M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le ministre, les derniers chiffres nous indiquent que plus de 4 millions de Français souffrent de diabète. Les cas sont en constante augmentation et la prise en charge de la maladie représente un véritable enjeu de santé publique.

Parmi ces personnes, beaucoup se sont vu refuser l’accès à certaines professions, notamment celles de militaire, policier, hôtesse de l’air, steward ou contrôleur de la SNCF. Cette réglementation était justifiée, à l’époque, par des mesures de précaution exigées pour l’exercice de certains métiers. Malgré quelques assouplissements, notamment pour les réservistes de l’armée, il y a eu en réalité peu d’évolutions concrètes.

Aujourd’hui, ces restrictions apparaissent dépassées au regard des progrès de la médecine. En effet, il est désormais possible de surveiller sa glycémie grâce à des lecteurs qui permettent de prévenir un déséquilibre. Les risques sont alors beaucoup mieux maîtrisés.

La loi du 6 décembre 2021 relative aux restrictions d’accès à certaines professions en raison de l’état de santé prévoit la mise en place d’un comité interministériel d’évaluation. Les décrets nécessaires pour former sa composition ont été pris très tardivement. Ce comité doit, ou plutôt devait, rendre un rapport au Gouvernement et au Parlement tous les ans. À ce jour, aucun rapport n’a été publié. Les associations ont fait part de leur déception et l’avenir des personnes concernées demeure incertain.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous communiquer ces rapports, du moins s’ils existent ? À défaut, pouvez-vous nous dire quand ils seront publiés et comment se poursuivront les travaux qui doivent permettre aux personnes victimes d’une pathologie chronique d’accéder à ces emplois ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le sénateur Verzelen, au-delà du diabète, votre question englobe l’ensemble des patients qui sont porteurs d’une pathologie chronique et porte sur un enjeu de justice sociale et d’égalité des chances.

Comme vous l’avez rappelé, la loi du 6 décembre 2021 a institué un comité d’évaluation des textes encadrant le marché du travail. La composition de ce comité a été fixée par le décret du 22 avril 2022 et finalisée par l’arrêté du 29 juin 2022, de manière à pouvoir évaluer la réglementation en vigueur et à en apprécier la pertinence à la lumière des avancées médicales et scientifiques afin de formuler des propositions.

Ce comité, installé en 2022, a mené des travaux. Son premier rapport couvrant l’année 2022 a été transmis au Parlement. Si vous ne l’avez pas reçu, il faudra savoir pourquoi et je veillerai à ce qu’il vous soit renvoyé. Quant au rapport couvrant l’année 2023, il est en cours de transmission. Ces rapports permettent d’apprécier les avancées qui sont réalisées dans l’évaluation des conditions d’accès à certains métiers comme ceux des corps actifs, notamment de la police nationale.

L’évolution des connaissances sur le diabète et les progrès technologiques pour améliorer les moyens de surveillance de la glycémie ont été intégrés dans la réflexion du comité. Nous nous engageons à rendre publiques les recommandations qui découleront des travaux menés.

De plus, nous étudierons, en nous appuyant sur les rapports de 2022 et de 2023, la possibilité de modifier la réglementation en vigueur au titre de la justice sociale.

évolution de la démographie médicale

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 050, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, il y a tout juste douze ans, au mois de février 2013, Jean-Luc Fichet et moi-même présentions un rapport d’information intitulé Déserts médicaux : agir vraiment. Douze ans plus tard, aucun gouvernement n’ayant agi vraiment, ni même vraiment agi, et ce malgré nos interpellations régulières, la situation n’a fait qu’empirer.

L’étude réalisée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), un service de votre ministère, montre que le desserrement du numerus clausus ne réglera en rien les problématiques de disparité de répartition des médecins sur le territoire. Cette même étude confirme que la situation ne sera réglée ni en 2030, ni en 2040, ni en 2050.

On ne peut donc qu’espérer que des mesures fortes soient enfin prises, un jour, par un gouvernement courageux et que soit mise en place une régulation à l’installation des médecins pour apporter des solutions concrètes à cette problématique. Rappelons que de telles mesures ont produit leur efficacité dans d’autres pays où elles ont été expérimentées, et même en France pour des professions de santé autres que les médecins.

Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage enfin de changer de braquet et d’agir vraiment en prenant les mesures qui s’imposent pour résorber les inégalités territoriales en matière d’accès aux soins.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le sénateur Maurey, je vous remercie de cette question qui montre que nous faisons tous le même constat, quelle que soit notre couleur politique : il n’y a pas eu d’anticipation en matière de démographie médicale.

Encore une fois, comme j’ai déjà souvent eu l’occasion de vous le dire, nous formons globalement le même nombre de médecins qu’en 1970, alors que notre pays compte 15 millions d’habitants de plus, que la population a vieilli et que, surtout – c’est un facteur qui n’a jamais été pris en compte –, le rapport au travail a complètement changé pour les médecins : ainsi, lorsque l’un d’entre eux part à la retraite, il faut l’équivalent de 2,3 postes de médecin pour le remplacer.

Un rapport de la Cour des comptes confirme ce que vous venez de dire, en indiquant que les résultats de la transformation du numerus clausus en numerus apertus sont en deçà des objectifs prévus.

La proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins par la territorialisation et la formation que j’ai présentée, lorsque j’étais député, offre des pistes de solution. Elle a été adoptée à l’Assemblée nationale au mois de décembre 2023 et son examen sera – je l’espère – inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat durant le premier semestre 2025. Elle vise à supprimer le numerus apertus et à former de nouveaux médecins en fonction des besoins du territoire, en tenant compte du capacitaire. Elle prévoit aussi que tous les étudiants français qui sont partis étudier à l’étranger, en Roumanie, en Belgique ou en Espagne pourront revenir faire leur deuxième cycle en France.

Nous souhaitons également la juste installation, dans de bonnes conditions, de la quatrième année de médecine générale dans nos territoires. Quelque 3 600 docteurs juniors sont concernés par cette mesure qui interviendra le 2 novembre 2026. Nous travaillons d’arrache-pied pour trouver des lieux de stage et pour préparer les décrets nécessaires pour cette installation.

Enfin, nous voulons améliorer l’évaluation des Padhue qui interviennent dans notre système hospitalier en prévoyant que celle-ci se fera sur site.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous fassiez le même constat que moi. Il est vrai que vous étiez élu d’un département rural qui, comme le département de l’Eure, connaît des problèmes d’accès aux soins.

Malheureusement vous n’avez pas répondu au souhait que j’ai exprimé, à savoir que le Gouvernement puisse s’engager dans la mise en place de politiques plus audacieuses que celles qui ont eu cours jusqu’à présent. J’avoue que je n’avais guère d’espoir, puisque, malheureusement, depuis que je suis sénateur, quelles que soient les majorités, ou la non-majorité comme c’est le cas aujourd’hui, j’ai l’impression de prêcher dans le désert et, en l’espèce, dans le désert médical, sans mauvais jeu de mots.

J’ajoute, monsieur le ministre, que j’ai demandé à tous vos prédécesseurs de nous fournir un bilan des politiques incitatives mises en place pour faciliter l’accès aux soins. Je ne l’ai jamais obtenu. Pourriez-vous nous le transmettre ?

convention assurance maladie - taxis

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, auteur de la question n° 252, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Hervé Reynaud. Monsieur le ministre, les chauffeurs de taxi conventionnés sont très mobilisés contre le projet de réforme de la convention-cadre qui a vocation à s’appliquer pour les cinq prochaines années entre la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et les organisations syndicales représentatives. À Lyon, les 2 et 3 décembre dernier, près de 3 000 véhicules taxis se sont mobilisés.

Si, face à cette mobilisation, le statu quo devrait a priori perdurer jusqu’à la fin du mois de mai, la convention impose des conditions plus strictes pour ce qui est des tarifs et des critères de qualité de service. Le texte envisage en effet une tarification prévue à la baisse, une obligation de pratiquer le taxi partagé, ainsi que celle de respecter le trajet le moins onéreux possible, sous réserve que celui-ci reste compatible avec l’état de santé du malade.

Les taxis dans nos territoires vivent essentiellement du transport professionnalisé, qui représente une part très significative de leur chiffre d’affaires. C’est aussi le cas dans ma commune, pourtant un peu plus urbaine : plusieurs entreprises de taxis qui ont pignon sur rue, comme Taxi Faure, m’ont interpellé sur ce sujet. En effet, le nouveau modèle risque de mettre en péril ces entreprises et d’alourdir les difficultés des patients qui vivent dans des territoires ruraux et des villes moyennes.

Aussi, comment le Gouvernement entend-il prendre en compte la situation particulière des taxis qui ont une activité de transport sanitaire, notamment ceux qui travaillent en milieu peu dense ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la situation des taxis et je suis d’autant plus sensible à votre question que, lors de la manifestation du mois de décembre dernier, j’ai reçu leurs représentants en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Il est indispensable de prendre en compte la différenciation territoriale pour traiter ces sujets, parce que l’enjeu du transport sanitaire n’est pas le même dans une métropole qui bénéficie d’un métro, d’un tramway et de bus que dans un territoire rural comme celui de ma circonscription où l’accès aux soins nécessite forcément d’avoir recours au transport sanitaire.

Toutefois, ne nous y trompons pas, dans certains cas, le transport sanitaire est indispensable pour l’accès aux soins, quel que soit l’endroit, notamment quand un patient doit aller faire une chimiothérapie, une radiothérapie ou une séance de dialyse.

Pour garantir davantage d’efficience, l’article 17 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit de revoir le conventionnement auquel tous les modes de transport sanitaire sont soumis. Il faudra donc nous accorder sur les éléments qui figureront dans cette convention.

Nous devrons pour cela fixer un degré d’efficience à atteindre, comme nous le faisons dans les autres secteurs, en veillant à responsabiliser les acteurs et à lutter contre les possibilités de fraude tout en garantissant le maintien du transport sanitaire. Il est hors de question de déstabiliser le réseau des taxis, mais cela n’empêche pas de développer une approche conventionnée.

Le transport partagé ne pose pas de problème si les patients peuvent le supporter, c’est-à-dire si leur état de santé n’est pas incompatible avec un voyage en compagnie d’une autre personne dans un habitacle clos, pour des questions d’immunité. En outre, si le délai d’attente n’est pas trop important, les entreprises pourront tout à fait organiser ce mode de transport.

Je resterai vigilant sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.

M. Hervé Reynaud. J’entends parfaitement qu’il est nécessaire de trouver une certaine efficience, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, et de prévoir des mesures d’économie. Toutefois, il est important de préserver l’accès aux soins.

De plus, il faudra penser la réalité économique en fonction de la différence des situations selon les territoires. Ainsi, dans mon département, comme dans le vôtre, puisqu’ils sont voisins, les conditions diffèrent totalement de celles qui caractérisent des zones hyperdenses.

J’espère que nous pourrons faire preuve de discernement et que nous saurons entendre ces revendications au moment d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 en nouvelle lecture.

quatrième année d’études en médecine générale

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, auteur de la question n° 265, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre, je ne vous apprends rien en vous disant que la médecine générale est essentielle à l’avenir de notre système de santé.

Pour que les jeunes médecins soient de plus en plus nombreux à choisir cette voie et à s’installer dans nos territoires, en 2022, une quatrième année au diplôme d’études spécialisées de médecine générale a été prévue par la loi. Cette période de consolidation doit notamment faciliter et sécuriser l’installation des jeunes médecins, en particulier dans les zones les moins dotées en professionnels de santé.

Vous le savez, cette mesure est attendue avec impatience. Pourtant, les décrets d’application dont la publication était initialement annoncée pour juin 2023 n’ont toujours pas été publiés. Le 15 mai 2024, à l’occasion d’une séance de questions orales, ici même, le ministre Valletoux avait pourtant assuré une publication d’ici à la fin de l’été 2024.

Alors que cette quatrième année doit entrer en vigueur dans le courant de l’année 2026, il est urgent de publier ces textes réglementaires. Leur absence freine la préparation des médecins généralistes encadrants, celle des futurs docteurs juniors, mais aussi celle des collectivités territoriales, qui doivent anticiper des enjeux majeurs tels que la rémunération, l’accueil, les lieux de consultation ou encore les logements.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire à quelle date ces décrets seront publiés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le sénateur Rietmann, je vous remercie de me donner l’occasion de revenir sur cette fameuse quatrième année de médecine générale.

Vous savez tous que, depuis que j’ai pris mes fonctions comme ministre de la santé, le 24 décembre dernier, je me suis saisi à bras-le-corps de ce sujet. J’ai très rapidement reçu les associations d’internes, que ce soit l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) ou l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) qui m’ont annoncé leur intention de lancer un mouvement de grève.

Comme vous l’avez dit, des engagements ont été pris par mes prédécesseurs, notamment au sujet de la publication de certains décrets. Je rappelle que je suis le quatrième ministre de la santé depuis le début de l’année 2024 ; or, sur des sujets sensibles comme celui-ci, il faut de la stabilité dans l’action gouvernementale.

Par conséquent, que dire de plus ? Je suis en lien avec l’ensemble des collectivités territoriales, avec les agences régionales de santé (ARS) et avec les facultés de médecine, par l’intermédiaire du collège national des enseignants de médecine générale, ainsi que des doyens, qui m’aident à trouver les meilleurs lieux de stage possible. Il nous en faut 3 600 pour le 2 novembre prochain.

J’ai bon espoir de pouvoir prendre les premiers décrets nécessaires, notamment grâce à l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Ainsi, tous les décrets qui peuvent être pris par voie réglementaire le seront au printemps prochain – j’en prends l’engagement devant vous. Quant à ceux qui nécessitent de passer par la voie législative, nous les prendrons dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils permettront notamment de régler des problèmes de statut, de rémunération, de responsabilisation ou de participation à la permanence des soins, soit l’ensemble des questions que les internes nous ont soumises.

J’ai bon espoir que nous puissions trouver collectivement les solutions qui permettront d’améliorer l’offre de soins dans les territoires tout en améliorant la formation de nos docteurs juniors.

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour la réplique.

M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre, je ne doute absolument pas de votre engagement sur le sujet.

Je vous entendais dire ce matin sur une chaîne d’information qu’il fallait rétablir la confiance. Pour rétablir la confiance en politique, nous devons gagner en crédibilité en concrétisant les engagements que nous prenons et que nous votons, ici au Sénat ou à l’Assemblée nationale.

La loi prévoyant une quatrième année au diplôme d’études spécialisées de médecine générale a été votée en 2022. Les patients, les élus, les médecins, les jeunes futurs docteurs juniors attendent que les décrets soient pris pour que nous puissions avancer dans cette voie qui rétablira la présence médicale sur nos territoires.

Je vous remercie de votre engagement, monsieur le ministre : nous comptons sur vous.

pérennité de l’activité des centres de santé franciliens opérés par la croix-rouge française

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, auteure de la question n° 034, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.

Mme Anne Souyris. Monsieur le ministre, tous les mois, nous découvrons avec effroi qu’un nouveau centre de santé risque de fermer. Ainsi, le Conseil de Paris débat cette semaine de l’avenir des centres de santé Réaumur, Stalingrad et de l’Institut mutualiste Montsouris.

La situation critique de ces trois établissements fait écho à ma question sur les centres de la Croix-Rouge française en Île-de-France. Ces centres, qui prennent en charge plus de 40 000 patients sans dépassement d’honoraires, ont fermé au mois de mai dernier après cessation de paiements.

Les maires concernés, les élus de Paris et les organisations syndicales se sont exprimés contre la cessation de ces centres à un acteur privé à but lucratif dont nous avons bien démontré au Sénat la tentative d’offre publique d’achat (OPA) sur notre système public de santé. En effet, comme vous le savez, la commission d’enquête sénatoriale sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France a été sans appel quant à ses conclusions sur le sujet.

Si la Ville de Paris peut accompagner dans une certaine mesure ces centres – sa capacité a des limites –, toutes les collectivités ne peuvent pas faire face à ce qui n’est rien d’autre qu’une catastrophe de santé publique.

Ainsi, ces risques de fermeture mettent en lumière l’insoutenabilité du modèle actuel des centres de santé, notamment pour financer les missions à destination des plus vulnérables, c’est-à-dire celles et ceux qui nécessitent davantage de soins. De facto, la tarification est antisociale.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour garantir la pérennité des centres de santé, en lien avec les collectivités territoriales ? Quand déploierez-vous un plan de sauvegarde de ces centres, monsieur le ministre ? Quand instaurerez-vous un financement au forfait ?

Monsieur le ministre, les patients des centres de santé Réaumur, Stalingrad, de la Croix-Rouge Haxo et Olympiades, ainsi que l’Institut mutualiste Montsouris attendent une réponse concrète. En ce jour des vingt ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, je pense particulièrement aux personnes handicapées qui étaient spécifiquement prises en charge aux Olympiades et ne le sont plus.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Madame la sénatrice Souyris, les centres de santé jouent en effet un rôle majeur dans l’accès aux soins : ils sont souvent situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), le tiers payant intégral y est généralement pratiqué et ils mènent des actions de prévention.

L’Île-de-France compte 1 093 centres de santé, 271 se trouvant à Paris, sur un total de 2 875 centres de santé dans l’ensemble du pays – vous connaissez ces chiffres mieux que moi. Comme vous le savez, l’agence régionale de santé (ARS) soutient depuis dix ans la création de tels centres : au total, 1,3 million d’euros leur ont été alloués en 2024, plus de 150 000 euros ayant été fléchés vers les centres parisiens.

Vous l’avez dit, ces centres sont confrontés à des difficultés structurelles : inflation, difficultés de recrutement, répercussions du Ségur de la santé… L’ARS Île-de-France est de plus en plus engagée à leurs côtés.

La fermeture des centres de la Croix-Rouge française Olympiades et Haxo a été actée le 30 juin dernier ; pour ma part, j’ai pris mes fonctions le 24 décembre. Cela prouve l’intérêt de maintenir une forme de stabilité dans la gouvernance de ce ministère.

J’ai demandé à l’ARS Île-de-France de coopérer avec l’assurance maladie pour accompagner ces centres de santé, notamment dans l’optique de prendre en charge les personnes en situation de handicap. Je leur ai également demandé d’identifier les centres à fort impact sur l’offre de soins, d’un point de vue quantitatif comme qualitatif, pour leur accorder un suivi rapproché.

Ainsi, madame la sénatrice, j’espère déployer un plan d’action au premier trimestre 2025 pour maintenir l’offre de soins dans les secteurs concernés. J’aurai l’occasion d’en reparler avec vous.

défaillances récurrentes d’accès aux soins dans la nièvre

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, en remplacement de M. Patrice Joly, auteur de la question n° 270, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le ministre, j’interviens en remplacement de Patrice Joly, sénateur de la Nièvre, mais la question de l’offre sanitaire vaut également pour la Creuse.

Dans la Nièvre, le système hospitalier – en particulier les services d’urgence – traverse depuis des mois des difficultés majeures, qui compromettent gravement la prise en charge des patients, mettant leur vie en danger. Les exemples de défaillances sont nombreux et se répètent sans cesse, mois après mois, année après année. Celles-ci donnent lieu à des situations de plus en plus dramatiques, dont certaines ont malheureusement conduit des Nivernais à perdre la vie.

Le dernier exemple est récent : il y a un mois, un homme de 82 ans a été transporté en urgence à l’hôpital de Cosne-Cours-sur-Loire pour une suspicion d’accident vasculaire cérébral (AVC), les urgences de Nevers ayant fermé et celles de Decize n’étant pas en mesure de l’accueillir. Alors que sa prise en charge, vitale, aurait dû être rapide, ce patient s’est heurté à un enchaînement de défaillances. Il ne doit son salut qu’à la ténacité de sa famille, qui lui a fait parcourir 70 kilomètres, soit plus d’une heure de route, pour atteindre l’hôpital de Moulins. Là, il a enfin été diagnostiqué d’un AVC, mais trop tard pour bénéficier d’un traitement thrombolytique.

À en croire les nombreux témoignages similaires, cette situation est, hélas ! loin d’être isolée et soulève de nombreuses interrogations quant à la capacité du système de santé à répondre aux besoins urgents des Nivernais et Nivernaises.

Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour améliorer l’accès aux soins d’urgence dans la Nièvre, en particulier dans les établissements hospitaliers de Cosne-Cours-sur-Loire, de Nevers, de Decize et de Clamecy et pour garantir que chaque patient bénéficie d’une prise en charge adaptée, rapide et sécurisante ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le sénateur Lozach, la situation que vous décrivez au nom de Patrice Joly est inacceptable et dramatique.

Pour y répondre, il faut avant tout améliorer la régulation. Ainsi, le temps d’attente téléphonique doit être réduit, car, pour certaines pathologies, dont l’accident vasculaire cérébral, mais également l’infarctus du myocarde, le pronostic du patient est conditionné au délai de prise en charge.

Dans le cas que vous évoquez, nous avons saisi l’agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté, qui a demandé aux établissements concernés, notamment le centre hospitalier de Nevers et le centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, de faire en sorte que la filière de prise en charge des accidents vasculaires cérébraux garantisse à chaque patient l’exécution d’une thrombolyse, voire d’une thrombectomie – il est parfois possible d’extraire le caillot directement dans le cerveau du patient –, dans un délai raisonnable.

Plus globalement, les mesures qu’il faut prendre sont des mesures de bon sens. Il convient avant tout de former beaucoup plus de soignants et de médecins que ne le permet le numerus apertus. Comme il faut dix ans pour former un médecin, dans l’immédiat, nous devons envoyer davantage de docteurs juniors dans les territoires pour réaliser les diagnostics au domicile du patient ou à l’hôpital ; nous devons recruter des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) pour faire tourner nos hôpitaux ; nous devons rapatrier nos compatriotes étudiant à l’étranger pour qu’ils réalisent leur internat en France.

Toutes ces mesures permettront de restaurer la confiance et d’améliorer les filières de prise en charge des patients.

Quoi qu’il en soit, je vous ferai parvenir, monsieur le sénateur, les renseignements que nous avons demandés à l’ARS Bourgogne-Franche-Comté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour la réplique.