(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 22 rectifié quater, présenté par Mme Joseph, MM. Savin, Panunzi, Paccaud et Burgoa, Mme Ventalon, MM. Reichardt, Mizzon et E. Blanc, Mmes Gruny, Demas, Muller-Bronn et Guidez, M. P. Vidal, Mmes Eustache-Brinio, Di Folco et Billon, M. Houpert, Mmes Goy-Chavent et Valente Le Hir, MM. Saury et Dumoulin, Mme Belrhiti, M. Kern, Mmes Dumont, Deseyne et M. Mercier, MM. Rietmann et Perrin, Mme Josende, M. Brisson, Mmes Lassarade, Evren, Bellurot et Schalck, MM. P. Martin, Grosperrin, Genet, Belin, Lefèvre, Gueret, Sido et Courtial et Mmes Pluchet, Imbert et Berthet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdit aux personnes sélectionnées en équipe de France par une fédération sportive délégataire du service public. »
La parole est à Mme Else Joseph.
Mme Else Joseph. Les grandes manifestations sportives témoignent depuis toujours du rôle central du sport comme vecteur de cohésion sociale. Elles constituent un précieux moment d’unité nationale et ne sauraient être ternies par des considérations politiques ou religieuses. Étrenner le maillot français, c’est porter ses valeurs !
La loi confie l’exécution d’un service public aux fédérations sportives, tenues d’assurer l’égalité des usagers et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité. Ces fédérations exercent un pouvoir de direction sur les sportifs arborant le maillot de l’équipe de France, qui participent dès lors à une mission de service public. À ce titre, ils doivent être soumis au principe de neutralité.
C’est ce que le Conseil d’État a expressément reconnu par un arrêt du 29 juin 2023. Lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le Gouvernement a également réaffirmé que la neutralité s’imposait à ces athlètes.
Aujourd’hui, si cette nécessité est assez communément admise, aucune loi n’impose clairement la neutralité aux personnes sélectionnées en équipe de France. C’est dans ce flou juridique que s’engouffrent les revendications communautaristes de celles et ceux qui voudraient faire vaciller les valeurs de la République française.
Par cet amendement, nous entendons inscrire dans le droit que le principe de neutralité s’applique aux personnes sélectionnées en équipe de France, afin de veiller au respect du principe de laïcité et de protéger les fédérations face aux tentatives de dévoiement communautaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Les athlètes évoluant en équipe de France participent à l’exécution du service public confié à la fédération qui les a sélectionnés. C’est à ce titre qu’ils doivent respecter le principe de neutralité que vous évoquez.
Le Conseil d’État l’a d’ailleurs confirmé dans sa décision du 29 juin 2023. La ministre chargée des sports à l’époque des JOP 2024, Amélie Oudéa-Castéra, a confirmé l’interdiction du port du voile pour les athlètes des équipes de France dans le cadre de ces jeux. Cet amendement s’inscrit en quelque sorte en concordance avec les propos de la ministre.
Or l’article 1er de ce texte ne s’applique qu’aux compétitions départementales, régionales, voire nationales, c’est-à-dire au champ national stricto sensu, et non aux compétitions internationales. Votre proposition vient donc utilement compléter le dispositif envisagé par l’auteur de la proposition de loi, en étendant son application aux athlètes français sélectionnés par les fédérations délégataires de services publics.
C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Je ne répéterai pas ce qui vient d’être expliqué de façon limpide par M. le rapporteur… (Sourires.)
Avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Je m’interroge sur la portée de ce devoir de neutralité, auquel seraient astreints les sportifs français.
Par exemple, l’un des plus grands attaquants que l’équipe de France de football ait connus, Olivier Giroud, a l’habitude de parler très franchement de sa foi et du rôle qu’a joué Jésus dans sa carrière sportive. Il a même fait tatouer sur son corps des messages religieux. Est-ce que, avec cette proposition de loi, l’équipe de France de football aurait dû se passer de cet immense talent, qui a tant contribué à son palmarès ces dernières années ? Je vous pose la question… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Il ne joue pas torse nu !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 131-5-1 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En prévision de l’adoption des statuts des fédérations, les membres des instances dirigeantes nationales et départementales sont formés aux notions de laïcité et de discrimination indirecte. »
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Nous proposons une formation aux notions de laïcité et de discrimination pour les membres des instances dirigeantes nationales et départementales des fédérations sportives.
Nous sommes attachés à la liberté des fédérations dans l’élaboration de leurs statuts et règlements. Toutefois, il est primordial que ces règles soient adoptées en parfaite connaissance du cadre juridique et des principes fondamentaux de notre République, notamment en matière de laïcité et de lutte contre les discriminations.
Quand on voit qu’ici même la laïcité est dénaturée et instrumentalisée, alors s’impose la nécessité de clarifier l’application de ce principe dans le sport. Il est indispensable de former les instances dirigeantes, notamment en les sensibilisant aux discriminations, directes et indirectes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Comme pour les enseignants de l’éducation nationale, la formation des acteurs du mouvement sportif et du sport en général aux différentes dimensions de la laïcité est évidemment importante. Nos nombreux débats illustrent bien la complexité du sujet.
Le renforcement des dispositifs de formation est donc indispensable à terme et j’écouterai avec attention la position du ministre à ce sujet.
Cependant, je suis un peu réservé quant à la rédaction de l’amendement, qui vise à établir un lien entre la laïcité et la notion de discrimination indirecte, ce qui laisse entendre que l’application du principe de laïcité pourrait conduire à des formes insidieuses de discrimination. C’est quelque chose qui m’interpelle.
Pour cette raison, malgré tout l’intérêt que je porte à une telle formation, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Madame la sénatrice Ollivier, je suis d’accord avec vous sur la nécessité de former les différents acteurs du monde du sport pour mieux appréhender le principe de laïcité.
À cet égard, je me permets de vous rapporter les propos de Mme Marie Barsacq, qui m’a expliqué que le ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative était pleinement mobilisé sur le sujet. Le guide sur le fait religieux dans le champ du sport, qui vise à accompagner les fédérations, a été actualisé et transmis à ces dernières. Il rappelle avec pédagogie, au travers de différentes mises en situation, le périmètre d’application du principe de laïcité.
Les contrats de délégation des fédérations mentionnent expressément la lutte contre le séparatisme comme une priorité d’engagement à structurer autour des cadres d’État. Le déploiement de ces référents est en cours. Il revient aux fédérations et aux instances dirigeantes de mobiliser ces ressources.
C’est la raison pour laquelle, avec la ministre des sports, nous considérons que cet amendement est satisfait. Aussi, je vous demande de le retirer, faute de quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.
M. Akli Mellouli. Je pense que vous n’avez pas très bien compris le sens de l’amendement. Effectivement, la laïcité devient un outil de discrimination et de stigmatisation quand on l’applique incorrectement. On le voit bien dans ce débat.
Or nous ne voulons pas que ce principe de la République soit bafoué. Déjà en 1905, lors des débats préparatoires à la loi, Jaurès et Briand, lorsque était évoqué le port de la soutane dans l’espace public, répliquaient que la laïcité ne s’occupait pas de tenues vestimentaires.
La laïcité doit demeurer un outil d’émancipation. Si elle est mal interprétée ou instrumentalisée comme un outil de stigmatisation ou de discrimination, elle n’est rien d’autre qu’une atteinte aux libertés. Pour notre part, nous souhaitons éviter qu’il soit porté atteinte et à la laïcité et à la liberté des sportifs.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.
Mme Mathilde Ollivier. Je souhaite revenir sur l’interrogation du rapporteur au sujet du lien entre laïcité et discrimination indirecte. En échangeant avec un certain nombre d’acteurs et d’actrices, je me suis rendu compte que, lorsque des femmes, notamment de confession musulmane, se présentaient dans un club pour adhérer et devenir licenciées, elles se trouvaient confrontées à des dirigeants qui ne connaissaient pas bien le principe de laïcité.
Certes, monsieur le ministre, il existe un guide. En théorie, les informations sont donc à disposition des dirigeants, mais l’utilisation qu’en font dans la pratique les instances dirigeantes de clubs ou les instances départementales et nationales n’est pas satisfaisante.
Travailler sur cette formation, c’est justement lutter contre les discriminations dont sont victimes un certain nombre de femmes qui veulent faire du sport. Monsieur Savin, vous avez dit que celles-ci auraient toujours accès à une pratique de loisir et aux entraînements. En réalité, je crains que cette possibilité même ne leur soit refusée dans un certain nombre de clubs.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai d’un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport tirant le bilan de son application. Le rapport étudie notamment l’impact de l’interdiction posée à l’article L. 131-7-1 du code du sport :
1° Sur l’accès des femmes aux activités sportives organisées par les fédérations agréées, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées ;
2° Sur la santé physique et mentale des pratiquants concernés par cette interdiction et ne participant plus aux compétitions ;
3° Sur l’attractivité du service public du sport dont les fédérations agréées sont délégataires et le report éventuel des pratiquants vers des fédérations non agréées.
La parole est à Mme Mathilde Ollivier.
Mme Mathilde Ollivier. Nous demandons que soit remis au Parlement un rapport évaluant les conséquences réelles de l’interdiction du port de signes religieux dans les compétitions sportives. Avant d’imposer une telle mesure, il est essentiel de penser aux premières personnes concernées, à savoir les femmes.
En effet, cette interdiction, au-delà de dévoyer la laïcité, risque d’avoir des effets négatifs, notamment pour les femmes et les jeunes filles, qui rencontrent déjà de nombreuses difficultés pour accéder au sport. Les données sont sans appel : 49 % des femmes renoncent à la pratique sportive pour des raisons financières, 46 % en raison de contraintes familiales et 40 % à cause de charges domestiques. Face à ces inégalités persistantes, il est absurde d’ajouter une nouvelle barrière en interdisant à certaines femmes de pratiquer en raison de leur tenue vestimentaire. Quelques mois après les jeux Olympiques, je trouve particulièrement honteux de réduire ainsi la pratique du sport en France et de stigmatiser certains pratiquants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Évidemment, il conviendra de faire un bilan une fois que cette loi aura été adoptée par l’autre assemblée et appliquée un certain temps.
Cependant, vous connaissez le sort qui est traditionnellement réservé aux demandes de rapport au Sénat.
En outre, sur le fond, vous préjugez les conclusions de l’évaluation dans votre amendement ; finalement, je ne sais pas pourquoi vous demandez un rapport…
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Nous sommes tous attachés à la pratique sportive féminine. D’ailleurs, la dynamique du sport féminin a été relancée par les JOP. Les licences annuelles ont progressé l’an dernier plus vite chez les filles, avec une augmentation de plus de 6 %, que chez les garçons, et ce malgré les restrictions, d’ailleurs confirmées par le Conseil d’État, qui existaient déjà dans le règlement de certaines fédérations concernant le port des tenues religieuses. Ce n’est donc pas en revenant sur ces mesures que vous développerez la pratique sportive féminine.
À mon sens, il importe de respecter plus que tout nos principes de laïcité. Contrairement à vous, madame la sénatrice, je ne crois pas que le service public doive y renoncer pour être attractif ; c’est une condition même du bon fonctionnement de nos services.
Enfin, le Gouvernement considère, comme la commission, que le moment proposé est mal choisi pour demander un rapport. Il faudra attendre quelques années d’application pour faire une évaluation pertinente du texte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 198 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l’adoption | 223 |
Contre | 92 |
Le Sénat a adopté. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit.)
Après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié quinquies, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Bacchi et Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, MM. Barros, Brossat et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Silvani, M. Xowie et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi sur la pratique sportive des mineures féminines, fédération par fédération. Ce rapport fait apparaître les efforts mis en œuvre par les fédérations pour corriger les écarts de pratique sportive entre les femmes et les hommes.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. À l’heure où les femmes sont sous-représentées dans le sport, notre priorité devrait être de corriger cette inégalité et de favoriser l’accès des femmes au sport. Or cette proposition de loi pourrait justement avoir l’effet inverse. Elle risque en particulier d’exclure les femmes portant le voile de la pratique sportive. C’est une inquiétude qui est largement partagée.
Les chiffres sont clairs : seulement 20 % des femmes, tous âges confondus, détiennent une licence dans un club sportif, contre plus de 38 % des hommes. Selon les chiffres de l’Insee, en 2024, un tiers des licences sportives sont détenues par les femmes et deux tiers par les hommes.
L’arrêt du sport chez les adolescentes est par ailleurs un phénomène massif et préoccupant. Selon un rapport de l’Unesco de 2024, une fille sur deux arrête le sport à l’adolescence. Or cette sédentarité entraîne de lourdes conséquences sur leur santé physique et mentale.
Puisque le sport a vocation à être un vecteur d’émancipation, d’intégration et de réussite pour les jeunes filles, nous proposons qu’un rapport soit remis au Parlement par le Gouvernement pour évaluer les effets de cette loi sur la pratique sportive des femmes et sur les inégalités entre les femmes et les hommes dans le sport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Cette demande de rapport subira le même sort que les autres : un avis défavorable de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Je le répète, laissons le temps au texte de s’appliquer pour pouvoir l’évaluer utilement.
Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié quinquies.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2
La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du code du sport est complétée par un article L. 312-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-4-1. – La collectivité territoriale propriétaire d’un équipement sportif détermine les conditions d’utilisation de cet équipement et des locaux attenants. Leur utilisation pour la pratique sportive est exclusive de tout usage religieux, notamment comme salle de prière collective.
« Le premier alinéa ne fait pas obstacle à ce qu’un équipement sportif soit mis temporairement à la disposition d’une association qui souhaite l’utiliser à des fins cultuelles, à condition que ladite mise à disposition ne soit pas effectuée dans des conditions préférentielles. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié ter est présenté par M. Fialaire, Mme Jouve, MM. Laouedj, Bilhac, Masset, Cabanel, Gold et Grosvalet, Mmes Briante Guillemont et Pantel et MM. Ruel et Guiol.
L’amendement n° 5 est présenté par Mme S. Robert, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 12 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par Mme Cazebonne, MM. Patriat, Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Ramia et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 25 rectifié quater est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mmes Corbière Naminzo et Apourceau-Poly, MM. Barros, Brossat et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Silvani, M. Xowie et Mme Varaillas.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié ter.
M. Bernard Fialaire. L’article 2 de cette proposition de loi prévoit que les collectivités territoriales, qui ont le pouvoir de fixer les règles d’utilisation des équipements sportifs, doivent y interdire toute pratique religieuse, sauf dans certains cas de mise à disposition temporaire.
Nous considérons que cet article est déjà satisfait et c’est pourquoi nous proposons de le supprimer. Il empiète sur les compétences du maire, qui a déjà l’autorité nécessaire pour encadrer ou interdire un rassemblement religieux si celui-ci trouble l’ordre public, la tranquillité ou la sécurité publique. Autrement dit, cette disposition transgresse les pouvoirs de police du maire et risque même de créer une confusion juridique. Elle ouvre la porte à des interprétations floues et à des contentieux inutiles. Elle ajoute une contrainte excessive qui pourrait conduire à des décisions profondément discriminatoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Jean-Jacques Lozach. Le dispositif envisagé entre tout d’abord en conflit avec le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il s’inscrit aussi en opposition avec l’esprit de la loi de 1905 et la jurisprudence du Conseil d’État, qui autorise la mise à disposition de locaux communaux au profit d’une association cultuelle, à condition qu’il ne soit pas transformé de façon exclusive et définitive, sans contrepartie financière, en édifice cultuel.
Par ailleurs, nous prenons note de la volonté du rapporteur, par son amendement n° 30, d’améliorer la rédaction initiale de l’article 2 en appréhendant l’ensemble des cultes. En effet, en l’état, celle-ci est extrêmement stigmatisante envers une seule religion, avec la référence à la salle de prière collective.
M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Mathilde Ollivier. Cet article interdit l’usage exclusif d’un équipement sportif à des fins cultuelles, mais cet objectif est déjà pleinement garanti par la jurisprudence. Le Conseil d’État, de manière constante, rappelle que, si une collectivité peut ponctuellement autoriser l’utilisation d’un équipement public pour l’exercice d’un culte, elle ne peut en aucun cas en accorder l’usage exclusif ou pérenne.
Cet article, inutile juridiquement, est très révélateur de l’esprit de cette proposition de loi : il s’agit de détourner le principe de laïcité à des fins politiques et surtout discriminatoires. Quel était l’intérêt d’inscrire « notamment comme salle de prière collective » dans cet article ?
Nous demandons donc sa suppression.
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
Mme Samantha Cazebonne. Nous demandons également la suppression de cet article. Le droit actuel est suffisant pour préserver la neutralité des locaux de tout contournement, via notamment le déféré préfectoral, lorsque la collectivité elle-même ne respecte pas le principe de neutralité.
De surcroît, des actions peuvent être mises en place dans le cadre du contrat d’engagement républicain (CER). Lorsqu’une association signataire a détourné la destination d’un bien communal, la collectivité dispose de leviers contractuels prévus dans la convention de mise à disposition-location du bien pour faire respecter les engagements de l’association.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié quater.
M. Pierre Ouzoulias. À titre personnel, d’abord, je me demande vraiment si une mise à disposition gracieuse est conforme à l’article 2 de la loi de 1905, qui interdit le subventionnement des cultes.
Ensuite, vous l’avez dit, mes chers collègues, dans son arrêt du 18 mars 2024, le Conseil d’État énonce que l’existence d’une libéralité dépend de la durée et des modalités d’utilisation du bien communal, de l’éventuel avantage consenti et, si nécessaire, des raisons d’intérêt général ayant motivé la décision commune. Cette rédaction est beaucoup plus précise que celle du texte de la commission. Celui-ci mentionne des « conditions préférentielles », ce qui est beaucoup trop vague et marque un recul par rapport à la jurisprudence.
J’ajoute, pour notre collègue Claude Kern, que cet article ne vise que les associations. Or, en Alsace-Moselle, vous le savez, le culte est géré par des établissements publics (M. Claude Kern approuve.), ce qui signifie que l’on y appliquerait le régime actuel des cultes de « la France de l’intérieur », comme vous l’appelez. Je m’en réjouirais, mais je ne pense pas que telle soit l’intention de l’auteur de la proposition de loi.
Il me semble utile de mener une réflexion plus générale sur cet article. Une loi sur le sport n’est peut-être pas le véhicule législatif idéal pour traiter un sujet aussi difficile.
M. Max Brisson. Belle défense du Concordat ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Sans surprise, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Je m’étonne de la teneur des interventions successives. Soit vous n’avez pas la dernière version du texte issue des travaux de la commission, soit vous ne l’avez pas compris, soit vous avez le bon texte et vous l’avez bien compris, mais vous en faites une interprétation politicienne.
M. Pierre Ouzoulias. Jamais ! (Sourires.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Je rappelle les termes de l’article tel qu’il est issu des travaux de la commission : « La collectivité territoriale propriétaire d’un équipement sportif détermine les conditions d’utilisation de cet équipement et des locaux attenants. » C’est très précis et on voit très bien de quoi il s’agit.
M. Michel Savin. Bien sûr !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Je poursuis : « Leur utilisation pour la pratique sportive est exclusive de tout usage religieux, notamment comme salle de prière collective. » Pour ma part, je ne connais pas beaucoup de salles de prière qui ne soit pas collective.
Il n’est nullement interdit à un maire, et c’est précisé à l’alinéa 3, de signer un contrat avec une association cultuelle pour qu’une activité ou une manifestation de type religieux se déroule dans un local communal, dès lors que celle-ci est clairement décrite dans le contrat. Il n’y a là aucune entrave à la libre administration des collectivités locales.
En revanche, lorsque l’équipement sportif est confié à une association sportive pour y faire du sport, alors, selon nous, cet usage ne doit pas être dévoyé à des fins de prière collective.
Il n’y a donc pas dans notre texte d’entrave à l’exercice par les élus locaux de leurs prérogatives. Il ne s’oppose pas, monsieur Ouzoulias, à tel ou tel usage d’un local municipal pour des prières collectives. Simplement, nous ne voulons plus que des matchs de foot s’interrompent en pleine action pour qu’une prière ait lieu dans les vestiaires, voire sur le terrain.
M. Akli Mellouli. Ça n’existe pas, ça !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Bien sûr que si ! Nous ne voulons plus que, lorsqu’un équipement a été confié à une association pour y faire du sport, celle-ci y fasse autre chose.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Manifestement, mes chers collègues, vous n’avez pas vécu la même expérience que moi lors de nos auditions. Je vous invite à relire les propos des personnes que nous avons entendues : elles nous relataient des faits très précis, ceux-là mêmes que je viens de rappeler. Nous avons des exemples de ces dérives.
C’est bien pourquoi cette proposition de loi est pertinente et cet article a tout lieu d’être. Par conséquent, la commission a évidemment émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François-Noël Buffet, ministre. Je veux faire, au nom du Gouvernement, plusieurs observations au sujet de ces cinq amendements de suppression de l’article 2.
Tout d’abord, je rappelle que le Gouvernement reste évidemment mobilisé pour lutter contre toutes les stratégies de contournement des règles existantes, notamment celles qui sont relatives à l’utilisation des équipements.
Je tiens aussi à rappeler que la loi du 24 août 2021 nous offre plusieurs outils. J’en citerai deux, sans entrer dans le détail, car tout le monde les connaît par cœur : le « déféré laïcité », qui permet au préfet d’agir, et le contrat d’engagement républicain, qui oblige les associations à respecter le caractère laïque de notre République.
Au bénéfice de ces observations, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ces cinq amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. On va changer un peu de religion, cela fera du bien…
Je veux d’abord rappeler, mes chers collègues, que je suis particulièrement opposé à la présence de crèches dans les bâtiments publics, parce que je suis partisan d’une application stricte de la loi de 1905.