M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 112 rectifié est présenté par M. Gold, Mme Jouve, MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Daubet, Fialaire et Grosvalet, Mme Guillotin, MM. Guiol et Laouedj, Mme Pantel et M. Roux.

L’amendement n° 773 rectifié ter est présenté par MM. Stanzione et P. Joly, Mme Conway-Mouret, MM. Omar Oili, Pla et Bourgi, Mme Monier et MM. Chaillou et Michau.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 8° De promouvoir la préservation, la conversion et le développement de l’agriculture et des filières biologiques, au sens de l’article L. 641-13, pour atteindre, d’ici au 1er janvier 2027, 18 % de surface agricole utile cultivée en agriculture biologique et en 2030, 21 % de surface agricole utile cultivée en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13, ainsi que les autres objectifs inscrits dans le programme national sur l’ambition en agriculture biologique, en permettant à la fois aux filières biologiques d’accéder à l’ensemble des outils nécessaires au pilotage des volumes, au suivi des marchés, à la collecte des données de production et de partage de la valeur et en stimulant la demande par la communication sur l’agriculture biologique, et la fixation d’objectifs de consommation par secteur. Les politiques d’installation et de transmission d’exploitations agricoles concourent à ces objectifs ;

La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 112 rectifié.

M. Philippe Grosvalet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l’amendement n° 773 rectifié ter.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à réintroduire dans le code rural et de la pêche maritime des objectifs de surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique. Les dispositions de ce code s’aligneraient ainsi avec les différents plans publics, notamment avec les objectifs inscrits dans la déclinaison de la PAC appelée plan stratégique national (PSN), qui prévoit 18 % de surfaces bio en 2027, et, dans le cadre de la planification écologique, 21 % de surfaces bio en 2030.

Comme cela vient d’être dit, ce système de production est considéré par France Stratégie comme le plus abouti de l’agroécologie, alliant performance environnementale et économique.

M. le président. L’amendement n° 564 rectifié, présenté par MM. Salmon et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus et Fernique, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 8° De promouvoir la préservation, la conversion et le développement de l’agriculture et des filières biologiques, au sens de l’article L. 641-13, pour atteindre, en 2030, 21 % de surface agricole utile cultivée en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13, ainsi que les autres objectifs inscrits dans le programme national sur l’ambition en agriculture biologique, en permettant à la fois aux filières biologiques d’accéder à l’ensemble des outils nécessaires au pilotage des volumes, au suivi des marchés, à la collecte des données de production et de partage de la valeur et en stimulant la demande par la communication sur l’agriculture biologique, et la fixation d’objectifs de consommation par secteur. Les politiques d’installation et de transmission d’exploitations agricoles concourent à ces objectifs ;

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Cet amendement a un objet similaire.

L’ambition de ce projet de loi est de relever le défi du renouvellement des générations. En ce sens, l’agriculture biologique est centrale, puisqu’elle est plébiscitée par les jeunes qui souhaitent s’installer en agriculture : 30 % à 50 % des futurs agriculteurs et agricultrices veulent faire du bio, parce qu’ils recherchent une activité qui ait du sens et qui apporte une qualité. L’agriculture biologique apporte ce sens et cette qualité.

Le secteur bio a fait ses preuves en matière économique et environnementale. Il a su créer son propre marché, qui atteint aujourd’hui plus de 13 milliards d’euros. S’il connaît des difficultés aujourd’hui, ce n’est surtout pas le moment de baisser pavillon ! Nous devons au contraire être très volontaires, car ce système d’avenir a su convaincre les agriculteurs : 16 % des fermes françaises sont aujourd’hui en bio.

Il faut conforter cet objectif, même si la filière connaît des difficultés, parce que la France doit être ambitieuse pour ses agriculteurs, pour son environnement et pour ses citoyens.

M. le président. L’amendement n° 806, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 8° De promouvoir la préservation, la conversion et le développement de l’agriculture et des filières biologiques, au sens de l’article L. 641-13, en veillant à l’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché national, pour atteindre les objectifs inscrits dans le programme national sur l’ambition en agriculture biologique, et d’atteindre une surface agricole utile cultivée en agriculture biologique de 21 % au 1er janvier 2030 ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Cet amendement vise à réintroduire, à l’alinéa 28, l’ambition en matière de promotion, de préservation et de développement de l’agriculture et des filières biologiques. Il s’agit également, dans un souci de visibilité et de cohérence avec l’alinéa 29, de réintroduire un objectif chiffré.

L’objectif retenu est celui qui figure dans le programme national pour l’agriculture biologique, dit Ambition Bio 2027, soit 21 % de surfaces agricoles utiles cultivées en agriculture biologique d’ici au 1er janvier 2030. Pour avoir participé à la discussion sur ce sujet à l’Assemblée nationale, je puis vous dire que cette question a beaucoup fait débat !

L’objectif de 21 % de surfaces agricoles en bio, qui est connu et figure dans de nombreux documents et lois, représente une perspective. C’est d’ailleurs presque un idéal parce qu’aujourd’hui le taux de surface agricole utilisée en bio est d’environ 10 % et il est déjà difficile de trouver des débouchés (Mme la présidente de la commission acquiesce.), du fait d’une crise de la demande.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le marché du bio est en grande difficulté, vous avez été nombreux à le rappeler. Par conséquent, on pourra m’objecter que, compte tenu des problèmes que cette filière rencontre déjà, sa situation ne pourra que s’aggraver avec un taux de 21 %. Ce débat existe, j’en ai parfaitement conscience. Pour autant, cet objectif demeure, même s’il mériterait d’être adapté à la réalité du marché.

Il ne me paraît pas judicieux d’ouvrir cette discussion à ce stade. L’Assemblée nationale tenait beaucoup au maintien de cet objectif et nous devons tenir compte de son avis. Nous en discuterons avec M. le rapporteur, même si je ne me fais guère d’illusions sur ma capacité à le convaincre… (Sourires au banc des commissions.)

D’une part, il me paraît essentiel de restaurer cet objectif auquel tient la moitié du Parlement français. D’autre part, il s’agit d’envoyer des signaux à l’agriculture biologique, qui est en souffrance, en lui confirmant qu’elle a un avenir et des perspectives de développement. Dans certains territoires, 40 % des terres sont cultivées en bio. Il faut se garder de décourager les agriculteurs qui ont fait un choix résolu, ambitieux et audacieux dans cette direction.

C’est donc pour éviter qu’un débat ne s’ouvre de nouveau sur ce sujet que j’ai repris cet objectif de 21 %, qui figure non seulement dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, mais aussi dans de nombreux autres documents, notamment dans le programme national pour l’agriculture biologique.

Article 1er (suite) (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Discussion générale

8

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, au vu de l’avancement de nos travaux et du nombre d’amendements restant encore en discussion sur ce projet de loi, en accord avec le Gouvernement et la commission des affaires économiques, nous pourrions ne pas siéger ce vendredi 7 février.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Anne Chain-Larché.)

PRÉSIDENCE DE Mme Anne Chain-Larché

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

9

Article 1er (suite) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Article 1er (suite)

Souveraineté alimentaire et agricole

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Dans la discussion de l’article 1er, nous avons entamé l’examen de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune. Cinq d’entre eux ont d’ores et déjà été présentés.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Après l’article 1er

Article 1er (suite)

Mme la présidente. L’amendement n° 305 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et M. Weber, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Remplacer les mots :

l’installation économiquement viable d’exploitations agricoles en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, et un

par le mot :

le

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 304 rectifié ter qui suit. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai donc d’abord ce dernier.

Mme la présidente. Volontiers, mon cher collègue.

L’amendement n° 304 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et M. Weber, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Remplacer les mots :

l’installation économiquement viable d’exploitations agricoles

par les mots :

le développement, la conversion et la préservation de la surface agricole utile cultivée

Veuillez poursuivre, monsieur Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’alinéa 28 qui, en l’état, laisse penser que l’installation en agriculture biologique ne devrait être encouragée que si les exploitations sont économiquement viables.

Nous avons bien conscience que, par définition, la recherche de la viabilité économique est une condition majeure, voire indispensable, pour qu’un projet d’installation soit mené à bien. Cette réalité s’impose d’ailleurs dans quasiment tous les pans de notre économie.

Toutefois, nous avons également conscience que les rapporteurs de notre commission des affaires économiques ne sont pas très enthousiastes quand il est question de transition agroécologique ou de soutien à l’agriculture biologique.

Alors, pourquoi inscrire dans la loi que le soutien aux installations sera conditionné à leur viabilité économique pour la seule agriculture biologique et non pour tous les modes de production ?

Soit nous considérons, comme nous venons de le dire, que la viabilité économique est une condition sine qua non de l’installation, auquel cas il est inutile d’inscrire cette précision dans la loi ; soit il faut apporter cette précision pour toutes les productions, et non pas seulement pour celles de l’agriculture biologique.

Pour notre part, nous proposons une nouvelle rédaction de l’alinéa 28 qui précise que nos politiques publiques agricoles visent à favoriser « le développement, la conversion et la préservation » des surfaces cultivées en agriculture biologique, notamment pour nous permettre d’atteindre les objectifs définis dans la loi.

L’amendement de repli n° 305 rectifié ter vise quant à lui à donner pour objet à l’alinéa 28 le soutien à l’installation et au développement de l’agriculture biologique, sans préciser que celle-ci doit nécessairement être économiquement viable en amont, cette mention semblant superfétatoire.

Mme la présidente. L’amendement n° 306 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, M. Weber, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Remplacer les mots :

en adéquation avec la demande de ces produits

par les mots :

en veillant à l’adéquation entre l’offre et la demande sur le marché national

La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Il s’agit d’un autre amendement de repli. Comme M. Stanzione l’a indiqué, la logique adéquationniste semble n’être appliquée que pour l’agriculture biologique. Nous nous inscrivons en faux contre cette approche. Pourquoi ce traitement particulier ?

Madame la ministre, j’ai bien entendu les propos que vous avez tenus juste avant la suspension de séance, et il ne s’agit pas ici de rouvrir le débat sur les objectifs de surface cultivée en bio. Mais tout de même, en ce qui concerne la demande de produits biologiques, l’État lui-même est le premier à ne pas respecter la loi Égalim !

Nous le savons très bien, la commande publique ne réglera pas tous les problèmes. Toutefois, si seulement, à l’image de la très grande majorité des collectivités, l’État était au rendez-vous de la loi Égalim, la demande serait plus forte, l’agriculture biologique se porterait bien mieux et cela encouragerait évidemment davantage les jeunes à s’installer. Pour rappel, en Bretagne, près de 40 % des installations se font en agriculture biologique.

Là encore, nous n’opposons pas les modèles, mais il convient de soutenir cette tendance. Monsieur le rapporteur, nous souhaitons non pas suivre une logique strictement adéquationniste, mais indiquer simplement qu’il convient de veiller à l’équilibre entre l’offre et la demande, sans en faire une condition stricte.

Mme la présidente. L’amendement n° 887, présenté par MM. Duplomb et Menonville, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Alinéa 28

1° Remplacer la première occurrence des mots :

de ces

par le mot :

des

2° Après la première occurrence du mot :

produits

insérer les mots :

issus de ce mode de production

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 807, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 29

Supprimer les mots :

, d’atteindre une surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d’ici au 1er janvier 2030 et de tendre à l’autonomie protéique en 2050

II. – Après l’alinéa 29

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De promouvoir l’autonomie de l’Union européenne et de la France en protéines, en fixant un objectif national de surface agricole utile cultivée en légumineuses de 10 % d’ici au 1er janvier 2030 et d’atteinte de l’autonomie protéique nationale en 2050 ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Cet amendement vise à promouvoir la production de légumineuses, afin d’atteindre l’autonomie en protéines de l’Union européenne et de la France. Nous proposons donc d’inscrire à cet article un objectif national de surface agricole utile (SAU) cultivée en légumineuses de 10 % d’ici au 1er janvier 2030 et d’atteinte de l’autonomie protéique nationale en 2050.

Mme la présidente. L’amendement n° 307 rectifié ter, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione, Kanner et M. Weber, Mmes Bélim, Bonnefoy et Espagnac, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Monier, MM. Uzenat, Vayssouze-Faure, Lurel, Gillé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 29

Après le mot :

cultivée

insérer les mots :

en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime de 21 % et

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement, très important pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, vise à réintroduire dans le projet de loi un objectif chiffré pour la surface agricole cultivée en agriculture biologique.

Nous regrettons fortement le choix des rapporteurs de supprimer un tel objectif. Cette volonté, exprimée lors de l’examen de l’article 1er en commission, s’est également traduite par la suppression de l’article 8 bis, qui définissait des objectifs chiffrés tant pour le bio que pour les légumineuses.

En commission, les rapporteurs ont indiqué que l’article 8 bis était satisfait par la rédaction de l’article 1er. Nous ne partageons pas ce constat. Il nous apparaît que le texte adopté par la commission des affaires économiques du Sénat ne comporte plus aucun objectif chiffré pour l’agriculture biologique. À notre sens, il ne s’agit pas là d’un oubli.

Pis, à la page 140 du rapport, il est indiqué que l’objectif de 21 % de la SAU cultivée en bio serait moins-disant que celui de 18 % en 2027, fixé dans le plan stratégique national, ou que celui de 25 % en 2030, fixé par l’Europe. En conséquence, selon les rapporteurs, fixer un tel objectif dans le projet de loi « se traduirait par un ralentissement du rythme de conversion à l’agriculture biologique en fin de programmation ».

Messieurs les rapporteurs, ne venez pas nous faire croire que vous avez supprimé cet objectif chiffré parce que vous avez craint qu’il ne vienne ralentir le développement du bio en France !

Je vous le rappelle, l’Assemblée nationale a déjà eu ce débat. La suppression, en commission, de cet objectif chiffré avait suscité une telle levée de boucliers que, devant la fronde, le Gouvernement lui-même avait été contraint de consentir à sa réintroduction en séance publique, par l’adoption de dix amendements identiques déposés par chacun des groupes politiques de l’Assemblée nationale, à l’exception du Rassemblement national.

Les sénateurs du groupe SER, fervents défenseurs de l’agriculture biologique et de son développement, n’opposent pas pour autant les agricultures entre elles.

Par cet amendement, nous proposons donc de réintroduire dans le projet de loi l’objectif chiffré d’atteindre 21 % de SAU cultivée en agriculture biologique au 1er janvier 2030.

Plus tard, nous proposerons également de rétablir l’article 8 bis, supprimé en commission sur l’initiative des rapporteurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune ?

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Sur l’amendement n° 306 rectifié ter, la commission a émis un avis favorable. (M. Christian Redon-Sarrazy sen réjouit.)

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 807 du Gouvernement, qui vise à fixer des objectifs pour la culture des légumineuses.

En revanche, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements visant à faire figurer à cet article un objectif de 21 % de la SAU cultivée en bio.

Objectivement, alors que 8 % de la surface agricole est cultivée en bio, alors que la consommation de ces produits est en plein marasme et que les producteurs n’arrivent pas toujours à vendre correctement leurs produits, fixer un tel objectif, en totale inadéquation avec la consommation, ne revient-il pas à prendre les agriculteurs pour des imbéciles ?

Il faut sortir de cela. L’agriculture biologique a une place, au même titre que tous les produits issus d’un cahier des charges qui demande beaucoup d’efforts. Comme les appellations d’origine protégée (AOP), les indications géographiques protégées (IGP) et le label rouge, elle doit être portée et sublimée pour avoir une véritable valeur, son prix permettant au consommateur de savoir que, derrière un produit, il achète aussi un cahier des charges.

Vouloir en faire un dogme politique, vouloir imposer un objectif de surface pour dire aux Français que, même s’ils n’ont pas les moyens de se payer ces produits, ils devront quand même les acheter, dans la perspective de faire baisser les prix, cela revient obligatoirement à conduire les agriculteurs dans le mur !

C’est ce que nous vivons aujourd’hui. Quand la moitié de la production laitière bio repasse en culture conventionnelle, il n’est pas juste de prétendre qu’on va encore plus produire de laits bio ! On impose aux éleveurs des collectes différentes, pour qu’ensuite à l’usine le lait bio et le lait conventionnel soient mélangés !

Il faut arrêter avec ces postures, qui reviennent à prendre des gens en otage !

M. Christian Redon-Sarrazy. Ce ne sont pas des postures !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Permettez-moi de vous lire la rédaction que la commission propose de retenir pour l’alinéa 28 : il s’agit de « favoriser l’installation économiquement viable d’exploitations agricoles en agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, et un développement de la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique en adéquation avec la demande de ces produits, en réduisant les importations de ces produits et en développant l’appareil industriel de transformation agroalimentaire pour diversifier l’offre et répondre au mieux à la demande ». Voilà une rédaction objective !

Sur tous les amendements en discussion commune, à l’exception de ceux que j’ai cités au début de mon avis, la commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Monsieur le rapporteur, il ne s’agit que de « promouvoir » le bio, selon la rédaction proposée par le Gouvernement et retenue par l’Assemblée nationale, ou de le « favoriser », selon celle que vous préférez retenir, et en aucun cas d’obliger quiconque à s’y convertir.

Dans la rédaction de l’amendement n° 806, nous employons le terme de « préservation ». Aujourd’hui, pour l’agriculture biologique, l’enjeu est plutôt le maintien et la préservation que la conversion, car le marché est extrêmement difficile.

Il faut donc favoriser la préservation de cette agriculture. Vous relèverez que c’est le premier terme que nous faisons figurer dans l’énumération présente dans le dispositif de notre amendement : là est l’urgence. Il y a actuellement moins de conversions et plus de difficulté à se maintenir, ce qui va jusqu’à entraîner parfois des déconversions.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Il y en a beaucoup !

Mme Annie Genevard, ministre. Par conséquent, l’adéquation au marché n’est pas un sujet que l’on peut rayer d’un trait de plume, en disant qu’il faut sortir de la logique adéquationniste ! Il faut évidemment rechercher la viabilité économique.

On ne peut pas dire aux agriculteurs en bio que leur équilibre économique importe peu, car de toute façon leur activité aura été vertueuse. Il faut évidemment chercher une adéquation entre l’offre et la demande, sinon on envoie délibérément les gens dans le mur ! D’ailleurs, la notion d’adéquation figure dans la rédaction retenue par votre commission, tout comme dans celle de l’amendement n° 806 du Gouvernement.

Si nous préférons celui-ci à d’autres propositions en discussion, c’est parce que nous souhaitons « promouvoir la préservation, la conversion et le développement » de l’agriculture bio, avec un objectif chiffré qui, vous l’avez rappelé, a fait débat lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale.

Monsieur le rapporteur, je comprends vos propos : aujourd’hui, on ne compte que 10 % de surface bio en France…

M. Laurent Duplomb, rapporteur. 8 % !

Mme Annie Genevard, ministre. … et l’objectif de 21 % revient donc à doubler cette surface en cinq ans, ce qui ne sera tout de même pas une mince affaire ! Enfin, lorsqu’on se fixe un objectif, qui peut le plus peut le moins.

Par ailleurs, de la même façon, pour la surface agricole utile en légumineuses, l’autonomie protéique est un enjeu de première importance.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer l’ensemble de ces amendements au profit de ceux qu’il a déposés.

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas gagné ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Est-ce que le marché, si on le laisse faire, est apte à répondre aux défis de demain ? Est-ce qu’à lui seul il orientera l’agriculture vers la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité ? Je n’en suis pas si sûr.

Ce que fait le politique, c’est fixer des caps et des orientations. À quoi servirions-nous, sinon ?

Nous avons fixé un cap, mais ce qui ne va pas en France, c’est que nous faisons en permanence du stop and go. Nous avons essayé de mettre en avant l’agriculture biologique, mais nous avons ensuite, tout à coup, arrêté l’aide au maintien, tout en promouvant d’autres labels, comme la haute valeur environnementale (HVE).

Il faut entendre le terme « viable » dans sa globalité. Qu’est-ce qui est viable ? L’agriculture bio est-elle rémunérée au juste prix pour les services environnementaux qu’elle rend ? L’agriculture que l’on nomme « conventionnelle » paie-t-elle tous les coûts cachés de ses pollutions ?

Je sais bien que certains ont le poil qui se hérisse lorsque je parle de pollution. Veuillez m’excuser, mes chers collègues, mais les eaux de surface sont polluées, l’air est pollué, et tout cela provoque des problèmes de santé ! Parlez-en aux enseignants et vous verrez, chers collègues !

Je ne dis pas que les agriculteurs sont responsables de tous ces maux, loin de là. Ils sont d’ailleurs plutôt les victimes d’un système. Mais il faut s’orienter vers une agriculture qui préserve l’environnement et notre santé. Tel est le cap politique que nous demandons de retenir.

Notre collègue Simon Uzenat faisait remarquer à juste titre que, si les objectifs de la loi Égalim étaient appliqués, si 20 % des produits consommés dans les cantines scolaires étaient bio, nous serions au rendez-vous.

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, pour explication de vote.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, le 17 janvier dernier, nous débattions ensemble, dans l’hémicycle du Sénat, des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Aux côtés de nombre de nos collègues, le groupe socialiste dénonçait alors les arbitrages budgétaires qui réduisent de façon draconienne les crédits alloués à l’autonomie protéique et à la planification écologique. Nous prédisions que vous tenteriez de sauver les apparences lors de l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole, mais les chiffres sont têtus.

Les tête-à-queue des gouvernements qui se succèdent depuis plusieurs années – certains membres du gouvernement actuel sont d’ailleurs comptables des décisions prises depuis sept ans – conduisent à ces conséquences.

Madame la ministre, vous évoquez la viabilité économique des installations, comme si ceux qui se lancent dans l’agriculture biologique étaient déconnectés de la réalité. J’ai siégé dans une commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA), j’ai pu constater que l’ensemble des agriculteurs, quels que soient leur type de production et leur modèle économique, sont confrontés à ces questions. Ils ont bien à cœur d’assurer la viabilité économique de leurs exploitations.

Madame la ministre, nous sommes tout à fait d’accord en ce qui concerne la demande, mais encore faut-il que l’État soit au rendez-vous lorsque nous fixons des règles ! Or, nous le redisons, l’État lui-même ne respecte pas la loi Égalim !

Il ouvre le site internet « Ma cantine », qui permet de mettre des coups de pression aux collectivités encore en retard pour atteindre les objectifs de la loi, mais il n’est pas lui-même au rendez-vous !

Monsieur le rapporteur, je veux bien que l’on avance qu’il y a un défaut de demande, mais les acheteurs publics, et l’État au premier rang d’entre eux, ne sont pas au rendez-vous. Nous devons être cohérents !