Sommaire

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaires :

Mme Alexandra Borchio Fontimp,

Mme Patricia Schillinger.

Procès-verbal

Commémorations du 80e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz

Cessation du mandat et remplacement d'un sénateur nommé membre du Gouvernement

Remplacement de sénateurs

Candidatures à des commissions, à une commission d'enquête et à des délégations sénatoriales

Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)

proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur

Article 1er

Article 2

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

Après l'article 2

Article 3

Article 4

Après l'article 4

Intitulé du titre III

Article 5

Après l'article 5

Intitulé du titre IV

Article 6

Après l'article 6

Vote sur l'ensemble

Ordre du jour

nomination de membres de commissions, d'une commission d'enquête et de délégations sénatoriales

Présidence de M. Alain Marc

vice-président

Secrétaires :

Mme Alexandra Borchio Fontimp,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Commémorations du 80e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz

M. le président. Il y a quatre-vingts ans, le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques libéraient le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne, où plus d'un million de personnes sont mortes.

En ce jour de souvenir, le Sénat est associé aux commémorations organisées autour du 80e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz.

Notre collègue M. Francis Szpiner a représenté ce midi M le président du Sénat à la cérémonie d'hommage en mémoire des victimes de la Shoah qui s'est tenue au mémorial de la Shoah.

En fin de journée, notre collègue Mme Jocelyne Guidez assistera au ravivage de la flamme sous l'Arc de Triomphe en présence du Premier ministre et de représentants de l'Union des déportés d'Auschwitz.

Plus que jamais, nous devons rester vigilants et intraitables face à la résurgence de toutes les formes d'antisémitisme et d'appels à la haine.

N'oublions pas.

3

Cessation du mandat et remplacement d'un sénateur nommé membre du Gouvernement

M. le président. En application de l'article L.O. 153 du code électoral, M. Philippe Tabarot, qui a été nommé membre du Gouvernement, a cessé d'exercer son mandat de sénateur le jeudi 23 janvier 2025 à minuit.

Par lettre en date du 27 décembre 2024, le ministère de l'intérieur a fait connaître au président du Sénat qu'en application de l'article L.O. 320 du code électoral, M. Jean-Marc Delia a remplacé M. Philippe Tabarot en qualité de sénateur des Alpes-Maritimes.

Le mandat de notre collègue a débuté le 24 janvier 2025 à zéro heure.

En votre nom à tous, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.

4

Remplacement de sénateurs

M. le président. En application de l'article L.O. 320 du code électoral, le mandat sénatorial de Mmes Agnès Canayer et Laurence Garnier a repris le vendredi 24 janvier 2025 à zéro heure.

En conséquence, le mandat sénatorial de Mme Virginie Lucot Avril et de M. Maurice Perrion a cessé le jeudi 23 janvier 2025 à minuit.

Je salue le retour de nos collègues.

5

Candidatures à des commissions, à une commission d'enquête et à des délégations sénatoriales

M. le président. J'informe le Sénat qu'ont été publiées des candidatures pour siéger au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ; de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport ; de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis ; de la délégation sénatoriale aux entreprises ; de la délégation sénatoriale aux outre-mer ; de la délégation sénatoriale à la prospective.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
Article 1er

Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur

Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, présentée par MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 108 rectifiée, 2024-2025, texte de la commission n° 186, 2024-2025, rapport n° 185).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous donner lecture d'un éditorial prononcé le 24 janvier sur Europe 1 : « Le Green Deal européen est né en 2019. Trump était alors à la Maison Blanche ; face à lui, les chefs d'État du vieux continent fanfaronnaient sur l'air de “Make our planet great again”.

« Six ans plus tard, […] nous sommes proches de l'humiliation économique. Le décrochage de l'Europe dans le monde, et de la France en Europe, n'a pas commencé avec cette histoire de Green Deal, mais l'accélération est vertigineuse : après la crise de 2008, le PIB de l'Union européenne était équivalent à celui des États-Unis ; aujourd'hui, il y a 80 % d'écart.

« Et tout cela avant Trump 2 et avant les conséquences de certaines mesures du Green Deal, mesures qui vont détruire l'industrie automobile, dévaluer des dizaines de millions de logements, décourager par les excès de normes les initiatives économiques et achever nos agriculteurs, donc appauvrir gravement tout le monde.

« Au citoyen européen, on dit que sa voiture pollue, que sa maison pollue, que son assiette pollue, que son entreprise pollue ; le sous-texte, c'est peut-être que sa présence pollue… Ce “plan vert” n'est pas écologiste, il est nihiliste.

« L'Europe semble en prendre conscience et Donald Tusk, président du Conseil de l'Union européenne pour six mois, a déclaré le 22 janvier qu'il fallait être prêt à revenir sur certaines de ces mesures.

« À la mi-février, l'Europe devrait présenter, tenez-vous bien, un projet de “boussole de la compétitivité”. Il s'agit d'un plan global pour rester dans la compétition mondiale, plan qui devrait annuler ou au moins assouplir un certain nombre de décisions du Green Deal.

« Comme dans la bataille entre le nucléaire et le renouvelable – où l'on retrouve d'ailleurs les mêmes camps –, les faits sont en train de donner raison au réalisme et de donner tort aux fanatiques. Mais quel temps, quel argent perdus !

« […] Malheureusement, le climat a peu de choses à voir avec nos règlements kafkaïens. Si l'on prend l'exemple de la voiture, l'effet écologique concret du tout électrique, c'est que l'Europe importera de plus en plus de voitures chinoises, pays qui ne respecte ni l'environnement ni la dignité de ses ouvriers.

« La vérité, c'est que nos experts étaient des amateurs, et nos professeurs de vertu des malhonnêtes ! Je vous dis “amateurs”, car ils n'ont pas été capables de réaliser une étude d'impact sur le passage à l'électrique du parc automobile. Une décision aussi grave a été prise avec une légèreté effrayante ! Et je vous dis “malhonnêtes”, parce qu'on a découvert il y a un mois que la Commission européenne avait financé elle-même des ONG écolos chargées de faire du lobbying auprès des députés européens. Une telle pratique est évidemment illégale et immorale. »

M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi. « Ce que nous dit le fiasco du Green Deal européen, c'est que ceux qui se présentaient comme le cercle de la raison avaient en fait perdu la raison ; Bruxelles était devenue la nef des fous ! »

Cet éditorial, que j'ai lu avec l'accord du journaliste qui en est l'auteur, résonne comme le condensé de ce que vit déjà l'agriculture française. D'interdit en interdit, de contrainte en contrainte, d'entrave en entrave, de surtransposition en surtransposition, tout devient impossible : après la fin de la production de la graine de moutarde française et de la cerise française, nous assisterons peut-être à celle de la noisette française, de la pomme française, de la poire française, de la betterave sucrière française… Et la liste pourrait être sans fin !

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a cité une étude récente montrant que le poids des normes chez nos voisins représentait en moyenne 0,5 % du PIB annuel. Il est ainsi de 0,8 % en Italie, de 0,3 % en Espagne et de 0,17 % en Allemagne, alors qu'il est proche de 4 % chez nous. Comme le dit le Premier ministre, c'est insupportable !

Et je ne parle pas du sentiment d'abandon qu'éprouvent les agriculteurs. Ils ne comprennent plus ces interdits tant ceux-ci sont aux antipodes de leurs besoins pour produire et continuer de nourrir les Français !

Alors, ouvrons les yeux, arrêtons d'être naïfs et ayons le courage de sortir de l'obscurantisme vert ! Réveillons-nous avant qu'il ne soit trop tard pour que la France sorte de sa léthargie. Revenons sur toutes ces surtranspositions que la France, elle seule, s'est imposées. Madame la ministre, avec votre concours, cette proposition de loi peut le permettre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

M. Franck Menonville, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis dans cet hémicycle pour nos agriculteurs ; pour ceux qui se lèvent chaque matin pour nourrir les Français ; pour ceux qui sont animés par l'amour de leur métier. L'agriculture française, jadis symbole de puissance économique, est actuellement en plein déclin : avec Laurent Duplomb et les cosignataires de cette proposition de loi, nous avons l'ambition d'enrayer ce déclin.

En vingt ans, la France est passée du deuxième au sixième rang des exportateurs mondiaux. En vingt ans, nos importations agricoles ont plus que doublé. Notre compétitivité s'effrite : notre excédent commercial agricole est passé de 11,9 milliards d'euros en 2011 à 5,3 milliards d'euros – uniquement grâce aux vins et spiritueux – en 2023.

En cinquante ans, nous avons perdu les trois quarts de nos agriculteurs. Les causes du déclin sont nombreuses : surtranspositions mortifères ; avalanches de normes toujours plus contraignantes ; surabondance de réglementations sources de complexité et d'inquiétudes ; injonctions contradictoires en cascade ; distorsions de concurrence dévastatrices ; politiques publiques court-termistes déconnectées des réalités du métier. Nous ne pouvons accepter cette évolution : il est urgent d'agir !

Depuis plus de dix ans, le Sénat s'est emparé de ce sujet. Alors président de la commission des affaires économiques, Jean-Claude Lenoir a déposé en 2015 une proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de la filière agroalimentaire. Puis, Laurent Duplomb a mis en exergue le triste constat qui nous occupe dans un premier rapport d'information, en 2019. Différentes initiatives législatives ont ensuite vu le jour, dont la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, que le Sénat a adoptée.

Ces diagnostics n'ont pas été suivis d'effets et le mouvement d'érosion s'est accentué. La crise actuelle a même aggravé certaines difficultés et des filières entières sont actuellement menacées, notamment celle de la noisette. Je le redis, ne faisons pas de notre agriculture ce que nous avons fait de notre industrie.

Madame la ministre, ce texte particulièrement attendu par nos agriculteurs est complémentaire de votre projet de loi pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture que notre commission a examiné la semaine dernière.

Notre proposition de loi a pour ambition première de réarmer la compétitivité de notre agriculture. Il s'agit de permettre aux agriculteurs de trouver des solutions pour développer une production durable à même d'assurer notre souveraineté alimentaire et de lutter à armes égales avec nos partenaires européens.

Je voudrais revenir sur les deux sujets qui suscitent, sans doute, le plus d'interrogations.

Le premier concerne l'acétamipride : cette substance est autorisée dans toute l'Europe et a franchi toutes les évaluations de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). Madame la ministre, l'Europe n'est pas irresponsable ! Une matière n'est autorisée qu'à la condition qu'elle réponde à des critères scientifiques, sanitaires et environnementaux objectifs. Nous devons être plus rationnels et nous appuyer sur des réalités scientifiques.

Lors de nos débats, nous devrons ouvrir une voie susceptible d'apporter des solutions nouvelles à des filières qui sont dans l'impasse, tout en rassurant nos concitoyens.

Le second concerne les zones humides. Nous souhaitons rétablir la définition de la loi sur l'eau de 1992, qui se fondait sur des critères cumulatifs. Nous souhaitons bien évidemment maintenir un haut niveau de protection des zones qui sont vraiment humides, mais nous voulons procéder à des assouplissements pour les espaces qui ne le sont pas ou qui ne le sont plus.

Mes chers collègues, pour enrayer le déclin de notre agriculture, il nous faut affronter les problèmes en face. Voilà ma seule motivation politique au sein de cet hémicycle. Je ne peux me résoudre à voir mon pays déclassé et toujours plus désindustrialisé, alors que nous avions jadis une position de leader.

Aujourd'hui, ayons l'audace d'inverser cette tendance. À cette fin, il nous faut faire preuve d'objectivité et de courage politique sans nous laisser dicter nos choix par ceux qui portent une voix d'expert alors qu'ils ne le sont pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les conclusions des travaux de la commission des affaires économiques relatifs à la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, déposée par nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville et cosignée par plus de la moitié d'entre nous. Cela témoigne du fait que les questions agricoles sont, depuis toujours et encore davantage aujourd'hui, un sujet de préoccupation majeur du Sénat.

Si la France est une puissance agricole de premier plan, les données sans appel se sont accumulées depuis des années, l'essentiel de nos indicateurs marquant un déclin rapide. Cela témoigne d'une perte de compétitivité généralisée et, n'ayons pas peur des mots, d'un véritable décrochage de la ferme France.

La commission des affaires économiques du Sénat n'a pas découvert ce problème hier soir. Dès 2019, elle publiait un rapport d'information, La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ?, qui soulignait que tous les indicateurs de la ferme France étaient passés au rouge entre 2000 et 2017.

L'auteur de ce rapport, Laurent Duplomb, récidivait en septembre 2022, avec ses collègues Pierre Louault et Serge Mérillou, en publiant un rapport d'information sur la compétitivité de la ferme France décortiquant par le menu et par des exemples concrets le décrochage qui est à l'œuvre.

Les rapports n'ont pas manqué, non plus que les initiatives législatives : une proposition de loi pour la compétitivité de la ferme France a été adoptée ici même en mai 2023.

En somme, l'objectif demeure inchangé : redonner de l'air à notre agriculture et la libérer de certaines contraintes, souvent franco-françaises, qui non seulement dégradent notre compétitivité – à cet égard, l'exemple des fruits des légumes est éloquent –, mais aussi concourent, de façon plus générale, à la crise et au mal-être du monde agricole.

Comme l'ont récemment souligné en commission les rapporteurs du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, il ne suffit pas d'attirer des jeunes vers les professions agricoles ; encore faut-il que ceux-ci ne les quittent pas par la suite. Or nous observons tous le désarroi de nombre d'agriculteurs, qui s'est notamment traduit voilà près d'un an par un vaste mouvement de contestation et qui, ne nous y trompons pas, continue de s'exprimer.

C'est donc au cœur d'une actualité législative déjà forte que nous sommes amenés, mes chers collègues, à nous prononcer sur ce texte. Nous aurions pu croire que le projet de loi d'orientation suffirait, à lui seul, à traiter une bonne partie des questions liées à notre agriculture ; or il n'en est rien.

Si ce texte est utile et traite de questions essentielles comme l'enseignement agricole, l'installation ou encore les normes – certes timidement –, il ne saurait produire ses pleins effets sur notre agriculture qu'en complément, d'une part, de mesures budgétaires et, de l'autre, de l'adoption de la présente proposition de loi. C'est la raison pour laquelle les auteurs de cette dernière ont toujours conditionné l'adoption du projet de loi à celle de leur proposition de loi.

En effet, cette proposition de loi est née du constat quelque peu amer que le projet de loi d'orientation agricole évitait soigneusement d'aborder les sujets qui fâchent. Je pense notamment à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, bien évidemment indispensables à notre agriculture, mais aussi à la question cruciale des usages de l'eau, qui se posera avec d'autant plus d'acuité que le dérèglement climatique s'accentuera.

En la matière, je forme le vœu que nos débats de ce jour soient francs et ne laissent place ni à la caricature ni à l'outrance : c'est la marque de fabrique du Sénat et cela doit le rester. Je sais qu'il s'agit de sujets clivants, sur lesquels nous avons des désaccords parfois profonds, mais je sais aussi que nous partageons tous la volonté de sortir notre agriculture de l'ornière.

J'en viens aux conclusions de nos travaux et aux avancées qui vous seront présentées dans un instant. Je le dis franchement et très simplement, des évolutions notables du texte qui a été déposé pourraient être actées avant qu'il ne soit, peut-être, adopté. En lien étroit avec les auteurs de la proposition de loi, la commission a travaillé avec le Gouvernement et le monde agricole pour trouver des compromis.

La tâche n'ayant pas été simple, j'en profite pour saluer l'esprit de responsabilité qui a présidé à nos échanges. Si les auteurs et moi-même avons consenti à des compromis, le Gouvernement aussi. Je souhaite remercier une nouvelle fois chaleureusement Mme la ministre de son écoute, de son investissement et de son soutien sur ce texte. Bien sûr, nous ne sommes pas d'accord sur tout – j'y reviendrai –, mais nous avons avancé sur bon nombre de sujets.

Ce texte se veut court et a donc vocation non pas à traiter toutes les questions agricoles, mais à s'attaquer à quelques irritants majeurs.

Je pense tout d'abord à la séparation entre conseil et vente en matière de produits phytopharmaceutiques, qui fait l'objet de l'article 1er. Totem pour certains, cette mesure a montré, depuis son adoption en 2018 dans le cadre de la loi Égalim, sa totale inefficacité.

Au vu des rapports publiés par le Sénat, par l'Assemblée nationale ou encore par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), ce constat semble partagé. Les faits sont là : ayons maintenant le courage de revenir sur des mesures qui ne fonctionnent pas.

À la suite d'échanges nourris avec le ministère, je pense que nous sommes parvenus à un compromis acceptable, que nous vous présenterons dans un instant.

L'article 2 porte également sur la question des produits phytopharmaceutiques en ce qu'il traite des questions liées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), aux drones et aux substances néonicotinoïdes. Si je me réjouis que nous soyons parvenus à des compromis sur les deux premiers sujets, je me dois de dire clairement que la question des néonicotinoïdes demeure un point bloquant de nos discussions.

L'amendement de suppression déposé par le Gouvernement est, je le dis aussi, inacceptable. Alors que les Premiers ministres et les ministres de l'agriculture se succèdent pour affirmer le principe du « pas d'interdiction sans solution », ou encore pour annoncer la fin des surtranspositions, nous avons ici une occasion unique de passer de la parole pieuse aux actes concrets. Les filières en situation d'impasse technique totale comme celle de la noisette ne nous pardonneraient pas un nouveau recul.

En ce qui concerne l'article 3, je pense pouvoir dire que nous avons atteint le bon équilibre. D'une part, nous corrigeons les effets de bord de la loi relative à l'industrie verte, qui mettaient les porteurs de projets agricoles en difficulté. De l'autre, en matière d'élevage, nous ajustons les seuils de bascule entre enregistrement et autorisation, pour « dé-surtransposer » en 2026, quand le droit le permettra.

En ce qui concerne l'assurance récolte, et plus précisément le calcul des pertes en prairie par le système des indices, les auteurs et moi-même avons trouvé une rédaction de compromis, acceptable tant par les agriculteurs que par les assureurs. Néanmoins, cette disposition serait frappée en l'état par l'article 40 de la Constitution ; nous allons donc chercher une solution par étapes.

J'en viens à la question de l'eau. Nous l'avons suffisamment dit : sans eau, pas d'agriculture. L'article 5 est complémentaire de l'article 15 du projet de loi d'orientation agricole, qui vise à accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux, notamment autour de projets d'ouvrages hydrauliques. Il s'agit de déclarer d'intérêt général majeur, sous certaines conditions, les projets de stockage d'eau et les prélèvements qui les accompagnent.

Cet article a également pour objet d'ajuster la hiérarchie des usages de l'eau, la définition des zones humides ou encore la place de l'agriculture dans les documents de planification de la gestion de l'eau. Nous avons travaillé intelligemment avec la ministre pour aboutir à la rédaction proposée par le Gouvernement : si celle-ci repousse à la tenue de la conférence nationale sur l'eau certains sujets, elle permet néanmoins d'affirmer l'intérêt général majeur de notre agriculture.

Enfin, sur la question des relations entre les agriculteurs et la police de l'environnement, nous avons mené des discussions apaisées pour parvenir à des mesures concrètes susceptibles de permettre de renouer le lien de confiance entre le monde agricole et les inspecteurs de l'environnement. Le travail que nous avons accompli en quelques semaines, et surtout ces derniers jours – et nuits –, est immense.

Des compromis ont été faits de part et d'autre. Nous attendons du Gouvernement qu'il se rapproche de notre position sur l'article 2, mais je crois pouvoir dire que nous avançons sur la bonne voie. J'espère profondément que l'examen de chacun des articles de cette proposition de loi en sera l'illustration.

Mes chers collègues, gardons bien en tête que l'agriculture a besoin de ce texte. Le Sénat et le Gouvernement doivent être au rendez-vous pour relever le défi de la simplification et de la compétitivité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, madame la présidente des affaires économiques – chère Dominique Estrosi Sassone –, monsieur le rapporteur – cher Pierre Cuypers –, messieurs les auteurs de cette proposition de loi – cher Laurent Duplomb et cher Franck Menonville –, mesdames, messieurs les sénateurs, en l'espace d'un an, notre pays a connu deux mouvements de protestation, dont le premier, d'une ampleur inédite par sa résonnance en Europe, a suscité l'émotion de la Nation tout entière. C'est qu'un pays sans paysans n'est qu'un château de cartes.

La proposition de loi présentée par messieurs Duplomb et Menonville visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur arrive donc à point nommé. Ses objectifs s'inscrivent pleinement dans la démarche que j'ai moi-même adoptée depuis mon arrivée à la tête du ministère de l'agriculture : agir résolument contre le découragement, voire parfois la colère, les injonctions contradictoires et l'excès de normes.

Je souhaite désormais que ces objectifs se traduisent en actes, pour que le quotidien des agriculteurs soit transformé de façon très concrète.

M. Vincent Louault. Très bien !

Mme Annie Genevard, ministre. À cet égard, je veux remercier tous les sénateurs avec qui nous avons travaillé, en particulier M. Cuypers et la commission des affaires économiques et MM Louault, Duplomb et Menonville.

M. Bernard Jomier. C'est un peu restreint !

Mme Annie Genevard, ministre. Ensemble, nous sommes parvenus à des propositions d'évolutions législatives très attendues par le monde agricole. Celles-ci doivent redonner aux agriculteurs des marges de compétitivité et une certaine confiance en l'avenir.

Si nous avons de vrais désaccords sur certaines des solutions que vous préconisez, le dialogue a été franc – comme toujours au Sénat – et très riche ces dernières semaines. Il a abouti à ce que le Gouvernement propose des aménagements sur de nombreux articles de cette proposition de loi, dans une démarche constructive. Afin d'avancer ensemble sur la voie de la simplification, nous vous proposons d'adopter aujourd'hui des solutions concrètes.

Je pense tout d'abord à la séparation des activités de vente et de conseil de produits phytopharmaceutiques, qui fait l'objet de critiques de la part et du monde agricole et de rapports parlementaires. Nous voulions plus de conseil pour moins de ventes ; quelques années plus tard, nous avons vraisemblablement moins de conseil. Ce n'est pas satisfaisant.

Contrairement à ce qu'elle devait susciter, la séparation entre vente et conseil a induit une baisse considérable de l'offre en conseil indépendant. Celle-ci est désormais insuffisante par rapport aux besoins croissants du monde agricole qu'appellent le changement climatique et la transition environnementale des exploitations, tant en matière de protection des cultures que d'adaptation des pratiques.

Cette réforme a eu pour effet de paralyser des acteurs qui avaient jusqu'alors la confiance des agriculteurs sans pour autant favoriser l'essor d'un accompagnement de qualité pour les agriculteurs.

Votre proposition de loi prévoit de supprimer totalement ce dispositif. Or, si le constat que je viens de dresser appelle en effet une réforme, une abrogation totale de toutes les obligations actuelles sans contrepartie n'est pas envisageable.

Le Gouvernement propose donc une solution intermédiaire. D'un côté, nous appelons à permettre aux distributeurs de produits phytopharmaceutiques d'exercer une activité de conseil, en conservant les certificats d'économies de produits phytopharmaceutiques (CEPP) et en prévoyant des règles de prévention de conflits d'intérêts. De l'autre, nous proposons de maintenir la séparation, y compris capitalistique, des activités des metteurs en marché vendant des produits phytosanitaires et des contrats de service aux agriculteurs pour lesquels l'existence d'un conflit d'intérêts entre conseil et vente ne peut pas être écartée.

Rendu facultatif et décorrélé de l'obtention du Certiphyto, le conseil stratégique à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques donnera aux agriculteurs l'appui dont ils ont besoin dans la conduite de leur exploitation en matière de protection des cultures, conformément à la stratégie Ecophyto 2030.

Par ailleurs, il est essentiel d'inscrire ce service dans une démarche plus globale de conseil stratégique, comme vous l'avez préconisé en commission des affaires économiques. Cette disposition répond à la demande agricole d'une approche globale de l'accompagnement de l'exploitation. J'y suis d'autant plus favorable qu'elle sera amplifiée par l'instauration du diagnostic modulaire prévue dans le projet de loi d'orientation agricole.

Enfin, le texte supprime l'interdiction des remises, rabais et ristournes à l'occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques. Le Gouvernement la rétablira, car cette disposition constitue à ses yeux une ligne rouge.

Il faut bien comprendre que les traitements phytosanitaires, comme les médicaments pour les humains ou pour les animaux, sont parfois indispensables et irremplaçables. On sait toutefois qu'il ne s'agit pas de produits commerciaux banals. (M. Bernard Jomier le confirme.)

L'article 2 concerne la protection des cultures et la capacité à disposer de produits phytopharmaceutiques, chimiques et non chimiques, à des fins de production. À cet égard, vous formulez plusieurs propositions de modification des missions de l'Anses que nous ne pouvons accepter.

Je veux dissiper ici un malentendu et éviter que l'on nous fasse un mauvais procès. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail est dotée d'une expertise reconnue dans le monde entier. Elle est chargée d'évaluer les risques sanitaires et environnementaux posés par des produits phytopharmaceutiques et accomplit ses missions avec précision et responsabilité.

L'Agence prend ses décisions dans un cadre harmonisé à l'échelon européen, non pas au regard de risques économiques, mais en fonction de critères sanitaires ou environnementaux. Tel est l'état du droit européen, qui ne laisse aucune marge de manœuvre en la matière. Nous devons veiller de façon primordiale à ce que l'Anses demeure à la pointe de l'expertise et de l'impartialité.

Toutefois, le droit européen peut évoluer. À cet égard, je soutiens l'idée de mener une réforme d'envergure visant à harmoniser les autorisations de mise sur le marché (AMM) de produits phytopharmaceutiques à l'échelon européen, et non plus national. Cette question devrait, me semble-t-il, relever d'une politique intégrée au niveau communautaire.

En attendant, le droit européen s'applique et nous ne pouvons y déroger. Avant de pouvoir remettre le sujet sur la table à Bruxelles, je veux avoir avec vous une approche pragmatique et efficace. C'est en ce sens que nous devons reprendre la proposition que vous avez introduite en commission.

Je veux pouvoir demander à l'Anses d'examiner en priorité un dossier d'AMM ou d'expérimentation dans le cadre d'une indépendance préservée. Il est indispensable d'améliorer la connaissance sur les délais de traitement de l'Anses et les perspectives potentielles des instructions en cours, dont certaines peuvent affecter directement la disponibilité des moyens de protection des cultures en France, notamment en matière d'usages orphelins ou mal pourvus, pourtant critiques à la survie de nombreuses filières.

Par ailleurs, je suis favorable à la pulvérisation par drones, qui permet entre autres de réduire l'utilisation de produits phytosanitaires par une application ciblée. (M. Yannick Jadot s'exclame.)

L'expérimentation prévue par la loi Égalim, doit être poursuivie, même si les conclusions de l'Anses ont été plutôt positives.

Aussi, réaffirmant la position qu'il a adoptée sur la proposition de loi de Jean-Luc Fugit, dont l'examen devrait s'achever aujourd'hui à l'Assemblée nationale, le Gouvernement suggère de repartir du champ de l'expérimentation achevée, de pérenniser les mesures qui ont fait leurs preuves et de définir de nouvelles expérimentations, si les conditions sont réunies. C'est une solution qui me semble raisonnable et source de progrès.

Concernant la réintroduction des néonicotinoïdes, nous aurons tout à l'heure un débat de fond. Chacun pourra bien mesurer les risques liés à l'utilisation de ces produits sur la santé, sur l'environnement, sur la protection des cultures et sur la souveraineté alimentaire. Du reste, une telle mesure n'est pas sans conséquence sur le plan constitutionnel.

Les agriculteurs me le répètent depuis des mois : ils ont besoin de visibilité, d'équité et de solutions pour pouvoir se projeter dans un avenir où ils pourront encore produire. Pour cette raison, je veux me concentrer sur toutes les autres dispositions sur lesquelles le Gouvernement proposera des avancées significatives et attendues par le monde agricole. Nous agirons dans un cadre interministériel et à partir du travail que vous avez mené avec mes services.

Concernant l'élevage et les règles applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), je veux saluer le travail du rapporteur pour simplifier les règles relatives à la consultation du public lorsque des projets d'élevages sont soumis à autorisation environnementale.

La procédure récemment mise en œuvre dans le cadre de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte, dite loi Industrie verte, repose sur une « consultation parallélisée ». C'est une bonne chose, mais il faut néanmoins corriger certaines lourdeurs administratives. Je pense notamment à l'obligation d'organiser deux réunions publiques, qui détournent l'éleveur de son projet.

Sur la base des modifications introduites en commission, les modalités de consultation ont été considérablement adaptées, ce qui permet de tenir compte de la réalité du projet et de son impact. Pour les projets à plus faible incidence, l'objectif est bien de permettre d'adapter au mieux la procédure et sa charge pour l'exploitant.

Concernant l'assurance récolte des prairies, la procédure de recours fait l'objet de difficultés constatées sur le terrain, en raison de l'existence d'écarts importants entre le niveau de pertes issues de l'indice et celui qui est constaté empiriquement par l'éleveur.

Pour autant, il n'est ni possible ni souhaitable de revenir à un système d'expertise de terrain basé sur des bilans fourragers et sur une reconnaissance collective des pertes, à l'instar du régime précédent des calamités agricoles, que la loi a réformé.

Cela acterait la fin de l'assurance prairie en raison du retrait immédiat des assureurs et des réassureurs de ce segment de marché, pour lequel une expertise de terrain est incompatible avec une évaluation indicielle des pertes.

Il semble préférable de renforcer la confiance des agriculteurs dans les solutions assurantielles qui leur sont proposées et de veiller à ce que celles-ci répondent concrètement à leurs attentes.

C'est pourquoi l'État s'engage à mettre en place un plan pluriannuel de renforcement de l'offre d'assurance récolte destinée aux prairies. Il s'agit d'accompagner son développement et d'assurer son appropriation par l'ensemble des acteurs.

Je sais que des échanges sont en cours entre les sénateurs, les assureurs et les professionnels pour améliorer le système. Le Gouvernement est prêt à prendre sa part pour trouver des aménagements nécessaires. Il prend l'engagement solennel de poursuivre ce travail collectif à vos côtés, dans les prochains mois.

J'en viens à la question de l'eau, qui constitue une priorité absolue à mes yeux. Il n'y a pas d'agriculture sans eau, c'est une évidence, d'autant plus dans un contexte de changement climatique.

Nous disposons de plusieurs outils pour gérer la ressource : évolutions culturales, sélection variétale, efficience du matériel d'irrigation, réutilisation des eaux usées traitées, stockage.

Dans une logique de partage juste et équitable de la ressource, c'est-à-dire dans une perspective multi-usages, le Gouvernement souhaite sécuriser les projets d'ouvrages de stockage d'eau, tels que les retenues collinaires et les réserves de substitution.

À cette fin, il est prêt à reconnaître non seulement le caractère d'intérêt général majeur présumé de ces investissements, au sens de la directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, mais aussi la raison impérative d'intérêt public majeur, au sens de la directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

Voilà qui représente une avancée majeure du droit. En outre, cela répond concrètement à votre demande initiale concernant la reconnaissance d'un principe de non-régression du potentiel agricole. Tel qu'il est proposé, ce dernier se révèle inopérant sur le plan juridique et demeure symbolique.

Quant aux zones humides, elles constituent un sujet dans le sujet, si j'ose dire. Cette proposition de loi soulève une vraie question dont nous nous sommes saisis. Ainsi, en lien avec le ministère de la transition écologique, nous avons proposé une rédaction permettant de répondre aux enjeux soulevés.

Sans revenir sur la définition, nous entendons répondre aux cas pratiques soulevés par la profession pour les zones humides qui, en l'état, ne sont plus en mesure de remplir les fonctions spécifiques essentielles qui les caractérisent.

Dans ces cas particuliers, nous créons une catégorie de « zones humides fortement modifiées », par analogie avec la catégorie de « masses d'eau fortement modifiées », prévue par la directive-cadre sur l'eau. L'application de la réglementation mise en place par la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau pourra ainsi être allégée. Il s'agit d'une avancée importante pour l'agriculture et pour nos agriculteurs.

Au demeurant, la gouvernance de l'eau mérite de faire l'objet d'un grand débat ; c'est d'ailleurs tout le sens de la conférence nationale sur l'eau. Toutefois, j'estime préférable de renvoyer ce sujet aux discussions territorialisées que souhaite mettre en place le Premier ministre. Ne préemptons pas ces débats locaux et les échanges à venir entre les acteurs de terrain.

Quelques mots, enfin, sur la police de l'environnement. L'Office français de la biodiversité (OFB) n'a été créé qu'en 2020. La police et le droit spécifiques ainsi mis en place sont toujours en cours de construction.

L'OFB a cette lourde et périlleuse mission de faire appliquer les lois que nous votons. Son action est parfois mal comprise sur le terrain, si bien qu'elle est devenue un sujet de crispation, que j'entends, pour le monde agricole.

Je condamne les actions qui ont été menées contre les agents de l'OFB ces derniers jours tout comme je condamne les propos malheureux qui n'ont fait que jeter de l'huile sur le feu.

C'est justement pour mettre fin à ces crispations que nous poursuivons les travaux engagés en vue de privilégier les contrôles administratifs par rapport aux contrôles judiciaires et, plus globalement, de limiter les contrôles.

Pour cela, il est important de coordonner l'ensemble des services l'État. C'est le sens de la création des missions interservices agricoles (Misa), pilotées par les préfets de département, en appui des missions interservices de l'eau et de la nature (Misen).

Vous souhaitez inscrire ces éléments dans la loi, ce qui permettrait de reconnaître le travail de fond que nous avons engagé. Toutefois, cela ne semble pas opportun, car l'organisation des services de l'État relève du domaine réglementaire. Je prends donc l'engagement de travailler à un décret interministériel pour répondre à votre demande de sécurisation juridique de ces outils de fonctionnement indispensables.

Cependant, il est possible, en mobilisant la loi, de procéder à certains ajustements nécessaires concernant le fonctionnement de l'OFB. C'est d'ailleurs l'objet de certains amendements à venir, qui visent trois objectifs : renforcement de la tutelle des préfets à l'échelon départemental ; mise en place de la transmission des procès-verbaux par voie hiérarchique, à l'instar des pratiques adoptées par les autres polices ; autorisation du port d'une caméra-piéton pour assurer, si nécessaire, une désescalade des tensions, en toute objectivité.

Tel est le chemin de l'apaisement sur lequel nous devons continuer d'avancer, pour que chaque agriculteur puisse exercer son métier dans de bonnes conditions.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la position du Gouvernement sur ce texte. J'ai essayé d'être la plus précise possible, car je sais le travail très important que vous avez fourni pour lui permettre d'aboutir. Les objectifs que nous poursuivons sont les mêmes. Je me réjouis donc des débats qui vont pouvoir à présent se tenir et dont je ne doute pas qu'ils seront riches. Le monde agricole attend beaucoup de nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, Les Républicains, UC et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Exception d'irrecevabilité

M. le président. Je suis saisi, par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Gontard, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (n° 186, 2024-2025).

La parole est à M. Daniel Salmon, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vivant s'effondre sous les coups de boutoir d'activités humaines insoutenables. Alors que nous provoquons la sixième extinction de masse de l'histoire de la vie sur terre, nous continuons de développer un modèle agricole destructeur et ne parvenons pas à sortir de l'impasse d'un productivisme aveugle.

Les nombreuses régressions que contient cette proposition de loi sont un condensé des démarches et pratiques les plus néfastes défendues par l'agro-industrie.

Revenons quelques années en arrière. Il y a vingt ans, le Parlement, réuni en Congrès, votait à l'unanimité la Charte de l'environnement. Notre pays se plaçait ainsi en précurseur de la protection du vivant et de la biodiversité.

Ce texte, comme vous le savez, a intégré le bloc de constitutionnalité lors de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005. En outre, le Conseil constitutionnel a, dans une question prioritaire de constitutionnalité de 2014, reconnu une valeur constitutionnelle aux considérants de la Charte. Ces derniers devraient donc éclairer nos débats.

Sur de nombreux points, la présente proposition de loi entre en contradiction avec la lettre et l'esprit de ce texte fondateur. Elle contrevient gravement aux principes constitutionnels en s'attaquant à des normes environnementales essentielles à la santé de nos concitoyens et à la préservation de nos ressources naturelles et du vivant.

Au travers de cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, nous vous demandons de rejeter intégralement cette proposition de loi pour des raisons à la fois juridiques, politiques, écologiques et économiques.

En premier lieu, l'article 2 de la proposition de loi revient sur l'interdiction des néonicotinoïdes, adoptée en 2016 dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Parmi les poisons que l'humanité déverse quotidiennement dans les cours d'eau, propage dans l'air ou laisse s'infiltrer dans les sols, les néonicotinoïdes sont l'un des plus pernicieux et dangereux. Ils multiplient par six la mortalité des colonies d'abeilles domestiques et déciment les populations de pollinisateurs sauvages, dont nous avons le plus grand besoin.

Ils font également partie de la famille des perturbateurs endocriniens. Derrière ce terme se cache une myriade de maladies : Parkinson, cancers, malformations, infertilité, etc.

Pour rappel, quelque 1 200 études, dont la qualité et l'indépendance ne peuvent être mises en doute, ont montré le danger que représentent les néonicotinoïdes. Cela n'empêche pas la montée du déni environnemental, où les faits scientifiques ne sont qu'une opinion comme une autre. Cela nous inquiète particulièrement.

L'utilisation des néonicotinoïdes a été partiellement réautorisée pour la culture de betteraves sucrières par la loi du 14 décembre 2020. Le Conseil constitutionnel n'avait approuvé la validité de ce texte qu'à plusieurs conditions.

Tout d'abord, il a reconnu que le législateur avait cantonné l'application de ces dispositions au traitement des betteraves sucrières. Or la présente proposition de loi édicte une autorisation générale.

Ensuite, il avait souligné que l'autorisation n'était que transitoire. Le présent texte, lui, prévoit de rendre l'autorisation permanente.

La réautorisation partielle créait déjà un précédent grave. Celle qui est envisagée aujourd'hui, plus globale, ne manquerait pas de faire jurisprudence et de menacer d'autres réglementations acquises de haute lutte. Nous estimons qu'elle contrevient en particulier à l'article 2 de la Charte de l'environnement, qui dispose : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement. »

Par ailleurs, le texte en discussion ne définit aucun cadre légal suffisant pour protéger le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, pourtant garanti par l'article 1er de la Charte de l'environnement.

Cette proposition de loi est également une attaque en règle contre le droit européen. En 2024, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie par renvoi préjudiciel, a pourtant été très explicite : la protection de la santé humaine et animale et de l'environnement doit primer sur l'amélioration des cultures végétales lorsque des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques sont accordées.

La CJUE a également rappelé que le principe de précaution prime, y compris en l'absence de solutions de substitution. En clair, l'objectif de protection de la santé humaine et de l'environnement doit prévaloir sur l'objectif de croissance des rendements.

Les dispositions du présent texte, contraires au droit européen, exposent clairement la France à des amendes. L'argent public serait mieux investi dans des dispositifs visant à accompagner la transition agroécologique !

Dans sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a consacré la préservation de l'environnement comme enjeu supérieur à la liberté d'entreprendre. Il a ainsi reconnu que « la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » pouvant justifier des atteintes à la liberté d'entreprendre.

Par une décision du 10 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a précisé que les limites apportées par le législateur à l'exercice du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, consacré par l'article 1er de la Charte de l'environnement, « ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. »

Les mesures introduites dans ce texte – réautoriser l'usage de substances toxiques, rendre facultatif le conseil stratégique phytosanitaire, légaliser les promotions sur des produits ayant des conséquences graves sur la santé… – ne procureront qu'un bénéfice on ne peut plus limité en termes de liberté d'entreprendre ; surtout, elles ne sauraient se rapporter à un motif d'intérêt général.

Lever l'interdiction des remises, rabais et ristournes à l'occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques est contraire à l'avis du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), qui recommande d'éviter toute incitation commerciale pouvant conduire à l'utilisation inappropriée des pesticides.

J'en viens à l'épandage par drones, à l'article 2. La loi Égalim prévoyait la mise en place d'une expérimentation relative à la pulvérisation aérienne de précision de produits phytopharmaceutiques, qui s'est achevée en octobre 2021. Dans son rapport consacré aux résultats de cette expérimentation, l'Anses n'a pu démontrer la présence d'avantages manifestes pour la santé et l'environnement.

Par ailleurs, dans un arrêt du 12 avril 2013, le Conseil d'État a jugé que l'existence d'un tel risque devait être regardée comme une « hypothèse suffisamment plausible en l'état des connaissances scientifiques pour justifier l'application du principe de précaution ». En l'occurrence, le risque posé par cette proposition de loi est pour le moins plausible – c'est même un euphémisme !

Rappelons que la loi pour la reconquête de la biodiversité a consacré le principe de non-régression du droit de l'environnement, selon lequel la protection de l'environnement ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante. Il est par ailleurs considéré comme un principe général du droit international de l'environnement ; or force est de constater que la présente proposition de loi y contrevient.

Outre les points évoqués, nous pouvons ajouter la mise à mal de l'indépendance de l'Anses – après sa réécriture en commission, le texte reste incompatible avec le droit de l'Union européenne, au moins partiellement –, une nouvelle définition des zones humides, ce qui amoindrit leur protection, la reconnaissance d'un caractère d'intérêt général majeur pour les mégabassines ou encore la nouvelle réglementation que vous souhaitez appliquer aux ICPE.

Le rapporteur a d'ailleurs réduit à peau de chagrin la consultation du public, déjà fortement affaiblie par loi Industrie verte, pour tous les projets soumis à autorisation environnementale, pas seulement pour les ICPE agricoles.

Nous sommes très surpris que la commission ait laissé passer cet amendement, qui constitue de toute évidence un cavalier législatif aux termes de l'article 45 de la Constitution.

Le risque de non-conformité au droit de l'Union européenne se pose également. En effet, la réévaluation du seuil d'enregistrement pour s'affranchir d'une enquête publique va à l'encontre des directives européennes encadrant les fermes usines.

Enfin, nous sommes très inquiets de la remise en cause de la hiérarchie des usages de l'eau, pourtant cruciale, et dénonçons la reconnaissance systématique d'un intérêt général majeur, qui a un caractère néfaste.

Nous doutons fortement de la compatibilité du texte avec la directive-cadre sur l'eau, notamment en ce qui concerne le respect des objectifs de reconquête du bon état écologique des masses d'eau.

Pour conclure, cette proposition de loi nous paraît aller contre le sens de l'histoire. Alors que les sécheresses, les preuves de l'impact des pesticides et la pollution de notre ressource en eau devraient nous pousser à accélérer la transition, on voudrait nous contraindre à ralentir. Pire, on nous propose même de faire marche arrière en revenant sur les trop rares avancées acquises ces dernières années.

Par ailleurs, il est crucial de mettre fin à cette opposition factice entre économie et environnement. Cessez d'opposer agriculteurs et écologistes, car notre destinée est commune.

Les normes environnementales permettent de protéger la santé des agriculteurs et les services écosystémiques indispensables rendus par la biodiversité. S'attaquer à ces normes, c'est s'attaquer à la durabilité de l'agriculture française.

C'est sans doute plus facile que de résoudre les véritables problèmes qui menacent notre agriculture : promotion du libre-échange, dérégulation des marchés européens, politique agricole commune (PAC) inégalitaire et inefficace et répartition inéquitable de la valeur dans les négociations commerciales.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires vous demande d'adopter la présente motion.

J'entends les propos de la ministre et prends acte des efforts consentis par le Gouvernement pour refermer certaines des brèches ouvertes par cette proposition de loi. Il n'empêche que cette dernière demeure extrêmement néfaste et contraire au droit. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Vous pouvez aisément l'imaginer, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.

Nous souhaitons laisser à notre assemblée le temps de débattre sur chacun des articles. Je ne prendrai donc pas la peine de répondre point par point aux questions que vous venez de soulever.

Remettons les choses en perspective : notre balance commerciale agricole et agroalimentaire décline de plus en plus. Pour ce qui est des produits consommés, les importations sont égales à nos productions. Nous n'avons jamais été dans une situation aussi délicate.

Est-il besoin de rappeler le cas de la filière noisette ? Avant l'interdiction de l'acétamipride, ladite filière affichait un taux de conformité de 80% ; or, en 2024, ce taux est passé à moins de 20 %.

Le choix est donc simple : soit nous laissons mourir la filière, auquel cas nous nous résignons à importer des noisettes étrangères traitées à l'acétamipride et à bien d'autres produits interdits en Europe depuis fort longtemps, soit nous faisons preuve de pragmatisme dès à présent en apportant des réponses urgentes à l'ensemble des filières qui en ont besoin. (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Divers rapports le démontrent, la séparation des activités de conseil et de vente ne fonctionne pas. Je ne m'étendrai donc pas sur ce point.

Les évolutions apportées au texte initial, fruits d'un travail constructif et exigeant, mais aussi de compromis naturels, doivent être prises en compte. Bref, ne caricaturons pas ce texte et débattons tous ensemble sur le fond. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, UC et INDEP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour plusieurs raisons.

Je sais l'importance que le Sénat accorde au débat. Nous pensons que celui-ci doit avoir lieu et doit porter sur l'ensemble des sujets évoqués. Chaque texte mérite d'être examiné en profondeur, il n'y a pas d'interdit. C'est dans l'enceinte de cet hémicycle que nous devons peser chacun des enjeux, confronter les idées et, si possible, proposer des solutions équilibrées. En tout cas, c'est en ce sens que j'ai travaillé avec le Sénat. Il est crucial que le débat ait lieu.

Ayant été parlementaire moi-même, j'ai toujours été convaincue que c'est au travers du dialogue, des échanges et des amendements que nous pouvions garantir le respect des impératifs qui incombent à la loi. Cette exigence est d'ailleurs ce qui motive la présente motion.

Ce débat est d'autant plus important que l'agriculture est un secteur fondamental, vital à la fois pour notre économie, pour nos territoires et pour notre sécurité alimentaire. Repousser cette proposition de loi sans même avoir discuté de l'ensemble de ses dispositions constituerait une erreur stratégique.

Ce texte a le mérite de soulever des enjeux majeurs, tout en proposant aux agriculteurs des solutions. Le Gouvernement n'est pas d'accord avec chacune des dispositions proposées, mais elles traitent de sujets concrets sur lesquels les agriculteurs souhaitent entendre les positions de chacun.

Le débat permettra justement de lever certaines des difficultés juridiques énoncées. Le Gouvernement proposera des solutions concrètes pour répondre aux interrogations posées, sans jamais céder, monsieur le sénateur, contrairement à ce que vous semblez suggérer, ni sur le plan du droit ni sur celui du respect de l'environnement. Sur ce dernier point, nous avons beaucoup de choses en partage, monsieur Salmon, à rebours de ce que vous pouvez parfois penser.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.

Mme Nicole Bonnefoy. Je tiens à exprimer la solidarité totale du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avec nos collègues écologistes pour rejeter ce texte de régression environnementale.

M. Patrick Kanner. Très bien !

Mme Nicole Bonnefoy. Nous voilà réunis pour discuter d'une proposition de loi de Laurent Duplomb, porte-plume officiel de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) au Sénat. Nous comprenons, en cette période d'élections syndicales, qu'il a bien besoin de démontrer sa capacité d'influence au Parlement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je partage en tout point les arguments qui se réfèrent à la Charte de l'environnement. Alors que nos agences de l'environnement démontrent la surabondance de substances chimiques toxiques pour l'écosystème, le présent texte prévoit de lever les quelques protections qui ont été intégrées de haute lutte dans notre code de l'environnement.

La réautorisation des néonicotinoïdes, la pulvérisation aérienne de pesticides, la mise en danger des zones humides et la fragilisation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail sont autant de coups de canif portés au principe de non-régression.

Ce dernier est ainsi défini à l'article L.110-1 du code de l'environnement : « la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »

Force est de constater que de nombreux articles de cette proposition de loi méconnaissent ce principe. C'est la raison pour laquelle notre groupe est farouchement opposé à cette nouvelle manœuvre dilatoire, (Exclamations au banc des commissions.) alors que l'agriculture requiert toute l'attention du politique.

L'agriculture doit être soutenue pour accomplir une transition qui se veut agroécologique. Il ne s'agit pas d'un concept fumeux ; au contraire, il pose les conditions nouvelles de la durabilité de notre exploitation.

Je suis effarée de constater que les auteurs de la proposition de loi, le rapporteur et la ministre n'ont jamais mentionné les mots « santé » et « biodiversité », alors qu'ils expriment l'essentiel de la vie. (M. Bernard Jomier renchérit.) Ce texte ne parle que d'économie, ce qui est absolument regrettable. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Oui, il faut que le débat ait lieu, amendement par amendement. Et ce faisant, en nous focalisant sur l'anéantissement des normes, nous montrerons que l'adoption de ce texte aboutirait à la remise en cause d'objectifs et de dispositions qui protègent notre santé. C'est en cela que nous considérons que cette proposition de loi est dangereuse.

En outre, ce texte risque d'alimenter, voire d'exacerber encore le clivage entre la société et l'agriculture, dans la mesure où l'on se trompe de cible. Tout cela ne sert pas la cause du développement, nécessairement durable, de notre agriculture.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutiendrons cette motion. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Une fois de plus, nous assistons à un clivage gauche-droite.

La gauche nous explique que tout va bien, (Vives protestations sur les travées des groupes GEST et SER.) que tout ce qui a été fait depuis dix ans a amélioré la situation française.

M. Patrick Kanner. Pas du tout !

M. Laurent Duplomb. Pourtant, depuis sept ans, sans l'aide du lobby de la FNSEA non plus que de la Confédération paysanne, pour répondre à mes accusateurs, j'ai essayé de démontrer, rapport après rapport, que la France décline. Cela ne vous plaît pas, mais elle décline bel et bien ! (M. Jean-Claude Tissot proteste.)

Et à chaque fois que vous imposez des contraintes supplémentaires aux producteurs français, vous poussez inéluctablement ceux de nos compatriotes qui devraient être vos électeurs, c'est-à-dire ceux qui ont le plus de difficultés à finir le mois et à se nourrir, ceux qui doivent faire un arbitrage devant les prix des denrées alimentaires, vers les produits importés. C'est ça, la réalité !

En 2018, je disais que les Français mangeaient des produits importés 1,5 jour par semaine. Cinq ans après, on dépasse 2,2 jours par semaine. (Mme Nicole Bonnefoy s'exclame.) Or la semaine ne compte pas trente jours, ma chère collègue, mais sept. Continuez dans cette logique ! Continuez à ne pas vouloir regarder la réalité en face ! Continuez à mettre les agriculteurs dans un corner ! Continuez à faire croire qu'une solution miracle est possible.

La seule chose que vous récolterez, c'est que les agriculteurs ne seront plus agriculteurs et que les paysages ne seront plus ceux d'aujourd'hui. La seule chose que vous offrirez aux Français, ce sont des produits importés ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. Patrick Kanner. Vous serez jugé par l'histoire !

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ne votera pas cette motion. Il ne vote d'ailleurs aucune motion, qu'elle vienne d'un côté ou de l'autre de l'hémicycle, parce que notre groupe veut un débat démocratique, dans le respect et sans dogmatisme, qu'il soit économique ou environnemental.

J'espère que, tout au long de cette discussion, nous trouverons le bon chemin, dans l'intérêt général de tous nos agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. C'est tout de même extraordinaire ! L'agriculture française est en crise depuis un demi-siècle ; chaque décennie, 100 000 fermes disparaissent. Et ce serait de notre faute ?

Mme Kristina Pluchet. Oh que oui ! (Marques d'approbation sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Jadot. La construction européenne depuis cinquante ans, c'est la France – et la FNSEA – qui définit la politique agricole et l'Allemagne qui paye. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

Et maintenant que les fermes ont disparu, que ce sont toujours les plus petits qui se cassent la gueule, qui disparaissent ou se suicident, vous mettez sur le dos des écologistes un modèle obsolète !

M. Yannick Jadot. Le secteur connaît le plan social le plus dramatique de notre pays depuis des décennies. Vous avez soutenu tous les accords de libre-échange, à l'exception du Mercosur, et maintenant vous critiquez la mondialisation ?

M. Laurent Duplomb. Je ne suis pas là depuis trente ans !

M. Yannick Jadot. Je me souviens de Louis Le Pensec, qui pensait différemment l'agriculture : lors des accords de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'idée était la multifonctionnalité de l'agriculture, mais vous vouliez pouvoir bloquer les importations ou leur imposer des droits tout en subventionnant les exportations. Cela ne fonctionne pas ! On ne peut à la fois vouloir protéger nos éleveurs et profiter, avec d'immenses exploitations, de la grippe aviaire ou porcine qui se déclare de l'autre côté de la planète.

Duplomb, tu as cité la confédération paysanne et tu as raison : il y a bel et bien un débat au sein de la profession agricole. Ce n'est pas un combat entre les agriculteurs et le reste du monde, et ce débat est sain.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. C'est vous qui avez déposé une motion !

M. Yannick Jadot. À Chizé, les agriculteurs gagnent plus d'argent, alors que les pesticides ont été réduits de 50 %. C'est vers ce modèle-là qu'il faut tendre ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. Le groupe Union Centriste ne votera pas cette motion.

Nous pensons qu'il ne faut pas diaboliser cette proposition de loi, qui a le mérite de soulever un certain nombre de questions fondamentales. Il est également important, au travers de nos débats, de dire à nos concitoyens exactement ce qu'il en est : ce texte ne remet pas en cause l'interdiction de l'ensemble des néonicotinoïdes, il ne concerne que l'acétamipride, autorisé par l'Union européenne jusqu'en 2033. (MM. Laurent Duplomb et Laurent Somon applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.

M. Bernard Buis. Le mois de janvier n'étant pas encore terminé, je formule un vœu : celui que nous débattions collectivement, dans le respect et l'écoute. À cette fin, notre groupe ne votera pas cette motion.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Bien évidemment, nous ne voterons pas cette motion.

Certains croient que nous n'examinons qu'un texte agricole, mais demain, nous parlerons du zéro artificialisation nette (ZAN), des zones à faibles émissions (ZFE), du diagnostic de performance énergétique (DPE)… Nous voulons que notre pays revienne au pragmatisme et à la simplification. (Mme Kristina Pluchet acquiesce.)

Si nous échouons à défendre nos agriculteurs, nous échouerons également à défendre la France de demain, car tous les arguments qui seront avancés dans les heures qui viennent pourront nous être opposés, quel que soit le sujet.

M. Yannick Jadot. En effet : climat, biodiversité, santé…

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Buis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps est venu pour notre assemblée de légiférer dans l'intérêt des agriculteurs français.

Dès aujourd'hui, et durant les semaines à venir, le Sénat va se pencher sur plusieurs textes, dont les articles relèvent de thèmes certes différents, mais dont l'objet reste le même : améliorer la vie des professionnels de l'agriculture dans notre pays.

Nous allons aborder des sujets délicats et nous aurons des désaccords. Toutefois, je crois fondamental de montrer, une fois encore, que le Sénat est un lieu de réflexion sérieux et utile pour la France. Les troubles sont nombreux à l'extérieur de nos murs, tâchons de préserver cet hémicycle.

Le présent texte vise à lever les contraintes pesant sur l'exercice du métier d'agriculteur. Comme s'il n'était pas assez exposé aux aléas du climat, force est de constater que nous y avons collectivement ajouté des contraintes normatives parfois inutiles, quelques fois invivables. Certaines sont justifiées, mais la nécessité de simplifier s'impose à nous.

Nous l'avons entendu à chaque manifestation et à chaque rassemblement des professionnels depuis maintenant plus d'un an : nos agriculteurs veulent être écoutés et surtout voir les promesses se traduire en actes.

Certaines mesures de cette proposition de loi vont dans le sens d'une simplification. Je pense ainsi à l'article 3, qui concerne la simplification du régime français des installations classées pour la protection de l'environnement. L'allégement de la procédure sera bien évidemment salué par les professionnels.

Je relève également la politique active de stockage de l'eau, ressource si précieuse et vitale pour notre planète et les êtres vivants qui la peuplent, mais au sujet de laquelle, hélas ! les hommes s'affrontent et continueront de s'affronter.

Pourtant, face aux sécheresses et aux déséquilibres de la pluviométrie, nous devons agir pour déclarer les ouvrages ayant vocation à prélever et stocker de l'eau à des fins agricoles comme étant d'intérêt général majeur. Ceux-ci sont en effet particulièrement nécessaires pour nos agriculteurs, qui souhaitent garder une agriculture de qualité malgré les effets du dérèglement climatique. Rappelons que 7 % seulement de la surface agricole française est irriguée. Il s'agit d'une nécessité.

Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher d'innover et de trouver des solutions pour prélever le moins possible, tout en stockant davantage. Je pense, par exemple, à la captation de l'eau de pluie dans les zones habitées ou artificialisées ou à la réutilisation des eaux usées. Selon Météo France, 2024 figure parmi les dix années les plus marquées par la pluie depuis 1959 à l'échelle nationale, avec une pluviométrie de plus de 15 % au-dessus de la moyenne.

N'oublions pas non plus les efforts de sobriété que nous pouvons toutes et tous réaliser afin d'éviter tout gaspillage. La révision de la définition des zones humides pourrait s'avérer pertinent, en précisant le caractère cumulatif des terrains hydromorphes et des végétations hydrophiles : pas l'un ou l'autre, mais bien l'un et l'autre.

Nous débattrons, bien entendu, d'autres mesures de simplification. Mais simplifier va de pair avec la volonté d'apaiser les relations de travail, que ce soit entre les professions agricoles et les créateurs de normes juridiques ou l'Office français de la biodiversité.

L'article 6 pourrait s'avérer particulièrement utile à l'OFB. En effet, il prévoit que les agents de l'Office privilégient la procédure administrative, afin d'éviter autant que faire se peut des procédures judiciaires dès lors que les faits poursuivis relèvent d'une primo-infraction ou d'une infraction ayant causé un faible préjudice environnemental. Les agents de l'OFB accomplissent un travail important, mais il est urgent que leurs relations avec les agriculteurs s'apaisent.

Pour ce qui concerne les relations entre les professions agricoles et l'État, l'article 2 prévoit que le ministre chargé de l'agriculture puisse statuer en lieu et place du directeur général de l'Anses. Toutefois, il a bien été précisé en commission que le ministre devra statuer selon les mêmes critères que ceux du directeur général de l'Anses, qui relèvent du droit européen.

De plus, le ministre de l'agriculture pourra demander à l'Anses d'examiner par priorité un dossier en matière phytopharmaceutique, afin de mieux répondre aux demandes urgentes émanant de filières se trouvant dans une impasse technique. Je crois que ces mesures sont attendues par les agriculteurs. Nous devons en effet stopper les surtranspositions du droit européen dans le droit français et appliquer le principe « pas d'interdiction sans solution » à nos politiques agricoles.

J'ai bien à l'esprit que des membres de notre groupe auront des avis différents en fonction de la réalité de leur territoire. Si je suis, à titre personnel et selon l'évolution de sa rédaction, favorable à l'adoption de cette proposition de loi, la liberté de vote sera de mise au sein du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au tout ou rien, préférons la nuance…

Ce texte de nos collègues Duplomb et Menonville a le mérite de cerner un enjeu : l'évolution du métier d'agriculteur et de ses contraintes. Je comprends pleinement son fondement, à l'instar de la profession. Nos paysans s'élèvent contre la surtransposition, les accords commerciaux internationaux et la lourdeur administrative, notamment française.

À quelques semaines des élections des chambres d'agriculture, les syndicats se sont mobilisés pour faire entendre la souffrance des femmes et des hommes de la terre. En colère contre le Mercosur, étranglés par des trésoreries en difficulté après des années frappées par de mauvaises récoltes et des aléas climatiques, sanitaires et économiques, leurs attentes sont fortes.

En parallèle de la mobilisation, qui a pour enjeu la fin des contraintes, cette proposition de loi ne doit pas se transformer en tribune politique pour exacerber les clivages entre les modèles agricoles. Nous aurions beaucoup à y perdre.

Ce métier a vécu des séries de révolutions. Les agriculteurs se sont toujours adaptés. À titre personnel, j'ai vu mon grand-père, bio sans le savoir, travailler la vigne avec des chevaux ; mon père avait des tracteurs et des produits de synthèse ; je suis passé à la machine à vendanger et j'ai converti mon exploitation au bio ; enfin, mon fils gère le domaine avec une tablette et utilisera à coup sûr des robots…

L'utilisation de la chimie, au travers des phytosanitaires et engrais, a sauvé nos exploitations en diminuant le coût de production, ce qui a permis de dégager un revenu. Mais à quel prix ? Celui de la dépendance envers l'industrie, sans oublier le coût écologique et de santé publique dont nous n'avions pas conscience avec l'éradication, par exemple, de beaucoup d'insectes et d'oiseaux, l'appauvrissement des sols en matière organique et l'apparition de maladies souvent mortelles pour nos agriculteurs.

De l'histoire, puisons le bon. L'agriculture a su évoluer, avec la haute valeur environnementale et les agricultures raisonnée et bio, aux côtés d'une agriculture conventionnelle, qui s'est adaptée aux objectifs environnementaux. Nous pouvons atteindre une agriculture plurielle répondant aux différents enjeux économiques, environnementaux et de santé publique, qui doivent rester équilibrés.

Pourquoi opposer des modèles ? Pourquoi s'imposer des œillères ? Nous n'allons pas revenir aux chevaux de trait ! Nous avons su diminuer les contraintes physiques inhérentes à ce métier, nous pourrons nous entendre pour supprimer ce qui fragilise encore le travail de nos agriculteurs : la lourdeur administrative et surtout l'iniquité d'une concurrence déloyale.

Nous considérons toutefois, au sein du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, qu'il ne faut pas franchir certaines limites : retirer à l'Anses son avis conforme pour le confier à un ministre en est une. Il est heureux que la commission ait fortement remanié le texte sur ce point : désormais, c'est le directeur de l'Anses qui pourra décider de déléguer son avis. C'est un soulagement, car se priver des scientifiques et de leur savoir se fait toujours au détriment de l'expertise et peut s'avérer très dangereux.

Les thèses contre le réchauffement climatique ne sont pas sans conséquence aux États-Unis, il n'est qu'à regarder les décisions politiques du nouveau président dès son premier jour au pouvoir. Si chacun peut décider de ce qui est bon ou mauvais, comment décide-t-on ? Selon ses seules convictions ? L'enjeu économique ne justifie de jouer aux apprentis sorciers.

Pour les néonicotinoïdes, n'ayons pas peur du débat. Ils ne doivent pas être le sujet qui fâche : nous pourrions nous entendre sur des interdictions ciblées, lorsque les produits de substitution n'existent pas. Dans ce cas, et uniquement dans ce cas, des dérogations limitées dans le temps pourraient exister.

On peut comprendre aisément que, sans solution de remplacement, des productions et des filières entières risquent de disparaître. Cela fragilise encore notre agriculture, réduit le nombre d'agriculteurs et favorise la commercialisation en France de légumes, de fruits et de viandes traités avec des produits interdits. L'objectif initial, celui de protéger de la santé, n'est alors pas atteint.

Cependant, réintégrer les néonicotinoïdes serait un grand pas en arrière. Mon groupe a déposé un amendement visant à s'y opposer.

Mon département de l'Hérault figure parmi les cinq premiers au palmarès, peu glorieux, de l'exposition aux pesticides, dixit l'ONG Générations futures, qui relève un paradoxe : « avec la Gironde, le Gard, l'Hérault et l'Aude sont les quatre départements qui utilisent le plus de substances autorisées en agriculture biologique ». Or, dans l'Hérault, les quantités de glyphosate utilisé ont diminué de 40 % entre 2015 et 2023.

C'est pourquoi nous ne devons pas nous opposer les uns aux autres. Il faut sensibiliser, expliquer aux agriculteurs et aux consommateurs l'usage des traitements, leur utilité et leurs conséquences. Si nous voulons une agriculture raisonnée, mes chers collègues, soyons des parlementaires raisonnables. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le rapporteur et M. Pierre Médevielle applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. Patrick Chauvet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi importante pour l'avenir de notre agriculture, un secteur que nous savons en crise et confronté à des défis historiques.

Les réglementations françaises, souvent excessivement contraignantes et parfois mal adaptées à la réalité du terrain, aggravent ces difficultés. Ce texte ne doit rien au hasard : il s'inscrit dans le contexte particulier d'une agriculture en souffrance et résulte de nombreux travaux menés par le Sénat au cours des dernières années.

Dès 2022, la commission des affaires économiques alertait sur la perte de compétitivité de notre agriculture par rapport à nos voisins européens. Les surtranspositions et la surrèglementation françaises sont alors identifiées parmi les freins au développement de nos filières agricoles. Cette situation préoccupante s'est aggravée au fil du temps, comme en témoigne la diminution de l'excédent commercial alimentaire de la France, qui est passé de 12 milliards d'euros à 5,3 milliards entre 2011 et 2023. Nos agriculteurs, souvent épuisés par la charge administrative, ont encore à subir des normes lourdes et inadaptées.

C'est dans ce contexte que le mouvement de contestation a émergé, début 2024. Pour autant, il s'agit non pas d'une proposition de loi présentée sous le coup de l'émotion, mais d'un aboutissement législatif mûrement réfléchi, à la suite d'un diagnostic lucide qui appelle désormais à des actions concrètes.

La commission des affaires économiques a mis en évidence, à plusieurs reprises, la nécessité de simplifier les démarches administratives et de restaurer la compétitivité de notre agriculture. La proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, adoptée en 2023, qui tend à lever de premiers obstacles réglementaires, y contribue.

De même, les travaux de notre commission sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, entamés depuis bientôt un an, aboutiront dans quelques jours. Cette proposition de loi, en apportant des réponses concrètes aux difficultés rencontrées quotidiennement par nos agriculteurs, complète le texte gouvernemental, qui définit une programmation sur dix ans.

Je tiens à souligner certains éléments clefs de la proposition de loi. Ainsi, l'article 3, qui révise la réglementation ICPE, est particulièrement significatif. Les seuils actuels créent des désincitations administratives, ce qui freine le développement de l'élevage en France et crée des contraintes supplémentaires pour la création ou l'extension des exploitations. Ce texte tend à aligner la réglementation française sur les exigences européennes, rien de plus.

L'article 5, qui a pour objet de faciliter la gestion de la ressource en eau, répond également à une nécessité. L'agriculture doit bénéficier de l'irrigation sans être freinée par une législation déconnectée des réalités du terrain. La France ne peut se permettre une incertitude sur la gestion de l'eau, que les agriculteurs considèrent comme la plus précieuse des ressources.

Ainsi, cette proposition de loi est le fruit de plusieurs années de réflexion. Elle regroupe un ensemble de propositions concrètes tendant à lever les entraves agricoles, améliorer la compétitivité de la ferme France et répondre à des besoins urgents.

Mes chers collègues, cette proposition de loi est une évolution, non une révolution. Elle vise à lever des obstacles bien identifiés et à redonner des marges de manœuvre à nos agriculteurs, afin qu'ils puissent rivaliser sur un pied d'égalité avec leurs voisins européens et mondiaux. Elle repose sur les travaux législatifs de notre chambre et complète utilement le projet de loi agricole du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il est vrai que l'agriculture ne fait pas toute la ruralité, il n'est pas moins vrai qu'il n'y a pas de ruralité vivante sans agriculteurs. Dès lors, l'agriculture représente un double enjeu pour le Sénat et il importe de se poser la question de sa pérennité et de son développement durable. Or telle n'est pas l'ambition de cette proposition de loi, qui s'attaque aux normes.

Si l'on peut discuter et critiquer les excès de paperasserie et de bureaucratie, on peut assurément simplifier sans aggraver les précarités et les insécurités ni sacrifier la vie sur notre planète.

Certaines des diatribes contre les normes entendues aujourd'hui ont un tout autre objet, comme l'ont révélé voilà peu les déclarations d'une personnalité rapidement devenue très célèbre aux États-Unis. Garantir une totale liberté du capital contre le travail et la nature : tel est bien l'objectif visé.

Chez nous, en France, nous avons également assisté à une forme de détournement de la colère paysanne et de la revendication d'un prix garanti à la production, qui demeure essentielle. Nous avons quitté ce terrain pour porter au cœur des villes, sur les fourches à fumier des tracteurs, des mots d'ordre contre les normes.

Dans un gigantesque tête-à-queue confusionniste, ces organisations ont récemment coordonné de petits commandos qui se sont attaqués tantôt à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), tantôt à l'OFB et même aux locaux départementaux de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui est pourtant la sécurité sociale des paysans.

Dans mon département des Côtes-d'Armor, nous avons la fierté d'accueillir un grand campus de recherche qui regroupe, sur le Zoopôle de Saint-Brieuc–Ploufragan, près de 1 000 chercheurs et scientifiques, ce qui en fait vraisemblablement le plus grand campus de connaissances d'Europe. Et tout ce monde coopère et partage de l'information : Anses, direction des services vétérinaires (DSV), Innôzh, Labocéa, station de recherche sur les pathologies animales… Ces laboratoires produisent des études, mettent au point des vaccins, formulent des préconisations de méthode… Ils ne sont donc pas un problème pour notre agriculture ; au contraire, ils trouvent généralement des solutions aux problèmes et pathologies multiples auxquels nous sommes confrontés. Je les salue.

Quand je vois que cette proposition de loi s'attaque frontalement à l'Anses, je suis quelque peu consterné. Il est totalement anachronique de vouloir placer sous tutelle ministérielle les avis scientifiques de cette agence. C'est comme si l'on plaçait l'ordonnance ou la prescription du médecin sous la tutelle du ministre de la santé. Pourquoi ne pas lui demander aussi de se substituer au chirurgien en salle d'opération ? En outre, une telle mise sous tutelle ne renforcera pas notre crédibilité commerciale à l'export.

Soyons sérieux ! Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), une littérature scientifique assez abondante établit un lien entre les pesticides et six maladies graves, dont certains cancers. Nous avons ainsi besoin d'une autorité scientifique indépendante, apte à objectiver les situations et à apprécier les risques et habilitée à homologuer les produits.

L'heure n'est donc pas à l'anéantissement de toutes les régulations à la tronçonneuse, outil fétiche d'un certain Milei, en Argentine. Ce dernier se targuait voilà peu de sa capacité à effacer toutes les normes et préconisations…

Cette proposition de loi est, à nos yeux, un retour au passé. Elle ne réglera pas le problème du cheptel breton, qui a perdu 120 vaches par jour au cours de l'année écoulée. Elle ne répondra pas non plus aux difficultés des filières de la volaille et du porc, qui ont enregistré, depuis 2021, une baisse respective de 10 % et de 8 % de leur production.

Au recours à la tronçonneuse, nous préférons le bien commun, parce qu'il y va aussi de la survie de l'humanité. Telles sont les raisons qui nous conduisent à nous opposer à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chers Laurent Duplomb et Franck Menonville, je vais assurément vous surprendre : je suis d'accord avec vous !

Oui, l'agriculture et le monde paysan vont mal : on comptait 10 millions d'actifs en 1945, il y en a à peine 500 000 aujourd'hui ; les revenus sont insuffisants, et très inégaux ; l'endettement ne cesse de s'accroître, comme la dépendance aux produits chimiques ; le secteur subit une concurrence déloyale, orchestrée par les traités de libre-échange ; les exploitations grossissent au détriment de la vitalité de nos communes rurales ; notre agriculture souffre d'une incapacité à s'adapter et se protéger face aux changements climatiques et aux crises sanitaires qui se succèdent, et j'en passe !

En quelques décennies, nous avons rendu notre agriculture paysanne et locale dépendante d'autres puissances, des marchés financiers, de la crise énergétique. De perte de repères en perte de sens, nous nous sommes perdus.

Tel est le bilan de soixante-dix ans de politique agricole au service de la productivité coûte que coûte, de l'agrobusiness, des firmes agrochimiques, des banques, des spéculateurs, mais certainement pas au service des paysans, de la terre, de l'eau et de ce qui nous fait vivre.

Tel est le bilan d'orientations dictées depuis toutes ces années par le syndicat majoritaire, plus attaché à développer les biocarburants et l'exportation bas de gamme qu'à répondre au mal-être et à la détresse des agriculteurs. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues Duplomb et Menonville, je vais encore vous étonner, mais je partage autre chose avec vous, ou plutôt je pensais le partager : le bon sens paysan, c'est-à-dire à la fois l'humilité face à la nature, le respect de la terre et du vivant, l'exigence et le rapport au terroir. Travailler la terre, ce n'est pas rien. Faire du bon, valoriser une activité qui a du sens, en lien avec le pays, voilà ce qui devrait être notre boussole.

Permettez-moi de vous dire, chers collègues Duplomb et Menonville, qu'avec ce texte caricatural, loin du bon sens paysan, vous vous transformez en docteurs Folamour de l'agriculture. (Mêmes mouvements.)

Pourquoi vous en prendre à ce point à la terre, à l'eau, au vivant, à l'essence même du métier de paysan ? Ce texte mériterait d'être dénoncé à la Cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole (cellule Déméter) pour agri-bashing et mise en danger de la vie d'autrui ! (Marques de protestations sur le banc des commissions.)

Hier, vous vous attaquiez à 61 200 fermes en bio, pour 2,76 millions d'hectares, en proposant, et en obtenant, avec l'aval de la ministre, la suppression de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique (Agence Bio). Encore un contresens et une insulte à des milliers de paysans ; même la FNSEA ne vous suit pas sur ce chemin.

Considérez-vous vraiment que c'est rendre service aux agriculteurs que de réautoriser les promotions sur les pesticides et d'affaiblir l'Anses ? Combien de temps allez-vous faire perdurer ce mensonge sur la dangerosité des pesticides ? Combien de temps assumerez-vous d'exposer les agriculteurs aux cancers de la prostate, à Parkinson, à l'infertilité et à d'innombrables maladies ?

Le fonds d'indemnisation des victimes des pesticides traite plusieurs centaines de dossiers par an. Ces images terribles d'agriculteurs découvrant chez le médecin que leur métier les empoisonne ne nous touchent-elles donc pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mes chers collègues, pourquoi vous en prendre à ce point aux apiculteurs en réautorisant des néonicotinoïdes – trois substances, et non une seule, comme je l'ai entendu. L'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) vous interpelle directement : soutenir ce texte, c'est porter un coup à l'apiculture française. Ces professionnels, qui ont de plus en plus de difficultés à subsister économiquement, seront grandement affectés par une telle mesure. Pourtant, l'apport de l'apiculture à l'agriculture représente jusqu'à 5 milliards d'euros pour les seuls services de pollinisation.

Mes chers collègues, pensez-vous sincèrement qu'en autorisant l'épandage par drone, vous rendez service aux agriculteurs ? Pensez-vous les aider en aggravant leur dépendance à des technologies onéreuses à l'efficacité non démontrée et en creusant leur endettement ?

Mes chers collègues, pensez-vous vraiment aider les paysans en favorisant l'effondrement de la biodiversité, l'empoisonnement et l'accaparement de l'eau ? Dans un monde où l'eau potable se raréfie, où les sécheresses se multiplient, considérez-vous sérieusement que nous devons, que nous pouvons, continuer à la gaspiller davantage ?

Madame la ministre, à quoi va donc servir la conférence sur l'eau promise par le Premier ministre si cette proposition de loi confiscatoire est adoptée dans cette rédaction ?

Mes chers collègues, pensez-vous aider les paysans en détruisant toute la démocratie environnementale et ce qu'il reste de concertation et de consultation du public, préalable à l'installation de la plupart des activités économiques qui emportent inévitablement des conséquences sur nos territoires et sur nos lieux de vie ?

Il est encore temps de faire appel à votre bon sens paysan, à celui qui écoute la nature, son évolution, qui sait s'adapter, ce bon sens qui a permis à l'agriculture de traverser des millénaires en conservant une terre fertile, que nous venons de mettre à mal en quelques décennies.

Il est encore temps de renouer avec la logique de René Dumont, qui disait : « Regardez bien votre vache, c'est un animal extraordinaire ; elle a une barre de coupe à l'avant, et un épandeur à l'arrière. Si vous flanquez cet animal dans le milieu d'un pré, elle fait le travail toute seule. »

Mes chers collègues, revenez au bon sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinerons dans quelques jours le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, mais il s'agit d'une fusée à deux étages, dont le premier est la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui et qui vise à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.

Avant d'aborder le fond du débat, je tiens à souligner que la méthode du Gouvernement, consistant à déposer une quinzaine de nouveaux amendements deux heures avant l'examen en séance, relève d'une pratique vivement antidémocratique. Je suis désolé de vous le dire aussi directement, madame la ministre, mais cela n'est pas une bonne manière de travailler, surtout sur une proposition de loi, par définition dénuée d'étude d'impact.

Mme Annie Genevard, ministre. Vous avez raison et je m'en excuse !

M. Jean-Claude Tissot. L'intitulé initial de ce texte, « proposition de loi visant à libérer la production agricole des entraves normatives », traduisait, à mon sens, plus fidèlement les intentions de ses auteurs.

Celui-ci se veut une réponse au malaise des agriculteurs. Certes, personne ne peut nier la crise structurelle que traverse l'agriculture française. Oui, nombreux sont les paysans qui ne parviennent pas à vivre de leur travail ; oui, la mondialisation déloyale fragilise plusieurs de nos filières ; mais non, la bonne réponse au malaise agricole n'est pas l'assouplissement des règles encadrant l'usage des pesticides, non plus que la remise en cause des autorités environnementales ou la normalisation des mégabassines.

Simplifier, oui, mais sans renier nos engagements environnementaux ni compromettre la santé humaine.

En prétendant simplifier les normes en matière de pesticides, ce texte met directement en danger la santé des paysans, qui sont bien les premières victimes de ces produits phytosanitaires. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les faits : les actifs agricoles régulièrement exposés aux pesticides présentent des risques accrus de développer la maladie de Parkinson, reconnue comme maladie professionnelle par la Mutualité sociale agricole.

Le constat est identique concernant le cancer de la prostate, les lymphomes ou la surincidence de cancers pédiatriques récemment démontrée près de La Rochelle. Combien de temps continuerons-nous de rendre les paysans malades de leur travail ?

Réintroduire des produits phytosanitaires met également en jeu la santé des consommateurs via l'alimentation. Sommes-nous prêts à mettre en danger nos concitoyens, au nom de la rentabilité économique ?

À l'heure de nous prononcer sur ce texte, remémorons-nous les termes de la Charte de l'environnement de 2004. Son préambule dispose que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Les auteurs de cette proposition de loi ne semblent pas avoir pleinement saisi la portée de nos devoirs envers les générations futures.

Les néonicotinoïdes sont des tueurs d'abeilles, nous le savons depuis longtemps. Ces substances pourraient aussi contribuer à la disparition d'autres espèces, comme les oiseaux, selon une étude néerlandaise récente – cela n'étonnerait personne. Persistant dans les sols, susceptibles de migrer vers les milieux aquatiques, ils menacent l'ensemble de la biodiversité.

M. Jean-Claude Tissot. C'est vrai ! Les réautoriser en 2025 relève du non-sens, cela frise l'obscurantisme. Combien de temps nierons-nous la science ? (M. Vincent Louault s'exclame.)

Ce prétendu « choc de simplification » entérine un modèle agricole chimiquement intensif. Or ce qui était audible il y a soixante ans ne l'est plus aujourd'hui. Nous ignorions alors les effets des produits phytosanitaires, j'en ai été témoin : c'était pratique, il suffisait de faire confiance !

Ce modèle a vécu : l'utilisation massive des pesticides a conduit une génération entière de paysans à développer des maladies ; elle a aussi durablement contaminé les sols. Le consensus scientifique est clair : l'agriculture chimique doit disparaître au profit d'une agroécologie raisonnée, tout en permettant de maintenir notre souveraineté alimentaire.

Cessons de laisser croire aux agriculteurs que leurs difficultés sont imputables aux normes environnementales, alors que c'est la dérive droitière néolibérale des trente dernières années qui a précipité les paysans dans l'ornière. Le combat contre l'accord avec le Mercosur, qui nous a largement rassemblés, en témoigne. Nous ne voulons pas davantage de dérégulation, mais justice et protection pour nos producteurs.

Soyons-en persuadés, il existe un autre chemin pour accompagner les filières que celui de la régression environnementale et sanitaire. J'entends les inquiétudes légitimes de certaines d'entre elles, à l'heure de se détacher des produits phytosanitaires. C'est pourquoi il convient de les accompagner en déployant des alternatives viables.

Encore faut-il pour cela doter l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, chef de file de la recherche, des moyens nécessaires et s'assurer que l'Anses conserve son indépendance.

Avant tout, il est primordial de garantir un revenu agricole digne. Sans avancer sur ce point, nous ne pourrons pas aider les agriculteurs ; or ce texte n'en dit pas un mot.

Vous l'aurez compris, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'opposera fermement à cette proposition de loi et défendra la suppression de cinq de ses six articles. Ce texte incarne un contresens historique et l'expression la plus sincère d'un populisme rétrograde en rupture totale avec la transition écologique. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons aujourd'hui : loin d'être un simple texte technique, la présente proposition de loi est un texte d'urgence.

Parmi les nombreuses crises qui traversent notre pays, celle de l'agriculture en 2024 a profondément marqué les Français. Une mobilisation unique, largement soutenue par nos concitoyens, a enflammé les territoires et inquiété des gouvernants trop longtemps restés sourds au malaise du monde agricole.

Comment expliquer que, en France, puissance agricole historique, capable pendant des siècles de nourrir une population toujours croissante par ses propres ressources, des centaines d'agriculteurs mettent fin à leurs jours chaque année ? Comment tolérer que des contraintes administratives absurdes, des importations dérégulées et des normes excessives menacent aujourd'hui la pérennité même de notre agriculture ?

Pourtant, tandis que l'on accable nos agriculteurs de surtranspositions et de réglementations disproportionnées, les responsables politiques n'hésitent pas à signer en toute discrétion des traités comme l'accord avec le Mercosur, démontrant, s'il en était encore besoin, combien notre pays manque de poids et de crédibilité et combien notre majorité est relative dans cette Europe trop heureuse de sacrifier l'agriculture française pour vendre quelques voitures allemandes.

Néanmoins, ce que la politique a défait, nous avons ici le pouvoir de le refaire. Les attentes de nos agriculteurs sont simples et légitimes : vivre dignement de leur travail, être protégés d'une concurrence internationale déloyale et voir lever les lourdeurs bureaucratiques qui entravent leur activité.

Faciliter la vie de nos agriculteurs, tel est le mérite de cette proposition de loi.

Par exemple, nous approuvons l'article 1er, qui abroge l'interdiction en France des remises, rabais et ristournes sur les produits phytosanitaires, alors que les Espagnols ou les Allemands, nos premiers concurrents, peuvent négocier le prix de leurs produits. Cette mesure rendra de la compétitivité à nos agriculteurs en leur permettant de négocier les prix, à l'égal de leurs concurrents directs.

L'article 2, revenant sur une surtransposition, autorisera, dans des limites strictes, l'usage d'aéronefs sans pilote pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques. Entre l'urgence économique du monde agricole et l'inquiétude écologique d'une partie de nos concitoyens, il est à l'honneur des auteurs de ce texte d'avoir su nous soumettre une rédaction équilibrée.

Cette proposition de loi constitue une première étape. Il faut mettre fin à toutes les surtranspositions de normes européennes, réduire les charges administratives et fiscales inutiles et garantir des revenus dignes à ceux qui travaillent sans relâche pour nourrir nos concitoyens.

Ce sera tout l'objet du projet de loi d'orientation agricole, dont le Sénat se saisira dans les prochaines semaines.

Néanmoins, nous devons également financer la recherche de solutions de remplacement pour assurer la vigilance sanitaire nécessaire à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et aboutir, à terme, à une production sûre pour nos agriculteurs, tout en protégeant la santé publique et l'environnement. Nous restons convaincus qu'aucun paysan ne pollue par plaisir.

Victor Hugo disait : « Vous voulez la paix : créez la prospérité. » Il nous appartient aujourd'hui d'adopter cette proposition de loi pour pacifier la vie de nos agriculteurs. (M. Aymeric Durox applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

M. Vincent Louault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis bien longtemps, le Sénat, par la voix de la commission des affaires économiques, a alerté sur la perte de compétitivité de l'agriculture française. Le travail de nos agriculteurs nourrit l'excellence de nos filières agroalimentaires, mais les boulets sont trop nombreux et sapent leur compétitivité.

Les politiques climatiques engagées par l'Union européenne sont légitimes et ambitieuses au regard des enjeux, mais elles ne doivent pas induire une séparation entre les producteurs et les 450 millions de consommateurs.

La confiance dans l'alimentation reste capitale pour nos agriculteurs. Nombreux sont ceux qui veulent laver plus blanc que blanc et la France, cherchant sûrement à bien faire, a très largement surtransposé les directives européennes. Les parlementaires et la représentation nationale l'ont fait avec la certitude que nos partenaires européens partageaient cette croyance.

Surtransposition, interdiction arbitraire de produits phytosanitaires, définition trop contraignante des zones humides, impossibilité de préserver la ressource en eau : nous ne pouvons plus laisser autant de distorsions de concurrence à l'intérieur même de l'espace européen qui, je le rappelle, est la zone la plus écologique du monde.

Alors, mes chers collègues, je remercie publiquement les sénateurs Duplomb et Menonville. Oui, vraiment, sincèrement : merci ! Cette proposition de loi est la première et la seule à répondre aux attentes des agriculteurs et des producteurs français.

Je vous le dis le plus sérieusement du monde : oui, tous les agriculteurs français sont convaincus par la nécessité d'effectuer des efforts sur les enjeux écologiques. Ils sont attachés, ancrés à leur sol, à leur territoire, à la nature environnante : ils y vivent.

C'est bien pour cela que l'agriculture européenne est la plus saine, la plus sûre et la plus respectueuse du bien-être animal de la planète.

Nous avons déjà baissé de 95 % l'utilisation des pesticides cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 1 (CMR 1), c'est-à-dire les plus dangereux, et de 60 % l'administration d'antibiotiques dans nos élevages. Mais on ne peut pas tout supprimer si l'on veut lutter contre les maladies animales.

Dans le même temps, nous subissons une augmentation massive des importations de produits agricoles ne répondant pas aux mêmes contraintes de production : 60 % pour les fruits, 40 % pour les légumes. Je ne vous parle même pas de l'emblème des importations : le poulet. Madame la ministre l'a déjà évoqué de nombreuses fois.

La France garde sa place de sixième exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires ; elle était deuxième il y a vingt ans. Bientôt, nous aurons fini de stagner et nous ne pourrons plus enrayer la chute. Notre balance commerciale de produits agricoles, excédentaire de 5 milliards d'euros, s'est déjà repliée de 43 %.

Depuis plus d'un an, les agriculteurs manifestent, mais ils sont en souffrance depuis bien plus longtemps encore et nous disent systématiquement : « Laissez nous faire notre travail, notre métier, et bien vous nourrir durablement avec des produits sains et de qualité. Nous n'avons pas besoin que l'on nous explique le fonctionnement de la nature, des animaux, des végétaux, des biotopes, et de la biodiversité qui composent nos campagnes. Nous y sommes nés, nous y vivons. » Voyez, monsieur Jadot, j'ai bien cité la biodiversité.

Aucun agriculteur ne prétend que toutes ses pratiques sont parfaites et que rien ne doit évoluer, ils affirment tous vouloir faire des efforts et en font déjà énormément.

Comme Rome, l'agriculture de demain ne se fera pas en un jour. Tout le monde est prêt à applaudir les grandes déclarations en vue de changer les choses entendues lors des crises, mais, hélas ! nous attendons encore les actes.

Les agriculteurs patientent, nous leur avons fait beaucoup de promesses, nous avons suscité beaucoup d'espoirs, mais depuis un an, nous avons subi une dissolution et quatre Premiers ministres. Le désespoir est insondable. Nous avons connu encore un suicide ces derniers jours dans mon canton, deux en Indre-et-Loire. Je ne supporte plus, nous ne supportons plus ce décompte macabre !

Le projet de loi d'orientation agricole, bien qu'incomplet, est toujours en discussion ; les simplifications promises par le Gouvernement Attal attendent que l'administration accepte enfin de réduire le réglementaire et de pondre arrêtés et décrets. Madame la ministre, nous ne produisons que du rien et, à cause de cela, l'agriculture part dans le décor.

Notre ambition paraît tellement légitime, tellement simple à mettre en œuvre, et pourtant, le constat est terrible : les gouvernements sont tétanisés par la peur des attentes sociétales, par la peur des sondages.

Seulement voilà, tout le monde est coincé dans une temporalité qui nous échappe. Le salon de l'agriculture arrive et la mauvaise volonté va finir par se remarquer. Pour nous, parlementaires, elle est déjà bien visible : pas de marche arrière, vous crantez la ceinture qui étrangle l'agriculture, et cela commence à se voir.

Tout est excuse pour favoriser la décroissance et la sanctuarisation d'une France placée sous le joug de la protection des protections, pour détruire l'agriculture ! Le moment du courage est venu, le moment pour nous, parlementaires, de sortir de l'émotion théâtrale simpliste qui nous est imposée. Cela commence ici et devra se poursuivre à l'Assemblée nationale.

Mes chers collègues, les agriculteurs nous observent, mais ils ne sont pas seuls, c'est aussi le cas des maires, des entreprises, du secteur du bâtiment, car si nous échouons sur l'agriculture, nous échouerons demain sur toutes les autres simplifications dont le pays a besoin.

Pendant les débats, je serai sans concession avec les marchands de peur et avec les administrations, d'autant que certaines d'entre elles nous ont caché des éléments pendant les auditions.

Madame la ministre, je sais que je peux vous faire confiance, mais je vous demanderai tout de même quelques explications et j'attendrai des réponses.

Les agriculteurs savent que nous leur mentons, il est temps d'arrêter d'avoir peur, peur des drones, peur des nouvelles techniques génomiques, peur de stocker l'eau. Nous avons peur de notre ombre ! Nous sommes devenus des Gaulois effrayés que le ciel ne leur tombe sur la tête.

M. Daniel Salmon. Il tombe un peu, tout de même !

M. Vincent Louault. Or nos ambitions doivent être immenses pour que nous restions dans la course des grands équilibres mondiaux.

Je vous le demande avec force, mes chers collègues : soyons courageux, gardons un cap ambitieux face aux changements climatiques, mais rectifions les excès.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera bien sûr ce texte, en fonction des débats. C'est aujourd'hui le moment de vérité pour nos agriculteurs et pour la France. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'exaspération des agriculteurs et des éleveurs est constante face à la complexité et à la profusion des normes, un serpent de mer auquel il faut avoir le courage de s'attaquer.

L'agriculture est aujourd'hui confrontée à une crise sans précédent, qui accentue encore le déclin qu'il nous revient d'enrayer : année après année, le nombre d'exploitations diminue, nos campagnes se vident et la balance commerciale agroalimentaire française est en perte de vitesse. Elle est structurellement déficitaire depuis 2014.

Face à ces constats, il est impératif de redonner de l'air à nos agriculteurs pour leur permettre de vivre dignement de leur travail, de produire et de garantir la souveraineté alimentaire de notre pays.

Le secteur de l'élevage est particulièrement touché, confronté à l'apparition de nouvelles épizooties qui emportent des conséquences sur l'ensemble de la chaîne ; il souffre tout autant des procédures environnementales complexes et coûteuses.

Or il est un pilier essentiel de notre agriculture et recèle un savoir-faire important en France. Au cœur de l'économie agroalimentaire, de ses filières et des divers emplois qu'elles induisent, il est le poumon de nos campagnes. Il assure une production de qualité et un approvisionnement local, il contribue à l'entretien de l'espace, au maintien de l'ouverture des paysages et à la préservation de la biodiversité. Laisser l'élevage français s'effondrer serait renoncer à une part de notre identité, de notre patrimoine et de notre avenir.

La simplification est une nécessité pour ne pas désespérer des acteurs qui savent faire preuve de bon sens et qui ont déjà bien assez de travail, jour et nuit, au champ ou à l'étable.

Ceux qui travaillent la terre, les éleveurs et les agriculteurs, ne sauraient être considérés comme suspects par idéologie. Ils ne doivent pas être les victimes d'une diminution du lien entre la société et ses agriculteurs. Au contraire, faisons leur confiance.

La présente proposition de loi apporte des solutions concrètes et pragmatiques aux difficultés rencontrées par les éleveurs et permettra de libérer l'activité agricole de normes lourdes et contradictoires.

Elle est aussi complémentaire du projet de loi d'orientation agricole que nous allons examiner dans les prochaines semaines : les deux textes ont pour objectif de consolider la souveraineté alimentaire et agricole de la France en affichant une ambition programmatique, tout en apportant des réponses immédiates pour promouvoir une agriculture compétitive et durable.

La présente proposition de loi s'inscrit dans un contexte critique.

Tout d'abord, les agriculteurs subissent une crise persistante, confrontés à une baisse continue de leurs revenus, à une augmentation des charges et à un sentiment de dévalorisation de leur profession.

Ils souffrent, ensuite, d'injonctions paradoxales : on leur demande de produire plus pour assurer la souveraineté alimentaire tout en s'adaptant au changement climatique.

Ils sont confrontés à une concurrence internationale déloyale et se sentent pénalisés par rapport à leurs concurrents étrangers, qui produisent souvent avec des normes moins strictes.

Enfin, on leur impose des surtranspositions : la France va au-delà des exigences européennes en matière de normes environnementales et sanitaires, ce qui pénalise ses agriculteurs.

Sur ces quatre sujets, cette proposition de loi apporte des solutions.

Elle met fin aux normes françaises excessives qui pénalisent certaines filières par rapport à leurs concurrents européens.

Elle simplifie certaines démarches administratives, notamment pour les projets agricoles, et améliore les procédures, en permettant les contre-expertises sur le terrain en complément des évaluations de pertes en prairie réalisées par satellites.

Elle garantit un accès sécurisé à l'eau pour l'agriculture avec l'inscription dans la loi d'un principe de non-régression du potentiel agricole par la politique de l'eau. Il s'agit de prendre en compte la place de l'usage agricole dans la hiérarchie des usages de la ressource et de traiter les projets de stockage d'eau à usage partagé, facilitant ainsi la mise en place de solutions visant à améliorer l'accès à l'eau pour l'agriculture.

Enfin, elle promeut une relation plus apaisée avec les services de contrôle par un dialogue et des solutions amiables.

Ce texte apporte des évolutions nécessaires et a le mérite de traiter les sujets qui concernent l'activité quotidienne des agriculteurs, d'améliorer la « vivabilité » ressentie par les agriculteurs.

En conclusion, ce texte contribue, à mes yeux, à améliorer notre modèle de souveraineté agricole et à soutenir une agriculture compétitive, durable et économiquement viable, présente sur tout le territoire, montagnes, plaines, vallées, bref, en milieu rural.

Comme vous, madame la ministre, je défends l'idée qu'il ne peut y avoir de pays sans paysans. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. ((Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer mes collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville pour cette proposition de loi qui revient sur un certain nombre de dispositifs législatifs que nous savons aujourd'hui préjudiciables à notre économie rurale et à notre souveraineté agricole.

Je le dis d'autant plus aisément que j'ai été rapporteure de l'ensemble des lois Égalim depuis 2018. Avec mon collègue Daniel Gremillet, nous avons été mobilisés dans le comité de suivi et nous avons maintes fois pointé l'absence d'une étude d'impact qui aurait pu nous éclairer quant aux conséquences prévisibles des dispositions proposées, notamment les charges supplémentaires qui réduisent à néant les efforts pour augmenter les revenus des agriculteurs. Nous avons insisté sur la nécessité d'évaluer ces expérimentations afin de les adapter.

Ce texte vient répondre aux dysfonctionnements et aux incohérences pointés par les agriculteurs afin de rendre à l'agriculture française des marges de compétitivité au nom de la souveraineté alimentaire.

Ses auteurs préconisent une approche plus progressive, essentiellement au travers de mesures de « désurtransposition », qui visent à s'aligner sur le niveau européen.

En ce qui concerne l'usage des produits phytopharmaceutiques, cette proposition de loi vise plus précisément l'acétamipride, une substance autorisée par l'Union européenne jusqu'en 2033. Les mesures issues d'Égalim n'ont pas débouché sur des solutions de substitution réalistes, notamment pour faire face aux mauvaises conditions climatiques.

Mme Anne-Catherine Loisier. Face à ces impasses techniques, l'interdiction met en difficulté les producteurs français de betterave, ce qui explique la dérogation encadrée de 2020 et 2023.

Les producteurs de noisettes, de pommes de terre et bien d'autres se trouvent également en grande difficulté, alors même que la France importe de plus en plus de produits cultivés à l'aide d'acétamipride et les propose à ses consommateurs. Les Français doivent le savoir.

Il est temps de lever cette hypocrisie qui ruine notre agriculture : le consommateur français consomme et consommera de l'acétamipride, que cette proposition de loi soit adoptée ou pas. En outre, l'Union européenne, si elle a validé l'usage de l'acétamipride jusqu'en 2033, a abaissé les doses de référence au moment de renouveler son autorisation en 2018.

La survie de notre agriculture, sa compétitivité au regard de ses concurrents à la fois internationaux et européens, le principe de « non-interdiction sans solution » sont autant de motifs qui doivent nous amener à desserrer les contraintes franco-françaises pesant sur nos agriculteurs.

En ce sens, notre groupe proposera, sur l'initiative d'Anne-Sophie Romagny, deux amendements sur le modèle de ce qui a été fait pour les betteraves, afin de rassurer sur cette mesure, d'encadrer l'usage et, enfin, de s'aligner sur la réglementation européenne.

De la même manière, la séparation entre vente et conseil ainsi que l'obligation d'un conseil stratégique indépendant n'ont pas conduit à une diminution des volumes de produits utilisés en France. Il est donc légitime de revenir sur ces dispositions qui engendrent des surcoûts, alors que le projet de loi d'orientation agricole préconisera un diagnostic modulaire qui permettra de mieux évaluer la viabilité économique et écologique d'une exploitation agricole.

La proposition de loi revient également sur l'usage des drones, lequel n'est pas remis en cause par l'Anses. Je présenterai pour ma part un amendement visant à mieux répondre aux difficultés auxquelles sont confrontés nos viticulteurs.

En matière de nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, notre groupe défendra quelques amendements tendant à éviter toute surtransposition.

Enfin, la France fait également preuve de zèle ou d'excès concernant les zones humides. Nous comptons à ce jour 4 millions d'hectares classés en zones humides, contre 1,2 million au Royaume-Uni et à peine 900 000 en Norvège ou aux Pays-Bas. Cela pose question quant à la pertinence de ces zonages. Veillons à ne pas nous singulariser au niveau européen par nos excès en la matière.

Ces apports nous semblent nécessaires, le groupe Union Centriste votera donc cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption de certains des amendements que je viens d'évoquer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui ne me paraît pas contenir de solutions pertinentes pour la défense de notre agriculture et de nos agriculteurs.

Si bon nombre d'entre eux sont en grande difficulté – personne ne le nie –, ce n'est pas en dérégulant et en libéralisant à tout va que nous améliorerons leur situation.

Les agriculteurs en difficulté ont avant tout un problème de revenus.

Il faut assurer des prix rémunérateurs en mettant en place un véritable encadrement des marges dans la chaîne de valeur afin de garantir des prix équitables, de lutter contre les abus de certains intermédiaires et d'encourager les circuits courts et locaux, bien que ces derniers – j'en suis conscient – ne soient pas la solution unique.

Il faut également alléger les démarches administratives et rendre les contrôles moins tatillons.

Il est impératif de soutenir la transition énergétique en garantissant la rémunération de ceux qui adoptent des pratiques durables – préservation des sols, gestion des haies, agroforesterie et toute autre aménité positive.

Il convient par ailleurs d'encourager les agriculteurs à réorienter leurs modes culturaux, tout comme il est souhaitable d'investir massivement dans des filières biologiques et de qualité pour capter de nouveaux marchés.

Le récent vote du Sénat supprimant l'Agence bio va totalement à rebours de ce qu'il faut faire et provoque, à raison, l'incompréhension des acteurs de la filière. Ce n'est pas en affaiblissant ou en supprimant des structures de recherche que nous rendrons service à notre agriculture.

L'utilisation de produits dangereux affecte en premier lieu la santé des agriculteurs eux-mêmes. C'est pourquoi je m'oppose à l'article 2 de la présente proposition de loi, qui remet en cause le cadre existant en matière d'autorisation et d'usage des pesticides. Il affaiblit la position de l'Anses tout en revenant sur des interdictions actées.

En tant qu'apiculteur amateur, je m'inquiète de la réautorisation de l'usage des néonicotinoïdes, reconnus tueurs d'abeilles. Au cours des trente dernières années, 80 % des insectes volants, en particulier pollinisateurs, ont disparu en Europe. Cette éventuelle réautorisation constitue une menace pour notre apiculture déjà très fragilisée et provoquerait l'effondrement de la biodiversité.

Les agriculteurs ont fait et font d'énormes efforts. Leurs techniques doivent encore évoluer, notamment pour éviter l'épuisement des sols – je vous renvoie sur ce point à la proposition de loi visant à préserver des sols vivants de notre collègue Nicole Bonnefoy, mes chers collègues. Ces évolutions se feront grâce à la science, grâce aux recherches menées par les différents organismes qui accompagnent nos agriculteurs et par les agences dont les auteurs de la présente proposition de loi veulent démagogiquement limiter l'influence. Ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fait baisser la température !

M. Franck Menonville. Ce n'est pas ce que nous voulons faire !

M. Jean-Jacques Michau. Il est un combat primordial, celui que la France doit mener également au niveau européen, afin de garantir que les produits agricoles importés respectent les mêmes normes environnementales, sanitaires et sociales que celles qui sont imposées aux agriculteurs français. La France doit être intraitable : tout produit ne respectant pas nos règles sanitaires et sociales ne doit pas être commercialisé en France. C'est ce que l'on appelle les clauses miroirs.

Je suis convaincu que les recettes que contient cette proposition de loi ne permettront pas d'améliorer la situation de nos agriculteurs. La dérégulation, le libéralisme économique à tout va sont, au contraire, à l'origine des difficultés que traverse l'agriculture française depuis des années.

L'examen de ce texte s'inscrivant de plus dans un contexte politique et syndical particulier, un débat apaisé sur les difficultés rencontrées par nos agriculteurs n'est pas possible. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec une profonde conviction et un sentiment d'urgence que je prends aujourd'hui la parole pour soutenir la proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, un texte essentiel qui vise à répondre aux défis critiques auxquels est confrontée l'agriculture de notre pays.

Cette proposition de loi emporte un engagement fort en faveur de nos agriculteurs, de nos territoires et, au-delà, de la souveraineté alimentaire de notre pays.

En Lot-et-Garonne, département agricole par excellence, cette crise est particulièrement perceptible. Les exploitants spécialisés dans les fruits, les légumes ou l'élevage font face à des pressions insoutenables : tandis que leurs marges s'amenuisent et que leurs charges explosent, ils sont en effet confrontés à une concurrence internationale déloyale.

Parmi les filières en danger, je citerai la filière de la noisette, emblématique du territoire dont je suis élue. Confrontés à une urgence phytosanitaire liée à des ravageurs, nos producteurs se retrouvent dans une impasse absurde du fait de l'interdiction en France de l'acétamipride, un produit pourtant autorisé dans d'autres pays européens. Cette absurdité met en péril la viabilité économique de cette filière et aggrave une concurrence déjà inéquitable.

L'article 2 du présent texte, qui permettrait au Gouvernement de suspendre une décision de l'Anses et d'accorder des dérogations encadrées, constitue une solution pragmatique et indispensable à une telle difficulté. Cette disposition permettrait de garantir à nos agriculteurs qu'ils disposeront des outils nécessaires pour préserver leur production et faire face à des situations exceptionnelles.

Un autre combat auquel cette proposition de loi apporte indirectement, mais aussi directement, des éléments de résolution a trait aux accords commerciaux internationaux tels que l'accord signé par l'Union européenne avec le Mercosur.

En laissant entrer sur notre marché des produits issus de pratiques agricoles interdites en France, nous exposons nos agriculteurs à une concurrence déloyale. Ce modèle d'importation massive est tout simplement incompatible avec nos valeurs. Alors même que, depuis la crise de la covid, le terme de souveraineté s'est imposé dans le débat public, un tel modèle met en péril la souveraineté alimentaire de notre pays.

L'un des leviers clés de cette souveraineté est la gestion de l'eau, un enjeu crucial dans un contexte de changement climatique. Aujourd'hui, trop de projets de retenue d'eau et de lac collinaire sont retardés ou bloqués par une administration lourde et complexe. En simplifiant les démarches administratives pour ces infrastructures vitales, l'article 5 apporte des solutions concrètes à de telles difficultés.

En facilitant ces projets, nous faisons le choix de sécuriser l'irrigation, de pérenniser les exploitations agricoles et de préparer notre pays aux défis climatiques à venir.

Le modèle agricole français repose sur trois piliers essentiels : la diversité des productions, la qualité des produits et le lien étroit avec le territoire, car nos agriculteurs façonnent nos paysages, maintiennent la vie rurale et préservent nos traditions.

La crise agricole dépasse les clivages politiques, mes chers collègues. Elle concerne notre économie, notre environnement et, surtout, notre avenir collectif.

En soutenant cette proposition de loi, nous affirmons que la France protège ses agriculteurs et ses filières stratégiques, que la concurrence internationale doit être équitable et reposer sur des normes communes respectées par tous, et que la souveraineté alimentaire de la France n'est pas négociable.

En adoptant ce texte, nous envoyons un signal clair à nos agriculteurs : nous avons entendu leur appel. Bien plus qu'une réponse législative, ce texte est un acte de foi en notre agriculture et un acte de courage politique, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi déposée par nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, que je remercie, offre une opportunité inédite au législateur que nous sommes d'envoyer un signal fort à nos agriculteurs. Ces derniers nourrissent les Français, ils magnifient notre terre et nos paysages, ils perpétuent un savoir-faire et ils font la fierté de tout un peuple.

Oui, mes chers collègues, la ferme France est en danger. Oui, la ferme France est en souffrance. Plus que jamais, nous devons nous tenir au côté des agriculteurs.

Au cours des dix dernières années, la France a perdu environ 100 000 exploitations agricoles, ce qui reflète l'inquiétante tendance au déclin de ce secteur. En 1988, la France comptait plus de 1 million d'exploitations, contre 400 000 aujourd'hui. Près d'un quart des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté, un taux bien plus élevé que dans toutes les autres catégories socioprofessionnelles. Un agriculteur sur cinq ne parvient pas à dégager un revenu suffisant pour se rémunérer à la fin du mois. Et chaque année, ce sont près de 300 agriculteurs qui se suicident de désarroi.

Derrière ces chiffres, derrière ces statistiques parfois tragiques, il y a des femmes et des hommes, ces héros de nos territoires, véritables piliers de nos communes, qui se trouvent confrontés à des contraintes de plus en plus lourdes qui entravent leur capacité à exercer le métier le plus noble du monde. Il est de notre devoir, au Sénat, de leur apporter les réponses qu'ils attendent.

Défendre nos agriculteurs, c'est d'abord reconnaître la complexité de leur quotidien. Ils sont soumis à des normes, notamment européennes, qui, bien que parfois inspirées par de bonnes intentions, ne tiennent pas compte des réalités.

Dans le cadre de leur transposition en droit français, ces normes sont souvent inutilement durcies. Nous devons nous engager à transposer le droit européen de manière bien plus intelligente et bien plus pragmatique. Il nous faut protéger ces exploitations sans les étouffer ni tuer leur compétitivité.

Il est ensuite urgent de réduire le poids de la charge administrative qui pèse sur les agriculteurs. Combien de fois avons-nous entendu des exploitants se plaindre de passer plus de temps derrière leur bureau qu'à travailler dans leur champ ou dans leur étable ? Ces heures perdues sont des heures volées à leur passion, à leur production et, finalement, à notre souveraineté alimentaire.

Il est de notre responsabilité de réaffirmer la place stratégique de l'agriculture dans notre pays, mes chers collègues. Face à la concurrence européenne, parfois déloyale, face aux crises économiques et climatiques, nous devons offrir à nos agriculteurs des outils pour rester compétitifs.

Défendre nos agriculteurs, c'est enfin défendre nos territoires ruraux, nos paysages et notre patrimoine. Chaque exploitation qui disparaît, c'est une parcelle de France qui s'éteint. Nous ne pouvons pas accepter ce déclin silencieux, car lorsque la flamme de l'agriculture vacille, c'est une part de l'âme française qui risque l'extinction.

Mes chers collègues, en votant ce texte, après des débats sans doute nourris, nous affirmerons notre soutien à celles et à ceux qui travaillent sans relâche pour garantir notre souveraineté alimentaire. Nous leur montrerons que la République est à leur côté.

Il est grand temps d'alléger le fardeau de nos agriculteurs et de leur redonner les moyens de réussir. Leur survie et la nôtre en dépendent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l'examen du texte de la commission.

proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur

TITRE Ier

METTRE FIN AUX SURTRANSPOSITIONS ET SURRÈGLEMENTATIONS FRANÇAISES EN MATIÈRE DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES

Article 1er

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° La section 4 bis du chapitre III est abrogée ;

2° Le VI de l'article L. 254-1 est abrogé ;

3° Les articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 sont abrogés ;

4° Au 2° du I de l'article L. 254-2, après le mot : « administrative », le signe : « , » est remplacé par le mot : « et » et, à la fin, les mots : « et qu'elle respecte les dispositions des articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 » sont supprimés ;

5° L'article L. 254-6-2 est ainsi modifié :

a) Le dernier alinéa du I est supprimé ;

b) Le II est ainsi modifié :

– la seconde phrase du premier alinéa est supprimée ;

– le deuxième alinéa est supprimé ;

– au dernier alinéa, les mots : « et le délai entre deux conseils augmenté » sont supprimés ;

c) Le III est abrogé ;

6° À la dernière phrase du second alinéa de l'article L. 254-7-1, après la référence : « L. 254-6-2 », la fin de la phrase est supprimée ;

7° (nouveau) Avant le titre Ier du livre V, il est inséré un titre préliminaire ainsi rédigé :

« TITRE PRÉLIMINAIRE

« DU CONSEIL STRATÉGIQUE GLOBAL

« Art. L. 510-0. – I. – Les exploitants agricoles peuvent bénéficier d'un conseil stratégique global, formalisé par écrit, fourni par des conseillers certifiés, notamment pour leurs connaissances en agronomie, en protection des végétaux, en gestion économe des ressources ou en stratégie de valorisation et de filière, afin d'améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale de leur exploitation.

« Le conseil stratégique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques mentionné à l'article L. 254-6-2 constitue un volet de ce conseil stratégique global.

« II. – Un décret définit les modalités de certification des conseillers mentionnés au I du présent article. Il précise notamment leurs obligations de volume horaire annuel de formation ainsi que le contenu minimal obligatoire de cette formation, qui comprend nécessairement un volet spécifique aux enjeux déontologiques. »

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l'article.

Mme Nicole Bonnefoy. Cet article reprend peu ou prou l'article 18 d'un précédent texte du sénateur Duplomb, la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France.

Cet article me choque d'autant plus qu'il va à l'encontre d'une recommandation issue d'un rapport intitulé Pesticides : vers le risque zéro, adopté par le Sénat à l'unanimité en 2012. S'il vous faut une coupable, je suis toute désignée, mes chers collègues : j'assume en effet être à l'origine de cette disposition imposant la séparation des activités de conseil et de vente de pesticides.

Pourquoi, me direz-vous ? Le constat est très simple : qui conseille ne peut vendre, et inversement, au risque d'un conflit d'intérêts manifeste et prévisible. Encore une fois, telle était l'une des conclusions du rapport d'information susvisé, que nous avons adopté à l'unanimité.

Et ce n'est pas tout, puisqu'en revenant sur l'interdiction des rabais, remises et ristournes, vous revenez sur le conseil stratégique phytosanitaire. Il faut croire que la mise en place du plan Écophyto, sous la pression du mouvement agricole, à la hâte et sans étude d'impact, ne vous suffit plus, mes chers collègues.

Que souhaitez-vous donc ? Arrêter tout contrôle sur les pesticides épandus sur nos sols ? Déverser des pesticides sur nos sols jusqu'à l'épuisement des stocks et des sols ? Faire croire à nos exploitants qu'il n'y aura plus de contrôle du tout ? Est-ce vraiment ce que vous voulez ? Croyez-vous vraiment que c'est ce que veulent nos agriculteurs ?

Savez-vous qu'avec leur famille, ils sont les premières victimes des pesticides ? J'en veux pour preuve la création, en 2018, par le Sénat – c'est du reste son honneur –, du fonds d'indemnisation des victimes des pesticides, que le Gouvernement a intégré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Un tel renoncement est-il à la hauteur du défi d'une agriculture durable ? Est-il à la hauteur du défi de santé publique et de santé environnementale que représente la pollution de nos cours d'eau et de nos nappes phréatiques par les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) et les métabolites ? Les rapports sur ce sujet sont accablants.

Pour ma part, je ne puis me résigner à ce qu'en matière agricole, le législateur en soit réduit à se renier ou à se soumettre à des intérêts économiques de court terme, et qui plus est dangereux pour les générations futures.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, sur l'article.

M. Laurent Duplomb. L'article 1er de la présente proposition de loi, dont mon collègue Franck Menonville et moi-même sommes les auteurs, revient uniquement – je le rappelle une fois de plus – sur des surtranspositions qui nous distinguent des pays voisins.

Je rappelle également que le même ministre qui a fait voter dans cet hémicycle la séparation du conseil et de la vente a depuis lors indiqué dans un rapport qu'il s'agissait d'une usine à gaz sur laquelle il fallait revenir.

Existe-t-il par ailleurs un levier plus stigmatisant que l'interdiction des remises, rabais et ristournes, ma chère collègue ? Les agriculteurs achètent des produits phytosanitaires, non pas pour les admirer en bas de leur lit, non pas pour se doucher tous les matins avec, mais parce qu'ils ont besoin de traiter certaines maladies dont leurs cultures sont atteintes, de la même manière que les humains prennent des médicaments pour se soigner lorsqu'ils sont malades.

Les agriculteurs sont à vos yeux si bêtes qu'il ne suffit pas de contraindre leurs capacités de production en les empêchant d'utiliser certains produits, les plaçant dans un corner, mais qu'il faut en plus leur interdire de négocier le prix de ces derniers. Décidément, tous les moyens sont bons pour punir ces pauvres agriculteurs !

M. Jean-Claude Tissot. Pas du tout !

M. Laurent Duplomb. C'est exactement ce que vous dites !

J'estime au contraire qu'il convient de se poser de nouveau les bonnes questions, de revenir sur certaines dispositions, d'éviter de faire de la surtransposition, d'arrêter d'accabler et de condamner nos agriculteurs avant même d'avoir tenté de comprendre leur situation. C'est de la démagogie !

Les CMR – cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction – de catégorie 1 sont en effet les plus dangereux, madame Bonnefoy. Vous oubliez toutefois de dire qu'en dix ou quinze ans, les agriculteurs ont cessé d'utiliser 95 % de ces molécules. Pourquoi n'avez-vous pas l'honnêteté de saluer, en toute objectivité, ce progrès fondamental accompli par nos agriculteurs ? (Mme Nicole Bonnefoy proteste.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, sur l'article.

M. Franck Menonville. La séparation de la vente et du conseil a été instaurée par la loi Égalim du 30 octobre 2018. À l'époque, un certain nombre d'entre nous étaient partagés, pour ne pas dire sceptiques, mes chers collègues.

Force est de constater que, depuis 2018-2019, nous assistons dans nos territoires à une déstructuration du conseil. S'il est utile et s'il permet de se projeter, le conseil stratégique qui s'est déployé du fait de la séparation des activités de vente et de conseil ne permet pas de répondre aux difficultés quotidiennes que nos agriculteurs rencontrent sur leur exploitation.

En réponse à la déstructuration du conseil que cette séparation a emportée, j'estime qu'il nous faut garantir que l'activité de conseil ne puisse être exercée que dans le cadre d'un agrément, gage de son exigence.

Au quotidien, lorsque, au bout de leur champ, les agriculteurs sont confrontés à une problématique, celle-ci doit trouver une réponse immédiate et pertinente. Le véritable enjeu est donc non pas la séparation de la vente et du conseil, mais l'agrément, qui permet aux structures de vente et de conseil de justifier de la qualité du conseil délivré.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 9 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 44 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Daniel Salmon. L'article 1er revenant sur certains dispositifs adoptés dans la loi Égalim en matière de lutte contre les pesticides, j'en propose la suppression. Permettez-moi de revenir sur ces dispositifs.

En ce qui concerne la séparation de l'activité de vente de produits phytopharmaceutiques et de celle de conseil, vous réinterprétez le rapport de Dominique Potier et Stéphane Travert intitulé Bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques, publié en 2023, mes chers collègues.

Les auteurs dressent en effet le constat d'un échec relatif dans la mise en œuvre de la séparation de la vente et du conseil, et ils estiment que la réforme a produit des effets contre-productifs en matière de transition agroécologique.

Nous entendons que le dispositif actuel comporte des failles et sommes ouverts au dialogue pour le rendre plus efficace, dans l'intérêt des agriculteurs. Pour autant, les auteurs de ce rapport, du moins M. Potier, ne soutiennent aucunement la présente proposition de loi, en particulier son article 1er, qui prévoit de mettre un terme à toute régulation. MM. Potier et Travert n'ont en effet jamais considéré qu'il fallait revenir sur la séparation des activités de vente et de conseil.

Par ailleurs, soyons sérieux, mes chers collègues : un vendeur vante son produit, car il souhaite le vendre. Il n'a pas vocation à conseiller. Il faut regarder les choses en face : c'est le b.a-ba du commerce ! (Mme Nicole Bonnefoy renchérit.)

Vous entendez par ailleurs rendre facultatif le conseil stratégique phytosanitaire, mes chers collègues. Le dispositif est certes perfectible. Il pourrait en particulier être davantage adapté aux besoins des agriculteurs.

Le rendre facultatif serait toutefois une erreur. Il convient au contraire de bâtir un véritable conseil stratégique, car nos agriculteurs ont besoin de conseils qui, pour être indépendants, doivent être réellement séparés de la vente – c'est, encore une fois, le b.a-ba.

En remettant en cause une séparation qui demeure utile, bien qu'il convienne de l'améliorer, cet article ne va assurément pas dans le bon sens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 9.

M. Jean-Claude Tissot. Comme l'amendement présenté à l'instant par mon collègue Salmon, le présent amendement vise à supprimer l'article 1er, qui acte un certain nombre de reculs en matière d'encadrement des pesticides.

Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'opposent sans équivoque aux trois objectifs de cet article.

Concernant la séparation des activités de vente et de conseil, depuis la publication, en 2012, du rapport susvisé de notre collègue Nicole Bonnefoy sur les pesticides, et en dépit de tout ce qui vient d'être dit, nous estimons que, dès lors que les mêmes personnes ou les mêmes entités exercent à la fois les activités de conseil et de vente de produits insecticides, il existe un risque de conflit d'intérêts.

Lorsque la rémunération d'un conseiller dépend du volume de ses ventes, celui-ci peut en effet être tenté d'encourager son client à acheter davantage que nécessaire.

Si nous pouvons entendre que le modèle actuel n'est pas parfait, nous refusons sa suppression pure et simple, dès lors qu'aucun système de substitution n'est proposé.

Or cette proposition de loi ne propose rien, si ce n'est de supprimer, en sus, l'interdiction des remises, rabais et ristournes – les « 3R ».

Ces produits potentiellement dangereux pour l'homme et l'environnement ne doivent pas, selon nous, être considérés comme un bien de consommation lambda pouvant faire l'objet de promotions commerciales. Nous estimons de plus que de telles promotions vont à rebours de la volonté affichée, politiquement tout du moins, de réduire la consommation des pesticides en France.

Enfin, cet article prévoit de rendre facultatif le conseil stratégique phytosanitaire. Dans le cadre de nos engagements en matière de réduction du recours aux pesticides, il nous faut au contraire sensibiliser davantage les acteurs à ces objectifs. Or ce n'est pas le pompeusement nommé « conseil stratégique global », purement facultatif, qui y contribuera.

Pour amorcer un réel virage agroécologique, nous estimons au contraire nécessaire de préserver le caractère obligatoire du conseil, quelle que soit sa forme.

Il n'est qu'à parcourir l'article 1er pour constater que les termes « abrogation » et « suppression » y sont légion. Les propositions concrètes, elles, se font beaucoup plus discrètes.

Or, à défaut d'une réelle alternative, comment réduire l'utilisation des pesticides dans notre pays et atteindre les objectifs que nous nous sommes – je le rappelle – collectivement fixés dans le cadre du plan Écophyto, mes chers collègues ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 44.

M. Gérard Lahellec. Personne n'utilise les pesticides par plaisir.

M. Laurent Duplomb. Évidemment !

M. Gérard Lahellec. Dans mon entourage, plusieurs agriculteurs qui ont transmis leur exploitation à leur fils persistent pourtant à leur interdire l'accès aux produits phytosanitaires. Ils continuent en effet de s'en occuper, estimant que la dangerosité qu'emporte la manipulation de ces pesticides requiert une forme de maturité paysanne. (M. Daniel Salmon renchérit.)

Le présent article remet en cause des dispositions de précaution qui avaient été votées dans le cadre de la loi Égalim.

S'il convient assurément de renforcer le conseil, de sorte que les agriculteurs disposent des connaissances exactes et précises, il nous faut être prudents s'agissant de dispositions qui auront pour effet d'accroître l'utilisation de ces produits. Le renforcement du conseil et la suppression desdites dispositions constituent deux voies d'action totalement différentes, mes chers collègues.

Telle est la raison d'être de cet amendement, identique aux deux amendements présentés à l'instant par mes collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. J'aimerais beaucoup vous convaincre de notre démarche, y compris au regard de nos objectifs respectifs, mes chers collègues. (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.)

Nous sommes unanimement attachés à notre environnement, peut-être davantage que d'autres parce que nous le vivons au quotidien.

Permettez-moi de citer à mon tour quelques éléments du bilan réalisé par MM. Potier et Travert : « L'effet de la séparation des activités de conseil et de vente du point de vue de l'usage des produits phytosanitaires ne peut précisément être évalué, mais les auditions conduites par vos rapporteurs laissent penser qu'il est faible, notamment en raison des effets contre-productifs que la réforme a pu produire, mais aussi de sa faible application. » Ils rajoutent que « le passage d'un conseil formalisé formulé par les vendeurs à une absence de conseil ou à un conseil oral et informel paraît avoir diminué la qualité du conseil délivré et laissé un certain nombre d'agriculteurs “orphelins” ».

Le diagnostic me paraissant sans appel, l'avis est défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. Laurent Duplomb. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Ces amendements identiques visent à supprimer l'article 1er de la présente proposition de loi, notamment les dispositions relatives à la séparation des activités de vente et de conseil.

Vous relevez honnêtement que le retour d'expérience montre que des évolutions sont nécessaires, messieurs les sénateurs. Les éléments du rapport de MM. Potier et Travert que M. le rapporteur citait à l'instant soulignent que ça ne fonctionne pas.

J'estime que, dans notre pays, nous n'avons pas suffisamment la culture de la reconnaissance de l'erreur. On tente, on essaie avec de bonnes intentions, mais si l'on s'est trompé dans les modalités de réalisation d'un objectif, il faut le reconnaître et le faire évoluer.

Mme Annie Genevard, ministre. Le dispositif actuel est beaucoup trop complexe : difficultés de renouvellement du certificat individuel de produits phytopharmaceutiques (Certiphyto), insuffisance du nombre de conseillers, difficulté à définir les limites entre le conseil et les recommandations d'utilisation qui découlent de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), etc.

Mme Annie Genevard, ministre. Finalement, cela aboutit à réduire l'activité même de conseil. C'est l'inverse du projet que nous voulions mettre en œuvre et qui bénéficiait d'un soutien plutôt large.

En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement entend bien respecter la trajectoire de réduction des produits phytosanitaires. C'est le sens de l'Histoire et c'est ce que nos concitoyens attendent de nous.

D'ailleurs, le jour où les agriculteurs pourront produire sans avoir recours aux produits phytosanitaires – dont je rappelle qu'ils sont coûteux – ou en en utilisant moins, ils le feront, car ils ont toujours répondu aux attentes de la société.

Ces amendements de suppression ne contribuent pas à résoudre les difficultés et c'est la raison pour laquelle nous devons plutôt faire évoluer le dispositif.

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis d'accord avec vous sur le fait que la séparation entre la vente et le conseil ne doit pas être entièrement abrogée. Il faut conserver des mesures pour garantir la qualité du conseil, pour limiter les risques de conflits d'intérêts et pour encourager le développement de l'activité de conseil, ce dernier point étant capital.

C'est pourquoi je suggère à leurs auteurs de retirer ces amendements au profit de l'amendement n° 89 du Gouvernement, qui vise à mettre en œuvre des mesures correspondant à ces grands principes. Permettez-moi de les rappeler.

Nous souhaitons donner aux distributeurs de produits phytopharmaceutiques la possibilité d'exercer une activité de conseil, mais à certaines conditions. Tout d'abord, nous supprimerons la notion de conseil spécifique et nous leur permettrons de pratiquer une activité de conseil stratégique. Cette faculté sera conditionnée au respect de certaines exigences, qui seront précisées par décret, pour prévenir les conflits d'intérêts. Ensuite, l'activité de conseil restera interdite aux fabricants de produits phytopharmaceutiques pour éviter précisément tout conflit d'intérêts. Ainsi, les règles de séparation capitalistique continueront de s'appliquer. Enfin, l'amendement du Gouvernement – et j'assume notre différence avec la position défendue par les auteurs de la proposition de loi – vise à rétablir les interdictions de rabais, comme je l'ai indiqué dans la discussion générale.

En réponse aux propos qui ont été tenus sur une agriculture qui serait productiviste et destructrice de la nature, je précise que toutes les propositions que je vous ferai – à l'exception de celles qui concernent les néonicotinoïdes, car il s'agit d'un cas particulier sur lequel je reviendrai – ont été travaillées avec les ministères concernés, de sorte qu'il s'agira de propositions interministérielles. Je vous les présenterai donc au nom du Gouvernement. J'y insiste, car je ne crois pas qu'opposer environnement et agriculture soit une voie féconde.

M. Guillaume Gontard. C'est pourtant ce que fait ce texte !

Mme Annie Genevard, ministre. Au contraire, c'est un argument que l'on avance un peu trop facilement.

Monsieur le sénateur, dans vos propos, vous opposez toujours l'un à l'autre ; or je considère que c'est une erreur. En effet, les agriculteurs sont bien plus attachés au respect de l'environnement que vous ne le laissez entendre. (Exclamations sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. Guillaume Gontard. Nous n'avons jamais dit le contraire !

Mme Annie Genevard, ministre. L'amendement du Gouvernement que je vous présenterai, je le crois fermement, devrait satisfaire vos demandes.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. Séparer la vente et le conseil part indéniablement d'une bonne intention, mais ce n'est que dans un monde idéal que la personne qui distille le conseil serait totalement désintéressée. En réalité, c'est rarement le cas.

Madame la ministre, vous avez dit que ce dispositif ne fonctionnait pas. Pourquoi cela ? J'habite une région où la frontière, la chaîne des Pyrénées, est assez poreuse – Jean-Jacques Michau, sénateur de l'Ariège, ne me contredira pas. Que constate-t-on en réalité ? Certains produits, parfois interdits en France, traversent les Pyrénées pour y être vendus. Et ils le sont sans qu'aucun conseil soit donné. Or les Pyrénées ne sont pas la seule frontière poreuse. Tenons-en nous donc à la réalité.

De plus, dans le même ordre d'idées, pourquoi ne pas interdire aux vétérinaires de vendre des produits vétérinaires s'il faut séparer la vente du conseil ? (M. Laurent Somon approuve.) Or on ne le fait pas.

Certes, il faut exercer un contrôle, mais imposer une interdiction totale ne fonctionnera pas. C'est de l'idéologie.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je souhaite revenir sur la séparation de la vente et du conseil. En effet, notre méthode politique se résume malheureusement à proposer des textes que nous examinons sans évaluer l'impact qu'ils auront.

Le dispositif n'a pas fonctionné : sur ce point, personne dans cet hémicycle n'est de mauvaise foi, puisque vous en convenez vous aussi, madame la ministre. Pourquoi n'a-t-il pas fonctionné ? Parce que, avant que la loi ne soit votée, les fournisseurs de produits phytosanitaires faisaient déjà du conseil. Donc, quand elle a été votée, ils se sont posé la question de savoir comment ils pourraient faire à la fois du conseil et de la vente. Et, constatant qu'il n'était pas possible de faire les deux, ils ont arrêté de faire du conseil. Mais l'activité de conseil existait bel et bien avant la loi Égalim.

Il faut que nos agriculteurs assument davantage leurs responsabilités et soient mieux sensibilisés à la dangerosité des produits phytosanitaires, mais nous devons, surtout, revoir le Certiphyto, qui est un enjeu majeur.

Pour ce qui est de la remise et des rabais sur le prix des produits phytosanitaires, vous partez du principe que plus il y en aura, plus les agriculteurs y auront recours. Mais rappelez-vous ce que j'ai dit dans la discussion générale : parfois, les agriculteurs n'arrivent à dégager un revenu qu'en réduisant leurs coûts de production. En général, les vendeurs de produits phytosanitaires font des remises et des rabais sur ceux qu'ils veulent déstocker. Les agriculteurs bénéficient de ces remises et font des économies sans pour autant employer davantage ces produits. Il serait assez stupide de vouloir empêcher les agriculteurs de faire des économies.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous ne retirerons pas notre amendement. De plus, au sein de notre groupe, nous n'opposons jamais agriculture et environnement, car il est clair que sans l'environnement, il n'y a pas d'agriculture possible.

Les substances dont nous parlons sont tout sauf anodines. En effet, les pesticides « soignent » – j'entends souvent ce mot – les plantes et sont souvent désignés comme les « médicaments » des plantes. Mais ils ne font pas que cela et « soignent » aussi la biodiversité, qui s'effondre, si vous me permettez d'employer le terme dans un autre sens. En outre, ils altèrent la santé humaine. Ce n'est donc pas par dogmatisme que nous nous penchons sur le problème des pesticides, mais parce que les études s'empilent qui étayent clairement leur rôle dans l'altération de la santé humaine.

Je prendrai trois exemples de pesticides pour préciser mon propos.

Le flufénacet fait partie des PFAS. C'est donc un polluant éternel qui se dégrade en acide trifluoroacétique (TFA). Or on le retrouve dans tous les sols en France, en particulier dans mon territoire en Bretagne. Son autorisation d'utilisation a expiré en 2013 et il y a déjà eu neuf procédures de prolongation. On dit souvent que l'on surtranspose, mais l'on est parfois aussi dans une lenteur incroyable. D'autant qu'il s'agit d'un perturbateur endocrinien.

Le S-métolachlore est présent dans toutes les eaux de surface, en Bretagne. Dans mon département, seuls 2 % des eaux de surface sont en bon état écologique.

Enfin, le prosulfocarbe est un pesticide qui est utilisé sur les céréales et qui a contaminé de nombreux lots d'agriculteurs biologiques.

Ces pesticides sont donc tout sauf anodins. Nous devrons un jour examiner le problème de plus près. En la matière, la séparation entre le conseil et la vente est essentielle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Nous maintenons notre amendement. Notre collègue Daniel Salmon vient de le défendre sur le fond avec de très bons arguments. Et sur la forme, mieux vaut voter maintenant ces amendements, car rien ne prouve que l'amendement n° 89 que la ministre s'apprête à nous présenter sera adopté.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Je suis surpris par cette volonté de différencier absolument la vente et le conseil.

En effet, pour reprendre l'exemple des vétérinaires, à la suite de M. Médevielle, le plan Écoantibio repose exactement sur le même système dans lequel interviennent des fabricants et des distributeurs – en l'occurrence les vétérinaires –, qui exercent une activité de conseil auprès des consommateurs, à savoir les éleveurs – et leur donnent le traitement nécessaire. Or il a permis une diminution globale de 52 % de l'exposition des animaux aux antibiotiques, ce qui a eu des conséquences appréciables sur les phénomènes d'antibiorésistance.

Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait absolument dissocier le conseil et la vente. Comme vient de le dire Mme la ministre, il faut surtout veiller à ce que la vente et le conseil ne se fassent pas directement entre le fabricant et l'utilisateur, mais par l'intermédiaire du distributeur.

Personne n'a intérêt à ce que l'on utilise davantage de produits phytosanitaires, l'agriculteur encore moins que quiconque, puisque de toute façon cela lui coûte cher.

Pour prendre un exemple bien connu des agriculteurs qui siègent dans cet hémicycle, auparavant, on utilisait les antibiotiques dans le cadre de traitements assez généralistes : on traitait ainsi les mammites chez tous les animaux sans distinction. Aujourd'hui, on cible ceux qu'il faut traiter, au moment du tarissement. On pourrait de la même manière cibler les parcelles de territoire qui doivent être traitées avec des produits phytosanitaires parce qu'elles sont malades.

Arrêtons donc de vouloir séparer le conseil de la vente. Encore une fois, tout le monde a intérêt à ce que l'on recoure moins aux produits phytosanitaires et à ce qu'on les utilise mieux.

Je vous rappelle qu'il existe aussi des organismes de formation. On voudrait nous faire croire que les agriculteurs utilisent ces produits sans aucune formation, mais celle-ci est désormais plus poussée qu'elle ne l'était hier, de sorte que l'utilisation des produits phytosanitaires est moins massive et plus ciblée. Il existe ainsi dix-neuf organismes techniques et les chambres d'agriculture forment les agriculteurs en leur montrant comment utiliser ces produits en les économisant, afin d'avoir un prix de revient intéressant et donc un revenu plus élevé.

De grâce, ne faisons pas le procès aux agriculteurs de vouloir consommer des produits phytosanitaires larga manu.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Le seul effet qu'a eu l'interdiction des rabais pour les agriculteurs, c'est une augmentation de 15 % du prix des phytosanitaires. Les firmes que vous dénoncez se sont fait des cojones en titane ! (Rires.)

Vous parlez encore et encore, mais, en réalité, les groupements d'intérêt économique (GIE) et les groupements d'agriculteurs obtenaient de meilleurs prix garantis en négociant : quand on achète trois palettes de produit, cela revient moins cher que de l'acheter bidon par bidon. N'importe quel simplet – je vais être gentil – comprendrait cela !

C'est la même chose pour les produits vétérinaires. Mon collègue Médevielle, qui est pharmacien, me disait que les produits vétérinaires pour la prophylaxie des ovins coûtaient auparavant 50 % de moins. Croyez-vous en effet que, il y a vingt ans, les éleveurs ovins gagnaient assez bien leur vie pour se permettre de payer très cher des produits phytosanitaires ?

Cette mesure est d'une inefficacité totale.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je voudrais revenir sur un exemple tout à fait symptomatique de ce que nous dénonçons.

Pour réduire l'utilisation, en volume, des produits phytosanitaires, on a eu recours à un système qui ne pouvait que fonctionner puisqu'il consistait à diminuer les quantités de produits phytosanitaires appliquées : c'est ce qu'on appelle l'application « à bas dosage ». Au lieu d'appliquer sur une culture une quantité importante de produit en un seul traitement, on préfère procéder en deux applications, en utilisant par exemple seulement 10 % de la dose qui était appliquée auparavant. Cela signifie donc que la réduction peut atteindre 90 % du volume dans certains cas.

M. Jean-Claude Tissot. Nous ne le remettons pas en cause !

M. Laurent Duplomb. Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que, quand vous traitez une culture deux fois plutôt qu'une seule fois, l'indice de fréquence de traitement (IFT) passe d'un à deux. Or, il y a quelques jours de cela, des ONG ont publié une carte de France marquant d'une couleur verte les zones où l'indice de fréquence de traitement est faible et d'une couleur rouge les endroits où il est plus élevé – vous savez que le rouge fait davantage peur aux gens que le vert.

M. Daniel Salmon. C'est justifié.

M. Laurent Duplomb. Cette carte inverse donc la tendance.

Comme je l'ai expliqué précédemment au sujet de la diminution des substances CMR de catégorie 1, les plus dangereuses, on ne reconnaît pas non plus le travail réalisé pour réduire, en volume, l'utilisation de produits phytosanitaires. Et les ONG font peur aux gens en leur montrant une carte signalant les zones où il y a le plus fort indice de fréquence de traitement, alors que c'est précisément là que le volume diminue !

M. Jean-Claude Tissot. Le volume n'a jamais diminué !

M. Laurent Duplomb. C'est comme si l'on ne pouvait jamais sortir de l'instruction à charge ! Je dis simplement : stop !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 9 et 44.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement du Gouvernement vise à restaurer l'interdiction, que vous avez supprimée en commission, de réaliser des remises, rabais et ristournes sur les ventes de produits phytosanitaires, alors que cette possibilité avait été introduite dans la loi Égalim.

Cette interdiction, qui existe dans d'autres domaines tels que la vente de médicaments vétérinaires, a montré son efficacité pour limiter l'importance de l'argument commercial dans le choix des produits par le décideur. Il y a donc lieu de privilégier le conseil plus que la ristourne et d'écarter les risques d'interférence avec des considérations commerciales.

Je rappelle que cette interdiction, telle qu'elle figure actuellement dans le code rural et de la pêche maritime, ne porte pas sur les produits de biocontrôle. Elle ne s'oppose donc pas à l'essor de ces produits que le Gouvernement cherche à promouvoir.

En conclusion, je considère qu'il est nécessaire de conserver l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur les ventes de produits phytopharmaceutiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Madame la ministre, votre amendement me dérange un peu. En effet, sur le plan philosophique, je n'ai encore jamais vu d'agriculteur dépenser pour le plaisir de dépenser,…

M. Pierre Médevielle. Exactement !

M. Pierre Cuypers, rapporteur. … et je suis moi-même l'un d'entre eux. Nous avons besoin de dépenser pour nourrir, développer et entretenir les plantes, et nous avons besoin d'acheter des matières premières. Ce n'est certainement pas par plaisir que nous le faisons. Cela me dérange qu'il ne puisse plus y avoir de remises et de ristournes. Les agriculteurs sont suffisamment pertinents et ont suffisamment de discernement pour acheter au bon moment et de la bonne manière.

Sur le plan de l'efficacité, nos interlocuteurs nous ont dit qu'ils peinaient à identifier clairement les effets de cette mesure sur la réduction de l'usage des produits phytosanitaires.

Cependant, madame la ministre, au regard des échanges cordiaux et fructueux que nous avons pu avoir sur d'autres dispositions du texte, notamment sur la séparation de la vente et du conseil qui vient d'être évoquée, nous consentirons à maintenir cette interdiction et nous donnerons donc un avis favorable.

Mme Annie Genevard, ministre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. À chaque fois que nous avons ce débat sur la question des rabais ou de la publicité, on nous rétorque que cela ne sert à rien et que les agriculteurs n'achètent pas plus quand il y a des rabais ou parce qu'ils y sont incités par la publicité. Pourquoi donc en faire, alors ? Il faudra me l'expliquer.

Sur la méthode, madame la ministre, je déplore que nous ayons reçu les amendements du Gouvernement entre midi et quatorze heures. Il n'est pas simple, dans de telles conditions, de travailler sérieusement sur ce texte, car il faut que nous ayons analysé l'ensemble des amendements et étudié leur portée pour pouvoir ensuite débattre, échanger entre nous et confronter nos idées.

De plus, vous avez répondu à mon intervention précédente en me disant que j'aurais pu regarder la dépêche de l'Agence France-Presse (AFP) de quinze heures où vous annonciez que vous reveniez sur la suppression de l'Agence bio. Je n'avais en effet pas pu voir cette dépêche puisque j'étais occupé à étudier vos amendements… (Sourires sur les travées du groupe GEST.)

Je souhaiterais donc que vous puissiez réaffirmer devant la représentation nationale que vous renoncez à la suppression de l'Agence bio. En effet, des salariés attendent d'en savoir plus sur leur sort et doivent se contenter de messages par communiqué de presse interposés. Je pense qu'il serait sain pour tout le monde que le Gouvernement exprime clairement sa position sur le maintien de l'Agence bio et réaffirme son soutien au bio. Il est important que vous vous engagiez à ce que cela soit défendu, notamment en CMP.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. L'intervention du rapporteur m'a laissé perplexe : il est contre le dispositif, mais pour l'amendement, si le béotien que je suis a bien compris…

Sur la question des rabais et des ristournes, Mme la ministre, comme M. Duplomb, a comparé les produits phytosanitaires aux médicaments. Elle a raison de le faire, sauf que le circuit de financement n'est pas du tout le même, puisque les produits phytosanitaires sont à la charge de l'agriculteur alors que les médicaments font l'objet d'une prise en charge. En réalité, la question sous-jacente reste de savoir si les quantités de produit utilisées sont strictement nécessaires et indispensables.

La plupart d'entre nous ont soutenu les plans Écophyto, qui visaient à une réduction de l'usage des produits phytosanitaires. Or ces plans sont plutôt des échecs, parce que leur volume d'utilisation n'a pas beaucoup changé, même s'il est exact l'on a substitué à des substances très dangereuses d'autres substances moins dangereuses. Toutefois, pour poursuivre une trajectoire de réduction des quantités utilisées, il ne faut pas accepter des dispositifs qui, quoi qu'on en dise, encouragent à utiliser un peu plus ces produits, à niveau financier constant.

En effet, vous posez le débat en termes d'économies à faire, mais les agriculteurs peuvent aussi réfléchir à partir des moyens financiers dont ils disposent en se disant : « Si je peux en avoir un peu plus pour le même montant financier, je vais en prendre un peu plus ! »

C'est une erreur de considérer qu'il n'y aurait pas de marge de réduction dans l'usage des produits phytosanitaires.

L'amendement du Gouvernement est un minimum pour continuer à poser des jalons dans la réduction de l'usage de ces produits. Je ne comprends pas que certains collègues puissent s'y opposer tout en prônant une trajectoire de réduction de l'utilisation de ces produits.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. J'invite en effet M. Gontard à lire les excellentes dépêches de l'AFP. En outre, monsieur le sénateur, vous vous êtes livré à une stratégie qui consistait à jouer à vous faire peur. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

En effet, a-t-il jamais été question d'un avis favorable du Gouvernement sur la suppression de l'Agence bio ? Faites-vous bien la distinction entre un avis de sagesse, un avis favorable et un avis défavorable ? (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.) Il semble que non, et je le regrette.

M. Jean-Claude Tissot. On sait bien ce que signifie « sagesse » !

Mme Annie Genevard, ministre. Sur l'amendement qui vous a été présenté, mon avis de sagesse n'emportait pas d'avis favorable du Gouvernement, en aucune façon. La meilleure preuve de cela, c'est que j'ai déclaré très clairement ce jour à l'AFP qu'il n'était pas question que l'Agence bio disparaisse. (Mme Nicole Bonnefoy s'exclame.)

D'ailleurs, l'auteur de l'amendement a bien précisé que les missions de l'Agence bio ne disparaissaient pas, parce qu'elles sont importantes, en matière de communication, de structuration ou de collecte de l'information.

Pour clore le débat, je répète que j'ai fait une déclaration à l'AFP, aujourd'hui, pour dire que l'Agence bio était maintenue.

Cela étant,…

Mme Annie Genevard, ministre. … la question posée par l'auteur de cet amendement est intéressante. En effet, je me suis livrée à un petit exercice qui consiste à recenser toutes les structures qui s'intéressent au bio, et elles sont très nombreuses. La question qui se pose est de savoir comment favoriser une meilleure synergie entre toutes les structures existantes, qu'elles soient interprofessionnelles ou consulaires, qu'il s'agisse d'agences ou d'opérateurs de l'État, afin de les rendre plus efficaces pour défendre un secteur qui connaît de grandes difficultés. Croyez bien que je travaillerai très précisément sur ce sujet.

Enfin, pour achever de dissiper un malentendu dont je dirais qu'il a été largement entretenu (M. Daniel Salmon fait une moue dubitative.), il n'est pas question de diminuer l'appui budgétaire, financier ou structurel que le Gouvernement, et singulièrement mon ministère, entend apporter à l'agriculture biologique, que j'ai toujours défendue à titre personnel, et cela depuis très longtemps. Je crois que l'agriculture biologique est une forme d'agriculture qui a toute sa place dans nos politiques publiques, sans frapper d'exclusive les autres. (M. Thomas Dossus s'exclame.)

Je viens d'un territoire où l'on est attaché, comme vous le savez, à produire un comté de qualité. La filière comté est l'une des plus vertueuses au monde : c'est du moins ce que dit l'ONG World Wide Fund for Nature (WWF).

M. Jean-Claude Tissot. Grâce aux normes !

Mme Annie Genevard, ministre. Grâce au cahier des charges que la filière s'est donné, monsieur le sénateur !

La plupart des producteurs ne sont pas en bio, mais la filière est pourtant vertueuse. Je ne crois pas qu'il faille opposer les agricultures entre elles.

Pour ce qui est de l'agriculture biologique, je veux redire que, à aucun moment, il n'a été question de diminuer les aides que nous lui apportons. Néanmoins, il faut qu'elle trouve son équilibre économique, car son modèle est aujourd'hui très affaibli. Mettre en synergie, en musique ou en coordination toutes les structures qui œuvrent pour le bio sera bon pour la filière.

M. Thomas Dossus. Ça va mieux en le disant !

Mme Anne-Marie Nédélec. Ce n'est pas le sujet !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31 rectifié octies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Romagny, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…°Au 2° du II de l'article L. 254-1, après la référence : « L. 254-3 », sont insérés les mots : « sur sa propre exploitation ou » ;

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Cet amendement a pour objet un point de détail qui est très important. Aujourd'hui, les produits phytosanitaires s'achètent au litre ou au gramme. Or les firmes innovent et veulent utiliser l'intelligence artificielle, appliquée notamment à la météo, pour vendre un résultat. La direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) est arc-boutée sur le fait que l'agriculteur, dont elle considère qu'il n'est plus l'applicateur des produits, doit demander un agrément d'applicateur comme s'il allait traiter le champ du voisin.

Je demande donc que l'on en revienne au bon sens. Un agriculteur qui traite ses champs doit pouvoir le faire, même quand il a passé un contrat de résultat avec une firme.

La commission a rendu un avis défavorable sur cet amendement. Madame la ministre, je vous demande a minima de vous engager à ce que la DGPE ne fasse pas du réglementaire sur un point qui est pourtant parfaitement clair. Cela m'aurait évité d'avoir à déposer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. J'ai bien compris vos arguments, mon cher collègue. Toutefois, ce que vous proposez risquerait de créer une zone grise. En effet, l'agriculteur ne serait plus soumis à agrément, mais ne resterait-il pas responsable en cas de mauvaise utilisation du produit phytosanitaire ou de dérive éventuelle ? L'absence d'agrément l'exposerait encore davantage – c'est du moins ce que nous croyons –, quand bien même il ne ferait qu'appliquer les instructions de ceux qui mettent les produits sur le marché ou des distributeurs, qui, en pratique, décideraient de tout.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Louault, je ne reprends pas les arguments que vient de développer le rapporteur, mais, j'y insiste, la détention de l'agrément constitue aussi une protection pour les parties au contrat, en particulier pour l'agriculteur qui traiterait lui-même ses parcelles.

Par conséquent, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Madame la ministre, je ne souhaite pas retirer mon amendement : je préfère qu'il soit mis aux voix et, le cas échéant, largement rejeté, car il concerne une question essentielle, celle de l'innovation.

C'est un sujet dont nous allons parler pendant toute la durée des débats : vous voulez gérer l'innovation à coups de mesures réglementaires, madame la ministre, alors que, de notre côté, nous préférons faire confiance aux entreprises et aux nouvelles techniques de protection des cultures.

Vous opposer à notre amendement n'est pas, selon nous, la bonne réponse, car, ce faisant, vous fermez la porte à toute innovation, à toutes ces firmes qui veulent simplement pouvoir conseiller des mix de produits pour combattre certaines maladies ou des modèles d'intelligence artificielle pour assister les agriculteurs en matière de prévisions météorologiques.

Je maintiens mon amendement : s'il doit « tomber », il tombera au combat !

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je souhaite revenir sur la question des modes d'utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Sur les bidons sont précisées les conditions d'utilisation à respecter pour un bon usage des pesticides ; or il est, de l'avis de la grande majorité des agriculteurs, impossible de s'y conformer. Ces instructions ne sont en fait, pour les fabricants de produits, qu'un moyen de se protéger. Car, lorsqu'apparaissent des maladies – je rencontre régulièrement des victimes des pesticides dans l'ouest de la France –, ce sont les agriculteurs que l'on met en cause : c'est à eux que l'on demande s'ils ont bien lu les conditions d'utilisation écrites en tout petit caractère et s'ils les ont bien respectées.

En réalité, personne, ou presque, n'est en mesure de respecter ces indications. Le système est tellement pernicieux qu'il conduit les agriculteurs à ne pas porter les équipements de protection adéquats, à ne pas utiliser ces produits dans de bonnes conditions et à dépasser allègrement tous les seuils. Personne n'étant en mesure de respecter ces derniers, les maladies sont au rendez-vous !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié octies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 88 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 14

Remplacer ces alinéas par quarante-quatre alinéas ainsi rédigés :

2° L'article L. 254-1 est ainsi modifié :

a) Au 3° du II, les mots : « prévu aux articles L. 254-6-2 et L. 254-6-3, lorsque cette activité s'exerce à titre professionnel » sont remplacés par les mots : « à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, lorsque cette activité s'exerce à titre professionnel » ;

b) Le VI est ainsi modifié :

- à la première phrase, les mots : « incompatible avec celui des activités mentionnées aux 1° ou 2° du II ou au IV » sont remplacés par les mots : « interdit aux producteurs au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 sauf lorsque la production concerne des produits de biocontrôle figurant sur la liste prévue à l'article L. 253-5, des produits composés uniquement de substances de base au sens de l'article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 ou de produits à faible risque au sens de l'article 47 du même règlement et des produits dont l'usage est autorisé dans le cadre de l'agriculture biologique. » ;

- la seconde phrase est supprimée ;

3° L'article L. 254-1-1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– au 1°, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » ;

– au 2°, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du II ou au IV de l'article L. 254-1 » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » et les mots : « de ce II » sont remplacés par les mots : « du II de l'article L. 254-1 » ;

– au 3°, les mots : « mentionnée, d'une part, au 3° du II de l'article L. 254-1 et, d'autre part, aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « , d'une part, mentionnée au 3° du II de l'article L. 254-1 et, d'autre part, de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » ;

b) Le II est ainsi modifié :

– au 1°, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » ;

– au 2°, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du II ou au IV de l'article L. 254-1 » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » et les mots : « de ce II » sont remplacés par les mots : « du II de l'article L. 254-1 » ;

4° L'article L. 254-1-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » ;

– les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° de ce II ou à ce IV de ce même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » ;

– la seconde occurrence des mots : « de ce II » est remplacée par les mots : « du II de l'article L. 254-1 » ;

b) Le second alinéa est supprimé.

5° L'article L. 254-1-3 est ainsi modifié :

a) Au I, les mots : « mentionnée aux 1° ou 2° du même II ou au IV de ce même article » sont remplacés par les mots : « de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » ;

b) Au II, les mots : « les activités mentionnées aux 1° ou 2° du même II ou au IV du même article » sont remplacés par les mots : « une activité de producteur au sens du point 11 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 » ;

6° Les articles L. 254-6-2 et L. 254-6-3 sont abrogés ;

7° L'article L. 254-6-4 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– La première phrase est remplacée par quatre phrases ainsi rédigées : « I. – Le conseil mentionné au 3° du II de l'article L. 254-1 couvre toute recommandation d'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Il est formalisé par écrit. La prestation est effectuée à titre onéreux. Il s'inscrit dans un objectif de réduction de l'usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques et respecte les principes généraux de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures mentionnée à l'article L. 253-6 » ;

– les mots : « ils privilégient » sont remplacés par les mots : « il privilégie » ;

– les mots : « ils recommandent » sont remplacés par les mots : « il recommande » ;

– les mots : « Ils promeuvent » sont remplacés par les mots : « Il promeut » ;

– les mots : « Ils tiennent » sont remplacés par les mots : « Il tient » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« III. – Le conseil stratégique à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques établit un plan d'action pluriannuel pour la protection des cultures de l'exploitation agricole qui s'inscrit dans les objectifs du plan d'action national mentionné à l'article L. 253-6. Il est fondé sur un diagnostic prenant en compte les spécificités de l'exploitation. Les exigences concernant la prévention des conflits d'intérêt pour la délivrance du conseil stratégique par le détenteur d'un agrément au titre des activités mentionnées au 1° du II de l'article L. 254-1 sont déterminées par voie réglementaire.

8° L'article L. 254-7-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « , et notamment la désignation de l'autorité administrative, les conditions de délivrance, de renouvellement, de suspension, de modulation et de retrait des agréments, des certificats ainsi que des habilitations des organismes » sont supprimés ;

b) A la première phrase du second alinéa, après les mots : « Ce décret prévoit », est inséré le mot : « notamment » ;

c) Au second alinéa, la dernière phrase est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « Il précise les modalités de délivrance du conseil mentionné au 3° du II de l'article L. 254-1 » ;

9° Au premier alinéa du I de l'article L. 254-12, les mots : « 15 000 » sont remplacés par les mots : « 50 000 ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à faire évoluer le dispositif de la séparation de la vente et du conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et à réformer le conseil stratégique phytosanitaire, comme l'avait annoncé l'année dernière le Premier ministre.

M. Bernard Jomier. Lequel ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Genevard, ministre. Gabriel Attal, au moment de la grande crise agricole.

Comme l'ont souligné les auteurs de la proposition de loi, ainsi que différents rapports parlementaires, le retour d'expérience n'est pas satisfaisant – je n'y insiste pas, je l'ai déjà évoqué au cours de la discussion générale et lors de ma présentation du précédent amendement du Gouvernement.

Pour autant, il n'est pas souhaitable d'abroger complètement ce dispositif de séparation de la vente et du conseil. Il reste important de garantir la qualité du conseil, d'une part, et de prévenir les risques de conflits d'intérêts, d'autre part.

Par cet amendement, le Gouvernement propose une rédaction que j'estime équilibrée. Il prévoit une révision du dispositif qui repose sur les principes suivants : tout d'abord, nous supprimons la notion de « conseil spécifique » au profit de la notion de « conseil global », à laquelle tient M. le rapporteur ; ensuite, nous supprimons la possibilité, pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, d'exercer une activité de conseil, sauf à respecter certaines conditions.

Cette faculté serait conditionnée au respect d'un certain nombre d'exigences permettant de prévenir tout risque de conflits d'intérêts, lesquelles seraient précisées par décret. Les référentiels liés aux agréments des entreprises comporteraient des points de contrôle, qui garantiraient la qualité du conseil. De plus, l'exercice de l'activité de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques resterait interdit aux fabricants de ces produits, compte tenu du risque élevé de conflits d'intérêts.

Ainsi, les règles de séparation capitalistique des activités de conseil et de vente continueront de s'appliquer pour les producteurs de produits phytopharmaceutiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Il s'agit d'une avancée intéressante. Pour autant, madame la ministre, nous serons vigilants quant au décret qui détaillera les règles de prévention des conflits d'intérêts pour les personnes exerçant une activité de vente ou de conseil. Nous comprenons qu'à ce stade il soit difficile de connaître précisément le contenu d'un tel décret. Mais nous serons attentifs à ce que celui-ci ne rétablisse pas, en pratique, une quasi-séparation de ces activités.

Madame la ministre, nous aimerions un engagement de votre part à ce sujet avant d'émettre un avis favorable sur votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Pour être parfaitement claire, monsieur le rapporteur, je veux vous indiquer que ce décret aura pour objet de définir dans le détail les situations visant à prévenir les conflits d'intérêts. Cela concernera un secteur bien particulier, une situation bien particulière ; il ne s'agit en aucune façon de rétablir une séparation de la vente et du conseil, que cet amendement vise au contraire à supprimer en raison de l'inefficacité de cette interdiction.

L'amendement du Gouvernement est à la fois un amendement de simplification, puisqu'il a pour objet de supprimer un certain nombre de dispositions, et à faire en sorte de ne pas décourager l'activité de conseil, puisque nous visons précisément l'objectif inverse.

Aussi, je prends formellement l'engagement devant vous, monsieur le rapporteur, de ne pas rétablir une telle séparation des activités de vente et de conseil.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Merci, madame la ministre. Dans ces conditions, la commission est favorable à l'amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Madame la ministre, vous venez de nous expliquer que la remise en cause de la séparation de ces activités de vente et de conseil exposerait à un risque élevé de conflit d'intérêts et que vous souhaitiez vous en prémunir.

Or le dispositif que vous proposez sera inopérant en la matière et l'interrogation du rapporteur me semble dès lors légitime. À en écouter certains, le secteur des produits phytopharmaceutiques serait le seul dans lequel un vendeur ne chercherait pas vraiment à vendre sa marchandise… Mais évidemment que c'est ce qu'il veut, mes chers collègues ! Et c'est même la raison pour laquelle il y a un risque de conflit d'intérêts !

Tant que vous ne procéderez pas à une séparation complète du conseil et de la vente, madame la ministre, ce risque perdurera. Il est consubstantiel à la vente ! Personne n'ira demander à un fabricant de voitures d'aller expliquer aux gens qu'il faut qu'ils achètent non pas ses voitures, mais celles du voisin !

Votre dispositif a tout du leurre, madame la ministre. Alors, certes, nous voulons bien admettre que la disposition que vous proposez part d'une bonne intention, et nous allons d'ailleurs nous abstenir – nous ne voterons pas contre –, mais l'échange que vous venez d'avoir avec le rapporteur en montre bien toute l'ambiguïté et les faux-semblants qui la sous-tendent.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Madame la ministre, je ne vais pas réouvrir le débat sur la séparation entre la vente et le conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, dès lors que l'industriel a tendance, lorsque l'on sépare ces deux activités, à privilégier la vente.

M. Bernard Jomier. Et c'est normal !

M. Gérard Lahellec. C'est en quelque sorte la quadrature du cercle.

Nous voulons croire que votre intention est de faire preuve de prudence et de précaution, sachant que, tel que je l'ai compris, je ne suis pas convaincu de la pleine efficience de votre dispositif.

M. Bernard Jomier. C'est un euphémisme !

M. Gérard Lahellec. Dans la mesure où nous souhaitons que cette mesure soit la plus efficace possible, madame la ministre, nous n'entendons pas nous opposer à votre amendement : nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Madame la ministre, je ne vais pas répéter l'argumentaire de mes collègues, mais je note que votre dispositif renvoie l'essentiel au domaine réglementaire et à des textes dont le contenu sera précisé ultérieurement. Nous sommes donc dans le flou artistique et nous n'avons pas vraiment l'assurance qu'une vraie séparation du conseil et de la vente, qu'une véritable indépendance entre ces deux activités sera mise en œuvre, ce qui n'est pas satisfaisant.

Malgré tout, comme nos collègues, nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Messieurs les sénateurs, je comprends votre interrogation. Lorsqu'on renvoie des dispositions à des ordonnances ou à des décrets, on fait face à chaque fois à la même interrogation : l'intention du législateur sera-t-elle respectée ?

M. Daniel Salmon. Tout à fait !

Mme Annie Genevard, ministre. Sachez que, sur ce qu'il aura décidé, le législateur pourra toujours revenir si les garanties sur lesquelles le Gouvernement s'est engagé ne sont pas remplies.

Permettez-moi de vous donner un exemple.

Je vous ai dit qu'il restera important de garantir la qualité du conseil. Comment la garantit-on ? Par la formation du conseiller : il faut qu'il sache de quoi il parle. Peut-être faudrait-il aussi distinguer le conseiller qui est dédié au conseil de celui qui est dédié à la vente. Vous le voyez, le décret permettra de préciser un certain nombre de choses.

S'agissant par ailleurs de la prévention des conflits d'intérêts, je vous rappelle que cet amendement ne tend pas à abroger totalement la séparation de la vente et du conseil : notamment, l'activité de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques resterait interdite aux fabricants desdits produits. Cet élément a son importance.

En tout état de cause, on ne peut pas rester en l'état, parce qu'aujourd'hui le dispositif ne remplit pas son office. Si, demain, après avoir laissé le temps au dispositif de faire ses preuves, il s'avère qu'il ne le remplit pas davantage, nous y reviendrons. Je le redis, le législateur pourra toujours le modifier – c'est un point très important.

Ce que je souhaite, c'est que l'activité de conseil se développe. Il convient donc de voter les dispositions les plus appropriées aux objectifs que nous voulons tous voir atteints.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, tâchons d'être le plus précis possible. Pour que tout le monde comprenne bien, je vais récapituler, sous votre contrôle, ce que nous venons de voter ou ce que nous nous apprêtons à voter dans le cadre de l'article 1er.

Tout d'abord, nous n'avons pas supprimé l'interdiction des remises, rabais et ristournes.

Mme Annie Genevard, ministre. On y vient !

M. Laurent Duplomb. Nous n'avons pas supprimé la séparation du conseil et de la vente pour les fabricants de produits phytosanitaires.

Mme Annie Genevard, ministre. Oui !

M. Laurent Duplomb. En revanche, nous avons supprimé la séparation du conseil et de la vente pour les distributeurs, ceux qui distribuent les produits phytopharmaceutiques aux agriculteurs et qui auront la possibilité de les conseiller. Est-ce bien cela ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Merci, monsieur le sénateur Duplomb, vous avez parfaitement résumé la position du Gouvernement. (Sourires.)

M. Laurent Duplomb. Très bien ! Votons !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 17

Remplacer les mots :

certifiés, notamment pour leurs connaissances

par les mots :

compétents

II. – Alinéa 18

Remplacer la référence :

L. 254-6-2

par la référence

L. 254-6-4

III. – Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. – Un décret définit les exigences relatives à l'exercice de la fonction de conseiller mentionnée au I du présent article, notamment en matière de formation.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Cet amendement de précision rédactionnelle vise à retirer l'obligation pour les conseillers d'être certifiés, afin d'élargir suffisamment le vivier de ces experts. L'absence de certification permettrait d'éviter un certain nombre de complexités administratives, à plus forte raison lors de la phase de lancement du conseil stratégique global, qui devra faire l'objet d'une massification rapide pour produire tous les effets escomptés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Gacquerre, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Alinéa 17

1° Remplacer les mots :

en gestion économe

par les mots :

en utilisation efficace, économe et durable

2° Après les mots :

viabilité

insérer les mots :

et la pérennité

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Le sous-amendement n° 107, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement 33, alinéas 6 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Il s'agit également d'un sous-amendement rédactionnel.

Sous réserve de son adoption, la commission émettra un avis favorable sur l'amendement n° 33 rectifié nonies.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 107 et, de facto, à l'amendement n° 33 rectifié nonies, ainsi modifié.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 107.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié nonies, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

…°Au cinquième alinéa du I de l'article L. 254-2 du code rural et de la pêche maritime, les mots « aux 1° et 2° du II de l'article L. 254-1 » sont remplacés par les mots « au 1° du II de l'article L. 254-1 » ;

…° L'article L. 254-10-1 du même code est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du I, les mots : « auprès desquelles la redevance pour pollutions diffuses est exigible, mentionnées au IV de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement » sont remplacés par les mots : « exerçant les activités mentionnées au 1° du II de l'article L. 254-1 » ;

b) Au II, les mots : « L'autorité administrative notifie à chaque obligé pour les périodes du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 et du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021, puis, à compter du 1er janvier 2022, pour chaque période successive d'une durée fixée par décret en Conseil d'État, dans la limite de quatre ans » sont remplacés par les mots : « L'autorité administrative notifie à chaque obligé, pour chaque période successive ».

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à recentrer le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques sur ceux qui sont réellement concernés par la mesure.

Vous le savez, ces certificats encouragent la diffusion des pratiques économes en produits phytosanitaires. Ce dispositif a été lancé en 2016, initialement sous la forme d'une expérimentation centrée sur les distributeurs. Cependant, lorsque la loi Égalim les a pérennisés, le périmètre a été élargi à d'autres acteurs, à savoir les déclarants à la redevance pour pollutions diffuses.

Cependant, l'élargissement du dispositif crée des difficultés, car ces acteurs ne disposent pas des leviers auxquels ont recours les distributeurs pour promouvoir des solutions alternatives et, donc, pour générer des certificats.

En outre, ces acteurs ne représentent qu'une très faible proportion – 1 % – des obligations générées par le dispositif, essentiellement, d'ailleurs, dans les zones frontalières.

Dans ce cadre, il me paraît nécessaire, comme le Gouvernement s'y est engagé, de procéder à une simplification administrative en recentrant le dispositif sur les distributeurs de produits phytopharmaceutiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Par cet amendement, madame la ministre, vous témoignez de votre capacité, quand les dispositifs n'ont pas démontré leur efficacité, à le reconnaître. On ne peut que vous remercier pour cela.

Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 177 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l'adoption 230
Contre 105

Le Sénat a adopté.

Article 2

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° (nouveau) Après le troisième alinéa de l'article L. 1313-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle contribue à encourager l'innovation par l'émergence de technologies nouvelles pour répondre aux défis environnementaux, en particulier des technologies et filières de production de fertilisants agricoles sur le sol national, des filières de produits biosourcés et de la chimie végétale, des technologies relevant de l'article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime et des nouvelles techniques génomiques. » ;

2° (nouveau) L'article L. 1313-5 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le directeur général peut, à l'occasion de l'instruction d'un dossier relevant du onzième alinéa du même article L. 1313-1, s'en remettre à la décision du ministre chargé de l'agriculture. Le ministre chargé de l'agriculture peut évoquer un dossier relevant du même onzième alinéa et statuer sur ce dossier. » ;

a) (Supprimé)

b) (nouveau) Après le second alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le ministre chargé de l'agriculture peut demander à l'établissement d'examiner en priorité un dossier relevant du onzième alinéa de l'article L. 1313-1. »

3° (nouveau) Le deuxième alinéa de l'article L. 1313-6-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché peut également se saisir des mêmes questions. »

II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre III du titre V du livre II est complétée par un article L. 253-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 253-1-1. – Un retrait d'autorisation ou une modification de l'autorisation d'utilisation visant à restreindre l'usage d'un produit emporte l'obligation pour l'État de financer un accompagnement technique et de recherche adapté pour les professionnels.

« Dans le cas d'une décision de retrait, et sous réserve de l'article 46 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, le délai de grâce est systématiquement porté à six mois pour la vente et la distribution, et à un an supplémentaire pour l'élimination, le stockage et l'utilisation des stocks existants. » ;

2° L'article L. 253-8 est ainsi modifié :

a) Le second alinéa du I est remplacé par un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Par dérogation au I, la pulvérisation aérienne par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques au sens du règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, de produits de biocontrôle mentionnés à l'article L. 253-6 et de produit autorisés en agriculture biologique est autorisée s'il n'y a pas d'autre solution viable, lorsqu'elle présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre ou en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maitrisé par d'autres moyens.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé définit les conditions de la présente dérogation, conformément à l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. » ;

b) Les II et II bis sont abrogés ;

3° L'article L. 253-8-3 est abrogé.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l'article.

Mme Nicole Bonnefoy. Avec cet article 2, nos collègues de la droite sénatoriale veulent parachever leur projet pour l'agriculture française en ligotant l'Anses et en ne lui permettant pas d'exercer son rôle en matière d'autorisations de mise sur le marché des pesticides.

Face à une telle volonté de dérégulation de l'usage des pesticides, y compris pour des produits interdits comme les néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d'abeilles, le rapporteur a lui-même reconnu que le dispositif initial était contraire au droit européen.

La France peut s'enorgueillir d'une expertise scientifique très pointue en matière d'évaluation de la dangerosité de telle ou telle molécule. Les rapports de l'Anses sont exemplaires dans ce domaine. Au lieu de nous féliciter de disposer d'un tel outil, profitable à la santé publique, nous préférons présenter ce type de proposition législative, qui ne fait que jeter le discrédit sur l'Agence, au motif qu'elle créerait une distorsion de concurrence. Je signale au passage que, lorsque l'Anses retire une substance de la vente, elle veille à accorder un délai de grâce pour permettre l'écoulement des stocks.

Face à cette inversion des valeurs qui privilégie le nivellement par le bas de nos normes sanitaires et environnementales, je crois nécessaire de rappeler que ces interdictions de mise sur le marché sont ordonnées non pas pour entraver les travaux agricoles, mais pour protéger la santé des sols et, bien évidemment, celle des travailleurs de la terre.

Je terminerai en évoquant la question de la réorientation de l'épandage aérien. Nous atteignons là le summum de l'ineptie : revenir sur l'interdiction de cette technique interdite depuis 2009 par la loi Grenelle, sur cet acquis écologique, est la marque d'une volonté de détruire le droit de l'environnement.

Par de telles propositions, mes chers collègues, vous cherchez à ériger la législation contre la science, laquelle démontre factuellement la dispersion de ces produits sur d'autres parcelles ou encore vers les habitations. Dépourvues de toute rationalité, la totalité des mesures figurant dans cet article sont une négation de l'impact des pesticides sur l'environnement.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, sur l'article.

M. Vincent Louault. Je ne parlerai pas du fond, dans la mesure où beaucoup d'amendements du Gouvernement n'ont été déposés que deux heures avant le début de l'examen de ce texte. Ce qui est sûr, c'est qu'il existe une différence de perception de ce que doit être le rôle de l'innovation chez nos collègues situés à la gauche de cet hémicycle, notamment sur la question des drones.

Quand on voit tout l'intérêt de la pulvérisation par drone pour traiter les vignes, on devrait sécuriser le recours aux drones pour des cultures telles que la banane. Comparer cette technique de pulvérisation aux traitements phytosanitaires par hélicoptère – et assimiler le cadre réglementaire à mettre en œuvre avec la législation mise en place pour l'épandage par hélicoptère –, pardonnez-moi l'expression, mais c'est un peu fort de café !

Encore une fois, l'objectif ne doit pas être de fermer toutes les portes à l'innovation, sauf à condamner notre pays à regarder passer les trains. Déjà que c'est mal barré dans beaucoup de secteurs ! Il s'agit ici de préserver nos capacités d'innovation.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l'article.

M. Bernard Jomier. Cet article modifie le code de la santé publique et a des implications importantes, non seulement sur la procédure applicable aux produits phytopharmaceutiques, mais aussi dans de nombreux autres domaines. En effet, seraient concernés l'ensemble du périmètre des décisions prises par l'Anses, l'ensemble des actes relatifs aux médicaments vétérinaires, à l'agrément des laboratoires pour le contrôle sanitaire des eaux, aux procédés de traitement des eaux, aux produits phytopharmaceutiques, aux fertilisants, aux produits biocides et aux additifs destinés à l'alimentation animale.

Ce principe d'information préalable des tutelles de tout projet de décision pris au nom de l'État que vous souhaitez inscrire dans la loi est très préoccupant. En effet, il est problématique, après avoir confié des compétences propres à une agence de sécurité sanitaire, d'imposer la présence et le regard des tutelles sur chacun de ses actes, en exigeant une information préalable de celles-ci sur chaque dossier.

Cela introduit une confusion sur la notion de tutelle : celle-ci s'exerce, de façon tout à fait légitime, sur la gouvernance et la gestion d'un établissement public, et non pas sur l'exercice des missions qui sont confiées à ce dernier. Il serait inimaginable d'introduire un tel dispositif pour l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui est le pendant de l'Anses en matière de médicaments à usage humain.

Cela est encore plus inconcevable lorsque l'on considère le contexte qui a conduit à la naissance de cette agence sous sa forme actuelle : l'affaire du Mediator a bien montré qu'il importait de préserver les décisions de cette nature de toute tentative d'influence.

Je rappelle, à toutes fins utiles, que le code de la santé publique préserve déjà la capacité de l'État à revenir sur les décisions de l'Anses. En effet, la ministre de l'agriculture a la faculté de s'opposer à toute décision émise par cette agence par arrêté motivé et de demander le réexamen d'un dossier, en l'attente duquel cette décision est suspendue.

Aussi, l'article 2 a une portée qui dépasse largement la question qui nous est posée aujourd'hui. Il introduit un précédent tout à fait fâcheux.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, sur l'article.

Mme Anne-Sophie Romagny. Mes chers collègues, il me semble important, à ce stade de l'examen de la présente proposition de loi, d'expliquer ce qu'est l'acétamipride, afin que nous évitions de tomber dans le dogmatisme politique, qui consisterait, volontairement ou involontairement, à ne pas faire le distinguo entre les différentes formes de néonicotinoïdes.

Un peu de pédagogie et d'éclairage scientifique me semblent importants, afin d'être le plus juste et le plus objectif possible. Les néonicotinoïdes forment une famille de substances chimiquement hétérogènes, dont la structure varie fortement. L'acétamipride se distingue précisément par sa structure chimique ; il est reconnu pour sa faible persistance dans l'environnement et son faible niveau de toxicité pour les abeilles. (Exclamations et moues dubitatives sur les travées des groupes GEST et SER.) Cet insecticide a même reçu le label « abeilles ». (Marques de désapprobation sur les mêmes travées des groupes.)

M. Daniel Salmon. N'importe quoi !

Mme Anne-Sophie Romagny. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) et l'Anses ont rendu de multiples rapports à ce sujet en 2011, 2016, 2021 et 2022. De nouvelles études toxicologiques ont encore eu lieu en 2023 et 2024. Dans une publication de janvier 2022, le groupe scientifique de l'AESA sur les produits phytopharmaceutiques et leurs résidus a conclu qu'il n'existait aucune preuve d'un risque plus élevé associé à l'acétamipride par rapport à l'évaluation antérieure en ce qui concerne la biodiversité, la génotoxicité, la toxicité pour le développement et la neurotoxicité, y compris la neurotoxicité développementale et l'immunotoxicité.

L'AESA est parvenue à la conclusion que, d'une manière générale, les informations fournies ne démontraient pas que l'acétamipride était susceptible de constituer un risque grave pour la santé humaine ou animale ou pour l'environnement.

Rappelons que l'acétamipride est aujourd'hui utilisé partout en Europe, sauf en France.

Il me semblait important de partager ces informations avant de poursuivre nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 10 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 45 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Daniel Salmon. Nous souhaitons supprimer l'article 2, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, je rappelle que le rapporteur a modifié les dispositions initiales de cet article concernant la mise sous tutelle de l'Anses, car elles n'étaient clairement pas en conformité avec le droit de l'Union européenne. Pour autant, la mise en cause de l'indépendance du travail de l'Anses reste problématique. Le présent article permet en effet au directeur général de l'Agence de s'en remettre au ministre de l'agriculture concernant la délivrance, la modification et le retrait des autorisations de mise sur le marché et l'expérimentation de produits phytopharmaceutiques.

Ainsi, le dispositif reste potentiellement non conforme aux règlements européens, qui disposent que l'évaluation en vue d'une autorisation de mise sur le marché d'un produit doit être indépendante, objective et transparente au regard des connaissances scientifiques et techniques actuelles. S'en remettre au ministre chargé de l'agriculture créerait un doute sérieux quant au respect de ces critères.

Le fait de confier cette possibilité au directeur général de l'Anses constitue également un problème en soi, puisque l'on peut craindre que cela ne nuise à l'indépendance de l'évaluation, en cas de pression extérieure pour qu'il la délègue. Rien ne justifie cette mise sous tutelle. L'Anses rappelle elle-même que son indépendance et celle de ses agents sont un critère essentiel de la qualité, de la légitimité et de la crédibilité de l'expertise scientifique qu'elle met en œuvre.

Ensuite, et même si je me suis déjà exprimé à ce sujet lorsque j'ai défendu la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, je précise que l'Anses considère qu'il n'y a aucun intérêt avéré à l'usage des drones à l'heure actuelle. Dans un tel cas, c'est donc le principe de précaution qui s'applique. Certes, les drones ne sont pas des hélicoptères, mais ils utilisent pour la plupart des adjuvants pour éviter toute dérive de pulvérisation : or chacun sait que les cocktails pesticides-adjuvants perturbent encore plus l'environnement et créent davantage encore de risques.

Sur les néonicotinoïdes, je m'exprimerai à ce sujet tout à l'heure, malgré le beau plaidoyer pour l'acétamipride que je viens d'entendre…

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 10.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à supprimer l'article 2. Si celui-ci était définitivement adopté par le Parlement en l'état, cela signerait un retour en arrière de plus de dix ans sur la réglementation encadrant les pesticides.

En effet, l'article 2 tend à remettre en cause le cadre existant en matière d'autorisation et d'usage des pesticides, tout en tendant à affaiblir la position de l'Anses, qui serait placée sous tutelle.

Mon groupe s'oppose ainsi à la mise en place d'un délai de grâce systématique en cas de retrait d'une autorisation de mise sur le marché d'un pesticide. Dans la version actuelle de l'article, ce délai pourrait s'étendre jusqu'à dix-huit mois, ce qui semble extrêmement long, notamment si cette décision venait à se fonder sur un risque grave et avéré pour la santé humaine ou l'environnement.

Cet article vise également à introduire une balance des bénéfices-risques en matière d'AMM, qui reposerait notamment sur les risques de distorsion de concurrence.

Je le redis avec fermeté : en matière d'autorisation ou de retrait d'AMM d'un produit chimique, une évaluation des bénéfices-risques ne peut en aucun cas se fonder sur des critères purement économiques. L'évaluation doit avant tout prendre en compte l'impact d'un produit sur la santé humaine et l'environnement.

Par ailleurs, cet article tend à réautoriser l'épandage aérien alors même que cette technique présente des risques supérieurs d'exposition et de dérives.

Pour autant, nous avons bien conscience de la réalité de certains territoires, notamment en outre-mer. À ce titre, nous ne sommes pas opposés à entamer une réflexion pour que des aménagements puissent être trouvés dans ces territoires, dès lors que toutes les garanties de sécurité pour l'homme et l'environnement sont réunies.

Cependant, nous refusons que cela se fasse au détour d'une proposition de loi dépourvue d'étude d'impact, alors même que les dernières études de l'Anses démontrent que le bilan des expérimentations dans ce domaine reste très mitigé.

Enfin, le comble de cet article est qu'il prévoit de réautoriser les néonicotinoïdes en France. Ce retour en arrière serait inacceptable, au vu notamment des débats qui ont déjà animé le Parlement sur le sujet, et, il faut le rappeler, du nombre de dérogations votées ces dernières années.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article, dont les dispositions déséquilibreraient fortement notre système actuel.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 45.

M. Gérard Lahellec. L'article 2 constitue à nos yeux un retour en arrière, puisqu'il prévoit de réintroduire les néonicotinoïdes.

Les experts scientifiques parmi nous nous expliqueront que tout cela n'est pas bien grave. En réalité, si nous voulons nous fonder sur un avis scientifique, appuyons-nous sur l'existence de nos pôles d'excellence, au premier rang desquels figure l'Anses – qu'on le veuille ou non !

Par ailleurs, ces mesures ne résoudront pas les situations d'impasse auxquelles font face certaines filières agricoles. Elles présenteraient même un risque pour la santé publique et la protection de l'environnement.

Ce sont autant de raisons qui nous conduisent à demander la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Je suis naturellement défavorable à ces trois amendements.

L'article 2 est la clé de voûte de cette proposition de loi – l'une de ses clés de voûte, en réalité, car chacun des articles vise à répondre à une problématique qui mine notre agriculture. Ce n'est donc pas le seul qui contient des dispositions majeures, même s'il est sans doute le plus symbolique, et le plus aisé à caricaturer, j'en ai bien conscience.

Comme sur l'ensemble des articles, je salue l'immense travail qui a été effectué par les auteurs du texte avec la ministre de l'agriculture, qui, il faut le souligner, a obtenu des arbitrages complexes et a mis toute son énergie à chercher des compromis. Nous pouvons en effet l'observer à plusieurs égards.

Malgré tout, un point de blocage majeur avec le Gouvernement demeure. Néanmoins, je ne mésestime pas le chemin parcouru sur l'article 2, notamment concernant l'Anses et les drones.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. J'émets également un avis défavorable.

Les auteurs de ce texte ont identifié des difficultés relatives à l'Anses. Pour autant, leurs propositions ne sont pas adaptées. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé l'amendement n° 91, qui tend à réécrire les dispositions concernant l'Anses.

Il est en effet prévu dans l'article 2 que le ministre se substitue, dans la prise de décision, au directeur général de l'Anses. Cependant, le ministre serait assujetti au même respect des conclusions d'évaluation que l'Agence ! Cela ne changera rien aux obligations qui lui incombent !

Par ailleurs, quand bien même nous pourrions remettre entre les mains d'un ministre une telle décision, il n'est pas garanti que celui-ci satisfasse toujours les objectifs partagés par une partie ou l'autre de cet hémicycle…

Cette proposition me paraît donc périlleuse. Il faut abandonner cette fausse bonne idée. J'y reviendrai en défendant l'amendement n° 91.

J'insiste toutefois dès à présent : il ne s'est jamais agi, dans mon esprit, de mettre l'Anses sous tutelle. Du reste, le voudrais-je que je ne le pourrais pas, tout simplement parce que les prérogatives du directeur général de l'Anses sont encadrées par des dispositions européennes ! L'Agence ne fonde ses décisions qu'au regard de la santé et de l'environnement. Tel est le cadre législatif européen dans lequel s'inscrit la fonction de son directeur général.

M. Vincent Louault. Parfaitement !

Mme Annie Genevard, ministre. C'est donc parce que nous devons avoir ce débat et examiner mes propositions que j'émets un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Nous avons débattu sur la question des drones à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés de Jean-Luc Fugit. Il me semble que nous ne pouvons pas nous opposer à l'innovation que vantait tout à l'heure M. Louault – car ce n'est rien de moins que cela !

Dans les bananeraies, l'utilisation du drone est préférable, car elle protège l'agriculteur, tandis que l'aspersion depuis le sol l'expose aux produits tout autant que les bananiers traités… (M. Fabien Gay proteste.)

En outre, cette méthode permet un ciblage plus précis que l'aspersion. Là encore, j'aurai des propositions à vous faire, sur la base du texte de M. Fugit.

Enfin, nous aurons l'occasion de débattre plus spécifiquement des néonicotinoïdes.

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour explication de vote.

Mme Vanina Paoli-Gagin. L'urgence est de trouver des alternatives et d'autoriser rapidement leur mise sur le marché, et non pas d'interdire des produits qui sont utilisés ailleurs dans l'Union européenne.

Les arboriculteurs sont particulièrement concernés. Lorsque les cultures pérennes, comme les noisetiers, ne sont pas protégées, il en résulte souvent des maladies, et, à terme, le dépérissement des arbres, puis leur remplacement, ce qui est extrêmement coûteux, puisqu'il faut les replanter.

Vous mangez des gâteaux au praliné ? Vous aimez les noisettes du Piémont ? Eh bien, elles ont été traitées avec ces produits !

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je n'étais pas auprès du berceau lorsque les sénateurs Duplomb et Menonville ont rédigé leur proposition de loi.

Un politique sans scientifique ne vaut rien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) Nous pouvons tous plier les gaules : nous voilà au moins d'accord sur une chose !

Toutefois, lors de nos auditions des représentants de l'AESA et de l'Anses, nous avons appris que la France a demandé à trois reprises à la demande de certains ministres, notamment de la transition écologique, la réévaluation de l'acétamipride auprès de la première, qui semblait en avoir tout simplement assez !

Il est complètement anormal de harceler l'AESA, au prétexte qu'une nouvelle étude a été menée, et que ce serait la vérité vraie – on se rappelle l'affaire Séralini, qui avait fait tant de mal… Je tiens à le dire publiquement : ce genre de comportement doit cesser.

Les scientifiques, nous les écoutons ! On entend souvent dire que les agriculteurs seraient antieuropéens. Ce qu'ils me disent, eux, c'est qu'ils voudraient que l'Anses et l'AESA fusionnent (M. Gérard Lahellec renchérit.), pour que toutes les règles soient définies à l'échelon européen. Ça, au moins, ça aurait de la gueule ! Et là, les vrais proeuropéens pourront l'être véritablement. Les agriculteurs me le disent : ils en ont marre de ces histoires franco-françaises. L'Anses et l'AESA devraient être regroupées dans une unité, au niveau européen.

Si tel était le cas, nous n'aurions pas ce débat. Nous ne serions pas embourbés à cause de la loi Biodiversité, dans laquelle le nom d'une molécule est cité, alors que cela n'aurait pas dû être le cas : celui-ci ne peut être précisé que dans un texte réglementaire, pas dans un texte de loi ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je veux revenir sur le cas de la noisette, dont on entend parler en permanence. C'est en effet un sujet central dans la politique agricole française. Je consomme moi-même des noisettes. J'ai des noisetiers tout autour de mon jardin, et ils se portent très bien ! (Sourires.) Cependant, contrairement à certains, je ne fais pas de mon cas particulier un cas général.

Observons la situation à l'échelle de l'Europe. La France reste le premier producteur de noisettes. L'Italie, où l'acétamipride est toujours utilisé, connaît les mêmes baisses de rendement que la France – et il en est de même en Turquie ! (M. Laurent Duplomb proteste.) Je peux vous montrer les courbes qui le prouvent ! La tendance est similaire, parce que la problématique est avant tout celle du réchauffement climatique (Marques d'ironie sur des travées du groupe Les Républicains.), et non de l'acétamipride.

Revenons sur cette molécule. On connaît bien la fabrique du doute : ce produit serait finalement un peu moins mauvais que les autres.

L'acétamipride a des effets sur le couvain des abeilles, c'est prouvé ! Or 75 % des espèces cultivées ont besoin des pollinisateurs.

La Franche-Comté a ainsi connu une très forte baisse de rendement des cassis. L'analyse de l'Inrae et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a démontré que ce phénomène était lié à l'effondrement de la population de pollinisateurs.

Il faudra bien finir par regarder les choses en face : le nombre de pollinisateurs s'écroule, tout comme, dans un même mouvement, les rendements de certaines productions. La baisse atteint 30 % pour le colza.

En outre, l'acétamipride est rémanent. Moins que les autres molécules, certes, mais tout de même.

Mme Anne-Sophie Romagny. C'est pour ça qu'il a le label « abeilles », justement !

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. J'étais très content d'entendre M. Louault dire qu'il n'y avait pas de politique sans fondement scientifique. Pour autant, il ne faut pas s'arrêter à la dernière étude parue.

Une étude vaut ce qu'elle vaut, mais ce sont les grandes cohortes qui sont intéressantes – prenez par exemple la cohorte américaine Agricultural Health Study, qui suit 60 000 agriculteurs, l'Agrican, qui en suit 180 000, ou encore l'International Lymphoma Epidemiology Consortium (InterLymph), qui regroupe 17 000 patients porteurs de lymphome.

Que disent ces cohortes ? Que les agriculteurs ont été, sont et seront les premières victimes des maladies dues aux pesticides ! Elles prouvent…

M. Laurent Duplomb. Ce n'est pas ce qui se passe !

M. Bernard Jomier. M. Duplomb n'est pas d'accord, parce qu'il conteste la science en permanence pour servir d'autres intérêts ! C'est dramatique ! (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Jomier a la parole.

M. Bernard Jomier. M. Louault a raison de nous inviter à regarder la réalité en face avant de procéder aux arbitrages politiques !

En matière de santé, trois cancers touchent les agriculteurs dans des proportions 30 % à 70 % supérieures à la population générale. Et d'ailleurs, ces cancers ont été inscrits au tableau des maladies professionnelles, non du régime général, mais du régime agricole !

Pourquoi nier que les agriculteurs sont victimes de maladies dues aux pesticides ? Je ne comprends pas pour quelles raisons vous refusez une réflexion dépassionnée sur cette question.

Mme Anne-Sophie Romagny. Quel est le rapport avec l'acétamipride ?

M. Bernard Jomier. Les chiffres sont là, depuis les années 1990 ! Maintenant, il s'agit d'en minimiser les effets, et, par conséquent, l'usage des pesticides.

Vous avez évoqué l'utilisation de ces produits, mais il faut aussi rappeler le phénomène de réentrée avec les semences enrobées. Tout cela a des conséquences sur la santé.

Aussi, regardons des données scientifiques et prenons nos décisions en conséquence. (MM. Daniel Salmon et Guillaume Gontard applaudissent.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

M. Franck Menonville. Je veux faire un rappel scientifique. Que pensez-vous de la divergence entre l'avis publié par l'Anses en 2016 et celui de l'AESA, favorable à l'autorisation de mise sur le marché jusqu'en 2033, après de nombreux investigations et contrôles pour validation ?

Je l'ai dit à l'occasion de la discussion générale : il ne me semble pas que l'Europe ait la main qui tremble en matière de normes et d'exigences dans les domaines de l'environnement et de la santé publique, dès lors qu'il est question d'interdire une matière active qui ne répondrait pas à un certain nombre de critères. C'est cela aussi, la science.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je crois que nous nous trompons de combat. Vous dites que ces substances sont dangereuses. Je l'entends, mais nous sommes aussi ici pour faire de la politique.

Nous sommes pris entre les États-Unis et leur nouveau président, d'un côté, et l'Asie, de l'autre, dans une compétitivité extrême. Plus que jamais, l'Union européenne doit faire bloc.

Dans ce contexte, même si j'entends vos propos, comment la France peut-elle pénaliser ses agriculteurs vis-à-vis de ses voisins ? C'est donc à l'échelon de l'Union européenne que vous devriez porter ce combat ! C'est ainsi seulement que nous parviendrons à davantage de cohérence entre tous les États membres dans l'utilisation de ces produits. Vous avez raison, donc, mais le débat doit avoir lieu non pas ici, mais au niveau européen.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. Dans ce débat, méfions-nous des conclusions un peu trop hâtives. Rapportons-nous à une autre science, à savoir l'épidémiologie. Il y a quelques années, preuve a été faite de l'existence de liens directs entre certaines maladies professionnelles touchant les agriculteurs, notamment les viticulteurs, et l'utilisation de plusieurs substances organophosphorées et organochlorées. Celles-ci provoquaient des maladies de Parkinson et des tumeurs cérébrales avec des taux jusqu'à onze fois plus importants que dans la population générale.

Dans ces cas précis, il y avait bien une preuve scientifique. Mais il est trop facile de mettre tous les cancers des agriculteurs sur le dos des pesticides ! (M. Daniel Salmon proteste.) Bien sûr, cela arrange quelques juristes qui promettent des indemnisations. Pour autant, il arrive que des personnes, qui ne travaillent pas dans ce milieu et qui ne sont pas en contact avec ces produits, développent les mêmes cancers ! Attendons d'avoir des preuves.

Je reviens aux néonicotinoïdes. En 2015, avec Nicole Bonnefoy et Joël Labbé, notamment, j'ai voté dans cet hémicycle l'interdiction de ces produits pour protéger les populations d'abeilles. Or cette mesure n'a pas eu de résultat. En effet, le problème est multifactoriel. Personne n'a parlé des reines importées de pays d'Europe de l'Est qui ne se sont pas acclimatées ni des frelons asiatiques ! Les néonicotinoïdes n'étaient pas seuls responsables des problèmes relatifs aux abeilles. Soyons donc prudents.

M. Daniel Salmon. C'est la mondialisation qui est en cause.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. Mon intervention a valeur de rappel au règlement. M. Jomier a insulté publiquement l'un de ses collègues dans l'hémicycle, il y a quelques minutes. (M. Bernard Jomier le conteste.) Je considère qu'il devrait donc lui présenter ses excuses publiquement. (Marques d'ironie sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Et cela vient de quelqu'un qui m'avait lui-même insultée en 2014…

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Rappelons-nous l'exemple de l'amiante. Son danger pour l'homme a été découvert dès le début du XXe siècle, mais il a fallu un siècle de combats pour obtenir son interdiction en 1997 !

La première réglementation pour protéger les travailleurs et travailleuses n'a été adoptée qu'en 1977. Pourtant, la maladie professionnelle était reconnue depuis 1945. L'évolution a été lente…

Il en est de même pour le chlordécone. Ses effets nocifs ont été mis au jour trente ans avant son interdiction totale !

On peut bien sûr débattre. Les pesticides servent un modèle intensif inventé pour soulager les agriculteurs, produire plus, nourrir plus.

M. Pierre Médevielle. On en a tous profité !

M. Fabien Gay. Bien sûr, nous en avons tous profité. Mais Henri Cabanel pose une question centrale. Nous connaissons désormais les méfaits de l'acétamipride sur la biodiversité, en particulier sur les abeilles, mais aussi sur les humains. En effet, ce qui est nocif pour les premières l'est tout autant pour le reste du vivant. Il ne faudrait pas croire que seules les abeilles seraient les victimes de ces produits, tandis que l'homme pourrait continuer à les épandre sans que cela pose problème.

Cependant, depuis l'interdiction des néonicotinoïdes en 2018, aucune alternative n'a été favorisée. Et c'est la deuxième ou troisième fois qu'il est demandé au Parlement de prolonger l'utilisation de l'acétamipride, en raison de cette absence d'alternative.

M. Laurent Duplomb. Il fallait trouver une alternative !

M. Fabien Gay. Mais faire cela ne revient qu'à reculer pour mieux sauter !

Cette remise en question ne résoudra rien sur le long terme. Toutes et tous, dans la diversité de nos opinions, nous savons que les conséquences se font ressentir non seulement pour les abeilles, mais aussi pour l'homme.

Depuis 2018, à chaque fois que nous revenons sur cette interdiction, nous retardons l'ensemble des alternatives qui seraient bonnes pour le vivant, pour la planète, et surtout pour nos agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Il y a des alternatives aux néonicotinoïdes, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire. Un travail est mené à ce sujet par l'Inrae. (« C'est faux ! » sur plusieurs travées du groupe INDEP.)

Mme Anne-Sophie Romagny. Pas sur l'acétamipride !

M. Jean-Claude Tissot. Je croyais que l'on s'écoutait !

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Tissot. Je disais donc qu'il existe des alternatives, comme l'a notamment démontré l'Inrae. Mais vous ne voulez pas engager le moindre changement, parce que cela est compliqué. J'en conviens !

La culture des endives en est bien la preuve : c'est la onzième année consécutive que les producteurs bénéficient d'une dérogation, alors qu'il existe des solutions alternatives. (M. Vincent Louault proteste.) De même, je n'entrerai pas dans les détails techniques, mais il est possible de combattre autrement la jaunisse de la betterave : d'importantes cohortes l'ont démontré – je ne parle pas de simples études portant sur un demi-hectare de terrain…

Monsieur le rapporteur, vous avez été producteur. Je reconnais qu'il est souvent compliqué d'instaurer ces alternatives. Il faut accompagner les agriculteurs. Mais c'est précisément ce que nous faisons, depuis longtemps. Désormais, il faut le dire fermement : les néonicotinoïdes, c'est terminé ! (M. Daniel Salmon applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Je veux revenir sur la relation entre l'AESA, au niveau européen, et l'Anses, à l'échelon national. Je partage ce qui a été dit à ce sujet.

Au fond, notre débat porte sur la distorsion qui peut s'observer entre l'avis émis par l'AESA, qui se prononce sur les substances, et celui de l'Anses ou de ses homologues dans les États membres, qui concerne les produits. C'est en effet le cadre réglementaire actuel.

Je suis tout à fait d'accord avec ceux d'entre vous qui préconisent de s'en tenir à un seul niveau d'évaluation, qui serait en l'occurrence européen. Cela nous épargnerait en effet d'interminables débats, comme celui que nous allons avoir sur l'acétamipride. De même, cela éviterait les distorsions de concurrence résultant de surtranspositions.

Je suis donc favorable à cette idée. Cette démarche est initiée aussi bien par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire que par le ministère de la transition écologique.

L'échelon européen est un bon niveau d'arbitrage, d'analyse et de partage de l'information sur les produits phytopharmaceutiques. C'est une voie prometteuse qu'il faut explorer.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 10 et 45.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 91, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

1° Au premier alinéa de l'article L. 1313-5, après le mot : « État », sont insérés les mots : « et après en avoir informé ses tutelles » ;

II. – Alinéas 12 à 14

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

1° Après l'article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 253-8-4 ainsi rédigé :

« L. 253-8-4. – I.- Constitue un usage prioritaire toute solution permettant de lutter contre un organisme nuisible ou un végétal indésirable qui affecte ou est susceptible d'affecter de manière significative le potentiel de production agricole et alimentaire lorsque les alternatives sont inexistantes, insuffisantes, ou susceptibles de disparaître à brève échéance.

« II. – Un conseil d'orientation pour la protection des cultures suit la disponibilité des méthodes et moyens de protection des cultures, chimiques et non chimiques.

« Il avise le ministre chargé de l'agriculture des usages qu'il considère prioritaires.

« III. – Le ministre chargé de l'agriculture fixe par arrêté, après avis du conseil d'orientation pour la protection des cultures, la liste des usages prioritaires.

« IV. – L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail établit, pour les usages prioritaires, un calendrier d'instruction des demandes tenant compte du cycle cultural et s'emploie à le respecter. Ce calendrier est présenté au conseil d'orientation pour la protection des cultures.

« V. – Un décret précise les conditions d'application du présent article, notamment les modalités de fonctionnement et la composition du conseil d'orientation pour la protection des cultures. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Comme je l'indiquais aux sénateurs qui préconisaient la suppression de l'article 2, voici une alternative qui permet de répondre aux difficultés posées par la version actuelle du texte concernant l'Anses.

J'insiste : l'Anses délivre ses avis de manière indépendante. La réglementation européenne précise que l'Anses prend ses décisions en tenant compte des risques pour la santé et l'environnement, et non au regard de considérations économiques. Il est important de rappeler ce contexte réglementaire, auquel on ne peut déroger.

Toutefois, lors de la reprise des travaux du comité des solutions que j'ai réuni lors de ma prise de fonctions, il est apparu que l'organisation des travaux de l'Anses pouvait être améliorée sur trois points.

Premièrement, il est nécessaire de prioriser les décisions de l'Anses, qui s'échelonnent actuellement sur trois niveaux.

D'abord, l'Inrae et les instituts techniques assurent la recherche fondamentale afin de mettre au point des alternatives aux produits phytopharmaceutiques.

Ensuite, à moyen terme, le plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) doit préparer le retrait des molécules probables afin d'aider les filières concernées.

Enfin, il est parfois nécessaire d'apporter une réponse urgente. La filière de la noisette, par exemple, se trouve en situation d'urgence vitale.

Ainsi, par cet amendement, je propose que l'Anses priorise ses travaux sur les filières les plus à risque. Cela relève, me semble-t-il, du bon sens.

Deuxièmement, je souhaiterais demander à l'Anses d'informer les tutelles, dont les deux principales sont les ministères de l'agriculture et de la transition écologique. Nous avons besoin d'être informés des travaux de l'Anses et de leur priorisation. Il est incompréhensible que je puisse apprendre le retrait de certaines molécules par la presse ou par les professionnels du secteur. La tutelle doit être tenue informée des travaux conduits par l'Anses.

Troisièmement, je propose la création d'un conseil d'orientation pour la protection des cultures, qui émettra des avis pour que soient orientés vers telle ou telle filière, par priorité, les travaux de l'Anses.

Cet amendement ne revient aucunement sur l'indépendance de l'Anses, qui est garantie non seulement par la loi, mais aussi par le droit conventionnel.

C'est la raison pour laquelle je vous propose cet amendement, au nom du Gouvernement, qui a notamment été travaillé avec les ministères qui ont la tutelle de l'Anses.

En résumé, il s'agit donc de mieux prioriser, de créer un conseil d'orientation pour la protection des cultures et de renforcer l'information des tutelles.

M. le président. L'amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Hochart, Durox et Szczurek, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'État soutient la recherche et l'innovation dans les technologies de biocontrôle, les produits phytosanitaires durables et respectueux de la santé et de l'environnement et les alternatives aux produits phytopharmaceutiques, avec un budget dédié coordonné par le ministère de l'agriculture et le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur. » ;

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Cet amendement a pour objectif de promouvoir des pratiques agricoles innovantes et respectueuses de l'environnement en favorisant l'adoption de solutions alternatives aux produits phytosanitaires traditionnels. Il s'agit d'une démarche double : préserver la biodiversité et la santé publique tout en soutenant nos agriculteurs dans leur indispensable transition écologique.

Les produits phytosanitaires conventionnels, bien qu'indispensables pour répondre à certains enjeux agricoles, posent des problèmes majeurs en matière de pollution des sols, des eaux et des écosystèmes. Ils impactent directement la biodiversité, mettant en péril les pollinisateurs essentiels à nos cultures, et affectent potentiellement la santé humaine.

Pour relever ce défi, il est impératif que l'État prenne ses responsabilités en investissant massivement dans la recherche et l'innovation. Cela passe bien évidemment par le développement de solutions alternatives : biocontrôle, agroécologie, nouvelles techniques de lutte intégrée, soutien financier et technique aux agriculteurs.

La transition vers des pratiques plus durables doit être non pas une contrainte insurmontable, mais une opportunité d'avenir, une approche proactive et collaborative impliquant agriculteurs, scientifiques et entreprises innovantes pour coconstruire des solutions adaptées aux réalités du terrain.

Ce texte s'inscrit donc dans une vision à long terme : protéger nos ressources naturelles et nos territoires tout en garantissant la pérennité et la compétitivité de notre agriculture. L'innovation et la durabilité sont non pas des choix opposés, mais bien les deux piliers d'un avenir agricole prospère.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 77 rectifié bis est présenté par MM. Cabanel, Bilhac et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et M. Masset.

L'amendement n° 83 rectifié bis est présenté par MM. Grosvalet et Roux.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 5 et 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l'amendement n° 77 rectifié bis.

M. Henri Cabanel. Compte tenu des arguments que vient de donner Mme la ministre, je retire cet amendement, qui concerne l'intervention de l'Anses au regard de la décision politique, au bénéfice de celui du Gouvernement.

Mme Annie Genevard, ministre. Merci !

M. le président. L'amendement n° 77 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 83 rectifié bis n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Je suis favorable au compromis que propose le Gouvernement à l'amendement n° 91, pour deux raisons : la création de ce conseil d'orientation pour la protection des cultures, que vient d'annoncer Mme la ministre, et le renforcement du pouvoir des tutelles.

L'avis est donc favorable sur cet amendement, dont l'adoption rendrait l'amendement n° 66 rectifié sans objet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Je précise, monsieur le rapporteur, que l'objet de l'amendement du Gouvernement est un renforcement non pas du pouvoir des tutelles, mais de leur information, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.

Il tend tout d'abord – je le répète – à créer un conseil d'orientation pour la protection des cultures, dont le rôle est d'orienter les priorités vers la protection des cultures sur lesquelles pèsent les plus gros risques. Il s'agit donc de prioriser les actions.

Il vise, ensuite, à informer les tutelles de l'état d'avancement du calendrier, ce qui est important parce que ce lien est aujourd'hui à construire, mais en veillant à l'indépendance des décisions de l'Anses, que lui garantissent la loi et les dispositions européennes.

Par ailleurs, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 66 rectifié présenté par M. Hochart, qui vise à créer une ligne budgétaire pour soutenir la recherche.

La recherche est extrêmement importante, personne n'en disconvient, notamment pour ce qui concerne les alternatives aux produits phytosanitaires dont nous débattons. Nous avons besoin d'instituts techniques performants, et donc d'une recherche qui soit soutenue.

Sur ce point, je tiens à vous rappeler quelles sont les nombreuses actions déjà mises en place par l'État.

De nombreuses filières ont bénéficié de plans de soutien à la suite du retrait de substances actives, dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt « Prise de risque amont aval et massification de pratiques visant à réduire l'usage des produits phytopharmaceutiques sur les exploitations agricoles » (Praam). Je pense notamment au plan national de recherche et d'innovation (PNRI) pour la betterave, ou encore au plan d'action de sortie du phosmet destiné à identifier les solutions pour réduire les attaques et la nuisibilité des ravageurs du colza.

En matière de biocontrôle, un soutien annuel de 20 millions d'euros en moyenne est apporté par l'État à des projets de recherche et d'innovation conduits par des entreprises et des laboratoires de recherche, notamment dans le cadre du plan France 2030.

Par ailleurs, le Grand défi biocontrôle et biostimulation pour l'agroécologie (GDBBA) a été lancé au Salon de l'agriculture le 1er mars 2024, pour contribuer à la création d'alternatives aux produits de synthèse destinées à protéger les cultures et leur fertilisation. Il est doté d'un budget de 60 millions d'euros, dont 42 millions d'euros proviennent de subventions apportées par l'État.

Plus globalement, le Parsada, que j'ai évoqué, est doté de 146 millions d'euros – c'était le cas en 2024 – pour financer des plans d'actions et contrats de filières. Plusieurs projets ont été retenus, qui portent sur le développement de technologies de biocontrôle.

J'ajoute que le budget de l'Inrae, qui, s'il n'est pas dédié seulement à la recherche d'alternatives, relève pour une partie importante de cet objectif, bénéficie d'un soutien très important de l'État. Et je ne parle plus là de millions ; mes services me confirment que ce budget est supérieur à 1 milliard d'euros.

On ne peut donc pas dire que l'État français ne soutient pas la recherche sur les produits phytopharmaceutiques et sur leurs alternatives !

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Cette explication de vote porte sur l'amendement n° 91 du Gouvernement, que nous ne voterons pas pour des raisons tant de fond que de forme.

Sur le fond, nous ne pouvons pas soutenir un amendement qui ne vise rien de moins qu'à réformer le fonctionnement de l'Anses et les procédures d'AMM.

Sur la forme, cet amendement a été déposé en l'absence de concertation préalable, de discussion et d'étude d'impact.

Il est prévu dans le dispositif proposé que l'Anses ait l'obligation d'informer ses tutelles de l'ensemble des demandes d'agrément ou d'autorisation qu'elle reçoit, et en amont de tout projet qu'elle envisagerait ou de toute décision qu'elle prendrait.

Seraient incluses dans le périmètre de cette obligation toutes les missions relatives aux médicaments vétérinaires, aux pesticides, aux produits biocides, à l'agrément des laboratoires agréés pour le contrôle sanitaire des eaux ou encore aux additifs utilisés en alimentation animale. Il s'agit d'une remise en cause claire et nette de l'Anses et de son indépendance. Pourrions-nous imaginer un dispositif similaire pour le médicament ? Certainement pas !

Il y aurait encore beaucoup à dire, mais le temps nous est compté. Or nous, parlementaires, respectons le temps parlementaire tout comme les délais de dépôt des amendements...

Pour ces raisons, nous voterons contre l'amendement n° 91.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Je souhaite tout d'abord vous poser une question, madame la ministre : quelle sera la composition du conseil d'orientation pour la protection des cultures ? C'est en effet un point fondamental.

Nous avons évoqué l'acétamipride. L'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), qui représente les apiculteurs, souhaiterait vivement, je pense, participer aux travaux de ce conseil d'orientation afin de savoir pourquoi l'on retrouve cet insecticide dans le pollen et le miel, et de comprendre les raisons de la mortalité très élevée des abeilles...

La question du périmètre de ce conseil d'orientation, une instance dont le principe peut être intéressant, mais qu'il sera nécessaire d'ouvrir très largement, est donc très importante.

Par ailleurs, il y a une petite contradiction dans vos propos. D'un côté, vous parlez de l'indépendance de l'Anses, et, de l'autre, vous souhaitez lui indiquer quelles sont ses priorités. Cela signifie-t-il qu'elle devra se pencher sur tel sujet, et pas sur tel autre ? Sa totale indépendance sera-t-elle préservée, afin qu'elle puisse travailler sur des questions constituant des priorités non pour le Gouvernement, mais pour de nombreux scientifiques, d'autres secteurs de l'agriculture ou des associations environnementales ? C'est en effet là que réside le champ d'action de l'Anses.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Pour ce qui concerne les priorités, vous avez posé, madame la ministre, un principe général, mais sans les définir d'aucune manière. Or la jurisprudence du Conseil d'État est constante à cet égard : un principe de priorité risquerait de porter atteinte au principe d'égalité, notamment pour les fabricants qui déposent des demandes d'agrément devant l'Anses. Si vous ne définissez pas ces priorités, vous vous exposez à une invalidation juridique de la procédure.

Par ailleurs, vous créez un nouveau conseil alors que l'époque – du moins, le pensais-je – est plutôt à la simplification. Et vous demandez, comme l'a dit mon collègue Tissot, au directeur général de l'Anses d'informer ses tutelles sur toutes les décisions qu'il prendra, et non pas seulement sur celles qui sont relatives aux produits phytopharmaceutiques. Puisque cela entraînera un accroissement de la charge de travail de l'Agence, il faudrait que vous augmentiez ses moyens dans le projet de loi de finances.

J'ai une suggestion très simple à vous faire, que nous avions déjà faite l'année dernière. Vous le savez, l'Anses est rémunérée pour instruire les dossiers d'AMM de produits phytopharmaceutiques. Or la rémunération qu'elle perçoit est bien inférieure aux coûts qu'elle supporte pour instruire ces dossiers, de plus en plus nombreux. Vous pourriez donc l'autoriser, au travers du projet de loi de finances, à majorer la facturation de l'instruction desdits dossiers afin de lui permettre de remplir ses missions dans de bonnes conditions.

Le dispositif que vous prévoyez aura pour conséquence de surcharger l'Anses de nouvelles tâches, sans que lui soient octroyés des moyens supplémentaires pour les assumer. Cela entraînera un ralentissement, voire un engorgement, des procédures.

Enfin, avez-vous vraiment dit que vous souhaitiez que les arbitrages, donc les décisions, soient rendus au niveau européen et non plus au niveau français ?...

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. L'amendement présenté par Mme la ministre est très important. En effet, nous avons souvent déploré ces situations d'impasse dans lesquelles il n'existe pas de traitement alternatif ou de solution pour faire face à une maladie ou pour restaurer, notamment, la santé des plantes – des cas qu'il est fondamental de prioriser.

Pour autant, je voudrais être certain d'avoir bien compris le sens de l'amendement. La hiérarchisation des priorités résulte en effet d'une anticipation de l'Anses portant sur l'ensemble des impasses. J'espère que l'on ne décidera pas de donner la priorité à telle situation d'impasse, c'est-à-dire lorsqu'aucun traitement alternatif n'existe, plutôt qu'à telle autre ! Dans le cas contraire, cela voudrait dire que, pour certaines plantes ou maladies, on peut attendre, tandis que d'autres seraient prioritaires...

M. Bernard Jomier. C'est cela !

M. Daniel Gremillet. J'ai besoin que l'on me rassure en me confirmant que l'on ne fixera pas de priorités parmi les situations d'impasse.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Comme l'a dit le sénateur Gremillet, cet amendement est très important. Je vais essayer de répondre aux diverses interrogations.

Monsieur Tissot, fixer des priorités à l'Anses en privilégiant des filières menacées de disparition n'est pas une remise en cause de l'indépendance de l'Anses ! Sinon, cela reviendrait à dire qu'un médecin qui a dix patients dans sa salle d'attente doit s'en occuper dans leur ordre d'arrivée, sans donner la priorité à celui dont la vie est en danger... (M. Guy Benarroche proteste.)

M. Laurent Duplomb. Exactement !

Mme Annie Genevard, ministre. C'est la même chose !

Ce que nous souhaitons, c'est pouvoir dire à l'Anses, lorsqu'une filière encourt un risque mortel, qu'il serait judicieux de lui donner la priorité parmi la masse des dossiers qu'elle doit examiner. Cela ne préjuge en rien de la décision qu'elle prendra. Elle pourra même refuser, et à aucun moment il ne sera question d'orienter ses conclusions.

Je puis vous dire d'expérience que l'Anses protège scrupuleusement son indépendance, ce qui est normal puisque celle-ci est liée au statut que la loi lui a conféré.

J'en viens à la question qu'a posée M. Salmon sur la composition du conseil d'orientation de la protection des cultures. Cette composition sera la même que celle du comité des solutions mis en place par Agnès Pannier-Runacher lorsqu'elle était ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. La seule différence réside dans le fait d'inscrire l'existence de ce conseil dans la loi, et ce faisant de lui donner un statut.

Y seront représentés toutes les organisations professionnelles agricoles (OPA), les instituts techniques, l'Inrae, l'Anses, etc. C'était déjà le cas lorsque je présidais le comité des solutions ! Pour autant, il n'y a pas lieu d'en faire un cénacle de cinquante personnes...

Y siégeront également les représentants des firmes parce qu'il est très important qu'un débat puisse avoir lieu. Ainsi l'Anses pourra-t-elle solliciter des informations avant de rendre ses arbitrages.

Monsieur Gremillet, le ministre de l'agriculture présidera le conseil d'orientation pour la protection des cultures, au même titre que je présidais, en tant que ministre, le comité des solutions. La ministre de la transition écologique est également membre de ce conseil. Quant aux propositions de priorisation, elles seront arbitrées entre tous ses membres et ne porteront que sur un nombre limité de dossiers. En effet, si tout devient prioritaire, alors rien ne l'est plus.

Il ne s'agit pas d'arbitrer entre les situations d'impasse : là où il y a impasse, il y a priorité !

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Ce sujet est complexe, comme nous l'avons constaté lors des diverses auditions.

Je vous remercie de vos propos, madame la ministre, car c'est ainsi que les choses fonctionnent. À l'Inrae, par exemple, il y a un conseil d'orientation scientifique qui donne des impulsions de concert avec des représentants de la DGPE, entre autres, et qui élabore une stratégie avec des scientifiques, lesquels fixent des priorités fondées sur de véritables motifs scientifiques. À cet égard, je vous soutiendrai toujours !

Il est important, par ailleurs, de travailler en partenariat avec le ministère de la transition écologique parce qu'il faut entendre tout le monde. À partir de ce socle, on pourra introduire du bon sens et éviter ces décisions qui étaient prises trop souvent en catimini, en l'absence de transparence, car les ministères de tutelle n'avaient pas l'habitude d'avertir les ministères chargés des questions économiques.

Je présenterai une série d'amendements sur ce sujet, non pas pour embourber le débat ou pour endormir mes collègues, mais parce qu'il s'agit de traiter cette problématique. On s'est en effet aperçu que le dialogue de gestion ne se nouait pas entre le comité des solutions et d'autres instances dont les conseils d'administration ne comptent pas suffisamment d'agriculteurs et qui ne peuvent pas se saisir des dossiers – nous en reparlerons.

L'Anses a créé une grosse difficulté, notamment, au sujet des nouvelles techniques génomiques (NTG), qui intéresse particulièrement notre collègue Gremillet. En se saisissant toute seule de ce dossier, elle a mis en difficulté la Commission européenne, et cela a provoqué une réaction en chaîne ; ainsi, des universitaires belges se sont crus obligés de faire de même... Il convient de cadrer les choses, car on ne fait pas de politique avec une agence !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 66 rectifié n'a plus d'objet.

L'amendement n° 67, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Au onzième alinéa de l'article L. 1313-1, les mots : « , pour les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que » sont supprimés ;

…°Au deuxième alinéa de l'article L. 1313-6-1, les mots : « des produits phytopharmaceutiques et adjuvants mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, » sont supprimés ;

La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Depuis plusieurs années, la France subit un déclin alarmant de sa souveraineté alimentaire, passant pour ses exportations du deuxième rang mondial au cinquième, et ce en deux décennies seulement. Entre 2011 et 2021, notre solde commercial agricole a chuté de 12 milliards à 8 milliards d'euros et nous importons désormais 50 % de ce que nous consommons, soit deux fois plus qu'en l'an 2000.

Face à cette situation, il est impératif de revoir les mécanismes de décision stratégique dans le domaine agricole. Le transfert à l'Anses, en 2014, de la compétence de délivrance des AMM de produits phytopharmaceutiques a montré ses limites. Si cette agence fournit un éclairage scientifique essentiel, elle ne prend pas en compte les enjeux économiques, commerciaux et stratégiques liés à ces autorisations. Cela crée des distorsions de concurrence avec nos partenaires européens et fragilise encore davantage notre agriculture.

Cet amendement vise à redonner au ministère de l'agriculture la compétence de délivrance de ces autorisations, en s'appuyant sur les avis scientifiques de l'Anses, tout en assurant un arbitrage équilibré entre les impératifs sanitaires, environnementaux et économiques. Il s'agit d'un choix de souveraineté et de pragmatisme pour permettre à notre agriculture de répondre aux défis d'aujourd'hui sans être pénalisée par les interdictions arbitraires.

Ce retour au bon sens est indispensable pour garantir la compétitivité de nos agriculteurs, préserver notre autonomie alimentaire et réaffirmer le rôle stratégique du ministère de l'agriculture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Nous avons eu, dans le passé, ce débat au sein de la commission des affaires économiques. L'Anses doit-elle délivrer des AMM ? La réponse est oui, dans la mesure où elle est aujourd'hui la seule instance à détenir l'expertise et les ressources pour assurer cette mission.

Nous nous étions demandé s'il fallait de nouveau confier ladite mission au ministère de l'agriculture, mais nous avions rapidement conclu que ce n'était pas envisageable. C'est bien parce que le système antérieur était défaillant, et notamment que les délais étaient beaucoup trop longs, que cette compétence avait été transférée à l'Anses.

Je vous invite donc à réfléchir, d'abord, à la façon d'améliorer le fonctionnement de cette agence.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Nous avons déjà eu ce débat ; je n'y reviens donc pas. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 19 rectifié octies, présenté par MM. V. Louault, Brault, Médevielle, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Cambier, Chasseing, Grand, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Gacquerre, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin et Mmes Josende et Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° Après l'article L. 1313-1 il est inséré un article L. 1313-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1313-1-… Lorsqu'une décision relative à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations préalables à la mise sur le marché et à l'expérimentation prévues aux alinéas onze à treize de l'article L. 1313-1 présente un risque avéré de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l'Union européenne, le ministre chargé de l'agriculture ou le ministre chargé de l'économie peut saisir le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché prévu à l'article L. 1313-6 du même code d'une demande de rapport qui doit être publié, au plus tard, 30 jours après la saisine.

« Ce rapport présente les détails de la balance entre les risques sanitaires et environnementaux et les risques de distorsion de concurrence sur le marché européen. Il en présente également les conséquences pour le marché français et évalue l'efficience des solutions alternatives.

« Une annexe au rapport intègre un avis de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises.

« Si les conclusions du rapport s'avèrent négatives pour le marché français alors le ministre de l'agriculture effectue une demande de dérogation auprès des instances de l'Union européenne. » ;

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Je vais retirer cet amendement, madame la ministre, car le travail qui a été fait me satisfait.

Je précise simplement que si l'on avait fait une étude d'impact et analysé correctement la situation, au lieu d'interdire bêtement les néonicotinoïdes pour « faire de la poloche », on n'en serait pas là ! On se serait en effet aperçu que l'acétamipride qui était utilisé avait reçu le label « Abeille » délivré par l'Anses... (Exclamations sur les travées du groupe GEST.). Cela vous fait mal de l'entendre, mes chers collègues du groupe GEST, mais c'est le cas : en 2016 et 2017, ce label, le plus difficile du monde à obtenir, a été délivré par l'Agence à ce produit !

J'indique, accessoirement, que l'acétamipride, vous en avez partout dans votre maison, dans les produits Stop Insecte, dans les colliers antiparasitaires pour chiens, etc. On oublie de dire que cela ne pose aucun problème ! (M. Daniel Salmon le nie. – M. Laurent Duplomb s'exclame.)

M. le président. Seul M. Louault a la parole !

M. Vincent Louault. Excellent, monsieur le président ! (Sourires.)

Je souhaite revenir sur quelques points, madame la ministre.

Lorsque l'acétamipride a été interdit, la direction générale de l'alimentation (DGAL) n'a même pas eu le courage de notifier la décision aux firmes parce qu'elle avait peur que celles-ci ne forment un recours !

L'Anses a produit une mise à jour de l'AMM de l'acétamipride à la demande de l'AESA en 2020 et 2021 parce que son AMM est toujours valable.

Si l'acétamipride devait être réintroduit demain, il serait utilisable dès le lendemain de la promulgation de la loi, contrairement à ce qui nous a été dit lors des auditions, lorsque l'on nous avait affirmé qu'il faudrait produire de nouveau une AMM. Cette assertion provenant des services du ministère de la transition écologique était totalement fausse et mensongère ! Il faudrait d'ailleurs que je me fasse expliquer cela par les professionnels qui travaillent au sein de l'AESA, car eux, au moins, sont transparents ! (M. Laurent Duplomb applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 19 rectifié octies est retiré.

L'amendement n° 26 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Brault, Laménie, L. Vogel et Cambier, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte, Gacquerre et Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le deuxième alinéa de l'article L. 1313-3 est supprimé ;

…° Au troisième alinéa de l'article L. 1313-4, les mots : « mentionnées à l'article L. 1313-3 » sont supprimés ;

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Voilà encore une situation complètement exceptionnelle : aujourd'hui, les syndicats, par exemple la CGT ou la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), ou de nombreuses associations – des gens très bien, là n'est pas la question – peuvent saisir l'Anses, dont on nous dit pourtant qu'elle n'a pas assez de temps pour travailler... Puisque tout le monde peut la saisir, elle se retrouve embourbée !

Je propose qu'on limite cette possibilité de saisine aux associations dont les représentants siègent au conseil d'administration de l'Anses. Cet amendement a reçu un avis défavorable en commission ; sur ce point, j'affronte les excellents administrateurs du Sénat, qui travaillent jour et nuit...

Encore une fois, si tout le monde se met à saisir l'Anses, cela ne pourra pas coller !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. M. Louault a donné lui-même la réponse à sa question... Les saisines d'associations, et notamment de syndicats, représentent moins de 2,5 % du total des saisines de l'Agence.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. En effet, le nombre de saisines émanant d'associations est relativement faible.

Avis défavorable.

M. Vincent Louault. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 26 rectifié nonies est retiré.

L'amendement n° 27 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci et Bonhomme, Mme Housseau, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Romagny, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le cinquième alinéa de l'article L. 1313-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …°Des représentants d'organisations professionnelles et syndicales agricoles ; »

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié nonies est retiré.

L'amendement n° 23 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Brault, Médevielle, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mme Lermytte, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…°À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1313-6-1, après le mot : « décision », sont insérés les mots : « relative aux onzième à quatorzième alinéas de l'article L. 1313-1, consulter ou bien être saisi par un ou plusieurs membres du comité d'évaluation des autorisations de mise sur le marché, » ;

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Je le retire.

Madame la présidente de la commission, vous apprécierez mes efforts ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié nonies est retiré.

L'amendement n° 87 rectifié, présenté par MM. Duplomb, Menonville, J.M. Boyer, D. Laurent et Bacci, Mme Di Folco, M. Sido, Mme Valente Le Hir, MM. Le Rudulier et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. Khalifé, Somon, Chaize et Sol, Mmes Ventalon, M. Mercier et Evren, M. Bouchet, Mmes Joseph et Dumont, MM. Chevalier et Chasseing, Mme Gacquerre, MM. Daubresse et V. Louault, Mme Bonfanti-Dossat, M. Reynaud, Mmes Puissat, Lopez et Pluchet, M. Karoutchi, Mme Romagny, M. Rochette, Mmes Gosselin et Malet, MM. Rietmann, Genet, Hugonet et Savin, Mmes Dumas, Micouleau et Paoli-Gagin, MM. J.P. Vogel, Pointereau et Rapin, Mme Demas, M. P. Vidal et Mme Hybert, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le deuxième alinéa de l'article L. 253-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation de mise sur le marché relative à des produits utilisés en agriculture, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail est tenue, préalablement à l'adoption de toute décision de rejet, de communiquer les motifs pour lesquels elle envisage de rejeter la demande. Ces motifs sont communiqués dans les meilleurs délais, de façon à permettre au demandeur de produire des observations écrites. Ces observations sont prises en compte par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail aux fins d'adoption de sa décision. » ;

La parole est à M. Laurent Duplomb.

M. Laurent Duplomb. Cet amendement, relatif à la procédure contradictoire au terme de laquelle l'Anses rend ses décisions, est assez simple : je souhaite que l'Agence motive ses décisions de rejet d'AMM et qu'elle fournisse au demandeur de l'autorisation des éléments tangibles motivant le rejet, au lieu de se contenter de donner une réponse très succincte. En effet, après des mois, voire des années de recherche, et alors que des dizaines de milliers, voire des millions, d'euros ont été investis pour lancer un produit, il n'est pas possible de se satisfaire d'un non catégorique qui ne s'accompagne pas d'explications.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Cet amendement visant à favoriser le dialogue qui doit s'instaurer entre le demandeur et l'Anses, j'émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le principe du contradictoire existe avec les pétitionnaires, c'est-à-dire les firmes ! J'ajoute que les firmes seront présentes au sein du conseil d'orientation pour la protection des cultures, ce qui permettra d'instaurer ce dialogue.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.

M. le président. Nous vivons ce principe du contradictoire puisque notre collègue veut ajouter quelque chose... (Sourires.)

La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Si le contradictoire existe, madame la ministre, alors mon amendement ne saurait vous poser de problème puisqu'il ne vise pas à prévoir autre chose que ce qui se fait déjà !

Vous nous dites que ce principe existe ; je puis vous dire, quant à moi, après avoir entendu l'ensemble des demandeurs d'AMM, que ce dialogue n'a pas lieu.

Votons mon amendement ! S'il est adopté, soit ce qui se fait déjà continuera à se faire, soit il sera possible de demander à l'Anses de faire ce qu'elle devrait faire, mais qu'elle ne fait pas. (Sourires au banc de la commission.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je soutiens cet amendement de M. Duplomb, qui touche là du doigt un problème dont on m'a également fait part.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. On voit au travers de ces amendements que, une fois de plus, l'économie prime la sécurité et la santé. (Mme la présidente de la commission proteste.)

Il s'agit très clairement de compliquer encore la tâche de l'Anses (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) en prévoyant des discussions à n'en plus finir avec les fabricants, qui mettent tous les jours de nouvelles molécules sur le marché, ce qui induit des coûts colossaux pour la puissance publique. C'est un véritable problème !

Ce primat de l'économie, on le retrouve à beaucoup d'endroits. Je ferai un petit parallèle : on a parlé de distorsion de concurrence et de priorités ; cela me fait penser à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui a beaucoup travaillé sur la corrosion sous contrainte (CSC). S'il n'avait pas eu la liberté de le faire, les gouvernements et l'exploitant, EDF, lui auraient-ils demandé d'étudier ce sujet ?

Il faut faire attention à ne pas porter atteinte à l'indépendance de ces agences et à préserver leur capacité d'effectuer les recherches qui leur semblent pertinentes.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Effectivement, cet amendement n'est pas neutre. En l'absence de contradictoire, on s'appauvrit. Il y a des chercheurs partout, et permettre leurs échanges n'enlève rien au rôle majeur de l'Anses. Au contraire, cela fortifierait les débats et permettrait de développer davantage la connaissance et le savoir.

M. Laurent Duplomb. Et l'acceptabilité !

M. Daniel Gremillet. C'est vrai pour tout dans la vie, on a besoin de s'enrichir ! (M. Laurent Duplomb acquiesce.)

Je ne serai pas plus long : je soutiens cet amendement.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 80 rectifié n'est pas soutenu.

L'amendement n° 92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 16 à 18

Remplacer ces alinéas par treize alinéas ainsi rédigés :

a) Le I est remplacé par des I à I ter ainsi rédigés :

« I. – Sous réserve des I bis et I ter, la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est interdite.

« I bis. – A. – Pour lutter contre un danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens, la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques peut être autorisée temporairement par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé.

« B. – Les programmes d'application par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l'article L. 253-6 et figurant sur la liste mentionnée au IV de l'article L. 253-7, de produits autorisés en agriculture biologique et de produits à faible risque au sens de l'article 47 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil peuvent être autorisés, lorsqu'ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre, sur les parcelles agricoles comportant une pente supérieure ou égale à 30 %, sur les bananeraies et sur les vignes mères de porte greffes conduites au sol.

« Un arrêté des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé, pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et après consultation des organisations professionnelles et syndicales représentant les exploitants et les salariés agricoles, définit les conditions d'autorisation de ces programmes dans les conditions prévues à l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

« I ter. – A. – Par dérogation au I du présent article, des programmes d'application par aéronef circulant sans personne à bord de produits mentionnés au B du I bis peuvent être autorisés, dans les conditions fixées aux B et C du présent I ter, sur des parcelles et des cultures autres que celles mentionnées au B du I bis lorsqu'ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

« B. – Les programmes mentionnés au A du présent I ter sont autorisés à titre d'essai pour une durée maximale de trois ans.

« Les essais visent à déterminer, pour un type de parcelles ou un type de cultures, les avantages manifestes de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord du point de vue des incidences sur la santé humaine et l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

« Leurs résultats sont évalués par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

« Les évaluations sont présentées à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

« Un décret, pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, définit les conditions d'autorisation et les modalités de réalisation de ces essais, ainsi que les modalités de transmission de leurs résultats à cette agence.

« C. – Un arrêté des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé dresse la liste des types de parcelles ou des cultures pour lesquelles les résultats des essais mentionnés au B montrent que la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord est susceptible de présenter des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l'environnement.

« Pour les types de parcelles ou pour les cultures inscrites sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent C, un programme d'application par aéronef circulant sans personne à bord peut être autorisé dans les conditions prévues au B du I bis. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à autoriser l'utilisation de drones pour la réalisation de traitements au moyen de produits phytopharmaceutiques, dans des conditions encadrées.

Je le redis, l'utilisation des drones permet le développement d'une agriculture de précision, qui favorise la diminution de l'exposition à ces produits, tant pour l'environnement que pour les opérateurs. Ce bénéfice rend légitime l'autorisation de la pulvérisation par drone, comme le prévoit d'ailleurs la directive européenne instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, qui indique que le recours aux drones doit présenter « des avantages manifestes » pour « la santé et l'environnement ».

Pour autant – je le sais et vous en êtes les témoins, mesdames, messieurs les sénateurs –, ce sujet peut provoquer des inquiétudes. Le recours aux drones doit intervenir dans le cadre de programmes préalablement autorisés.

Le débat sur l'autorisation de ce mode de traitement a eu lieu à l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la proposition de loi déposée par le député Fugit. Le présent amendement s'appuie sur ces travaux et reprend le dispositif équilibré auquel ils ont abouti.

Nous prévoyons ainsi un encadrement strict de ces pratiques et une approche progressive de leur autorisation, c'est-à-dire une démarche par étape s'appuyant sur les acquis de l'expérimentation de trois ans réalisée en application de la loi Égalim.

Par cet amendement, nous prévoyons également que de nouvelles expérimentations seront nécessaires pour permettre le déploiement de la technique.

En somme, après une demande aura lieu une expérimentation ; si cette dernière est concluante, elle sera pérennisée. Nous procéderions par expérimentations successives, au regard des besoins.

M. le président. L'amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Daubet, Bilhac et Cabanel, Mme Jouve et M. Masset, est ainsi libellé :

Alinéas 17 et 18

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« I bis. – Par dérogation au I, la pulvérisation aérienne par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques au sens du règlement 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, de produits de biocontrôle mentionnés à l'article L. 253-6 du code rural et de produits autorisés en agriculture biologique est autorisée dans les cas suivants :

« 1° Lorsque les conditions techniques rendent impossible l'application par voie terrestre, notamment en raison de la pente, de l'accessibilité des parcelles ou de la hauteur des parties végétales à traiter ;

« 2° Lorsqu'elle présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre ;

« 3° En cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé définit les conditions d'application de la présente dérogation, notamment les critères techniques permettant de caractériser l'impossibilité de traitement par voie terrestre, conformément à l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. »

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Cet amendement de mon collègue Raphaël Daubet vise à clarifier les conditions dans lesquelles la pulvérisation par drone peut être autorisée. Nous voulons en particulier mettre l'accent sur les situations dans lesquelles des contraintes techniques rendent impossible le traitement par voie terrestre.

Il s'agit notamment de prendre en compte la réalité du terrain dans les zones escarpées et difficiles d'accès, mais également la hauteur des parties végétales à traiter en arboriculture, qui fait obstacle à l'efficacité du traitement.

Cet amendement vise à définir un cadre clair pour limiter au strict nécessaire la pulvérisation par drone, qui ne serait autorisée que lorsque les conditions techniques rendent impossible l'application terrestre sur les cimes des arbres les plus hauts, ou lorsqu'elle présente des avantages manifestes pour la santé et l'environnement.

M. le président. L'amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Bilhac et Gold, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Jouve et MM. Masset et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Après le mot :

aéronef

insérer les mots :

à motorisation électrique

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Cet amendement vise à s'assurer que la motorisation des drones bénéficiant de dérogations leur permettant d'effectuer des travaux d'épandage ou de pulvérisation ne puisse être qu'électrique.

M. le président. L'amendement n° 54 rectifié, présenté par Mme Loisier, MM. D. Laurent et Menonville, Mmes Gacquerre et Romagny, M. Duffourg, Mme Billon, M. Chauvet, Mme Perrot, MM. J.M. Arnaud, Levi et Patriat, Mme Muller-Bronn, MM. Chevalier et V. Louault, Mme Schillinger, MM. Bruyen et Houpert, Mmes Paoli-Gagin et Gruny, M. Lemoyne, Mmes Ventalon et Imbert et M. Bouchet, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

ou lorsque l'utilisation de matériel agricole classique n'est pas adaptée

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement vise à étendre les dérogations prévues pour l'utilisation de drones, en y faisant figurer les conditions météorologiques particulièrement difficiles que l'on connaît depuis plusieurs mois, c'est-à-dire des pluies torrentielles qui détrempent complètement les terrains. Il vise à permettre l'usage des drones dans ces situations particulièrement préjudiciables.

M. le président. L'amendement n° 73 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger, M. Buis et Mme Cazebonne, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 18

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

« ... – Ces dérogations peuvent être accordées à titre expérimental.

« Ces expérimentations visent à déterminer, pour un type de parcelles ou de cultures, les avantages de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter, au moins, ou pour l'environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

« Leurs résultats sont évalués par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

« Un bilan de ces évaluations est présenté chaque année, pendant une période de trois ans, devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

« Un décret définit les conditions d'autorisation et modalités de réalisation de ces expérimentations qui garantissent la démonstration des avantages de la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord et la prévention des risques pour la santé et l'environnement.

« Lorsque les résultats de ces expérimentations montrent, selon des critères définis par décret, que, pour le type de parcelles ou de cultures concerné, la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord est susceptible de présenter des avantages manifestes pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter, au moins, ou pour l'environnement, par arrêté des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé, pris après consultation des organisations professionnelles et syndicales concernées, une liste des situations dérogatoires justifiant le recours à la pulvérisation par aéronef circulant sans personne.

« Cet arrêté précise, pour chaque situation, les conditions encadrant le recours à une telle pulvérisation en conformité avec les conditions prévues à l'article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. »

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Il s'agit d'un amendement quasiment identique. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 92.

En revanche, elle émet un avis défavorable sur les amendements nos 85 rectifié, 74 rectifié, 54 rectifié et 73 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 85 rectifié au profit de son amendement n° 92, qui s'appuie sur les travaux de l'Assemblée nationale lors de l'examen de la proposition de loi du député Fugit.

Monsieur Cabanel, il ne serait pas réellement justifié d'interdire un parc de drones en particulier, d'autant plus que la motorisation de l'essentiel des drones est électrique. Il semble injuste d'écarter des équipements qui peuvent être utiles. Le Gouvernement demande donc le retrait de l'amendement n° 74 rectifié ; à défaut, l'avis serait défavorable.

Madame la sénatrice Anne-Catherine Loisier, le droit national ne peut pas s'écarter des conditions d'utilisation prévues par la transposition de la directive en question. Retrait de l'amendement n° 54 rectifié.

Le Gouvernement demande également le retrait de l'amendement n° 73 rectifié bis au profit de celui qu'il a déposé.

M. Bernard Buis. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 73 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous sommes devant un cas typique des positions défendues à droite de cet hémicycle : le triptyque numérique, robotique, génétique.

On parle souvent de l'indépendance des agriculteurs. Or nous sommes en train de leur créer des situations de dépendance très fâcheuses. En effet, d'où viendront ces drones et les logiciels qui les feront fonctionner ?

En outre, les agriculteurs sont aujourd'hui surendettés. Je ne suis pas certain que les pousser vers toujours plus de technologie améliorerait cet état de fait.

Ce « technosolutionnisme » privilégie la technique à l'agronomie. Or, vous le savez, des modes de culture alternatifs construits sur l'agronomie favorisent l'indépendance, au contraire de ce qui est défendu dans l'article 2.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Sur les drones, l'histoire est simple. Prenez la production de bananes en France : avant l'interdiction de tout traitement aérien, son rendement moyen était de soixante tonnes à l'hectare. L'interdiction du traitement aérien a fait baisser ce rendement à trente tonnes à l'hectare, soit de moitié. Reconnaissez qu'en matière de souveraineté alimentaire, on peut mieux faire…

Pour l'anecdote, comme les Français continuent de manger des bananes, nous nous sommes mis à manger des bananes costaricaines. Le Costa Rica autorise quarante-six traitements aériens, quand en France, en moyenne, on réalise huit ou neuf traitements à la base des bananiers – or la maladie se développe par le dessus.

L'autorisation du traitement par drone et de la pulvérisation par le dessus des mêmes produits – pas de chlordécone – qui sont autorisés aujourd'hui à la base des plantes nous ferait passer de neuf à six traitements, et permettrait de faire remonter le rendement à soixante tonnes à l'hectare.

Une personne intelligemment constituée peut-elle continuer à se dire qu'il vaut mieux manger des bananes costaricaines ayant subi quarante-six traitements aériens, plutôt que de sortir du dogme qui consiste à dire qu'il ne faut pas utiliser de drone parce que c'est trop de progrès, alors que cela permet de passer de neuf à six traitements avec exactement les mêmes molécules ?

Madame la ministre, vous ne précisez pas cela dans l'objet de votre amendement, qui ne vise pas à ouvrir la possibilité d'utiliser la pulvérisation par drone des mêmes molécules qui sont utilisées au sol. En effet, vous proposez de circonstancier l'utilisation des drones uniquement au biocontrôle.

Toutefois, je finirai par voter en faveur de votre amendement, parce qu'il présente au moins l'avantage de faire tomber le dogme relatif à l'utilisation des drones – cela n'a rien à voir avec la toxicité, puisque seuls des produits de biocontrôle seront utilisés.

Si l'on ne traite pas le problème à l'origine, on continuera de manger des bananes costaricaines. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour explication de vote.

Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la ministre, je souhaite que vous nous donniez des explications complémentaires sur les épisodes de pluies très importantes, dont l'impact est considérable, notamment en viticulture. Il est en effet très compliqué de traiter par le sol des parcelles détrempées et en pente.

Dans le cas d'intempéries prolongées et particulièrement importantes, pourrait-on envisager que le préfet prenne un arrêté pour permettre aux viticulteurs d'intervenir avec des drones ?

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

M. Franck Menonville. Les drones présentent plusieurs vertus.

Premièrement, la précision de l'intervention leur permet par exemple d'éradiquer un foyer de maladie à l'intérieur d'une parcelle.

En second lieu, ces engins présentent des vertus du point de vue de la santé publique. Cela a été dit au sujet de la culture de la banane : les traitements se font aujourd'hui par en dessous ; les produits retombent, ce qui implique pour l'applicateur la nécessité de se protéger. Le drone présente l'intérêt de pouvoir intervenir au-dessus de la culture, au plus près de la zone à traiter tout en protégeant l'opérateur.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Mes chers collègues, je traverse un moment de fatigue… Devant la complexité de l'usine à gaz que nous sommes en train de déployer pour obtenir une dérogation et utiliser une technologie innovante, les bras m'en tombent ! On comprend pourquoi on n'arrive pas à développer la créativité dans ce pays !

Il y a sept ans, en Thaïlande, j'ai visité une ferme qui utilisait déjà des drones. Depuis, grâce aux progrès technologiques, l'autonomie des batteries a été multipliée par trois et la précision des aspersions par dix ! Cela permet d'utiliser moins de produits phytosanitaires et de réduire la dérive au vent, car on peut l'utiliser la nuit, lorsque l'on aime bien dormir… Les progrès sont exponentiels.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Eh oui !

M. Vincent Louault. Il est proposé de soumettre l'utilisation de cette technologie à des dérogations permanentes, à l'avis d'un comité. Comment se fait-il que la recherche n'ait pas réellement commencé à travailler sur les conséquences opérationnelles de l'utilisation de drones dans des fermes de 200 hectares ? Contrairement à ce que dit le décroissant M. Salmon,…

M. Daniel Salmon. Vous avez raison de me qualifier ainsi !

M. Vincent Louault. … l'utilisation de drones coûte moins cher qu'un tracteur et un pulvérisateur coûtant plusieurs centaines de milliers d'euros. (M. Daniel Salmon proteste.)

Cela vous fait mal, monsieur Salmon, mais la réalité, c'est que la technologie permettra de faire des économies, en totale sécurité, avec une utilisation toujours plus performante. Si cela ne vous plaît pas, tant pis pour vous !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.

Mme Nicole Bonnefoy. De mon point de vue – et je ne suis pas seule à penser ainsi –, la technologie ne fera pas de miracle, surtout dans un monde au climat détraqué. Notre collègue parlait des sols lessivés.

M. Laurent Duplomb. Ce sont les drones qui les ont lessivés ?

Mme Nicole Bonnefoy. Quand on voit les pollinisateurs décimés, les sols lessivés et contaminés, qui ont perdu leur fertilité et leur capacité à infiltrer l'eau, franchement, je ne pense pas que ce sera la technologie qui nous sauvera.

M. Laurent Duplomb. Venez donc au Sénat à vélo !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, je ne partage pas du tout votre avis. Au contraire, je suis persuadée que l'innovation et la technologie offriront des réponses puissantes de progrès.

M. Thomas Dossus. Cela ne suffira pas !

Mme Nicole Bonnefoy. Même pour le changement climatique ?

Mme Annie Genevard, ministre. Tout à fait, pour le changement climatique également.

Permettez-moi de donner un exemple. Lors de la semaine de l'industrie agroalimentaire, j'ai fait la tournée des entreprises du secteur. Vous n'imaginez pas à quel point le progrès technologique comporte d'incidences sur l'empreinte carbone. (M. Vincent Louault fait des signes d'approbation.) La décarbonation de l'industrie, c'est très important !

M. Thomas Dossus. Quel est le rapport ?

Mme Annie Genevard, ministre. La technologie permet de réduire l'empreinte environnementale en diminuant la pression hydrique et les prélèvements en eau. Il est très important que les industries soient moins gourmandes en cette ressource !

La technologie a facilité la vie des agriculteurs, au quotidien. J'ai visité une entreprise qui produit des compotes de fruits. Elle contractualise avec les producteurs de fruits et a mis à leur disposition des appareils pour la cueillette automatique des pommes. Voilà un exemple de réduction de la dureté du travail, qui permet de répondre au manque de main-d'œuvre ! (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Bien sûr, la technologie et l'innovation apporteront des moyens très importants à l'agriculture ! Votre vision de l'agriculture est non seulement décliniste, mais aussi passéiste ! (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Annie Genevard, ministre. L'agriculture, c'est moderne, et c'est facteur de progrès !

Je reviens aux drones. Aujourd'hui, leur utilisation est interdite. Monsieur le sénateur Louault, cette technologie a beau être utilisée depuis longtemps ailleurs, elle est encore en France l'objet d'une méfiance extrême. Pourtant, j'en suis convaincue, elle permet l'administration plus ciblée, plus efficace et donc plus économe de produits, tout en protégeant mieux l'applicateur – je ne reviens pas sur le cas de la culture de la banane.

Nous proposons de passer par une expérimentation, cette technique devant faire ses preuves avant d'être pérennisée. C'est ainsi que nous progresserons. Nous avons commencé par les vignes mères et les vignes porte-greffes, nous avons continué avec les bananeraies. Cette démarche itérative peut être appliquée à d'autres cultures.

Madame la sénatrice Loisier, en cas de conditions climatiques exceptionnelles, on peut imaginer que des demandes d'utilisation à titre expérimental soient déposées. Lors des dernières inondations – au fond, le sujet est le même –, les préfets ont reçu des demandes d'autorisation d'épandages au-delà du 1er novembre, parce qu'il était impossible de faire circuler un tracteur dans les champs inondés. Lorsque les conditions météorologiques et climatiques sont particulières, on peut imaginer être amené à prendre des dispositions particulières.

La méthode que nous proposons est une bonne méthode. Aujourd'hui, il y a une faible acceptation sociale des drones, parce que la population méconnaît les avantages que présente cette technologie. Il faut y aller, pour que celle-ci soit acceptée et que l'on n'ait pas d'idées préconçues à son égard. Je la crois véritablement utile à l'agriculture.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Encore une fois, je suis assez stupéfait. Le progrès et la robotique, cela existe ! Mes chers collègues, je vous invite dans une ferme 3.0 dans la Somme, à Aizecourt-le-Haut, où, dans le cadre d'une expérimentation, la mesure des reliquats d'azote est permise par passage de drones.

Demain, si l'on autorise l'épandage non seulement de produits phytosanitaires, mais aussi d'amendements du sol par drone, on pourra cibler les zones où il y a réellement des manques et éviter de disperser ces produits sur toute une surface, même là où ce n'est pas utile.

Par ailleurs, même si les drones font peur, les sauterelles agricoles que l'on voit dans les champs font également peur, notamment en raison des odeurs. Limiter la pulvérisation est forcément plus efficace.

En outre, il faut prendre en compte les conséquences au regard de la consommation des énergies fossiles. Les tracteurs qui tirent des sauterelles consomment du pétrole ou du gaz : un tracteur électrique de 300 chevaux, ce n'est pas pour demain !

Enfin, mes chers collègues, vous êtes très attentifs à la qualité et à la portance des sols. Justement, les drones permettent de ne pas les détruire.

M. Laurent Duplomb. Ils font même le contraire !

M. Laurent Somon. Je ne comprends pas cette opposition à la robotique.

Mes chers collègues, je le redis, je vous invite à Aizecourt-le-Haut, où des robots permettent même de désherber mécaniquement des cultures de radis.

M. Jean-Claude Tissot. C'est très bien ça !

M. Laurent Somon. Si vous savez comment sont cultivés les radis, vous comprendrez que cela permet de régler des problèmes, étant donné qu'on ne trouve plus de personnel pour le faire.

La robotique et l'intelligence artificielle, c'est l'avenir de notre agriculture.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. J'ai entendu des collègues demander du respect. Madame la ministre, je vous propose de remiser dans un carton les arguments selon lesquels nous serions passéistes et dogmatiques, et de les garder pour l'Assemblée nationale ! (M. Fabien Genet proteste.)

Au Sénat, nous échangeons des arguments politiques, et nous essayons de progresser ensemble en nous écoutant.

Personne ne le nie, le progrès technique et technologique a permis aux travailleurs et aux travailleuses de moins s'épuiser, à l'usine comme aux champs. C'est la marche du monde. Une usine d'aujourd'hui n'est pas la même qu'une usine d'il y a cinquante ans, ce qui vaut aussi pour les fermes. Et c'est tant mieux ! D'ailleurs, il y a un débat pour savoir si ce progrès technologique doit bénéficier au capital ou au travail : faut-il plus de rendement ? à qui vont les profits ? Il faut creuser ces sujets.

Le vrai débat porte sur l'utilisation des pesticides, que ceux-ci soient épandus par des humains ou par des drones. Quoi qu'il arrive, ces produits ont des conséquences sur le vivant et la biodiversité. Qu'un drone permette un épandage plus précis qu'un avion, personne ne le remet en cause ; mais qu'en est-il de la nocivité de ces produits pour les corps et pour les sols, qui est exactement la même ? C'est cela, le débat !

Nous rappelons notre opposition à vos positions, et nos propositions d'aller vers un autre modèle de transition agricole. Cher Laurent Somon, ne prenez pas comme prétexte le progrès technologique et ne mélangez pas le fait de désherber avec un robot – c'est très bien – et le fait d'épandre des produits par drone ! Excusez-moi, mais ce n'est pas exactement la même chose.

M. Olivier Rietmann. C'est plus efficace !

M. Laurent Somon. C'est plus ciblé !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je partage les propos de Fabien Gay.

L'un des précédents orateurs a avancé l'idée que nous serions « décroissants ». Pourquoi pas, cela ne me dérange pas : cela dépend de la manière dont on définit la croissance. Ce que je constate, c'est le bilan de la politique agricole que vous avez portée et soutenue. C'est elle qui a amené l'agriculture en décroissance ! N'inversons pas les choses. (M. Laurent Duplomb proteste.)

En ce qui concerne les pesticides, nous devons réfléchir collectivement. Nous sommes tous – peut-être pas tous, car j'ai aussi entendu des points de vue inverses – d'accord pour dire qu'ils sont néfastes pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, pour l'eau et pour la biodiversité. Personne ne pourra prouver le contraire.

Nous sommes donc tous d'accord pour dire qu'il faut diminuer très fortement leur utilisation, qui n'est souhaitable pour personne et n'est pas une solution d'avenir. Il faut agir : là-dessus, nous pourrions au moins nous mettre d'accord.

Évidemment, personne n'est contre la technique ou le progrès, au contraire. Nous disons justement qu'il faut davantage s'appuyer sur la science. Des techniques d'agroécologie élaborent d'autres modèles, qui fonctionnent. Effectivement, ceux-ci demandent peut-être plus de travail, parfois plus de mécanisation, mais il faut en tous cas une adaptation, une réflexion et donc un accompagnement.

Vous proposez de dépenser de l'argent dans des drones qui permettent peut-être de pulvériser moins de pesticides, mais le volume de l'utilisation de ceux-ci a augmenté et non baissé ces dix dernières années ! La véritable question, c'est de savoir si l'on continue avec le modèle que vous proposez ou si l'on inverse les choses pour accompagner des politiques vers un changement de modèle, afin de construire une véritable indépendance.

M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour explication de vote.

M. Patrick Chauvet. J'ai connu ce débat à l'Agence de l'eau Seine Normandie. Si nous étions presque tous d'accord pour rechercher l'efficience économique ou environnementale, certains pensaient que les nouvelles technologies étaient contraires à ces objectifs.

Objectivement, comme l'illustrent les cartographies aériennes des foyers de maladies sur les végétaux, l'utilisation des drones permet d'éviter de traiter toute la parcelle, dès le foyer repéré. Elle est très efficace tant en volume qu'en énergie. En outre, elle évite le compactage des sols. Cette technique a de nombreuses vertus, et va dans le sens de ce que l'on souhaite tous, y compris celui de la protection de la santé humaine.

M. Gontard avançait que l'on utilise davantage de produits phytosanitaires. Il faut regarder cela de plus près, car la seule baisse des surfaces dédiées à l'élevage a provoqué une hausse de la production végétale, qui a besoin de produits phytosanitaires.

M. Laurent Duplomb. Exactement ! Il n'y a plus d'élevage !

M. Patrick Chauvet. Tout est lié, et à l'hectare, il n'y a pas plus de pression phytosanitaire qu'auparavant. C'est dû au fait que le paysage des productions a changé et que l'élevage a décliné, ce que je regrette. Les nouvelles technologies sont bonnes pour l'environnement et l'économie ; elles sont pleines de vertus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 85 rectifié, 74 rectifié et 54 rectifié n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 75 rectifié n'est pas soutenu.

L'amendement n° 105, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 19 et 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. L'article 2 de la proposition de loi vise à abroger, purement et simplement, l'article du code rural et de la pêche maritime qui interdit l'utilisation des produits phytopharmaceutiques de la classe des néonicotinoïdes et assimilés en France.

Cette interdiction avait été approuvée par le législateur en 2018. Il s'agissait à l'époque d'une surtransposition assumée par les parlementaires.

S'il est vrai que l'acétamipride reste autorisé jusqu'en 2033 à l'échelon européen, le Gouvernement ne juge pas raisonnable la proposition de réautoriser l'usage de cette molécule.

Mme Annie Genevard, ministre. En effet, cette proposition ne tient pas compte de la décision du Conseil constitutionnel, qui a validé en 2020 un encadrement strict de la dérogation exceptionnelle accordée pour la culture de la betterave.

Au regard de sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel pourrait ainsi censurer ces dispositions législatives, au motif qu'elles pourraient priver « de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

En l'état, la rédaction de l'article ne permet pas de répondre aux prescriptions validées par le Conseil constitutionnel en 2020. Elle court donc un risque avéré de censure, considérant que « les limitations portées par le législateur à l'exercice de ce droit ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ».

Dans la décision qu'il a rendue en 2020 sur la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, dite loi Betteraves, le Conseil constitutionnel a validé l'autorisation de cette molécule en considérant qu'elle était justifiée par un motif d'intérêt général et proportionnée à l'objectif visé grâce aux aménagements proposés. Je vous rappelle ceux-ci : cette dérogation avait un caractère exceptionnel, était ciblée uniquement sur la filière des betteraves sucrières, pour une période strictement transitoire, et était prise après l'avis d'un conseil spécialisé.

Ces différentes prescriptions ayant permis de limiter les risques pour la santé et pour l'environnement, le Conseil constitutionnel les a validées.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande la suppression des alinéas relatifs à la réautorisation globale, lesquels permettraient une utilisation très large de l'acétamipride.

M. le président. L'amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Masset, Cabanel, Bilhac et Gold, est ainsi libellé :

Alinéas 19 et 20

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

b) Le deuxième alinéa du II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Jusqu'au 1er juillet 2026, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement, pris après avis du conseil de surveillance mentionné au II bis, peuvent autoriser la pulvérisation aérienne de produits contenant de l'acétamipride, substance appartenant à la famille des néonicotinoïdes dont l'utilisation est interdite en application du présent code.

« Cette pulvérisation s'opère selon les modalités fixées par décret. » ;

3° À l'article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « de semences betteraves sucrières » sont remplacés par les mots : « d'insecticides destinés à la culture de la noisette ».

La parole est à M. Henri Cabanel.

M. Henri Cabanel. Cet amendement étant similaire au précédent, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 76 rectifié est retiré.

L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Longeot, Levi et Bazin, Mmes P. Martin et Antoine, MM. Maurey, Kern et Bonhomme, Mmes Herzog et Gacquerre, M. Chatillon, Mmes Billon et Patru, MM. Chauvet et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. V. Louault et Chevalier et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'Agence mentionnée à l'article L.1313-1 du code de la santé publique définit les filières agricoles pour lesquelles l'usage de l'acétamipride est autorisé. » ;

c) Le II bis est abrogé ;

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) doit pouvoir déterminer les filières agricoles habilitées à employer l'acétamipride pour la protection des cultures et des récoltes, en cas d'impasse technique.

Nous entendons la demande des agriculteurs, qui ne veulent pas d'interdiction sans solution.

M. le président. L'amendement n° 60 rectifié bis, présenté par Mme Romagny, MM. Longeot et Levi, Mmes P. Martin et Antoine, MM. Maurey, Kern et Bonhomme, Mmes Herzog et Gacquerre, M. Chatillon, Mmes Billon et Patru, MM. Chauvet et J.P. Vogel, Mme Aeschlimann, MM. V. Louault, Chasseing et Chevalier et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, l'usage de l'acétamipride est autorisé jusqu'au 28 février 2033. » ;

c) Le II bis est abrogé ;

La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny.

Mme Anne-Sophie Romagny. Cet amendement vise à s'arrimer aux décisions de l'Union européenne en autorisant à nouveau l'acétamipride jusqu'au 28 février 2033, date jusqu'à laquelle l'usage de cette substance est permis dans les États membres, pour les traitements employés dans les filières qui n'ont pas d'autre solution.

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le premier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, l'usage du néonicotinoïde acétamipride en traitement foliaire est autorisé jusqu'en décembre 2027 pour les cultures de betteraves où l'afflux de pucerons et le risque de présence de jaunisse sont avérés. » ;

c) Le II bis est abrogé ;

La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Supprimer ou affaiblir ces dispositions, c'est toucher au cœur du présent texte.

La commission est naturellement défavorable à l'amendement de suppression du Gouvernement, dont la position ne nous semble pas acceptable. De même, elle est défavorable aux amendements nos 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71 ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements, au profit de l'amendement que j'ai présenté. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Je suggère de mettre à profit la suspension de séance pour élaborer avec les deux auteurs de cette proposition de loi, ainsi qu'avec M. le rapporteur, une nouvelle rédaction tenant compte des obstacles juridiques signalés par Mme la ministre.

Monsieur le président, pourriez-vous nous indiquer l'heure de reprise de la séance ?

M. le président. A priori, vingt et une heures trente-cinq.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission se réunira donc à vingt et une heures vingt en salle 263 pour examiner cette nouvelle rédaction.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Didier Mandelli.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Mandelli

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 2, aux amendements nos 105, 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71, en discussion commune.

Avant la suspension de séance, ces amendements ont été présentés, puis la commission et le Gouvernement ont donné leur avis. Mme la présidente de la commission des affaires économiques a quant à elle annoncé le dépôt d'un amendement supplémentaire.

Il s'agit de l'amendement n° 112, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par treize alinéas ainsi rédigés :

1° Les deuxième et troisième alinéas du II sont supprimés ;

2° Le II bis est ainsi modifié :

 a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

- A la première phrase, les mots : « , ainsi que la conformité de ces avancées au plan de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes de la filière concernée par un arrêté de dérogation mentionné au deuxième alinéa du II. » sont supprimés ;

- La deuxième et la troisième phrases sont supprimées.

b) Le troisième alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :

« II ter.- Sans préjudice de la nécessité d'obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009, un décret peut à titre exceptionnel, après avis du conseil de surveillance prévu au II bis, déroger à l'interdiction d'utilisation des produits mentionnée au II, ainsi que des semences traitées avec ces produits, pour un usage déterminé, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

« 1° Les substances actives contenues dans les produits sont approuvées en application du règlement (CE) n° 1107/2009 ;

« 2° Les alternatives disponibles à l'utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes ;

« 3° Il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation.

« Ce décret peut interdire temporairement et pour une durée qu'il détermine la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs après l'emploi de semences traitées ainsi autorisées à titre exceptionnel.

« Le conseil de surveillance prévu au II bis se prononce, dans son avis, sur la nécessité d'une dérogation exceptionnelle, sur les conditions auxquelles cette dérogation serait adéquate et strictement proportionnée et sur l'état de la recherche d'alternatives.

« Le conseil de surveillance publie chaque année, et remet avant le 15 octobre au Gouvernement et au Parlement, un rapport relatif à chaque dérogation exceptionnelle et portant sur ses conséquences notamment environnementales et économiques, ainsi que sur l'état d'avancement du plan de recherche, en veillant à ce que soient prévues les modalités de déploiement des solutions alternatives existantes en conditions réelles d'exploitation ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. L'acétamipride étant autorisé dans l'Union européenne jusqu'en 2033, nous proposons d'aménager l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime afin de permettre une dérogation à titre exceptionnel, prononcée par décret.

Limitée dans le temps, cette dérogation devrait être justifiée par l'absence de solution de substitution à même de garantir la pérennité de la filière concernée.

Une telle mesure bénéficierait aux quelques filières aujourd'hui dans l'impasse, sous réserve que la substance active considérée soit approuvée à l'échelle européenne.

Je précise que les filières dont il s'agit devraient être engagées dans « un plan de recherche sur les alternatives » à l'utilisation des produits visés.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, je demande le vote par priorité sur cet amendement.

M. le président. Je suis saisi par la commission des affaires économiques d'une demande de priorité sur l'amendement n° 112.

Selon l'article 44, alinéa 6, du règlement, la priorité est de droit lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. La priorité est donc ordonnée.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 112 ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avant la suspension de séance, j'ai rappelé que les dispositions de cet article risquaient fort, en l'état, d'être censurées par le Conseil constitutionnel.

Désormais, la commission propose uniquement une dérogation permettant l'usage de l'acétamipride, substance qui reste autorisée à l'échelle européenne.

Nécessairement limitée dans le temps et strictement proportionnée, une telle dérogation ne pourrait s'appliquer qu'à une substance active autorisée dans l'Union européenne. Il faudrait, en outre, que les solutions de substitution soient inexistantes ou insuffisantes. Il faudrait, enfin, prouver l'existence d'un plan de recherche en vue du remplacement des produits phytosanitaires considérés.

En conséquence, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, nous nous trouvons là face à un cas d'école.

Avant la suspension de séance, je vous parlais du flufénacet : interdit depuis 2013, ce produit a bénéficié en tout et pour tout de neuf dérogations.

De telles procédures ne font que perdre du temps ; dans les faits, elles ne favorisent pas la recherche d'autres solutions. Or il en existe déjà, n'en déplaise à certains ! J'en conviens, elles vont parfois de pair avec une baisse de rendement, mais cette conséquence n'est pas toujours rédhibitoire.

Si l'on en croit les chiffres de FranceAgriMer relatifs aux betteraves à sucre, le rapport entre notre production et notre consommation est, ainsi, de 1,69. En d'autres termes, notre production excède notre consommation de près de 70 % ! (M. Vincent Louault lève les bras au ciel.)

Donner la priorité au rendement, pourquoi pas ? Mais gardons à l'esprit qu'un tel choix se fait au détriment de la biodiversité et, in fine, de la santé humaine.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Mon cher collègue, j'entends bien votre argument, mais dans certains cas les solutions de substitution s'apparentent à des légendes urbaines… (M. Daniel Salmon s'exclame.) Elles ne sont pas établies et ne peuvent être mises en œuvre par les agriculteurs.

Sur ce sujet, dont je parle souvent avec M. Tissot, il faut savoir garder les pieds sur terre. Si l'on en croit les rapports – et ils sont nombreux –, les solutions existent ; mais, dans la pratique, on ne les trouve pas. Restons dans le réel.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier de l'avis de sagesse que vous avez exprimé : peut-être allons-nous pouvoir atterrir.

Jusqu'à présent, je peinais à comprendre la position du Gouvernement : certains ministres doivent être plus puissants que d'autres et donc peser un peu plus lors des réunions interministérielles (RIM)… Fut un temps où tous les membres du Gouvernement prenaient part à ces arbitrages. J'ai bien l'impression que cette époque est révolue et que les hauts fonctionnaires gardent maintenant les RIM pour eux-mêmes… Je le regrette.

La filière noisette et une filière d'excellence, en particulier grâce à sa coopérative, Koki. Pourtant, elle joue aujourd'hui sa survie. Elle a perdu presque 60 % de son rendement – le chiffre est référencé et scientifiquement incontestable, contrairement à ce que l'on peut entendre quant aux baisses constatées ici ou là. Cette filière et cette coopérative d'excellence seront peut-être sauvées grâce à l'amendement de la commission.

De même, les betteraviers ont besoin d'une solution. Ils doivent pouvoir procéder à la pulvérisation d'acétamipride. (M. Daniel Salmon s'exclame.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. M. Louault a raison !

M. Vincent Louault. C'est une méthode qui fonctionne bien, même si elle n'a jamais été homologuée, faute d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour cette production.

En effet, les betteraviers disposaient d'une autre formule : le traitement des semences. C'est bien pourquoi les fabricants de molécules n'ont pas demandé d'agrément pour le foliaire.

J'y insiste, l'acétamipride sera d'un grand secours face aux années les plus dures, comme 2020. Cette année-là, les betteraviers ont perdu 40 % de leur récolte.

Dans certains secteurs, nous sommes bel et bien excédentaires, car nous avons des filières d'excellence. Ainsi, nous exportons du sucre partout dans le monde, et j'en suis plutôt fier, monsieur Salmon !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. Je remercie M. le rapporteur d'avoir présenté cet amendement et Mme la ministre d'avoir émis un avis de sagesse.

À l'évidence, certains de nos collègues n'entendent pas très bien… En effet, l'autorisation doit être donnée sous réserve de recherches en cours sur des substituts.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Oui !

Mme Anne-Sophie Romagny. Je voterai l'amendement de la commission : ses dispositions correspondent en tout point à celles des deux amendements que j'ai défendus.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Je tiens à remercier M. le rapporteur et la commission tout entière de la rédaction proposée.

L'amendement que j'ai défendu étant pratiquement le même : merci d'avoir écouté un petit groupe comme le RDSE, qui prône la sagesse ! (Sourires.)

J'ai déjà insisté sur l'enjeu de sécurisation : la dérogation doit être bien encadrée et prise par décret. Il est hors de question pour nous de réintroduire les néonicotinoïdes dans le cadre général.

Je me tourne de nouveau vers la gauche de cet hémicycle. Mes chers collègues, si le produit dont il s'agit est vraiment nocif, il faut obtenir son interdiction à l'échelle européenne. Mais, pour notre part, nous ne pouvons pas laisser nos agriculteurs sans solution.

La dérogation proposée permettra notamment à la filière de la noisette d'utiliser cette substance, autorisée en Europe, jusqu'à ce que nous trouvions un produit de substitution.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, je vous remercie de cette avancée.

Monsieur Salmon, nous ne sortons pas de dix années de dérogations, comme vous venez de le dire, mais de dix années d'interdits. (Mme Anne-Sophie Romagny manifeste son approbation.) Et nous y mettons fin !

Dans chaque filière, ces mesures ont fait la preuve de leur absurdité. On l'a vu au sujet de la noisette. Il en est de même pour la cerise : allez voir les producteurs. Ils vous diront combien d'hectares de cerisiers nous avons perdus, à cause des normes excessives, au profit de la Turquie !

En dix ans, nos exportations de pommes ont chuté de 700 000 tonnes à moins de 300 000. Sans la possibilité de réintroduire l'acétamipride, les producteurs se trouveront sans protection, dès avril 2025, contre le puceron cendré du pommier, cet insecte qui fait des trous dans les pommes au point de les rendre totalement invendables. C'est la réalité, monsieur Gontard !

Depuis dix ans, les Polonais ont pris toutes les parts de marché que nous avons perdues ; et, eux, continueraient d'utiliser ce produit contre le puceron cendré.

Pourrons-nous regarder les Français dans les yeux si nous, responsables politiques, nous mettons d'accord pour les empêcher de consommer des pommes françaises ? Au bout du compte, c'est ce qui arrivera si nous ne votons pas l'amendement de la commission.

Certains dénoncent une régression : je ne suis pas d'accord avec eux. Quand un enfant fait une erreur, il lui demande de la corriger. C'est cela, l'éducation. Nous aussi, nous devons corriger les erreurs commises par le passé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville et Mme Anne-Sophie Romagny applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Mon cher collègue, je ne pense pas être un irresponsable. Je ne suis pas un enfant non plus !

J'ai fait ma carrière dans l'agriculture et je sais que nous sommes à la toute fin d'un certain modèle. Vous refusez d'en convenir : à l'évidence, nous ne réussirons pas à vous en convaincre ce soir, mais j'y insiste malgré tout.

Bien entendu, les élus de notre groupe voteront contre l'amendement de la commission. Sauf erreur de ma part, la dérogation sera accordée si et seulement s'il n'existe pas de produit de substitution. Mais les solutions que nous proposons se heurtent toujours à des refus…

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Lesquelles ?

M. Jean-Claude Tissot. Des essais sont actuellement réalisés en plein champ, et ils fonctionnent. Vous vérifierez ! Bien sûr, le travail agricole est plus compliqué. Bien sûr, les rendements sont moindres, mais cela fonctionne, que vous l'acceptiez ou non.

Monsieur Louault, puisque vous parliez de l'acétamipride, je tiens à rappeler à tous nos collègues les propos tenus lors d'une audition devant la commission des affaires économiques en avril 2023 par M. Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : « L'acétamipride, que la France n'a heureusement jamais utilisé, est pire que l'imidaclopride. Il s'agit d'un produit stable qui est donc en quelque sorte le “chlordécone de l'Hexagone” ». (M. Vincent Louault s'exclame.)

M. Laurent Duplomb. L'Anses dit l'inverse !

M. Jean-Claude Tissot. Je n'invente rien. M. Huyghe s'est exprimé devant notre commission. Nous étions vingt-cinq ou trente à l'écouter.

Votre attitude relève de l'obscurantisme : vous niez la science,…

M. Laurent Duplomb. L'Anses, c'est donc de l'obscurantisme à géométrie variable…

M. Jean-Claude Tissot. … simplement parce que vous faites passer le rendement économique avant tous les autres paramètres.

Que faites-vous des dérèglements hormonaux ? Que répondrez-vous à vos enfants ou à vos petits-enfants lorsqu'ils viendront vous voir dans quelques années en vous disant : « Comment se fait-il que je sois stérile ? Pourquoi avez-vous autorisé ce produit ? » Vous pouvez rire ou hausser les épaules : c'est la vérité. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Nicole Bonnefoy. M. Tissot a raison !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je voterai naturellement l'amendement de la commission et je remercie M. le rapporteur, mon voisin de Seine-et-Marne, d'avoir présenté cette rédaction.

Nous sortons enfin du dogme : tout n'est pas noir ou blanc ! C'est la vertu de cet amendement, qui tend à ouvrir une dérogation assortie de conditions strictes, accordée par décret et limitée dans le temps.

Insistons sur le fait que la France est le pays qui a mis le paquet en matière d'investissements dans la recherche. Nous pouvons nous en enorgueillir. Mais, quand les substituts n'existent pas, nous ne pouvons pas nous contenter d'un simple non possumus : il faut proposer des outils à nos agriculteurs. Je pense notamment aux betteraviers de mon département de l'Yonne.

Cet amendement équilibré mérite d'être adopté par notre assemblée. (M. Vincent Louault applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

M. Franck Menonville. Je remercie sincèrement M. le rapporteur de son sens du compromis et Mme la ministre de son avis de sagesse.

Ces dispositions sont tout à fait vertueuses. Non seulement elles sont solides juridiquement, mais elles rassurent nos concitoyens. La dérogation prévue est limitée dans le temps et cible les filières dans l'impasse, pour ne pas dire en situation de crise, en leur proposant une solution efficace.

Pour toutes ces raisons, nous devons être nombreux à les soutenir, d'autant plus qu'elles laissent une large place à la recherche de produits de substitution.

Chers collègues de gauche, soyez certains que nous aimerions, nous aussi, disposer systématiquement de solutions de substitution. Mais dans certains cas elles n'existent pas ; et, dans d'autres, elles entraînent des baisses de rendement telles que les producteurs ne peuvent les mettre en œuvre.

Il faut reconnaître que, pour un certain nombre de filières, les substituts actuels ne sont pas matures économiquement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Chers collègues de gauche, je trouve que vous manquez tout de même un peu de cohérence.

Vous insistez sur le fait que les autorisations de mise sur le marché doivent avoir un fondement scientifique : nous sommes tous d'accord sur ce point. A fortiori, ceux d'entre nous qui ont une formation scientifique ne peuvent qu'abonder dans ce sens.

Mais quand l'Anses édicte une interdiction, vous vous empressez de l'appuyer ; et, quand cette agence peut donner son accord, vous en contestez le bien-fondé, quand bien même il s'agit d'un produit autorisé par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). En l'occurrence, c'est bien le cas, et l'Anses a délivré l'autorisation de mise sur le marché en 2021. J'y insiste, un peu de cohérence faciliterait nos débats.

Comme l'ont souligné MM. Menonville et Lemoyne, il faut regarder de près les résultats des recherches en cours. Personnellement, c'est ce que j'ai fait : on ne peut pas dire qu'ils sont tous satisfaisants. Les solutions proposées n'assurent pas un résultat stable, année après année : tout dépend du territoire, du climat et plus largement des circonstances, à la différence du produit phytosanitaire dont nous parlons.

Monsieur Tissot, je reprends à cet égard l'observation formulée par M. Jomier : un avis isolé n'a aucun intérêt. Ce qui compte, c'est l'analyse de cohortes.

M. Jean-Claude Tissot. Je suis tout à fait d'accord !

M. Laurent Somon. Nous avons tous un avis personnel ; le tout est de l'étayer sur des études scientifiques, notamment sur le travail de l'Anses.

D'ici à 2033, date à laquelle expire l'autorisation de mise sur le marché, nous avons l'obligation de trouver des produits de substitution à l'acétamipride. Toujours est-il que ce produit n'est pas le plus toxique, même si – nous sommes tous d'accord – il faut supprimer, à terme, l'utilisation de telles molécules. Nous garantirons ainsi une meilleure qualité sanitaire et environnementale. (M. Laurent Duplomb applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Mes chers collègues, sommes-nous d'accord pour reconnaître que les néonicotinoïdes en général… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. C'est toujours la même chose !

Mme Anne-Sophie Romagny. Nous parlons seulement de l'acétamipride !

M. Guillaume Gontard. … et ce produit en particulier sont néfastes à la fois pour la santé humaine et pour l'environnement, pour la biodiversité comme pour l'eau ? (M. Laurent Somon s'exclame.)

C'est bien dans ce cadre que nous débattons. La solution que vous nous proposez n'est clairement pas bonne,…

M. Laurent Duplomb. Vous avez interdit ce produit ! Cela fait dix ans !

M. Guillaume Gontard. … puisqu'elle a un impact sur la santé humaine et sur les milieux naturels.

Vous nous proposez une dérogation d'un an, dans l'attente de substituts. Mais vous nous dites que ces derniers n'existent pas. Il ne s'agit donc pas d'une simple prolongation d'un an, on le sait très bien.

Des expériences, des études ont été menées : des produits de substitution existent bel et bien. Je n'ai jamais dit que ces solutions étaient simples à mettre en œuvre, mais la mesure que vous proposez ne l'est pas non plus ! Il faudra traiter la pollution de l'eau, gérer les conséquences sur la santé humaine. Eh oui !

Au sujet du chlordécone, nous n'avons cessé de louvoyer, exactement comme vous le proposez. Aujourd'hui, cela nous coûte un pognon de dingue ! Et je ne parle même pas des questions de santé… Souhaitons-nous vraiment renouveler cette erreur ?

Soyons sérieux : nous disposons de substituts. Employons notre énergie à soutenir la recherche et accompagnons les changements.

Je reconnais que ces solutions ne sont peut-être pas toutes économiquement viables. Il faut donc accompagner les agriculteurs, comme le demandent d'ailleurs la plupart d'entre eux.

Évidemment, on peut agir à l'échelle européenne, mais le problème restera le même : toute interdiction imposera de mettre au point des produits de substitution. Je le répète, il faut s'efforcer de trouver ces solutions et d'accompagner les agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. À mon sens, la mesure proposée n'a rien de débridé. Il s'agit plutôt d'une correction salutaire.

Chers collègues de gauche, cette disposition est limitée dans le temps et assortie de modalités strictes. Pour votre part, que proposez-vous ? Devons-nous, pour être vertueux, acheter des noisettes américaines, turques ou italiennes ?

M. François Bonhomme. L'interdiction dont il s'agit a mis à terre la filière de la noisette. En effet, deux espèces, le balanin des noisettes et la punaise diabolique, ont produit des ravages sur les plans qualitatif et quantitatif : les pertes vont de 30 % à 80 %. La coopérative Koki a été mentionnée. Pour ma part, je citerai l'association nationale des producteurs de noisettes, qui nous met en garde contre le risque de perdre la filière tout entière.

Aujourd'hui, j'entends pousser des cris d'orfraie. Certains nous assurent qu'une telle distorsion de concurrence est saine pour notre production nationale, alors que cette dernière va à vau-l'eau et qu'elle a besoin de la mesure proposée par la commission.

Je remercie d'autant plus M. le rapporteur de son amendement et Mme la ministre de la sagesse dont elle-même fait preuve.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 105, 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 2, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 178 :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour l'adoption 197
Contre 111

Le Sénat a adopté.

Après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. V. Louault, Malhuret, Brault, Chasseing et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. Grand, L. Vogel et Wattebled et Mme Perrot, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le V de l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement est rétabli dans la rédaction suivante :

« V. – Le montant de la redevance est réduit à la proportion que les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l'article L. 253-3 du code rural et de la pêche maritime représentent dans l'ensemble des produits phytopharmaceutiques acquis. »

II. – La perte de recettes résultant du I pour l'agence de l'eau est compensée, à due concurrence, par l'État.

III. – La perte de recettes résultant pour l'État du II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Cet amendement de Mme Vanina Paoli-Gagin vise à assurer le déploiement des solutions de biocontrôle et à mettre en adéquation avec les enjeux constatés le montant de la redevance pour pollution diffuse (RPD).

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mon cher collègue, l'idée est intéressante, mais je rappelle que cette redevance est déjà modulée selon la dangerosité des produits. Ainsi, les agriculteurs sont incités à se tourner vers le biocontrôle.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, pour les raisons avancées par M. le rapporteur.

M. le président. Monsieur Louault, l'amendement n° 53 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Louault. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié est retiré.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, il nous reste cinquante-trois amendements à examiner, et Mme la ministre accepte, si nécessaire, que nous poursuivions nos travaux jusqu'à une heure du matin.

Nous souhaiterions finir l'examen de cette proposition de loi ce soir, d'autant que nous commencerons demain à étudier un autre texte très attendu : la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic.

Je vous appelle donc à la concision, qu'il s'agisse des présentations d'amendements ou des explications de vote. Nous n'en pourrons pas moins débattre, évidemment, dans le respect des uns et des autres.

TITRE II

SIMPLIFIER L'ACTIVITÉ DES ÉLEVEURS

Article 3

I. – Le code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du V de l'article L. 122-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L'avis de l'autorité environnementale se fonde sur les enseignements de la science et cite les études académiques mobilisées pour son élaboration. » ;

2° (Supprimés)

3° bis (nouveau) L'article L. 181-10-1 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa du I, après le mot « organise », sont insérés les mots : « , après concertation avec le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête, » ;

b) Le 1° du III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peuvent néanmoins choisir, en concertation avec l'autorité administrative chargée de la consultation du public, de remplacer cette réunion publique par une permanence à des lieux, jours et heures qu'ils déterminent, incluant au moins une journée dans la mairie de chaque commune du lieu d'implantation du projet ; »

c) Après la première phrase du 5° du même III, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête peuvent néanmoins choisir, en concertation avec l'autorité administrative chargée de la consultation du public, de remplacer cette réunion publique par une permanence à des lieux, jours et heures qu'ils déterminent, incluant au moins une journée dans la mairie de chaque commune du lieu d'implantation du projet. » ;

d) Au dernier alinéa dudit III, après le mot : « consultation », sont insérés les mots : « ,ou le premier jour de la permanence qui lui est substituée, » ;

e) Au premier alinéa du IV, le mot : « clôture » est remplacé par le mot : « fin » ;

4° Après le premier alinéa de l'article L. 511-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent titre prennent en compte les spécificités des projets des exploitations agricoles, qui peuvent faire l'objet de procédures et prescriptions adaptées. » ;

5° L'article L. 512-7 est ainsi modifié :

a) Au second alinéa du I, après le mot : « industrielles », sont insérés les mots : « et aux émissions de l'élevage » ;

b) (nouveau) Après le I bis, il est inséré un I ter ainsi rédigé :

« I ter. – Peuvent également relever du régime de l'enregistrement les installations d'élevage mentionnées à l'annexe I bis de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles et aux émissions de l'élevage, à l'exception des installations destinées à l'élevage intensif énumérées à l'annexe I de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. » ;

6° (nouveau) L'article L. 512-7-2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Si, sur la base notamment des informations fournies par le maître d'ouvrage, les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents définis par décret en Conseil d'État, sans préjudice des obligations résultant du droit de l'Union européenne. Le cas échéant, le préfet tient compte des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables ; »

b) Au 2°, les mots : « ouvrages, ou travaux » sont remplacés par les mots : « d'ouvrages, de travaux ou d'activités » ;

c) Au 3°, le signe : « ; » est remplacé par le signe « : » ;

II. (nouveau) – Le 5° du I du présent article entre en vigueur à la date de publication de l'acte d'exécution prévu au 2 de l'article 70 decies, de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux émissions industrielles et aux émissions de l'élevage.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 11 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 46 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

L'amendement n° 81 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Guiol, Masset et Roux.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 4.

M. Daniel Salmon. Cet article, dans sa rédaction initiale, était déjà fortement problématique. Il instaurait en effet une procédure spécifique pour l'évaluation environnementale des projets d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) élevage : les projets de fermes-usines pourraient ainsi s'affranchir de la plupart des obligations relatives aux enquêtes publiques. Or il s'agit là d'une nouvelle atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement.

Sous couvert de simplifier, on assortit d'une dérogation le nouveau dispositif de participation du public – les décrets d'application n'ont été publiés qu'en novembre 2024 –, lequel s'ajoute à l'enquête publique.

La loi relative à l'industrie verte rendait déjà le droit moins lisible, et cette nouvelle dérogation empirerait cet état de fait. Nous demandons une stabilisation du droit relatif aux autorisations environnementales, trop fréquemment modifié.

La commission a encore aggravé cette rédaction, en modifiant les dispositions relatives à la consultation du public dans le cadre des enquêtes publiques pour tous les types d'ICPE – on s'éloigne ici de l'agriculture. Elle a ainsi supprimé les deux réunions publiques obligatoires, qui sont pourtant l'un des éléments-clefs de la loi relative à l'industrie verte en matière de démocratie environnementale.

Lesdites réunions publiques, qui sont les seuls moments de démocratie participative dans ces procédures, permettent de s'entretenir directement avec le maître d'ouvrage.

Le dernier alinéa relève les seuils faisant basculer de l'enregistrement à l'autorisation d'ICPE, ce qui aggravera encore la confusion. Une nouvelle catégorie d'ICPE doit être créée, soumise à autorisation, mais non à évaluation environnementale. C'est un exemple typique de dérogation qui rend le droit illisible, à l'opposé de la simplification !

Enfin, l'autorité environnementale doit fonder ses avis sur les enseignements de la science, en citant les études académiques mobilisées pour leur élaboration. Or cette précision est inutile : il va de soi que l'on s'appuie sur la science, même si, en entendant certains propos, on peut en douter…

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour présenter l'amendement n° 11.

M. Jean-Jacques Michau. Nous proposons nous aussi de supprimer l'article 3, dont l'objectif est clairement de promouvoir le laisser-faire en limitant autant que possible les contrôles et la participation des citoyens sur des projets qui affecteront pourtant leur territoire, voire leur vie quotidienne.

Les dispositifs proposés remettent en cause le dépôt d'avis par les autorités environnementales : il faudrait préciser dans la loi que ces derniers doivent être fondés sur la science… On sous-entend ainsi que les décisions actuelles ne le sont pas, et qu'elles seraient dictées par des groupes de pression.

De plus, cet article remet clairement en cause le principe de non-régression environnementale, en excluant les activités d'élevage du cadre applicable aux autorisations environnementales, en simplifiant le système des ICPE ou encore en proposant de relever les seuils en deçà desquels on peut s'affranchir de l'enquête publique.

Nous défendrons toujours une agriculture familiale, à taille humaine et en phase avec les attentes sociétales. Dans ce cadre, nous militons pour une agriculture soucieuse de l'environnement, qui amorce réellement sa transition agroécologique ; une agriculture respectueuse des hommes comme des animaux.

Ce n'est pas en facilitant toujours davantage l'agrandissement de nos exploitations et de nos élevages, en limitant les contrôles et le dialogue démocratique, que nous serons à la hauteur des besoins et des attentes de notre société.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 46.

M. Gérard Lahellec. Assouplir encore le régime applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement, c'est porter une nouvelle atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement et nous exposer à un important risque contentieux. De nombreuses associations l'ont souligné, à l'instar de la direction générale de la prévention des risques (DGPR).

Pis, en proposant d'inscrire dans la loi que les avis de l'autorité environnementale doivent être fondés sur la science, on suggère que les décisions actuelles ne le sont pas ; de tels sous-entendus posent quand même question.

Enfin, cet article participe de l'instabilité du droit, donc à l'insécurité juridique, puisqu'il revient sur les dispositions de la loi Industrie verte de 2023 quant à la participation du public pour les ICPE élevage.

Comme le soulignent de nombreux acteurs, en voulant « simplifier », on crée une dérogation à l'application de ce nouveau dispositif de participation du public : les décrets d'application datent de novembre 2024. Ils viennent donc tout juste d'être publiés.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. L'amendement n° 81 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques restant en discussion ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Ce n'est pas en niant les difficultés que les problèmes vont se résoudre ; nous serons au moins d'accord sur ce point.

Nous sommes face à une vraie dissonance cognitive : nos concitoyens, du moins les plus militants d'entre eux, tolèrent de moins en moins la présence de bâtiments d'élevage. Ils n'ont de cesse de dénoncer leurs nuisances, mais ils mangent toujours autant de viande…

La véritable alternative est donc la suivante : voulons-nous consommer la viande que nous produisons nous-mêmes, selon nos propres normes environnementales et sociales, ou souhaitons-nous en importer toujours plus de Pologne, d'Ukraine, de Thaïlande ou du Brésil ?

J'émets évidemment un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, rendez-vous compte de la situation dans laquelle se trouvent aujourd'hui certains éleveurs !

Dans la nuit de vendredi à samedi derniers, des activistes ont forcé l'entrée du siège social d'Evel'Up, une coopérative porcine de Bretagne. Ils ont tenté d'y mettre le feu, causant des dégâts importants, qui s'élèvent probablement à plusieurs centaines de milliers d'euros. Naturellement, une enquête est ouverte.

Il faut bien prendre la mesure des difficultés qu'éprouvent les éleveurs à se doter de nouvelles installations, voire à maintenir celles qui existent, face à des personnes qui veulent détruire leur outil de travail.

Plus que jamais, nos éleveurs sont en proie au découragement. Aux crises sanitaires et aux épizooties en tout genre s'ajoutent les difficultés causées par des environnements défavorables, ainsi que les attaques de certains activistes. Ces derniers ne veulent plus voir du tout d'élevage en France ; ils s'en prennent systématiquement aux bâtiments d'élevage, voire aux éleveurs eux-mêmes.

Dans un contexte si difficile pour nos éleveurs, la suppression de l'article 3 serait particulièrement regrettable.

Cet article vise à apporter une simplification majeure et très attendue, grâce au travail du rapporteur et de la commission, que je salue et félicite.

La rédaction initiale de la proposition de loi soulevait de nombreuses difficultés. Or le travail accompli en commission a permis d'améliorer sensiblement le texte.

Ainsi, on a pris soin d'adapter la procédure d'autorisation environnementale introduite par la loi relative à l'industrie verte afin d'ajuster les modalités de consultation du public. Au total, deux réunions publiques pourront avoir lieu ; mais, selon la nature du projet, le commissaire enquêteur pourra les remplacer par une permanence en mairie, comme cela se fait très souvent pour les projets soutenus, par exemple, par les collectivités territoriales.

Par ailleurs, les élevages soumis à autorisation au titre de la directive relative aux émissions industrielles, ou directive IED, pourront également être soumis à enregistrement.

Ces deux simplifications très importantes figurant à l'article 3, je suis défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Bien entendu, nous condamnons toute forme de violence, qu'elle vienne des activistes que vous évoquez, madame la ministre – l'enquête fera la lumière sur cette affaire –, ou de ceux qui murent les locaux l'Office français de la biodiversité (OFB). Il faut aussi le rappeler, car il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures.

Pour autant, ce n'est pas en édulcorant la consultation du public que l'on améliorera l'acceptabilité des projets. Nous sommes en démocratie et nous avons toujours intérêt à débattre.

Lorsque nous défendons les énergies renouvelables (EnR), nous, écologistes, nous acceptons le débat public.

Des réunions publiques sont prévues. Il faut avoir le courage de dialoguer avec nos concitoyens : moins on le fera, plus les oppositions seront fortes et moins elles seront contrôlables.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Je m'associe à tous ceux qui, ici, défendent l'élevage.

Je pense plus précisément à la Bretagne. Dans le seul département des Côtes-d'Armor, la production laitière a diminué de 10 millions de litres en un an. Au cours de l'année écoulée, le cheptel breton a perdu 120 bovins par jour. La production de volailles a baissé de 10 % depuis 2021, et la production de porcs de 8 %.

Les causes de cette chute doivent être cherchées ailleurs que dans la stigmatisation évoquée par certains : elle réside dans l'attractivité des métiers, dans la rémunération du travail paysan. Ces facteurs expliquent en grande partie les difficultés que je viens de citer.

De grâce ! Considérons l'élevage dans son ensemble. C'est précisément pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Alain Cadec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je ne sais pas si tout le monde ici se figure ce dont on parle.

On parle d'éleveurs qui, comme moi, se lèvent très tôt tous les matins, 365 jours par an, et travaillent plus de 70 heures par semaine.

On parle d'éleveurs que l'on a jetés dans la concurrence avec d'autres pays et d'autres continents,…

M. Daniel Salmon. Qui les y a jetés ?

M. Laurent Duplomb. … en leur infligeant, jour après jour, des contraintes supplémentaires.

Ces éleveurs doivent investir des centaines de milliers d'euros, qu'ils rembourseront à la sueur de leur front.

Aujourd'hui, avec la loi Industrie verte, on leur impose d'organiser un débat avec tous leurs voisins au début de l'enquête publique ; puis un second débat, à la fin de cette procédure, après que vous aurez fait monter la mayonnaise, en expliquant à ces mêmes voisins que des paysans près de chez eux, ce sont des nuisances qui feront baisser la valeur de leur bien, qui les empêcheront de dormir, qui entraîneront de mauvaises odeurs, qui attireront les mouches, etc.

M. Jean-Claude Tissot. Et si c'est vrai ?

M. Laurent Duplomb. À cause de vous, ces débats tourneront au pugilat !

Qui, en France, accepterait de faire 70 heures par semaine, de se lever si tôt tous les matins, de travailler pour gagner si peu…

M. Daniel Salmon. Pourquoi les éleveurs gagnent-ils si peu ?

M. Laurent Duplomb. … et d'investir en se mettant tous ses voisins à dos après avoir été stigmatisé ? Personne !

Il faut revoir ce régime, sinon plus aucun éleveur n'acceptera d'investir, et nous ne mangerons plus de viande française. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Bravo, monsieur Duplomb ! Avec ces amendements, nous voyons bien les deux blocs qui s'affrontent.

M. Lahellec a raison : nous assistons à la décapitalisation de nos élevages. On voit que tout menace de s'arrêter. Plus un poulailler ne se crée en Bretagne, pour une simple et bonne raison : les opposants se dressent de toutes parts et les associations utilisent le débat public pour se faire mousser. Même un pauvre poulailler de poules pondeuses fait polémique. Plus aucun agriculteur ne veut en créer un. C'est cela, la réalité !

M. Daniel Salmon. Pas du tout !

M. Vincent Louault. La simplification est indispensable.

Vous pouvez nous accuser de défendre je ne sais quel schéma… La vérité, c'est que vous n'aimez pas la production française ! (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.) Votre seul but, c'est de porter atteinte à nos outils de production.

Vous voulez sanctuariser la France. Vous voulez faire de la campagne une carte postale pour bobos parisiens. En attendant, nous ne pouvons plus produire ni installer un seul poulailler en Bretagne. (Mêmes mouvements.) Vous rendez-vous compte de cela ?

Mes chers collègues, cet article est indispensable pour que nos jeunes agriculteurs puissent encore avoir des projets et espérer produire en France.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Mes chers collègues, nous devrions pouvoir débattre de ces questions plus calmement.

À aucun moment je ne m'en suis pris à qui que ce soit. En revanche, nous avons été directement attaqués par M. Duplomb. De quoi nous accuse-t-on, d'ailleurs ? D'être des bobos ? À tout prendre, j'aime mieux être bobo que bourrin… (Marques d'approbation sur les travées des groupes GEST et SER. – Protestation sur les travées du groupe Les Républicains.)

J'ai grandi dans un village, entouré d'éleveurs : je n'ai de leçons à recevoir de personne ! Je viens d'un territoire de montagne qui ne vivrait pas sans l'élevage. Comme vous, j'ai la prétention de défendre l'élevage et l'agriculture, mais un certain type d'agriculture, celle qui fait vivre nos villages, alors que votre agriculture a littéralement vidé les campagnes.

Les exploitations ne cessent de s'agrandir et nos villages sont en train de mourir. C'est cela, votre modèle ? En tout cas, ce n'est pas le mien. Au lieu de donner des leçons, confrontons plutôt nos arguments !

Madame la ministre, vos propos m'interpellent, car ils ne semblent pas de nature à favoriser un climat de sérénité. Je suis contre toute forme de violence ; il est intolérable que les agriculteurs soient pris pour cibles. Mais il faut aussi s'interroger : pourquoi ne veut-on plus d'un certain type de poulaillers ? Parce que la société évolue – et il faut en tenir compte.

Quoi qu'il en soit, j'aurais aimé que vous évoquiez, en parallèle, les attaques contre France Nature Environnement (FNE) ou contre le siège de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae). Et, surtout, quel est le rapport entre l'attaque de cette coopérative et l'article dont nous débattons ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur Louault, monsieur Duplomb, j'exerce le même métier que vous : un peu de respect, je vous prie ! Vous pouvez hausser les épaules… Pourquoi auriez-vous le monopole, sinon du cœur, du moins du bon élevage ?

Nous n'avons tout simplement pas la même vision de notre métier. J'irai même plus loin : ce dont vous rêvez, en somme, c'est de faire ce que vous voulez, quand vous voulez et où vous voulez, qu'importe si cela gêne les voisins ou qui que ce soit d'autre.

Pourtant, certains chiffres parlent d'eux-mêmes. Notre pays compte aujourd'hui 400 000 paysans. Demain, ils ne seront plus que 200 000 ou 300 000 : pourquoi donneraient-ils le la à 69 millions d'habitants ?

Bien sûr, rien ne m'énervait davantage que d'entendre quelqu'un venir dans ma ferme pour me donner des leçons. Mais si l'on veut cohabiter, si l'on veut pratiquer l'élevage dans de bonnes conditions, il faut parler à nos concitoyens, aux « bobos », comme vous les appelez ; il faut leur expliquer comment nous travaillons. Il faut leur dire ce dont nous avons besoin pour gagner notre vie.

Il est inadmissible de stigmatiser ainsi certaines personnes, de dresser les uns contre les autres.

Quant à votre ritournelle sur les 70 heures de travail par semaine, c'est bon, nous l'avons assez entendue !

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. M. Salmon a eu l'honnêteté de dénoncer les actions violentes de certains activistes contre des stations d'élevage ; je lui en donne acte.

Néanmoins, je me dois de relever une contradiction : à longueur d'articles sur internet, la nébuleuse environnementale, à laquelle s'associe le Parti vert, défend la théorie de la désobéissance civile.

M. Daniel Salmon. La désobéissance civile, c'est autre chose !

M. François Bonhomme. Vous appelez des militants ou des sympathisants à contester une règle, y compris par l'entrave et la suspicion, sous prétexte qu'elle ne vous convient pas, qu'elle irait à l'encontre de l'action climatique ou de la protection de l'environnement, quand bien même des discussions sont en cours avec les autorités légitimes ; cela me paraît tout à fait contradictoire avec la dénonciation vertueuse de la violence.

Vous encouragez des mouvements de protestation, puis vous prétendez que vous n'y êtes pour rien : assez d'hypocrisie ! (M. Daniel Salmon proteste.) Il y a là un problème de cohérence sur lequel j'attire votre attention. En dépit de vos condamnations, vous alimentez en sous-main des actes de violence.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Boyer. Je ne peux pas laisser dire que mon collègue Laurent Duplomb est un bourrin ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Tissot. Qui a dit que l'on parlait de M. Duplomb ?

M. Jean-Marc Boyer. Ceux qui tiennent de tels propos ne défendent pas l'agriculture ; d'ailleurs, je me demande bien où ils habitent…

Pour ma part, j'habite dans un village, entouré d'agriculteurs. Je vis près de jeunes producteurs de saint-nectaire, qui comme Laurent Duplomb se lèvent très tôt, et qui sont aujourd'hui pressés par des normes et des contraintes que vous soutenez, ici même, dans cette assemblée : c'est inadmissible ! En soutenant toutes ces normes et contraintes, vous ne défendez ni l'agriculture ni l'installation des jeunes.

Vous avez évoqué l'Office français de la biodiversité (OFB). Or, aujourd'hui, quand un jeune agriculteur épand par inadvertance un peu de lisier près d'un ruisseau, les agents de l'OFB arrivent aussitôt, pistolet à la ceinture. C'est vous qui avez demandé l'emploi de ces méthodes inadmissibles ! (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

Enfin, il existe dans ma région des projets de réserves collinaires vertueux préservant la biodiversité, avec des panneaux photovoltaïques. Les agriculteurs, y compris les jeunes, accordent des terrains pour la réalisation de ces chantiers. Qui est venu manifester contre ces prétendues « mégabassines » ?

M. Daniel Salmon. Ce n'est pas pareil !

M. Jean-Marc Boyer. Vous et vos amis !

M. Mickaël Vallet. On n'a plus le droit de manifester ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 11 et 46.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à supprimer le deuxième alinéa de l'article 3, en vertu duquel l'avis de l'autorité environnementale doit être fondé sur les enseignements de la science et citer les études académiques mobilisées pour son élaboration.

On ne peut que souscrire à l'intention de cet alinéa. Néanmoins, une telle disposition expose les projets à des risques d'annulation par le juge, au simple motif qu'une étude académique parmi tant d'autres ne serait pas mentionnée dans l'avis de l'autorité. Il convient de lever ce risque juridique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Afin d'éviter tout effet pervers, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Nous voterons cet amendement : il nous paraît en effet évident que l'on s'appuie sur la science en pareil cas…

Comme l'a rappelé M. Lahellec, de nombreux élevages sont à l'abandon en Bretagne, où l'on voit désormais des friches agricoles un peu partout. Pourquoi les jeunes ne reprennent-ils pas les exploitations ? C'est une question qu'il faut se poser.

Lors du dernier Salon des productions animales – carrefour européen (Space), un article de Ouest-France relatait qu'une personne avait investi 800 000 euros pour un poulailler neuf, en espérant se rémunérer à hauteur de 70 % du Smic. L'intéressé devra donc travailler à côté…

Quand on met l'accent sur la compétitivité au détriment des revenus, quand on pratique le moins-disant social, il ne faut pas s'étonner que l'élevage soit abandonné : chacun veut un salaire digne de ce nom, et c'est bien normal.

Certains sont peut-être fiers de travailler 70 heures par semaine, mais ce n'est pas le modèle qui se vend bien aujourd'hui.

M. Laurent Duplomb. Le droit à la paresse…

M. Daniel Salmon. Pour notre part, nous voulons un revenu décent pour les agriculteurs, s'appuyant sur la vérité des prix.

Voilà notre position. Sans aller jusqu'à dire que, par comparaison, le reste n'est qu'épiphénomène, je pense que l'on ne regarde pas les choses en face. À l'évidence, on essaie de nous enfumer, car il faut trouver un bouc émissaire…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 68 rectifié, présenté par M. Bleunven, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Chasseing et Henno, Mmes Jacquemet et de La Provôté, MM. Levi, Longeot et Maurey, Mme Perrot et M. L. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rétablir les 2° et 3° dans la rédaction suivante :

2° L'article L. 181-9 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la référence : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Par dérogation au I, lorsque que la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet destiné à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles, l'instruction de la demande se déroule en trois phases :

« 1° Une phase d'examen ;

« 2° Une phase de consultation du public, qui est réalisée sous la forme d'une enquête publique conformément au chapitre III du titre II du présent livre ;

« 3° Une phase de décision. » ;

3° Après la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 181-10, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour les projets destinés à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles, elle est réalisée selon les modalités prévues au II de l'article L. 181-9. » ;

II. – Alinéas 4 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Yves Bleunven.

M. Yves Bleunven. Tandis que nous nous écharpons au sujet des modèles de production, notre pays perd toujours plus d'élevages.

Moi qui suis Breton, je suis écœuré de voir à quelle vitesse l'élevage se décapitalise en Bretagne. Dans quelques années, et même dans quelques mois, on discutera de fermetures d'usines. C'est toujours la même rengaine !

Pour ma part, je tiens particulièrement à l'article 3 et je propose que l'on revienne à sa rédaction d'origine.

Cet amendement vise à conserver une participation du public dans le cadre de la procédure d'enquête publique pour les décisions ayant une incidence sur l'environnement. Maîtrisée par les agriculteurs comme par les administrations déconcentrées, cette procédure s'appliquait jusqu'en 2024.

Pour l'avenir de l'élevage français, il est essentiel que les éleveurs ne soient pas obligés d'organiser deux réunions publiques pour leurs projets soumis à autorisation. De même, ils ne sauraient devoir répondre en continu, sur un site internet, aux commentaires publiés par tel ou tel contributeur lors des consultations du public, ou être soumis à une consultation de trois mois au lieu de trente jours.

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié bis, présenté par Mme Havet et MM. Canévet et Buis, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Rétablir les 2° et 3° dans la rédaction suivante : 

2° Après le troisième alinéa de l'article L. 181-9 sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Par exception, lorsque que la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet destiné à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles, l'instruction de la demande, après qu'elle a été jugée complète et régulière par l'autorité administrative, se déroule en trois phases :

« 1° Une phase d'examen ;

« 2° Une phase de consultation du public qui est réalisée sous la forme d'une enquête publique conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du présent livre ;

« 3° Une phase de décision. » ;

3° Le premier alinéa du I. de l'article L. 181-10 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« La consultation du public est réalisée selon les modalités fixées à l'article L. 181-10-1, à l'exception :

« – du cas prévu au troisième alinéa du III de l'article L. 122-1-1 pour lequel la consultation du public est réalisée selon les modalités prévues à l'article L. 123-19 ;

« – des projets destinés à l'élevage de bovins, de porcs ou de volailles, pour lesquels la consultation du public prend la forme d'une enquête publique en l'application des dispositions prévues à l'article L. 181-9. » ;

II. – Alinéas 4 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement de notre collègue Nadège Havet tend à adapter les modalités de l'instruction des dossiers d'autorisation d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et de la phase de consultation du public aux spécificités des installations agricoles.

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Gontard et Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 4 à 9.

Mes chers collègues, il faut bien prendre conscience de ce que nous sommes en train de faire : on ne supprime pas les réunions de concertation du public pour les seuls projets d'élevage, mais pour tous les projets soumis à autorisation environnementale, c'est-à-dire toutes les ICPE – je rappelle que seules 20 % d'entre elles sont agricoles.

Monsieur le rapporteur, la rédaction que vous nous proposez, laquelle vise nombre de projets économiques au titre des installations, ouvrages, travaux et activités, est totalement hors de propos. Au nom de bénéfices discutables pour les éleveurs, c'est toute la démocratie environnementale que vous mettez à mal.

C'est d'autant plus incompréhensible que toutes les procédures ont été mises à plat et tirées vers le bas par la loi Industrie verte. Les décrets d'application de ce texte sont entrés en application le 22 octobre dernier, et vous voulez déjà tout réécrire – évidemment, en tirant toujours vers le bas.

Loin de simplifier quoi que ce soit, l'adoption d'une telle mesure complexifierait la vie de tous les acteurs, notamment les maîtres d'ouvrage, qui se sont préparés depuis un an.

J'y insiste : en réduisant pour ainsi dire à néant la consultation du public, on ne rendra service ni aux éleveurs, ni aux agriculteurs, ni à aucun porteur de projet.

Chaque activité économique doit s'implanter dans un territoire. Pour perdurer, elle doit composer de manière harmonieuse avec son environnement : acceptation par les populations, préservation du cadre de vie, débouchés en termes d'emploi et de production de richesses, etc.

Lors des réunions publiques, des dizaines de personnes peuvent interroger le maître d'ouvrage en personne. Ces discussions interactives n'ont strictement rien à voir avec des permanences. Le commissaire enquêteur voit alors les personnes en tête à tête, les unes après les autres, en absence du maître d'ouvrage, sans projeter le moindre exposé du chantier et des mesures prévues, comme c'est le cas lors des réunions publiques. Ces dernières sont utiles ; elles permettent généralement au porteur de projet d'améliorer sa copie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. L'objectif est bien de simplifier les règles de la loi Industrie verte pour tous les secteurs. C'est pourquoi, en commission, nous avons donné la possibilité au commissaire enquêteur de remplacer les deux réunions publiques obligatoires, au début et à la fin de l'enquête publique, par de simples permanences en mairie. Dans de nombreux cas, il n'y aura donc plus d'enquête publique.

Mme Nicole Bonnefoy. C'est très démocratique !

M. Pierre Cuypers, rapporteur. En conséquence, la commission est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien mesurer la portée de la simplification proposée.

Pour mener des projets d'installation classée pour l'environnement, nos éleveurs font face à de telles lourdeurs administratives qu'ils en sont parfois découragés : les multiples recours auxquels la procédure peut donner lieu rendent l'issue des projets tout à fait incertaine.

Simplifier la procédure, c'est donc rendre service aux porteurs de projet, qu'il nous faut encourager.

Plusieurs orateurs l'ont rappelé, y compris M. Salmon, de nombreux élevages sont en déshérence. La décapitalisation est à l'œuvre et notre souveraineté alimentaire régresse.

Nous devons porter une attention toute particulière au monde de l'élevage : il y va véritablement d'une grande tradition de l'agriculture française, notamment en montagne.

Pour bien connaître le sujet, je puis vous assurer qu'en montagne l'élevage est une activité économique matricielle. Nous devons absolument encourager, non seulement les éleveurs, mais aussi ceux qui veulent reprendre des exploitations. C'est très important.

Monsieur le sénateur Bleunven, ce texte facilitera vraiment les choses pour nos éleveurs.

C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de ces amendements.

M. le président. Monsieur Bleunven, l'amendement n° 68 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Bleunven. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 68 rectifié est retiré.

Monsieur Buis, l'amendement n° 56 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Bernard Buis. Au vu des explications de Mme la ministre, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 56 rectifié bis est retiré.

Monsieur Gontard, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?

M. Guillaume Gontard. Oui, monsieur le président.

Madame la ministre, vous n'avez pas répondu à ma question.

Les dispositions de cet article ne s'appliquent pas qu'aux élevages : elles concernent l'ensemble des projets soumis à autorisation environnementale, ce qui pose un vrai problème.

J'alerte également sur un autre sujet. À vous entendre, les concertations et les enquêtes publiques ne seraient qu'une perte de temps ; il faudrait donc les supprimer pour mieux avancer… Or je pense que vous vous trompez lourdement.

Qu'on le veuille ou non, l'acceptation des projets est difficile à obtenir, et ce quelle que soit leur nature, qu'il s'agisse d'activités agricoles ou de projets éoliens. On ne surmontera certainement pas cette difficulté en tentant de passer en force ! C'est au contraire par une meilleure concertation en amont des projets, en expliquant, en écoutant et en s'adaptant que l'on y parviendra.

En l'occurrence, vous cherchez la simplification, mais vous risquez fort d'aboutir au résultat inverse.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Vous avez raison, monsieur le sénateur : cet article couvre tous les types d'installations classées pour l'environnement.

Pourquoi une telle disposition ? Il ne s'agit pas d'être moins-disant.

À titre liminaire, je remarque que la nécessité de simplification ne concerne pas seulement l'activité agricole. Elle s'étend à d'autres types d'activités.

Les préfets comme les commissaires enquêteurs nous ont alertés quant aux difficultés qu'entraînerait l'adoption de dispositions différentes selon les types d'activités : un tel choix entraînerait à coup sûr une grande complexité.

Voilà pourquoi cette disposition a été calibrée ainsi – en interministériel, je tiens à le préciser. Cela étant, je vous l'accorde, il faudra examiner à l'usage la manière dont elle s'applique aux différentes activités.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 108, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le 4° du III est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ces réponses, à l'exception de la réponse à l'avis de l'autorité environnementale, sont facultatives. Les réponses aux observations et aux propositions du public peuvent être transmises et publiées en une fois, jusqu'à la fin de la consultation du public ; »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mes chers collègues, nous vous proposons d'aller encore un peu plus loin dans la simplification de l'enquête publique née de la loi Industrie verte en prévoyant, par cet amendement, que les réponses aux observations du public sont facultatives.

Mme Nicole Bonnefoy. C'est risible !

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Ainsi, seule la réponse à l'avis de l'autorité environnementale demeurerait obligatoire.

Quant aux porteurs de projet qui souhaiteraient tout de même apporter des réponses aux remarques du public, ils pourraient procéder en une seule fois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 10 et 11

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 10 et 11 de l'article 3.

La prise en compte des spécificités agricoles est d'ores et déjà au cœur de la réglementation environnementale applicable aux ICPE. En conséquence, les précisions dont il s'agit ne semblent pas nécessaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 57 rectifié est présenté par Mme Havet et MM. Canévet, Buis et V. Louault.

L'amendement n° 69 rectifié bis est présenté par MM. Bleunven, J.M. Arnaud, Chasseing et Henno, Mme Jacquemet, MM. Levi, Longeot et Maurey, Mme Perrot et M. L. Vogel.

L'amendement n° 86 rectifié bis est présenté par Mmes Loisier et Romagny, M. Duffourg, Mme Billon et M. Chauvet.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéas 12 à 15

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

5° Au second alinéa du I de l'article L. 512-7, après la première occurrence de la référence : « annexe I », sont insérés les mots : « à l'exception des activités d'élevage » ;

II. – Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Buis, pour présenter l'amendement n° 57 rectifié.

M. Bernard Buis. Cet amendement de ma collègue Nadège Havet tend à porter les seuils français d'autorisation ICPE au niveau des autres États membres, aujourd'hui moins contraignants.

Ce relèvement permettrait d'alléger les contraintes administratives pesant sur les projets agricoles sans réduire la protection effective de l'environnement. La lourdeur, la complexité et les coûts liés à la procédure d'autorisation en vigueur constituent un frein majeur.

M. le président. La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 69 rectifié bis.

M. Yves Bleunven. Cet amendement est identique à celui de Nadège Havet – c'est normal : nous sommes Bretons tous les deux. (Sourires.)

Nous souhaitons revenir à la rédaction initiale de l'article 3. On rouvrira ainsi la possibilité de relever les seuils d'enregistrement et d'autorisation ICPE pour les élevages porcins et avicoles, afin de les aligner sur la réglementation européenne des directives sur les émissions industrielles (IED) et sur l'évaluation des incidences de projets sur l'environnement (EIE).

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l'amendement n° 86 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Pour ne pas prendre de risque inutile, nous préférons maintenir la date de 2026 : c'est seulement à cette échéance que nous pourrons relever ces seuils, conformément à la directive IED et à la directive relative aux émissions de l'élevage.

J'émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Cette rédaction, que j'ai examinée attentivement, fragilise le dispositif. En effet, elle n'est pas compatible avec le droit communautaire : on ne peut pas anticiper une disposition européenne prévue pour 2026.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de ces trois amendements identiques. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Buis, l'amendement n° 57 rectifié est-il maintenu ?

M. Bernard Buis. Oui, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Bleunven, l'amendement n° 69 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yves Bleunven. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 69 rectifié bis est retiré.

Madame Loisier, l'amendement n° 86 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Anne-Catherine Loisier. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 57 rectifié et 86 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 70 rectifié est présenté par M. Bleunven, Mme Loisier, MM. J.M. Arnaud, Henno, Levi et Longeot, Mme Perrot et M. L. Vogel.

L'amendement n° 96 rectifié est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 16 à 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Yves Bleunven, pour présenter l'amendement n° 70 rectifié.

M. Yves Bleunven. Dans le même esprit que précédemment, cet amendement vise à assurer la sécurisation juridique des projets – il s'agit là d'un véritable enjeu pour les éleveurs.

À cet égard, l'ajout introduit en commission des affaires économiques mérite d'être salué, mais il reste insuffisant. Il convient selon nous de supprimer les cinq alinéas relatifs à l'encadrement du basculement entre les régimes d'enregistrement et d'autorisation.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 96 rectifié.

Mme Annie Genevard, ministre. Je souscris en tout point aux propos de M. le sénateur Bleunven, qui a parfaitement défendu ces dispositions.

M. Olivier Rietmann. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié bis, présenté par Mme Havet et MM. Canévet et Buis, est ainsi libellé :

Alinéas 16 à 20

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

6° L'article L. 512-7-2 est ainsi modifié :

a) Le 1° est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Si, sur la base des informations fournies par le maître d'ouvrage, les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents énumérés à l'annexe de l'article R. 122-3-1. Le cas échéant, il tient compte des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables.

« Il indique les motifs qui fondent sa décision au regard d'un ensemble de critères pertinents tels qu'énumérés à l'annexe de l'article R. 122-3-1, ainsi que des mesures et caractéristiques du projet présenté par le maître d'ouvrage et destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l'environnement et la santé humaine. » ;

b) Le 2° est abrogé ;

c) Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« Dans les cas mentionnés au 1° , le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 2° et ne relevant pas du 1° , le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. » 

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement tend à encadrer plus précisément la décision du préfet d'instruire les demandes d'enregistrement ICPE suivant les règles de l'autorisation environnementale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. La commission est favorable aux amendements identiques nos 70 rectifié et 96 rectifié. En revanche, elle est défavorable à l'amendement n° 58 rectifié bis.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 58 rectifié bis ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis défavorable.

M. Bernard Buis. Je retire cet amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 58 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 rectifié et 96 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 179 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption 230
Contre 108

Le Sénat a adopté.

Article 4

I. – L'article L. 361-4-6 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :

a) Après les mots : « chargé de l'agriculture, », sont insérés les mots : « et au comité départemental d'expertise mentionné à l'article L. 361-8, » ;

b) À la fin, sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Dès lors qu'un nombre suffisant de réclamations, précisé par arrêté préfectoral, est atteint au sein du département, le comité départemental d'expertise peut lancer une enquête de terrain en vue d'évaluer une perte moyenne de production sur une zone donnée. Au terme de cette enquête, le même comité, s'appuyant sur l'expertise de la chambre départementale d'agriculture, propose, le cas échéant, une rectification des évaluations des pertes de récolte ou de culture. L'organisme chargé de verser l'indemnisation fournit une réponse écrite dans un délai d'un mois à compter de la réception des préconisations du comité départemental d'expertise. » ;

2° Après le mot : « article », la fin du III est ainsi rédigée : « , notamment les modalités permettant l'effectivité des voies de recours mentionnées au II. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er juin 2025.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, sur l'article.

M. Daniel Gremillet. En l'état, la rédaction de l'article 4 piège complètement la production herbagère destinée à l'élevage. Mais ceux d'entre nous qui ont cherché à déposer des amendements se sont heurtés à l'article 40…

Si l'on reprend l'histoire, on constate que le système d'indemnisation des calamités agricoles institué par la loi du 10 juillet 1964 était bien fait, y compris pour les prairies et les plantes fourragères. Le comité départemental d'expertise procédait alors à des constats sur le terrain. Aujourd'hui, on s'en remet à l'interprétation satellitaire, qui a montré ses imperfections.

J'en veux pour preuve un exemple très concret, que j'ai déjà eu l'occasion de citer : l'interprétation satellitaire des attaques de scolytes en forêt, dont les résultats sont véritablement catastrophiques. De fait, ce n'est pas parce qu'il est vert en haut que l'arbre n'est pas attaqué en bas. Il en va de même pour l'interprétation satellitaire des rendements en herbe : ce n'est pas parce que c'est vert que les volumes de production herbagère sont significatifs.

Nous devons être en mesure d'apporter une réponse plus concrète à la production herbagère destinée à l'élevage.

Madame la ministre, sur ce sujet, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention. Vous avez déclaré que les assureurs allaient partir. Peut-être ; mais, ce qui est certain, c'est que les éleveurs cesseront de couvrir leurs productions herbagères au titre de l'assurance récolte.

La rédaction de l'article pose un vrai problème pour l'élevage. Elle est moins-disante que la proposition issue du travail sénatorial relatif aux calamités agricoles. C'est un véritable sujet.

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'État met en place un plan pluriannuel de renforcement de l'offre d'assurance récolte destinée aux prairies. Ce plan aborde les questions d'information des éleveurs en cours de campagne, de perfectionnement et d'accroissement de la performance de l'approche indicielle, de meilleure intégration de l'ensemble des aléas climatiques dans l'assurance récolte des prairies et de simplification et d'accélération de la procédure de recours pour les éleveurs.

Le Gouvernement remet un rapport au Parlement au plus tard le 31 décembre 2026 sur l'état d'avancement de ce plan pluriannuel et la poursuite de son déploiement.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Gremillet, vous vous faites l'écho d'une préoccupation dont j'ai pris note dès mon arrivée au ministère.

Lors du sommet de l'élevage à Cournon-d'Auvergne, qui s'est tenu peu après ma prise de fonctions, on m'a parlé de l'assurance prairie et l'on m'en a tout de suite signalé les imperfections.

Comme vous le soulignez, si le système ne fonctionne pas bien et si l'assurance n'est pas au rendez-vous, nous nous exposons au risque de désassurance, scénario que personne d'entre nous ne veut évidemment voir advenir.

Certains prônent le retour aux comités départementaux d'expertise. Ce n'est pas possible ! Dans cette hypothèse, nous perdrions les assureurs et les réassureurs. Ce qu'il faut, c'est améliorer l'indice Airbus.

M. le rapporteur propose une feuille de route pour perfectionner le fonctionnement de l'assurance récolte destinée aux prairies, sur la base d'un travail partenarial avec l'ensemble des parties. Je pense que c'est une bonne méthode.

Vous avez essayé d'améliorer les choses, mais par des dispositions qui ont été censurées au titre de l'article 40. Cela dit, le travail en cours n'est pas compromis pour autant.

J'en prends l'engagement devant vous, le Gouvernement travaillera à l'amélioration du dispositif. Mais il ne remettra pas en cause le nouveau régime de l'assurance récolte, pour les raisons que j'ai énoncées.

M. le président. Le sous-amendement n° 110, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement 104, après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans ce plan pluriannuel, pour les évaluations des pertes de récoltes ou de cultures fondées sur des indices, il est étudié la possibilité que des instances en département placées sous l'autorité des préfets de département, puissent se réunir postérieurement à chaque fin de campagne de production, sur demande des organisations syndicales d'exploitants agricoles représentatives. Ces instances départementales pourraient être chargées de présenter et expliquer les résultats des indices utilisés, d'échanger sur les éventuels points de contestation et de les analyser. Le préfet transmettrait une synthèse des travaux de l'instance au comité national des indices.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement. Il ne s'agit certes que d'un premier pas timide pour traiter des élévations de pertes en prairie avec des indices, mais ces dispositions vont dans le bon sens.

Notre sous-amendement vise à préciser que l'on étudiera, dans le cadre du plan pluriannuel du renforcement de l'offre d'assurance récolte destinée aux prairies, la possibilité de réunir des instances départementales après chaque campagne de production, sur demande des organisations syndicales représentatives, pour traiter de problématiques liées aux indices.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 110 ?

Mme Annie Genevard, ministre. L'insuffisante prise en compte des observations de la profession pouvant donner lieu à recours est précisément l'un des reproches adressés au dispositif actuel. J'émets, en conséquence, un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Madame la ministre, permettez-moi de faire un bref rappel.

Lors du dépôt de cette proposition de loi, Franck Menonville et moi-même avons voulu, avec l'article 4, mettre un pied dans la porte pour obliger les assureurs à négocier avec la profession au sujet des injustices majeures.

Ce satellite qui voit tout l'inverse de ce que les agriculteurs constatent en nombre, réalité décrite à l'instant par Daniel Gremillet, est une de ces injustices.

Nous avons reçu les assureurs, qui nous ont dit qu'ils ne nous suivraient pas si nous changions l'unité de mesure, parce qu'ils ne sauraient plus à quel saint se vouer. Nous pouvons, en toute objectivité, les comprendre. (M. Franck Menonville acquiesce.) Ils se sont rapprochés de la profession pour négocier avec elle la rédaction de cet article ; les discussions menées la semaine dernière ont permis d'avancer, mais pas au point d'aboutir à une conclusion définitive.

Les assureurs sont prêts à aller encore plus loin. Mais l'amendement que nous avions déposé a été censuré par la commission des finances en vertu de l'article 40. Or, pour continuer à avancer, nous devons voter une rédaction, même perfectible.

Comme Daniel Gremillet et d'autres de mes collègues, je suis conscient qu'en l'état l'article 4 ne suffit pas à régler le problème. Mais je suis aussi conscient que personne ne peut pas porter toute la misère du monde. Les assureurs et la profession doivent travailler ensemble pour parvenir à une rédaction de compromis.

Nous ne pouvons pas être les seuls à proposer des solutions, pour nous faire, tôt ou tard, taper dessus !

M. Franck Menonville. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Il s'agit à l'évidence d'un dossier très complexe.

Monsieur le rapporteur, je salue l'effort accompli par la commission ; mais, dans la pratique, la solution proposée via votre sous-amendement ne fonctionne pas ! Il n'y a rien à constater quand il n'y a plus de récolte. Seuls des comités d'expertise peuvent effectuer un bilan annuel, en se rendant sur le terrain. C'est ainsi que l'on évaluera le niveau des récoltes. C'est cela, la vraie vie.

Pour en avoir tous fait l'expérience, nous savons que les événements climatiques affectent parfois différemment plusieurs points d'un même territoire. La réalité de la production herbagère sur le terrain exige donc une finesse d'appréciation.

D'ailleurs, madame la ministre, combien d'éleveurs sont assurés pour leurs prairies ? Très peu. En la matière, c'est l'un des problèmes qui se posent. Et si l'on n'améliore pas les choses, je puis vous assurer qu'il n'y en aura plus du tout.

Le hasard – mais je ne crois pas trop au hasard – a voulu qu'un éleveur du département des Vosges me fournisse, ce week-end, copie du document d'assurance relatif à ses prairies. Il s'agit d'un cas tout à fait concret.

Selon les relevés satellites, cet éleveur a vu ses volumes de fourrages augmenter de 28,9 % par rapport à la moyenne triennale. Il m'a dit : « Daniel, j'aimerais bien avoir réellement tant de bottes de foin supplémentaires ! » En effet, il en est loin…

En pratique, les calculs obtenus par ce biais sont bien éloignés de la réalité.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 110.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, MM. Chevrollier, Verzelen et Saury, Mme Guidez, M. Delcros, Mme Lermytte, M. Cambier, Mme Vermeillet, M. Perrion, Mmes Pluchet et Billon, MM. Wattebled et Houpert, Mmes Perrot et Jacquemet, MM. Chasseing, Longeot, J.M. Arnaud, Brault et P. Vidal et Mmes Herzog et O. Richard, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 431-6 du code de l'environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Constitue un étang piscicole tout plan d'eau naturel ou artificiel relié aux milieux aquatiques utilisé pour une activité d'aquaculture et toute autre activité liée à l'étang lui-même.

« Les dispositions relatives aux étangs piscicoles s'appliquent également aux installations de transformation et de commercialisation situées à leurs abords immédiats et nécessaires à leur exploitation. »

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je tiens à attirer votre attention sur une catégorie d'agriculteurs très particuliers : les pisciculteurs d'étang.

Puisqu'il s'agit de lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, je vous alerte quant aux normes que ces professionnels doivent appliquer, qu'il s'agisse des vidanges, des démarches administratives ou de lutte contre la prédation des cormorans.

Ces contraintes sont encore complexifiées par l'absence de définition juridique de l'étang piscicole. À ce jour, on est contraint de s'en tenir à la notion générale de plan d'eau, sans aucune distinction d'usage.

Cet amendement vise précisément à donner une définition aux étangs piscicoles.

La production de poissons assurée par cette filière a baissé de presque 60 % en dix ans. Ce déclin aggrave le déficit de la balance commerciale française en matière de produits issus de la pêche et de l'aquaculture, lequel dépasse désormais 4 milliards d'euros.

Les rapports sont unanimes : non seulement le développement de la pisciculture en étang est un enjeu de souveraineté alimentaire, mais il peut contribuer à réduire l'empreinte environnementale globale de la consommation de protéines animales en France.

J'ajoute que les étangs rendent des services écosystémiques, parmi lesquels la régulation des régimes hydrologiques, l'épuration de l'eau et l'augmentation de la biodiversité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Ma chère collègue, votre demande est satisfaite par l'article 17 du projet de loi d'orientation agricole.

En outre, je rappelle que nous avons, sur ce sujet, adopté des amendements de notre collègue Guillaume Chevrollier.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Madame la sénatrice, j'entends votre préoccupation. Mais, comme l'a dit M. le rapporteur, votre demande est déjà satisfaite par plusieurs textes, dont le code de l'environnement et deux arrêtés ministériels relatifs aux étangs piscicoles.

En conséquence, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Madame Sollogoub, l'amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je vous fais confiance, mais ma demande n'est pas satisfaite par le code de l'environnement. Peut-être le sera-t-elle par des décrets à venir ou par le projet de loi d'orientation agricole. Quoi qu'il en soit, en l'état, rien n'est fait.

Cela étant dit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié est retiré.

TITRE III

FACILITER LA CONCILIATION ENTRE LES BESOINS EN EAU DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET LA NÉCESSAIRE PROTECTION DE LA RESSOURCE

Intitulé du titre III

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié octies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mmes Saint-Pé et L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte et Romagny, M. Wattebled, Mme Sollogoub, MM. Chauvet et P. Martin, Mme Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :

Concilier la nécessaire protection de l'agriculture et de la ressource en eau 

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Cet amendement rédactionnel vise à apporter quelques clarifications importantes pour la jurisprudence, demain.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Honnêtement, je ne vois pas ce que cette modification peut apporter. La commission y est donc plutôt défavorable, mais s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié octies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

Le code de l'environnement est ainsi modifié :

1° L'article L. 211-1 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– après la seconde occurrence du mot : « gestion », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « respecte le principe de non-régression du potentiel agricole, prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : » ;

– au 1°, les mots : « , ou dont » sont remplacés par les mots : « et dont » ;

– au 5° bis, la seconde occurrence des mots : « l'eau » est remplacée par les mots « la ressource » et, après le mot : « garantir », sont insérés les mots : « le développement de » ;

– après le même 5° bis, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter La préservation de l'accès à la ressource en eau aux fins d'élevage ; »

b) Le II est ainsi modifié :

– après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle doit permettre de satisfaire les exigences du maintien et du développement des activités agricoles et piscicoles. » ;

– au début du 3°, les mots : « De l'agriculture, » sont supprimés ;

1° bis (nouveau) Après l'article L. 211-1-1, il est inséré un article L. 211-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1-2. – Pour l'application du présent titre, et notamment du VII de l'article L. 212-1, et dans le respect des dispositions de l'article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, les projets destinés au stockage de l'eau et aux prélèvements nécessaires au remplissage des plans d'eau, permanents ou non, qui répondent à un usage partagé au sens du 5° bis du I de l'article L. 211-1 sont réputés d'intérêt général majeur. » ;

2° L'article L. 212-1 est ainsi modifié :

a) Le II est ainsi modifié :

– au 1°, le mot : « économique » est remplacé par les mots : « des nécessités économiques » ;

– la dernière phrase du 3° est ainsi rédigée : « Elles sont compatibles avec le principe de non-régression du potentiel agricole, qui implique une préservation voire un accroissement ponctuel des prélèvements d'eau aux fins agricoles, notamment d'irrigation et d'élevage. » ;

b) Au premier alinéa du VII, après le mot « humaines », sont insérés les mots : « , notamment agricoles, » ;

c) Le XI est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils prennent particulièrement en compte et évaluent, dans leur phase d'élaboration ou d'instruction, les impacts attendus sur l'économie agricole, et s'assurent du respect du premier alinéa et du 5° bis du I de l'article L. 211-1, du 3° du II et du VII du présent article. » ;

d) Le XIII est complété par les mots : « , notamment celles relatives au respect du principe de non-régression du potentiel agricole » ;

3° Le 1° du II de l'article L. 212-5-1 est complété par les mots : « , dans le respect des dispositions relatives à la protection du potentiel agricole mentionné au premier alinéa et au 5° bis du I de l'article L. 211-1, au 3° du II et au VII de l'article L. 212-1 » ;

4° Le premier alinéa de l'article L. 212-6 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « département », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « , qui s'assure notamment du respect du principe de non-régression du potentiel agricole, tel que mentionné au premier alinéa et au 5° bis du I de l'article L. 211-1, au 3° du II et du VII de l'article L. 212-1. » ;

b) Après la même deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Son arrêté d'approbation est publié. » ;

5° L'article L. 213-8 est ainsi modifié :

a) Au 2°, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;

b) Au 2° bis, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l'article.

Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réellement surpris que cette proposition de loi n'ait pas fait l'objet, a minima, d'une saisine pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, tant les sujets qu'elle traite relèvent également du champ de compétence de celle-ci. Je m'en suis d'ailleurs ouverte au président de notre commission.

Cette ostracisation délibérée est une nouvelle preuve de la volonté des auteurs de ce texte de faire passer des normes d'intérêt général pour des contraintes d'intérêt privé.

La gestion de l'eau, dont nous traitons ici, est l'une des grandes thématiques sur lesquelles travaille notre commission. De nombreux collègues ont rédigé des rapports d'information importants sur la question. Je pense notamment à Hervé Gillé et à Rémy Pointereau.

Au lieu de s'inspirer des propositions de bon sens figurant dans leurs rapports, cet article risque de fragiliser un édifice juridique indispensable à la conciliation des usages de l'eau. La définition des zones humides est ainsi remise en cause, alors que le bon fonctionnement du cycle de l'eau en dépend en grande partie.

Il serait bon que nos collègues lisent et entendent, ne serait-ce qu'une seule fois, les travaux d'hydrologues de renom. Si la nouvelle définition prévue par l'article devait être adoptée, un très grand nombre de zones humides seraient déqualifiées, alors qu'elles sont parfaitement caractérisées. De ce fait, elles ne feraient plus l'objet des mesures de préservation fonctionnelle dont elles peuvent bénéficier.

Mes chers collègues, il s'agit là d'un enjeu d'intérêt général majeur : en rendant cumulatifs les critères de sol et de végétation, cette rédaction rendra impossible le classement en zone humide d'une parcelle cultivée sur laquelle l'activité agricole empêche le développement de la végétation naturelle caractéristique – je pense par exemple à la production de maïs.

Malgré toutes les circonlocutions de M. le rapporteur, cet article aura de lourdes conséquences sur l'environnement et pour le partage de l'eau.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, sur l'article.

M. Vincent Louault. Ce sujet est très important et mérite que nous y passions un peu de temps.

La définition actuelle des zones humides empêche de construire sur des zones cultivables, des zones classées U par les plans locaux d'urbanisme (PLU) ou UI dans les zones industrielles. Le rapport de compensation est d'un sur trois, et je ne parle pas du « zéro artificialisation nette » (ZAN) : c'est alors la double peine !

Dans un village de mon département, un terrain situé à 100 mètres de l'église est classé en zone humide sur la base du seul critère pédologique, à cause de la présence d'oxydes ferreux. Or des régions entières ont des sols riches en oxydes ferreux : je pense à la Vendée, territoire à l'origine entièrement marécageux (Mme Annick Billon le confirme.), ou encore au Pas-de-Calais, département intégralement classé en zone humide.

La loi portant création de l'Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement, est revenue sur une jurisprudence que l'on avait mis trente ans à établir. Ce travail a pris beaucoup de temps, car il a fallu définir ce qu'est un étang, puis ce qu'est une zone humide. Selon cette jurisprudence, une terre doit cumuler la présence d'oxydes ferreux dans le sol et celle de plantes hygrophiles pour être qualifiée comme humide. Je demande que l'on revienne à cette définition.

Je suis très déçu de la réponse technocratique du Gouvernement. Ce dernier tend une simple sucette aux agriculteurs, en les autorisant à mener des projets agricoles, et oublie purement et simplement les collectivités territoriales.

Le Sénat est l'assemblée des collectivités : nous ne saurions accepter de voir nos zones U bousillées par les zones humides créées par les semelles de labour de nos charrues !

Nous nous sommes donc entendus en commission pour réinstaurer le caractère cumulatif des critères définissant une zone humide. Mes chers collègues, j'en appelle à votre vigilance : il faut rejeter l'amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, sur l'article.

M. Michel Canévet. Avant tout, je tiens à féliciter les auteurs de cette proposition de loi. Il faut effectivement lever un grand nombre des contraintes qui pèsent sur les agriculteurs pour assurer la souveraineté alimentaire et économique de notre pays.

Des contraintes, il y en a partout : samedi dernier, je me suis rendu à la cérémonie des vœux de la commune de Lampaul-Guimiliau, où a fermé il y a onze ans l'abattoir Gad, qui employait 850 personnes. Cette fermeture s'explique tout simplement par la diminution de l'élevage breton.

Un projet vise à installer sur l'ancien site de Gad une unité de transformation du lin, dont la culture a jadis fait la prospérité d'une partie du Léon, au nord de la Bretagne. Or les porteurs du projet, qui souhaitent construire sur ce site déjà industrialisé, ont découvert que l'on y soupçonnait la présence d'un couple de chauves-souris : ils doivent non seulement déployer plus de 100 000 euros d'investissement pour construire une tour susceptible d'héberger, le cas échéant, ces animaux, mais aussi geler 2 000 mètres carrés devant la future unité de production.

C'est là une simple illustration des contraintes que nous faisons peser sur tous ceux qui entreprennent. Le résultat est clair : alors que nous aurions pu produire du lin dès cette année sur 400 à 500 hectares, le projet est reporté à des jours meilleurs. Voilà, madame la ministre, la réalité du terrain ! Et il ne s'agit que d'un exemple parmi bien d'autres.

Nous devons lever les contraintes et faire en sorte que notre réglementation tienne compte des réalités économiques. Là où il y a eu une activité industrielle, une nouvelle activité industrielle doit pouvoir s'implanter.

M. le président. La parole est à Mme Lauriane Josende, sur l'article.

Mme Lauriane Josende. Je tiens à alerter le Gouvernement sur les difficultés que rencontrent les territoires touchés par la sécheresse.

Madame la ministre, vous connaissez très bien la situation terrible dans laquelle se trouvent les Pyrénées-Orientales : le rendement des vignobles y a été divisé par deux à cause de la sécheresse dont nous faisons les frais depuis deux ans.

J'avais déposé des amendements sur cet article, mais ils ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 41 de la Constitution. Puisqu'il s'agit a priori de mesures réglementaires, je m'en remets à vous.

Il convient de simplifier les normes et d'alléger les contraintes. Je précise que ces dispositions ont été élaborées avec l'ensemble des acteurs locaux, qu'il s'agisse des collectivités territoriales ou des acteurs économiques, en particulier les agriculteurs.

Il s'agit tout simplement de coller à la réalité du terrain. En France, les règles relatives au débit des cours d'eau sont applicables partout et inadaptées aux spécificités de la géographie méditerranéenne.

Le débit de nos cours d'eau peut être très fort en hiver, mais, malheureusement, quasi inexistant en été, du fait de la sécheresse. L'arrosage dépendant des canaux gravitaires, la question des retenues collinaires est cruciale.

Je tiens à souligner que vous vous êtes intéressée à nos difficultés dès votre prise de fonction et que vous vous êtes rendue dans notre département. Si nous ne pouvons passer par la loi, il est temps d'adopter par voie réglementaire ces mesures, qui sont prêtes et faciles à appliquer.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Lauriane Josende. Je compte sur votre engagement.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, sur l'article.

M. Mickaël Vallet. Le fait de passer par une proposition de loi nous prive d'étude d'impact, ce qui pose tout de même problème.

De nombreux collègues appellent à porter un regard objectif sur la situation en se fondant sur des données scientifiques ; mais, faute d'étude d'impact, l'on risque de minimiser les conséquences d'un tel article.

Dans l'exposé des motifs, on se contente d'indiquer que le retour à la définition des zones humides de 2019 a pour objet de « réduire l'insécurité juridique des agriculteurs ». Selon cette définition, pour être qualifié de zone humide, un terrain devra cumuler deux critères – un sol hydromorphe et une végétation hygrophile – et non plus à répondre à l'un des deux.

Pour ma part, je ne parviens pas à comprendre de quelle insécurité juridique il est question. J'ai consulté le compte rendu des débats en commission : il a été question de pertes de chances pour la construction de zones industrielles, comme à l'instant au sujet du lin.

Mes chers collègues, nous pouvons tous donner des exemples locaux, mais cela ne fera pas une étude d'impact. En revanche, comme chacun d'entre vous, je sais que les zones humides, qui filtrent naturellement l'eau, constituent des zones tampons irremplaçables. La construction de stations d'épuration se heurte à de nombreuses difficultés urbanistiques : nous devrions donc nous réjouir d'en avoir de « naturelles ».

Je souligne également que ces zones sont des réserves de biodiversité, sans tomber dans la caricature du couple de chauves-souris ou de je ne sais quel pélobate cultripède qui empêcherait la construction d'une unité de production.

En outre, ces zones sont utiles pour capter le carbone – ce n'est pas un petit sujet – et permettent de maintenir un élevage extensif.

Un rapport de 2009 estimait que 67 % des zones humides avaient disparu en un siècle, et l'on voudrait encore en retrancher. L'argument de la sécurité juridique des agriculteurs ne colle pas à bien des réalités de terrain. Voici la mienne : mon département compte plus de 100 000 hectares de zones humides, dont plus de 10 000 dans un seul canton. Mais les agriculteurs, toutes tendances syndicales confondues, n'appellent pas à requalifier ces zones.

Monsieur le président, mon temps de parole étant écoulé, je poursuivrai mon propos après la présentation des amendements de suppression de l'article.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 12 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 47 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L'amendement n° 82 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac, Cabanel et Guiol, Mme Jouve et MM. Masset et Roux.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 5.

M. Daniel Salmon. L'article 5 modifie la hiérarchie des usages de l'eau en reconnaissant par principe un ouvrage de stockage d'eau pour une activité agricole comme d'intérêt général majeur et en inscrivant le principe de « non-régression du potentiel agricole » dans le code de l'environnement. Ce faisant, il remet en cause l'ensemble de la politique sanitaire et écologique de la gestion de l'eau.

De plus, il modifie la définition des zones humides afin d'en réduire le périmètre, donc le niveau de protection. Or les scientifiques et les organismes chargés de la protection des écosystèmes ont largement documenté le fait que ces zones cruciales pour la biodiversité, le fonctionnement du cycle de l'eau et la lutte contre les inondations étaient en train de disparaître.

Certains réclament que nous nous fondions sur la science pour légiférer : c'est précisément ce que je fais.

Ces constats ne sortent pas du chapeau : ils sont issus des travaux d'hydrologues spécialistes du sujet. Il est donc hors de question de revenir sur la définition des zones humides.

En l'absence de tout encadrement et de toute distinction entre les usages agricoles de l'eau, cet article favorise les pratiques intensives et ouvre la voie à l'accaparement des ressources par les acteurs dont les moyens financiers sont suffisants pour réaliser des ouvrages.

À l'heure actuelle, les zones de répartition des eaux (ZRE) couvrent plus d'un tiers de l'Hexagone. Autrement dit, la quantité d'eau disponible est inférieure aux besoins de la population, y compris hors des périodes de sécheresse. Ce déséquilibre structurel menace à la fois les usages et les milieux. Il nuit aux objectifs de reconquête et de maintien du bon état des eaux.

Une telle situation devrait nous conduire à adopter une trajectoire généralisée de sobriété, applicable à tous les usages. Pourtant, l'irrigation continue de se développer – les surfaces irrigables ont augmenté de 23 % entre 2010 et 2020. Elle est essentiellement destinée à la culture du maïs et du soja. Bref, on irrigue ici et on déforeste au Brésil : bonjour le développement durable !

Pour l'ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 5.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 12.

M. Jean-Claude Tissot. Nous proposons nous aussi de supprimer l'article 5, relatif à l'usage de la ressource en eau en agriculture.

Nous pensons sincèrement que les solutions proposées ne sont pas les bonnes. Ce n'est pas en traitant la question de l'eau sous le seul prisme de l'agriculture que nous trouverons un système efficace, durable et acceptable par tous.

La crainte que cet article nous inspire a encore été renforcée lorsque nous avons pris connaissance de certains amendements déposés par nos collègues centristes, qui tendent à aller encore plus loin. Il nous paraît impensable de légiférer avec tant de légèreté sur ce sujet crucial – l'eau est notre bien commun le plus précieux.

Nous nous opposons fermement à la modification de la hiérarchie des usages de l'eau consistant à reconnaître par principe un ouvrage de stockage d'eau pour une activité agricole comme d'intérêt général majeur et à inscrire le principe de non-régression du potentiel agricole dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ou les schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage).

Dans le contexte actuel, le fait de diminuer la part de la société civile au profit de celle des agriculteurs dans les comités de bassin s'apparente clairement à une provocation. Cet article nous apparaît davantage comme un tract politique, visant à donner des gages à une partie des représentants du monde agricole, qu'à une réforme réfléchie de notre modèle de gestion de la ressource en eau en agriculture.

Pourtant, face aux effets du changement climatique, nous pourrions nous accorder sur la nécessité d'une réforme globale de notre politique de l'eau en vue d'un usage raisonné et partagé de cette ressource. Mais une telle réforme doit faire l'objet d'un texte de loi à part entière, fondé sur la concertation de tous les acteurs, accompagné d'une étude d'impact solide et documentée, nourrie notamment de la littérature savante.

À cet égard, je tiens à mentionner les travaux de notre collègue Hervé Gillé. Dans son rapport d'information sur la gestion durable de l'eau, remis en 2023, M. Gillé relève que le dialogue et la concertation sont la clef d'un usage raisonné et partagé de la ressource. L'une des précieuses recommandations de ce rapport est de conditionner les retenues d'eau à des contrats d'engagement réciproque portant notamment sur des changements de pratiques pour aller vers davantage de sobriété.

En tout état de cause, cet article ne ferait que déséquilibrer le système et attiser les tensions existantes. Les membres du groupe socialiste demandent donc sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 47.

M. Gérard Lahellec. L'article 5 facilite les projets de stockage de l'eau présentant un intérêt général majeur, en oubliant que le partage de l'eau est essentiel et qu'il faut, en priorité, assurer la disponibilité de l'eau potable pour chacun.

De plus, cet article propose une nouvelle définition des zones humides, au risque de voir ces dernières disparaître sinon entièrement, du moins en partie.

Ce sont là autant de raisons qui nous conduisent à proposer la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour présenter l'amendement n° 82 rectifié.

M. Henri Cabanel. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. L'article 5 est crucial pour sécuriser les usages agricoles de l'eau. La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour cet article absolument déterminant comme pour presque tous les autres articles du présent texte, nous avons travaillé en bonne intelligence avec le ministère de la transition écologique. (Marques d'ironie sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) L'eau relevant, comme vous le savez, du périmètre de ce ministère, il était important que nous travaillions de concert.

Il s'agit là d'un sujet majeur pour les agriculteurs, car la question du stockage est particulièrement déterminante. Au cours de l'année qui vient de s'écouler, malgré une pluviométrie exceptionnelle, de nombreux territoires ont subi des sécheresses aux conséquences dramatiques. Face à ces manifestations du changement climatique, des mesures de stockage de l'eau seraient plus qu'utiles.

Madame Josende, j'ai été réellement marquée par les visites que j'ai effectuées dans votre département : la sécheresse y provoque des ravages inimaginables. Sans eau, il ne peut y avoir d'agriculture. Il faut prendre la mesure de la situation.

J'y insiste, cet article est déterminant. Le Gouvernement est donc défavorable à ces quatre amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

M. Mickaël Vallet. Je profite de cette explication de vote pour poursuivre mon propos précédent.

Madame la ministre, vous avez abordé la question de l'élevage en montagne, que vous connaissez bien. Aussi, peut-être pourrez-vous nous éclairer.

On souhaite aujourd'hui s'inspirer de l'élevage extensif pratiqué dans les zones de montagne au profit des zones humides, notamment des marais. C'est précisément pourquoi on l'étudie de très près. Sans doute êtes-vous vous-même sensible à cette question. Sur le fond, qu'en pense le Gouvernement ?

Par ailleurs, le fait que vous ayez travaillé de concert avec le ministère de la transition écologique n'est pas vraiment de nature à nous rassurer, étant donné l'actuelle titulaire du poste et les décisions prises ces derniers mois.

Vous entendez conforter le métier d'agriculteur et vous vous dites favorable à la redéfinition des zones humides ; soit, mais pour qui ? Pour ceux qui pensent encore qu'il est de bon aloi de retourner des terres de marais, parce qu'elles sont extrêmement productives ? Ne vous y trompez pas, ils ne sont qu'une minorité ! Il faut plutôt d'écouter tous les autres.

Je sais que, d'un point de vue juridique, la définition des zones humides ne remet pas en cause le classement en zone de marais. Mais quel signal votre ministère enverrait-il en acceptant de redéfinir les zones humides de manière si restrictive ?

À cet égard, permettez-moi d'invoquer un de nos anciens collègues, qui siégeait du reste à la droite de l'hémicycle : il s'agit de Jérôme Bignon, qui est toujours président de Ramsar France. M. Bignon a pour habitude de dire que, lorsqu'on touche aux zones humides, il ne faut le faire que d'une main tremblante.

Madame la ministre, au moment d'apporter votre soutien à cet article, votre main a-t-elle un peu tremblé ? En assumez-vous l'intégralité, y compris au sujet des zones humides ?

Je vous invite à venir dans le marais de Brouage pour constater l'importance de ces zones, pour les agriculteurs comme pour l'ensemble de la population.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je ne crois pas que la décision de supprimer le caractère cumulatif des deux critères en 2019 ait été étayée par une quelconque étude d'impact. Rendez-vous compte : 30 % de notre pays est, de ce fait, classé en zone humide !

Auparavant, tout se passait très bien. Les agents des directions départementales des territoires (DDT) savaient faire preuve de pragmatisme, ils examinaient au cas par cas la présence de plantes hygrophiles et les critères pédologiques. Désormais, des cabinets d'études s'en chargent, ce qui donne lieu à des situations pour le moins exotiques : dans ma commune, sur les 50 hectares de la zone industrielle, la part de zones humides a été tour à tour évaluée à 60 %, à 30 % et à 10 % par trois cabinets différents, sur la base du seul critère pédologique.

Mes chers collègues, comment croire que le but d'un tel article est de détruire des zones humides ? Il n'est pas question de cela ! Mais rendez-vous bien compte que 30 % de nos zones urbanisées sont actuellement classées dans cette catégorie !

Un maire agriculteur des Ardennes m'a présenté, dans sa commune, un terrain caractéristique : d'un côté, une prairie, des joncs et une petite mare ; de l'autre, un grand vallon labouré. Les deux côtés sont classés en zone humide ! Aucune différenciation n'est faite. Dès lors que vous labourez, vous libérez des oxydes ferreux, d'où le classement en zone humide.

Madame la ministre, en cédant au délire, en voulant tout surprotéger, nous finirons par sanctuariser la France ! Dans certaines régions, toutes les exploitations agricoles sont en zone humide. En Bretagne, pour construire un poulailler sur un hectare, il faut trouver trois hectares au titre de la compensation. Cela vaut pour toutes les exploitations agricoles situées en fond de vallée. Un peu de pragmatisme et de bon sens !

M. Mickaël Vallet. Ah, le bon sens !

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Madame la ministre, j'estime comme chacun d'entre nous que la question de l'eau est fondamentale pour l'avenir de l'agriculture. Mais que faites-vous de l'engagement pris par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale ?

Je rappelle que M. Bayrou s'est engagé à lancer une conférence nationale sur l'eau, organisée dans chaque région. Au-delà de ce qui a déjà été fait en la matière avec plus ou moins de succès, cette idée mérite d'être concrétisée. Cela constituerait une nouvelle étape dans la manière d'appréhender cette question fondamentale pour l'avenir de notre pays, de notre agriculture et de notre alimentation.

Je comprends que ce texte a une dimension d'affichage, qu'il répond à des enjeux politiques et syndicaux et qu'il faut émettre des signaux. Il n'en faut pas moins adopter une démarche structurée, à la hauteur des enjeux et des besoins. Je partage les préoccupations de mes collègues sur toutes les travées, mais il convient de procéder dans l'ordre.

Pourquoi n'aborder ce sujet que par les quelques points traités dans cette proposition de loi ? Bien d'autres doivent être pris en considération pour faire preuve d'efficacité collective et répondre à l'intérêt général.

M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour explication de vote.

M. Ludovic Haye. Je suis d'accord avec Mme la ministre, et j'enfoncerai même le clou.

J'ai participé à la mission d'information de nos collègues Hervé Gillé et Rémy Pointereau, dont il est ressorti qu'il convenait d'insister sur la gestion de l'eau.

Actuellement, les eaux pluviales sont plus abondantes qu'au cours des années précédentes, mais elles s'infiltrent rapidement dans les sous-sols. L'enjeu n'est pas de sanctuariser toujours plus de parcelles, mais d'entretenir les infrastructures existantes.

Nos mares et nos ruisseaux sont totalement sédimentés. Je rappelle qu'à la base un ruisseau est un volume d'eau et non un simple segment entre un point A et un point B. Je respecte le travail de nos DDT, mais j'observe aussi nous n'avons plus le droit de toucher au moindre ruisseau, ne serait-ce que pour l'entretenir.

Commençons par entretenir l'existant, remettons de l'eau en surface et soyons capables de gérer cette ressource avec nos agriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. La gestion de l'eau est effectivement une question centrale.

Pendant plusieurs décennies, on s'est affranchi de la science et, plus largement, du savoir. En Bretagne, le remembrement a eu des conséquences terribles. Des cours d'eau ont été rectifiés de sorte qu'une goutte d'eau tombant sur les monts d'Arrée, qui mettait auparavant plusieurs jours pour rejoindre la mer, le fait désormais en quelques heures. En résultent de nombreuses crues, qui touchent notamment la ville de Quimper.

Il est temps de rompre avec le simplisme et d'appréhender de nouveau le grand cycle de l'eau, ce qui exige une réflexion aboutie. Nous ne saurions traiter une telle question de manière si segmentée.

J'entends les arguments de mes collègues, mais, pour ma part, j'estime qu'il va falloir pousser la réflexion beaucoup plus loin que nous ne le faisons ce soir.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 12, 47 rectifié et 82 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Après le 5° bis du I de l'article L. 211-1, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter La préservation de l'accès à la ressource en eau aux fins d'abreuvement ; »

2° Après l'article L. 211-1-1, il est inséré un article L. 211-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-1-2. – Les ouvrages de stockage d'eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés, qui poursuivent à titre principal une finalité agricole, sont présumés d'intérêt général majeur dans les zones affectées d'un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu'ils sont issus d'une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l'ensemble des usagers, qu'ils s'accompagnent d'un engagement dans des pratiques sobres en eau et qu'ils concourent à un accès à l'eau pour ces usagers. » ;

3° L'article L. 214-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Une zone humide, telle que définie à l'article L. 211-1, est considérée comme fortement modifiée dès lors que l'usage qui en est régulièrement fait ne lui permet plus d'assurer l'essentiel des fonctions écosystémiques spécifiques caractérisant les zones humides.

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions selon lesquelles les impacts des installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sur une zone humide fortement modifiée, sont suffisamment faibles pour justifier qu'ils ne soient pas soumis à autorisation ou déclaration au seul titre de la préservation des zones humides. »

4° Après l'article L. 411-2-1, il est inséré un article L. 411-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 411-2-2. – Sont présumés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2, les ouvrages de stockage d'eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés qui poursuivent à titre principal une finalité agricole dans les zones affectées d'un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu'ils résultent d'une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre tous les usagers, qu'ils s'accompagnent d'un engagement des usagers dans des pratiques sobres en eau et qu'ils concourent à un accès à l'eau pour tous les usagers. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. De nombreux sujets ont déjà été abordés, sur lesquels nous reviendrons dans la suite de la discussion.

Les auteurs de cette proposition de loi entendent sécuriser l'accès à la ressource en eau pour les agriculteurs. J'ose espérer que nous visons tous cet objectif.

Toutefois, la rédaction initiale n'était pas opérante juridiquement et exposait à des risques majeurs d'un point de vue conventionnel.

Par cet amendement, le Gouvernement assure ainsi une nécessaire sécurisation juridique au regard des textes européens, notamment la directive-cadre sur l'eau et la directive Habitats, tout en répondant à trois fortes attentes exprimées par le monde agricole.

Tout d'abord, il inscrit la préservation de l'accès à la ressource en eau aux fins d'abreuvement du bétail. Il s'agit là d'un point majeur : pour pratiquer l'élevage, il faut non seulement des prairies, mais aussi de l'eau, tout simplement car il faut abreuver les bêtes. Il me semble que cet enjeu de santé animale fait l'objet d'un large consensus.

Ensuite, il précise la rédaction de l'article quant aux projets de stockage de l'eau – l'objectif est de concilier préservation du potentiel agricole et préservation de la ressource en eau tout en assurant le juste partage de cette dernière. On en revient à la nécessité de sécurisation juridique, au regard du droit européen, quant à la qualification d'intérêt général majeur.

Enfin, nous proposons de renforcer la conformité au droit européen des projets de stockage d'eau présentant un intérêt général majeur ou étant motivés par une raison impérative d'intérêt public au regard de la directive-cadre sur l'eau ou de la directive concernant la conservation des habitats naturels. Ainsi, il convient de centrer la présomption d'intérêt général majeur sur des ouvrages dont la réalisation résulte d'une concertation locale et qui visent spécifiquement à répondre à un enjeu de stress hydrique pour l'agriculture.

Lorsque j'étais maire, j'ai connu dans ma commune des rectifications de cours d'eau qui ont empêché de créer des retenues en cas d'inondations. Celles-ci ne sont pas aussi dramatiques que dans certains territoires, mais elles sont fréquentes en raison des crues du Doubs.

Monsieur Salmon, vous n'êtes pas sans savoir que, dans beaucoup d'endroits en France, l'on reméandre. (M. Jean-Jacques Michau opine.) On cherche, ce faisant, à ralentir les cours d'eau et à mieux capter l'eau, afin d'empêcher les inondations. (M. Daniel Salmon acquiesce.)

Il n'est pas question pour nous de revenir sur la définition des zones humides, dont on sait toute importance environnementale. Il convient tout simplement de s'adapter à la réalité du terrain.

Il y a des zones humides qui ne le sont plus – vous en connaissez comme moi –, soit parce qu'un cours d'eau a été rectifié, soit parce que l'eau disparaît, par exemple dans les sous-sols karstiques : c'est le cas dans ma circonscription et dans bien d'autres territoires.

Il est opportun d'alléger la réglementation dès lors que les zones humides ne le sont plus. Voilà, dans le principe, ce que nous suggérons d'inscrire dans la loi, dans un esprit de simplification.

Sachez que nous avons travaillé sur ce sujet avec le ministère de la transition écologique. C'est tout de même un gage… (Exclamations à gauche.)

M. Mickaël Vallet. Justement, on se méfie d'Agnès Pannier-Runacher !

Mme Annie Genevard, ministre. C'est bien la preuve que nous avons veillé au respect de l'environnement en rédigeant cet amendement.

J'insiste sur l'importance de la notion de zone humide fortement modifiée, par parallélisme avec les cours d'eau fortement modifiés.

Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement souhaite réécrire l'article 5. Il est essentiel d'assurer la conventionnalité de la qualification d'intérêt général majeur, de sécuriser les stockages d'eau et d'adapter des zones humides à la réalité du terrain. Ces mesures, fondamentales, sont particulièrement attendues par les agriculteurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Selon la formule consacrée, l'eau, c'est la vie. Cette ressource est importante et même indispensable pour les plantes, donc pour l'agriculture, et in fine pour chaque être humain.

Cet amendement est le fruit des nombreux échanges intervenus entre la commission et le Gouvernement, puis des concessions faites de part et d'autre.

De notre côté, nous acceptons de renvoyer à la conférence sur l'eau, dont le M. Premier ministre a annoncé la tenue prochainement, les dispositions relatives aux Sdage, aux Sage et à la hiérarchie des usages de l'eau. Nous acceptons également de réécrire la disposition relative aux zones humides, qui constitue une véritable avancée.

Le Gouvernement, lui, s'est engagé à sécuriser juridiquement la qualification d'intérêt général majeur s'attachant aux ouvrages de prélèvement d'eau et aux prélèvements y afférents. Il s'agit pour la profession agricole d'une victoire majeure, dont il ne faut pas mésestimer la portée.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Madame la ministre, j'ai beau être d'un tempérament pugnace, mais je sais rester raisonnable dans les combats que je mène. Aussi, je vais vous faire confiance. Mais, en retour, j'espère que vous répondrez à mes questions.

Mes chers collègues, l'application d'une telle mesure sur 30 % de la surface de la France aurait d'énormes conséquences. Bientôt, du fait de la jurisprudence, plus aucun projet ne pourrait voir le jour, alors même que les zones humides, dont je suis un fervent défenseur, ne sont absolument pas menacées.

C'est un sujet que j'ai évoqué avec le président de l'association Ramsar et une dizaine d'opérateurs. Ils admettent tous que le cumul des deux critères n'est pas vraiment ce qu'ils avaient demandé.

En parallèle, la loi ne définit toujours pas ce qu'est un étang, une zone humide ou un cours d'eau : c'est bien là sa faiblesse. Ces lacunes finissent par créer des réticences et beaucoup de conflits, notamment avec l'Office français de la biodiversité (OFB). Assimiler à un cours d'eau un étang qui demeure sans fossé depuis deux cents ans, cela pose quelques problèmes.

Encore une fois, je vous fais confiance, madame la ministre… Mais ne me décevez pas ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Me voilà soumise à un challenge redoutable, monsieur le sénateur Louault ! (Nouveaux sourires.)

Je prends devant vous l'engagement de demander dès demain aux directions concernées, notamment, outre les services du ministère de l'agriculture, la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) et la direction générale des collectivités locales (DCGL), d'organiser un groupe de travail auquel vous serez associé, afin d'étudier précisément vos propositions dans le cadre de la navette parlementaire.

M. Vincent Louault. Merci, madame la ministre !

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Décidément, nous faisons une fois de plus du bon travail dans cet hémicycle.

À partir des dispositions élaborées par les auteurs de cette proposition de la loi et par la commission, le Gouvernement est conduit à formuler une rédaction qui reprend l'esprit du présent texte et tient compte de l'importance des zones humides. Nous empruntons ainsi un chemin tout à fait fécond.

Madame la ministre, je tiens également à vous remercier : vous vous efforcez de concilier la nécessaire protection des zones humides, qui sont de véritables poumons pour nos territoires, et les projets des agriculteurs. C'est sans hésitation que je voterai cet amendement. (Exclamations les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.

M. Mickaël Vallet. Mes chers collègues, je me réjouis que nous débattions à présent de manière un peu plus sereine, et je tiens à formuler deux remarques.

Premièrement, en l'absence d'étude d'impact et de moyens d'objectiver cette question, on peut être un peu lassé d'entendre les uns et les autres revendiquer les mesures qu'ils ont prises dans leurs territoires respectifs, que ce soit au titre d'un plan local d'urbanisme (PLU) ou d'un schéma de cohérence territoriale (Scot).

Je vous en prie, calmons-nous un peu ! Si nous siégeons dans cet hémicycle, c'est que nous avons tous tâté de ces questions d'aménagement du territoire. Épargnons-nous ce genre d'arguments, cela nous fera gagner du temps. (M. Jean-Marc Boyer proteste.)

Deuxièmement, madame la ministre, nous regarderons de très près le décret qui sera pris, conformément à notre mission de contrôle de l'action du Gouvernement. Je note que votre rédaction n'est pas aussi simpliste que la version initiale : le couperet se révèle moins tranchant.

Je conclus par une invitation tout à fait spontanée : nous vous accueillerons avec plaisir en Charente-Maritime pour y visiter les zones humides. Nous pourrons parler d'élevage extensif et de notre projet de parc naturel régional (PNR), qui, sans créer ni contrainte ni norme, fait travailler tout le monde ensemble.

M. Laurent Duplomb. Ah là là…

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. L'amendement du Gouvernement tend à améliorer l'orientation initiale de ces dispositions. Il a peut-être reçu l'aval du ministère de la transition écologique ; mais, pour ma part, je reste extrêmement prudent.

L'eau est un sujet de la plus haute importance. Or nous en sommes réduits à l'aborder via un simple amendement et sous le seul angle agricole.

Il nous faut voir cette question par un prisme beaucoup plus large, notamment en tenant compte de la consommation d'eau potable et de la consommation d'eau dans le domaine industriel.

L'eau, au sens large, n'est pas du tout prise en compte dans nos travaux de ce soir ; c'est précisément pourquoi je redouble de vigilance.

Mme la ministre nous promet un travail spécifique. Dans ce cas, est-il bien sérieux d'engager ainsi le chantier, sans attendre l'organisation de la conférence sur l'eau annoncée par le Premier ministre ? À quoi va servir cette conférence ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur Vallet, sachez que j'ai moi-même contribué à créer un parc naturel régional dans mon territoire. Si vous n'êtes qu'au début de la démarche engagée avec les élus, je vous souhaite bon courage : la réalisation d'un tel projet prend dix à quinze ans.

M. Jean-Claude Tissot. Heureusement, il est jeune ! (Sourires.)

Mme Annie Genevard, ministre. L'organisation d'une conférence de l'eau à l'échelle nationale avait été annoncée par le Premier ministre Michel Barnier. François Bayrou a repris ce projet en lui donnant une dimension régionale. Je pense que c'est une bonne idée : quiconque parcourt la France du nord au sud comprend très vite que le vécu de l'eau n'est absolument pas le même dans les différents territoires.

Au travers de cet amendement, le Gouvernement vous demande simplement de prendre des dispositions pour empêcher les inondations et permettre l'accès à l'eau en vue de poursuivre une activité agricole.

Tel est d'ailleurs le sens du fonds hydraulique que mon prédécesseur Marc Fesneau a mis en place et dont j'ai annoncé les premiers lauréats il y a quelques mois. Les méthodes considérées sont multiples : réutilisation de la ressource, retenues collinaires, remise à niveau des systèmes d'adduction d'eau, etc. Tout dépend des besoins des régions. Il est donc essentiel d'organiser la conférence sur l'eau dans un cadre régional.

L'adoption de l'amendement gouvernemental ne compromettrait en rien cette démarche : aucune redondance n'est à craindre.

La conférence sur l'eau régionalisée a simplement pour but de réunir autour de la table tous ceux qui d'ordinaire ne se parlent pas, mais qui ont en commun la volonté d'aboutir. Ce point est déjà important.

Bien entendu, il appartiendra au Premier ministre de donner ses instructions. Quoi qu'il en soit, l'objectif est bien de permettre un certain nombre d'installations utiles au monde agricole, que nous voulons tous défendre et pérenniser.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé, et les amendements nos 78 rectifié, 52 rectifié nonies, 39 rectifié nonies, 38 rectifié septies, 79 rectifié, 36 rectifié nonies, 35 rectifié octies, 41 rectifié octies, 40 rectifié octies, 42 rectifié nonies, 34 rectifié octies, 20 rectifié octies, 21 rectifié nonies, 32 rectifié octies et 22 rectifié nonies n'ont plus d'objet.

Après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 28 rectifié nonies, présenté par MM. V. Louault, Chevalier, Bacci, Bonhomme, Chasseing, Grand, Brault, Laménie et L. Vogel, Mme L. Darcos, MM. Rochette et Levi, Mmes Lermytte, Sollogoub et Josende, MM. Capus et Malhuret et Mme Paoli-Gagin, est ainsi libellé :

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 215-7 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les étangs piscicoles et aquacoles en travers d'un cours d'eau non domanial sont exclus de la police de l'eau. »

La parole est à M. Vincent Louault.

M. Vincent Louault. Mes chers collègues, l'adoption de l'amendement du Gouvernement a rendu sans objet les nombreux amendements que j'avais déposés sur l'article 5. Je les aurais retirés quoi qu'il en soit ; ils ont au moins eu le mérite de mettre la pression sur le Gouvernement…

Avec ces dispositions, rédigées par les trois meilleurs cabinets d'avocats de France, nous pointions du doigt bon nombre d'irritants. Je pense en particulier aux Sage et aux Sdage, qui, pour les agriculteurs, compliquent considérablement l'accès à la ressource en eau. Je suis fier d'avoir poussé le Gouvernement au fond du terrier ! (Rires.)

Madame la ministre, je propose à présent d'exclure du champ d'application de la police de l'eau les étangs piscicoles et aquacoles situés en travers d'un cours d'eau non domanial. Par cet amendement un peu provocateur – je le reconnais –, je souligne que nous n'avons pas de solution à cet égard, car nous ne parvenons toujours pas à définir ce qu'est un étang.

En période de sécheresse, les agriculteurs se voient opposer des mesures de restriction sur les cours d'eau ordinaires, alors qu'ils disposent parfois de dizaines d'étangs, prétendument sur un cours d'eau. Ils ne peuvent plus utiliser cette ressource, alors que leurs étangs sont pleins.

En la matière, il est grand temps de renouer avec le pragmatisme : il faut stocker l'eau. M. Salmon le souligne à juste titre – vous voyez que je suis parfois d'accord avec lui ! –, il faut une gestion globale de l'eau. Si nous ne retenons pas l'eau pour l'utiliser ou créer des zones humides, nous sommes perdus.

Mme Nicole Bonnefoy. Et la préservation des sols ?

M. Vincent Louault. En créant un étang, on crée une zone humide d'accompagnement qui, in fine, recharge la nappe phréatique.

J'ignore quel sera le sort de cet amendement d'appel ; mais, en le votant ce soir, nous jetterions un véritable pavé dans la mare. J'y insiste, aujourd'hui, nos agriculteurs ne peuvent plus utiliser leurs étangs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mon cher collègue, il n'est pas souhaitable d'exclure du champ d'application de la police de l'eau les étangs piscicoles et aquacoles en travers d'un cours d'eau domanial, notamment parce que les vidanges doivent être encadrées. En conséquence, j'émets, à regret, un avis défavorable au nom de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le sénateur, ce sujet pourra être soumis au groupe de travail que je viens d'annoncer.

Le Gouvernement émet à son tour un avis défavorable.

M. Vincent Louault. Je retire mon amendement, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 28 rectifié nonies est retiré.

TITRE IV

APAISER LES RELATIONS ENTRE L'OFFICE FRANÇAIS DE LA BIODIVERSITÉ ET LES AGRICULTEURS

Intitulé du titre IV

M. le président. L'amendement n° 98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. « Apaiser les relations entre l'Office français de la biodiversité et les agriculteurs » : ce titre est effectivement engageant. J'ajoute que je souscris à l'objectif : c'est d'ailleurs tout le sens de la directive qu'Agnès Pannier-Runacher et moi-même avons adressée aux agents de l'OFB. Nous leur avons plus précisément demandé de concentrer leurs efforts sur l'apaisement des relations avec les agriculteurs, dans le cadre d'une démarche bilatérale.

Toutefois, pour des motifs d'ordre juridique, le Gouvernement suggère d'intituler le titre IV : « Mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole ». Cette formulation sonne moins bien, mais elle est juridiquement plus rigoureuse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'intitulé du titre IV est ainsi rédigé.

Article 6

L'article L. 131-9 du code de l'environnement est complété par des V et VI ainsi rédigés :

« V. – Dans chaque département, il est instauré une mission inter-services agricole présidée par le représentant de l'État dans le département. La mission inter-services agricole rassemble l'ensemble des services de l'État amenés à effectuer des opérations de contrôle en matière agricole. Elle a pour finalité la mise en œuvre d'un contrôle administratif annuel unique dans les exploitations agricoles. Elle vise également à privilégier la remise en état aux autres sanctions. Un décret précise la composition et le fonctionnement de la mission interservices agricole, ainsi que les modalités de coordination avec les instances de concertations existantes.

« VI. – Dans le cadre de l'accomplissement de leurs fonctions, les inspecteurs de l'environnement communiquent, le cas échéant, leur procès-verbal d'infraction à leur autorité hiérarchique ; celle-ci le transmet, après signature, au procureur de la République territorialement compétent. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée et Souyris.

L'amendement n° 13 est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 48 est présenté par MM. Lahellec et Gay, Mme Margaté et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l'amendement n° 6.

M. Daniel Salmon. Nous entendons beaucoup parler de l'OFB ces derniers temps, et nous arrivons sans doute à un moment de vérité.

Cet amendement vise à supprimer l'article 6. Dans la version initiale du texte, ce dernier limitait les procédures judiciaires contre les auteurs d'infractions environnementales. Or l'idée selon laquelle la plupart des agriculteurs seraient soumis à des contrôles récurrents et excessivement lourds est plus que contestable.

Alors que le sujet des contrôles prenait de l'ampleur dans le débat public, l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD), le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et l'inspection générale de la justice (IGJ), dans un rapport commandé en février 2024, ont conclu que 89 % des exploitations agricoles n'avaient pas été contrôlées par le moindre service administratif.

M. Vincent Louault. Vous exagérez !

M. Daniel Salmon. Je n'exagère pas du tout : ce sont les chiffres, cher collègue.

Je pense que l'on a instrumentalisé l'OFB et que l'on a fait courir des rumeurs quant aux contrôles menés dans les exploitations agricoles. On reproche à ses agents des faits de harcèlement, mais en la matière on peut, hélas ! aller beaucoup plus loin.

En 2021, les agriculteurs ne constituent que 19 % des 20 000 personnes soumises à un contrôle administratif, derrière les particuliers. Cela représente 3 600 contrôles sur 389 000 exploitations en France métropolitaine selon le dernier recensement agricole, celui de 2020. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. On est bien loin de ce que l'on a pu entendre ici ou là. Contrairement à ce que certains affirment, les agriculteurs ne sont pas harcelés chaque jour par les agents de l'OFB, arrivant dans les exploitations pistolet à la main.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l'amendement n° 13.

M. Jean-Claude Tissot. Par nos amendements précédents, nous exprimions notre ferme opposition au contenu de cette proposition de loi. À présent, nous demandons la suppression de l'article 6, non pas tant du fait de sa portée, mais à cause du contexte dans lequel il s'inscrit.

Nous le savons tous, les tensions entre l'OFB et les agriculteurs atteignent leur paroxysme. Nous pouvons d'ailleurs remercier M. le Premier ministre de ses dernières déclarations, qui n'ont fait que les attiser…

Disons-le d'emblée, les élus de notre groupe sont solidaires des agents de l'OFB, qui font l'objet d'attaques inacceptables. Le droit de retrait qu'ils exercent depuis le 17 janvier dernier est on ne peut plus légitime, tant le sentiment d'abandon doit être fort. À l'évidence, ils ne peuvent plus accomplir leurs missions sur le terrain en toute sécurité.

L'article 6 s'inspire des recommandations du rapport de notre collègue Jean Bacci sur l'évaluation de la loi portant création de l'OFB, présentées le 25 septembre dernier. Ce travail s'inscrivait déjà dans un contexte de troubles et de mise en cause des agents de l'OFB par certains syndicats agricoles, à la suite des manifestations de 2023.

Avec ce rapport à charge contre l'OFB, l'on cherchait manifestement à montrer patte blanche à une partie du monde agricole. On préconisait notamment la dépénalisation de certaines infractions environnementales, la généralisation d'un droit à l'erreur et la minoration des sanctions en cas de manquement avéré. On cachait à peine la volonté de proposer une réorientation des missions de l'OFB vers la prévention et l'accompagnement, au détriment d'un pouvoir de police pourtant indispensable pour protéger les milieux naturels. Voilà pourquoi nous nous étions fermement opposés à l'adoption de ce rapport.

L'article 6, tel qu'il a été réécrit en commission, ne reprend certes qu'une des propositions de ce rapport, qui, de surcroît, n'est pas la plus clivante. Toutefois, nous refusons par principe d'ouvrir ce débat en catimini, via un article isolé au sein d'une proposition de loi déposée dans l'urgence.

Si une réforme des missions, du fonctionnement et des relations de l'OFB avec l'ensemble du monde agricole devait avoir lieu demain, ce serait à l'issue d'un débat à part entière, apaisé et global, réunissant l'ensemble des acteurs. Chacune des parties prenantes devrait faire preuve d'une réelle transparence, en affichant clairement ses intentions.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour présenter l'amendement n° 48.

M. Gérard Lahellec. Sous couvert d'apaiser les relations entre l'OFB et les agriculteurs, l'article 6 réduit les peines appliquées en cas de préjudice environnemental. En définitive, il met en cause les missions de l'OFB et le sérieux de ses agents.

Le présent texte attaque directement les outils de contrôle et de surveillance environnementale en affaiblissant le pouvoir de l'Office français de la biodiversité. Une fois de plus, il porte atteinte à la démocratie environnementale en alimentant une rhétorique opposant agriculture et écologie.

Dans ces conditions, nous ferons œuvre utile en supprimant l'article 6.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Que les choses soient bien claires : nous n'entendons jeter l'anathème sur personne.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Au contraire, nous souhaitons apaiser les relations entre l'OFB et l'ensemble des acteurs agricoles.

La commission est défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 13 et 48.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L'article L. 131-9 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Au 1° , après le mot : « contribution » sont insérés les mots : « , sous l'autorité du représentant de l'État dans le département, » et après les mots : « administrative et », sont insérés les mots : « contribution, sous la direction du procureur de la République, à l'exercice des missions » ;

2° Au IV après les mots : « établissements publics de l'État », sont insérés les mots : « , notamment en validant la programmation annuelle des contrôles réalisés dans le cadre de ces missions. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à renforcer les pouvoirs du préfet, qui est déjà délégué territorial de l'OFB, en faisant de lui le coordinateur des missions de police administrative de l'office.

En renforçant le rôle du préfet, nous améliorerons l'organisation des contrôles de la police de l'environnement et donc – j'en suis intimement persuadée – les relations entre les agents chargés de cette police et les usagers.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, il est minuit. Comme l'a suggéré Mme la présidente de la commission, je vous propose de prolonger nos débats afin d'achever l'examen du présent texte ce soir.

Il n'y a pas d'observation ?…

Il en est ainsi décidé.

L'amendement n° 99, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement tend à supprimer l'alinéa 2 de l'article 6.

Les missions interservices agricoles (Misa) ont été mises en place sous mon autorité, avec le contrôle administratif unique. Elles se sont déjà réunies, et elles fonctionnent bien. Dès lors, il n'est pas nécessaire d'inclure de telles dispositions dans la loi, d'autant qu'elles sont de nature réglementaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. J'avais moi-même proposé de faire figurer les Misa dans la loi, au même titre que les missions interservices de l'eau et de la nature (Misen) et les comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (Colden).

Mes chers collègues, contrairement aux apparences, il ne s'agit pas d'un détail. Le 24 octobre 2024, lors des questions d'actualité au Gouvernement, j'ai interrogé M. le garde des sceaux sur un cas précis : cinquante gendarmes se sont présentés, à huit heures du matin, dans une exploitation agricole d'Indre-et-Loire. Il s'agissait de constater telle ou telle infraction. Or, cinq mois plus tard, le procureur n'y a toujours pas donné suite.

Le préfet Latron, parti depuis à La Réunion…

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Excellent préfet !

M. Vincent Louault. … tout à fait, mon cher collègue.

Le préfet Latron m'avait alors fait cette confidence : il n'avait pas été mis au courant de la mobilisation de cinquante membres des forces de l'ordre. On peut déplorer, sinon une forme de défiance, du moins un manque d'information et de coordination.

Comme je l'ai écrit à Bruno Retailleau, il faut clarifier formellement la répartition des rôles dans le contrôle des agriculteurs. L'usage reste la délation : selon la charte de l'environnement, toute personne ayant notion d'une atteinte à l'environnement doit la dénoncer. Mais on en fait un usage abusif. C'est ce qui s'est passé pour ce pauvre agriculteur, dénoncé par un voisin et par l'association environnementale locale.

On ne peut pas fonctionner ainsi, sur la base de la délation. Cet état d'esprit est détestable pour les agriculteurs.

Je voterai donc cet amendement, madame la ministre ; mais il ne faudra pas oublier d'être très strict dans l'application des décrets, dont l'appréciation est souvent laissée aux procureurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

.... - À la première phrase du second alinéa de l'article L. 172-16 du code de l'environnement, après le mot : « adressés », sont insérés les mots : « par voie hiérarchique ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Cet amendement vise à sécuriser juridiquement le principe de transmission hiérarchique des procès-verbaux, voté en commission des affaires économiques. La procédure ainsi créée sera alignée sur celles qui sont issues de la procédure pénale classique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Après l'article L. 174-2 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 174-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 174-3 I. – Dans le cadre de leurs missions de police de l'environnement définies par le présent titre, les inspecteurs de l'environnement mentionnés à l'article  . 172-1 du présent code et les agents commissionnés des réserves naturelles nationales, régionales, ou de Corse et aux gardes du littoral peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées.

« II. – L'enregistrement n'est pas permanent.

« Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions de ces agents, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.

« III. – Les caméras sont portées de façon apparente par les agents mentionnés au I. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l'enregistrement fait l'objet d'une information des personnes enregistrées, sauf si les circonstances l'interdisent. Une information générale du public sur l'emploi de ces caméras est organisée par les ministères chargés de l'Agriculture et de l'Environnement.

« IV. – Les agents auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.

« Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d'une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de trente jours.

« Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l'intégrité des enregistrements jusqu'à leur effacement et la traçabilité des consultations lorsqu'il y est procédé dans le cadre de l'intervention.

« Ces enregistrements sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et le droit d'accès aux enregistrements.

« V. – Les modalités d'application du présent article et d'utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

…. – Le IV du présent article entre en vigueur à compter de la publication du décret prévu au V de l'article L. 174-3 du code de l'environnement issu de la loi … du … visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur et au plus tard un an suivant la promulgation de la loi.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Lorsque j'ai commencé à travailler sur l'apaisement des relations entre les contrôleurs de l'OFB et les agriculteurs, j'ai proposé d'examiner le dispositif des caméras-piétons. Les policiers et les pompiers en sont déjà dotés, et il a fait ses preuves.

La caméra-piéton permet, à l'évidence, d'apaiser les tensions. Son déclenchement abaisse immédiatement le niveau d'intensité du conflit.

C'est la raison pour laquelle je vous propose, au travers de cet amendement, d'habiliter les inspecteurs de l'environnement, notamment ceux de l'OFB, à mettre en œuvre le port d'une caméra individuelle par les agents chargés de missions de police administrative et de police judiciaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Les caméras-piétons permettent bel et bien d'apaiser un certain nombre de situations : tout le monde y gagnera. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 180 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 234
Contre 108

Le Sénat a adopté.

Après l'article 6

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 24 rectifié sexies est présenté par MM. V. Louault, Brault, Médevielle, Chevalier, Bacci, Chasseing, Grand, Laménie, L. Vogel et Cambier, Mmes L. Darcos et Housseau, MM. Rochette et Levi et Mme Paoli-Gagin.

L'amendement n° 102 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L'intitulé du chapitre VIII est ainsi rédigé : « Macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux et macro-organismes utilisés dans le cadre de la lutte autocide » ;

2° L'article L. 258-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

- À la première phrase, après le mot : « végétaux » sont insérés les mots : « ou d'un macro-organisme utilisé dans le cadre de la lutte autocide » ;

- À la seconde phrase, les mots : « cet organisme peut » sont remplacés par les mots : « ces macro-organismes peuvent » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

- À la première phrase, les mots : « d'un tel macro-organisme » sont remplacés par les mots : « de tels macro-organismes » ;

- À la dernière phrase, les mots : « cet organisme » sont remplacés par les mots : « ces macro-organismes ».

La parole est à M. Vincent Louault, pour présenter l'amendement n° 24 rectifié sexies.

M. Vincent Louault. Cet amendement, qui m'est cher, a pour objet les insectes stériles.

Prenons l'exemple de la noisette : lorsque vous lâchez un grand nombre de balanins mâles dans la nature, ils fécondent les femelles, qui pondent sur les noisettes en les marquant d'un « code-barres » pour éviter qu'une autre femelle ne ponde dessus. Les œufs sont stériles et la noisette est sauvée.

Cette technique, très réglementée en France, est soumise à une simple dérogation de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) et du préfet de région. On l'utilise notamment pour lutter contre les moustiques dans le sud de la France.

Madame la ministre, je vous remercie d'avoir permis la recevabilité de notre amendement, qui sanctuarise cette méthode. Actuellement, nous importons 100 % de la technologique requise ; elle vient du Canada et des États-Unis. Or faire venir des insectes de pays étrangers est fortement déconseillé, notamment pour des raisons relevant de la parasitologie.

Ainsi, nous pourrons recentraliser la filière française des insectes stériles et trouver des solutions de biocontrôle, monsieur Salmon, afin de sortir des pesticides d'une manière satisfaisante pour tout le monde.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° 102.

Mme Annie Genevard, ministre. Je n'ajouterai rien à l'excellente démonstration du grand spécialiste de l'insecte stérile qu'est M. le sénateur Louault. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Mon cher collègue, je vous remercie des perspectives que vous ouvrez en défendant cette solution ! La commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 rectifié sexies et 102.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.

L'amendement n° 103, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi concernant, en vue d'assurer l'efficacité et la cohérence de l'action des services de contrôles de l'État, le régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux prévu par les titres V et VII du livre II du code rural et de la pêche maritime pour :

1° Adapter l'échelle des peines et réexaminer leur nécessité, en tenant compte de ce que le manquement a été commis à l'occasion de l'exécution d'obligations légales ou réglementaires relatives à la protection des végétaux, y compris en créant de nouvelles sanctions pénales et en substituant à des sanctions pénales existantes un régime de répression administrative ;

2° Adapter le contenu et les modalités d'exécution des mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers phytosanitaires ;

3° Abroger ou modifier les dispositions devenues inadaptées ou obsolètes.

II.- Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance prévue par le présent article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Le Gouvernement souhaite être habilité à légiférer par ordonnance afin d'améliorer les leviers mobilisables par les services de l'État à l'encontre des propriétaires ne prenant pas les mesures de lutte contre les organismes nuisibles de quarantaine.

La dissémination de ces ravageurs dangereux pour les cultures, peu présents sur le territoire, voire absents de ce dernier, doit être impérativement limitée, afin de minimiser leurs effets sur l'économie. C'est par exemple le cas de la flavescence dorée, que les viticulteurs connaissent bien – M. Cabanel le confirmera sans doute (M. Henri Cabanel opine.) –, car il s'agit d'une maladie mortelle pour la vigne. Je pense aussi au scarabée japonais, qui, heureusement, n'a encore jamais été détecté en France.

Afin de limiter la dissémination de ces ravageurs, il faut prendre des mesures de lutte collective le plus tôt possible après l'identification d'un foyer.

Ainsi, il faut arracher au plus vite les vignes malades et détruire les végétaux infestés. Pour obtenir des résultats, il est fondamental que tous les propriétaires concernés appliquent les bonnes mesures. En cas de défaillance, les services de l'État disposent de différents leviers pour les mettre en œuvre, mais malheureusement ces procédures n'aboutissent pas toujours.

En outre, la nature délictuelle du régime de sanctions en vigueur alourdit les procédures pénales et empêche la gradation entre les différents manquements.

L'ordonnance demandée permettrait d'adapter le dispositif de sanction pénale pour le rendre à la fois plus proportionné et plus opérationnel.

M. le président. Le sous-amendement n° 111, présenté par M. Cuypers, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Amendement 103, alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots : 

, notamment en vue d'améliorer la lutte contre la flavescence dorée

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Cuypers, rapporteur. Nous ne sommes pas de grands adeptes des habilitations à légiférer par ordonnance. Toutefois, en l'occurrence, cela permettrait de traiter une problématique touchant la filière viticole : la propagation de la flavescence dorée.

Je propose donc un sous-amendement tendant à préciser ce point. Sous réserve de son adoption, la commission est favorable à l'amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 111 ?

Mme Annie Genevard, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Il s'agit d'un excellent amendement. Je n'ai qu'un regret, madame la ministre, c'est qu'une telle initiative n'ait pas été prise plus tôt : on aurait ainsi évité la propagation des scolytes à travers la forêt. On aurait évité le saccage forestier provoqué, dans les années 1950, par le bostryche.

C'est en procédant ainsi que nous serons les plus efficaces pour protéger la nature et la biodiversité.

Mme Annie Genevard, ministre. Merci, monsieur le sénateur !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 111.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 6.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Avant tout, je remercie de leur travail notre rapporteur, Pierre Cuypers et la présidente de notre commission.

Madame la ministre, je tiens également à vous remercier. Voilà quelques mois que nous travaillons sur ce sujet. Au début, vous n'y croyiez pas et j'y croyais beaucoup. Puis vous y avez beaucoup cru, quand pour ma part je n'y croyais plus... (Sourires.)

Nos débats de ce soir marquent, pour moi, l'aboutissement de sept années de travail accomplis au Sénat. J'ai essayé, du mieux que j'ai pu, de démontrer que nous avions besoin d'évoluer sur certains sujets.

Certes, nous pouvons voir les choses différemment, mais je suis persuadé que ce texte ouvre une nouvelle page de l'agriculture française ; qu'il permettra de voir l'avenir de manière plus objective et plus rationnelle. Ainsi, nous donnerons des éléments de réponse à tous ceux qui, même si certains n'aiment pas que je le dise, travaillent 70 heures par semaine ; à ceux qui attendent des réponses, non pas pour travailler moins, mais pour travailler mieux, et continuer à travailler plus que les autres.

Voir que nous ouvrons une nouvelle perspective me fait énormément plaisir. Nous mettons enfin un coin dans la porte.

D'interdiction en interdiction, notre vision de l'agriculture française a été totalement déformée. Or, tout ce que nous voulons, c'est redevenir fiers : fiers de nos paysages, fiers de nos paysans, fiers de l'agriculture française. C'est ainsi que nous retrouverons une France forte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Tissot. Sans surprise, comme nous l'avons annoncé lors de la discussion générale, les élus du groupe socialiste voteront contre cette proposition de loi.

Je ne reviendrai pas sur chacun des points clivants de ce texte : il y en a trop – j'ai même envie de dire qu'il n'y a que cela.

Au sujet de la réautorisation des néonicotinoïdes, je le disais ici même en octobre 2020, lors de l'examen du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières : accorder une dérogation pour la filière de la betterave sucrière, ce serait ouvrir la boîte de Pandore. Aujourd'hui, nous sommes allés plus loin encore : je le regrette amèrement et sincèrement, au-delà de toute considération politique. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)

Nous parlons tout de même d'un produit, l'acétamipride, qualifié par le directeur scientifique agriculture de l'Inrae, devant notre commission des affaires économiques il y a moins de deux ans, de « chlordécone de l'Hexagone ».

Aujourd'hui, sur les travées de la droite, il n'a quasiment jamais été question ni de santé ni d'environnement – je ne sais même pas si vous avez prononcé ces termes ! Vous vous appuyez uniquement sur des arguments économiques et de compétitivité. Vous prétendez défendre les paysans, mais en réalité vous négligez leur santé.

Au sujet de l'environnement, au moins, vous êtes sincères : vous ne prétendez même pas vouloir le préserver.

Enfin, madame la ministre, je regrette la méthode retenue par le Gouvernement. En déposant plus d'une quinzaine d'amendements à la dernière minute, vous avez court-circuité notre travail. Il conviendrait vraiment, à l'avenir, de mieux travailler sur les textes que nous examinerons.

En cohérence avec les positions exprimées au cours du débat, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'opposeront à cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Contrairement à M. Duplomb, je ne pense pas que l'on tourne une page : à mon sens, nous continuons la même.

Le modèle sous-tendu par cette proposition de loi est celui des dernières décennies : un modèle qui a vidé nos campagnes de tous ses habitants, à commencer par ses paysans, et de sa biodiversité.

Les mots eux-mêmes ont changé. Nous sommes passés de la ferme à l'exploitation agricole, et ce terme n'est pas anodin : aujourd'hui, on exploite bel et bien les agriculteurs, car travailler 70 heures pour un salaire de misère, c'est se faire exploiter. On exploite les sols. On exploite les ressources. Ce modèle est tout sauf durable, et je regrette sincèrement que l'on poursuive dans cette voie.

On a parlé d'environnement : on ne doit ni opposer nature et agriculture ni sacrifier l'une à l'autre. Nous avons tous conscience que notre environnement est essentiel pour que, demain, l'agriculture puisse encore vivre dans ce pays.

Nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Si l'on veut encourager les jeunes et les moins jeunes à devenir agriculteurs, il faut leur proposer un autre modèle : un modèle réenchanté, un modèle qui donne envie.

M. Jean-Marc Boyer. C'est sûr…

M. Daniel Salmon. Cela ne se fera pas avec cette proposition de loi, qui perpétue l'industrialisation de l'agriculture.

M. Laurent Duplomb. Oh là là…

M. Daniel Salmon. Nous avons parlé de paysages : avec un tel texte, on va poursuivre l'agrandissement, la dévastation des paysages et la destruction de ce qui fait l'essence du monde rural, à savoir l'agriculture.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.

Mme Nicole Bonnefoy. Chers collègues de la droite sénatoriale, ce soir, nous avons beaucoup parlé de normes, qu'elles soient environnementales ou sanitaires ; et ces mêmes normes ont souvent été mises en cause.

Or, comme nous l'avons dit, les normes protègent l'environnement et la santé, à commencer par celle des exploitants, de leurs salariés et de leur famille. Surtout, elles sont l'unique argument pour s'opposer, par exemple, à un accord entre l'Union européenne et le Mercosur. Lorsqu'elles auront disparu, comme vous le souhaitez, plus rien ne fera obstacle à un libre-échange débridé. Les agriculteurs réaliseront sans doute, à ce moment-là, qu'ils ont été trompés – mais il sera un peu tard. Vous en serez tenus responsables.

Nous avons aussi beaucoup parlé d'économie, ce soir, en disant qu'il fallait lever les contraintes. Pour ma part, je vous parlerai des familles, même si d'aucuns diront sans doute qu'il ne faut pas évoquer ces sujets…

Des familles réclament au Gouvernement d'agir enfin contre un cluster de cancers pédiatriques découvert dans la plaine d'Aunis, près de La Rochelle. Au nom du principe de précaution, elles demandent un moratoire sur les pesticides. Elles ont financé elles-mêmes une étude, qui a conclu à la présence de pesticides dans l'organisme de soixante-dix enfants.

Tous les enfants sont touchés, y compris par des pesticides aujourd'hui interdits. Au-delà de ce moratoire, les parents veulent plus d'agriculteurs, parce que ces derniers sont responsables. En revanche, ils veulent moins de pesticides. Et que leur répondez-vous, avec cette proposition de loi ? Que vous en voulez plus, y compris des produits jusque-là interdits du fait de leur dangerosité, parce que votre modèle agricole, votre modèle économique en ont besoin. (Mme Anne-Sophie Romagny manifeste son désaccord.) Vous en porterez aussi la responsabilité.

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour explication de vote.

M. Vincent Louault. Je vous remercie à mon tour, madame la ministre, parce que, comme Laurent Duplomb, je n'y croyais plus. Nous avons beaucoup travaillé avec vos équipes, que je tiens à saluer également, de même que celles de Mme la ministre chargée de la transition écologique.

Il n'est jamais facile de faire des concessions, qui plus est pour des personnalités très fortes, comme nous le sommes tous au Sénat. Je remercie d'autant plus Pierre Cuypers pour l'excellente tenue de ces débats.

Mon père a quitté le Sénat pour une seule raison : il avait abouti à cette conclusion que, dans notre pays, il était devenu presque impossible de faire quoi que ce soit – ne serait-ce que desserrer un boulon... Il est donc rentré chez lui, tranquille, à 74 ans, alors qu'il aurait pu briguer un mandat de plus.

Je suis d'autant plus fier, ce soir, d'avoir pu desserrer quelques boulons en faveur de l'agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. le rapporteur et M. Yves Bleunven applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.

M. Henri Cabanel. Ce texte a évolué depuis sa version initiale, qui posait quelques difficultés aux membres du RDSE – à moi en particulier. La commission a pris soin de l'améliorer. Quant à Mme la ministre, elle est parvenue à nous rassurer, et je l'en remercie.

Nous n'arriverons pas à concilier les convictions des uns et des autres, mais, je le répète, notre groupe n'en est pas moins à la recherche du juste équilibre.

Or, ce juste équilibre, nous l'avons trouvé au fil de nos débats, entre l'économie, l'environnement et la santé. Je reste convaincu que s'il y a une asymétrie entre ces trois curseurs, cela ne peut pas fonctionner.

Il faut avancer doucement et préserver cet équilibre : il me semble que nous y sommes arrivés ce soir, même si des interrogations demeurent.

Les doutes que nous avions sur l'Anses ont été levés – je pense en particulier à la réintroduction des néonicotinoïdes. En revanche, il faudrait conditionner l'apport en eau à un diagnostic des sols, bien souvent appauvris par des décennies de chimie. Sur des sols non restructurés en matière organique, l'irrigation est inefficiente ; j'espère que nous en reparlerons et que nous trouverons des solutions.

Les élus du RDSE voteront en grande majorité pour ce texte.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour explication de vote.

M. Bernard Buis. Plus de la moitié des sénateurs ont cosigné cette proposition de loi de nos collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, que je tiens à remercier.

De même, je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre de leur sens de l'écoute et de leurs propositions constructives, tout au long de la soirée.

Ce texte, dont l'examen arrive à son terme au Sénat, a été sensiblement amélioré, et le juste équilibre trouvé répond à une attente de nos agriculteurs. Reste maintenant à apporter de nouvelles réponses au travers du projet de loi d'orientation agricole, dont nous débattrons bientôt dans cette enceinte, en espérant que nos collègues députés les reprennent en grande partie.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

M. Franck Menonville. Madame la ministre, en tant que coauteur du présent texte, je tiens moi aussi à vous remercier de votre écoute tout au long de ce travail, avant le passage en commission comme en séance publique.

Vous avez eu à cœur de trouver un équilibre et de garantir la solidité de cette proposition de loi.

Laurent Duplomb et moi-même avons rédigé ce texte à la suite de nombreux travaux du Sénat. Nous savions que certains points étaient perfectibles. À ce titre, je salue le travail remarquable de notre rapporteur, Pierre Cuypers, et la confiance témoignée par la présidente de notre commission, Dominique Estrosi Sassone.

Chers collègues, je vous remercie également toutes et tous : même s'il existe des clivages, bien naturels, dans notre hémicycle, nos échanges ont été constructifs. Nous avons su suivre une ligne de crête et mener, ce faisant, un travail utile, nécessaire et attendu par nos agriculteurs.

Bref, merci pour nos agriculteurs ; merci pour notre agriculture. La semaine prochaine, nous compléterons notre travail législatif avec le projet de loi d'orientation agricole, chargé de renforcer notre souveraineté alimentaire – il s'agit là d'un enjeu essentiel – et d'assurer le renouvellement des générations. La suppression de normes à laquelle nous avons procédé aujourd'hui permettra de faciliter le métier d'agriculteur ; mais nous devons encore œuvrer en ce sens.

Enfin, ce travail ne doit pas être qu'agricole : tous les maillons de la chaîne économique de notre pays doivent faire l'objet d'un effort de simplification. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.

M. Daniel Gremillet. Ce texte est effectivement assez important, car, dans l'ensemble, il permet de donner à l'agriculture française les atouts qu'offrent les règles européennes.

Madame la ministre, vous avez largement contribué à apaiser nos débats : soyez-en remerciée.

L'ambition que nous caressons est d'accroître encore les atouts de nos campagnes pour que, demain, les paysans remplissent davantage l'assiette des Français. Année après année, cette dernière s'est vidée des produits de nos territoires.

Parler de « modèles agricoles », comme on l'a beaucoup fait ce soir, c'est au fond méconnaître ce qu'est l'agriculture ; c'est méconnaître sa richesse humaine.

L'agriculture, ce sont des femmes et des hommes qui, s'ils travaillent tous à leur manière, suivent les mêmes règles, pour les mêmes productions, et en visant le même objectif : offrir des produits de qualité, respectueux de la santé humaine. Nos agriculteurs – faut-il le rappeler ? – ne sauraient mettre sur le marché des produits non conformes.

Je remercie Laurent Duplomb, Franck Menonville et M. le rapporteur. Ce texte offre une chance supplémentaire à nos territoires. Il nous permettra de reconquérir des parts de marché en créant de la valeur ajoutée. Surtout, il nous permettra d'agir plus efficacement encore pour préserver la santé de nos concitoyens et nourrir la population française.

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour explication de vote.

M. Gérard Lahellec. Je salue avec respect le travail accompli au cours des dernières semaines par M. le rapporteur, par Mme la ministre et ses services, ainsi que par les auteurs de cette proposition de loi.

Toutefois, en focalisant nos débats sur la question des normes, nous risquons fort de nous tromper de colère.

La colère existe et les attentes sont fortes dans nos fermes, sur les plans économique et social. Mais, à mon sens, la cause de ces difficultés dépasse très largement le sujet des normes.

Parmi les questions qui se posent, il en est une, centrale : le faible retour de la valeur ajoutée à la ferme, chez ces gens qui travaillent 70 heures par semaine. Je n'aurai pas l'outrecuidance de me comparer à eux, étant issu d'une petite ferme : le travail est plus dur dans les grandes exploitations, ce qui d'ailleurs devrait nous interpeller.

Enfin, je forme le vœu que nos débats à venir n'éludent pas les questions de fond auxquelles nous sommes confrontés, tout en évitant d'alimenter le clivage entre les considérations environnementales et la ferme.

Nos agriculteurs sont les aménageurs de l'espace. Ils souhaitent continuer à l'être, me semble-t-il.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. M. Laurent Duplomb a affirmé qu'il était fier du travail qu'il avait réalisé. Certes. Pour ma part, fier, je ne peux pas l'être au vu du résultat obtenu et de l'orientation qui a été votée.

Nous avons établi un constat commun : l'agriculture se trouve dans une situation très grave, très dure, très complexe. Nous avons de manière succincte analysé les raisons ayant conduit à cette situation. Pourtant, nous persistons dans une fuite en avant : nous ne comprenons pas ce qui se passe et nous poursuivons dans la même voie.

Dès lors, je doute fort que nous ayons ce soir rendu service aux agriculteurs, aux paysans de notre pays qui travaillent dur et qui font vivre nos territoires et nos villages, et qu'en prenant cette orientation nous les ayons véritablement aidés.

Tout d'abord, en autorisant de nouveau au moins trois néonicotinoïdes, nous commettons une grave erreur.

Mme Anne-Sophie Romagny. Non, un seul !

M. Guillaume Gontard. Nous savons qu'il s'agit de produits dangereux pour la santé, pour l'environnement et pour l'eau. Nous aurions pu choisir d'autres solutions et je ne suis pas fier de ce vote.

Je ne suis pas fier non plus que nous soyons revenus sur la concertation, la consultation et les enquêtes publiques, lesquelles me semblent pourtant constituer le cœur même du sujet. Si nous voulons véritablement parvenir à partager des projets et à les faire accepter, il nous fallait au contraire renforcer ces procédures.

Enfin, alors que l'eau, notre bien commun, est indispensable et constitue aujourd'hui un enjeu crucial, nous avons abordé la question par le petit bout de la lorgnette, en nous obstinant à vouloir toujours consommer davantage, sans jamais chercher à remettre en cause le modèle actuel.

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour explication de vote.

Mme Kristina Pluchet. Je tiens à mon tour à remercier mes collègues Laurent Duplomb et Franck Menonville, ainsi que M. le rapporteur et Mme la ministre de ce premier pas accompli ce soir afin de répondre aux revendications de l'immense majorité des agriculteurs.

Je souhaite également exprimer ma gratitude à tous ces agriculteurs qui, cet automne, ont manifesté dans le calme et mis en lumière que nous étions allés beaucoup trop loin dans la surenchère normative.

D'une certaine manière, parce que cette revendication est partagée par les collectivités et par l'ensemble des entreprises, ils ont permis d'amorcer le long chemin de la simplification pour tous dans ce pays.

Vive le bon sens paysan ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Permettez-moi à mon tour de remercier très chaleureusement les auteurs de cette proposition de loi, MM. Laurent Duplomb et Franck Menonville, épaulés par M. Vincent Louault, ainsi que le rapporteur M. Pierre Cuypers, qui endossait pour la première fois ce rôle au banc des commissions. Bravo, mon cher collègue, pour ce rapport de qualité et pour les débats apaisés que vous avez su mener.

Mes remerciements vont également à Mme la ministre ainsi qu'à ses équipes. Je n'oublie pas les services de la commission des affaires économiques, qui ont accompli un travail remarquable, travail qu'ils vont poursuivre jusqu'à la fin du mois de février, la commission devant examiner plusieurs autres textes consacrés à l'agriculture.

Madame la ministre, je tiens à saluer très sincèrement votre engagement, votre courage, votre soutien et votre écoute. Vous avez permis que ce texte mette en débat de véritables sujets, parfois des irritants, en revenant notamment sur des surtranspositions de droits et de règles européennes qui contraignent lourdement les agriculteurs et obèrent la compétitivité de l'agriculture. C'était nécessaire.

Vous avez permis de dégager des compromis intelligents et exigeants afin de persévérer dans cette voie et de rassurer le monde agricole, qui nous a regardés ce soir.

Ces acteurs, que le Sénat a su écouter, ont trouvé en vous une interlocutrice de qualité qui entend agir de concert avec eux pour faire de notre agriculture une fierté nationale.

Merci également d'avoir engagé la procédure accélérée, ce qui n'allait pas de soi. Cela permettra un examen très rapide de ce texte par l'Assemblée nationale.

Comme je l'ai indiqué, nous entamons une longue séquence législative consacrée à l'agriculture : jeudi, nous examinerons une proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie, sur l'initiative de M. Salmon, et, la semaine prochaine, une proposition de loi portant diverses mesures visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d'agriculture et de la mutualité sociale agricole, concernant la démocratie agricole.

Je pense surtout, madame la ministre, au PLOA, pour lequel vous vous êtes tant battue et qui a été malheureusement suspendu et repoussé. Vous avez inlassablement réclamé son inscription à l'ordre du jour, car vous entendiez honorer les engagements pris devant le monde agricole.

Ainsi, du 4 au 14 février prochain, nous aurons l'occasion de débattre de nouveau de tous ces sujets. Je sais que tous ensemble, sénateurs et Gouvernement, nous pourrons continuer à œuvrer contre le découragement et le désarroi des agriculteurs, ainsi qu'à lutter contre l'inflation normative, dans un esprit de respect mutuel, tout en affirmant nos convictions, comme l'ont fait ce soir MM. Laurent Duplomb et Franck Menonville.

Pour autant, monsieur Lahellec, j'ai bien compris que notre attention ne saurait se limiter aux normes. Bien d'autres enjeux devront être abordés, lors de l'examen du PLOA, voire à l'occasion de la discussion d'autres textes, car tous ces sujets ne pourront figurer dans ce seul projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le président, je tiens à vous remercier pour votre présidence de séance et, à mon tour, exprimer ma satisfaction à cette heure avancée.

Au travers de ce texte, nous avons évoqué des sujets difficiles sur lesquels on nous promettait les foudres de tout le monde.

M. Vincent Louault. Tout à fait !

Mme Annie Genevard, ministre. Je remercie les auteurs de cette proposition de loi, MM. Laurent Duplomb et Franck Menonville, qui n'ont pas ménagé leur peine et qui ont mis tout leur tempérament pour défendre ce texte, épaulés par M. Vincent Louault avec son sens de la métaphore fleurie et son tempérament non moins marqué. (Sourires sur les travées du groupe INDEP.)

Je remercie M. le rapporteur, cher Pierre Cuypers, de sa contribution, ainsi que Mme la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, qui n'a eu de cesse de nous soutenir dans cette démarche visant à rapprocher des points de vue que l'on nous disait inconciliables.

J'exprime également ma sincère gratitude à tous ceux qui ont œuvré au bon accompagnement de ce texte et à la recherche de solutions : les services de la commission des affaires économiques, ceux de mon ministère, mais aussi ceux du ministère de la transition écologique.

En effet, sur les six articles que comportait ce texte, cinq ont été travaillés avec le ministère de la transition écologique en vue de dégager des solutions d'équilibre.

Ma conviction profonde est qu'opposer environnement et agriculture constitue une impasse. C'est la raison pour laquelle nous avons accompli ce travail visant à définir des voies de passage avec ce ministère. Certes, celles-ci sont plus complexes, peut-être moins tonitruantes, mais elles apporteront des solutions extrêmement attendues par les agriculteurs.

Ce soir, j'en suis convaincue, nous avons tous ensemble fait œuvre utile pour eux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe Les Républicains, la deuxième, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et, la troisième, de la commission des affaires économiques.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 181 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 233
Contre 109

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Louault applaudit également.)

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 28 janvier 2025 :

À quatorze heures trente et le soir :

Proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte de la commission n° 254, 2024-2025) et proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée ; texte de la commission n° 255, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 28 janvier 2025, à zéro heure quarante-cinq.)

nomination de membres de commissions, d'une commission d'enquête et de délégations sénatoriales

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Jean-Marc Delia est proclamé membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Laurence Garnier est proclamée membre de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a présenté une candidature pour la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Patrice Joly est proclamé membre de la commission d'enquête aux fins d'évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière, la criminalité organisée et le contournement des sanctions internationales, en France et en Europe, et de proposer des mesures face aux nouveaux défis, en remplacement de M. Michaël Weber, démissionnaire.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux entreprises.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Éric Dumoulin est proclamé membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, en remplacement de M. Jean-Baptiste Olivier.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux outre-mer.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Agnès Canayer est proclamée membre de la délégation sénatoriale aux outre-mer, en remplacement de M. Mathieu Darnaud, démissionnaire.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux entreprises.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Laurence Garnier est proclamée membre de la délégation sénatoriale aux entreprises, en remplacement de M. Alain Cadec, démissionnaire.

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER