à ces manifestations du changement climatique, des mesures de stockage de l'eau seraient plus qu'utiles.

Madame Josende, j'ai été réellement marquée par les visites que j'ai effectuées dans votre département : la sécheresse y provoque des ravages inimaginables. Sans eau, il ne peut y avoir d'agriculture. Il faut prendre la mesure de la situation.

J'y insiste, cet article est déterminant. Le Gouvernement est donc défavorable à ces quatre amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

M. Mickaël Vallet. Je profite de cette explication de vote pour poursuivre mon propos précédent.

Madame la ministre, vous avez abordé la question de l'élevage en montagne, que vous connaissez bien. Aussi, peut-être pourrez-vous nous éclairer.

On souhaite aujourd'hui s'inspirer de l'élevage extensif pratiqué dans les zones de montagne au profit des zones humides, notamment des marais. C'est précisément pourquoi on l'étudie de très près. Sans doute êtes-vous vous-même sensible à cette question. Sur le fond, qu'en pense le Gouvernement ?

Par ailleurs, le fait que vous ayez travaillé de concert avec le ministère de la transition écologique n'est pas vraiment de nature à nous rassurer, étant donné l'actuelle titulaire du poste et les décisions prises ces derniers mois.

Vous entendez conforter le métier d'agriculteur et vous vous dites favorable à la redéfinition des zones humides ; soit, mais pour qui ? Pour ceux qui pensent encore qu'il est de bon aloi de retourner des terres de marais, parce qu'elles sont extrêmement productives ? Ne vous y trompez pas, ils ne sont qu'une minorité ! Il faut plutôt d'écouter tous les autres.

Je sais que, d'un point de vue juridique, la définition des zones humides ne remet pas en cause le classement en zone de marais. Mais quel signal votre ministère enverrait-il en acceptant de redéfinir les zones humides de manière si restrictive ?

À cet égard, permettez-moi d'invoquer un de nos anciens collègues, qui siégeait du reste à la droite de l'hémicycle : il s'agit de Jérôme Bignon, qui est toujours président de Ramsar France. M. Bignon a pour habitude de dire que, lorsqu'on touche aux zones humides, il ne faut le faire que d'une main tremblante.

Madame la ministre, au moment d'apporter votre soutien à cet article, votre main a-t-elle un peu tremblé ? En assumez-vous l'intégralité, y compris au sujet des zones humides ?

Je vous invite à venir dans le marais de Brouage pour constater l'importance de ces zones, pour les agriculteurs comme pour l'ensemble de la population.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je ne crois pas que la décision de supprimer le caractère cumulatif des deux critères en 2019 ait été étayée par une quelconque étude d'impact. Rendez-vous compte : 30 % de notre pays est, de ce fait, classé en zone humide !

Auparavant, tout se passait très bien. Les agents des directions départementales des territoires (DDT) savaient faire preuve de pragmatisme, ils examinaient au cas par cas la présence de plantes hygrophiles et les critères pédologiques. Désormais, des cabinets d'études s'en chargent, ce qui donne lieu à des situations pour le moins exotiques : dans ma commune, sur les 50 hectares de la zone industrielle, la part de zones humides a été tour à tour évaluée à 60 %, à 30 % et à 10 % par trois cabinets différents, sur la base du seul critère pédologique.

Mes chers collègues, comment croire que le but d'un tel article est de détruire des zones humides ? Il n'est pas question de cela ! Mais rendez-vous bien compte que 30 % de nos zones urbanisées sont actuellement classées dans cette catégorie !

Un maire agriculteur des Ardennes m'a présenté, dans sa commune, un terrain caractéristique : d'un côté, une prairie, des joncs et une petite mare ; de l'autre, un grand vallon labouré. Les deux côtés sont classés en zone humide ! Aucune différenciation n'est faite. Dès lors que vous labourez, vous libérez des oxydes ferreux, d'où le classement en zone humide.

Madame la ministre, en cédant au délire, en voulant tout surprotéger, nous finirons par sanctuariser la France ! Dans certaines régions, toutes les exploitations agricoles sont en zone humide. En Bretagne, pour construire un poulailler sur un hectare, il faut trouver trois hectares au titre de la compensation. Cela vaut pour toutes les exploitations agricoles situées en fond de vallée. Un peu de pragmatisme et de bon sens !

M. Mickaël Vallet. Ah, le bon sens !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, j'estime comme chacun d'entre nous que la question de l'eau est fondamentale pour l'avenir de l'agriculture. Mais que faites-vous de l'engagement pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale ?

Je rappelle que M. Bayrou s'est engagé à lancer une conférence nationale sur l'eau, organisée dans chaque région. Au-delà de ce qui a déjà été fait en la matière avec plus ou moins de succès, cette idée mérite d'être concrétisée. Cela constituerait une nouvelle étape dans la manière d'appréhender cette question fondamentale pour l'avenir de notre pays, de notre agriculture et de notre alimentation.

Je comprends que ce texte a une dimension d'affichage, qu'il répond à des enjeux politiques et syndicaux et qu'il faut émettre des signaux. Il n'en faut pas moins adopter une démarche structurée, à la hauteur des enjeux et des besoins. Je partage les préoccupations de mes collègues sur toutes les travées, mais il convient de procéder dans l'ordre.

Pourquoi n'aborder ce sujet que par les quelques points traités dans cette proposition de loi ? Bien d'autres doivent être pris en considération pour faire preuve d'efficacité collective et répondre à l'intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour explication de vote.

M. Ludovic Haye. Je suis d'accord avec Mme la ministre, et j'enfoncerai même le clou.

J'ai participé à la mission d'information de nos collègues Hervé Gillé et Rémy Pointereau, dont il est ressorti qu'il convenait d'insister sur la gestion de l'eau.

Actuellement, les eaux pluviales sont plus abondantes qu'au cours des années précédentes, mais elles s'infiltrent rapidement dans les sous-sols. L'enjeu n'est pas de sanctuariser toujours plus de parcelles, mais d'entretenir les infrastructures existantes.

Nos mares et nos ruisseaux sont totalement sédimentés. Je rappelle qu'à la base un ruisseau est un volume d'eau et non un simple segment entre un point A et un point B. Je respecte le travail de nos DDT, mais j'observe aussi nous n'avons plus le droit de toucher au moindre ruisseau, ne serait-ce que pour l'entretenir.

Commençons par entretenir l'existant, remettons de l'eau en surface et soyons capables de gérer cette ressource avec nos agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. La gestion de l'eau est effectivement une question centrale.

Pendant plusieurs décennies, on s'est affranchi de la science et, plus largement, du savoir. En Bretagne, le remembrement a eu des conséquences terribles. Des cours d'eau ont été rectifiés de sorte qu'une goutte d'eau tombant sur les monts d'Arrée, qui mettait auparavant plusieurs jours pour rejoindre la mer, le fait désormais en quelques heures. En résultent de nombreuses crues, qui touchent notamment la ville de Quimper.

Il est temps de rompre avec le simplisme et d'appréhender de nouveau le grand cycle de l'eau, ce qui exige une réflexion aboutie. Nous ne saurions traiter une telle question de manière si segmentée.

J'entends les arguments de mes collègues, mais, pour ma part, j'estime qu'il va falloir pousser la réflexion beaucoup plus loin que nous ne le faisons ce soir.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 12, 47 rectifié et 82 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Après le 5° bis du I de l'article L. 211-1, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter La préservation de l'accès à la ressource en eau aux fins d'abreuvement ; »

2° Après l'article L. 211-1-1, il est inséré un article L. 211-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1-2. – Les ouvrages de stockage d'eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés, qui poursuivent à titre principal une finalité agricole, sont présumés d'intérêt général majeur dans les zones affectées d'un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu'ils sont issus d'une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l'ensemble des usagers, qu'ils s'accompagnent d'un engagement dans des pratiques sobres en eau et qu'ils concourent à un accès à l'eau pour ces usagers. » ;

3° L'article L. 214-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Une zone humide, telle que définie à l'article L. 211-1, est considérée comme fortement modifiée dès lors que l'usage qui en est régulièrement fait ne lui permet plus d'assurer l'essentiel des fonctions écosystémiques spécifiques caractérisant les zones humides.

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions selon lesquelles les impacts des installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sur une zone humide fortement modifiée, sont suffisamment faibles pour justifier qu'ils ne soient pas soumis à autorisation ou déclaration au seul titre de la préservation des zones humides. »

4° Après l'article L. 411-2-1, il est inséré un article L. 411-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 411-2-2. – Sont présumés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2, les ouvrages de stockage d'eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole dans les zones affectées d'un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu'ils résultent d'une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre tous les usagers, qu'ils s'accompagnent d'un engagement des usagers dans des pratiques sobres en eau et qu'ils concourent à un accès à l'eau pour tous les usagers. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. De nombreux sujets ont déjà été abordés, sur lesquels nous reviendrons dans la suite de la discussion.

Les auteurs de cette proposition de loi entendent sécuriser l'accès à la ressource en eau pour les agriculteurs. J'ose espérer que nous visons tous cet objectif.

Toutefois, la rédaction initiale n'était pas opérante juridiquement et exposait à des risques majeurs d'un point de vue conventionnel.

Par cet amendement, le Gouvernement assure ainsi une nécessaire sécurisation juridique au regard des textes européens, notamment la directive-cadre sur l'eau et la directive Habitats, tout en répondant à trois fortes attentes exprimées par le monde agricole.

Tout d'abord, il inscrit la préservation de l'accès à la ressource en eau aux fins d'abreuvement du bétail. Il s'agit là d'un point majeur : pour pratiquer l'élevage, il faut non seulement des prairies, mais aussi de l'eau, tout simplement car il faut abreuver les bêtes. Il me semble que cet enjeu de santé animale fait l'objet d'un large consensus.

Ensuite, il précise la rédaction de l'article quant aux projets de stockage de l'eau – l'objectif est de concilier préservation du potentiel agricole et préservation de la ressource en eau tout en assurant le juste partage de cette dernière. On en revient à la nécessité de sécurisation juridique, au regard du droit européen, quant à la qualification d'intérêt général majeur.

Enfin, nous proposons de renforcer la conformité au droit européen des projets de stockage d'eau présentant un intérêt général majeur ou étant motivés par une raison impérative d'intérêt public au regard de la directive-cadre sur l'eau ou de la directive concernant la conservation des habitats naturels. Ainsi, il convient de centrer la présomption d'intérêt général majeur sur des ouvrages dont la réalisation résulte d'une concertation locale et qui visent spécifiquement à répondre à un enjeu de stress hydrique pour l'agriculture.

Lorsque j'étais maire, j'ai connu dans ma commune des rectifications de cours d'eau qui ont empêché de créer des retenues en cas d'inondations. Celles-ci ne sont pas aussi dramatiques que dans certains territoires, mais elles sont fréquentes en raison des crues du Doubs.

Monsieur Salmon, vous n'êtes pas sans savoir que, dans beaucoup d'endroits en France, l'on reméandre. (M. Jean-Jacques Michau opine.) On cherche, ce faisant, à ralentir les cours d'eau et à mieux capter l'eau, afin d'empêcher les inondations. (M. Daniel Salmon acquiesce.)

Il n'est pas question pour nous de revenir sur la définition des zones humides, dont on sait toute importance environnementale. Il convient tout simplement de s'adapter à la réalité du terrain.

Il y a des zones humides qui ne le sont plus – vous en connaissez comme moi –, soit parce qu'un cours d'eau a été rectifié, soit parce que l'eau disparaît, par exemple dans les sous-sols karstiques : c'est le cas dans ma circonscription et dans bien d'autres territoires.

Il est opportun d'alléger la réglementation dès lors que les zones humides ne le sont plus. Voilà, dans le principe, ce que nous suggérons d'inscrire dans la loi, dans un esprit de simplification.

Sachez que nous avons travaillé sur ce sujet avec le ministère de la transition écologique. C'est tout de même un gage… (Exclamations à gauche.)

M. Mickaël Vallet. Justement, on se méfie d'Agnès Pannier-Runacher !

Mme Annie Genevard, ministre. C'est bien la preuve que nous avons veillé au respect de l'environnement en rédigeant cet amendement.

J'insiste sur l'importance de la notion de zone humide fortement modifiée, par parallélisme avec les cours d'eau fortement modifiés.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement souhaite réécrire l'article 5. Il est essentiel d'assurer la conventionnalité de la qualification d'intérêt général majeur, de sécuriser les stockages d'eau et d'adapter des zones humides à la réalité du terrain. Ces mesures, fondamentales, sont particulièrement attendues par les agriculteurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Selon la formule consacrée, l'eau, c'est la vie. Cette ressource est importante et même indispensable pour les plantes, donc pour l'agriculture, et in fine pour chaque être humain.

Cet amendement est le fruit des nombreux échanges intervenus entre la commission et le Gouvernement, puis des concessions faites de part et d'autre.

De notre côté, nous acceptons de renvoyer à la conférence sur l'eau, dont le M. Premier ministre a annoncé la tenue prochainement, les dispositions relatives aux Sdage, aux Sage et à la hiérarchie des usages de l'eau. Nous acceptons également de réécrire la disposition relative aux zones humides, qui constitue une véritable avancée.

Le Gouvernement, lui, s'est engagé à sécuriser juridiquement la qualification d'intérêt général majeur s'attachant aux ouvrages de prélèvement d'eau et aux prélèvements y afférents. Il s'agit pour la profession agricole d'une victoire majeure, dont il ne faut pas mésestimer la portée.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Madame la ministre, j'ai beau être d'un tempérament pugnace, mais je sais rester raisonnable dans les combats que je mène. Aussi, je vais vous faire confiance. Mais, en retour, j'espère que vous répondrez à mes questions.

Mes chers collègues, l'application d'une telle mesure sur 30 % de la surface de la France aurait d'énormes conséquences. Bientôt, du fait de la jurisprudence, plus aucun projet ne pourrait voir le jour, alors même que les zones humides, dont je suis un fervent défenseur, ne sont absolument pas menacées.

C'est un sujet que j'ai évoqué avec le président de l'association Ramsar et une dizaine d'opérateurs. Ils admettent tous que le cumul des deux critères n'est pas vraiment ce qu'ils avaient demandé.

En parallèle, la loi ne définit toujours pas ce qu'est un étang, une zone humide ou un cours d'eau : c'est bien là sa faiblesse. Ces lacunes finissent par créer des réticences et beaucoup de conflits, notamment avec l'Office français de la biodiversité (OFB). Assimiler à un cours d'eau un étang qui demeure sans fossé depuis deux cents ans, cela pose quelques problèmes.

Encore une fois, je vous fais confiance, madame la ministre… Mais ne me décevez pas ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Me voilà soumise à un challenge redoutable, monsieur le sénateur Louault ! (Nouveaux sourires.)

Je prends devant vous l'engagement de demander dès demain aux directions concernées, notamment, outre les services du ministère de l'agriculture, la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) et la direction générale des collectivités locales (DCGL), d'organiser un groupe de travail auquel vous serez associé, afin d'étudier précisément vos propositions dans le cadre de la navette parlementaire.

M. Vincent Louault. Merci, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Décidément, nous faisons une fois de plus du bon travail dans cet hémicycle.

À partir des dispositions élaborées par les auteurs de cette proposition de la loi et par la commission, le Gouvernement est conduit à formuler une rédaction qui reprend l'esprit du présent texte et tient compte de l'importance des zones humides. Nous empruntons ainsi un chemin tout à fait fécond.

Madame la ministre, je tiens également à vous remercier : vous vous efforcez de concilier la nécessaire protection des zones humides, qui sont de véritables poumons pour nos territoires, et les projets des agriculteurs. C'est sans hésitation que je voterai cet amendement. (Exclamations les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

M. Mickaël Vallet. Mes chers collègues, je me réjouis que nous débattions à présent de manière un peu plus sereine, et je tiens à formuler deux remarques.

Premièrement, en l'absence d'étude d'impact et de moyens d'objectiver cette question, on peut être un peu lassé d'entendre les uns et les autres revendiquer les mesures qu'ils ont prises dans leurs territoires respectifs, que ce soit au titre d'un plan local d'urbanisme (PLU) ou d'un schéma de cohérence territoriale (Scot).

Je vous en prie, calmons-nous un peu ! Si nous siégeons dans cet hémicycle, c'est que nous avons tous tâté de ces questions d'aménagement du territoire. Épargnons-nous ce genre d'arguments, cela nous fera gagner du temps. (M. Jean-Marc Boyer proteste.)

Deuxièmement, madame la ministre, nous regarderons de très près le décret qui sera pris, conformément à notre mission de contrôle de l'action du Gouvernement. Je note que votre rédaction n'est pas aussi simpliste que la version initiale : le couperet se révèle moins tranchant.

Je conclus par une invitation tout à fait spontanée : nous vous accueillerons avec plaisir en Charente-Maritime pour y visiter les zones humides. Nous pourrons parler d'élevage extensif et de notre projet de parc naturel régional (PNR), qui, sans créer ni contrainte ni norme, fait travailler tout le monde ensemble.

M. Laurent Duplomb. Ah là là…

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. L'amendement du Gouvernement tend à améliorer l'orientation initiale de ces dispositions. Il a peut-être reçu l'aval du ministère de la transition écologique ; mais, pour ma part, je reste extrêmement prudent.

L'eau est un sujet de la plus haute importance. Or nous en sommes réduits à l'aborder via un simple amendement et sous le seul angle agricole.

Il nous faut voir cette question par un prisme beaucoup plus large, notamment en tenant compte de la consommation d'eau potable et de la consommation d'eau dans le domaine industriel.

L'eau, au sens large, n'est pas du tout prise en compte dans nos travaux de ce soir ; c'est précisément pourquoi je redouble de vigilance.

Mme la ministre nous promet un travail spécifique. Dans ce cas, est-il bien sérieux d'engager ainsi le chantier, sans attendre l'organisation de la conférence sur l'eau annoncée par le Premier ministre ? À quoi va servir cette conférence ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Vallet, sachez que j'ai moi-même contribué à créer un parc naturel régional dans mon territoire. Si vous n'êtes qu'au début de la démarche engagée avec les élus, je vous souhaite bon courage : la réalisation d'un tel projet prend dix à quinze ans.

M. Jean-Claude Tissot. Heureusement, il est jeune ! (Sourires.)

Mme Annie Genevard, ministre. L'organisation d'une conférence de l'eau à l'échelle nationale avait été annoncée par le Premier ministre Michel Barnier. François Bayrou a repris ce projet en lui donnant une dimension régionale. Je pense que c'est une bonne idée : quiconque parcourt la France du nord au sud comprend très vite que le vécu de l'eau n'est absolument pas le même dans les différents territoires.

Au travers de cet amendement, le Gouvernement vous demande simplement de prendre des dispositions pour empêcher les inondations et permettre l'accès à l'eau en vue de poursuivre une activité agricole.

Tel est d'ailleurs le sens du fonds hydraulique que mon prédécesseur Marc Fesneau a mis en place et dont j'ai annoncé les premiers lauréats il y a quelques mois. Les méthodes considérées sont multiples : réutilisation de la ressource, retenues collinaires, remise à niveau des systèmes d'adduction d'eau, etc. Tout dépend des besoins des régions. Il est donc essentiel d'organiser la conférence sur l'eau dans un cadre régional.

L'adoption de l'amendement gouvernemental ne compromettrait en rien cette démarche : aucune redondance n'est à craindre.

La conférence sur l'eau régionalisée a simplement pour but de réunir autour de la table tous ceux qui d'ordinaire ne se parlent pas, mais qui ont en commun la volonté d'aboutir. Ce point est déjà important.

Bien entendu, il appartiendra au Premier ministre de donner ses instructions. Quoi qu'il en soit, l'objectif est bien de permettre un certain nombre d'installations utiles au monde agricole, que nous voulons tous défendre et pérenniser.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé, et les amendements nos 78 rectifié, 52 rectifié nonies, 39 rectifié nonies, 38 rectifié septies, 79 rectifié, 36 rectifié nonies, 35 rectifié octies, 41 rectifié octies, 40 rectifié octies, 42 rectifié nonies, 34 rectifié octies, 20 rectifié octies, 21 rectifié nonies, 32 rectifié octies et 22 rectifié nonies n'ont plus d'objet.

Après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 28 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte, Sollogoub et Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 215-7 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les étangs piscicoles et aquacoles en travers d'un cours d'eau non domanial sont exclus de la police de l'eau. »

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Mes chers collègues, l'adoption de l'amendement du Gouvernement a rendu sans objet les nombreux amendements que j'avais déposés sur l'article 5. Je les aurais retirés quoi qu'il en soit ; ils ont au moins eu le mérite de mettre la pression sur le Gouvernement…

Avec ces dispositions, rédigées par les trois meilleurs cabinets d'avocats de France, nous pointions du doigt bon nombre d'irritants. Je pense en particulier aux Sage et aux Sdage, qui, pour les agriculteurs, compliquent considérablement l'accès à la ressource en eau. Je suis fier d'avoir poussé le Gouvernement au fond du terrier ! (Rires.)

Madame la ministre, je propose à présent d'exclure du champ d'application de la police de l'eau les étangs piscicoles et aquacoles situés en travers d'un cours d'eau non domanial. Par cet amendement un peu provocateur – je le reconnais –, je souligne que nous n'avons pas de solution à cet égard, car nous ne parvenons toujours pas à définir ce qu'est un étang.

En période de sécheresse, les agriculteurs se voient opposer des mesures de restriction sur les cours d'eau ordinaires, alors qu'ils disposent parfois de dizaines d'étangs, prétendument sur un cours d'eau. Ils ne peuvent plus utiliser cette ressource, alors que leurs étangs sont pleins.

En la matière, il est grand temps de renouer avec le pragmatisme : il faut stocker l'eau. M. Salmon le souligne à juste titre – vous voyez que je suis parfois d'accord avec lui ! –, il faut une gestion globale de l'eau. Si nous ne retenons pas l'eau pour l'utiliser ou créer des zones humides, nous sommes perdus.

Mme Nicole Bonnefoy. Et la préservation des sols ?

M. Vincent Louault. En créant un étang, on crée une zone humide d'accompagnement qui, in fine, recharge la nappe phréatique.

J'ignore quel sera le sort de cet amendement d'appel ; mais, en le votant ce soir, nous jetterions un véritable pavé dans la mare. J'y insiste, aujourd'hui, nos agriculteurs ne peuvent plus utiliser leurs étangs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mon cher collègue, il n'est pas souhaitable d'exclure du champ d'application de la police de l'eau les étangs piscicoles et aquacoles en travers d'un cours d'eau domanial, notamment parce que les vidanges doivent être encadrées. En conséquence, j'émets, à regret, un avis défavorable au nom de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, ce sujet pourra être soumis au groupe de travail que je viens d'annoncer.

Le Gouvernement émet à son tour un avis défavorable.

M. Vincent Louault. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 28 rectifié nonies est retiré.

TITRE IV

APAISER LES RELATIONS ENTRE L'OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ ET LES AGRICULTEURS

Intitulé du titre IV

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. « Apaiser les relations entre l'Office français de la biodiversité et les agriculteurs » : ce titre est effectivement engageant. J'ajoute que je souscris à l'objectif : c'est d'ailleurs tout le sens de la directive qu'Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons adressée aux agents de l'OFB. Nous leur avons plus précisément demandé de concentrer leurs efforts sur l'apaisement des relations avec les agriculteurs, dans le cadre d'une démarche bilatérale.

Toutefois, pour des motifs d'ordre juridique, le Gouvernement suggère d'intituler le titre IV : « Mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole ». Cette formulation sonne moins bien, mais elle est juridiquement plus rigoureuse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'intitulé du titre IV est ainsi rédigé.

Article 6

L'article L. 131-9 du code de l'environnement est complété par des V et VI ainsi rédigés :

« V. – Dans chaque département, il est instauré une mission inter-services agricole présidée par le représentant de l'État dans le département. La mission inter-services agricole rassemble l'ensemble des services de l'État amenés à effectuer des opérations de contrôle en matière agricole. Elle a pour finalité la mise en œuvre d'un contrôle administratif annuel unique dans les exploitations agricoles. Elle vise également à privilégier la remise en état aux autres sanctions. Un décret précise la composition et le fonctionnement de la mission interservices agricole, ainsi que les modalités de coordination avec les instances de concertations existantes.

« VI. – Dans le cadre de l'accomplissement de leurs fonctions, les inspecteurs de l'environnement communiquent, le cas échéant, leur procès-verbal d'infraction à leur autorité hiérarchique ; celle-ci le transmet, après signature, au procureur de la République territorialement compétent. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée et Souyris.

L'amendement n° 13 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 48 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 6.

M. Daniel Salmon. Nous entendons beaucoup parler de l'OFB ces derniers temps, et nous arrivons sans doute à un moment de vérité.

Cet amendement vise à supprimer l'article 6. Dans la version initiale du texte, ce dernier limitait les procédures judiciaires contre les auteurs d'infractions environnementales. Or l'idée selon laquelle la plupart des agriculteurs seraient soumis à des contrôles récurrents et excessivement lourds est plus que contestable.

Alors que le sujet des contrôles prenait de l'ampleur dans le débat public, l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et l'inspection générale de la justice (IGJ), dans un rapport commandé en février 2024, ont conclu que 89 % des exploitations agricoles n'avaient pas été contrôlées par le moindre service administratif.

M. Vincent Louault. Vous exagérez !

M. Daniel Salmon. Je n'exagère pas du tout : ce sont les chiffres, cher collègue.

Je pense que l'on a instrumentalisé l'OFB et que l'on a fait courir des rumeurs quant aux contrôles menés dans les exploitations agricoles. On reproche à ses agents des faits de harcèlement, mais en la matière on peut, hélas ! aller beaucoup plus loin.

En 2021, les agriculteurs ne constituent que 19 % des 20 000 personnes soumises à un contrôle administratif, derrière les particuliers. Cela représente 3 600 contrôles sur 389 000 exploitations en France métropolitaine selon le dernier recensement agricole, celui de 2020. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. On est bien loin de ce que l'on a pu entendre ici ou là. Contrairement à ce que certains affirment, les agriculteurs ne sont pas harcelés chaque jour par les agents de l'OFB, arrivant dans les exploitations pistolet à la main.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 13.

M. Jean-Claude Tissot. Par nos amendements précédents, nous exprimions notre ferme opposition au contenu de cette proposition de loi. À présent, nous demandons la suppression de l'article 6, non pas tant du fait de sa portée, mais à cause du contexte dans lequel il s'inscrit.

Nous le savons tous, les tensions entre l'OFB et les agriculteurs atteignent leur paroxysme. Nous pouvons d'ailleurs remercier M. le Premier ministre de ses dernières déclarations, qui n'ont fait que les attiser…

Disons-le d'emblée, les élus de notre groupe sont solidaires des agents de l'OFB, qui font l'objet d'attaques inacceptables. Le droit de retrait qu'ils exercent depuis le 17 janvier dernier est on ne peut plus légitime, tant le sentiment d'abandon doit être fort. À l'évidence, ils ne peuvent plus accomplir leurs missions sur le terrain en toute sécurité.

L'article 6 s'inspire des recommandations du rapport de notre collègue Jean Bacci sur l'évaluation de la loi portant création de l'OFB, présentées le 25 septembre dernier. Ce travail s'inscrivait déjà dans un contexte de troubles et de mise en cause des agents de l'OFB par certains syndicats agricoles, à la suite des manifestations de 2023.

Avec ce rapport à charge contre l'OFB, l'on cherchait manifestement à montrer patte blanche à une partie du monde agricole. On préconisait notamment la dépénalisation de certaines infractions environnementales, la généralisation d'un droit à l'erreur et la minoration des sanctions en cas de manquement avéré. On cachait à peine la volonté de proposer une réorientation des missions de l'OFB vers la prévention et l'accompagnement, au détriment d'un pouvoir de police pourtant indispensable pour protéger les milieux naturels. Voilà pourquoi nous nous étions fermement opposés à l'adoption de ce rapport.

L'article 6, tel qu'il a été réécrit en commission, ne reprend certes qu'une des propositions de ce rapport, qui, de surcroît, n'est pas la plus clivante. Toutefois, nous refusons par principe d'ouvrir ce débat en catimini, via un article isolé au sein d'une proposition de loi déposée dans l'urgence.

Si une réforme des missions, du fonctionnement et des relations de l'OFB avec l'ensemble du monde agricole devait avoir lieu demain, ce serait à l'issue d'un débat à part entière, apaisé et global, réunissant l'ensemble des acteurs. Chacune des parties prenantes devrait faire preuve d'une réelle transparence, en affichant clairement ses intentions.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 48.

M. Gérard Lahellec. Sous couvert d'apaiser les relations entre l'OFB et les agriculteurs, l'article 6 réduit les peines appliquées en cas de préjudice environnemental. En définitive, il met en cause les missions de l'OFB et le sérieux de ses agents.

Le présent texte attaque directement les outils de contrôle et de surveillance environnementale en affaiblissant le pouvoir de l'Office français de la biodiversité. Une fois de plus, il porte atteinte à la démocratie environnementale en alimentant une rhétorique opposant agriculture et écologie.

Dans ces conditions, nous ferons œuvre utile en supprimant l'article 6.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Que les choses soient bien claires : nous n'entendons jeter l'anathème sur personne.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Au contraire, nous souhaitons apaiser les relations entre l'OFB et l'ensemble des acteurs agricoles.

La commission est défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 13 et 48.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L'article L. 131-9 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Au 1° , après le mot : « contribution » sont insérés les mots : « , sous l'autorité du représentant de l'État dans le département, » et après les mots : « administrative et », sont insérés les mots : « contribution, sous la direction du procureur de la République, à l'exercice des missions » ;

2° Au IV après les mots : « établissements publics de l'État », sont insérés les mots : « , notamment en validant la programmation annuelle des contrôles réalisés dans le cadre de ces missions. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à renforcer les pouvoirs du préfet, qui est déjà délégué territorial de l'OFB, en faisant de lui le coordinateur des missions de police administrative de l'office.

En renforçant le rôle du préfet, nous améliorerons l'organisation des contrôles de la police de l'environnement et donc – j'en suis intimement persuadée – les relations entre les agents chargés de cette police et les usagers.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, il est minuit. Comme l'a suggéré Mme la présidente de la commission, je vous propose de prolonger nos débats afin d'achever l'examen du présent texte ce soir.

Il n'y a pas d'observation ?…

Il en est ainsi décidé.

L'amendement n° 99, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement tend à supprimer l'alinéa 2 de l'article 6.

Les missions interservices agricoles (Misa) ont été mises en place sous mon autorité, avec le contrôle administratif unique. Elles se sont déjà réunies, et elles fonctionnent bien. Dès lors, il n'est pas nécessaire d'inclure de telles dispositions dans la loi, d'autant qu'elles sont de nature réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. J'avais moi-même proposé de faire figurer les Misa dans la loi, au même titre que les missions interservices de l'eau et de la nature (Misen) et les comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (Colden).

Mes chers collègues, contrairement aux apparences, il ne s'agit pas d'un détail. Le 24 octobre 2024, lors des questions d'actualité au Gouvernement, j'ai interrogé M. le garde des sceaux sur un cas précis : cinquante gendarmes se sont présentés, à huit heures du matin, dans une exploitation agricole d'Indre-et-Loire. Il s'agissait de constater telle ou telle infraction. Or, cinq mois plus tard, le procureur n'y a toujours pas donné suite.

Le préfet Latron, parti depuis à La Réunion…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Excellent préfet !

M. Vincent Louault. … tout à fait, mon cher collègue.

Le préfet Latron m'avait alors fait cette confidence : il n'avait pas été mis au courant de la mobilisation de cinquante membres des forces de l'ordre. On peut déplorer, sinon une forme de défiance, du moins un manque d'information et de coordination.

Comme je l'ai écrit à Bruno Retailleau, il faut clarifier formellement la répartition des rôles dans le contrôle des agriculteurs. L'usage reste la délation : selon la charte de l'environnement, toute personne ayant notion d'une atteinte à l'environnement doit la dénoncer. Mais on en fait un usage abusif. C'est ce qui s'est passé pour ce pauvre agriculteur, dénoncé par un voisin et par l'association environnementale locale.

On ne peut pas fonctionner ainsi, sur la base de la délation. Cet état d'esprit est détestable pour les agriculteurs.

Je voterai donc cet amendement, madame la ministre ; mais il ne faudra pas oublier d'être très strict dans l'application des décrets, dont l'appréciation est souvent laissée aux procureurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

.... - À la première phrase du second alinéa de l'article L. 172-16 du code de l'environnement, après le mot : « adressés », sont insérés les mots : « par voie hiérarchique ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Cet amendement vise à sécuriser juridiquement le principe de transmission hiérarchique des procès-verbaux, voté en commission des affaires économiques. La procédure ainsi créée sera alignée sur celles qui sont issues de la procédure pénale classique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Après l'article L. 174-2 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 174-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 174-3 I. – Dans le cadre de leurs missions de police de l'environnement définies par le présent titre, les inspecteurs de l'environnement mentionnés à l'article  . 172-1 du présent code et les agents commissionnés des réserves naturelles nationales, régionales, ou de Corse et aux gardes du littoral peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées.

« II. – L'enregistrement n'est pas permanent.

« Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions de ces agents, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.

« III. – Les caméras sont portées de façon apparente par les agents mentionnés au I. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l'enregistrement fait l'objet d'une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances l'interdisent. Une information générale du public sur l'emploi de ces caméras est organisée par les ministères chargés de l'Agriculture et de l'Environnement.

« IV. – Les agents auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.

« Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.

« Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l'intégrité des enregistrements jusqu'à leur effacement et la traçabilité des consultations lorsqu'il y est procédé dans le cadre de l'intervention.

« Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et le droit d'accès aux enregistrements.

« V. – Les modalités d'application du présent article et d'utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

…. – Le IV du présent article entre en vigueur à compter de la publication du décret prévu au V de l'article L. 174-3 du code de l'environnement issu de la loi … du … visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur et au plus tard un an suivant la promulgation de la loi.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Lorsque j'ai commencé à travailler sur l'apaisement des relations entre les contrôleurs de l'OFB et les agriculteurs, j'ai proposé d'examiner le dispositif des caméras-piétons. Les policiers et les pompiers en sont déjà dotés, et il a fait ses preuves.

La caméra-piéton permet, à l'évidence, d'apaiser les tensions. Son déclenchement abaisse immédiatement le niveau d'intensité du conflit.

C'est la raison pour laquelle je vous propose, au travers de cet amendement, d'habiliter les inspecteurs de l'environnement, notamment ceux de l'OFB, à mettre en œuvre le port d'une caméra individuelle par les agents chargés de missions de police administrative et de police judiciaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Les caméras-piétons permettent bel et bien d'apaiser un certain nombre de situations : tout le monde y gagnera. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 180 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 234
Contre 108

Le Sénat a adopté.

Après l'article 6

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 24 rectifié sexies est présenté par MM. V. Louault, Brault, Médevielle, Chevalier, Bacci, Chasseing, Grand, Laménie, L. Vogel et Cambier, Mmes L. Darcos et Housseau, MM. Rochette et Levi et Mme Paoli-Gagin.

L'amendement n° 102 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L'intitulé du chapitre VIII est ainsi rédigé : « Macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux et macro-organismes utilisés dans le cadre de la lutte autocide » ;

2° L'article L. 258-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

- À la première phrase, après le mot : « végétaux » sont insérés les mots : « ou d'un macro-organisme utilisé dans le cadre de la lutte autocide » ;

- À la seconde phrase, les mots : « cet organisme peut » sont remplacés par les mots : « ces macro-organismes peuvent » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

- À la première phrase, les mots : « d'un tel macro-organisme » sont remplacés par les mots : « de tels macro-organismes » ;

- À la dernière phrase, les mots : « cet organisme » sont remplacés par les mots : « ces macro-organismes ».

La parole est à M. Vincent Louault, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié sexies.

M. Vincent Louault. Cet amendement, qui m'est cher, a pour objet les insectes stériles.

Prenons l'exemple de la noisette : lorsque vous lâchez un grand nombre de balanins mâles dans la nature, ils fécondent les femelles, qui pondent sur les noisettes en les marquant d'un « code-barres » pour éviter qu'une autre femelle ne ponde dessus. Les œufs sont stériles et la noisette est sauvée.

Cette technique, très réglementée en France, est soumise à une simple dérogation de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) et du préfet de région. On l'utilise notamment pour lutter contre les moustiques dans le sud de la France.

Madame la ministre, je vous remercie d'avoir permis la recevabilité de notre amendement, qui sanctuarise cette méthode. Actuellement, nous importons 100 % de la technologique requise ; elle vient du Canada et des États-Unis. Or faire venir des insectes de pays étrangers est fortement déconseillé, notamment pour des raisons relevant de la parasitologie.

Ainsi, nous pourrons recentraliser la filière française des insectes stériles et trouver des solutions de biocontrôle, monsieur Salmon, afin de sortir des pesticides d'une manière satisfaisante pour tout le monde.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 102.

Mme Annie Genevard, ministre. Je n'ajouterai rien à l'excellente démonstration du grand spécialiste de l'insecte stérile qu'est M. le sénateur Louault. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mon cher collègue, je vous remercie des perspectives que vous ouvrez en défendant cette solution ! La commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 rectifié sexies et 102.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.

L'amendement n° 103, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi concernant, en vue d'assurer l'efficacité et la cohérence de l'action des services de contrôles de l'État, le régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux prévu par les titres V et VII du livre II du code rural et de la pêche maritime pour :

1° Adapter l'échelle des peines et réexaminer leur nécessité, en tenant compte de ce que le manquement a été commis à l'occasion de l'exécution d'obligations légales ou réglementaires relatives à la protection des végétaux, y compris en créant de nouvelles sanctions pénales et en substituant à des sanctions pénales existantes un régime de répression administrative ;

2° Adapter le contenu et les modalités d'exécution des mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers phytosanitaires ;

3° Abroger ou modifier les dispositions devenues inadaptées ou obsolètes.

II.- Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance prévue par le présent article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement souhaite être habilité à légiférer par ordonnance afin d'améliorer les leviers mobilisables par les services de l'État à l'encontre des propriétaires ne prenant pas les mesures de lutte contre les organismes nuisibles de quarantaine.

La dissémination de ces ravageurs dangereux pour les cultures, peu présents sur le territoire, voire absents de ce dernier, doit être impérativement limitée, afin de minimiser leurs effets sur l'économie. C'est par exemple le cas de la flavescence dorée, que les viticulteurs connaissent bien – M. Cabanel le confirmera sans doute (M. Henri Cabanel opine.) –, car il s'agit d'une maladie mortelle pour la vigne. Je pense aussi au scarabée japonais, qui, heureusement, n'a encore jamais été détecté en France.

Afin de limiter la dissémination de ces ravageurs, il faut prendre des mesures de lutte collective le plus tôt possible après l'identification d'un foyer.

Ainsi, il faut arracher au plus vite les vignes malades et détruire les végétaux infestés. Pour obtenir des résultats, il est fondamental que tous les propriétaires concernés appliquent les bonnes mesures. En cas de défaillance, les services de l'État disposent de différents leviers pour les mettre en œuvre, mais malheureusement ces procédures n'aboutissent pas toujours.

En outre, la nature délictuelle du régime de sanctions en vigueur alourdit les procédures pénales et empêche la gradation entre les différents manquements.

L'ordonnance demandée permettrait d'adapter le dispositif de sanction pénale pour le rendre à la fois plus proportionné et plus opérationnel.

M. le président. Le sous-amendement n° 111, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement 103, alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots : 

, notamment en vue d'améliorer la lutte contre la flavescence dorée

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Nous ne sommes pas de grands adeptes des habilitations à légiférer par ordonnance. Toutefois, en l'occurrence, cela permettrait de traiter une problématique touchant la filière viticole : la propagation de la flavescence dorée.

Je propose donc un sous-amendement tendant à préciser ce point. Sous réserve de son adoption, la commission est favorable à l'amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 111 ?

Mme Annie Genevard, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Il s'agit d'un excellent amendement. Je n'ai qu'un regret, madame la ministre, c'est qu'une telle initiative n'ait pas été prise plus tôt : on aurait ainsi évité la propagation des scolytes à travers la forêt. On aurait évité le saccage forestier provoqué, dans les années 1950, par le bostryche.

C'est en procédant ainsi que nous serons les plus efficaces pour protéger la nature et la biodiversité.

Mme Annie Genevard, ministre. Merci, monsieur le sénateur !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 111.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Avant tout, je remercie de leur travail notre rapporteur, Pierre Cuypers et la présidente de notre commission.

Madame la ministre, je tiens également à vous remercier. Voilà quelques mois que nous travaillons sur ce sujet. Au début, vous n'y croyiez pas et j'y croyais beaucoup. Puis vous y avez beaucoup cru, quand pour ma part je n'y croyais plus... (Sourires.)

Nos débats de ce soir marquent, pour moi, l'aboutissement de sept années de travail accomplis au Sénat. J'ai essayé, du mieux que j'ai pu, de démontrer que nous avions besoin d'évoluer sur certains sujets.

Certes, nous pouvons voir les choses différemment, mais je suis persuadé que ce texte ouvre une nouvelle page de l'agriculture française ; qu'il permettra de voir l'avenir de manière plus objective et plus rationnelle. Ainsi, nous donnerons des éléments de réponse à tous ceux qui, même si certains n'aiment pas que je le dise, travaillent 70 heures par semaine ; à ceux qui attendent des réponses, non pas pour travailler moins, mais pour travailler mieux, et continuer à travailler plus que les autres.

Voir que nous ouvrons une nouvelle perspective me fait énormément plaisir. Nous mettons enfin un coin dans la porte.

D'interdiction en interdiction, notre vision de l'agriculture française a été totalement déformée. Or, tout ce que nous voulons, c'est redevenir fiers : fiers de nos paysages, fiers de nos paysans, fiers de l'agriculture française. C'est ainsi que nous retrouverons une France forte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Sans surprise, comme nous l'avons annoncé lors de la discussion générale, les élus du groupe socialiste voteront contre cette proposition de loi.

Je ne reviendrai pas sur chacun des points clivants de ce texte : il y en a trop – j'ai même envie de dire qu'il n'y a que cela.

Au sujet de la réautorisation des néonicotinoïdes, je le disais ici même en octobre 2020, lors de l'examen du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières : accorder une dérogation pour la filière de la betterave sucrière, ce serait ouvrir la boîte de Pandore. Aujourd'hui, nous sommes allés plus loin encore : je le regrette amèrement et sincèrement, au-delà de toute considération politique. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

Nous parlons tout de même d'un produit, l'acétamipride, qualifié par le directeur scientifique agriculture de l'Inrae, devant notre commission des affaires économiques il y a moins de deux ans, de « chlordécone de l'Hexagone ».

Aujourd'hui, sur les travées de la droite, il n'a quasiment jamais été question ni de santé ni d'environnement – je ne sais même pas si vous avez prononcé ces termes ! Vous vous appuyez uniquement sur des arguments économiques et de compétitivité. Vous prétendez défendre les paysans, mais en réalité vous négligez leur santé.

Au sujet de l'environnement, au moins, vous êtes sincères : vous ne prétendez même pas vouloir le préserver.

Enfin, madame la ministre, je regrette la méthode retenue par le Gouvernement. En déposant plus d'une quinzaine d'amendements à la dernière minute, vous avez court-circuité notre travail. Il conviendrait vraiment, à l'avenir, de mieux travailler sur les textes que nous examinerons.

En cohérence avec les positions exprimées au cours du débat, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'opposeront à cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Contrairement à M. Duplomb, je ne pense pas que l'on tourne une page : à mon sens, nous continuons la même.

Le modèle sous-tendu par cette proposition de loi est celui des dernières décennies : un modèle qui a vidé nos campagnes de tous ses habitants, à commencer par ses paysans, et de sa biodiversité.

Les mots eux-mêmes ont changé. Nous sommes passés de la ferme à l'exploitation agricole, et ce terme n'est pas anodin : aujourd'hui, on exploite bel et bien les agriculteurs, car travailler 70 heures pour un salaire de misère, c'est se faire exploiter. On exploite les sols. On exploite les ressources. Ce modèle est tout sauf durable, et je regrette sincèrement que l'on poursuive dans cette voie.

On a parlé d'environnement : on ne doit ni opposer nature et agriculture ni sacrifier l'une à l'autre. Nous avons tous conscience que notre environnement est essentiel pour que, demain, l'agriculture puisse encore vivre dans ce pays.

Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Si l'on veut encourager les jeunes et les moins jeunes à devenir agriculteurs, il faut leur proposer un autre modèle : un modèle réenchanté, un modèle qui donne envie.

M. Jean-Marc Boyer. C'est sûr…

M. Daniel Salmon. Cela ne se fera pas avec cette proposition de loi, qui perpétue l'industrialisation de l'agriculture.

M. Laurent Duplomb. Oh là là…

M. Daniel Salmon. Nous avons parlé de paysages : avec un tel texte, on va poursuivre l'agrandissement, la dévastation des paysages et la destruction de ce qui fait l'essence du monde rural, à savoir l'agriculture.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.

Mme Nicole Bonnefoy. Chers collègues de la droite sénatoriale, ce soir, nous avons beaucoup parlé de normes, qu'elles soient environnementales ou sanitaires ; et ces mêmes normes ont souvent été mises en cause.

Or, comme nous l'avons dit, les normes protègent l'environnement et la santé, à commencer par celle des exploitants, de leurs salariés et de leur famille. Surtout, elles sont l'unique argument pour s'opposer, par exemple, à un accord entre l'Union européenne et le Mercosur. Lorsqu'elles auront disparu, comme vous le souhaitez, plus rien ne fera obstacle à un libre-échange débridé. Les agriculteurs réaliseront sans doute, à ce moment-là, qu'ils ont été trompés – mais il sera un peu tard. Vous en serez tenus responsables.

Nous avons aussi beaucoup parlé d'économie, ce soir, en disant qu'il fallait lever les contraintes. Pour ma part, je vous parlerai des familles, même si d'aucuns diront sans doute qu'il ne faut pas évoquer ces sujets…

Des familles réclament au Gouvernement d'agir enfin contre un cluster de cancers pédiatriques découvert dans la plaine d'Aunis, près de La Rochelle. Au nom du principe de précaution, elles demandent un moratoire sur les pesticides. Elles ont financé elles-mêmes une étude, qui a conclu à la présence de pesticides dans l'organisme de soixante-dix enfants.

Tous les enfants sont touchés, y compris par des pesticides aujourd'hui interdits. Au-delà de ce moratoire, les parents veulent plus d'agriculteurs, parce que ces derniers sont responsables. En revanche, ils veulent moins de pesticides. Et que leur répondez-vous, avec cette proposition de loi ? Que vous en voulez plus, y compris des produits jusque-là interdits du fait de leur dangerosité, parce que votre modèle agricole, votre modèle économique en ont besoin. (Mme Anne-Sophie Romagny manifeste son désaccord.) Vous en porterez aussi la responsabilité.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je vous remercie à mon tour, madame la ministre, parce que, comme Laurent Duplomb, je n'y croyais plus. Nous avons beaucoup travaillé avec vos équipes, que je tiens à saluer également, de même que celles de Mme la ministre chargée de la transition écologique.

Il n'est jamais facile de faire des concessions, qui plus est pour des personnalités très fortes, comme nous le sommes tous au Sénat. Je remercie d'autant plus Pierre Cuypers pour l'excellente tenue de ces débats.

Mon père a quitté le Sénat pour une seule raison : il avait abouti à cette conclusion que, dans notre pays, il était devenu presque impossible de faire quoi que ce soit – ne serait-ce que desserrer un boulon... Il est donc rentré chez lui, tranquille, à 74 ans, alors qu'il aurait pu briguer un mandat de plus.

Je suis d'autant plus fier, ce soir, d'avoir pu desserrer quelques boulons en faveur de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. le rapporteur et M. Yves Bleunven applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Ce texte a évolué depuis sa version initiale, qui posait quelques difficultés aux membres du RDSE – à moi en particulier. La commission a pris soin de l'améliorer. Quant à Mme la ministre, elle est parvenue à nous rassurer, et je l'en remercie.

Nous n'arriverons pas à concilier les convictions des uns et des autres, mais, je le répète, notre groupe n'en est pas moins à la recherche du juste équilibre.

Or, ce juste équilibre, nous l'avons trouvé au fil de nos débats, entre l'économie, l'environnement et la santé. Je reste convaincu que s'il y a une asymétrie entre ces trois curseurs, cela ne peut pas fonctionner.

Il faut avancer doucement et préserver cet équilibre : il me semble que nous y sommes arrivés ce soir, même si des interrogations demeurent.

Les doutes que nous avions sur l'Anses ont été levés – je pense en particulier à la réintroduction des néonicotinoïdes. En revanche, il faudrait conditionner l'apport en eau à un diagnostic des sols, bien souvent appauvris par des décennies de chimie. Sur des sols non restructurés en matière organique, l'irrigation est inefficiente ; j'espère que nous en reparlerons et que nous trouverons des solutions.

Les élus du RDSE voteront en grande majorité pour ce texte.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.

M. Bernard Buis. Plus de la moitié des sénateurs ont cosigné cette proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, que je tiens à remercier.

De même, je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre de leur sens de l'écoute et de leurs propositions constructives, tout au long de la soirée.

Ce texte, dont l'examen arrive à son terme au Sénat, a été sensiblement amélioré, et le juste équilibre trouvé répond à une attente de nos agriculteurs. Reste maintenant à apporter de nouvelles réponses au travers du projet de loi d'orientation agricole, dont nous débattrons bientôt dans cette enceinte, en espérant que nos collègues députés les reprennent en grande partie.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

M. Franck Menonville. Madame la ministre, en tant que coauteur du présent texte, je tiens moi aussi à vous remercier de votre écoute tout au long de ce travail, avant le passage en commission comme en séance publique.

Vous avez eu à cœur de trouver un équilibre et de garantir la solidité de cette proposition de loi.

Laurent Duplomb et moi-même avons rédigé ce texte à la suite de nombreux travaux du Sénat. Nous savions que certains points étaient perfectibles. À ce titre, je salue le travail remarquable de notre rapporteur, Pierre Cuypers, et la confiance témoignée par la présidente de notre commission, Dominique Estrosi Sassone.

Chers collègues, je vous remercie également toutes et tous : même s'il existe des clivages, bien naturels, dans notre hémicycle, nos échanges ont été constructifs. Nous avons su suivre une ligne de crête et mener, ce faisant, un travail utile, nécessaire et attendu par nos agriculteurs.

Bref, merci pour nos agriculteurs ; merci pour notre agriculture. La semaine prochaine, nous compléterons notre travail législatif avec le projet de loi d'orientation agricole, chargé de renforcer notre souveraineté alimentaire – il s'agit là d'un enjeu essentiel – et d'assurer le renouvellement des générations. La suppression de normes à laquelle nous avons procédé aujourd'hui permettra de faciliter le métier d'agriculteur ; mais nous devons encore œuvrer en ce sens.

Enfin, ce travail ne doit pas être qu'agricole : tous les maillons de la chaîne économique de notre pays doivent faire l'objet d'un effort de simplification. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Ce texte est effectivement assez important, car, dans l'ensemble, il permet de donner à l'agriculture française les atouts qu'offrent les règles européennes.

Madame la ministre, vous avez largement contribué à apaiser nos débats : soyez-en remerciée.

L'ambition que nous caressons est d'accroître encore les atouts de nos campagnes pour que, demain, les paysans remplissent davantage l'assiette des Français. Année après année, cette dernière s'est vidée des produits de nos territoires.

Parler de « modèles agricoles », comme on l'a beaucoup fait ce soir, c'est au fond méconnaître ce qu'est l'agriculture ; c'est méconnaître sa richesse humaine.

L'agriculture, ce sont des femmes et des hommes qui, s'ils travaillent tous à leur manière, suivent les mêmes règles, pour les mêmes productions, et en visant le même objectif : offrir des produits de qualité, respectueux de la santé humaine. Nos agriculteurs – faut-il le rappeler ? – ne sauraient mettre sur le marché des produits non conformes.

Je remercie Laurent Duplomb, Franck Menonville et M. le rapporteur. Ce texte offre une chance supplémentaire à nos territoires. Il nous permettra de reconquérir des parts de marché en créant de la valeur ajoutée. Surtout, il nous permettra d'agir plus efficacement encore pour préserver la santé de nos concitoyens et nourrir la population française.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Je salue avec respect le travail accompli au cours des dernières semaines par M. le rapporteur, par Mme la ministre et ses services, ainsi que par les auteurs de cette proposition de loi.

Toutefois, en focalisant nos débats sur la question des normes, nous risquons fort de nous tromper de colère.

La colère existe et les attentes sont fortes dans nos fermes, sur les plans économique et social. Mais, à mon sens, la cause de ces difficultés dépasse très largement le sujet des normes.

Parmi les questions qui se posent, il en est une, centrale : le faible retour de la valeur ajoutée à la ferme, chez ces gens qui travaillent 70 heures par semaine. Je n'aurai pas l'outrecuidance de me comparer à eux, étant issu d'une petite ferme : le travail est plus dur dans les grandes exploitations, ce qui d'ailleurs devrait nous interpeller.

Enfin, je forme le vœu que nos débats à venir n'éludent pas les questions de fond auxquelles nous sommes confrontés, tout en évitant d'alimenter le clivage entre les considérations environnementales et la ferme.

Nos agriculteurs sont les aménageurs de l'espace. Ils souhaitent continuer à l'être, me semble-t-il.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. M. Laurent Duplomb a affirmé qu'il était fier du travail qu'il avait réalisé. Certes. Pour ma part, fier, je ne peux pas l'être au vu du résultat obtenu et de l'orientation qui a été votée.

Nous avons établi un constat commun : l'agriculture se trouve dans une situation très grave, très dure, très complexe. Nous avons de manière succincte analysé les raisons ayant conduit à cette situation. Pourtant, nous persistons dans une fuite en avant : nous ne comprenons pas ce qui se passe et nous poursuivons dans la même voie.

Dès lors, je doute fort que nous ayons ce soir rendu service aux agriculteurs, aux paysans de notre pays qui travaillent dur et qui font vivre nos territoires et nos villages, et qu'en prenant cette orientation nous les ayons véritablement aidés.

Tout d'abord, en autorisant de nouveau au moins trois néonicotinoïdes, nous commettons une grave erreur.

Mme Anne-Sophie Romagny. Non, un seul !

M. Guillaume Gontard. Nous savons qu'il s'agit de produits dangereux pour la santé, pour l'environnement et pour l'eau. Nous aurions pu choisir d'autres solutions et je ne suis pas fier de ce vote.

Je ne suis pas fier non plus que nous soyons revenus sur la concertation, la consultation et les enquêtes publiques, lesquelles me semblent pourtant constituer le cœur même du sujet. Si nous voulons véritablement parvenir à partager des projets et à les faire accepter, il nous fallait au contraire renforcer ces procédures.

Enfin, alors que l'eau, notre bien commun, est indispensable et constitue aujourd'hui un enjeu crucial, nous avons abordé la question par le petit bout de la lorgnette, en nous obstinant à vouloir toujours consommer davantage, sans jamais chercher à remettre en cause le modèle actuel.

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour explication de vote.

Mme Kristina Pluchet. Je tiens à mon tour à remercier mes collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, ainsi que M. le rapporteur et Mme la ministre de ce premier pas accompli ce soir afin de répondre aux revendications de l'immense majorité des agriculteurs.

Je souhaite également exprimer ma gratitude à tous ces agriculteurs qui, cet automne, ont manifesté dans le calme et mis en lumière que nous étions allés beaucoup trop loin dans la surenchère normative.

D'une certaine manière, parce que cette revendication est partagée par les collectivités et par l'ensemble des entreprises, ils ont permis d'amorcer le long chemin de la simplification pour tous dans ce pays.

Vive le bon sens paysan ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Permettez-moi à mon tour de remercier très chaleureusement les auteurs de cette proposition de loi, MM. Laurent Duplomb et Franck Menonville, épaulés par M. Vincent Louault, ainsi que le rapporteur M. Pierre Cuypers, qui endossait pour la première fois ce rôle au banc des commissions. Bravo, mon cher collègue, pour ce rapport de qualité et pour les débats apaisés que vous avez su mener.

Mes remerciements vont également à Mme la ministre ainsi qu'à ses équipes. Je n'oublie pas les services de la commission des affaires économiques, qui ont accompli un travail remarquable, travail qu'ils vont poursuivre jusqu'à la fin du mois de février, la commission devant examiner plusieurs autres textes consacrés à l'agriculture.

Madame la ministre, je tiens à saluer très sincèrement votre engagement, votre courage, votre soutien et votre écoute. Vous avez permis que ce texte mette en débat de véritables sujets, parfois des irritants, en revenant notamment sur des surtranspositions de droits et de règles européennes qui contraignent lourdement les agriculteurs et obèrent la compétitivité de l'agriculture. C'était nécessaire.

Vous avez permis de dégager des compromis intelligents et exigeants afin de persévérer dans cette voie et de rassurer le monde agricole, qui nous a regardés ce soir.

Ces acteurs, que le Sénat a su écouter, ont trouvé en vous une interlocutrice de qualité qui entend agir de concert avec eux pour faire de notre agriculture une fierté nationale.

Merci également d'avoir engagé la procédure accélérée, ce qui n'allait pas de soi. Cela permettra un examen très rapide de ce texte par l'Assemblée nationale.

Comme je l'ai indiqué, nous entamons une longue séquence législative consacrée à l'agriculture : jeudi, nous examinerons une proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, sur l'initiative de M. Salmon, et, la semaine prochaine, une proposition de loi portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la mutualité sociale agricole, concernant la démocratie agricole.

Je pense surtout, madame la ministre, au PLOA, pour lequel vous vous êtes tant battue et qui a été malheureusement suspendu et repoussé. Vous avez inlassablement réclamé son inscription à l'ordre du jour, car vous entendiez honorer les engagements pris devant le monde agricole.

Ainsi, du 4 au 14 février prochain, nous aurons l'occasion de débattre de nouveau de tous ces sujets. Je sais que tous ensemble, sénateurs et Gouvernement, nous pourrons continuer à œuvrer contre le découragement et le désarroi des agriculteurs, ainsi qu'à lutter contre l'inflation normative, dans un esprit de respect mutuel, tout en affirmant nos convictions, comme l'ont fait ce soir MM. Laurent Duplomb et Franck Menonville.

Pour autant, monsieur Lahellec, j'ai bien compris que notre attention ne saurait se limiter aux normes. Bien d'autres enjeux devront être abordés, lors de l'examen du PLOA, voire à l'occasion de la discussion d'autres textes, car tous ces sujets ne pourront figurer dans ce seul projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le président, je tiens à vous remercier pour votre présidence de séance et, à mon tour, exprimer ma satisfaction à cette heure avancée.

Au travers de ce texte, nous avons évoqué des sujets difficiles sur lesquels on nous promettait les foudres de tout le monde.

M. Vincent Louault. Tout à fait !

Mme Annie Genevard, ministre. Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, MM. Laurent Duplomb et Franck Menonville, qui n'ont pas ménagé leur peine et qui ont mis tout leur tempérament pour défendre ce texte, épaulés par M. Vincent Louault avec son sens de la métaphore fleurie et son tempérament non moins marqué. (Sourires sur les travées du groupe INDEP.)

Je remercie M. le rapporteur, cher Pierre Cuypers, de sa contribution, ainsi que Mme la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, qui n'a eu de cesse de nous soutenir dans cette démarche visant à rapprocher des points de vue que l'on nous disait inconciliables.

J'exprime également ma sincère gratitude à tous ceux qui ont œuvré au bon accompagnement de ce texte et à la recherche de solutions : les services de la commission des affaires économiques, ceux de mon ministère, mais aussi ceux du ministère de la transition écologique.

En effet, sur les six articles que comportait ce texte, cinq ont été travaillés avec le ministère de la transition écologique en vue de dégager des solutions d'équilibre.

Ma conviction profonde est qu'opposer environnement et agriculture constitue une impasse. C'est la raison pour laquelle nous avons accompli ce travail visant à définir des voies de passage avec ce ministère. Certes, celles-ci sont plus complexes, peut-être moins tonitruantes, mais elles apporteront des solutions extrêmement attendues par les agriculteurs.

Ce soir, j'en suis convaincue, nous avons tous ensemble fait œuvre utile pour eux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Les Républicains, la deuxième, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, la troisième, de la commission des affaires économiques.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 181 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 233
Contre 109

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 28 janvier 2025 :

À quatorze heures trente et le soir :

Proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte de la commission n° 254, 2024-2025) et proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte de la commission n° 255, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 28 janvier 2025, à zéro heure quarante-cinq.)

nomination de membres de commissions, d'une commission d'enquête et de délégations sénatoriales

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Jean-Marc Delia est proclamé membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Laurence Garnier est proclamée membre de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a présenté une candidature pour la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Patrice Joly est proclamé membre de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis, en remplacement de M. Michaël Weber, démissionnaire.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux entreprises.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Éric Dumoulin est proclamé membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, en remplacement de M. Jean-Baptiste Olivier.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Agnès Canayer est proclamée membre de la délégation sénatoriale aux outre-mer, en remplacement de M. Mathieu Darnaud, démissionnaire.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux entreprises.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Laurence Garnier est proclamée membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, en remplacement de M. Alain Cadec, démissionnaire.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER