Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de lois de finances dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je le dis d’emblée : le groupe RDPI votera pour l’adoption de ce budget. Est-il parfait ? Non, mais à l’issue d’une commission mixte paritaire conclusive historique, un compromis a été trouvé, et c’est bien sur les conclusions de celui-ci que nous devons à présent nous prononcer.
Soyons francs : peu importe l’angle avec lequel l’on examine ce budget, peu importent les analyses que l’on peut entendre à propos de la première ou de la seconde partie du texte, certains ont des regrets, quand d’autres y trouvent des avancées.
Notre groupe est concerné, comme tous ceux qui ont pris part aux négociations. Nous aussi avons des regrets. Parmi eux figure par exemple la suppression du crédit d’impôt relatif aux haies, en lien avec la proposition de loi de mon collègue Daniel Salmon que notre assemblée a adoptée voilà une semaine.
C’est d’autant plus regrettable que ce crédit d’impôt avait été intégré en première partie du projet de loi de finances au travers d’un amendement que j’avais présenté, qui avait recueilli la cosignature d’une soixantaine de sénateurs issus de tous les groupes et qui avait été largement adopté.
Nous sommes également déçus de constater le non-rétablissement des crédits budgétaires pour la stratégie de normalisation française à hauteur de 4 millions d’euros supplémentaires, mesure défendue par Jean-Baptiste Lemoyne.
Un autre regret important a été d’apprendre la suppression de l’augmentation des crédits de 15 millions d’euros par an en faveur de la recherche clinique sur les cancers pédiatriques, que nous avions pourtant obtenue grâce à Xavier Iacovelli.
Oui, nous regrettons que ces mesures ne figurent plus dans le compromis qui est présenté aujourd’hui. Mais si nous avons des regrets, nous constatons aussi des avancées, plus exactement des avancées sénatoriales.
Je fais bien évidemment allusion à l’effort budgétaire demandé aux collectivités territoriales, qui a été réduit à 2,2 milliards d’euros au lieu des 5 milliards d’euros envisagés par le Gouvernement précédent à l’automne dernier.
De même, mes chers collègues, notre groupe est heureux de constater que certains des amendements chers à ses yeux ont été préservés lors des négociations. En toute logique, nous sommes satisfaits.
Nous sommes satisfaits, tout d’abord, du bilan des crédits de la mission « Outre-mer ». Au-delà de leur stabilisation, l’augmentation de 2,5 millions d’euros pour la dotation d’équipements scolaires en Guyane, obtenue grâce à l’adoption d’un amendement défendu par Georges Patient, est à souligner.
J’ai également en tête les 2 millions d’euros supplémentaires dédiés au désamiantage des logements, une mesure portée, au nom de notre groupe, par Solanges Nadille.
En ce qui concerne le bilan des autres missions budgétaires, j’insiste sur les 10 millions d’euros de crédits supplémentaires qui seront alloués, grâce à l’action de notre collègue Nadège Havet, au fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER).
Je souligne enfin notre engagement, largement partagé sur ces travées, en faveur de la préservation des crédits dédiés au sport. Nous avons tous en mémoire la défense de ces crédits par notre collègue Dominique Théophile.
Vous en conviendrez donc, mes chers collègues, nous pouvons toutes et tous mettre en avant ce que chaque groupe a pu obtenir, et c’est bien tout le sens d’un compromis. Cette notion est tout sauf taboue dans notre Sénat, une assemblée composée d’une multitude d’anciens maires, donc d’élus locaux, qui connaissent mieux que quiconque ce que le compromis signifie pour avancer.
Avancer, c’est bien de cela qu’il s’agit. Oui, notre groupe votera ce budget, car notre pays doit avancer.
Le travail de compromis réalisé avec les groupes parlementaires a été considérable, et je tiens ici à le saluer. Le temps est venu d’éclaircir le climat délétère de l’incertitude et d’avancer pour doter notre pays d’un budget et, par la même occasion, d’accorder du temps parlementaire à d’autres thématiques, qui méritent elles aussi notre attention.
Mes chers collègues, notre Sénat s’est distingué en examinant l’entièreté de ce budget. Ensemble, distinguons-nous encore une fois en faisant preuve de responsabilité. Adoptons ce budget pour la France !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Masset. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, une chose est sûre : personne n’est satisfait de ce budget, qui était pourtant très attendu des Français, des entreprises et des collectivités locales.
La période de disette budgétaire a plongé le pays dans l’expectative et le désarroi. Il devenait donc urgent d’adopter un budget. Face à cette nécessité, le Sénat a joué à plein son rôle de stabilisateur dans un contexte chancelant.
Au terme d’un débat budgétaire exigeant, mais frustrant, au moins pour une partie de l’hémicycle, la commission mixte paritaire a choisi de conserver une copie marquée par la dégradation des finances publiques.
Disons-le, sur le fond, le texte qui ressort de cette CMP n’est pas à la hauteur des grands enjeux d’avenir : aide publique au développement, écologie, culture, agriculture, recherche et enseignement supérieur, etc. Rien ou presque n’a été épargné par la faucheuse de Bercy, pas même les secteurs en crise, comme la filière de la noisette, qui attendait désespérément un soutien financier de la part de l’État !
Certes, quelques avancées positives sont à noter à l’issue de cette CMP. Je pense notamment à l’annulation de la suppression des 4 000 postes d’enseignants. La baisse des crédits de l’aide médicale de l’État (AME) a été atténuée.
De même, la réduction de 5 milliards d’euros à 2,2 milliards d’euros de l’effort financier demandé aux collectivités locales, qui avait été adoptée par le Sénat, a été maintenue par les membres de la CMP. Je les en remercie, car cette mesure est un gage de soutien, notamment pour les départements les plus fragiles, comme le Lot-et-Garonne.
M. Olivier Paccaud. Tout à fait !
M. Michel Masset. Enfin, les hauts revenus, ainsi que les grandes entreprises, vont prendre une part plus juste dans le redressement des finances publiques pour l’année 2025.
On peut s’étonner des lamentations récentes de certains patrons, qui s’étonnent eux-mêmes d’être mis à contribution. En effet, mes chers collègues, l’insolidarité n’est pas une valeur républicaine !
Pour autant, ce n’est pas ce budget qui permettra à la France d’anticiper les défis qui sont devant nous. Au contraire, il affaiblit la France humaniste et tournée vers le progrès à laquelle le groupe RDSE est profondément attaché.
Jusqu’au bout, notre groupe a tenté de sauver les meubles. Je pense notamment aux tentatives de Raphaël Daubet pour sanctuariser les moyens dédiés à l’aide publique au développement. Mais, comme à chaque fois, une fin de non-recevoir nous a été adressée.
Le budget – ne l’oublions pas – n’est pas qu’un simple document comptable : il constitue avant tout l’expression annuelle de notre contrat social et de la solidarité nationale, un principe fondamental de notre République, qui est cher aux radicaux et qui doit absolument être préservé.
Madame, messieurs les ministres, vous l’aurez compris, le sentiment du groupe RDSE sur ce budget est très mitigé. C’est pourquoi, de nouveau, la majorité des membres de mon groupe s’abstiendra, tout comme moi-même.
Par cette position, nous voulons signifier notre désaccord, sans pour autant freiner l’adoption du budget, car le pays en attend un depuis trop longtemps déjà.
Bien entendu, celui qui nous est présenté n’est pas celui que nous aurions voulu. Toutefois, il est le fruit d’une méthode de travail à laquelle les radicaux ont toujours été très attachés, celle du dialogue et du compromis. Dans la configuration politique actuelle, cette méthode est la seule qui permettra d’aboutir à une « confiance retrouvée » entre les Français et leurs représentants.
La fièvre budgétaire que nous venons de traverser confirme que le Parlement sous la Ve République ne peut être qu’une chambre d’enregistrement.
En matière budgétaire, il doit être associé dès la phase préparatoire, afin de définir avec Bercy et Matignon les grandes orientations. C’est la garantie que les citoyens puissent constater, par la voix de leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, donc consentir in fine à l’impôt.
Cette nouvelle pratique des institutions pourrait permettre à la France de retrouver une stabilité et une sérénité dont les Français, les acteurs économiques et les collectivités ont cruellement besoin aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Marc Laménie applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le marathon budgétaire inédit que nous avons couru ensemble n’a jamais autant mérité son nom. Il a été jalonné d’épreuves, de discussions nourries depuis le mois d’octobre dernier, mais l’objectif est en passe d’être atteint : l’adoption d’un budget pour 2025.
C’est, en soi, une bonne nouvelle, qui nous permet d’envisager une forme de stabilité et de garantir le bon fonctionnement de l’État et des services publics, au service de tous. Voilà qui donne un cap aux acteurs économiques et qui est de nature à ramener la confiance.
Je veux remercier chacun de ceux qui ont accepté de faire un pas. Je salue tout particulièrement notre rapporteur général, Jean-François Husson, qui a beaucoup contribué à l’élaboration de ce compromis, mais aussi l’ensemble des groupes de notre assemblée, dans leur diversité, quel que soit leur positionnement. Comme le ministre de l’économie et des finances l’a rappelé, cette démarche a permis d’éviter la censure.
Je veux le souligner, sur les 171 articles de la seule première partie du projet de loi, 136 ont été adoptés dans une rédaction qui soit est celle du Sénat, soit est très largement issue de celle-ci, avec quelques petits changements rédactionnels, et que plus d’une quarantaine d’amendements du groupe Union Centriste ont été retenus. Je m’en réjouis au nom de tous. Ces éléments font, je crois, honneur au Parlement.
Cette course de fond a donné lieu à de nombreuses heures d’intenses discussions pour aboutir à un compromis constructif. Ce dernier n’est bien sûr pas parfait, chacun a pu le dire, mais ce texte a le mérite d’exister et de donner un cadre budgétaire stable à notre pays pour l’année à venir.
L’objectif de ramener le déficit à 5,4 % du PIB est ainsi maintenu. Certes, pour y parvenir, il faudra payer un prix fort en termes de taxation. Cela a aussi été possible grâce à l’emploi d’un instrument de menuiserie, ce fameux rabot, dont l’usage excessif peut conduire à s’interroger sur la méthode. En tout cas, il faudra sans doute, à l’avenir, le ranger à l’atelier.
En exécution, ce budget sera sans doute difficile à tenir. Son impact sur l’activité économique devra être scruté de près. Souhaitons que la croissance soit soutenue par des éléments extérieurs. Des facteurs de risque existent. Ainsi, même si l’adoption d’un tel budget constitue en soi une excellente nouvelle, la perspective d’une crise financière n’est pas écartée – Olivier Blanchard l’a encore rappelé récemment.
À l’avenir, nous devons revenir à une stratégie consistant à réaliser des économies structurelles et faire des choix dans nos politiques et dans l’organisation de l’État.
Le niveau d’imposition et de taxation atteint parfois la cote d’alerte et la dépasse même dans certains secteurs. Je pense en particulier au transport aérien, qui sera marqué par des destructions d’emplois, tandis que l’ensemble de nos territoires subiront une perte de connectivité – voilà une crise que nous devrons considérer à sa juste mesure.
Nous avons veillé à protéger le pouvoir d’achat des ménages, en indexant bien sûr le barème de l’impôt sur l’inflation, ce qui évitera une hausse mécanique de l’imposition des contribuables.
De même, un certain nombre de dispositifs ont pu être soit étendus, soit soutenus. Je pense notamment à l’extension du prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf à l’ensemble du territoire, ce qui est une très bonne nouvelle pour le secteur difficile du logement.
M. Jean-François Husson, rapporteur. C’est une très bonne mesure !
M. Vincent Capo-Canellas. Je pense aussi à l’exonération, plafonnée, des donations destinées à financer l’achat ou la rénovation de résidences principales, ce qui représente une excellente nouvelle pour le secteur du logement – il traverse une phase difficile –, au crédit d’impôt pour le remplacement temporaire des exploitants agricoles ou encore au crédit d’impôt pour les exploitations certifiées « haute valeur environnementale ». Tous ces éléments sont particulièrement utiles.
En ce qui concerne la lutte contre la fraude fiscale, nous nous réjouissons que le mécanisme de lutte contre les montages dits CumCum, défendu par Nathalie Goulet, ait été repris.
M. Michel Canévet. Très bien ! Il était temps…
M. Vincent Capo-Canellas. Notre collègue travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années.
En matière de soutien aux collectivités locales, après avoir envisagé initialement de réduire les dotations de l’État aux collectivités territoriales de 5 milliards d’euros, il a été convenu de ramener cet effort à 2,2 milliards d’euros. Le dispositif de mise en réserve, qui avait été proposé ici même par notre collègue Stéphane Sautarel, devra vivre sa vie. Nous verrons à l’usage comment il fonctionne, mais, en tout cas, l’adoption de ce mécanisme contribue à limiter l’effort.
Nous nous réjouissons aussi évidemment de la disparition des restrictions concernant le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), afin que les collectivités territoriales ne soient pas davantage pénalisées et que la dotation globale de fonctionnement (DGF) soit augmentée de 150 millions d’euros, tandis que, parallèlement, le montant total des crédits de péréquation communale augmentera de 290 millions d’euros.
Ce compromis est équilibré et permet de préserver non seulement les finances publiques, mais aussi le fonctionnement des services publics déconcentrés.
Le groupe Union Centriste votera à la quasi-unanimité en faveur du texte élaboré par la CMP à l’issue de ce marathon budgétaire.
Toutefois, nous devons maintenant tourner la page de cet épisode, car il nous faut faire face à de nombreux défis. Nous savons d’ores et déjà que nous devrons réaliser des efforts structurels à hauteur de 22 milliards d’euros chaque année pendant cinq ans. C’est dire l’ampleur des difficultés qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Marc Laménie, Henri Cabanel et Stéphane Sautarel applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Barros, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Barros. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, disons-le d’emblée : les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky voteront contre ce projet de loi de finances.
Nous voterons contre, parce que ce texte reprend, mais en pire, le projet de loi de finances du gouvernement Barnier, gouvernement minoritaire, battu dans les urnes et censuré voilà quelques semaines.
Nous voterons contre, parce que nous aurions dû débattre d’un nouveau budget, d’un budget en phase avec les besoins de changement exprimés par les Français. Au lieu de cela, nous constatons que c’est l’injustice fiscale et sociale qui prime, à la suite d’un triple coup de force.
Il s’agit tout d’abord d’un coup de force démocratique, qui maltraite nos institutions. Cela a commencé par une reprise de l’examen du projet de loi au Sénat, à l’endroit même où nous nous étions arrêtés avant le vote de la censure, comme si l’Assemblée nationale ne jouait qu’un rôle facultatif dans la navette parlementaire… On peut s’interroger : le bicamérisme est-il toujours d’actualité ?
Rappelez-vous aussi, mes chers collègues, comment le Gouvernement, alors que nous avions débattu de la partie consacrée aux recettes pendant une semaine, nous avait contraints, par une seconde délibération, à effacer 27 amendements, dont nous avions adopté certains à l’unanimité.
Cette reprise en main du texte par la majorité sénatoriale s’est poursuivie jusqu’à la commission mixte paritaire, où elle a su organiser une majorité en sa faveur. Et le recours au 49.3, lundi dernier, a définitivement clos le débat.
Il s’agit aussi d’un coup de force idéologique, puisque ce budget est au service d’une politique néolibérale parfaitement assumée.
Il s’agit enfin d’un coup de force contre les collectivités et les services publics, qui se voient étranglés par des coupes budgétaires toujours plus violentes.
Mes chers collègues, vous avez choisi l’autoritarisme budgétaire : ce sera sans nous !
L’adoption de ce budget est donc un moment de vérité pour la majorité sénatoriale, qui devra assumer sa responsabilité et ses choix politiques face aux élus locaux. En effet, chers collègues, au nom de la stabilité, vous vous rendez comptables du fait que la démocratie est affaiblie et que la représentation nationale est bafouée. Le bicamérisme a été dévoyé ; l’Assemblée nationale a été volontairement écartée.
Vous serez aussi complices d’un ajustement budgétaire d’une ampleur inédite depuis vingt-cinq ans. Les coupes budgétaires s’élèvent à 23,5 milliards d’euros en euros constants par rapport à 2024. Celles-ci progressent même de 6,4 milliards d’euros par rapport au projet initial.
Dans le même temps, vous reculez sur les contributions exceptionnelles des grandes entreprises et des hauts revenus. Vous ouvrez un boulevard à l’optimisation fiscale, en dépit des engagements de Mme la ministre chargée des comptes publics.
On nous parle de sérieux budgétaire. Mais est-ce faire preuve de sérieux que de multiplier les cadeaux fiscaux, alors que la situation budgétaire, telle que l’on nous l’a décrite, serait dramatique ?
Est-ce faire preuve de sérieux que de précipiter le pays dans la récession, alors que l’économie ralentit déjà ? Le chômage est en forte hausse – il a augmenté de 3,9 % au dernier trimestre 2024 – et les annonces de fermetures d’usines et de plans sociaux se multiplient.
Ce qui est extraordinaire, c’est que ce PLF est déjà appliqué, alors même qu’il n’a pas encore été voté. Les crédits sont bloqués dans les ministères. Dans les collectivités territoriales, les communes, les départements et les régions, l’équilibre budgétaire est pulvérisé, à quelques semaines du vote des budgets prévisionnels.
De nombreuses collectivités ont déjà mis en œuvre les réductions budgétaires, et les premières victimes du projet de loi de finances pour 2025 ont déjà été informées de leur triste sort, par courrier, depuis quelques semaines.
Ainsi, dans certains départements, on constate déjà une baisse des prestations de compensation du handicap (PCH), une réduction des aides à l’investissement allouées aux communes et la suppression de subventions aux associations.
À l’échelon national, on assiste à la disparition programmée du pass Culture ou à des hausses de charges non absorbables pour le service public à cause de l’application du décret paru en catimini au Journal officiel, le 31 janvier dernier, qui prévoit une hausse des cotisations employeur à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) de 12 points d’ici à 2028.
On nous dit que l’effort demandé aux collectivités est de 2,2 milliards d’euros, mais, si l’on ajoute la baisse du fonds vert, le gel des dotations, et j’en passe, on sera en fait bien loin du compte !
Comme vous, madame, monsieur le ministre, nous savons que ce budget récessif aggravera la crise. Demain, vous viendrez nous expliquer qu’il faudra encore procéder à un nouveau tour de vis… À la fin, que restera-t-il ? Un pays divisé, vidé de ce qui fait société. Une République remettant en question ses fondamentaux, qui ont pourtant fait sa grandeur.
Quel est donc ce gouvernement qui va jusqu’à reprendre les mots et les idées de l’extrême droite et à mettre les collectivités, les services publics, les élus et leurs agents dans des situations impossibles ?
Mes chers collègues, j’espère que vous ne jouerez pas les résignés, dans vos territoires, après avoir voté ce PLF. Encore une fois, en matière d’économie et de budget, il n’y a pas de fatalité. Il n’y a que des choix politiques !
Ne vous cachez pas derrière des justifications techniques pour fuir vos responsabilités. Tôt ou tard, vous aurez à les assumer ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Grégory Blanc. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen en commission mixte paritaire et le recours au 49.3 ont-ils permis de corriger structurellement la philosophie du texte ? La réponse est non !
Pourtant, nous aurions pu imaginer que la période soit au pragmatisme, que l’on cherche à privilégier ce qui marche et ce qui est utile, plutôt que de faire des choix idéologiques, tant notre pays a besoin de stabilité depuis le décrochage qu’il a connu, en raison, d’une part, des révélations des notes du Trésor de 2023 et, d’autre part, de la dissolution de l’Assemblée nationale et de ses conséquences.
Mais tel n’a pas été le cas. Le Président de la République et, avec lui, les gouvernements minoritaires successifs, mais aussi les forces du socle commun, s’obstinent à poursuivre leur politique, dans une dérive idéologique libérale clairement assumée, saupoudrée de régalien, une sorte de libéral-conservatisme. Voilà ce qui caractérise en définitive ce budget, qui a été maintenu, coûte que coûte.
Comment cela se traduit-il ? Et surtout, est-ce que cela fonctionne ? Est-ce efficace ? Depuis 2017, alors que le cycle économique était dans une phase de hausse, le leitmotiv assumé des pouvoirs publics était celui de la baisse d’impôts : ils exprimaient leur croyance résolue dans le ruissellement, c’est-à-dire dans une sorte de main invisible qui assurerait la cohésion sociale dans les territoires où la République recule, pour des raisons liées soit à la sécurité, soit à la disparition des services publics, soit à l’environnement et au dérèglement climatique.
Or, au vu de l’augmentation des températures et au vu des colères populaires rurales ou dans les banlieues, on peut douter de l’efficacité du ruissellement.
En ce qui concerne les comptes de la Nation, force est d’admettre que, durant la phase haute du cycle économique, les rentrées fiscales liées à l’activité ont équilibré le budget. Mais dès que le cycle économique se retourne, tout dérape, et c’est ce qui se passe depuis la fin de l’année 2023.
C’est donc la double peine : comme vous n’avez pas utilisé les excédents pour rembourser la dette en phase haute, le pays se retrouve étranglé financièrement en phase de retournement.
Votre idéologie a des effets terribles. Plutôt que d’engager des réformes de structure, de repenser l’architecture fiscale pour faire face aux enjeux écologiques du monde qui vient, comme on a pu le constater, par exemple, lors des débats que nous avons eus sur l’accise sur les produits énergétiques (ex-TICPE), dont le rendement baisse, et sur les tarifs de l’électricité, vous vous entêtez à répéter urbi et orbi que nous avons le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé du monde, comme si le problème était le niveau de la dépense publique.
Toutefois, le problème n’est pas la dépense publique en soi. Ce qui importe, c’est de trouver le bon niveau de dépenses pour rendre les services nécessaires à la population, qu’ils soient publics ou privés.
Si le système de gestion est public, les dépenses sont publiques et financées par l’impôt. Est-ce plus efficace qu’un système privé ? La réponse factuelle est oui !
En France, la moitié des dépenses de la Nation sont consacrées à la protection sociale. Aux États-Unis, la dépense sociale est privée et n’apparaît pas dans les comptes publics. Elle est prise en charge par les entreprises et les particuliers, qui déboursent chaque année 12 500 dollars par habitant, en moyenne, pour fiancer les soins. Mais ce système ne bénéficie pas à tout le monde.
En France, nous dépensons non pas 12 500 dollars par habitant, mais 6 300 dollars. C’est moins que les États-Unis, que la Suisse ou que l’Allemagne. La France est même le sixième pays de l’OCDE à cet égard. Mais si nous dépensons moins, nous soignons mieux et tout le monde.
M. Thomas Dossus. Très bien !
M. Grégory Blanc. Ainsi, il est malhonnête et inefficace de dissocier la question du niveau des prélèvements de celle du service rendu.
En décidant, dans ce budget, d’augmenter les seules dépenses relevant du régalien et de réduire les dépenses consacrées au soutien économique, à la recherche, à l’environnement ou au logement, vous cassez la croissance. Celle-ci ne sera pas au niveau attendu – même le Haut Conseil des finances publiques le dit –, ce qui risque d’avoir des conséquences sur le taux de chômage et sur les recettes fiscales. Il faudra donc revenir sur ce budget durant l’année.
En outre, en ne renforçant pas la fiscalité sur le patrimoine, vous ne corrigez pas non plus les écarts de richesse et ne renforcez donc pas la cohésion sociale.
Enfin, vous tirez un trait sur l’avenir au moment même où nous devrions investir pour nous préparer aux conséquences du dérèglement climatique.
Vous refusez aussi, madame, messieurs les ministres, d’annoncer le dépôt d’un projet de loi de finances rectificatif, qui permettrait de mettre en œuvre les réformes fiscales nécessaires pour doter la France d’un budget solide en 2025 et de respecter la trajectoire inscrite dans le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) 2025-2029, ainsi que nos engagements vis-à-vis de l’Europe.
En définitive, vos choix sont avant tout idéologiques. Ils ne sont pas efficaces pour la croissance et pour l’avenir.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Thierry Cozic. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voilà réunis pour achever le long et tumultueux parcours parlementaire du budget pour 2025.
Je veux vous dire d’emblée que nous n’attendions pas grand-chose de la commission mixte paritaire : les droites de l’Assemblée nationale et du Sénat y sont majoritaires et ses marges de manœuvre pour amender le texte étaient, il faut le reconnaître, très faibles.
Ce budget n’était pas le nôtre à l’origine, et il ne l’est pas plus à l’issue de la CMP. Si nous avions pu faire adopter notre propre budget, nous aurions fait des choix diamétralement opposés. Nous l’avons dit à plusieurs reprises : le compte n’y est pas !
Bien sûr, nous nous réjouissons des quelques inflexions intervenues sur la partie recettes. Je pense notamment à la hausse du taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,4 %, qui suscitera 550 millions de recettes supplémentaires.
Néanmoins, nous regrettons que le taux de 0,5 %, comme chez nos voisins britanniques, n’ait pas été retenu, ainsi que nous le proposions. L’argument de M. le ministre de l’économie selon lequel un tel relèvement de 0,2 % affecterait la compétitivité du secteur a, semble-t-il, fonctionné…
Nous nous félicitons aussi de l’instauration d’une taxe pérenne sur les rachats d’actions. Son rendement serait de 400 millions d’euros la première année et de 200 millions d’euros les années suivantes. Ces recettes sont plus que bienvenues, alors que le recours aux rachats d’actions a bondi de plus de 286 % sous la présidence Macron.
Par ailleurs, en CMP, nous avons obtenu une enveloppe de 500 millions d’euros d’investissements dans les trains régionaux et les petites lignes, qui constituent un élément essentiel dans la vie quotidienne. Je me réjouis aussi que nous ayons rétabli l’Agence Bio, une agence essentielle à la transition écologique.
Nous avons obtenu, malgré une baisse drastique des crédits du fonds vert, une enveloppe de 300 millions d’euros pour, notamment, mettre en place un fonds climat territorial. Toutefois, alors que la planète surchauffe, les moyens alloués à la transition écologique sont largement en deçà des besoins.
En ce qui concerne l’aide médicale de l’État (AME), nous nous félicitons que l’adoption de notre amendement ait permis de pérenniser le panier de soins auxquels les étrangers auront droit. Loin des discours démagogiques sur l’utilité sanitaire d’un dispositif qui ne représente que 0,6 % des soins consommés, nous avons permis de maintenir une sécurité sanitaire pour tous dans notre pays.