Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

Mme Catherine Conconne.

Procès-verbal

Questions orales

attaques de loups en haute-marne

situation préoccupante des services d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières

label "breizhmer" et loi égalim

renforcement de la filière aluminium en france

conséquences de la modification du régime fiscal des chambres d'hôtes

conditions d'harmonisation de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères

lutte contre les rodéos motorisés dans la commune de compiègne

dispositif de cessation anticipée lié à l'exposition à l'amiante

augmentation des attaques au couteau

niveau de pollution résultant de l'exploitation militaire du site du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de moronvilliers

élargissement de la procédure de l'amende forfaitaire aux contraventions pour non-respect d'un arrêté de police du maire

transparence sur le meurtre d'un jeune homme au centre pénitentiaire de marseille-les-baumettes

bornage du détachement des personnels de l'éducation nationale dans le réseau d'enseignement français à l'étranger

contrats animateurs et accompagnants d'élève en situation de handicap

personnel accompagnant des élèves en situation de handicap

convention liant les médecins de montagne à l'assurance maladie et absence de reconnaissance financière des actes spécifiques aux urgences en milieu montagnard

stratégie pour l'avenir du cambrésis 2027

réalisation de l'opération « 1 000 cafés »

développement dérégulé de la sous-location

occupation de la gaîté lyrique par des jeunes en attente de recours

soutien à la mytiliculture et lutte contre la prédation

chasse de gibiers d'eau et conséquence des recommandations européennes

traitement et recyclage des cartouches et bonbonnes de protoxyde d'azote

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

Souveraineté alimentaire et agricole

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Vote sur l'ensemble

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mise au point au sujet de votes

Candidatures à une commission mixte paritaire et à une commission d'enquête

Principe de laïcité dans le sport

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport

Article 1er

Rappels au règlement

Article 1er (suite)

Après l'article 1er

Article 2

Article 2 bis (nouveau)

Article 3

Après l'article 3

Article 4 (nouveau)

Vote sur l'ensemble

Mises au point au sujet de votes

Ordre du jour

nomination de membres d'une commission mixte paritaire

nomination d'un membre d'une commission d'enquête

Présidence de Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

Mme Catherine Conconne.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Questions orales

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

attaques de loups en haute-marne

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 287, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Bruno Sido. Madame la ministre, j'appelle votre attention sur la recrudescence des attaques de loups dans mon département, la Haute-Marne. Le loup est dans la bergerie, si je puis dire. Il y a urgence, chaque jour la situation devient de plus en plus dramatique : depuis novembre 2024, soixante-dix-sept bêtes ont été tuées, dont cinquante-quatre en 2025, et vingt-sept blessées.

Les attaques se multiplient à un rythme alarmant. Les loups prolifèrent sans contrôle. Sans prédateur naturel, la pression sur les troupeaux ne cesse d'augmenter. Les conséquences sont catastrophiques : les ovins sont stressés, l'agnelage est menacé et la filière est en grand danger.

Les éleveurs n'en peuvent plus. Excédés, désespérés, ils assistent impuissants à ces attaques répétées et font face à une administration qui reste sourde à leur détresse. Certains, à bout de force, vont jusqu'à vendre leurs troupeaux.

Les moyens de protection engagés par l'État se révèlent largement insuffisants : les filets de protection, censés dissuader les loups, sont contournés ; les chiens de protection et les tirs de défense, très encadrés, ne suffisent pas. Les loups attaquent toujours. Ce n'est plus tenable.

L'avenir de l'élevage ovin dans le département est en péril. Les agriculteurs veulent simplement pouvoir vivre de leur travail et exercer leur métier dans des conditions sereines.

Aussi, madame la ministre, quels moyens concrets l'État compte-t-il mettre en place ? Quels engagements budgétaires et quelles actions durables le Gouvernement envisage-t-il pour protéger la filière ovine en Haute-Marne ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Bruno Sido, la prédation du loup est un sujet très difficile et je connais le désarroi de nos éleveurs. Élue moi-même d'un territoire très touché, je suis résolue à agir de manière déterminée en la matière.

Tout d'abord, je rappelle l'adoption du nouveau plan national d'action loup, qui, pour la première fois, traduit une réelle ambition de protection des activités d'élevage aujourd'hui menacées.

Les chiffres sont terribles : la prédation lupine, c'est plus de 4 000 constats d'attaque par an et plus de 12 000 animaux tués. Il nous faut donc réagir.

En 2024, mon ministère a engagé 41 millions d'euros pour soutenir les éleveurs. Nous poursuivrons cet effort en 2025, malgré les difficultés budgétaires.

En ce qui concerne les réparations, la prise en compte des dommages indirects est notre objectif. Nous avons donc anticipé une augmentation d'environ 50 % des indemnisations dans le budget 2025, pour un total de 9 millions d'euros.

Pour les troupeaux non protégeables, le travail se poursuit pour faciliter in fine la délivrance des autorisations de tirs de défense et permettre les indemnisations. J'ai pris, la semaine dernière, un arrêté allant en ce sens. L'article 16 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PJLOA), en cours de discussion, viendra renforcer la sécurité juridique de ces dispositions.

Par ailleurs, vous savez que je me suis engagée de toutes mes forces, sans tergiverser, dans le combat européen du déclassement du loup pour permettre enfin de passer d'une logique de défense à une logique de régulation de la population. Soyons clairs, monsieur le sénateur, l'indemnisation ne résout pas tout : nous souhaitons qu'il y ait moins de prédation.

Enfin, en ce qui concerne plus particulièrement votre département de la Haute-Marne, les attaques sont le fait d'un loup solitaire bien identifié. Mon cabinet a pris l'attache du préfet coordonnateur du plan national d'actions sur le loup, qui connaît bien votre département. À ma demande, une brigade de l'Office français de la biodiversité (OFB) sera dépêchée sur place dès la semaine prochaine pour tenter de prélever ce loup, qui n'a causé que trop de dégâts.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.

M. Bruno Sido. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je regrette tout de même que l'administration ait tendance à minimiser le nombre d'attaques. Par ailleurs, pour poser des filets de protection, les éleveurs demandent des moyens financiers d'urgence – ils comptent sur vous !

Enfin, sachez que deux jeunes éleveurs, qui travaillent dans le secteur où attaque le loup, sont aujourd'hui suivis par la cellule psychologique de la Mutualité sociale agricole (MSA).

situation préoccupante des services d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 093, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Stéphane Le Rudulier. Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur la situation très préoccupante des services d'inspection vétérinaire et phytosanitaire affectés aux frontières, tout particulièrement au port de Fos-sur-Mer.

Comme vous le savez, ces services jouent un rôle vital dans la surveillance sanitaire des importations animales et végétales. Ils garantissent la sécurité des consommateurs, ainsi que la protection des filières agricoles et agroalimentaires françaises. Or, depuis plusieurs années, les professionnels du secteur signalent des dysfonctionnements notables. Ces difficultés, dues en partie à un manque d'effectifs, ont un impact sur l'efficacité des contrôles sanitaires, retardent fortement les importations et affectent in fine la compétitivité des entreprises françaises.

La situation est particulièrement catastrophique sur le port de Fos-sur-Mer, où des emplois locaux sont menacés. Madame la ministre, il est vital de maintenir la chaîne d'approvisionnement, tout comme le haut niveau de service, afin d'enrayer le phénomène grandissant de report des trafics vers d'autres ports européens, notamment celui de Barcelone.

Face à ce constat des plus alarmants, je souhaiterais connaître les mesures concrètes que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour renforcer les moyens humains et matériels des services vétérinaires, améliorer leur fonctionnement et ainsi garantir la compétitivité des ports français. Je m'interroge également sur les perspectives envisageables à court terme pour résoudre les difficultés rencontrées par les opérateurs économiques concernés sur le port de Fos-sur-Mer.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Stéphane Le Rudulier, le Gouvernement partage pleinement vos préoccupations : le bouclier sanitaire aux frontières est très important pour garantir la compétitivité des ports français.

Notre objectif est bien de limiter le temps d'attente des marchandises dans les postes de contrôle frontaliers (PCF) du Service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (Sivep) du ministère, tout en garantissant un niveau élevé de sécurité sanitaire pour les consommateurs et pour les filières agricoles et agroalimentaires de l'Union européenne.

C'est dans cette perspective que, chaque année, les moyens mis à disposition de chaque poste de contrôle frontalier sont revus au regard des flux réels contrôlés dans les douze derniers mois : il s'agit d'adapter les effectifs présents à la réalité des opérations de contrôle.

J'insiste sur les contrôles qui ne peuvent être réalisés que par des vétérinaires, ce qui peut être particulièrement gênant en cas de vacance de poste. Pour éviter ces carences, un décret en Conseil d'État encadre notamment, depuis 2019, le recrutement de vétérinaires de nationalité étrangère.

En outre, un dispositif de recrutement d'agents en contrat à durée indéterminée, dès le premier contrat, a été mis en place depuis 2023 pour renforcer l'attractivité de ces services.

Concernant plus précisément le poste de contrôle frontalier de Fos-sur-Mer, un dispositif adapté de soutien a été déployé afin de faciliter la réorganisation des opérations sur place et le recours à d'autres PCF, grâce à la dématérialisation des procédures de contrôle sanitaire et phytosanitaire. En seulement quelques jours, le retard ponctuel qui avait été constaté a pu être rattrapé. Ce dispositif pourra être déployé de nouveau en cas de difficulté à Fos-sur-Mer et sur d'autres sites.

En outre, une dotation supplémentaire est prévue cette année pour le port de Fos-sur-Mer au titre de la loi de finances pour 2025.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, les services de l'État sont pleinement mobilisés pour assurer la fluidité des opérations de contrôle sanitaire et phytosanitaire à l'importation.

label "breizhmer" et loi égalim

Mme la présidente. La parole est à M. Simon Uzenat, auteur de la question n° 310, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Simon Uzenat. Madame la ministre, l'article 24 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim) a fixé un objectif d'au moins 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits bio, dans la restauration collective publique à partir du 1er janvier 2022.

En application de l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, introduit par l'article 24 précité, le décret du 23 avril 2019 relatif à la composition des repas servis dans les restaurants collectifs précise la liste des signes d'identification de la qualité et de l'origine, les fameux Siqo, et des mentions valorisantes entrant dans le décompte de l'objectif de 50 %. Il s'agit notamment des produits issus de l'agriculture biologique ou en conversion, des produits bénéficiant d'autres signes ou mentions figurant à l'article L. 640-2 du même code, qui sont définis par décret, ou encore des produits issus du commerce équitable ou bénéficiant de l'écolabel « pêche durable ».

C'est dans ce contexte que la région Bretagne soutient la mise en place du label marque « Breizhmer », avec l'ambition qu'il soit reconnu comme « Siqo Égalim », mais les pouvoirs publics ne peuvent favoriser un label privé plutôt qu'un autre. En outre, ils ne peuvent autoriser les acheteurs publics à intégrer unilatéralement de nouveaux labels dans cette liste.

Pour autant, les acheteurs qui exigent des produits bénéficiant du label « pêche durable » sont dans l'obligation, conformément au code de la commande publique, de prendre également en considération les produits équivalents, c'est-à-dire les autres produits apportant les mêmes garanties. L'appréciation de cette équivalence est laissée au jugement de l'acheteur, lequel peut considérer qu'un faisceau d'indices existe, conformément à l'article R. 2111-15 du code de la commande publique.

Concernant l'appréciation de l'équivalence, aux termes de l'article 24 de la loi Égalim, les acheteurs doivent être guidés par la satisfaction des exigences des labels concernés, ce qui ouvre la voie à une approche multi-labels.

Madame la ministre, le Gouvernement prévoit-il de modifier le décret du 23 avril 2019 pour reconnaître d'autres labels ? L'approche multi-labels pour apprécier l'équivalence peut-elle être considérée comme la procédure idoine à mettre en œuvre par les acheteurs ? Quelle position l'acheteur doit-il adopter pour que cette reconnaissance soit ensuite juridiquement opposable ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Simon Uzenat, il existe aujourd'hui cinq signes d'identification de la qualité et de l'origine, communément appelés les Siqo : l'appellation d'origine protégée ou contrôlée (AOP-AOC) ; l'indication géographique protégée (IGP) ; le label rouge (LR) ; la spécialité traditionnelle garantie (STG) ; l'agriculture biologique (AB).

Ces signes répondent tous à une définition précise et appellent au respect strict d'un cahier des charges transparent et contrôlé. Ils apportent donc des garanties aux consommateurs.

Ainsi, les Siqo ne se limitent pas à un engagement ponctuel ou à la signature d'une charte. Les produits relevant de ces labels font l'objet de contrôles réguliers par des organismes de défense et de gestion pour garantir leur conformité continue au cahier des charges.

C'est d'ailleurs le message de la campagne de communication lancée par l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) en novembre dernier.

La loi Égalim de 2018, comme vous le soulignez, a introduit l'obligation d'atteindre 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de bio, en restauration collective. Les produits durables et de qualité entrant dans le décompte des 50 % doivent répondre à l'un des onze critères précisés à l'article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime.

La volonté du Gouvernement est bien d'assurer la souveraineté alimentaire, notamment dans un objectif de soutien de l'économie agricole des territoires, de réduction de l'impact environnemental des filières et de sécurisation des approvisionnements en produits vivriers.

C'est pourquoi l'utilisation combinée de certains critères permet, dans le cadre de marchés publics ou d'appels d'offres, la sélection de produits locaux, y compris hors Siqo. Ainsi, des labels privés peuvent facilement être sélectionnés. C'est notamment le cas de « Bleu-Blanc-Cœur ».

Néanmoins, vous en conviendrez, cette liste est déjà à la fois exhaustive et souple, ce qui permet de prendre en compte certaines équivalences. Le Gouvernement n'envisage donc pas de révision des critères à ce stade.

J'ajoute que plus l'on multiplie les labels, moins la lisibilité est grande pour le consommateur. Je ne suis pas mue par une sorte de réflexe de protection des Siqo : simplement, trop de labels peut tuer le label.

renforcement de la filière aluminium en france

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Rojouan, auteur de la question n° 286, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Bruno Rojouan. De nombreuses industries font face à des difficultés structurelles qui les mettent en péril. À titre d'exemple, l'entreprise de la filière aluminium Sadillek, située à Montmarault, dans mon département de l'Allier, illustre ces défis. Spécialisé dans l'affinage de l'aluminium, cet acteur de l'économie locale doit pourtant surmonter des obstacles majeurs.

Tout d'abord, il y a le recyclage. Bien que Sadillek contribue activement à la transformation des déchets d'aluminium, la France manque d'une politique ambitieuse avec des infrastructures adaptées pour soutenir et retenir ces déchets sur le territoire. Chaque année, nous exportons plus de 500 000 tonnes de déchets d'aluminium non traités, privant nos affineurs de matières premières pour leur activité. Cette fuite des ressources limite directement la capacité de nos industriels à augmenter leur production et contribue à notre dépendance aux importations de métal.

Ensuite, il y a la compétitivité énergétique. L'affinage de l'aluminium est une activité très énergivore, avec des coûts d'énergie parmi les plus élevés en Europe. Ces charges pèsent lourdement sur les marges des entreprises et réduisent leur compétitivité, particulièrement face à des concurrents étrangers soutenus par des politiques énergétiques avantageuses, comme en Chine.

Ces difficultés conjuguées à une concurrence internationale intense et aux tensions géopolitiques mettent à mal l'ensemble de la filière aluminium française, pourtant stratégique. Avec plus de 10 000 emplois directs et un rôle clef dans des secteurs comme l'aéronautique ou l'automobile, cette filière est indispensable.

Madame la ministre, quelles initiatives concrètes le Gouvernement entend-il prendre pour garantir la compétitivité de notre industrie aluminium et renforcer notre souveraineté ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Bruno Rojouan, vous attirez notre attention sur les défis que traverse la filière aluminium en France, et notamment l'entreprise Sadillek, présente dans votre circonscription.

La position de la France depuis plusieurs années est constante : l'aluminium est considéré comme un métal stratégique. En effet, il joue un rôle clef dans la transition énergétique, étant notamment indispensable pour la mobilité électrique. C'est pourquoi la France a défendu au niveau européen la définition de dix-sept métaux stratégiques en y incluant l'aluminium.

Nous pouvons d'ailleurs être fiers et de la filière française, qui représente 10 % de la production européenne, et de compter sur notre territoire le premier site européen d'aluminium primaire : Aluminium Dunkerque.

La politique française de soutien à la filière a permis de développer ses capacités de production sur le territoire national, ce qui devrait permettre de couvrir 70 % de nos besoins actuels dès 2025.

En conséquence, nous avons divisé par deux les importations de billettes d'aluminium depuis 2020 et avons pu ouvrir de nouvelles usines, par exemple l'usine de recyclage de Constellium à Neuf-Brisach, construite avec le soutien de France Relance et inaugurée en 2024, pour une capacité supplémentaire de 130 000 tonnes par an.

Sur ce point précis du recyclage, nous devons, autant que possible, recycler les déchets à proximité de l'endroit où ils sont produits tant pour réindustrialiser la France que pour décarboner son industrie. L'Union européenne a d'ailleurs adopté en 2024 un règlement fixant des règles plus strictes pour le transfert de déchets, en particulier vers des pays hors OCDE.

Ensuite, concernant la concurrence internationale accrue qui pèse sur cette filière, les droits de douane de 25 % annoncés par Donald Trump sonnent comme une alarme. La France plaide, comment elle l'avait fait lorsque des mesures similaires avaient été prises en 2018, pour un message de fermeté en matière de politique commerciale. L'Union européenne doit se départir de toute naïveté pour protéger son industrie.

Enfin, comme vous le soulignez, le prix de l'électricité est un élément absolument fondamental de notre compétitivité. C'est pourquoi les ministres de l'économie, Éric Lombard, et de l'industrie, Marc Ferracci, travaillent avec EDF pour que le parc nucléaire permette à notre industrie de bénéficier de contrats compétitifs sur le long terme.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que le Gouvernement fait de la souveraineté industrielle une priorité.

conséquences de la modification du régime fiscal des chambres d'hôtes

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, auteur de la question n° 211, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme.

M. Olivier Paccaud. Madame la ministre, je vais vous parler non pas d'intelligence artificielle ou de numérique, mais de chambres d'hôtes… (Sourires.)

La récente loi adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 7 novembre 2024 vise à répondre à un besoin légitime de régulation du marché locatif des logements. Toutefois, en modifiant le régime fiscal des chambres d'hôtes pour les assimiler aux meublés de tourisme, cette loi porte un coup sévère à une activité essentielle à l'attractivité et au dynamisme économique de nos territoires, notamment dans la ruralité.

Contrairement aux meublés de tourisme, les chambres d'hôtes proposent des nuits uniquement avec des services associés, tels que le petit-déjeuner, le ménage ou encore le linge de maison. Il s'agit d'une activité proche de la para-hôtellerie, encadrée par des règles strictes, et n'ayant aucune incidence sur le parc immobilier résidentiel.

Or, en alignant leur régime fiscal sur celui des meublés de tourisme, avec une réduction drastique de l'abattement fiscal à 50 % pour les chambres d'hôtes, contre 71 % précédemment, et une baisse significative du seuil de revenus à 77 700 euros, contre 188 700 euros auparavant, cette réforme menace la viabilité économique de nombreux exploitants.

Cette activité procure des revenus limités, malgré une implication quotidienne importante et des horaires étendus, nécessaires pour maintenir le confort et la satisfaction d'une clientèle qui contribue aussi à l'attractivité touristique et économique de nos régions.

Les exploitants de ces hébergements, souvent investis en milieu rural et engagés dans la réhabilitation de bâtiments anciens, jouent un rôle clef dans le soutien de l'économie locale et du tourisme de passage.

Madame la ministre, cet alignement fiscal pourrait-il être revu pour tenir compte des spécificités des chambres d'hôtes, dont le fonctionnement et les retombées sont radicalement différents de ceux des meublés de tourisme ? Ce ne serait que justice !

Il peut arriver que le Gouvernement et le Parlement se trompent, c'est alors une erreur. Si celle-ci n'est pas corrigée, cela devient une faute inexcusable : Errare humanum est, perseverare diabolicum !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Olivier Paccaud, l'article 7 de la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale modifie en effet le régime micro-BIC prévu à l'article 50-0 du code général des impôts (CGI).

Conformément au 2° du 1. de cet article 50-0, modifié par le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire, la location de chambres d'hôtes relève désormais du régime micro-BIC dans la limite de 77 700 euros de chiffre d'affaires, avec un abattement de 50 %.

Ce seuil est très supérieur à celui des locations meublées de tourisme non classées, qui a été abaissé à 15 000 euros, avec un abattement de seulement 30 %.

Le législateur a souhaité maintenir un abattement différencié au bénéfice des meublés classés de tourisme et des chambres d'hôtes, incitant les propriétaires à se tourner vers un bien classé plutôt que vers des locations meublées de tourisme non classées.

À cet égard, un seuil de 77 700 euros de chiffre d'affaires a paru au législateur suffisamment élevé pour tenir compte de la situation des petits propriétaires de chambres d'hôtes recherchant un revenu d'appoint.

Par ailleurs, les propriétaires qui supportent des charges d'un montant supérieur à l'abattement de 50 % conservent la possibilité d'opter pour le régime réel, c'est-à-dire la déduction du montant réel des frais et charges. En effet, le régime micro-BIC est un régime d'imposition simplifié qui ne revêt aucun caractère incitatif et qui n'a donc pas pour vocation à offrir aux propriétaires une réduction de leur base imposable déconnectée des charges qu'ils supportent effectivement.

Enfin, je vous précise que les nouvelles dispositions de l'article 50-0 du CGI, qui s'appliquent de plein droit aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2025, n'appellent aucun décret pour leur application.

conditions d'harmonisation de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 293, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) impose aux intercommunalités d'harmoniser leur taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom) dans un délai de dix ans à partir de leur création.

En Seine-Maritime, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole a été créée le 1er janvier 2019 et s'est engagée dans cette procédure. En octobre 2023, par délibération, elle a mis en place le lissage des taux de Teom sur une durée de quatre années, avec des zones correspondant à des niveaux de service différents, afin d'arriver à une harmonisation totale en 2029.

Cependant, certaines communes, qui trouvent cette harmonisation trop rapide, ont une interprétation différente : elles estiment qu'il est possible d'adopter des durées de lissage différentes selon les communes et, surtout, jugent que le point de départ du délai de dix ans doit être la date de la délibération et non celle de la création de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Avec mes collègues parlementaires, nous avions interrogé à plusieurs reprises le ministre de l'économie et des finances, afin qu'il clarifie la situation. Nous sommes toujours sans réponse à ce jour.

Aussi, madame la ministre, je vous pose deux questions, qui exigent des réponses claires.

Premièrement, peut-on appliquer des durées de lissage différentes en fonction des communes et, si oui, sur la base de quels critères ?

Deuxièmement, ce délai de dix ans court-il à compter de la création de l'EPCI ou du vote de la délibération ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Madame la sénatrice Agnès Canayer, un établissement public de coopération intercommunale ayant mis en place une taxe d'enlèvement des ordures ménagères doit, en principe, voter un taux unique sur l'ensemble de son territoire.

Toutefois, il peut créer des zones de perception sur lesquelles sont appliqués des taux différents en vue de proportionner le montant de la taxe à l'importance du service rendu, c'est-à-dire des conditions de réalisation du service et de son coût.

En l'occurrence, les zones créées par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole doivent être justifiées au regard des éléments liés à la réalisation du service rendu et ne peuvent simplement correspondre aux différences de taux entre les communes avant fusion.

Par ailleurs, lorsque des EPCI fusionnent, des règles particulières peuvent s'appliquer.

Tout d'abord, lorsqu'un nouvel EPCI, issu d'une fusion, décide de ne pas délibérer immédiatement pour instituer la Teom, comme ce fut le cas pour Le Havre Seine Métropole en 2019, ce sont les délibérations antérieures qui continuent de s'appliquer. Ce régime prend fin dès que le nouvel EPCI institue la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sur l'ensemble de son territoire. Ainsi, Le Havre Seine Métropole l'ayant instituée en 2023, pour une première application en 2024, il a été mis fin au même moment aux délibérations antérieures.

Un dispositif d'unification progressive des taux d'une durée maximale de dix ans est alors applicable, sous réserve que des mécanismes différents de financement du service d'enlèvement et de traitement des déchets ménagers préexistent au sein du groupement ou que l'unification des taux au sein de l'EPCI conduise à des hausses de cotisations pour les redevables.

Ainsi, dans le cas du Havre Seine Métropole, le conseil délibérant a décidé de lisser les taux sur une période de quatre ans à compter de 2024. Durant cette période, l'intercommunalité détermine librement les modalités de l'harmonisation progressive des taux sous réserve de parvenir, à l'issue de la période de lissage, au taux cible de Teom dans chacune des zones qu'elle a définies.

Cette période pourra être prolongée sur délibération de l'EPCI, sans que la durée totale de lissage puisse excéder dix ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, je vous remercie pour ces éclairages.

lutte contre les rodéos motorisés dans la commune de compiègne

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 245, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

M. Édouard Courtial. Madame la ministre, l'engagement du Gouvernement au service de la sécurité quotidienne des Français n'est plus à démontrer. Je salue en particulier l'action de Bruno Retailleau à cet égard.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Édouard Courtial. Il me semble toutefois qu'il existe un domaine dans lequel le Gouvernement pourrait agir avec davantage de volontarisme pour améliorer encore la sécurité de nos concitoyens. Il s'agit du phénomène des rodéos motorisés, véritable fléau qui touche de manière croissante nos villes et même nos villages. Les rodéos urbains peuvent être à l'origine de drames ; le département de l'Oise ne le sait que trop bien.

Pour lutter contre ce fléau, la commune de Compiègne s'est démarquée en renforçant les effectifs de la police municipale et en intensifiant la vidéoprotection. Elle a ainsi récupéré depuis 2020 plus d'une cinquantaine de deux-roues, souvent abandonnés par leurs propriétaires dans leur fuite.

Malheureusement, madame la ministre, ces efforts pour mettre fin à de telles atteintes à la tranquillité publique ne sauraient être efficaces sans un appui et un accompagnement adéquats de l'État. Le maire de Compiègne, Philippe Marini, n'a pas de baguette magique. Plus que jamais, il a besoin du soutien du Gouvernement.

Pour aller plus loin, la commune de Compiègne se propose d'être ville expérimentale en matière d'utilisation des drones par la police municipale, ainsi que de recours au spray et au paintball de peinture codée.

Puisque ces expériences ne peuvent avoir lieu sans réquisition du procureur de la République, je ne peux qu'appuyer la demande du maire de Compiègne, M. Marini, et vous demander d'y répondre favorablement.

Je suis intimement convaincu que la mise en œuvre de ces mesures permettrait d'améliorer l'efficacité des agents de la police municipale et donc de garantir la sécurité des Compiégnois. Surtout, en répondant favorablement à cette demande d'expérimentation locale, vous permettrez aux élus locaux de se doter à terme de clefs pour améliorer la protection de nos concitoyens sur l'ensemble du territoire.

Madame la ministre, nous avons un choix à faire : laisser les maires seuls face à ce fléau ou leur donner enfin les moyens d'agir. Quelles mesures concrètes l'État compte-t-il mettre en place pour appuyer les communes dans cette lutte ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. Monsieur le sénateur Édouard Courtial, les rodéos motorisés sont des pratiques illégales qui troublent gravement l'ordre public et engendrent un sentiment d'insécurité dans certaines communes ou certains quartiers. Ces comportements inconsidérés, aux conséquences parfois dramatiques – j'ai à cet instant une pensée pour Kamilya, cette fillette décédée à Vallauris en août dernier, victime d'un motard inconscient –, requièrent toute la mobilisation des services de l'État et des collectivités.

La lutte contre ce fléau s'intègre aux stratégies de partenariat et de réappropriation de la voie publique, qui sont au cœur de la restauration de la sécurité du quotidien.

C'est le cas notamment à Compiègne, où les policiers agissent en prévention et de manière dissuasive par les opérations de voie publique que vous avez rappelées : quatorze opérations anti-rodéos y ont été organisées par la police nationale en 2024. En partenariat avec les bailleurs, un travail est également mené pour identifier les lieux de stockage des engins.

Enfin, des procédures judiciaires sont engagées, chaque fois que des éléments le permettent, avec l'aide du système de vidéoprotection de la ville.

À ce propos, des investissements ont été consentis pour assurer la montée en puissance de la vidéoprotection et de la police municipale ; s'y ajoute la mise en place par le maire de Compiègne, Philippe Marini, du dispositif « Stop rodéos » à partir de 2020. L'exemple de Compiègne doit inspirer d'autres villes, qui doivent s'impliquer plus et mieux dans cette lutte.

Même si le phénomène est loin d'être éradiqué, des résultats sont obtenus. En 2024, à Compiègne, la police nationale a procédé à six interpellations et engagé sept procédures judiciaires. Dans tout le département de l'Oise, dix-huit opérations anti-rodéos ont été organisées en 2024 par la police nationale ; elles ont abouti à dix-sept interpellations et à l'engagement de vingt-trois procédures judiciaires.

De son côté, la gendarmerie concentre son action sur les lieux – chemins régulièrement fréquentés, stations essence où se réapprovisionnent les conducteurs de deux-roues – et les moments – mercredis et week-ends – propices aux rodéos. Cette action ciblée a permis de saisir vingt-six engins en 2024.

Vous avez mentionné l'emploi de sprays de produits de marquage codés (PMC). Cette approche a été expérimentée entre 2021 et 2023, notamment dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre, pour identifier les auteurs de dégradations. Cependant, s'étant révélée peu conclusive, elle a été abandonnée. Appliqué aux rodéos urbains, en dehors des cas de flagrance, ce dispositif ne constituerait pas une preuve suffisante.

Le Beauvau des polices municipales mené par le ministre François-Noël Buffet offrira l'occasion de nous interroger à nouveau sur ces différents sujets. Le Gouvernement est fermement engagé pour offrir aux policiers municipaux les moyens d'agir efficacement pour répondre aux attentes croissantes des Français, dans le respect des principes constitutionnels et des prérogatives de l'autorité judiciaire.

dispositif de cessation anticipée lié à l'exposition à l'amiante

Mme la présidente. La parole est à M. André Guiol, auteur de la question n° 302, adressée à M. le ministre des armées.

M. André Guiol. Ma question s'adresse en premier lieu à M. le ministre des armées, Sébastien Lecornu, que vous représentez ici aujourd'hui, madame la ministre, mais le sujet évoqué semble prendre une tournure interministérielle.

Cette question concerne tous les agents qui ont été exposés à l'amiante durant leur vie professionnelle ; je leur avais déjà consacré une première question orale, le 5 décembre 2023.

Ces expositions effectives à l'amiante font peser des risques sur la santé des personnes qui en sont victimes. En conséquence, celles-ci bénéficient du dispositif de cessation anticipée d'activité professionnelle et peuvent percevoir l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (Ascaa).

L'évolution statutaire de certains établissements du ministère des armées et les différents détachements, mises à disposition, mises en disponibilité et mises hors cadre qui s'en sont suivis, ont créé au fil du temps des injustices quant à l'ouverture de ces droits.

Ces injustices ont été partiellement corrigées, pour les anciens ouvriers d'État, par la parution d'un décret rectificatif spécifique.

Toutefois, il reste encore un certain nombre de personnels sous statut, fonctionnaires ou contractuels, comme les techniciens supérieurs d'études et de fabrications (TSEF) ou les ingénieurs et cadres technico-commerciaux (ICT), qui ne relèvent plus du ministère des armées, mais restent victimes de cette injustice.

Je sais que le ministère travaille à une extension du dispositif qui bénéficierait aux personnes subissant cette injustice depuis maintenant des années, mais elle semble se heurter à un référentiel réglementaire interministériel.

Mais pourquoi cette extension du dispositif aux anciens fonctionnaires et agents contractuels nécessiterait-elle de modifier l'article 146 de la loi de finances pour 2016, comme il m'a été précisé en réponse à ma première question orale, alors que les ouvriers de l'État ont pu bénéficier d'une telle correction grâce au décret n°2022-920 du 21 juin 2022, donc sans une telle modification législative ?

Dans ces conditions, quand pensez-vous, madame la ministre, être en mesure de faire paraître un ultime décret correctif qui bénéficierait à l'ensemble du personnel de votre ministère, quels que soient leur statut d'origine et leur parcours professionnel ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur André Guiol, je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler que les fonctionnaires, les agents contractuels et les ouvriers de l'État du ministère des armées bénéficient de la cessation anticipée d'activité quand leurs fonctions professionnelles les ont exposés à l'amiante.

Comme vous le savez, par une décision du 10 juin 2020, le Conseil d'État a étendu ce dispositif aux anciens ouvriers de l'État qui n'étaient plus agents publics quand ils ont fait leur demande. Cette décision du Conseil d'État a conduit à une modification de la réglementation en 2022.

Depuis cette date, il existe donc bien une différence selon le statut des personnes concernées. Les anciens ouvriers de l'État peuvent bénéficier de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité au titre de l'amiante. Mais tel n'est pas encore le cas des anciens fonctionnaires et des anciens contractuels de droit public qui ne possèdent plus la qualité d'agent public au moment de leur demande. C'est la situation des anciens ingénieurs et cadres technico-commerciaux que vous avez cités.

Le ministre des armées est extrêmement attaché à réparer cette inégalité. Il s'est donc fortement mobilisé pour que la réglementation évolue en faveur des anciens fonctionnaires et contractuels. Une disposition législative étant nécessaire, elle a été inscrite dans la loi de finances initiale pour 2025.

Je vous confirme que l'ensemble des ministères concernés travaillent de concert pour préparer le décret d'application afférent, indispensable pour rendre opératoire le dispositif. Il sera publié très prochainement pour qu'enfin tous les agents et les anciens agents qui ont été exposés à l'amiante au cours de leur carrière publique puissent bénéficier de la reconnaissance qui leur est due.

augmentation des attaques au couteau

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren, auteure de la question n° 316, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Agnès Evren. Madame la ministre, depuis plusieurs mois, la France enchaîne les tragédies : Thomas à Crépol, Matisse à Châteauroux, et maintenant Philippine, Élias et Louise à Paris, tous ces jeunes ont eu leur vie arrachée à coups de couteau par des barbares.

Les coupables doivent être sévèrement punis et les élus doivent tourner la page d'un déni inadmissible.

Le dernier rapport disponible de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) dénombrait, en 2020, 120 attaques au couteau par jour en France. Je répète : 120 attaques au couteau par jour ! À ce niveau, ce sont non plus des faits divers, mais bel et bien des faits de société qui touchent nos enfants.

Élue à Paris, dans le XVe arrondissement, je constate que notre ville fait face à une explosion de la violence. Coup sur coup, nous avons vécu trois meurtres sanglants en quelques semaines. En 2024, le nombre de meurtres a augmenté de 36 % à Paris ; celui des tentatives de meurtre, de 33 %.

Pourtant, Mme Hidalgo vit toujours dans sa bulle, déconnectée du réel. Les attaques au couteau se multiplient, mais quelle est sa réponse, à part le déni ? Arme-t-elle sa police municipale ? Non ! Massifie-t-elle le recours aux caméras et aux systèmes de vidéoprotection ? Non ! La réponse d'Anne Hidalgo et de la gauche parisienne est de distribuer des dépliants intitulés : « Porter un couteau, c'est se mettre en danger, pas se protéger » !

Comment peut-on vivre dans un tel déni ? Le déni entraîne l'inaction, et l'inaction engendre l'impunité. Cette dernière est si insupportable que 10 000 familles quittent chaque année Paris, notamment parce que certains quartiers sont devenus des coupe-gorge.

Ma question est donc très simple, madame la ministre : quelle est la feuille de route du Gouvernement pour lutter contre les attaques au couteau ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. En préambule, je tiens à exprimer ma compassion profonde pour Thomas, Matisse, Philippe, Élias et Louise, ainsi que pour leurs familles.

Les attaques commises au moyen d'une arme blanche ou de toute autre arme témoignent d'une violence qui atteint un niveau alarmant, d'un ensauvagement qui questionne profondément notre modèle de société et sa cohésion. Nous avons besoin d'un continuum de sécurité.

Au-delà des attaques dues au terrorisme ou liées à des pathologies psychiatriques, la prégnance du phénomène sur le territoire national commande d'y consacrer tous les moyens nécessaires pour y faire face. Mais l'aisance à se procurer un couteau et à le dissimuler rend très difficile la détection de ces armes par les forces de sécurité intérieure.

Parmi les réponses à la violence par arme blanche, on trouve d'abord, bien sûr, l'action des forces de sécurité intérieure, qui prennent toute leur part à ce combat. Le ministère de l'intérieur est particulièrement engagé pour une présence visible, rassurante et dissuasive de leurs agents sur la voie publique et dans les transports en commun, pour rassurer nos concitoyens.

La réponse est aussi interministérielle. Comme vous le savez, dans sa circulaire du 19 novembre dernier, le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau a demandé aux préfets d'élaborer des plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien. Plus de liberté d'action pour plus de résultats, voilà quel doit être le leitmotiv de ces plans mobilisant l'ensemble des acteurs du continuum de sécurité.

Lutter contre les violences à l'arme blanche passe aussi, naturellement, par une réponse pénale à la fois efficace et sévère ; le garde des sceaux s'y emploie. Dès le premier écart grave, dès qu'il y a une menace, dès qu'il y a une gravité dans l'infraction, alors il doit y avoir une sanction.

Ma collègue ministre de l'éducation nationale a par ailleurs annoncé la systématisation du passage en conseil de discipline des élèves en possession d'une arme blanche. Un signalement au parquet sera aussi effectué. Tout cela confirme notre volonté d'agir.

En ce qui concerne la question des statistiques, le phénomène n'est pas simple à quantifier. Je peux cependant vous indiquer qu'au sein de l'agglomération parisienne, les vols commis avec arme blanche ont reculé de 22 % entre 2023 et 2024.

Mme Valérie Boyer. Tout va bien !

Mme Clara Chappaz, ministre déléguée. Je tiens enfin à souligner le rôle que peuvent jouer les systèmes de vidéoprotection pour une intervention rapide et une prompte interpellation des auteurs de ces actes. Ce fut notamment le cas pour l'assassin de la jeune Louise.

Madame la sénatrice, je peux vous assurer que nos policiers et nos gendarmes continueront d'agir sans relâche sur le terrain pour garantir la sécurité de tous les Français. Mes collègues Bruno Retailleau et François-Noël Buffet sont pleinement mobilisés à cette fin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.

Mme Agnès Evren. Madame la ministre, j'insistais dans ma question sur le fait que le déni n'est plus acceptable. Je le redis, il ne s'agit pas de simples faits divers : ce sont des faits de société ! On aimerait entendre, au moins dans la tonalité de vos propos, une véritable détermination à ce que plus jamais un enfant ne meure sous les coups de couteau de barbares et de voyous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

niveau de pollution résultant de l'exploitation militaire du site du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de moronvilliers

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, auteure de la question n° 255, adressée à M. le ministre des armées.

Mme Anne-Sophie Romagny. Madame la ministre, durant plusieurs dizaines d'années, le Commissariat à l'énergie atomique, devenu Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), a exploité un site d'essais militaires et d'activité détonique à Moronvilliers, dans le département de la Marne.

Ce site a refait parler de lui à la fin de 2024, avec la diffusion du documentaire intitulé Le Polygone, un secret d'État. La population continue de s'interroger quant aux niveaux de pollution et de contamination radioactives des sols et des nappes phréatiques.

Ces questions sont légitimes et finissent par se transformer en suspicions, surtout lorsque l'on observe une sorte d'omerta autour du sujet.

En effet, faute d'informations précises sur d'éventuelles pollutions au plutonium, à l'uranium ou à d'autres matières dangereuses, les élus locaux sont totalement incapables de répondre aux inquiétudes des habitants.

Un suivi hydrogéologique est pratiqué depuis 2023, mais uniquement sur la zone périphérique du site. L'État ne peut donc pas garantir l'absence de pollutions. Les nappes phréatiques voisines alimentent en eau potable la population de la majeure partie de l'agglomération de Reims ; il est donc impératif de connaître l'état sanitaire des sols et du sous-sol.

De plus, l'État n'a jamais évoqué l'opportunité d'une dépollution du site, privilégiant le scénario du silence et du déni, alors que le site est fermé depuis douze ans.

Les élus locaux avancent pourtant la possibilité de développer des projets sur le site de Moronvilliers afin de financer sa dépollution. Il s'agirait d'installations d'énergies renouvelables permettant une exploitation durable de ce grand espace. Puisque celui-ci est disponible, privilégions le recyclage d'une friche militaire à la consommation d'espaces agricoles.

Je vous serais donc reconnaissante, madame la ministre, de me dire de quelle manière le Gouvernement entend rendre publiques des informations transparentes sur le niveau de pollution du site CEA de Moronvilliers et s'il entend entreprendre rapidement sa dépollution.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice Anne-Sophie Romagny, je veux être claire : le site en question n'a jamais vu la réalisation d'essais ni d'expérimentations nucléaires. De 1957 à 2013, le CEA n'a fait qu'y réaliser des expériences de détonique pour observer la mécanique des explosions. Ces expériences se sont révélées utiles à la mise au point des armes de la dissuasion française, mais il ne s'agissait aucunement de réactions de fission ou de fusion nucléaire.

Le CEA a cessé ses expériences sur le site de Moronvilliers dès 2013. Le site est alors entré dans une phase de remise en état général, sous le contrôle du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), de manière à ce qu'il n'y ait aucun impact sur la population ou sur l'environnement, à court comme à long terme. Des simulations sont réalisées sur cinq cents ans.

Les travaux engagés sont compatibles avec les usages envisagés de cette friche industrielle ; ils se poursuivront durant les trois prochaines décennies. Des bâtiments situés au nord du site ont d'ailleurs déjà été entièrement déconstruits entre 2014 et 2020.

Des dispositifs sont mis en place sur le site pour garantir le respect de l'environnement. Ses abords font en outre l'objet d'un programme de surveillance de l'environnement.

Le suivi hydrogéologique instauré en 2023 sur la zone périphérique du site fait apparaître des concentrations en uranium dans les eaux prélevées quarante fois inférieures à la valeur maximale réglementaire française pour les eaux destinées à la consommation humaine.

Tout ce travail est fait en transparence, avec les élus locaux. Une commission locale d'information a été créée le 3 février 2017. Elle se réunit annuellement sous la présidence du sous-préfet de Reims et rassemble les élus locaux.

Les résultats des mesures effectuées dans les exutoires naturels et les eaux superficielles sont transmis par courrier à la fois à la préfecture de la Marne et à l'ensemble des maires concernés.

Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement est pleinement mobilisé, comme vous le demandez, pour assurer la transparence des informations et le suivi rigoureux de la situation environnementale du site. Tous les efforts nécessaires sont entrepris pour garantir la sécurité des populations et la préservation de l'environnement.

élargissement de la procédure de l'amende forfaitaire aux contraventions pour non-respect d'un arrêté de police du maire

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 260, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Michel Savin. Madame la ministre, alors que l'intelligence artificielle fait la une des journaux, nos maires et nos policiers municipaux sont bloqués à l'âge du papier quand il s'agit de dresser des contraventions locales. Quel est le responsable de cette situation absurde ? Notre code de procédure pénale, qui n'a pas fait sa mise à jour « 2.0 ».

Nos lois et règlements interdisent en effet d'avoir recours à une procédure informatisée pour des infractions à des arrêtés municipaux pris au titre des pouvoirs de police du maire.

Nous prônons tous ici l'efficacité du service public. Dès lors, comment peut-on accepter que nos élus locaux et nos policiers municipaux perdent un temps précieux à rédiger à la main des PV et les rapports qui les accompagnent ?

Mais ce n'est pas tout ! Le même code impose que ces contraventions soient adressées à l'officier du ministère public pour qu'il apprécie l'opportunité des poursuites. Dans la pratique, ce dernier est débordé et finit généralement par les classer sans suite.

Les conséquences sont bien réelles : perte de motivation de nos agents et de nos élus municipaux ; perte de confiance de nos concitoyens dans leurs institutions ; enfin, renforcement du sentiment d'impunité des fauteurs de trouble, ce qui peut les amener à récidiver ou à commettre des infractions plus graves.

Il existe une solution simple à ce problème : élargir à ce type d'infractions la procédure de l'amende forfaitaire. Madame la ministre, le Gouvernement compte-t-il s'y atteler ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur Michel Savin, le garde des sceaux m'a chargée de vous assurer que le ministère de la justice est mobilisé aux côtés des élus dans la lutte contre les infractions du quotidien, notamment la violation des arrêtés de police des maires.

Cette violation est réprimée par l'article R. 610-5 du code pénal. L'article R. 48-1 du code de procédure pénale, quant à lui, dresse une liste des contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l'action publique peut être éteinte par le paiement d'une amende forfaitaire.

Cette liste ne comprend pas l'ensemble des infractions constituées par la violation des arrêtés de police du maire. En effet, ces infractions sont susceptibles d'être constituées dans des hypothèses extrêmement variées. Elles ne sauraient d'ailleurs être facilement traitées dans les bases informatiques du ministère de la justice.

En outre, une telle forfaitisation n'apparaît pas nécessaire pour assurer une répression efficace en la matière.

Ainsi, depuis l'entrée en vigueur du décret du 15 février 2022, le non-respect des arrêtés de police du maire est constitutif d'une contravention de deuxième classe et non plus simplement d'une contravention de première classe. Les agents de police municipale peuvent en pratique constater les contraventions relevant de l'article R. 610-5 du code pénal en utilisant des imprimés simplifiés, sans devoir dresser un procès-verbal selon les formes habituelles.

En outre, l'article R. 610-5 du code pénal ne s'applique que lorsque la violation de l'arrêté n'emporte pas une autre infraction caractérisée dans le droit pénal, auquel cas s'appliquent, le plus souvent, des sanctions plus sévères et forfaitisées.

À ce titre, le décret du 15 février 2022 dispose que sont désormais punis de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe plusieurs faits, tels que le non-respect des dispositions relatives à la libre circulation sur la voie publique, l'ouverture sans motif légitime d'un point d'eau incendie ayant pour effet d'entraîner un écoulement d'eau, mais aussi la violation des décrets et arrêtés de police qui réglementent la consommation d'alcool ou la présence et la circulation des personnes en certains lieux et à certaines heures.

Le même décret a par ailleurs étendu à l'ensemble de ces nouvelles contraventions la procédure de l'amende forfaitaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.

M. Michel Savin. Madame la ministre, comprenez bien qu'aujourd'hui les maires et les policiers municipaux ont besoin de précisions sur tous ces sujets. Il n'est pas normal que, lorsqu'un policier municipal ou un maire dresse un PV, celui-ci ne soit pas suivi d'effet. Cette situation engendre un sentiment d'impunité qui crée des tensions dans nos communes et nos quartiers. Il est donc urgent de clarifier les choses.

Vous nous dites que le Gouvernement est mobilisé aux côtés des élus ; je veux bien l'entendre. Il faut que les choses soient bien claires et que les élus puissent, demain, assumer leurs fonctions en toute sérénité.

transparence sur le meurtre d'un jeune homme au centre pénitentiaire de marseille-les-baumettes

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 266, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, le 21 septembre 2024, Robin Cotta, 22 ans, tente d'obtenir de la codéine dans une pharmacie, muni d'une fausse ordonnance. Arrêté dans la foulée, il est incarcéré à la prison des Baumettes, à Marseille.

Le 1er octobre, le jeune homme écrit à ses parents ; il reste optimiste sur la suite de cette affaire. Malheureusement, trois jours après, Robin est transféré dans une autre cellule et son enfer débute. Selon un document relaté par la presse, il a exprimé, à plusieurs reprises, ses craintes à l'encontre de son codétenu. En effet, il a lancé l'alerte trois fois par lettre, sans compter les appels à l'interphone.

Arrive alors la soirée du 9 octobre, où le bruit d'une violence inouïe retentit dans la cellule. Son bourreau s'est servi d'un bol cassé pour le tuer, jusqu'à pratiquement le décapiter. Il lui a écrasé le visage. Comble de l'horreur, le meurtrier indique également avoir manipulé le corps de sa victime pour accélérer l'hémorragie.

Ses parents ont appris les circonstances de la mort de Robin dans la presse. Je veux leur témoigner toute ma compassion.

Au-delà de sa famille, je crois que les Français attendent des réponses. Nous sommes tous dans la stupeur, le chagrin et l'incompréhension.

Aussi, madame la ministre, même si je devine que vous allez me répondre qu'il ne vous appartient pas de commenter une affaire en cours, je vous demande de faire preuve de transparence sur ce drame.

Alors que nous venons d'apprendre que des activités ludiques sont organisées dans certaines prisons, avec des séances de massage gratuites, alors que le frère d'un des tueurs du Bataclan, pourtant fiché S, se balade tranquillement à Lure, parce qu'il y est seulement assigné à résidence, alors qu'en janvier, dans les Yvelines, un individu condamné pour le viol de sa nièce mineure a été remis en liberté faute de date disponible pour son procès, bref – la liste est trop longue, hélas ! –, alors que bien des personnes dangereuses sont en liberté, pourquoi ce jeune homme, qui n'était pas dangereux, qui n'avait pas de casier judiciaire, qui avait un travail a-t-il été rapidement incarcéré ? Au minimum, madame la ministre, veuillez répondre à cette question !

D'autres solutions n'auraient-elles pas pu être envisagées, qui auraient garanti sa sécurité et sa survie ? Pourquoi a-t-il été placé dans la même cellule qu'un détenu réputé pour être ultra-violent ? Qui est son bourreau ? Quelles étaient ses motivations ? Pouvons-nous retenir une motivation raciste pour le crime ? Enfin, pourquoi les alertes de ce jeune homme n'ont-elles jamais été prises en considération ? Faut-il avoir des relations pour être protégé en prison ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice Valérie Boyer, je vous prie d'abord d'excuser l'absence du ministre de la justice.

Je voudrais, comme vous, compatir à la douleur de cette famille, pour laquelle j'ai évidemment une pensée.

Dans cette affaire, la justice et l'inspection générale de la justice ont été saisies dès la commission des faits. Les deux procédures, judiciaire et administrative, sont toujours en cours. Dès lors, vous le savez bien, je ne peux pas m'exprimer sur l'affaire. Lorsque les conclusions de ces procédures seront rendues, M. le garde des sceaux Gérald Darmanin en tirera toutes les conséquences et prendra, le cas échéant, les mesures qui s'imposent pour qu'un tel drame ne se reproduise pas.

Mme Valérie Boyer. C'est trop facile !

Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée. Je ne peux pas vous répondre autre chose ; vous avez suffisamment d'expérience pour le savoir.

Mme Valérie Boyer. Pourquoi était-il en prison ? Vous pourriez au moins me répondre là-dessus !

bornage du détachement des personnels de l'éducation nationale dans le réseau d'enseignement français à l'étranger

Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, auteur de la question n° 250, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, ma question porte sur les enseignants détachés dans le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger.

Depuis le 1er septembre 2019, ces enseignants ne peuvent plus être maintenus dans leur détachement au-delà de six années scolaires consécutives – cette durée peut, par dérogation exceptionnelle, être allongée à neuf années scolaires consécutives. Pour nombre de fonctionnaires de l'éducation nationale qui ont obtenu un nouveau poste à l'étranger en 2019, la période de détachement va donc arriver à terme à la rentrée prochaine.

Cette mesure avait été prise pour encourager la mobilité et offrir au plus grand nombre d'enseignants possible la possibilité d'une expérience à l'étranger, mais elle perd largement son sens aujourd'hui, alors que l'éducation nationale fait face à une crise de recrutement et que les rectorats découragent les détachements à l'étranger afin de limiter les pénuries de personnel dans l'Hexagone.

De surcroît, les réseaux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) font face, eux aussi, à de grandes difficultés de recrutement, ce qui remet en cause la continuité et la qualité de l'enseignement dispensé par les établissements de l'AEFE.

D'ailleurs, dans mon rapport sur la francophonie, j'ai pu constater que cette pénurie mondiale d'enseignement du français et en français affaiblit le rayonnement international de notre pays et de notre langue.

Je demande donc au Gouvernement de revenir sur cette limitation de six ans du détachement, au profit des reconductions tacites qui prévalaient auparavant. Ainsi, tous les enseignants détachés qui le souhaitent pourront continuer de soutenir notre réseau d'établissements français à l'étranger. Pour ce faire, ils doivent avoir la possibilité de poursuivre leur détachement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Chantrel, je vous remercie de votre question et vous prie avant tout de bien vouloir excuser l'absence de Mme la ministre d'État Élisabeth Borne, qui m'a chargé de vous répondre.

La rentrée 2025 marquera le retour des premiers enseignants ayant atteint la durée maximale de six ans de détachement à l'étranger, conformément au cadre fixé en 2019.

L'objectif de ce dernier est clair : permettre à un maximum d'enseignants de vivre une expérience internationale, tout en garantissant un renouvellement équilibré des détachements.

Après ces six années, un retour à un poste en France, pour trois ans au moins, est requis avant de pouvoir repartir. Une prolongation jusqu'à neuf ans de la durée maximale de détachement à l'étranger est toutefois possible en cas de circonstances exceptionnelles, notamment pour les fins de carrière ou les zones en tension.

Nous suivons ces retours avec attention, mais leur ampleur reste limitée à ce stade : environ 170 enseignants sont concernés dans les deux degrés, dont 5 seulement pour l'AEFE, sur une cohorte initiale de plus de 800.

Surtout, cette règle n'a pas entamé l'attractivité du réseau. Les chiffres le montrent : dans le premier degré, le nombre d'enseignants détachés se maintient autour de 3 330 ces dernières années. Dans le second degré, ce chiffre est en hausse avec 4 946 enseignants détachés en 2024, contre 4 442 en 2023 et 4 263 en 2022. La légère baisse observée en 2022 était due à un gel temporaire des recrutements par l'AEFE.

Un bilan global sera mené après la rentrée 2025, en lien avec tous les acteurs concernés. D'ici là, un plan d'accompagnement a été lancé à la fin de 2024, incluant un « guide du retour » et la formation des conseillers en ressources humaines aux enjeux auxquels sont confrontés les enseignants qui rentrent en France.

Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, pour la réplique.

M. Yan Chantrel. Monsieur le ministre, je me tiens bien évidemment à votre disposition pour échanger plus en détail sur ce sujet et faire, au cours de cette année, le bilan de la réforme des détachements.

contrats animateurs et accompagnants d'élève en situation de handicap

Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin, auteure de la question n° 241, transmise à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, au-delà de la notion d'école inclusive, qui tend à pallier le déficit d'établissements plus adaptés, nous constatons, malgré les annonces d'ouvertures de postes, que le recrutement des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) suscite de vraies difficultés. Ces postes sont en effet peu attractifs, notamment parce qu'ils sont rarement offerts à temps complet.

De la même manière, les communes peinent à trouver des animateurs pour leurs centres de loisirs.

Je vous propose donc, monsieur le ministre, de permettre, par la mise en commun des fichiers pertinents entre les autorités compétentes, la création d'un système de vases communicants aux termes duquel les animateurs pourraient exercer sur le temps scolaire et les AESH intervenir sur le temps périscolaire.

Le département du Loiret s'est d'ores et déjà porté volontaire pour être le lieu de l'expérimentation d'un module de formation agile et efficace – j'insiste sur ces deux termes – afin de permettre aux animateurs d'exercer comme AESH.

Connaissant la célérité des autorités gouvernementales, j'ai déjà pris le soin de solliciter en ce sens le recteur et le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen). Ceux-ci, sous réserve de votre accord, sont prêts à relever ce défi.

Bref, du pragmatisme et de l'efficacité viennent du terrain pour répondre à un besoin criant !

Comme il me reste un peu de temps, je profite de votre présence, monsieur le ministre, pour réitérer une question à laquelle Mme la ministre Borne avait omis de répondre la semaine dernière lors de son audition par notre commission de la culture. Je suis régulièrement sollicitée par le réseau Espérance banlieues, qui a déposé des dossiers de reconnaissance pour être associé à l'éducation nationale. Vos prédécesseurs les y avaient d'ailleurs encouragés. Pouvez-vous me dire où nous en sommes ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Martin, vous évoquez un enjeu central : la formation des accompagnants d'élèves en situation de handicap et leur complémentarité avec les enseignants.

Dès leur prise de poste, les AESH bénéficient d'une formation obligatoire de soixante heures. Des formations départementales et académiques sont accessibles sur tout le territoire, avec des modules nationaux consacrés à leur métier ou partagés avec les professeurs.

Depuis 2021, vingt-cinq heures de formation initiale des professeurs sont par ailleurs consacrées à l'école inclusive. Deux plateformes nationales, dénommées « M@gistère » et « Cap école inclusive », proposent des formations en libre accès pour les enseignants et les AESH.

En parallèle, ces derniers peuvent compter sur l'accompagnement des professeurs ressources du service de l'école inclusive et des conseillers pédagogiques des établissements.

Dans le cadre de la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, un professeur ressource sera affecté dans chaque département d'ici à 2027, en complément des spécialistes de l'autisme déjà déployés.

Depuis la rentrée 2024, nous expérimentons les pôles d'appui à la scolarité (PAS) dans quatre départements. Ces pôles, qui associent éducation nationale et secteur médico-social, interviennent dès le plus jeune âge et sur tous les temps de l'enfant : scolaire, périscolaire, extrascolaire.

Dès 2025, plus de 200 PAS supplémentaires seront implantés pour mieux répondre aux besoins des familles.

Nous avançons avec une forte ambition : offrir à chaque enfant de France un accompagnement à la hauteur de ses besoins.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.

Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à ma question : pouvons-nous faire une expérimentation avec nos animateurs de centres de loisirs ?

personnel accompagnant des élèves en situation de handicap

Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 284, adressée à Mme la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Sonia de La Provôté. Monsieur le ministre, depuis la loi du 27 mai 2024, l'État est désormais compétent pour la prise en charge financière des accompagnants d'élèves en situation de handicap durant la pause méridienne. C'est au rectorat qu'il appartient de définir les modalités de cet accompagnement humain.

Cette loi répond à un besoin évident de solidarité nationale à l'égard des familles. Néanmoins, sa mise en œuvre est source de gros problèmes au quotidien dans les écoles. Plusieurs communes du Calvados sont confrontées à ces difficultés, par exemple Verson, qui l'a été récemment.

En effet, depuis la rentrée, la mairie a dû pallier l'absence de mise en place du dispositif dans l'une de ses écoles, alors que celle-ci accueille une unité localisée pour l'inclusion scolaire (Ulis) et que certains élèves disposent de notifications de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) leur ouvrant droit à un encadrement spécifique durant la pause méridienne.

Il aura fallu trois mois pour que cette prise en charge soit effective. Sans aucune nouvelle des services de l'État, la commune avait recruté à la rentrée un agent périscolaire pour assurer l'accompagnement de trois enfants jusqu'au mois de décembre, pour un coût de près de 3 000 euros.

Finalement, après avoir prévenu tardivement la mairie, le 18 novembre 2024, l'éducation nationale a affecté une personne dans l'école, mais elle n'est présente le midi que de onze heures cinquante à douze heures quarante. Son temps de présence ne couvre donc pas l'intégralité de la pause méridienne, qui, elle, s'étend de onze heures trente à treize heures trente ! La mairie de Verson est de ce fait contrainte d'avoir recours à un agent périscolaire pour couvrir le reste du temps. Mais à quel coût ? Et pour combien de temps ?

Monsieur le ministre, cette situation est trop complexe à gérer pour les communes, qui plus est dans un contexte budgétaire contraint. Le décalage entre la rentrée scolaire, la prise de décision et sa mise en œuvre est inacceptable. Les enfants, eux, ont un réel besoin, essentiel, d'un accompagnement, et ce dès la rentrée. Ils ne peuvent en être privés faute de moyens alloués par l'éducation nationale.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour pallier les carences de l'éducation nationale et compenser la prise en charge par les communes ? Comment l'État compte-t-il assurer pleinement sa mission d'inclusion auprès des élèves, et ce, c'est évident, dès la rentrée scolaire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice de La Provôté, la loi Vial, en vigueur depuis la rentrée 2024, marque une avancée majeure : l'État est désormais tenu de prendre en charge l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant la pause méridienne.

L'un des enjeux clés de cette obligation repose sur la manière dont est déterminé le besoin d'accompagnement des élèves durant ce temps spécifique. C'est l'État, et plus précisément le recteur d'académie, accompagné de son directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen), qui décide du principe et des modalités de cet accompagnement.

Pour cela, nous nous appuyons sur une analyse fine des besoins de chaque élève, en prenant en compte les recommandations des MDPH et l'expertise des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) ou des pôles d'appui à la scolarité.

À la question portant sur la convention et sa mise en œuvre, nous avons apporté des réponses concrètes.

Un décret a été présenté le 21 janvier 2025 pour simplifier l'accompagnement durant la pause méridienne. Il clarifie un point essentiel : l'État assume pleinement ses responsabilités d'employeur, y compris sur ce temps.

Enfin, nous avons fait le choix d'un déploiement renforcé des pôles d'appui à la scolarité pour apporter aux familles des réponses rapides et adaptées : premièrement, des aménagements pédagogiques et éducatifs adaptés ; deuxièmement, la mise à disposition de matériel pédagogique spécifique ; troisièmement, un accompagnement renforcé par des professionnels de l'éducation nationale et du secteur médico-social.

Notre objectif est simple : garantir à chaque élève les meilleures solutions, sans que les familles aient à naviguer seules dans des démarches administratives complexes.

Madame la sénatrice, soyez assurée de notre engagement à faire de l'école inclusive une réalité.

convention liant les médecins de montagne à l'assurance maladie et absence de reconnaissance financière des actes spécifiques aux urgences en milieu montagnard

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 247, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le ministre, fort de ses nombreuses stations de montagne de renommée internationale, le département de la Haute-Savoie accueille chaque année des millions de visiteurs, dont la pratique sportive engendre entre 120 000 et 140 000 traumatismes par an, dont une grande part est prise en charge par les médecins de montagne.

Ces cas de traumatologie sont souvent graves et nécessitent une réactivité et une technicité qui se passeraient d'obstacles administratifs et financiers. Or la nouvelle convention signée avec la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) impose notamment aux médecins de montagne un recours systématique au centre 15 pour administrer des antalgiques intraveineux comme la morphine. Par ailleurs, l'acte visant la prise en charge d'une urgence traumatique, neurologique, respiratoire ou cardiaque ne peut être coté que si le patient est adressé ensuite aux urgences.

Pour nos médecins de montagne, cette mesure est inadaptée aux réalités de terrain où, en cas de fracture ou de luxation sévère, chaque minute compte. Ces délais supplémentaires mettent directement en danger la vie des patients.

En outre, les actes d'urgence et de traumatologie, pourtant essentiels, ne sont pas valorisés à la hauteur des coûts spécifiques qu'ils engendrent en zone de montagne. Ce problème a été aggravé par la modification des majorations MN, MM, et des modalités d'application des cotations de week-end et de garde de type F et CRD, applicables depuis le 22 décembre 2024. Ces majorations, désormais limitées aux seules consultations régulées par le 15 ou aux urgences vitales, entraînent une perte de rémunération significative pour les médecins, qui, durant toute la saison et au-delà, sont mobilisés la nuit, le week-end et les jours fériés.

Ces contraintes menacent directement la pérennité de l'offre de soins en Haute-Savoie, où les coûts d'exercice en montagne sont bien supérieurs à ceux que l'on rencontre en milieu urbain. En outre, il ne faut pas oublier la forte attractivité de la Suisse voisine pour ces personnels. S'il n'est pas procédé rapidement à des ajustements, les fermetures de cabinet risquent de se multiplier, d'aggraver la désertification médicale et de reporter la charge sur des hôpitaux déjà bien saturés.

Je souhaite donc connaître les mesures concrètes envisagées par le Gouvernement pour alléger ces contraintes et garantir aux médecins de montagne une rémunération adaptée à leurs conditions d'exercice.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Noël, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence ce matin du ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, qui m'a demandé de vous répondre.

La convention médicale signée en juin 2024 résulte de discussions riches entre l'assurance maladie et les représentants des médecins libéraux, l'objectif premier étant d'améliorer l'accès aux soins.

Les soins non programmés ont fait l'objet d'une réorganisation, laquelle était nécessaire, pour éviter les dérives tarifaires et pour préserver les ressources médicales dans nos territoires.

Désormais, la régulation par le service d'accès aux soins et la permanence des soins ambulatoires permet de mieux mobiliser les ressources là où elles sont indispensables. La convention rappelle ainsi que les cotations d'urgence non régulées doivent rester exceptionnelles et être réservées aux cas justifiant une hospitalisation.

Afin d'accompagner cette transition sans déstabiliser les acteurs, le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins a demandé à l'assurance maladie et aux agences régionales de santé de privilégier la pédagogie.

En ce qui concerne les cabinets de montage, le ministre est particulièrement attentif à leurs spécificités. Depuis 2015, le dispositif de labellisation en Auvergne-Rhône-Alpes a permis de financer cinquante-quatre cabinets pour un peu plus de 2 millions d'euros. De plus, la nomenclature prévoit déjà un supplément pour les examens radiologiques effectués en montagne.

Enfin, l'article 15 bis de la loi de financement de la sécurité sociale permettra de labelliser les centres de soins non programmés. Cela pourrait concerner les cabinets de montagne.

J'espère vous avoir convaincue, madame la sénatrice, de la pertinence des mesures qui ont été prises et de l'engagement du Gouvernement à garantir un accès aux soins adapté aux réalités territoriales.

stratégie pour l'avenir du cambrésis 2027

Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 301, adressée à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. Guislain Cambier. Madame la ministre, ma question s'adresse à M. Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Quelle belle mission que celle qui consiste à aménager le territoire, à permettre à chacun de construire son développement, tout en assurant la cohérence et la cohésion de la Nation ! Belle gageure ! Pour ce faire, les gouvernements ont mis en place des dispositifs perlés, à l'instar, dernièrement, des pactes territoriaux, qui fonctionnent plus ou moins.

Dans le département du Nord, l'engagement pour le renouveau du bassin minier (ERBM) panse les plaies dudit bassin. Le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache (SAT) vise à combler les retards de l'Avesnois. Un arrondissement, lui, est laissé seul : le Cambrésis.

Pourtant, ses indicateurs sont dans le rouge : le taux de chômage y atteint près de 18 % ; le taux de fécondité des femmes de plus de 12 ans est deux fois et demie plus important qu'à l'échelon national ; un enfant sur cinq est atteint de troubles du langage. Et je n'évoquerai même pas les violences intrafamiliales, l'accès très déficitaire aux soins ou les questions de mobilité.

Face à une telle situation et à ce déferlement d'indicateurs, les élus ont élaboré, avec l'État et le département, une stratégie pour l'avenir du Cambrésis 2027. Le préfet Lalande l'a cosignée en 2019. Depuis : rien !

Ma question est donc simple, madame la ministre : allez-vous honorer la parole de l'État ? Allez-vous permettre au Cambrésis d'accéder à un développement équitable et équilibré ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Guylain Cambier, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de François Rebsamen, qui ne pouvait pas être présent ce matin. Pour ma part, je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous présenter l'action de l'État dans votre département – elle n'est peut-être pas assez visible –, plus particulièrement dans le Cambrésis, partie de votre territoire que vous défendez avec beaucoup d'énergie.

L'État n'est pas resté inactif puisque plus de 1 000 emplois ont déjà été créés. Il a financé une démarche d'ingénierie pour identifier des projets industriels. C'est ainsi que quatorze entreprises du secteur agroalimentaire et du développement numérique ont été accompagnées et ont bénéficié d'une enveloppe de 3 millions d'euros. Des sites sont implantés et sont suivis attentivement par l'État. Je pense aux nouveaux projets e-Valley sur les friches de l'ancienne base aérienne de Cambrai.

L'État accompagne aussi les personnes éloignées de l'emploi : 600 000 euros ont été octroyés pour faciliter l'accès à l'emploi. Je pense aussi au programme France Ruralités : six communes rurales bénéficient du programme Villages d'avenir.

Enfin, l'État intensifie aussi dans le Cambrésis, comme partout, ses efforts dans la lutte contre les violences intrafamiliales en augmentant les moyens qui y sont consacrés. Il a ainsi créé en janvier 2024 un troisième poste d'intervenante sociale pour permettre une prise en charge complète des victimes.

L'État, monsieur le sénateur, et je sais que vous n'en doutez pas, est pleinement mobilisé, en lien étroit avec les collectivités locales, pour le développement du Cambrésis. Comme l'a dit le Premier ministre, chaque territoire doit avoir une espérance et chaque citoyen une chance.

Mme la présidente. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. En effet, un certain nombre de mesures ont été mises en place, et le territoire vous en remercie. Pour autant, des mesures coordonnées sont nécessaires.

À cet égard, la stratégie pour l'avenir du Cambrésis présentait l'avantage de réunir l'État et l'ensemble des acteurs et des élus du département pour porter un projet à long terme, projet qui n'a pas encore vu le jour. Des élus avaient pris des engagements, qu'ils n'ont pas pu tenir en raison des aléas électoraux.

Or nous avons besoin d'une visibilité à long terme, comme c'est le cas dans l'Avesnois, dans le bassin minier ou autour du Valenciennois. Ce serait bien de construire une stratégie tous ensemble. Nous ne demandons pas mieux, dans le Cambrésis, que de travailler avec vous, madame la ministre.

réalisation de l'opération « 1 000 cafés »

Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 268, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité.

Mme Else Joseph. Madame la ministre, en 2019, l'opération « 1000 cafés » avait été annoncée pour revitaliser nos villages, cette initiative privée bénéficiant d'un soutien public. Le but était de recréer du lien, de la sociabilité, en mobilisant et en impliquant nos villages. Cette belle opération visait à redonner de l'âme à nos petites communes autour d'un café.

Cinq ans plus tard, le bilan est plus que mitigé, en particulier dans mon département des Ardennes. Sur les 1 000 cafés prévus à l'échelon national, 200 s'inscriraient dans le réseau, mais seulement 80 cafés auraient en réalité vu le jour depuis le lancement de cette opération, qui se voulait ambitieuse, mais aussi participative puisqu'elle devait impliquer tout le monde, à commencer par nos communes.

La déception n'est pas que d'ordre statistique ou comptable. Si, dans certaines situations, des projets n'ont pu aboutir, dans d'autres cas, des communes se sont heurtées à des retraits soudains et inopinés de la part d'opérateurs pas toujours scrupuleux, voire à des pressions injustifiées sur les gérants. C'est le cas dans trois communes de mon département.

Alors qu'elles avaient financé, soutenu et facilité ces projets en utilisant tous les instruments disponibles qu'une commune peut mettre en œuvre, elles se heurtent à des retraits sauvages de la part de gérants sans scrupules, qui n'ont parfois investi aucun euro préalablement. De ces cafés promis, elles n'en voient, si je puis dire, ni la couleur ni l'odeur. Elles font face ensuite à des difficultés financières.

Madame la ministre, comment aider ces communes qui ont été victimes de démarches aux limites de la malveillance, pour ne pas dire de la malhonnêteté dans certains cas ? Comment les aider à poursuivre des projets dans lesquels elles se sont tant impliquées et pour lesquels elles ont beaucoup donné ? Comment garantir un objectif qui réside dans le nom même de l'opération : « 1000 cafés » ?

Je ne voudrais pas conclure comme on l'a fait à propos de Louis XV : « France, ton café fout le camp ! »

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice, chère Else Joseph, votre question est importante parce qu'elle traite de la revitalisation de nos centres-bourgs. On sait qu'un espace ouvert, chaleureux, tel un café, est un lieu de rencontre et de lien social, pour lequel de nombreuses communes déploient des efforts considérables.

J'ai reçu il n'y a pas très longtemps la présidente du programme « 1 000 cafés » et j'ai participé ici aux travaux de cette association. D'autres initiatives ont été prises par ailleurs.

Ce que l'on sait, c'est qu'il est très difficile de réintroduire des cafés et des commerces de manière générale dans les centres-bourgs parce qu'il faut trouver un modèle économique. Personne ne tient un café ou un bar s'il n'est pas possible d'en vivre. Des cafés associatifs se développent et proposent des activités annexes, comme de la musique ou de la lecture. Il s'agit d'un modèle citoyen très engagé.

L'État, je vous assure, est réellement très attentif à l'ensemble de ces initiatives. Nous avons en effet mis en œuvre un programme pour les soutenir. Nous avons ainsi permis, avec un soutien fort de l'État, la réouverture de 434 commerces.

L'exercice est toujours difficile et particulier parce que les projets sont tous différents. Pour ma part, je suis prête, madame la sénatrice, à vous accueillir pour discuter avec vous de la situation particulière que vous évoquez.

Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.

Mme Else Joseph. Je vous remercie, madame la ministre, de ces éléments. Je connais votre engagement en faveur du commerce rural. Ma question visait aussi à rassurer nos acteurs locaux parce que cette association est soutenue par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et par le fonds de soutien au commerce rural. J'attends donc une surveillance vigilante de l'usage qui est fait de cet argent public.

développement dérégulé de la sous-location

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 020, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.

M. Jean-Michel Arnaud. Madame la ministre, depuis quelques années, des entreprises proposent des services de sous-location et de conciergerie aux propriétaires de biens immobiliers. En contrepartie d'un loyer mensuel, trimestriel ou semestriel, assuré et stable, ces entreprises réalisent des prestations de sous-location de courte et moyenne durée. Souvent proposées via des plateformes en ligne, ces offres s'adressent, en majorité, à une clientèle touristique.

Ce nouveau procédé réduit mécaniquement l'offre de logements permanents disponibles pour la population locale. Alors que la France pâtit d'un fort manque de logements, cette situation négative ne fait qu'accentuer le déséquilibre entre l'offre et la demande.

Il convient de noter également que ces contrats de sous-location sont moins encadrés d'un point de vue juridique pour les sous-locataires, qui ne bénéficient pas des mêmes garanties que les locataires. En outre, la sous-location ne relève pas d'un régime fiscal plus avantageux que la location.

Ce développement dérégulé de la sous-location participe de facto à une sorte d'ubérisation de la gestion locative dans ce pays. Par exemple, dans le Briançonnais, dans mon département, les prix du logement empêchent les locaux et les travailleurs saisonniers de se loger. Je parle non pas d'acquisition foncière, mais juste de location.

À ce problème de sous-location s'ajoutent les interdictions de location qui découlent du nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE).

Madame la ministre, face au manque drastique de logements, comptez-vous assouplir les dispositions de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ? Comment comptez-vous encadrer les nouveaux procédés de sous-location ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Jean-Michel Arnaud, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Valérie Létard ce matin, dont vous connaissez l'attention particulièrement vive et soutenue qu'elle porte à la question du logement.

La question que vous posez est importante, elle concerne de nombreux territoires, tout particulièrement le vôtre. Des choses ont bougé : la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, portée par la députée Anaïg Le Meur et soutenue par le gouvernement d'alors, a prévu de nouveaux outils pour préserver les résidences principales et éviter la distorsion du marché que vous évoquez.

La procédure de déclaration et d'enregistrement en mairie est aujourd'hui généralisée. Les fausses déclarations et le non-respect par la plateforme d'une injonction de retrait d'une annonce frauduleuse sont aujourd'hui assez lourdement sanctionnés.

Les communes peuvent aussi définir des quotas d'autorisations de meublés touristiques et délimiter dans leur plan d'urbanisme des secteurs réservés à la construction de résidences principales. Elles peuvent aussi limiter à quatre-vingt-dix jours par an la durée de location de résidences au lieu de cent vingt jours auparavant et prévoir une sanction en cas de dépassement.

Enfin, le régime fiscal des meublés touristiques a été rapproché de celui de la location nue.

Ces premiers éléments sont, je pense, de nature à répondre, sans doute partiellement me direz-vous, à la situation que vous décrivez. L'accès au logement pour les habitants d'un territoire est un enjeu extrêmement fort partout, particulièrement dans votre région. Les travailleurs, notamment les travailleurs saisonniers, n'arrivent pas à se loger, ce qui fragilise l'économie de leur territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.

M. Jean-Michel Arnaud. Je vous remercie de cet éclairage, madame la ministre, et de vos précisions sur les nouvelles dispositions législatives en vigueur depuis quelques mois.

Je déplore l'ubérisation du mode locatif par des sociétés qui font des propositions à des propriétaires puis louent, selon une méthode qui s'apparente à du « saucissonnage », les différents biens dont elles ont la responsabilité. Cela dénature complètement le paysage locatif.

Je souhaite que nous puissions rediscuter de ce sujet, qui pose de véritables problèmes, notamment en zone urbaine, mais aussi dans les endroits qui connaissent une forte pression touristique, comme la montagne.

occupation de la gaîté lyrique par des jeunes en attente de recours

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, auteur de la question n° 315, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement.

M. Rémi Féraud. Madame la ministre, j'attire votre attention sur la situation très préoccupante que constitue l'occupation de la Gaîté Lyrique à Paris par plusieurs centaines de jeunes qui n'ont pas été reconnus mineurs et qui contestent cette décision auprès du juge des enfants.

Cette occupation d'un lieu culturel dure depuis maintenant plus de deux mois. Il faut absolument sortir de cette impasse.

La situation devient d'autant plus alarmante que nous constatons l'impuissance des pouvoirs publics à faire face à une détresse bien réelle et l'absence d'actions concrètes de l'État, dont la responsabilité est d'apporter une réponse.

Actuellement, à Paris, plus de 9 000 jeunes sont évalués chaque année ; ils n'étaient que 1 300 il y a dix ans. Cette situation se rencontre dans bien d'autres départements.

Les jeunes qui sont reconnus mineurs sont évidemment pris en charge par la Ville de Paris au titre de la protection de l'enfance, mais les autres se retrouvent à la rue la plupart du temps, sans ressource ni perspective.

La Ville de Paris ne peut pas remplir seule une mission dont la responsabilité incombe à l'État, mais elle est prête à l'accompagner comme elle l'a toujours fait. Avec plusieurs sénatrices et sénateurs de Paris, nous avons d'ailleurs écrit au Premier ministre il y a quelques semaines à ce sujet, mais nous n'avons pas obtenu de réponse pour l'instant.

J'aimerais donc connaître, madame la ministre, les moyens qui vont être déployés par l'État, je l'espère, pour que les jeunes qui occupent la Gaîté Lyrique puissent être rapidement pris en charge et hébergés de façon digne et pérenne.

Par ailleurs, comment comptez-vous assurer, dans notre droit, une meilleure protection de ces jeunes, le temps que la justice se prononce sur leur minorité ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Rémi Féraud, votre question est importante. Elle est à la fois très sensible et très délicate, mais elle s'inscrit dans un ensemble un peu plus large, à savoir l'accueil des étrangers de manière générale.

L'État est très engagé et très actif en matière d'hébergement. Ainsi, les capacités d'hébergement ont été augmentées de 40 % ces six dernières années en Île-de-France. Au total, 120 000 places sont mobilisées chaque jour dans la région, dont 46 800 rien qu'à Paris. Cela représente en dépenses pour l'État, monsieur le sénateur, pour la seule Île-de-France, un budget de 1,6 milliard d'euros. L'État est donc particulièrement et pleinement engagé ; il ne fait pas preuve d'attentisme.

Pour les jeunes migrants évalués majeurs, mais qui ont déposé des recours, l'État a déployé les moyens nécessaires. Le tribunal administratif vient d'ordonner leur expulsion de la Gaîté Lyrique. Nous sommes dans un État de droit, les procédures doivent être respectées.

La préfecture de Paris et d'Île-de-France a prévu l'orientation de ces personnes vers des places d'hébergement en région. J'ai rappelé leur importance. Ces jeunes majeurs bénéficieront d'un hébergement jusqu'à la date de jugement de leur recours. Si ce recours n'est pas favorable, ces personnes seront alors en situation irrégulière et devront, conformément à la loi, quitter le territoire.

Pour accompagner la collectivité de Paris dans sa mission de prise en charge, l'État a répondu très présent. En novembre 2024, la préfecture de police a signé avec la Ville de Paris une convention pour l'appui à l'évaluation de la situation, aux fins de garantir la protection de l'enfance et de lutter contre l'entrée et le séjour irrégulier des étrangers.

Mme la présidente. Il faut conclure.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Depuis le 6 décembre, l'État contribue à hauteur de 500 euros par jeune au titre de l'évaluation sociale et de 90 euros par jour et par personne pour la mise à l'abri.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour la réplique.

M. Rémi Féraud. Madame la ministre, oui, ces jeunes ont déposé un recours et le tribunal administratif a ordonné leur expulsion, mais une expulsion ne peut avoir lieu sans une solution d'hébergement. Pour la Gaîté Lyrique, aujourd'hui, il y a urgence.

soutien à la mytiliculture et lutte contre la prédation

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 306, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, j'associe à ma question mon collègue député Jean-Luc Bourgeaux, particulièrement concerné dans sa circonscription par le problème que je soulève.

En Bretagne, les mytiliculteurs font face à des difficultés croissantes liées à l'augmentation de la prédation. Les oiseaux, les daurades et les araignées de mer s'attaquent aux moules dans les baies mytilicoles bretonnes. Si les Côtes-d'Armor sont particulièrement touchées, le phénomène commence à prendre de l'ampleur dans mon département, l'Ille-et-Vilaine. Cette prédation déstabilise toute la filière et risque, à court terme, de mettre en danger la pérennité des entreprises.

À titre d'exemple, pour la période 2024-2025, les pertes de quinze exploitations mytilicoles installées sur le territoire de Dinan sont estimées à plus de 4 millions d'euros

Or les moyens de lutte contre cette prédation présentent des limites et ne sont donc pas pleinement efficaces. Le cadre réglementaire apparaît inadapté aujourd'hui, dans la mesure où la mytiliculture ne dispose d'aucun instrument, hors pêches expérimentales, pour réguler les espèces prédatrices.

Autrement dit, les entreprises de la filière sont doublement pénalisées financièrement : d'une part, leur production baisse ; d'autre part, leurs charges augmentent, étant donné qu'elles essaient de limiter la prédation.

Certes, l'Union européenne, la région Bretagne et les collectivités territoriales apportent des aides, mais elles ne peuvent être débloquées que pour des opérations collectives et ne couvrent aucunement l'ensemble des dépenses engagées par les producteurs.

C'est pourquoi, madame la ministre, le Gouvernement doit réagir avant le mois d'avril, qui marque le début de la période de prédation par l'araignée de mer. Allez-vous faire évoluer d'ici là le cadre réglementaire en vue d'autoriser les effarouchements dans les concessions de cultures marines et d'avancer sur le statut de prédateur ?

Allez-vous également prévoir un volet assurantiel afin que l'État améliore son soutien à la filière mytilicultrice et aille au-delà des aides dites de minimis, qui n'ont toujours pas été perçues par les acteurs ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Sylvie Robert, la question que vous posez est essentielle dans les territoires de mytiliculture et d'ostréiculture, en particulier en Bretagne.

Des espèces invasives, souvent prédatrices, s'en prennent ainsi aux cultures, ce qui a des effets économiques. La destruction des naissains comme celle des moules adultes est en effet susceptible d'obérer la pérennité des entreprises et de fragiliser leur santé économique.

Un certain nombre d'outils existent, comme le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa). Il permet de financer l'équipement matériel pour lutter contre les prédations et contribue au fonds de mutualisation aquacole. Un dispositif de garantie est également prévu en cas de contractualisation avec une compagnie assurantielle privée, pour répondre à votre question sur l'assurance.

Ce fonds de mutualisation doit être constitué par les professionnels, qui ont la main sur sa structuration et sur son fonctionnement, ainsi que sur la définition des risques à couvrir. L'État se tient prêt à apporter tout le soutien nécessaire à l'établissement de ce fonds. Ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui est chargée de la pêche, est extrêmement attentive à ce sujet.

Ce fonds comporte des enveloppes consacrées à l'acquisition des connaissances. Nous devons mieux étudier ces espèces, en effet, car leur comportement a profondément évolué et continue d'évoluer.

Enfin, dans ce cadre, nous allons tirer les enseignements du projet Spider : cet acronyme ne dérive certes pas du nom propre Spiderman, mais signifie « suivi des populations d'araignées de mer dans le golfe normand-breton et identification et développement de solutions pour limiter l'effet de la prédation en mytiliculture ». Il sera conduit par le comité régional de la conchyliculture de Bretagne nord, en partenariat avec l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer).

Mme la présidente. Il faut conclure.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée. Ce projet est doté de 1,4 million d'euros. Il a commencé en 2024 par une campagne de marquage des araignées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.

Mme Sylvie Robert. Madame la ministre, je vous parlais du cadre réglementaire, qui est inadapté. Il serait assez simple de le faire évoluer rapidement.

chasse de gibiers d'eau et conséquence des recommandations européennes

Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Vallet, auteur de la question n° 307, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

M. Mickaël Vallet. Madame la ministre, à la fin de l'année dernière, le petit monde de la chasse au gibier d'eau a vécu un moment de stress et de sidération en découvrant les recommandations – assez inattendues – de la Commission européenne visant à instaurer des moratoires de chasse ou des réductions significatives des prélèvements pour certaines espèces d'anatidés comme le canard souchet, le canard pilet, le canard siffleur et le fuligule milouin.

Quelle est la position du Gouvernement sur ces annonces européennes ? Ces recommandations, dont plusieurs acteurs de terrain considèrent qu'elles sont fondées sur des données partielles ou biaisées, suscitent des interrogations.

D'abord, leur objectivité est contestable. En effet, les estimations actuelles des populations d'oiseaux migrateurs reposent en grande partie sur des données géographiques restreintes, excluant notamment des zones essentielles comme la Sibérie, qui constitue un habitat majeur pour ces espèces. Les chasses au gibier d'eau réalisées dans le cadre de plans de gestion adaptative sont un levier de préservation des espèces, contribuant à une collecte précieuse de données pour affiner notre connaissance des dynamiques migratoires.

Quelles démarches le Gouvernement entend-il engager auprès des instances européennes pour garantir la fiabilité et l'exhaustivité des données prises en compte dans les décisions de gestion des espèces migratrices ? Vous devez défendre la mise en œuvre d'une gestion adaptative reposant sur des partenariats solides avec les acteurs locaux, afin de limiter les impacts sociaux et culturels que pourraient engendrer des moratoires ou des restrictions décidées dans l'urgence et sur la base de données non partagées.

Évidemment, madame la ministre, le ministère de la transition écologique a été interrogé, afin qu'il donne des indications sur ses intentions en la matière. Si je vous pose cette question ce matin, c'est parce que, pour l'instant, tout cela nous semble encore un peu confus.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Monsieur le sénateur Mickaël Vallet, votre question porte sur les recommandations de la Commission européenne relatives à la gestion adaptée du gibier d'eau, ou des anatidés, pour employer le terme scientifique.

Mme Pannier-Runacher, qui est chargée de ce dossier, est tout à fait consciente de l'impact socio-économique, mais aussi culturel, de ces recommandations.

La position géographique de la France lui confère un rôle central, puisqu'elle sert de halte de migration pour de nombreuses espèces, dont certaines sont très vulnérables. La préservation des écosystèmes de migration est fondamentale pour la conservation de ces espèces.

Le ministère suit de près la dynamique des populations. Le bilan de comptage issu du programme Wetlands, que vous connaissez, est plutôt encourageant puisqu'il révèle une certaine stabilité.

La Commission européenne a formulé des recommandations pour favoriser la conservation de ces espèces. Le ministère examine actuellement les mesures que la France pourrait mettre en place pour y répondre.

Le Gouvernement plaide pour une prise en compte rigoureuse des données scientifiques disponibles, en particulier de celles qui sont fournies par le terrain sur la population. Il est également attentif aux impacts sociaux et culturels que vous évoquez. Bref, le Gouvernement souhaite défendre une approche équilibrée et concertée de la chasse, ce qui nécessite de garantir la conservation des espèces tout en permettant une pratique durable et responsable des activités de chasse.

Mme la présidente. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour la réplique.

M. Mickaël Vallet. Je ne suis pas vraiment éclairé par votre réponse, madame la ministre. Je vais vous le dire clairement : si les recommandations de l'Union européenne sont intégralement suivies, c'est la fin de la chasse au gibier d'eau en France. Et je ne suis pas alarmiste de nature. Nous veillerons très attentivement à ce que cette question ne fasse pas l'objet, dans un panier de négociations européennes plus globales, d'un échange sur un sujet qui n'aurait rien à voir. Comptez sur moi pour vous reposer la question dans quelques mois !

traitement et recyclage des cartouches et bonbonnes de protoxyde d'azote

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 267, adressée à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Mme Michelle Gréaume. Madame la ministre, le protoxyde d'azote, deuxième drogue la plus consommée par les jeunes en France, est devenu un véritable fléau sanitaire et environnemental. Nous débattrons de l'aspect sanitaire lors de l'examen de plusieurs propositions de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote.

Moins connu, le fléau environnemental que constitue le traitement des cartouches et bonbonnes mérite toute notre attention. Ces contenants sont dangereux, car ils peuvent exploser. Ils doivent donc être pris en charge par des entreprises spécialisées dans leur recyclage, et celles-ci sont peu nombreuses. Cela occasionne des dépenses considérables pour les collectivités territoriales et autres organismes chargés du service public de gestion des déchets.

Par ailleurs, lorsqu'ils sont jetés dans les sacs d'ordures ménagères, voire dans les espaces publics, les contenants arrivent dans les centres de valorisation énergétique sans avoir été entièrement vidés de leur contenu. Ils explosent sous l'effet des hautes températures, ce qui cause de sérieux dégâts aux installations.

Par exemple, les trois centres de valorisation énergétique du syndicat inter-arrondissement de valorisation et d'élimination des déchets (Siaved), situé dans le département du Nord, indiquent subir chaque semaine des explosions. Celles-ci détériorent les fours et mettent en danger le personnel. Cela entraîne des coûts élevés liés à la réparation et aux arrêts des lignes de traitement, et impacte les capacités d'élimination et de valorisation des déchets ainsi que la production de chauffage et d'électricité.

La prévention sur les dangers de l'inhalation du protoxyde d'azote et les restrictions à la vente de cartouches doivent incontestablement être renforcées. En parallèle, d'autres dispositions sont nécessaires pour réduire l'impact environnemental et financier du traitement des cartouches.

Plusieurs solutions sont envisageables. Une première consisterait à obtenir des industriels la modification des valves d'étanchéité des contenants afin de prévenir toute explosion. La deuxième serait d'instaurer une écocontribution sur les cartouches et bonbonnes, comme cela se fait pour d'autres types de déchets qui présentent des risques sanitaires et environnementaux élevés. La création d'une filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) pourrait enfin être étudiée, afin que les structures publiques, et donc les contribuables, n'aient plus à supporter financièrement les coûts de traitement de ces déchets.

Madame la ministre, ces propositions sont-elles étudiées ? Que compte faire le Gouvernement pour mettre fin à ce fléau environnemental ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Françoise Gatel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ruralité. Madame la sénatrice Michelle Gréaume, ce sujet préoccupe beaucoup le ministère, tout comme l'ensemble de nos concitoyens. L'usage du protoxyde d'azote aboutit à la multiplication des contenants que vous évoquez dans les installations de traitement de déchets, lesquelles ne sont pas adaptées pour ce type de produit. Cela provoque des dégâts matériels coûteux.

Ce problème se pose partout en Europe. Je sais que vous connaissez bien le sujet et, comme vous l'avez indiqué, plusieurs propositions de loi visant à restreindre la vente de ce produit ou à prévenir les risques associés à son usage sont en cours d'examen à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Par amendement à deux de ces textes, une disposition a été proposée visant à intégrer les bouteilles et les cartouches de protoxyde d'azote à la filière REP existante pour les déchets de produits chimiques pouvant présenter des risques spécifiques. Cette proposition nous semble pertinente, car il vaut mieux intégrer ces bouteilles et cartouches à une filière existante que d'en créer une nouvelle.

Par ailleurs, la mise en place d'une soupape de sécurité sur les bouteilles est une idée intéressante. Sa mise en œuvre requiert toutefois de modifier la réglementation internationale relative aux équipements sous pression transportables. La France participe aux travaux qui sont menés sur le sujet, mais l'adoption d'une telle mesure sera conditionnée au recueil d'un avis favorable de la majorité des pays signataires. En tous cas, je vous assure que ma collègue Agnès Pannier-Runacher est très attentive à cette question importante.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante,

est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

3

Articles 23 et 24 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
Discussion générale (fin)

Souveraineté alimentaire et agricole

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (projet n° 639 [2023-2024], texte de la commission n° 251, rapport n° 250, avis nos 184 et 187).

Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s'effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l'insérant dans votre terminal de vote. En cas de difficulté, les huissiers sont à votre disposition.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d'un orateur par groupe, l'orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe disposant de trois minutes.

Vote sur l'ensemble

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Vincent Louault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de ce projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, les agriculteurs n'attendent – hélas ! – plus grand-chose aujourd'hui. Il s'articulait pourtant autour de plusieurs enjeux cruciaux pour l'avenir de notre agriculture. Je pense évidemment à la souveraineté agricole et alimentaire ou aux notions d'intérêt général majeur, d'intérêt fondamental de la Nation ou encore de compétitivité. Y figurent aussi les enjeux liés à l'adaptation climatique et environnementale et aux politiques à mettre en œuvre pour une formation toujours plus adaptée et pour faciliter le plus possible les transmissions et la pérennité des exploitations. Je pense enfin à l'urgence d'alléger les contraintes et autres surtranspositions qui pèsent toujours plus au quotidien sur le secteur agricole.

Hélas ! force est de reconnaître qu'au milieu de ces priorités, de nombreuses mesures pourtant essentielles n'ont pas été portées, par manque de courage. Aussi les agriculteurs n'attendent-ils plus rien aujourd'hui de ce texte qui a perdu toute ambition. Ce qu'on nous promettait comme devant être une grande loi d'orientation a été réduit comme peau de chagrin dans des périmètres mal définis, par ceux-là mêmes qui avaient invité l'année dernière les Soulèvements de la Terre au Salon international de l'agriculture.

Madame la ministre, vous n'êtes pas responsable de la situation : vous avez fait le job, dans la continuité des travaux parlementaires qui ont débuté il y a presque un an.

Parmi les notions qui me paraissaient essentielles figurent les principes d'intérêt général et d'intérêt fondamental de la Nation, qui permettent de rétablir l'équilibre dans la hiérarchie des normes, afin de cesser d'opposer agriculture et environnement et d'éviter que les dispositions environnementales ne soient utilisées uniquement à des fins de blocage de tout projet.

Il est temps, en effet, de retrouver du pragmatisme dans notre pays. Comme la Charte de l'environnement primera toujours, il n'y a pas d'inquiétude à avoir sur une prétendue volonté des vilains législateurs, des vilains sénateurs, de faire de la régression environnementale un but.

Je me suis battu pour que prévale la notion d'intérêt général majeur, pour que l'on ait le courage de définir des notions essentielles qui portent trop souvent à confusion et qui ont toute leur place dans la loi, comme la souveraineté agricole, la sécurité alimentaire ou encore la sécurité sanitaire alimentaire.

J'ai échoué. Nous n'avons pas pu nous résoudre, au sein de mon groupe parlementaire, à voter des dispositifs qui complexifient tout, notamment sur la haie. C'est un symptôme de notre incapacité à gérer les irritants des agriculteurs. Je ne vais pas revenir sur les débats que nous avons eus en séance, mais le moins qu'on puisse dire, c'est que la commission mixte paritaire a du pain sur la planche. Un exemple, madame la ministre : transformer des milliers de kilomètres de bords de rivière en haies, ce n'est pas acceptable.

On nous a imposé de légiférer sur des sujets accessoires comme la haie, le chien et même la laine. Cela peut sembler judicieux à certains, qui vivent bien loin de nos campagnes. Mais les agriculteurs ont suffisamment d'expérience et de bon sens, tout de même, pour gérer ces domaines avec pragmatisme.

Ce projet de loi ne sera qu'une étape. De toute façon, le coup était déjà parti, alors soyons positifs ! J'aime à rêver, madame la ministre, qu'il s'agit d'un nouveau départ pour l'agriculture, d'un changement d'air pour une ambition de souveraineté et de protection de l'environnement.

Oui, un nouveau départ, face à une volonté clairement décroissante, poussée par de pseudo-attentes inventées de toutes pièces par ceux qui attaquent la France.

Je l'ai déjà dit lors de la discussion générale sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, déposée par MM. Duplomb et Menonville – je les en remercie – : l'agriculture porte aussi l'espoir d'un changement de méthode plus large qui sera valable pour l'énergie, pour l'industrie et pour nos PME. Si nous échouons à rectifier des trajectoires au mieux trop ambitieuses, au pire mensongères, pour l'agriculture, rien ne bougera jamais non plus dans les autres secteurs.

Cette période que nous vivons, avec la loi du plus fort qu'on tente de nous imposer en France et en Europe, devrait pourtant nous réveiller tous. Il est urgent d'inscrire la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. À mes collègues députés qui nous écoutent, je souhaite dire que l'ambition, ce n'est pas la régression environnementale : l'ambition, c'est un équilibre retrouvé ; l'ambition, c'est notre souveraineté ; l'ambition, c'est – et nous le prouvons au Sénat – le courage. La régression, ce sont les marchands de peur ; la régression, c'est la décroissance ; la régression, c'est de ne pas croire en la science.

Votons et faisons en sorte, ce soir, que la CMP soit conclusive. Nous prouverons ainsi que les seuls à aimer la France, ce sont ceux qui ont du courage. (Murmures désapprobateurs sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Pour conclure, je souhaite vous remercier sincèrement, madame la ministre, de votre investissement sur ce projet de loi, dont vous n'êtes pas l'auteure. Merci de votre écoute, de votre ténacité, et de votre art de ramener du bon sens. Je sais que la période est difficile, face à une administration qui a bien compris que les ministres ont une durée de vie très limitée ! Continuons, accélérons les réformes, retrouvons notre souveraineté sur tous les sujets ! Tel est l'enjeu. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville, rapporteur, applaudit également.)

M. Laurent Duplomb. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Jules Romains, originaire de Saint-Julien-Chapteuil, en Haute-Loire, écrivait ceci en 2019 (Rires.)…

M. Roger Karoutchi. Mémoires d'outre-tombe ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. … en 1919 !

« Je suis né de petites gens

« Gagnant peu pour beaucoup de peine.

« Mes aïeux ont tiré de terre

« Plus de blé qu'ils n'ont eu de pain. »

Ces quelques mots en disent long sur l'histoire des paysans et sur les difficultés rencontrées pendant des siècles pour se nourrir.

Nos sociétés modernes ont peu à peu oublié le lien indissociable entre produire sa nourriture, se nourrir et vivre dignement. Les agriculteurs des temps modernes auraient-ils tellement réussi que la peur de manquer ait totalement disparu ?

Cette peur a parcouru les siècles, pourtant, de famines en disettes, de jacqueries en révolutions. La France a connu plus de périodes troublées par ce manque que de périodes de stabilité alimentaire, comme celle que nous vivons.

Faut-il rappeler que, dans les années 1870, après la défaite de Sedan et la Commune, les Parisiens ont été contraints de manger les éléphants du zoo de Vincennes ? Faut-il rappeler que les tickets de rationnement ne sont vieux que de quatre-vingts ans ? Faut-il encore rappeler que Rome, à la fin de l'empire, stockait sept années de consommation !

Certes, la nature humaine est ainsi faite que l'on oublie vite, et même que l'on arrive à se persuader que cela n'est plus possible. Comme si ce que nous avons « gagné », nous l'avions « gagné » pour toujours ! Nous n'aurions plus besoin d'avoir peur, plus besoin de nous poser des questions sur notre capacité à produire notre alimentation. Nous pourrions même nous dire que nous ne risquons plus rien et que l'on pourrait se passer de produire. Comme dans la fable de La Fontaine, finalement, nous pourrions chanter comme la cigale, en nous moquant éperdument de la fourmi.

Depuis quelques années, sous la pression d'une idéologie de la décroissance, on en viendrait même à condamner l'acte de production agricole, en le stigmatisant comme une atteinte à l'environnement et en faisant des paysans des assassins de la nature.

Après des siècles d'asservissement aux seigneurs par les corvées, la taille, le cens ou encore le champart,…

M. Bruno Sido. Et la gabelle !

M. Laurent Duplomb. … après avoir été la chair à canon de multiples guerres, en 1914-1918 on fit, comme avait dit Gambetta, chausser les sabots de la République aux paysans en leur donnant le droit d'être propriétaires, et en couvrant ensuite les monuments aux morts de nos villages des listes interminables de leurs noms…

Nous aurions pu naïvement penser qu'après avoir modelé à la sueur de leur front les paysages d'une France aux multiples visages que nous admirons tous les jours lors de nos déplacements, les agriculteurs avaient gagné la confiance, leur liberté… Nous aurions pu naïvement penser que la transmission de multiples savoirs de génération en génération leur donnait enfin la légitimité.

Eh bien non ! Chassez le naturel, il revient au galop ! Contraindre, empêcher, entraver sont les nouveaux maux de nos paysans, qui subissent normes, règles, surtranspositions. Tant de paradoxes, de mesures parfois contradictoires, d'injonctions leur font perdre la tête ! Ils ont l'impression que l'on marche sur la tête, tant le bon sens paysan est attaqué.

Comment leur dire qu'ils ne peuvent plus avoir les moyens de produire, car on les leur interdit, et que, dans le même temps, on laisse entrer des produits importés de pays voisins utilisant, eux, ces moyens interdits ?

Comment ne pas les blesser au plus profond d'eux-mêmes quand on leur dit qu'ils sont productivistes et que l'agriculture française est industrielle ? Ils vivent tout autre chose sur leurs exploitations familiales, dont les modes de production sont aux antipodes de ceux des produits que nous laissons entrer par nos accords de libre-échange : les exploitations françaises comptent en moyenne soixante vaches, quand la viande que nous laissons entrer du Canada est produite dans des feedlots de 30 000 bovins. Qui peut raisonnablement comprendre cela ?

Votre projet de loi d'orientation, madame la ministre, permet de poser un nouveau regard, d'offrir une nouvelle perspective, je l'espère. Il fixe un nouveau cap à l'agriculture française. Après avoir trop voulu concentrer les politiques publiques sur la montée en gamme, par dogmatisme, et comme un enfant gâté qui oublierait le passé et qui arriverait à se convaincre de ses propres forfaitures, nous allons enfin ériger la souveraineté alimentaire en intérêt fondamental de la Nation et veiller à ce qu'elle ne régresse plus.

Oui, la souveraineté alimentaire est le seul moyen de nourrir son peuple sans avoir à recourir massivement aux importations – et en prenant bien soin de nourrir toutes les bouches, tant de ceux qui ont les moyens que de ceux, les plus pauvres, qui sont obligés d'arbitrer entre leurs achats.

En 2018, la durée moyenne pendant laquelle les Français ne consommaient que des produits importés était d'un jour ; aujourd'hui, elle est de trois jours. Il est grand temps de réagir et de reprendre notre destin en main.

Il nous faut stopper ce délire décroissant, cette folie normative, ces oppositions stériles qui nous mènent sur le chemin du déclin ! (Exclamations sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) La balance commerciale française, vins et spiritueux compris, a encore chuté de 1,6 milliard d'euros cette année. Il ne restera bientôt plus rien de cet excédent. Ce fleuron de l'économie française exporte non seulement une simple denrée alimentaire, mais aussi une histoire de paysans, un savoir-faire mondialement reconnu, un terroir et le labeur de tous ceux qui cultivent et élèvent avec une passion sans pareille.

Ces mauvais résultats nous obligent. Nous ne pouvons plus regarder passivement décliner la France agricole, car c'est notre histoire que nous injurions ; c'est notre patrimoine que nous dilapidons ; c'est notre survie que nous condamnons en laissant notre agriculture s'amenuiser, avec le risque de la voir disparaître. (Mme Nicole Bonnefoy s'exclame.)

Cet après-midi, je veux avoir une pensée toute particulière pour les producteurs de noisettes, de kiwis, de cerises, de pommes, de poires, de bananes, d'endives, de betteraves, de pommes de terre, mais aussi pour les éleveurs de porcs et de volailles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Et la liste n'est pas exhaustive, tant le problème est grand !

Alors – c'est vrai –, pour reprendre la rhétorique de certains, changeons de modèle ! Oui, mais changeons de modèle de pensée ! Rappelez-vous la phrase de Jean-Jacques Rousseau : « L'agriculture est le premier métier de l'homme : c'est le plus honnête, le plus utile et, par conséquent, le plus noble qu'il puisse exercer. » (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Buis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi aura traversé toutes les saisons.

Présenté au printemps dernier en Conseil des ministres, il a ensuite subi la sécheresse législative de l'été 2024, avant d'être laissé en jachère pendant un automne très instable. Ce parcours exceptionnellement long est sur le point de s'achever, à la fin d'un hiver particulièrement fertile pour les sujets agricoles dans notre hémicycle.

Après six journées de débats passionnants, intenses, mais, dans l'ensemble, respectueux des convictions de chacune et de chacun, le temps est venu de se prononcer sur ce texte très attendu.

Afin de ne pas faire durer le suspense, je vous indique que le groupe RDPI votera sans hésitation en faveur de ce projet de loi, pour trois raisons notamment.

D'abord, ce texte apporte des solutions adaptées aux défis du renouvellement des générations.

Ensuite, il érige la souveraineté alimentaire au rang d'intérêt fondamental de la Nation.

Enfin, nos débats ont permis d'introduire des mesures essentielles à nos yeux, notamment en matière de haie.

D'abord, je considère que ce texte est utile pour le renouvellement des générations en agriculture, problématique à laquelle il apporte des solutions concrètes.

Je pense ainsi à la mise en place du contrat territorial de consolidation ou de création de formation, qui permettra d'augmenter le nombre de jeunes formés par la voie initiale scolaire dans les établissements de l'enseignement agricole technique.

J'ai également en tête l'article 5 du projet de loi, qui prévoit la création du « Bachelor Agro », un diplôme qui sera reconnu bac+3.

De plus, la mise en place du réseau France installations-transmissions, ou France services agriculture, est prometteuse et sera – j'en suis sûr – un des éléments essentiels de ce texte, que les agriculteurs apprécieront au moment d'acquérir ou de céder leur exploitation.

Grâce à ce nouveau guichet départemental unique, l'État doit offrir un nouveau service public accessible de qualité avec l'appui des chambres d'agriculture.

N'oublions pas le dispositif d'aide au passage de relais créé au Sénat : une aide transitoire de 1 100 euros par mois pendant une durée maximale de cinq ans avec prise en charge des cotisations sociales maladie et retraite de l'exploitant et des membres de sa famille qui participent aux travaux.

Pour renouveler les générations, nous devons également donner un coup de pouce financier aux retraités de demain.

Avec cet engagement, ce nouveau réseau, le « Bachelor Agro » et le contrat territorial, nous semons des graines qui germeront rapidement dans l'intérêt du renouvellement des générations.

Ensuite, nous voterons aussi en faveur de ce texte, parce qu'il protège bien plus qu'auparavant la notion de souveraineté alimentaire.

Des premiers accords de libre-échange aux négociations avec le Mercosur, en passant par la pandémie de covid-19, nous avons toutes et tous constaté l'importance de la notion de souveraineté, qui plus est lorsqu'il s'agit de nourrir la France.

Mais force est de le constater, face aux enjeux de transition liés à l'environnement, le monde agricole a parfois le sentiment d'être relégué au second plan, alors que, dans le même temps, nous voulons que l'agriculture soit une fierté française.

Il est donc nécessaire d'encadrer juridiquement le sujet, non pas pour placer l'agriculture au-dessus de l'environnement, mais pour mieux équilibrer la balance.

Nous atteignons, je pense, une forme d'équilibre, puisque nos débats ont penché en faveur d'une souveraineté alimentaire érigée au rang d'intérêt fondamental de la Nation, avec un principe de non-régression.

Enfin, nous voterons ce projet de loi, parce que nos débats en séance ont permis d'introduire des mesures essentielles.

Je veux bien évidemment aborder l'évolution du cadre juridique applicable à la haie. Nous avons, je crois, retenu une définition équilibrée. J'ajoute que l'adoption de mon amendement permettra d'exclure de ce qui relève d'une destruction de haies la chaussée de toute voie cadastrée sous l'appellation « chemin rural ».

En l'absence d'une telle précision, la rédaction de l'article 14 risque de constituer un obstacle majeur à la réouverture des chemins ruraux, en imposant, d'une part, le respect d'une procédure qui, à la base, n'est pas prévue pour ce cas et, d'autre part, la compensation du linéaire détruit par les communes, ce qui sera très difficile.

L'article 14 bis A, qui permet d'insérer la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie – ce texte de notre collègue Daniel Salmon a été voté, je le rappelle, à l'unanimité par notre assemblée –, a été ajouté dans le texte à la suite de l'adoption d'un amendement que j'avais déposé. J'espère qu'il sera préservé lors de la commission mixte paritaire.

Telles sont les principales raisons qui poussent notre groupe à se prononcer en faveur de l'adoption de ce projet de loi.

Nous savons d'avance que ce texte seul ne réglera pas l'ensemble des problèmes rencontrés par nos agriculteurs. Néanmoins, il permettra de poser des fondations solides au sursaut patriote agricole que je souhaite pour notre pays et sera complété, je l'espère, par d'autres textes pour en combler les angles morts. Je fais ici référence au revenu des agriculteurs ou au sujet du foncier.

Mes chers collègues, vous le savez, dans quatre jours, le Salon international de l'agriculture sera lancé. Si l'adoption définitive du texte avant ce lancement reste incertaine, ce qui, en revanche, est sûr et certain, c'est que j'agirai autant que possible pour que la commission mixte paritaire puisse être conclusive.

Saisissons dès cet après-midi l'occasion de retisser ensemble le lien de confiance avec celles et ceux qui font de l'agriculture une fierté française et faisons en sorte que ce texte soit adopté le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après de multiples retards, la grande loi agricole promise au mois d'avril 2022 par Emmanuel Macron, lors de sa campagne présidentielle, est enfin sur le point de voir le jour.

Néanmoins, l'adjectif « grande » est de trop : entre les intentions de départ et le texte présenté aujourd'hui, le contexte et son contenu ont radicalement changé.

Pourtant, nous partons du même constat : le déclin de la puissance agricole française. L'enjeu derrière cela, c'est la sauvegarde de notre souveraineté alimentaire et du revenu des agriculteurs.

Si l'intention initiale – moderniser notre modèle de production pour regagner en compétitivité – demeure, la nette atténuation de l'ambition écologique invite à la plus grande vigilance.

Force est de le constater, à coup de « pragmatisme » et d'ambition en matière de compétitivité, le texte qui nous est présenté aujourd'hui s'est éloigné d'un de ses objectifs initiaux : rebâtir la souveraineté alimentaire de la France en répondant notamment au défi du changement climatique.

L'agriculture est pourtant l'un des secteurs d'activité les plus sensibles à l'évolution du climat et les plus dépendants du fonctionnement des écosystèmes.

L'objectif d'une agriculture économiquement et écologiquement viable, rémunératrice, diversifiée, durable et répartie sur l'ensemble du territoire doit prédominer et servir de mise en garde contre la stérilité de l'opposition entre agriculture et environnement.

Or je n'ai pu que constater et déplorer au cours des débats la crispation de certains lorsqu'il était question de transition vers une agroécologie et d'adaptation au changement climatique.

Au-delà de ces constats, plusieurs interrogations me viennent à l'esprit. J'espère qu'elles trouveront une réponse équilibrée dans la commission mixte paritaire.

D'abord, le diagnostic de viabilité économique et de vivabilité des projets agricoles, désormais beaucoup plus économique qu'environnementale, avec ses six modules mobilisables indépendamment les uns des autres, n'est plus obligatoire. Certes, ces derniers seraient gratuits en cas de mobilisation lors de périodes clés d'un projet agricole, c'est-à-dire en début ou en fin de parcours. Néanmoins, leur réalisation sur la base du volontariat, mettant par conséquent fin à l'obligation de leur réalisation, me pose question. La logique incitative visée par le texte peut ne pas être suffisante ; elle nous plonge dans une certaine opacité. Seul un engagement contraint permettrait de répondre aux conditions d'installation viables dans le temps, notamment du point de vue de la performance agronomique des sols de l'exploitation.

Je le rappelle, en soixante ans, nos sols ont perdu 80 % de leur matière organique et entre 70 % et 90 % de leur population bactérienne et fongique. Leur tassement s'est irrémédiablement accentué.

Installer des jeunes sur des sols qui ne fonctionnent pas dans un système figé et de plus en plus intégré dans la chaîne de distribution est une erreur. Et le faire en connaissance de cause est, à mon avis, irresponsable.

Je regrette le rejet en séance publique de l'attribution d'une septième mission à l'enseignement agricole. Il était envisagé d'intégrer au programme de la formation initiale et continue agricole des modules sur les tâches administratives auxquelles les agriculteurs feront face dans leur carrière. Je le rappelle, 20 % à 25 % du temps de travail d'un agriculteur est consacré à des tâches administratives. Certains lycées agricoles de mon département ont relevé un tel manque. Cet enjeu doit être désormais une nécessité de la formation agricole. Or l'État ne joue pas encore pleinement son rôle et se doit de mettre en œuvre une vraie politique publique en matière d'accompagnement et de sensibilisation aux réalités du métier d'agriculteur.

Celles-ci sont encore trop floues pour les principaux concernés, et elles le sont encore plus aux yeux de nos concitoyens.

Faire de notre agriculture une grande cause nationale n'est pas une incantation. Ou bien estimez-vous que la santé mentale des jeunes aussi relève du superfétatoire ?

Recréer un lien entre l'urbain et le rural, le citoyen et l'agriculteur, le travailleur de la terre et le jardinier du dimanche, pour sensibiliser chacun sur les atouts de notre agriculture, au-delà de nous nourrir et de maintenir nos paysages, est une nécessité, ne serait-ce que pour susciter de nouvelles vocations.

À ce titre, si ce texte cherche à apporter plusieurs réponses au défi du renouvellement des générations, que ce soit en fixant des objectifs ambitieux en matière de hausse du nombre d'élèves de l'enseignement agricole, notamment par une meilleure visibilité et attractivité de ses filières, ou en renforçant la pertinence de la lisibilité du parcours d'installation et de transmission des exploitations agricoles par la mise en place d'un guichet unique, une absence se fait remarquer : celle de l'accès au foncier agricole.

Aucune disposition concrète ne permet de libérer du foncier agricole utile, afin de faciliter la politique d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations.

Madame la ministre, vous vous êtes engagée pendant le débat sur un projet de loi. Mais ne pensez-vous pas qu'un travail en amont serait nécessaire ? Je pense par exemple à une mission sur le foncier agricole.

Pourtant, ce projet de loi s'attache à dessiner un cap clair pour l'agriculture française, fondé sur une triple ambition : consacrer le principe de souveraineté alimentaire, créer des conditions d'installation viables dans le temps et passer de réflexes de suradministration et de sanctions à une dynamique d'information et d'incitations.

La dépénalisation de certaines atteintes environnementales en l'absence de négligence grave ou d'intentionnalité m'interroge aussi, même si je reconnais une volonté de simplification.

J'attends de la commission mixte paritaire qu'elle retienne un dispositif plus proportionné et consensuel, qui combinerait respect du principe de non-régression environnementale et allégement du poids des normes qui pèsent sur les agriculteurs.

L'équilibre consistant à faire coïncider les objectifs de souveraineté, de simplification normative et de compétitivité où l'enjeu climatique et la préservation de la biodiversité seraient centraux ne me semble pas respecté dans ce texte, et ce malgré vos efforts, dont je vous remercie, madame la ministre.

En dépit des quelques motifs de satisfaction, faisons attention à ne pas cumuler les retards en matière de transition vers une agroécologie, alors que la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances, en plus d'avoir été de nouveau amputée de 200 millions d'euros en commission mixte paritaire, nous a déjà prouvé que la planification écologique était la variable d'ajustement.

C'est désormais à la commission mixte paritaire – vous l'avez compris, nous y tenons beaucoup – de trouver un équilibre satisfaisant pour avancer vers un modèle d'agriculture protecteur de l'environnement et plus résilient en attendant d'être plus rémunérateur.

Dans leur diversité, une majorité de membres de mon groupe s'abstiendront en attendant les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Chauvet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Patrick Chauvet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous votons aujourd'hui un projet de loi important, aboutissement de plusieurs mois de discussions pour l'avenir de notre agriculture.

Ce texte s'inscrit dans un contexte où les attentes des agriculteurs sont plus que pressantes, à quelques jours du Salon de l'agriculture, qui débutera à la fin de cette semaine. Il est essentiel de se rappeler que, derrière chaque chiffre et chaque mesure dont nous avons débattu dans cet hémicycle, il y a des femmes et des hommes qui consacrent leur vie à nourrir notre pays. Ces travailleurs de la terre sont autant d'individualités avec leurs aspirations, leurs frustrations et leurs espoirs.

Un des slogans les plus entendus en 2024 a, à lui seul, illustré le profond malaise des agriculteurs : « On marche sur la tête. » Ce cri de désespoir, accompagné d'une opération de retournement de panneaux de communes, a perduré cet hiver sur fond de négociations commerciales avec le Mercosur.

Ce slogan suffit à résumer et à dénoncer les injonctions contradictoires adressées à l'agriculture. Les agriculteurs expriment ainsi une quête unanime de reconnaissance, qui se traduit sur le terrain des politiques publiques par une demande de cohérence. Car de telles contradictions sont insupportables pour eux.

Il leur est souvent demandé de respecter des normes strictes. Mais une telle exigence se heurte à une paradoxale tolérance appliquée aux produits importés. Comment demander à nos agriculteurs de produire de manière exemplaire tout en laissant d'autres producteurs étrangers les concurrencer dans des conditions moins contraignantes ? Nous donnons les moyens à d'autres de produire, mais non pas à nos propres agriculteurs, et ce sans garantir une homogénéisation des normes de production à l'intérieur du marché unique ou au sein des accords commerciaux.

Les agriculteurs souffrent ainsi d'une suradministration toujours plus importante et passent en moyenne neuf heures par semaine à effectuer des tâches administratives. Par ailleurs, ils aspirent à une concurrence « à armes égales ». Face à un marché mondial ouvert, ils demandent une harmonisation des normes entre les États européens et une « exception agricole européenne » vis-à-vis des pays tiers qui ne respectent pas nos standards afin de rester compétitifs.

À leur niveau, les réglementations françaises aggravent parfois ces inégalités de concurrence. Ainsi, 37 % des agriculteurs évoquent un « abandon » et un « système à bout ». Cela témoigne du désespoir face à un échelon national qui semble se retourner contre eux au lieu de les soutenir.

Ce texte ne doit rien au hasard. Il s'inscrit dans un contexte particulier : celui d'une agriculture en difficulté, dont les maux ont été identifiés bien en un amont par les nombreux travaux menés par le Sénat ces dernières années. En effet, dès 2022, la commission des affaires économiques alertait sur le décrochage de la ferme France. Cette situation, pourtant déjà préoccupante, s'est alors aggravée. En témoigne la diminution de l'excédent commercial agroalimentaire de la France, qui est passé de 12 milliards d'euros à 4,9 milliards d'euros entre 2011 et 2024.

Ce qui manque particulièrement dans ce texte, c'est un véritable volet économique adapté aux enjeux de compétitivité du secteur. Bien que l'aspect environnemental soit primordial, il ne faut pas oublier que le développement durable de l'agriculture repose sur un triptyque équilibré entre l'humain, l'économique et l'environnement. C'est là la différence des visions qui se sont confrontées dans cet hémicycle. Or, aujourd'hui, ce texte semble accorder une place prépondérante au pilier environnemental en négligeant les autres aspects. (Mme Raymonde Poncet Monge ironise.)

Si l'agriculture durable doit intégrer des normes écologiques, elle doit également offrir aux agriculteurs les moyens de vivre dignement de leur métier, avec des revenus stables et des perspectives économiques claires pour les générations futures.

Néanmoins, ce projet de loi, mes chers collègues, n'est pas sans avancées. Il contient plusieurs éléments qui vont dans la bonne direction pour soutenir les agriculteurs.

Je retiens notamment une philosophie d'expérimentation intéressante, avec, par exemple, l'article 10 bis, qui instaure un droit à l'essai et permet aux agriculteurs d'expérimenter de nouvelles pratiques sans crainte des sanctions en cas d'échec.

Je pense également à l'article 13 bis, qui introduit un droit à l'erreur permettant de prendre en compte les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de nouvelles normes sans pénaliser les agriculteurs de bonne foi cherchant simplement à s'y conformer.

Faisons confiance à nos agriculteurs et laissons-les innover dans leurs pratiques !

Par ailleurs, ce texte contient également des mesures de bon sens, ce bon sens auquel nous n'avions de cesse de nous référer pendant nos débats.

Je pense par exemple à l'article 10 bis A, facilitant les interactions entre Vivea et le compte personnel de formation (CPF), permettant aux agriculteurs d'accéder plus facilement à des formations adaptées à leurs besoins, notamment dans leurs projets d'installation.

Je pense également à l'article 3 ter, favorisant les collaborations entre centres d'apprentissage et centres de formation continue, ou à l'article 11, qui soutient la création de groupements d'employeurs. Ces mesures pragmatiques permettent d'alléger les charges administratives des exploitations et d'en améliorer la gestion des ressources humaines.

Enfin, les articles 1er, 2 et 8 encouragent l'installation des femmes dans l'agriculture. Loin d'être anecdotiques, ce sont de réelles avancées pour féminiser notre agriculture quand on sait que les agricultrices sont 100 000 aujourd'hui contre un million à la fin des années 1960.

Pour autant, à la suite de l'examen sénatorial du projet de loi, on constate un effet de rattrapage. En effet, ce texte gouvernemental est utilisé comme véhicule législatif balai pour y intégrer diverses propositions de loi, qu'il s'agisse d'eau et d'assainissement, de gestion de haies, de santé des sols, etc.

Ce n'est pas une pratique nouvelle, mais cela reflète le fait que, dans un contexte politique incertain, un gouvernement légifère a minima par propositions de loi et que des parlementaires cherchent à tordre le bras de l'article 45 pour faire avancer au plus vite leurs initiatives législatives. Cela a pour conséquences d'alourdir les textes et de rendre leurs lignes directrices moins lisibles, donc moins intelligibles.

Cependant, certains points de ce texte nécessitent des ajustements.

D'une part, ce projet de loi est censé donner une impulsion pour l'installation et la transmission des exploitations agricoles pour les dix prochaines années. Or l'on voit déjà poindre des débats complémentaires sur le foncier et les revenus agricoles. Ces débats sont pourtant au fondement de l'équilibre des agriculteurs et de leurs exploitations.

D'autre part, l'examen s'est parfois concentré sur des points sémantiques ou très indirectement liés à la souveraineté alimentaire, qu'il s'agisse de l'article 10, relatif au nom du futur guichet unique, ou de l'article 14, à propos du cadre législatif portant sur les haies. Cela interroge à la fois sur les irritants parfois absurdes, mais également sur l'inflation normative.

Mes chers collègues, malgré des points d'amélioration, ce projet de loi représente un pas en avant pour l'agriculture française. Il permet de lever des obstacles bien identifiés et d'offrir de nouvelles marges de manœuvre aux agriculteurs, afin que ces derniers puissent rivaliser sur un pied d'égalité avec leurs voisins européens et mondiaux. La version sénatoriale de cette loi repose sur de nombreux travaux législatifs de notre chambre et s'inscrit en complémentarité avec les propositions de loi de nos collègues Franck Menonville et Laurent Duplomb. (Marques d'impatience sur les travées du groupe GEST. – M. Yannick Jadot fait signe que le temps de parole de l'orateur est écoulé.)

Le groupe Union Centrise votera donc pour ce texte et souhaite que la commission mixte paritaire puisse être conclusive. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les hasards du calendrier ont voulu que nos débats au Sénat se rapportant à l'agriculture coïncident avec les élections aux chambres d'agriculture.

Dans le strict respect d'un scrutin qui appartient en propre aux agriculteurs et aux salariés agricoles eux-mêmes, et sans faire dire au scrutin autre chose que ce qu'il signifie, on peut noter que la colère continue à s'exprimer dans le monde paysan. Et c'est normal, car, en l'occurrence, le revenu n'est jamais garanti d'avance, en raison de l'incertitude permanente qui plane sur l'avenir des filières et sur la fixation des prix agricoles. Ces derniers ont été anormalement bas depuis deux ans dans presque toutes les filières de production.

Au demeurant, il ne faut pas s'étonner que le fait que des exploitations céréalières de plusieurs centaines d'hectares perçoivent à ce titre beaucoup d'aides à l'hectare du budget de la politique agricole commune accentue la colère de beaucoup de paysans vivant sur des exploitations de moindre superficie que la moyenne nationale. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

La loi d'orientation agricole aurait pu constituer la bonne occasion pour fixer un certain nombre d'objectifs, infléchir un certain nombre d'orientations et se donner ainsi les moyens d'œuvrer dans le sens du développement durable de notre agriculture. Il n'en est rien ; bien au contraire !

Les principales dispositions retenues dans ce texte consistent à considérer que la planche de salut de notre agriculture résiderait dans une recherche de compétitivité à tout prix, permettant une intensification de la productivité en s'affranchissant d'un certain nombre de contraintes réglementaires et même de préconisations scientifiques. Cela a pour effet d'alimenter une dualité entre la société et les agriculteurs.

Certes, les excès de paperasserie et les lourdeurs administratives exaspèrent les agriculteurs, et l'on peut comprendre leur agacement. Il convient donc de lever de telles lourdeurs. Mais cela ne doit en aucun cas servir de prétexte pour en rabattre sur un certain nombre de prescriptions. Sachons toujours nous rappeler que les labellisations et autres appellations d'origine protégée (AOP) obéissent aussi à des normes.

M. Gérard Lahellec. Et celles-ci nous sont bien utiles pour valoriser les productions de nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Nous avons également relevé que, pour répondre à ces objectifs d'intensification des productivités, les options retenues tendent à mettre à mal les potentialités que recèdent l'agroécologie, l'agriculture biologique et l'enseignement de ces disciplines.

M. Bruno Sido. Pipeau !

M. Gérard Lahellec. En outre, ces orientations créent un clivage tendant à opposer agriculture et écologie. Certes, l'agriculture de production est une activité humaine indispensable à la survie de l'humanité. Mais, pour continuer à assurer cette mission, il est indispensable de se remettre en question. Le modèle de développement à promouvoir ne peut, par exemple, pas être celui de l'industrialisation de l'engraissement des bovins, comme on le pratique par exemple au Texas, avec des unités de 75 000 têtes auxquelles on fait gagner un kilo par jour !

Et il y a tous les sujets dont le présent projet de loi ne parle pas.

Nos débats ont mis en lumière un accord assez large autour de l'idée que la mondialisation des prix pour les tirer toujours vers le niveau le plus bas est une aberration. Et à défaut de pouvoir remettre en cause d'emblée l'intégration de l'agriculture dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), il eût été pertinent de commencer à travailler sur de nouveaux mécanismes de régulation.

Nous convergeons aussi sur le constat des limites des lois pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim), qui ne suffisent pas pour assurer un meilleur retour de la valeur ajoutée à la ferme. La mère des lois en matière de commercialisation reste la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

En matière d'installation et de renouvellement des générations, l'accès au foncier et sa gestion représentent une question essentielle. Or cette dimension n'est même pas abordée dans le texte.

Je terminerai en exprimant deux regrets.

Premièrement, la thématique de la pêche n'est que très peu évoquée. Et nous sommes ici de nombreux parlementaires bretons à avoir pointé l'impérieuse nécessité de soutenir cette activité.

M. Max Brisson. Pas seulement bretons !

M. Gérard Lahellec. Les collectivités de Bretagne y sont disposées. Il ne fallait pas nous opposer l'article 40, comme cela a été le cas.

Deuxièmement, la place consacrée à l'élevage est trop faible. Un proverbe breton, dont je vous ferai part en français,…

M. Gérard Lahellec. … dit ceci : « La terre est faite pour être entre les pattes des animaux ! » Nous sommes effectivement des régions d'élevage.

Si la société a perdu un peu confiance dans l'industrie agroalimentaire, nos concitoyens croient encore à la sincérité des éleveurs, qui travaillent au contact de la nature. C'est là aussi un élément de motivation pour façonner nos paysages, nos haies, nos talus, nos bocages.

En bref, les insuffisances rappelées sommairement à l'instant nous conduisent à nous opposer à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, dans un premier temps, de déplorer le calendrier du travail parlementaire, soudainement accéléré, qui ne permet pas l'examen final de ce texte dans de bonnes conditions. (Mme la présidente de la commission s'exclame.) Cela constitue un véritable passage en force, uniquement destiné à ce que le Président de la République puisse tirer avantage de quelques effets d'annonce au Salon de l'agriculture. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) C'est regrettable !

Pourtant, les attentes sont fortes et le constat est clair : population agricole et biodiversité s'effondrent en même temps. La crise agricole est structurelle, elle révèle les limites d'un modèle insoutenable. C'est votre bilan !

Ce projet de loi aurait dû être le texte d'une refonte de notre modèle vers la transition agroécologique, une transition indispensable pour assurer un accompagnement des agriculteurs face aux défis immenses qu'entraînent le changement climatique, l'effondrement de la biodiversité et la chute sans fin du nombre d'agriculteurs.

Mais ce texte s'emploie à détourner la colère des agriculteurs des véritables responsables. Il aboutira sans nul doute à un échec, car il ne répond pas aux vrais problèmes de la filière.

Il ne répond aucunement à la question centrale des prix, qui devraient être rémunérateurs, alors que dans cette profession on peut travailler soixante-dix heures par semaine pour gagner moins d'un Smic.

Il ne relève ni le défi de l'accès au foncier et de l'accaparement des terres ni celui, pourtant majeur, de l'élevage, qui est fragilisé. Il renvoie ces sujets fondamentaux à de futures lois.

Il ne répond pas non plus à l'aggravation des inégalités entre les mondes agricoles, où il n'y a pas grand-chose de commun entre les grands céréaliers exportateurs, qui captent la majorité des aides publiques de la PAC, et les petites exploitations en polyculture, élevage ou maraîchage, qui nourrissent nos territoires, entretiennent les paysages et se partagent ce qu'il reste des aides.

En refusant de donner un cap vers la transition, en refusant le pluralisme, vous renforcez en vérité l'évolution vers l'agro-industrie et vous nous menez à une impasse.

En effectuant une lecture fallacieuse des données agricoles, en niant les faits scientifiques, vous prenez une lourde responsabilité.

Concernant l'examen du texte en séance publique, nous déplorons l'absence manifeste de volonté de compromis pendant ces six jours de débats. Aucun apport réellement structurant venant de la gauche n'a été adopté. C'est assez rare que les propositions des groupes d'opposition soient aussi peu considérées et nous le regrettons.

Quasiment tous nos amendements ont été rejetés, qu'il s'agisse de mieux réguler le foncier – sujet mis à la trappe par le couperet arbitraire de l'article 45 –, de mieux former les agriculteurs de demain, notamment sur les enjeux de transition agroécologique, d'assurer un vrai soutien à la bio, de garantir au secteur une gouvernance pluraliste et plus démocratique, d'améliorer les revenus ou de relocaliser l'alimentation.

Une seule éclaircie : l'intégration de la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie, adoptée à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

Concernant l'article 1er, votre définition de la souveraineté alimentaire ne se fait que sous le prisme de la compétitivité.

Une souveraineté biaisée qui, en renforçant une volonté exportatrice, ne respecte pas la souveraineté des autres pays.

Une souveraineté en trompe-l'œil, car sous dépendance aux importations, que ce soit pour les engrais – azote, phosphate, potasse –, le soja ou, demain, les technologies.

Toutes les références et tous les objectifs relatifs à l'agroécologie et à la bio ont été supprimés, tant dans les orientations des politiques publiques que dans les objectifs de la formation et de l'enseignement professionnel agricoles.

Ce texte ignore donc les grands défis du XXIe siècle.

L'agriculture doit faire sa mue pour s'inscrire dans la stratégie nationale bas-carbone. Elle émet 19 % des gaz à effet de serre et doit prendre sa part dans les impératifs de réduction. Rien dans ce texte ne traduit cette ambition.

Plutôt que d'agir, vous propagez la défiance envers les agences de l'État, dont l'expertise scientifique et l'indépendance sont fondamentales en ces temps troublés. Je pense bien sûr à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), dont le rôle et l'expertise sont méprisés dans ce texte.

Inscrire le principe « pas d'interdiction sans solution » pour les pesticides est une attaque délibérée contre la biodiversité et la santé humaine. Ce dispositif ne devrait d'ailleurs pas tenir devant le Conseil constitutionnel.

Concernant l'enseignement, enjeu central pour assurer le renouvellement, le cap n'est pas le bon et les moyens ne sont pas au rendez-vous. Le « Bachelor Agro » que vous souhaitez axer sur les compétences managériales et entrepreneuriales pour formater de futurs agriculteurs à une vision concurrentielle et productiviste est un entonnoir vers l'endettement et l'agrandissement.

La création et la reprise d'activités agricoles sont pourtant de formidables opportunités pour engager la transition du secteur, mais le texte ne fait l'objet d'aucune mesure concrète pour soutenir la dynamique actuelle des installations, d'abord agroécologiques, car en cohérence avec les attentes d'une majorité de futurs agriculteurs.

La priorité aurait dû être d'établir un véritable pluralisme au sein du futur réseau France installations-transmissions et dans la composition des instances associées à sa gouvernance. Mais vous êtes restés sourds à cette nécessité.

Il en est de même pour le diagnostic modulaire, un outil initialement consacré à la transition : vous l'avez dévoyé, puisqu'il est désormais centré sur le modèle économique des exploitations, mettant de côté les aspects sociaux et environnementaux.

Sur l'article 13, nous sommes toujours sidérés par ce qui constitue l'une des pires régressions en matière de droit de l'environnement de ces dernières années. En allant vers une véritable dépénalisation de la destruction d'espèces protégées – qui plus est, la rédaction choisie ne concerne pas seulement le secteur agricole ! –, le texte issu du Sénat est contraire à la directive européenne sur la protection de l'environnement. Les plus hautes instances juridiques censureront vraisemblablement ce dispositif. Comptez sur notre vigilance et notre mobilisation !

À l'article 15, c'est la concertation et le débat qui sont amputés pour mieux industrialiser le monde agricole.

Avec ce texte, nous sommes à contresens de l'Histoire et de l'urgence écologique, mais en phase avec le plan social en cours. C'est pourquoi le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera résolument contre.

Non, les décisions politiques ne peuvent pas être influencées par les voix les plus bruyantes ou les intérêts d'une minorité au mépris du pluralisme et de la démocratie.

Face aux réalités climatiques, sanitaires et environnementales, nous continuerons de défendre l'intérêt général et des réponses structurelles pour la rémunération des paysans et la préservation de notre capacité à produire demain sur des sols vivants. (Bravo ! sur des travées du groupe GEST. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)

M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà au bout, ou presque, du parcours législatif tumultueux du projet de loi d'orientation agricole. Après de longs mois d'attente, six jours de séance, trente-cinq heures de débats et environ huit cents amendements examinés, quel est le résultat ?

Nous avions reçu de l'Assemblée nationale un projet bavard et imparfait, n'apportant guère de réponses concrètes au malaise agricole. (Mme la ministre fait la moue.)

Si, madame la ministre !

Comme nous pouvions le prévoir, et dans une connivence permanente avec le Gouvernement (M. Laurent Duplomb, rapporteur, s'exclame.), les rapporteurs ont donné une connotation encore plus économique et libérale au projet de loi.

Nous allons donc sortir du Sénat avec une loi-fleuve, floue, dangereuse pour l'environnement et qui met en avant une certaine idée de l'agriculture, dépassée depuis longtemps.

D'ailleurs, ne devrait-on pas parler plutôt de « loi d'orientation pour une agriculture productiviste » ou encore de « loi d'orientation pour une agriculture passéiste » ?

Vous avez, messieurs les rapporteurs, madame la ministre, modelé un texte parfaitement comme vous le souhaitiez à coups de dogmes pro-industrie agroalimentaire et anti-environnement.

Monsieur le rapporteur Laurent Duplomb, vous avez indiqué que ce texte ne serait pas le Grand Soir de l'agriculture. Nous voilà d'accord ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

À travers ce texte, vous perpétuez la trajectoire agro-industrielle de l'agriculture, tournée vers le gigantisme, l'accaparement des terres, le productivisme à tout va.

Nous soutenons deux modèles qui s'opposent frontalement et je ne vois même pas où nos positions pourraient se rapprocher !

M. Laurent Duplomb, rapporteur de la commission des affaires économiques. Ça, c'est vrai !

M. Jean-Claude Tissot. Finalement, au terme de débats à sens unique, ni la crise sanitaire, ni la crise environnementale, ni la crise économique, ni – surtout ! – la crise du renouvellement des générations ne se voient proposer de réponses à la hauteur. Et au bout du compte, ce seront les paysans qui paieront la note – comme toujours !

Après le moment agricole que nous avons traversé et à quelques jours de l'ouverture du Salon de l'agriculture, je le confesse, je suis très inquiet.

Je suis inquiet pour l'avenir de notre agriculture de manière générale. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie réclame que l'on écoute l'orateur en silence.) Qui peut croire que le modèle hyperproductiviste, avec la crise perpétuelle dont il est la source, est attractif pour de jeunes actifs agricoles ?

Le modèle consacre un entre-soi d'exploitations gigantesques et intransmissibles. On peut nous accuser de grossir le trait, mais regardez où nous en sommes aujourd'hui. C'est ce modèle, votre modèle, qui nous a conduits ici ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe SER.) Le prolonger, c'est à la fois ne rien résoudre pour aujourd'hui et aggraver la crise pour demain.

À commencer par la question de la transmission. Bien sûr, votre projet de guichet France installations-transmissions n'est pas une mauvaise idée en soi, madame la ministre, mais ce n'est qu'un pansement sur une jambe de bois. Il ne sera pleinement utile que lorsque nous nous engagerons sur la voie d'exploitations à taille humaine.

Je suis aussi inquiet pour les agriculteurs et pour leur santé. Dans la continuité des débats tenus ici ces dernières semaines, le texte revient sur l'interdiction des produits phytosanitaires, en la conditionnant à des « solutions économiquement viables et techniquement efficaces ».

On notera d'abord le flou juridique de ces notions. Surtout, nous sommes en présence d'un cas d'école, car dans le même temps, vous refusez les alternatives !

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Pendant dix ans !

M. Jean-Claude Tissot. Le schéma est le suivant : on interdit seulement si on a des alternatives, mais comme vous ne voulez pas ces alternatives, on autorise !

Encore une fois, sous couvert d'arguments économiques et productivistes, la santé des paysans est reléguée au second plan. C'est particulièrement déplorable.

Il y a quelques jours, une tribune signée par plus de mille cinq cents professionnels de divers horizons nous appelait, en faisant un parallèle avec les pesticides, à ne pas refaire la même erreur que sur l'amiante.

Le sens de l'Histoire n'est pas à l'assouplissement des règles encadrant les pesticides.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Le sens de la gauche, c'est d'interdire à tout va !

M. Jean-Claude Tissot. L'objectif est de se débarrasser des pesticides, certes progressivement, mais définitivement.

Et ce n'est pas seulement la santé des paysans que nous devons protéger. Que direz-vous à vos petits-enfants lorsqu'ils développeront des cancers ou qu'ils apprendront leur infertilité ? Voilà les questions que nous devons nous poser ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST et sur des travées du groupe CRCE-K.)

M. Laurent Duplomb, rapporteur. Et s'ils crèvent de faim ?

M. Jean-Claude Tissot. Je suis évidemment inquiet pour notre environnement.

La tendance, que l'on observe depuis quelques semaines, visant à simplifier ou alléger le droit de l'environnement, voire à y déroger, est alarmante. Ce texte s'inscrit pleinement dans ce mouvement d'ensemble.

Les offensives contre l'agroécologie relèvent d'une bataille idéologique des rapporteurs : aucune mention du terme dans l'article 1er – pourtant bavard… – et trois mentions seulement dans l'ensemble du texte.

M. Laurent Duplomb, rapporteur. On a tout enlevé ! (Rires au banc des commissions.)

M. Jean-Claude Tissot. Dans le même ordre d'idées, je déplore la suppression des objectifs de surface agricole utile en agriculture biologique. Il s'agit d'un énième signal terriblement décevant.

Tout au long du texte sont introduits de grands concepts incantatoires qui, au mieux, seront simplement déclaratifs, au pire, constitueront des appuis législatifs pour déroger au respect d'engagements environnementaux.

Les articles 13 et 15 – le premier allège le régime de répression des atteintes à la biodiversité, le second accélère les contentieux contre les mégabassines et les fermes gigantesques – sont les deux exemples les plus marquants de ces reculs environnementaux. Je le dis sans concession : ils sont inacceptables.

Je suis également inquiet, à un niveau plus global, de la tournure des débats. Outre le fait que nous soutenons deux modèles qui s'opposent, je m'interroge sur le passage en force de certaines dispositions controversées.

Le Conseil d'État a par exemple relevé que les notions d'intérêt fondamental de la Nation, d'intérêt général majeur et de non-régression de la souveraineté alimentaire étaient juridiquement floues et donc potentiellement dangereuses. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie réclame de nouveau le silence.)

Il a également indiqué que l'article 15 présentait des risques d'inconstitutionnalité. Sur ce même article, la Défenseure des droits a considéré qu'il restreignait « de manière disproportionnée le droit au recours des opposants ».

Vous avez fait fi de ces avis, messieurs les rapporteurs, comme vous avez fait fi de la science et des avis de l'Anses et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Le texte visait initialement à assurer le renouvellement des générations et à engager l'agriculture sur le chemin des dix prochaines années.

En réalité, vous avez profité du contexte pour inclure dans ce projet de loi un panel de mesures érigeant l'agriculture productiviste comme seule et unique méthode, ainsi qu'une succession de reculs environnementaux.

De notre côté, à compétitivité et productivité, nous ajoutons revenu agricole juste et respect de l'environnement. Tout cela doit aller de pair ! Le seul modèle viable est celui d'une agriculture raisonnée et à taille humaine, respectueuse des agriculteurs, des consommateurs, de la faune, de la flore et des sols.

Pour cela, nous devons en premier lieu assurer aux agriculteurs un revenu juste et rémunérateur. Nous le répéterons jusqu'à ce que nous soyons entendus : nous souhaitons un revenu agricole digne et garanti !

Assurer un revenu juste passe également par une refonte de la PAC pour mettre fin aux inégalités qu'elle entretient de par son mode de distribution.

La question du foncier doit également être abordée au regard de la spéculation et du phénomène d'accaparement des terres. Nous devons réguler !

Sans de réelles avancées sur ces thématiques, nous ne redonnerons pas envie et espoir aux générations futures de s'investir dans ce beau métier de paysan.

Ces avancées doivent se faire sans renoncer à nos ambitions environnementales et de transition agroécologique. Car il ne faut pas oublier que, sans des sols vivants, nous n'avons pas de production.

M. le président. Il faut penser à conclure. (Protestations sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Et tout à l'heure, alors ?

M. Jean-Claude Tissot. Mettre en place un tel modèle n'est évidemment pas simple, j'en conviens, mais c'est bien la seule direction viable pour notre avenir et celui de nos enfants. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Claude Tissot. Nous, sénateurs socialistes, nous ne pouvons pas faire autrement que de voter contre ce texte qui est à des années-lumière de proposer des solutions concrètes aux agriculteurs ! (Bravo ! Remarquable ! sur des travées du groupe SER. – Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Applaudissements sur des travées du groupe CRCE-K. - Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Laurence Harribey félicitent l'orateur quand celui-ci regagne sa place.)

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après des années d'inaction et d'indifférence face aux souffrances du monde agricole, nous nous réjouissons que cela bouge enfin. La version sénatoriale de ce projet de loi apporte des avancées que nous ne pouvons ignorer.

Tout d'abord, nous sommes ravis de voir que sont reprises certaines des propositions que nous portons depuis longtemps (C'est sûr ! sur des travées du groupe SER.), comme la priorité aux agriculteurs français, la protection contre la concurrence déloyale ou la lutte contre la surréglementation et l'inflation normative, ce qui marque, pour la première fois depuis bien trop longtemps, une prise de conscience.

Le Rassemblement national et Marine Le Pen l'ont toujours affirmé : la souveraineté alimentaire doit être une priorité nationale.

Mme Cécile Cukierman. On ne vous a pas attendus !

M. Joshua Hochart. Il était urgent que l'État cesse d'abandonner ceux qui nous nourrissent.

Nos agriculteurs n'en peuvent plus. Ils subissent depuis des décennies des politiques qui les étranglent : fiscalité accablante, normes absurdes, distorsions de concurrence insupportables avec des importations qui ne respectent pas nos standards.

Pendant que nos paysans se battaient pour survivre, l'État les a trop souvent laissés seuls, prisonniers d'un système qui ne les protège pas.

Ce texte apporte enfin une réponse, mais reconnaissons-le : ce n'est qu'un début.

Ce projet de loi contient des mesures positives.

Il amorce une simplification de certaines normes, un allégement partiel des charges et une meilleure prise en compte des contraintes de nos agriculteurs face à la concurrence étrangère.

Il prévoit aussi des dispositifs pour mieux structurer les filières et renforcer notre souveraineté alimentaire.

Ces avancées vont dans le bon sens, mais elles restent trop limitées pour répondre à l'urgence de la situation.

Car la réalité est que ce texte ne s'attaque toujours pas aux racines du problème. Les charges qui pèsent sur nos exploitants restent trop lourdes et les distorsions de concurrence persistent.

Nous aurions voulu voir des mécanismes plus contraignants pour interdire l'importation de produits qui ne respectent pas nos normes.

Nous aurions voulu une refonte plus ambitieuse de la fiscalité agricole afin de garantir un modèle économique viable à long terme.

Nous aurions voulu un cadre plus protecteur pour garantir une juste rémunération aux producteurs.

Mme Cécile Cukierman. Et vos amis de la Coordination rurale ?

M. Joshua Hochart. Sur tous ces points, ce projet reste encore en deçà des attentes.

Nous voterons ce texte, parce qu'il amorce un changement et qu'il serait irresponsable de rejeter ces avancées, aussi partielles soient-elles. Mais nous le faisons avec lucidité : ce vote n'est pas un aboutissement, c'est un point de départ.

Chers collègues de la majorité, vous avez retravaillé ce texte venu de l'Assemblée nationale qui, gangrénée par la gauche et l'extrême gauche (Exclamations amusées sur les travées des groupes CRCE-K et SER.), l'avait largement modifié, voire détruit. Vous l'avez rendu acceptable ; c'est pour cette raison que nous lui apporterons notre soutien.

Mais nous savons d'ores et déjà que nous allons vers la réunion d'une commission mixte paritaire et je veux m'adresser aux membres de cette commission : assumez vos responsabilités, faites en sorte que le texte issu de la CMP soit acceptable pour nos agriculteurs afin qu'ils se sentent enfin écoutés et que leur quotidien s'améliore réellement !

Nous serons là pour rappeler au Gouvernement ses engagements,…

M. Joshua Hochart. … pour veiller à ce que cette première avancée soit non pas un simple effet d'annonce, mais le début d'un véritable renouveau pour notre agriculture.

La France ne peut pas être forte et souveraine sans ses paysans. Nous ne laisserons pas leur détresse être à nouveau ignorée ! (MM. Christopher Szczurek, Stéphane Ravier et Alain Duffourg ainsi que Mme Vivette Lopez applaudissent.)

M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l'article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.

Le scrutin sera ouvert dans quelques instants.

Je vous invite à insérer votre carte de vote dans le terminal et à l'y laisser jusqu'au vote.

Si vous disposez d'une délégation de vote, le nom du sénateur pour lequel vous devez voter s'affiche automatiquement sur le terminal en dessous de votre nom. Vous pouvez alors voter pour vous et pour le délégant en sélectionnant le nom correspondant, puis en choisissant une position de vote.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 196 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l'adoption 218
Contre 107

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d'abord remercier le Sénat d'avoir adopté ce texte, honorant ainsi un engagement pris auprès des agriculteurs il y a près d'un an.

Je voudrais remercier chacun d'entre vous d'avoir participé aux débats, particulièrement la présidente de la commission des affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone, et les deux rapporteurs, Franck Menonville et Laurent Duplomb.

Nos débats ont été riches et intéressants ; chacun, où qu'il siège sur ces travées, a affirmé clairement ses positions, souvent au détriment de celles du Gouvernement… (Sourires.) Ainsi va la vie parlementaire ! Il nous faut respecter le Parlement et c'est ce que nous avons fait.

Je veux également avoir une pensée pour les députés qui ont travaillé sur ce texte – j'en faisais partie – et pour le ministre de l'agriculture qui en est à l'origine, Marc Fesneau.

Je crois que cette loi nous place sur le chemin du réarmement de notre puissance alimentaire, un sujet hautement régalien, et qu'elle est loin des caricatures que j'ai parfois entendues durant ces explications de vote. (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Je voudrais en rappeler quelques points essentiels : notre agriculture élevée au rang d'intérêt général majeur et notre potentiel agricole au rang d'intérêt fondamental pour la Nation ; les conférences de la souveraineté alimentaire ; la place des femmes en agriculture ; la régénération de l'enseignement agricole ; le diagnostic modulaire pour l'installation ; le droit à l'essai ; le guichet unique pour accueillir tout projet d'activité agricole ; la dépénalisation des atteintes involontaires et non définitives à l'environnement (Vives protestations sur les travées du groupe GEST.),…

M. Thomas Dossus. Une honte !

Mme Annie Genevard, ministre. … un dispositif qui existait dans le texte issu de l'Assemblée nationale et que vous avez souhaité prolonger ; l'importance de la haie.

À ce propos, je voudrais d'ailleurs dire à M. Salmon que 20 millions d'euros supplémentaires seront affectés à la replantation de haies.

Mme Annie Genevard, ministre. Vous le voyez, nous ne sommes évidemment pas indifférents à la cause de l'environnement et, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire pendant nos débats, opposer agriculture et environnement est une impasse ! Vous ne m'entendrez jamais exprimer un tel point de vue. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)

Il appartient maintenant aux rapporteurs et aux membres de la commission mixte paritaire de se mettre d'accord. Cette commission aura lieu ce soir et j'espère qu'elle aboutira avant minuit – pensons à Cendrillon ! Je ne voudrais pas, mesdames, messieurs les sénateurs, commencer le Salon de l'agriculture en disant aux agriculteurs que les parlementaires ne les ont pas entendus.

M. Mickaël Vallet. On avait bien compris…

Mme Annie Genevard, ministre. Je compte sur les parlementaires et leur sagesse pour pouvoir dire aux agriculteurs que cette loi les prend en considération et qu'elle les reconnaît dans leur rôle, qui est fondamental. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Je veux à mon tour remercier la présidente de la commission des affaires économiques et les rapporteurs, qui ont écouté tout le monde et se sont engagés pleinement. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture
 

4

Mise au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Carole Ciuntu.

Mme Marie-Carole Ciuntu. Lors du scrutin public n° 191 sur l'article 13 du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, ma collègue Marie-Do Aeschlimann et moi-même aurions souhaité nous abstenir.

Lors du scrutin public n° 196 sur l'ensemble de ce projet de loi, Alain Chatillon souhaitait voter pour.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point. Elle figurera dans l'analyse politique des scrutins concernés.

5

Candidatures à une commission mixte paritaire et à une commission d'enquête

Mme la présidente. J'informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture ainsi qu'à la commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre règlement.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Article 1er

Principe de laïcité dans le sport

Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, présentée par M. Michel Savin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 376 [2023-2024], texte de la commission n° 668 [2023-2024], rapport n° 667 [2023-2024]). (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Savin, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Savin, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier les membres du groupe Les Républicains et son président, Mathieu Darnaud, d'avoir inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour. Je remercie également et félicite Stéphane Piednoir, notre rapporteur, de la qualité de son travail et de la bonne tenue des auditions qu'il a menées sur ce texte.

L'actualité ne nous le rappelle hélas ! que trop régulièrement : la conception française de la laïcité doit être protégée sans relâche contre ceux qui voudraient faire vaciller les valeurs de la République. Après nos écoles, ce sont maintenant nos enceintes sportives qui assistent, impuissantes, aux tentations communautaristes.

Je fais ainsi miens les propos du ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, qui déclarait récemment que, pour lutter contre l'islamisme des Frères musulmans et leur entrisme, il fallait étendre le champ de la laïcité à d'autres espaces publics, par exemple aux compétitions sportives.

Si la laïcité garantit la liberté de conscience et la liberté religieuse de chacun, elle pose un cadre à l'exercice desdites libertés : ne pas troubler l'ordre public. Ce postulat fondamental n'étant pas toujours respecté, les acteurs du sport s'accordent sur la nécessité et l'urgence de renforcer certains dispositifs, afin d'assurer à tous une pratique sereine et pacifiée.

Concernant l'exercice du sport, depuis de nombreuses années, différents rapports et enquêtes se succèdent pour souligner la fragilité du sport face à la radicalisation et aux dérives contraires aux principes de la République. Pour ma part, j'ai la certitude que les valeurs de dépassement de soi, d'intégration et d'universalité inhérentes au sport permettront d'étendre son accès à tous, quelles que soient l'origine, la religion ou les convictions politiques.

Mme Mathilde Ollivier. C'est le contraire !

M. Michel Savin. Ces valeurs essentielles sont autant d'obstacles aux objectifs des architectes du séparatisme religieux et du prosélytisme. Il s'agit, pour ces derniers, de grignoter méticuleusement du terrain et d'éprouver en permanence les limites de nos principes républicains.

D'aucuns préfèrent se réfugier derrière l'idée selon laquelle ces faits demeurent marginaux. À ceux qui prônent la complaisance face à un phénomène apparemment secondaire, je répondrai d'abord qu'un peu, c'est déjà trop. Surtout, c'est la progression rampante de ce phénomène qui suscite l'inquiétude d'un nombre croissant d'acteurs des milieux sportifs.

Deux exemples parmi tant d'autres me viennent ainsi à l'esprit.

Le premier est celui d'une fédération française d'art martial, qui a fait remonter des situations préoccupantes de clubs où l'on demande que les filles soient voilées et pratiquent avec un entraîneur féminin, sans aucun contact visuel avec les garçons.

Le second est celui d'un match de basket féminin, dans le Tarn, annulé le 6 octobre 2024 en raison de la présence d'une joueuse voilée. Or, s'il est le plus médiatisé, l'exemple des « hijabeuses » n'est que le reflet de revendications qui prolifèrent.

Nous le constatons : une question se pose actuellement au sujet du port du voile, qui n'est pas explicitement interdit. Il ouvre cependant la porte à l'émergence de clubs sportifs communautaires promouvant ouvertement le port de signes religieux.

Dépassés par les pressions et les menaces dont ils sont l'objet, les dirigeants sportifs, les responsables associatifs et les élus locaux pâtissent d'un flou juridique. Celui-ci nourrit confusion et velléités séparatistes en laissant la place aux interprétations divergentes. Notre mobilisation doit être totale pour assurer leur protection.

Ainsi, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a permis d'apporter quelques réponses en la matière. Plusieurs propositions émanant du Sénat ont été adoptées et maintenues dans le texte définitif. Cependant, il est regrettable que tous les moyens n'aient pas été mis en œuvre afin d'assurer la neutralité dans la pratique sportive, ce qui provoque régulièrement des incidents ou des dérives.

Comme cela nous a été rappelé lors des auditions du rapporteur, certaines fédérations, confrontées à de telles problématiques, se retrouvent démunies face à l'absence de normes strictes et générales édictées par l'État.

Si chacun peut, au quotidien et dans le cadre de sa sphère privée, librement pratiquer sa religion, sur un terrain de sport et lors des compétitions, c'est la neutralité qui s'impose.

M. Thomas Dossus. C'est faux !

M. Michel Savin. Le Conseil d'État a reconnu aux fédérations sportives délégataires d'un service public la faculté d'interdire, au sein de leurs statuts, les signes religieux ostensibles sur le lieu et pendant la durée des matchs, afin de prévenir tout affrontement ou toute confrontation sans lien avec le sport. Force est de constater que cela ne suffit plus !

Il est donc temps de sanctuariser le domaine sportif, où la neutralité s'impose, et de réaffirmer haut et fort que la République prime la loi religieuse. Il faut donner un vrai soutien législatif aux fédérations.

À ceux qui prétendent que ce texte empêcherait certaines femmes de pratiquer une activité sportive, je réponds que les interdictions inscrites dans cette proposition de loi sont strictement limitées aux compétitions sportives organisées par une fédération sportive ayant une délégation de service public. Ces rencontres officielles sont également des moments de représentation pour un club, une ville, un territoire. Ce texte n'a donc pas de répercussions sur la pratique du quotidien.

Mme Mathilde Ollivier. Bien sûr que si ! (M. Thomas Dossus renchérit.)

M. Michel Savin. Cette proposition de loi vise également à donner des moyens législatifs aux élus locaux pour que les équipements sportifs ne soient pas détournés de leur destination.

Le service central de renseignement territorial surveille le monde sportif amateur français, où des événements inquiétants se produisent. Une note relève ainsi des prières sur des terrains de football à Perpignan, le rejet de la mixité dans certains clubs de sport, des pressions exercées sur les encadrants et des éducateurs fichés comme salafistes utilisant des tapis de prière dans les gymnases. Le phénomène découle, selon les auteurs de cette note, d'un repli communautaire observé dans plusieurs quartiers où les fondamentalistes religieux ciblent les jeunes, mêlant sport et pratique religieuse. En particulier, ils transforment les vestiaires et les gymnases en salle de prière.

Autre exemple : en novembre dernier, la préfecture de l'Hérault a demandé à la Fédération française de football d'adopter des mesures de suspension à titre conservatoire à l'encontre d'un club en raison de la tenue de rituels de prière accompagnés de musique religieuse, diffusée par les joueurs dans les vestiaires lors de l'avant-match. Il apparaît en effet anormal que ces équipements fassent l'objet d'une telle double utilisation.

Pratique religieuse ou pratique sportive : il faut choisir !

M. Michel Savin. Les prières au sein des équipements sportifs pendant les entraînements et les compétitions sont incompatibles avec la neutralité exigée par l'État dans le sport.

Enfin, il convient également de prévoir dans la loi l'application de la laïcité dans les règlements des piscines. En effet, le non-respect des règles communes rompt la promesse d'égalité entre les usagers et peut porter atteinte au bon fonctionnement du service public qu'est une piscine municipale.

Si certaines actions militantes appellent les femmes à exprimer leurs convictions religieuses au sein des piscines et des espaces de baignade publics, cette vision de la femme et de la liberté d'expression n'est pas celle que reconnaît et promeut la République française. Nous le voyons : ces actions sont délibérément provocatrices. Elles ne visent qu'à diviser, à polariser les opinions et à obliger chacun à prendre parti dans un conflit aux antipodes de la pratique sportive.

Mme Mathilde Ollivier. Cela, c'est vous qui le faites !

M. Michel Savin. Face à ces dérives, il est urgent de porter une réglementation claire et ambitieuse dans la loi. Il n'est en effet satisfaisant pour personne que ces questions liées à la pratique religieuse fassent l'objet d'interprétations juridiques différentes selon les lieux et les territoires. Ainsi, il est incompréhensible que le port du burkini soit interdit à Grenoble, mais autorisé à Rennes. L'absence de cadre législatif paralyse la prise de décision, expose les fédérations et limite les moyens de contrôle et les possibilités de sanction du non-respect de la neutralité dans le sport.

Ce texte traduit donc l'ambition de nous doter des instruments désormais nécessaires pour lutter contre le communautarisme et le prosélytisme, opérant un juste équilibre entre préservation des libertés individuelles et respect des principes qui unissent la République. Pour défendre les valeurs du sport au quotidien, il faut mener sans faiblesse et sans ambiguïté la lutte contre toute tentative de propagande religieuse ou politique, toute forme de radicalisation religieuse ou de repli communautaire.

Pour conclure, je le redis : ce texte n'a pas pour objet de combattre une religion (M. Thomas Dossus s'exclame.) ; elle entend combattre une idéologie politique qui défigure une religion, divise les individus et déchire une société. Tel est l'objet de ma proposition de loi, que je vous invite à adopter. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Daniel Chasseing et Stéphane Ravier applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Michel Savin traite d'un sujet essentiel : la laïcité, l'un des fondements de notre République, inscrite à l'article premier de notre Constitution.

La laïcité repose sur un équilibre entre la liberté de conscience dans la sphère privée et la neutralité dans la sphère publique. C'est ce modèle, si singulier à la France, que nous devons préserver, en particulier dans le domaine du sport. En effet, ce dernier est un espace de socialisation et de transmission des valeurs républicaines, un vecteur de l'apprentissage de la citoyenneté au même titre que l'école.

Ouvrons les yeux ! Alors que 58 % des licenciés sont âgés de moins de 20 ans, 6,3 millions d'entre eux ayant entre 1 et 13 ans, le sport joue un rôle central dans l'éducation au respect des règles communes et à l'égalité. Les valeurs fondamentales du sport sont des valeurs citoyennes. Les seules règles et les seules différences admissibles sur le terrain sont ainsi celles qu'induit le sport lui-même.

Nulle stigmatisation ne doit être permise. En particulier, les revendications politiques ou religieuses n'ont pas leur place dans le sport, comme le rappelle le 2 de la règle 50 de la Charte olympique : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »

Les atteintes à la laïcité dans le sport ne sont pas un phénomène récent, mais elles ont trop longtemps été minimisées, occultées, voire encouragées. Nous ne devons plus renoncer à traiter ce sujet, sans quoi nous risquons le développement rampant d'un communautarisme contraire à nos valeurs.

Dès 2003, le rapport de Bernard Stasi sur l'application du principe de laïcité dans la République signalait l'émergence d'équipes qualifiées de « communautaires ». Son auteur regrettait, en outre, le recul de la pratique sportive féminine dans certains quartiers – déjà à l'époque ! Nous ne pouvons plus accepter cette seule alternative : se soumettre à la nouvelle règle érigée par quelques-uns ou s'exclure et laisser le champ libre au communautarisme.

L'émergence de cette problématique à l'école, à fin des années 1980, constitue un précédent. Or il aura fallu attendre quinze ans pour apporter une réponse claire, avec la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Qualifiée d'inopportune et d'inapplicable à l'époque, cette loi ne souffre plus, aujourd'hui, aucune contestation.

Pour paraphraser Jean Zay, selon qui « les écoles doivent rester l'asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas », le sport doit rester la citadelle imprenable sur laquelle les attaques à la laïcité se fracassent. Ainsi, il est le nouveau terrain d'expression de ce que nous appelons aujourd'hui le « séparatisme ». Ce phénomène est désormais largement documenté par plusieurs rapports parlementaires récents, notamment celui de la commission d'enquête du Sénat de 2020 sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre.

Les atteintes à la laïcité prennent des formes variées et ne sont évidemment pas toutes de même nature. Cependant, elles font l'objet d'un constat partagé par de nombreux acteurs, témoins de la progression inquiétante de comportements remettant en cause le vivre-ensemble et l'universalité du sport.

Ces atteintes sont, certes, difficiles à quantifier au sein des 360 000 associations sportives, mais quelques chiffres permettent néanmoins d'illustrer le phénomène. Ainsi, en cinq ans, 592 alertes ont été rapportées aux cellules de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (Clir).

Par ailleurs, en 2021, Roxana Maracineanu, alors ministre déléguée chargée des sports, déclarait que 127 associations sportives avaient été identifiées comme étant en relation avec une mouvance séparatiste. Parmi elles, 29 étaient tenues par l'islam radical. Pourtant, seulement cinq de ces clubs ont été fermés, ce qui en laisserait 122 ouverts, voire plus encore. Cela représente potentiellement 11 000 sportifs pratiquant dans des clubs en lien avec la mouvance séparatiste. Qui peut, aujourd'hui, s'accommoder d'un tel constat ?

Outre ces données, de nombreux témoignages de terrain font état d'évolutions préoccupantes : extension du port du voile, prières collectives dans les vestiaires et sur les terrains, demandes de modification de l'horaire des matchs, rejet de la mixité, ou encore refus de saluer l'adversaire. Les disciplines les plus touchées sont le football, les sports de combat, le tir à l'arc et la musculation.

Ces phénomènes sont difficilement quantifiables, mais les occulter serait désormais une faute. Nous ne pouvons pas, en tant qu'élus, rester indifférents aux multiples alertes qui nous sont adressées, lesquelles témoignent d'une érosion progressive du lien social.

Dans ce contexte, la proposition de loi de notre collègue Michel Savin est bienvenue. En effet, les outils existants sont insuffisants.

Tout d'abord, le contrat d'engagement républicain (CER), introduit par la loi du 24 août 2021, est intéressant, mais trop peu mobilisé. Loin d'être un véritable engagement, il est perçu dans les faits comme une simple formalité administrative, sans véritable portée contraignante, si bien qu'un seul retrait d'agrément a été effectué au titre du non-respect du CER.

Les services de l'État, notamment les préfectures et les services déconcentrés du ministère chargé des sports, manquent de moyens pour mettre en œuvre efficacement des contrôles, malgré une prise de conscience récente. Ainsi, en 2022-2023, seulement cent contrôles ont été effectués par le ministère sur la thématique de la laïcité, ayant permis d'identifier six cas de séparatisme. C'est peu, mais déjà trop !

Comme vous le savez, les services du ministère chargé des sports ont subi de fortes réductions d'effectifs au cours des dernières années. Ainsi, en son sein, 220 emplois sont aujourd'hui consacrés au contrôle des établissements d'activités physiques et sportives, toutes problématiques confondues – hygiène, sécurité, assurance, etc. Un faible nombre au regard de la quantité d'établissements à contrôler et de problématiques soulevées.

La jurisprudence a validé des extensions ciblées du principe de neutralité, désormais opposable dans certains cas aux usagers du service public pour permettre son bon fonctionnement, prévenir toute confrontation sans lien avec le sport et garantir l'égalité de traitement des usagers.

Ainsi, le Conseil d'État a validé cette approche en confirmant, dans sa décision du 29 juin 2023, l'interdiction par la Fédération française de football de « tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » lors des compétitions. Le Conseil d'État affirme en outre, dans cette même décision, que des limitations à la liberté des licenciés sont possibles « si cela est nécessaire au bon fonctionnement du service public ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Il y rappelle enfin l'obligation de neutralité des personnes sélectionnées dans les équipes de France, obligation réaffirmée en 2023 par la nouvelle ministre des sports, Mme Oudéa-Castéra, dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.

Par ailleurs, dans une ordonnance du 21 juin 2022, le Conseil d'État a validé la suspension par le représentant de l'État du règlement intérieur des piscines de la ville de Grenoble, qui autorisait alors le port du burkini.

Ces décisions ont encouragé plusieurs fédérations à adopter des règlements interdisant le port ostensible de signes religieux ou politiques en compétition, notamment les fédérations françaises de football, de basketball et de volleyball. D'autres n'ont pas encore statué, mais des pressions s'exercent sur elles. Il est donc temps de fixer un cadre juridique commun qui protège l'ensemble des fédérations sportives. La cohérence globale du message que le législateur doit émettre est essentielle pour mettre fin à la confusion largement exploitée par ceux qui veulent détruire notre modèle républicain.

Ainsi, soixante-dix clubs franciliens de basket ont adressé l'an dernier une pétition à la Fédération française de basketball à la suite de l'interdiction, par celle-ci, du « port de tout équipement à connotation religieuse ou politique ». Des campagnes sont également relayées sur les réseaux sociaux.

Aujourd'hui, en effet, si les fédérations sportives ont la faculté de mettre en place des limitations, elles n'en ont pas l'obligation, ce qui crée la confusion. Rien ne peut justifier qu'un principe aussi fondamental que celui de la laïcité s'applique différemment d'une discipline à l'autre.

Je vous propose donc d'adopter la proposition de loi de Michel Savin, telle que la commission l'a modifiée.

Il s'agit tout d'abord, avec l'article 1er, d'empêcher le port de signes religieux ou politiques ostensibles dans les compétitions sportives. Le Sénat a déjà adopté une telle disposition à deux reprises, en 2021 puis en 2022.

Ensuite, le texte prévoit l'interdiction de tout exercice d'un culte dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d'une pratique sportive, afin de ne pas dévoyer leur usage.

Enfin, il a pour objet de faire respecter les mêmes principes de neutralité et de laïcité dans les piscines et les espaces de baignade artificiels publics.

En commission, nous avons complété le texte afin de permettre la réalisation d'enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif. Des procédures similaires existent déjà dans d'autres domaines.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. En conclusion, cette proposition de loi vise à combler un vide juridique et à apporter une réponse adaptée, sans stigmatiser ni exclure, mais en rappelant, au contraire, que le sport est un espace d'unité et d'universalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier applaudit également.)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de ma collègue Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, dont je me ferai le porte-parole.

L'été dernier, notre pays a accueilli les trente-troisièmes Jeux de l'ère moderne. Le succès des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris a transcendé tous les courants de pensée, les identités singulières et les particularismes. Nous avons su faire Nation.

Pendant un mois, la France a accueilli sur ses terrains et dans ses salles de sport près de 15 000 athlètes venus du monde entier pour faire vivre les valeurs d'effort et de travail, de dépassement de soi et d'abnégation, mais aussi de solidarité, de fraternité et d'entraide.

Le monde entier a pu suivre les exploits des sportifs et vibrer au son des hymnes nationaux. Nous avons partagé la joie des gagnants, mais aussi, car telle est la loi du sport, les larmes des perdants, pris dans l'élan d'une même passion, d'une même émotion, par-delà les différences.

Le sport est beau quand il nous unit, quand il nous réunit. Pendant ces jeux Olympiques et Paralympiques, les drapeaux étaient peut-être différents, mais c'est une même humanité qui a été célébrée. Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris nous ont rappelés à cette vérité.

Au moment d'entamer l'examen de la proposition de loi du sénateur Michel Savin visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, je souhaite que nous gardions cette vérité à l'esprit.

Les salles et les terrains de sport ne peuvent en aucun cas devenir de nouveaux espaces d'expression du séparatisme. Il nous faut réaffirmer notre conviction absolue que le sport doit rester un domaine de partage et de fraternité, et qu'il ne doit en aucun cas devenir le nouveau terrain de conquêtes passant par l'affirmation d'une différence religieuse.

Depuis les conclusions de la commission d'enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre présidée par Nathalie Delattre, qui était alors sénatrice, et rapportée par Jacqueline Eustache-Brinio, nous savons qu'un nombre croissant d'associations et de clubs sportifs sont désormais le lieu d'un prosélytisme islamiste radical et de manifestations identitaires et religieuses.

Entre 2019 et 2024, 761 établissements d'activités physiques et sportives – 228 en 2023 et 183 en 2024 – ont été contrôlés en lien avec des signaux faibles de séparatisme. Ces nombreux contrôles ont abouti à la fermeture d'un peu plus d'une dizaine d'établissements.

En tout état de cause, ce prosélytisme et ce communautarisme sont d'autant plus difficiles à combattre qu'ils sont sournois et se parent parfois d'un discours se réclamant des droits fondamentaux et des libertés individuelles pour faire progresser un agenda séparatiste. Tel était bien l'objectif véritable des « hijabeuses » lorsqu'elles ont brandi le principe de non-discrimination pour s'affranchir des règles communes. C'est d'ailleurs le principe même de l'entrisme : faire reculer, étape par étape, petit à petit, les garde-fous de l'universalisme pour installer peu à peu une société communautarisée et divisée, une société dont nous ne voulons pas.

Ce n'est ni notre tradition ni notre histoire. Nos convictions républicaines sont solides.

L'entrisme menaçant partout notre cohésion nationale, c'est partout qu'il nous faut le combattre. Dans le sport comme dans d'autres domaines, la laïcité est un combat essentiel qui doit être mené partout et tout le temps.

Depuis quelques années, nous avons d'ailleurs renforcé notre arsenal législatif, nous dotant d'instruments utiles pour défendre partout les valeurs de notre République. Le vote de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a constitué un moment important de cette stratégie qui se veut globale.

Ce texte a tout d'abord permis au ministère des sports d'améliorer les capacités de détection par les services déconcentrés de l'État des signaux faibles du séparatisme, grâce notamment au déploiement de ciblages pertinents et d'un outil de contrôle adapté. En deux ans, cinquante-six agents supplémentaires ont été affectés à la lutte contre le séparatisme et contre les violences.

Cette loi a également permis la mise en place d'un réseau opérationnel s'appuyant sur des référents formés. En étroite relation avec les différentes fédérations, ces derniers exercent un rôle pivot dans la lutte contre le séparatisme.

Ce texte a enfin permis de faire du contrat de délégation un levier de lutte contre le séparatisme. Comme M. Savin l'a rappelé à juste titre, en encourageant les fédérations à se doter d'un référent prévention de la radicalisation, le ministère des sports accompagne et incite les fédérations à s'engager plus activement dans cette lutte.

La présente proposition de loi, que le Gouvernement soutient avec force, est une pierre opportunément ajoutée à l'édifice qu'ensemble nous construisons depuis des années contre toutes les formes de séparatisme.

Le Gouvernement vous propose d'y apporter quelques modifications rédactionnelles afin de rendre les articles 1er et 3 les plus opérationnels possible.

À l'article 1er, l'amendement n° 31 vise à préciser que l'interdiction du port de tout signe religieux ostentatoire s'applique aux compétitions sportives organisées par les fédérations délégataires de service public. C'est en effet au nom du service public que le principe de laïcité s'impose.

À l'article 3, qui codifie la décision du 21 juin 2022 rendue par le Conseil d'État concernant l'autorisation, par la ville de Grenoble, d'autoriser dans ses piscines le port de tenues non près du corps, c'est-à-dire du burkini, le Gouvernement propose, par l'amendement n° 32, une rédaction plus conforme à l'esprit et à la lettre de la décision de cette juridiction, et, partant, à nos principes constitutionnels.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le sport est un formidable levier d'émancipation et de développement de chacun. Les valeurs d'émancipation, d'intégration et d'inclusion qu'il porte sont une richesse qu'il nous revient de préserver avec fermeté.

Ces valeurs ne peuvent toutefois être transmises que dans un environnement serein, préservé de tout entrisme religieux et libre de toute barrière communautaire. C'est pour cela que nous devons défendre à tout prix le principe de laïcité, sur lequel se fonde notre fraternité civique.

La proposition de loi de M. Michel Savin répond – je le crois – à cette exigence. Sous réserve de l'adoption des amendements susvisés, le Gouvernement que j'ai l'honneur de représenter est donc tout à fait favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Claude Kern applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Grosperrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. « Les clubs sportifs et les associations peuvent être des endroits de prosélytisme. On a reçu des signalements et, pour moi, c'est une grande inquiétude. » Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est en ces termes que, le 26 janvier 2016, notre collègue Patrick Kanner, alors ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, s'exprimait dans une interview accordée au journal Libération. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Belle référence !

M. Jacques Grosperrin. Sa position était du reste identique à celle de tous les ministres chargés des sports depuis plusieurs décennies. Il ajoutait même : « Ma position est très claire, pas de religion dans les clubs et l'État ne reconnaîtra pas et ne versera pas un centime à ceux qui sortent du cadre. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Patrick Kanner secoue la tête.)

Depuis lors, le « en même temps » présidentiel est passé par là. Le 17 juillet 2020, Roxana Maracineanu, alors ministre déléguée chargée des sports, déclarait devant la commission d'enquête menée par nos collègues Nathalie Delattre et Jacqueline Eustache-Brinio, lors d'une audition dont le compte rendu a été annexé au rapport : « Le sport que je défends est un sport inclusif, où tout le monde a sa place, où chacun arrive comme il est. »

Cette vision, inspirée d'un célèbre slogan publicitaire – « Venez comme vous êtes » –, interroge sur l'application du principe de laïcité dans le cadre sportif.

Le premier alinéa de l'article premier de la Constitution de 1958 dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». La laïcité est l'un des principes cardinaux de notre République. Bien qu'inscrit dans le marbre de la Constitution, celui-ci fait l'objet d'attaques incessantes. Il nous faut donc le protéger vigilamment, y compris dans le cadre de la pratique sportive, qui n'échappe pas à ces coups de boutoir.

Face à cette évolution, le groupe Les Républicains a toujours plaidé pour un débat clair sur la place des religions dans le sport. La proposition de loi de notre collègue Michel Savin nous en donne l'occasion, mes chers collègues. Les auditions menées en vue de l'excellent rapport de Stéphane Piednoir ont confirmé la nécessité de donner aux acteurs du sport et aux collectivités locales un cadre juridique précis garantissant la neutralité des compétitions sportives.

Le sport est un moyen et une voie d'émancipation et de partage. Il remplit une fonction sociale forte. Notre responsabilité collective est de sécuriser le sport, cet espace partagé de dépassement et d'éducation aux valeurs de la République, en appliquant des règles communes de pratique.

Nous ne pouvons pas accepter que s'immisçant dans des lieux de pratique sportive, le fait religieux fragilise nos principes républicains.

Est-il acceptable que de jeunes filles portent des signes religieux dans des compétitions sportives organisées par les fédérations de lutte ou de handball, par exemple, alors qu'elles pratiquent la même activité au collège ou au lycée sans signe religieux ? J'estime que non.

Peut-on se contenter de constater que les infrastructures sportives mises à la disposition des clubs par les collectivités locales soient transformées en lieux de prière ? La réponse est encore non.

Pouvons-nous accepter que, durant certaines plages horaires, nos piscines municipales soient privatisées pour répondre à des exigences religieuses ? Non !

Pouvons-nous, enfin, imaginer un seul instant une rencontre sportive entre deux équipes dont chaque joueur arborerait son propre signe idéologique, politique ou religieux ? Non, et encore non !

Lorsqu'on pratique une discipline sportive, les convictions religieuses ou politiques individuelles doivent s'effacer au profit de la neutralité. Tel est le point fondamental de cette proposition de loi, qui vise à rappeler le sens du sport en France.

Certaines fédérations françaises – de football, de basketball ou plus récemment de rugby – ont réaffirmé l'importance du respect d'une neutralité religieuse et politique lors des événements sportifs.

L'absence d'une réglementation uniforme s'appliquant à toutes les fédérations agréées par le ministère des sports emporte toutefois des incohérences.

M. Thomas Dossus. C'est faux !

M. Jacques Grosperrin. Cette proposition de loi harmonise donc les règles s'appliquant à la pratique sportive, dans le respect des principes de la République.

En élargissant l'interdiction du port de signes ostentatoires à caractère religieux ou politique lors de toutes les compétitions organisées sous l'égide des fédérations agréées, l'article 1er de cette proposition de loi contribuera au bon fonctionnement du service public tout en prévenant les atteintes à l'ordre public.

Les collectivités territoriales étant parfois soumises aux pressions religieuses, elles doivent également être protégées. L'article 2 sanctuarise donc les équipements sportifs publics, qui devront être exclusivement réservés à la pratique du sport, sans que ce principe puisse faire l'objet d'interprétations susceptibles de fragiliser les règles de la République.

En tant que sénateur, mais aussi en tant que professeur de judo, je me réjouis que cette proposition de loi permette la mise en place d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des éducateurs sportifs n'est pas incompatible avec l'exercice de leurs fonctions. Il est essentiel d'empêcher ces professionnels, dont certains font l'objet d'un suivi par les services de renseignement, d'utiliser le sport comme un vecteur de prosélytisme auprès de nos enfants et de nos jeunes.

Enfin, l'article 3 apporte une réponse législative à la compromission, ou peut-être seulement à la faiblesse de certains élus face à l'islamisme radical, en imposant l'inscription, dans les règlements intérieurs des espaces de baignade, de l'interdiction de tenues aquatiques à caractère religieux. Le fait qu'un maire autorise le port d'une tenue à caractère religieux dans une piscine municipale constitue une rupture manifeste de l'égalité de traitement des usagers, susceptible de provoquer des troubles à l'ordre public et, par l'attribution d'horaires réservés aux pratiquants concernés, de nuire au bon fonctionnement du service public.

La proposition de loi de notre excellent collègue Michel Savin est indispensable pour garantir une neutralité du sport et pour préserver nos valeurs républicaines. Elle protège les sportifs, les collectivités territoriales, les élus, les fédérations, les associations de toute forme de prosélytisme idéologique ou religieux.

Je vous invite donc à soutenir ce texte, afin de préserver l'esprit du sport dans notre pays et de réaffirmer son rôle dans l'éducation aux valeurs de la République, mes chers collègues. Faisons des terrains de sport des terrains non pas de division, mais de partage, où l'on se fait remarquer, non pas par ses différences vestimentaires, mais par son talent et par ses performances. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Claude Kern applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Samantha Cazebonne. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'une proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le domaine du sport.

Notre groupe se satisfait de la tenue de ce débat. Nous sommes en effet conscients des dérives existant actuellement dans le monde du sport. Si nous sommes donc favorables à une évolution législative en la matière, nous émettons quelques réserves sur la rédaction actuelle de ce texte.

Notre système républicain repose sur un principe de laïcité qui garantit à chacun la liberté de conscience, dont découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l'ordre public. En tant qu'espaces d'expression collective, les lieux de pratique sportive doivent respecter ces principes et se soumettre aux règles qui assurent une certaine neutralité, en particulier lorsque des mineurs – nos enfants – sont concernés.

Si je souscris à la nécessaire et stricte application de ce principe, j'estime que le respect de la laïcité doit être, non pas une source d'exclusion, mais au contraire la garantie de l'épanouissement collectif de chacun dans une pratique sportive.

Ceci étant dit, je tiens à souligner que dans sa rédaction actuelle, l'article 1er présente un risque d'inconstitutionnalité du fait de la portée générale de l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires, sans démonstration du risque d'un trouble à l'ordre public.

Le principe de neutralité ne s'appliquant qu'aux activités sportives organisées par les collectivités publiques ou les fédérations sportives agréées chargées d'une mission de service public, le champ du dispositif paraît de plus trop vaste.

Je proposerai donc, avec mon groupe, un amendement tendant à rédiger l'article 1er de manière à éviter ce risque d'inconstitutionnalité. La rédaction proposée reprend la jurisprudence établie par le Conseil d'État dans sa décision du 29 juin 2023, confirmant la possibilité, pour la Fédération française de football, de prévoir dans ses statuts, dans le cadre de sa délégation de service public et pour le bon déroulement des compétitions et manifestations qu'elle organise ou autorise, l'interdiction du port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans l'enceinte des matchs et pour leur seule durée.

Le cadre s'appliquant aux mineurs diffère toutefois. Au même titre que l'école, le sport initie en effet nos enfants à la coopération et au respect des règles communes. Il est un facteur d'intégration, de mixité sociale et de renforcement de la cohésion nationale.

Au nom de mon groupe, je proposerai donc de circonscrire l'application du dispositif proposé par cette proposition de loi en son article 1er aux seuls mineurs.

Que ce soit dans le cadre de la pratique d'un sport ou au sein de notre école républicaine, nos enfants ne doivent pas être influencés avant leur majorité. Le respect de la laïcité dans le sport doit permettre aux enfants mineurs de grandir, d'évoluer et de s'épanouir dans un environnement neutre. Il paraît difficilement concevable que la pratique d'un même sport soit encadrée par des règles différentes selon qu'elle s'effectue dans le cadre des cours d'éducation physique et sportive (EPS) dispensés par l'école ou dans un club sportif, d'autant que le complexe sportif, l'encadrant et les élèves peuvent être les mêmes.

Par notre proposition, nous vous invitons à retenir une position équilibrée permettant de protéger les mineurs et d'harmoniser les règles. La codification de la jurisprudence existante écarte par ailleurs tout risque d'inconstitutionnalité.

Mon groupe défendra également des amendements de suppression des articles 2, 2 bis et 3, ces derniers étant satisfaits par le droit actuel.

Une fois amendé comme nous l'espérons, ce texte constituera un levier de protection des droits de chacun dans le respect d'un cadre républicain, mes chers collègues. Il permettra aux jeunes de grandir et d'évoluer dans un environnement sportif respectueux et libre de toute pression religieuse.

Étant favorable à une évolution de la loi qui encadre le champ d'application de l'interdiction du port de signes religieux, le groupe RDPI soutiendra ce texte, sous réserve de l'adoption des amendements susvisés. À défaut, une large majorité des membres de notre groupe s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE, par son histoire et sa philosophie, se réjouit toujours de l'attention portée à la laïcité. Il faut reconnaître que nous avons trop souvent négligé cette dernière. André Comte-Sponville définit la laïcité comme « une volonté : celle de vivre ensemble, pacifiquement et librement, quelle que soit la religion ou l'irréligion des uns et des autres ».

La proposition de loi de notre collègue Michel Savin vise à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport. La pratique sportive – il n'est plus nécessaire de le démontrer – est une source d'épanouissement et un vecteur d'apprentissage des valeurs de respect et de fraternité. Elle doit être encouragée pour tous.

Que doit être la laïcité dans le sport ? Avant tout, le respect de celui qui croit et de celui qui ne croit pas.

Cette proposition de loi a un objectif essentiel, celui de protéger la laïcité. Dans sa rédaction actuelle, elle risque toutefois de restreindre indûment certaines libertés individuelles. La laïcité – rappelons-le – est la garantie de la liberté de conscience, de l'égalité devant la loi des croyants et des non-croyants et de la neutralité de l'État vis-à-vis des cultes. Afin de préserver chacun de ces principes, notre mot d'ordre doit être l'équilibre, mes chers collègues.

L'article 1er de ce texte généralise l'interdiction, déjà prévue par certaines fédérations, du port de signes religieux ostensibles durant les compétitions. Je crois qu'il faut faire confiance aux fédérations sportives et leur laisser le soin de prendre une telle mesure si elles l'estiment nécessaire. Il me paraît en revanche pertinent de poser cette interdiction pour les mineurs. Comme l'a fait valoir notre collègue au nom du groupe RDPI, il paraît en effet opportun d'appliquer dans le sport le modèle qui prévaut à l'école.

L'article 2 interdit les prières collectives dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d'une pratique sportive. En vertu de ses pouvoirs de police, le maire peut déjà autoriser ou interdire un rassemblement religieux dans un lieu public si ce rassemblement contrevient à la tranquillité, la salubrité, la sécurité ou le bon ordre public. Il ne paraît donc pas nécessaire d'adopter cette disposition. Je proposerai donc, avec mes collègues du groupe RDSE, un amendement visant à supprimer cet article.

L'article 3 impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines et les espaces de baignade artificiels publics, notamment par l'interdiction du port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse. Si la loi prohibe le port d'une tenue ou d'un signe manifestant une appartenance religieuse ou politique par les agents du service public au nom du principe de neutralité, une telle interdiction ne peut s'appliquer aux usagers visés, dont la laïcité garantit la liberté de conscience. Nous proposerons donc un amendement de suppression de cette disposition.

Plusieurs rapports parlementaires ayant souligné que le sport peut se révéler un terreau de séparatisme, il paraît opportun de conditionner la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif à la réalisation préalable d'une enquête administrative. Ces éducateurs contribuent en effet à former les esprits des jeunes, au même titre que les enseignants. Un tel contrôle paraît donc légitime.

Cette proposition de loi vise à protéger le sport, vecteur d'apprentissage de la citoyenneté, des atteintes à la laïcité. Des acteurs de terrain évoquent l'accroissement du nombre de telles atteintes, qui relèveraient d'un repli communautaire. N'oublions pas toutefois que la mise à l'écart sociale est bien souvent le terreau de ce dernier. (M. Damien Michallet s'en étonne.) Il nous faut donc analyser les causes du repli communautaire et trouver les moyens de l'empêcher.

En tout état de cause, gardons-nous de dévoyer le principe de laïcité, mes chers collègues. Celui-ci protège sans exclure ni stigmatiser. Pour toutes ces raisons, et tout en reconnaissant l'existence des difficultés qu'il soulève, le groupe RDSE ne peut voter le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte dont il nous est enfin permis de discuter aujourd'hui va dans le bon sens. Je salue l'excellent travail de son auteur, Michel Savin, ainsi que celui, non moins excellent, de notre rapporteur Stéphane Piednoir.

La laïcité est l'un des piliers de notre République. Elle garantit la neutralité de l'État et assure l'égalité de tous les citoyens, quelles que soient leurs croyances. Garantir l'égalité de traitement des usagers dans l'espace sportif est essentiel pour préserver la cohésion sociale et éviter toute forme de discrimination.

Le ministère des sports indique que plusieurs des 3 449 contrôles effectués en 2022 ont révélé des signes de séparatisme et de radicalisation nécessitant des mesures correctives. Ces données illustrent la réalité et l'ampleur des défis que nous devons relever, mes chers collègues.

Il faut bien comprendre que la laïcité vise non pas à exclure, mais à protéger.

M. Claude Kern. Elle garantit que chacun puisse pratiquer son sport librement, sans subir de pression religieuse ou communautaire. Trop souvent, notamment chez les jeunes, laïcité rime avec interdiction. Telle n'est pas la définition de la laïcité.

La proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent du président Laurent Lafon, que nous examinerons après la suspension des vacances, vise notamment à répondre aux difficultés rencontrées dans l'enseignement du principe de laïcité.

En tout état de cause, le sport doit rester un lieu de rencontre et de partage, au-delà des différences individuelles. Force est pourtant de constater que nous ne sommes plus en mesure de compter les atteintes à notre principe de laïcité. Les incidents observés, notamment les annulations de match, montrent la nécessité de règles claires et uniformes pour préserver la paix sociale et l'union nationale. Certains promoteurs d'une vision radicale et politique de la religion tentent du reste d'imposer des pratiques incompatibles avec notre société.

Cette proposition de loi permettra de sécuriser le respect du principe de laïcité lors des manifestations sportives. L'interdiction du port ostensible de signes et de tenues à caractère religieux lors des compétitions sportives est une bonne chose. Elle étend le cadre législatif fixé par le code de l'éducation et s'inscrit dans la continuité de la décision rendue par le Conseil d'État le 29 juin 2023, qui donne aux fédérations sportives la possibilité de prendre des mesures limitant la liberté d'expression et de conviction afin de garantir « le bon fonctionnement du service public [et] la protection des droits et libertés d'autrui ».

Nous ne comptons plus les incidents qui se sont déroulés dans des stades à cause du port de tenues ou de signes religieux. Plusieurs fédérations, notamment la Fédération française de football et la Fédération française de basketball, ont pris des mesures.

Le présent texte permettra d'uniformiser l'application de ce principe d'interdiction, qui n'est aujourd'hui qu'une possibilité offerte aux fédérations, pour l'ensemble des compétitions de l'ensemble des fédérations.

Le caractère optionnel de cette interdiction emporte du reste un risque d'interprétation, celle-ci pouvant différer en fonction des fédérations.

Un autre apport de ce texte tient à l'interdiction d'organiser des prières collectives ou toute forme de pratique religieuse dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d'une pratique sportive. Cette mesure va dans le bon sens, car elle permettra à chacun de pratiquer un sport, quelle que soit son appartenance religieuse.

Le principe de laïcité doit s'appliquer dans les locaux publics. Grâce à une modification adoptée sur l'initiative de Stéphane Piednoir, le texte précise désormais que les locaux attenants à l'équipement sportif considéré sont également concernés. Une telle disposition permettra d'éviter d'éventuels contournements pouvant exacerber les divisions communautaires.

Il est également opportun que le préfet puisse suspendre l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait à ces nouvelles obligations. Chacun doit en effet se plier au principe de laïcité et respecter les croyances d'autrui.

Un autre apport de ce texte, et non des moindres, est l'interdiction du port de tenues à caractère religieux dans les piscines et espaces de baignade. Cette mesure de clarification contribuera à sécuriser l'action des maires, qui, comme pour de nombreux autres sujets, se trouvent en première ligne. Le principe d'interdiction des tenues à caractère religieux – par conséquent du burkini – dans les piscines municipales permettra en effet d'éviter tout conflit entre les usagers et tout trouble à l'ordre public.

Le port de vêtements religieux dans les piscines municipales ne respecte pas davantage le principe de laïcité : la décision prise par le maire de Grenoble en est l'illustration.

Il ne faut d'ailleurs pas se cacher derrière un éventuel trouble à la salubrité publique ou derrière un motif d'hygiène pour interdire le port des vêtements religieux : nous n'avons pas besoin de prétexte. Nous sommes dans une République laïque. C'est ce principe qui doit prévaloir.

Enfin, je salue le travail accompli par Stéphane Piednoir pour mieux contrôler la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif. Grâce aux dispositions introduites sur son initiative dans le présent texte, les individus fichés au titre de la prévention de la radicalisation ne pourront disposer de cette carte. Cette mesure mérite d'être saluée, car elle répond parfaitement à la philosophie du présent texte.

Vous l'aurez compris : les élus du groupe Union Centriste voteront cette proposition de loi de notre collègue Michel Savin. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Francis Szpiner applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Charte olympique du Comité international olympique (CIO), dans sa version en vigueur au 30 janvier 2025, reconnaît comme principes fondamentaux de l'olympisme le droit de pratiquer un sport sans discrimination, la neutralité politique des compétitions et la liberté d'expression de leurs participants. En outre, sa règle 50.2 stipule : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »

Cette interdiction est la condition d'observation des principes fondamentaux cités à l'instant. C'est parce que les compétitions sont neutres que leurs participants ne subissent aucune discrimination et que leur liberté d'expression est protégée.

Une telle logique n'est pas sans rappeler celle de la laïcité française, qui garantit la liberté de conscience des individus en exigeant de l'État qu'il ne reconnaisse aucun culte. La neutralité est une condition de cette liberté. Certes, la loi de 1905 ne l'impose pas aux usagers des services publics, seuls leurs agents y sont soumis, mais l'athlète qui participe à une compétition n'est pas un simple usager.

L'essence de l'éthique olympique est d'organiser des compétitions entre des athlètes placés sur un pied d'égalité. Ces derniers ne confrontent que leur force, leur adresse, leur intelligence et leur esprit d'équipe, en dehors de toute autre considération étrangère au sport. (M. Michel Savin acquiesce.) En cela, l'olympisme organise un espace universel par une langue commune fondée sur les seules règles sportives.

Alors que, partout sur la planète, l'universalisme est battu en brèche par les particularismes religieux, les revendications identitaires ou politiques, il appartient à la France de le protéger, parce qu'elle a activement participé à la construction de l'olympisme depuis son premier congrès, tenu à la Sorbonne en 1894.

Il nous appartient de surcroît de défendre l'esprit de la lex olympica contre les instances chargées de l'appliquer : je regrette vivement que le CIO et certaines fédérations internationales aient accepté des transgressions de la règle commune pour satisfaire des États qui interdisent aux femmes de choisir librement ce qu'elles doivent porter.

Ces violations de la Charte olympique fragilisent le combat des femmes qui s'en réclament pour se défendre.

M. Michel Savin. C'est vrai !

M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, quelle est la liberté d'une athlète iranienne de ne pas porter une tenue religieuse, si l'application du principe de neutralité olympique est laissée à la seule appréciation des délégations ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Permettez-moi de saluer le courage et la volonté d'émancipation de la Marocaine Nawal El Moutawakel, médaillée d'or en 1984,…

M. Max Brisson. Très bien !

M. Pierre Ouzoulias. … de l'Algérienne Hassiba Boulmerka, médaillée d'or en 1992, et de la Tunisienne Habiba Ghribi, médaillée d'or en 2012. Toutes trois ont refusé la tenue religieuse que les hommes voulaient leur imposer. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et SER. – M. Dany Wattebled applaudit également.) Pour défendre leur liberté, il nous faut défendre la Charte olympique.

L'introduction dans le droit français de l'obligation de neutralité pour les compétitions, telle qu'elle est édictée par l'article 50.2 de la Charte olympique, aurait été une façon de la promouvoir au sein des instances internationales. Cela aurait aussi permis de protéger les fédérations françaises qui l'ont reprise dans leur règlement et qui sont aujourd'hui soumises aux pressions de ceux pour qui l'impératif religieux doit primer la loi commune.

Je regrette donc que la rédaction de l'article 1er du présent texte ne s'en éloigne, en ne retenant que « le port de signes ou de tenues », alors que la Charte olympique proscrit les « démonstrations », ce qui inclut les gestes, par exemple les saluts nazis.

De manière plus générale, cette proposition de loi a heureusement suscité une réflexion utile quant à la nécessité de préciser la nature des missions de service public confiées par l'État aux fédérations sportives.

Parce qu'elles accueillent de nombreux mineurs, les fédérations participent au service public pour l'éducation de la jeunesse par le sport. Cette mission leur était explicitement reconnue par l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives. Elle n'est plus mentionnée dans les articles L. 131-8 et L. 131-9 du code du sport, dans leur rédaction issue de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France. C'est très regrettable.

Auditionnés devant notre commission, les représentants de plusieurs fédérations sportives ont émis le souhait qu'une loi-cadre précise la nature et les modalités de mise en œuvre des missions de service public que l'État confie à ces structures. (M. le président de la commission le confirme.) Monsieur le ministre, il vous appartiendra de lancer cette réflexion pour que l'héritage des jeux Olympiques soit non seulement matériel, mais aussi moral et législatif. (Bravo ! et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC, du RDSE, RDPI et INDEP. – Mme Gisèle Jourda applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)

Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la laïcité s'est imposée avec la loi de 1905, au terme d'un long processus remontant à la Révolution française, marqué par l'affirmation des libertés de conscience et d'expression.

« La démocratie, disait Jean Jaurès, n'est autre chose que l'égalité des droits. Or il n'y a pas égalité des droits si l'attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce. »

Aujourd'hui, la laïcité est souvent mal comprise, mal définie ou instrumentalisée, notamment par une partie de la classe politique. Elle est surtout devenue le terreau d'un confusionnisme ambiant et permanent.

Monsieur Savin, vous nous en avez donné un bon exemple au début de cette discussion générale, en nous parlant de la neutralité du sport, censée être garantie par la loi : je ne sais pas à quoi vous faisiez référence. Chers collègues, vous invoquez et convoquez la laïcité, mais votre texte attaque ses principes mêmes. Avec cette proposition de loi, vous en êtes non pas les protecteurs, mais les fossoyeurs.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Oh là là…

Mme Mathilde Ollivier. Ce texte va à rebours, non seulement de l'histoire de France, mais encore de l'histoire de cette idée. La laïcité est une boussole. C'est un pilier de notre République. Grâce à elle, la liberté de conscience est garantie et la pratique religieuse de chacun est assurée en toute liberté.

Aujourd'hui, personne n'est dupe. D'ailleurs, votre exposé des motifs est bien clair : vous visez directement, frontalement et lâchement, des femmes de confession musulmane de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Voilà la réalité : nous examinons un texte cherchant à exclure les musulmans.

M. Francis Szpiner. C'est honteux de dire cela !

Mme Mathilde Ollivier. La loi de 1905 paraît d'une clarté et d'une modernité absolues : la neutralité concerne les agents du service et non les usagers. Il convient de le souligner. Or nous nous inquiétons d'une distorsion progressive de cette loi sous l'effet de polémiques successives.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Et que faites-vous de l'école ?

Mme Mathilde Ollivier. Les exceptions législatives ne sauraient légitimer des atteintes toujours plus graves aux libertés individuelles, notamment à la liberté de conscience.

Les femmes que vous visez n'exercent pas une activité de service public. Elles veulent simplement pratiquer un sport, et vous les excluez, vous les stigmatisez, vous les méprisez. D'ailleurs, à aucun moment vous ne les avez conviées à vos auditions : vous n'avez même pas eu la décence de laisser la parole aux premières concernées.

Vous décidez de les invisibiliser dans le domaine du sport. Qu'en sera-t-il demain ? Ferez-vous de même lors des sorties scolaires, à l'université ou encore au travail ? Jusqu'où irez-vous ? (M. Francis Szpiner s'exclame.)

Pour ma part, je vais profiter des quelques minutes dont je dispose pour vous parler d'elles, en vous livrant quelques-uns de leurs témoignages.

Founé : « J'étais prise au piège entre ma passion [pour le football] et quelque chose qui constitue une très grande partie de mon identité. C'est comme si on avait essayé de me demander de choisir entre les deux. »

Hélène : « Je suis allée à des matchs, parfois j'ai décidé de ne pas y aller parce que c'était trop difficile et je n'avais pas la force d'encourager mes coéquipières. (M. Olivier Paccaud manifeste sa circonspection.) Cela change la manière dont je m'entraîne, car je vais aux entraînements pour m'amuser maintenant, mais aussi pour progresser individuellement ; et c'est dur de progresser individuellement si on ne peut pas jouer pendant les matchs, c'est dur de rester motivée sans les matchs.

« Je suis une joueuse compétitive, je ne vais pas mentir. Je l'ai toujours été, depuis l'âge de cinq ans. Donc c'est un élément essentiel de votre passion dont on vous prive, même physiquement, parce que les entraînements sont souvent moins intenses que les matchs. Mentalement, c'est difficile aussi, parce qu'on se sent vraiment exclue. Tout le monde sait pourquoi vous ne jouez pas ; surtout si vous allez vers le banc et que l'arbitre vous dit d'aller dans les gradins, tout le monde vous voit aller du banc aux gradins. »

M. Michel Savin. Rien ne l'empêche de jouer !

Mme Mathilde Ollivier. « Pour le reste du monde, c'est juste une question de ne pas pouvoir jouer, mais pour vous c'est une marche de la honte. »

Assma : « Ça m'impacte beaucoup. Mais je veux continuer à me battre, vraiment. Je veux continuer à me battre, parce que par exemple ce sport, le volleyball, ça m'a beaucoup, beaucoup aidée dans le rapport au corps que j'avais. On dit souvent : “le sport, c'est un vecteur d'émancipation”. »

M. Stéphane Ravier. Le voile aussi, c'est bien connu !

Mme Mathilde Ollivier. « Ça nous permet de nous émanciper de nos conditions sociales. Et on rencontre des personnes qu'on n'aurait jamais rencontrées dans la vie de tous les jours. »

Chers collègues, alors même que le sport a vocation à rassembler, vous nous proposez aujourd'hui un sport qui exclurait. Le sport est le terrain de la solidarité et de la cohésion : nous refusons qu'il devienne celui de la discrimination.

M. Michel Savin. Eh bien…

Mme Mathilde Ollivier. Le 28 octobre dernier, trois rapporteurs spéciaux de l'ONU et le groupe de travail des Nations unies sur la discrimination à l'égard des femmes et des filles ont d'ailleurs estimé que l'interdiction du couvre-chef, y compris au niveau amateur, était « disproportionnée et discriminatoire ».

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Ce n'est pas l'avis du Conseil d'État…

Mme Mathilde Ollivier. Ces mesures enfreignent en effet le droit de manifester librement son identité, sa religion ou croyance en privé et en public, et de prendre part à la vie culturelle.

Nous devrions porter haut et fort l'héritage des récents jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris : faire de la pratique sportive la priorité de nos politiques publiques.

M. Michel Savin. C'est vrai !

Mme Mathilde Ollivier. Or, à l'inverse, le Gouvernement nous laisse en héritage une baisse exponentielle des crédits budgétaires et la droite sénatoriale veut restreindre la pratique du sport…

Mme Mathilde Ollivier. … en excluant les femmes de confession musulmane.

M. Max Brisson. C'est faux !

M. Jacques Grosperrin. Vous caricaturez !

Mme Mathilde Ollivier. Donc, non, nous ne voterons pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Adel Ziane applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question qui nous réunit cet après-midi dépasse largement le cadre du sport, chacun l'aura bien compris. Elle engage un principe fondateur de notre République : la laïcité.

C'est sûrement ce qui explique la présence au banc du Gouvernement de M. le ministre auprès du ministre de l'intérieur, chargé des cultes, en lieu et place de Mme la ministre des sports, alors que la proposition de loi de M. Savin porte sur le code du sport…

Au fond, quelle laïcité voulons-nous ? Une laïcité éclairée, qui protège la liberté de conscience et la neutralité de l'État, ou une laïcité instrumentalisée à des fins identitaires et partisanes ?

Mes chers collègues, ce débat n'est pas qu'une affaire de règlements ou de codes. Il met en jeu notre pacte républicain et la manière dont nous concevons le vivre ensemble.

La laïcité n'est pas une arme, c'est une source d'équilibre. Elle repose sur une architecture subtile, que nous devons protéger. Elle n'impose pas le silence aux convictions personnelles : elle empêche simplement qu'une croyance ne domine les autres dans l'espace public, sous l'effet d'une démarche prosélyte.

Vouloir, par cette proposition de loi d'interdiction, faire de la laïcité un outil d'exclusion, c'est travestir son essence. User d'elle comme d'un prétexte pour dicter aux individus ce qu'ils doivent être, c'est détourner un principe de notre République au profit d'une lecture restrictive de cette notion.

Oui, notre conception de la laïcité diffère de la vôtre. Nous ne saurions en aucun cas vous suivre dans la course effrénée, véritable course à l'échalote, dans laquelle vous vous êtes lancés avec l'extrême droite française… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Pas ça, monsieur Kanner !

M. Patrick Kanner. … et nous l'assumons.

M. Jacques Grosperrin. On l'attendait, celle-là…

M. Patrick Kanner. Oui, monsieur Grosperrin ; et vous avez cité une de mes anciennes interventions : je vous répondrai plus tard à ce propos.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Ce sera intéressant…

M. Patrick Kanner. Alors que les intentions de vote en faveur de l'extrême droite sont à leur paroxysme dans notre pays, vous ne faites que nourrir les confusions, les approximations et les stéréotypes en mettant ce principe fondateur au service de votre récit antimusulman.

Certains n'hésiteront pas à nous cataloguer parmi les naïfs ou les laxistes.

M. Patrick Kanner. Je leur réponds par avance, avec fermeté et sans ambiguïté.

J'étais ministre des sports à l'époque des attentats de 2015 et de 2016…

M. Stéphane Ravier. Et vous vous en vantez, en plus ?

M. Patrick Kanner. … et nul ne saurait taxer devant moi la gauche républicaine de laxisme. Le groupe socialiste, que j'ai l'honneur de présider, n'a, sur ce point, de leçons à recevoir de personne. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je suis un « laïc » de la première heure…

M. Stéphane Ravier. Et vous faites alliance avec LFI ?

Mme la présidente. Monsieur Ravier, laissez parler M. Kanner !

M. Patrick Kanner. Mais être un partisan de la laïcité ne signifie pas être fermé à l'expression de toute croyance, à toutes les religions quelles qu'elles soient ou encore à une religion en particulier, comme c'est le cas en l'occurrence, ainsi que l'exposé des motifs du présent texte le laisse comprendre.

Sous couvert de défendre la laïcité, vous tournez le dos à Aristide Briand, dont Gérard Larcher convoque souvent la mémoire. Briand affirmait : « La loi protège la foi, à condition que la foi ne veuille par faire la loi. » (Exclamations et vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Excellent !

Mme la présidente. Mes chers collègues, c'est M. Kanner qui a la parole…

M. Patrick Kanner. Dans cet esprit, je me permets de vous rappeler que les garanties constitutionnelles interdisent non seulement de cibler une religion plus qu'une autre, mais aussi de porter une atteinte excessive et disproportionnée aux libertés individuelles.

Force est de constater que, depuis plusieurs années, la droite ne cesse d'interroger notre manière de vivre ensemble. Alors, reprenons le débat. Confrontons votre vision étriquée de la laïcité à la nôtre : celle d'une laïcité qui ne construit pas des murs, mais qui ouvre des ponts (Mme Samantha Cazebonne s'exclame.), sans angélisme ni amalgame.

Pourquoi nous opposons-nous au présent texte ?

Premièrement, cette proposition de loi est redondante. Grâce à une jurisprudence déjà rappelée à plusieurs reprises au cours de cette discussion, les fédérations sportives délégataires disposent déjà du pouvoir nécessaire pour réglementer ces questions de manière équilibrée et réfléchie. À ce titre, le mouvement sportif n'est d'ailleurs pas demandeur d'une nouvelle loi.

M. Patrick Kanner. En parallèle, ce texte porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. En interdisant de manière générale l'utilisation d'un équipement sportif comme salle de prière, il va à l'encontre de la jurisprudence du Conseil d'État et de l'esprit même de la loi de 1905, qui autorisent sous condition la mise à disposition temporaire de locaux communaux à des associations cultuelles. Vous le savez bien.

Nous prenons acte de l'amendement de M. le rapporteur visant à élargir le champ de la mesure à l'ensemble des cultes ; mais l'intention initiale reste inchangée. Pourquoi prévoir une dérogation pour des fêtes paroissiales ou des réunions catholiques tout en interdisant clairement la prière musulmane ? Loin d'assurer une laïcité équilibrée, cette différence de traitement crée une inégalité flagrante. Elle nourrit un climat de suspicion envers une partie de nos concitoyens.

Deuxièmement, cette proposition de loi est discriminatoire. En ciblant spécifiquement les signes religieux, notamment le voile, elle marginalise en particulier nos concitoyennes musulmanes, trop souvent au centre des polémiques relatives à l'identité.

De telles interdictions entraîneront à coup sûr une exclusion sociale dévastatrice pour ces femmes, pour qui le sport est un canal essentiel de sociabilité, d'intégration et de bien-être physique et mental. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Ravier s'exclame.)

De telles dispositions – cela ne fait aucun doute – auront pour seul résultat de condamner ces sportives à l'isolement. Peut-être même les pousseront-elles au communautarisme.

M. Patrick Kanner. Cette proposition de loi interdit, lors des compétitions, « le port de tout signe ou tenue manifestant [clairement] une appartenance politique ou religieuse ». Dès lors, je m'interroge : la majorité sénatoriale entend-elle aussi interdire les campagnes contre l'homophobie, qui se manifestent parfois par le port d'un autocollant sur le maillot pendant les matchs ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Belrhiti. Ce n'est pas religieux !

M. Patrick Kanner. Voyez, chers collègues de droite, à quoi vos amalgames pourraient mener…

Troisièmement, cette proposition de loi est potentiellement liberticide. Elle permet de restreindre les libertés individuelles sans fournir de justification suffisante, pavant ainsi la voie à des interprétations dangereuses, car extrêmes, de la laïcité. Le Conseil d'État lui-même a souligné que de telles mesures généralisatrices n'étaient ni nécessaires, ni adaptées, ni proportionnées.

Cette proposition de loi constitue une violation flagrante des engagements internationaux de la France en matière de droits humains. Elle va à l'encontre de tout ce que notre République représente.

Afin de préserver l'attractivité de la France pour l'accueil d'événements sportifs internationaux, cette nouvelle réglementation, si elle était adoptée, ne s'appliquerait pas aux compétitions inscrites au calendrier des fédérations internationales. Bref, les auteurs de cette proposition de loi semblent à l'aise avec l'idée d'exclure certains compétiteurs français d'événements nationaux tout en accueillant sans réserve, au nom de l'attractivité, des athlètes internationaux qui ne respecteraient ni la lettre ni l'esprit des lois françaises. Cherchez l'erreur !

Enfin, le non-respect de ces nouvelles obligations serait passible de sanction. Mais de quels moyens l'administration dispose-t-elle réellement pour contrôler leur mise en œuvre, à l'heure de l'austérité budgétaire ? Sur ce point, je suis d'accord avec les auteurs de ce texte : l'administration – je pense notamment au ministère des sports – manque de moyens pour constater d'éventuelles dérives sur le terrain.

En la matière, on ne peut que regretter l'absence de mesures de prévention, via le renforcement du rôle des éducateurs sportifs, prépondérant auprès des jeunes. Nous sommes d'ailleurs favorables à l'article 4, permettant de passer au crible le recrutement de ces éducateurs, comme c'est déjà le cas dans les centres de loisirs sans hébergement (CLSH) et les colonies de vacances.

Cette proposition de loi, qui n'a fait l'objet ni d'une étude d'impact ni d'un avis du Conseil d'État, suit une approche uniquement répressive. À l'évidence, ses auteurs ne se soucient pas de l'effectivité de son contenu.

Que cherchons-nous, somme toute, à protéger ? Tout simplement le sport, dans son essence la plus pure. Vecteur d'intégration et de cohésion sociale, le sport est un domaine où les différences de foi, de couleur ou de conviction s'effacent devant le mérite, l'effort et le respect mutuel.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. C'est précisément ce que nous voulons !

M. Patrick Kanner. En tant que législateurs, nous devons à tout prix préserver cette essence. Nous devons éviter le piège du tout-interdiction, qui vire très vite au tout-exclusion.

À nos yeux, le respect de l'égale dignité de chacun nous impose de considérer les personnes pour ce qu'elles sont et non pour ce qu'elles devraient être. C'est le signe de la pluriculturalité de notre société, une société où unité ne rime pas systématiquement avec uniformité.

Mes chers collègues, nous croyons en une laïcité qui protège, qui inclut, qui éduque et qui rassemble. La laïcité doit être un bouclier, non une épée dirigée contre une partie de nos concitoyens.

Au nom de ce principe, au nom des valeurs d'égalité, de liberté et de fraternité, les élus de mon groupe voteront contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. Max Brisson. La gauche a bien changé…

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand Karim Benzema et de nombreux autres footballeurs professionnels français « aiment » le post Instagram d'une célébrité tchétchène célébrant la décapitation de Samuel Paty, c'est qu'il y a une emprise islamiste au plus haut sommet du sport français. La défaite du football français, qui avait commencé par des accommodements raisonnables sur les repas halal des joueurs, finit avec l'apologie du terrorisme.

Voilà où mène notre lâcheté face à la pernicieuse politique des petits pas menée par les Frères musulmans, accompagnée des grands pas de la gauche...

La soumission islamiste commence toujours par la victimisation. Elle se poursuit par la revendication, puis elle s'impose par l'intimidation.

Aujourd'hui, les islamistes prennent les tenues féminines spécifiques comme nouvel étendard de conquête. Comme au judo, ils se servent de notre force pour nous renverser. Ils se servent de nos principes juridiques – le « droit à la non-discrimination » et à « l'inclusion » – pour en retourner le sens premier et renverser notre identité française.

Mais ils ne s'arrêtent pas là. En 2025, en France, des clubs de football professionnels se soumettent à la charia, en diffusant des photos de leurs joueurs masculins genoux floutés, selon les codes de la pudeur islamique. Même si la loi le leur défendait, nous ne réglerions pas le problème de fond : l'islamisme gangrène l'esprit d'une grande partie des jeunes musulmans de France, et nous ne parlons pas seulement des plus précaires d'entre eux.

Le voile n'est qu'un prétexte : les islamistes n'ont aucune limite. Leur objectif est de nous asservir à leur code religieux, qui, rappelons-le, est aussi un code civil.

Aujourd'hui, le législateur français doit faire barrage pour protéger les présidents de fédération sportive, les présidents de club et les 16,5 millions de nos compatriotes licenciés d'une fédération sportive, pris en otages par un entrisme islamiste victimaire, organisé et menaçant. (Mme Émilienne Poumirol manifeste son exaspération.)

La parenthèse enchantée des jeux Olympiques et Paralympiques cache les petits maîtres chanteurs de l'islamisme, qui marquent leur terrain au quotidien dans les clubs de banlieue ou de province. Certains arbitres isolés sur une pelouse doivent renoncer à appliquer le règlement de leur fédération sportive quant au port du voile, tout simplement pour sauver leur peau… Mais ces agents islamistes ne prospèrent que sur les ruines laissées par les déconstructeurs.

Nous avons tous en tête le soutien du maire islamo-écolo-collabo de Grenoble (Protestations sur les travées du groupe GEST.), jamais en retard d'une régression, qui a soutenu l'association des « hijabeuses » comme il voudrait imposer des créneaux pour les burkinis dans ses piscines municipales.

Ces élus prennent pour mot d'ordre « vivre le sport ensemble » ; mais ils font advenir l'apartheid, la discrimination à l'égard des femmes et le face-à-face.

Même les plus hautes institutions ont capitulé.

M. Philippe Grosvalet. L'art de la nuance…

M. Stéphane Ravier. En effet, la sentence « la liberté est dans le hidjab » ne vient pas de Téhéran, mais d'une campagne de promotion concoctée par le Conseil de l'Europe à Bruxelles.

Face à cela, face à ces collabos, la France ne doit rien céder. Inscrire dans la loi le principe de l'interdiction du port du voile lors des compétitions sportives est un minimum. Faire appliquer cette règle en tout point de notre territoire est un impératif. Assécher le courant de ces revendications dangereuses en luttant contre l'hydre islamiste…

M. Stéphane Ravier. … et en stoppant l'immigration…

Mme la présidente. Merci, cher collègue !

M. Stéphane Ravier. … est un préalable urgent !

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi un texte majeur, qu'il s'agisse des valeurs de la République ou de la lutte contre le communautarisme.

Face à la multiplication des phénomènes de repli communautaire dans le sport, aucun renoncement n'est acceptable. Il est de notre devoir d'agir en responsabilité.

Il y a déjà plus de vingt ans, le rapport de la commission Bernard Stasi sur l'application de la laïcité alertait quant à la formation d'équipes « communautaires » et quant au déclin de la pratique sportive féminine.

Il y a déjà près de dix ans, une note du service central du renseignement territorial (SCRT, devenu la direction nationale du renseignement territorial) dévoilait que, dans certaines salles de sport comme dans certaines équipes sportives, le recrutement s'exerçait principalement au sein de communautés religieuses.

Depuis plusieurs années, des affaires judiciaires et médiatiques éclatent régulièrement, venant illustrer ces phénomènes. Que ce soit à Sète, où un club de sport s'est vu retirer son agrément pour pratiques communautaires, ou bien à Grenoble, où le conseil municipal a autorisé le burkini dans les piscines publiques, les fédérations sportives sont confrontées à des revendications communautaires croissantes.

Face à cela, le renoncement n'est pas une option.

En 2021, la loi confortant le respect des principes de la République a institué le contrat d'engagement républicain. En vertu du même texte, une association méconnaissant ce contrat peut se voir retirer son agrément. Cette faculté n'est pas suffisamment utilisée aujourd'hui.

Le 29 juin 2023, le Conseil d'État a jugé conforme à la loi la décision des fédérations de football d'interdire le port de signes religieux. Le ministère des sports a généralisé cette interdiction pour les athlètes français participant aux jeux Olympiques.

Il y a trois ans, j'ai moi-même présenté une proposition de loi pour interdire clairement les signes religieux dans la pratique sportive. Ce texte suivait peu ou prou la même logique que la loi de 2004 sur le port de signes religieux ostensibles à l'école. Il consacrait le respect du principe de laïcité dans le sport et l'interdiction des tenues et signes religieux dans tout équipement sportif.

Cette levée de boucliers doit se poursuivre et s'intensifier, car le repli communautaire et le séparatisme n'auront jamais leur place dans le sport.

Fondateur des jeux Olympiques modernes, Pierre de Coubertin disait du sport qu'il faisait « partie du patrimoine de tout homme et de toute femme », et que rien ne pourrait jamais « compenser son absence ». Le sport a le pouvoir de rassembler des Français de toutes origines sociales, culturelles et territoriales. Il est, en ce sens, un puissant vecteur d'intégration et de cohésion.

Les fédérations sportives jouent un rôle clef dans le quotidien de nombre de nos concitoyens. Elles concourent largement à l'émancipation des générations futures. Plus de 6,3 millions de jeunes sont inscrits dans ces fédérations. Si, aujourd'hui, l'État ne dispose pas de moyens suffisants pour faire face au risque croissant de séparatisme dans le sport, cette proposition de loi n'en contient pas moins des mesures concrètes.

À ce titre, l'interdiction du port de signes religieux ostensibles lors des compétitions sportives, édictée à l'article 1er, est essentielle. Parmi les phénomènes de repli communautaire, l'un des plus récurrents et des plus largement rejetés par la société française est évidemment le port de signes religieux visibles.

Il en va de même de l'interdiction des prières collectives dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d'une pratique sportive, ainsi que du respect des principes de laïcité et de neutralité dans les piscines publiques, conformément aux articles 2 et 3.

Le présent texte permet également la réalisation d'enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif.

Cette disposition est d'autant plus urgente que, en l'état actuel du droit, un individu fiché au titre de la prévention de la radicalisation à caractère terroriste peut tout de même se voir délivrer une carte professionnelle d'éducateur sportif. Le droit français présente aujourd'hui des insuffisances : les mesures qui figurent dans ce texte sont donc nécessaires.

Certains sénateurs présents dans cet hémicycle voient dans la présente proposition de loi un texte d'exclusion, antiféministe, un texte qui, s'il était adopté, empêcherait la pratique sportive des femmes. Ce n'est ni plus ni moins qu'un renoncement.

Cette posture revient à admettre dans le sport la discrimination de genre que certaines religions imposent aux femmes et à nier que le port de vêtements religieux peut représenter une pression pour les autres femmes de même confession.

En quoi le fait d'autoriser le port du voile lors d'activités sportives permettrait-il d'émanciper, d'intégrer et d'assimiler de jeunes femmes ?

M. Max Brisson. Exactement !

M. Dany Wattebled. On ne répond pas aux prédicateurs et à ceux qui dévoient le sport pour y faire du prosélytisme par le renoncement. Or refuser de faire respecter la laïcité dans le sport, au motif que cela éloignerait certaines femmes, c'est, je le répète, un renoncement !

La meilleure façon de défendre les femmes, le sport et la laïcité, c'est de respecter nous-mêmes nos propres valeurs, d'être fidèles à nos principes et de refuser toute compromission.

C'est pourquoi le groupe Les Indépendants soutient les objectifs de cette proposition de loi. Oui, la laïcité doit être protégée dans le sport ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi qu'au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi est-il urgent de légiférer pour assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, et ce dans un pays dont la Constitution dispose clairement, dans son article premier, qu'il « est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ? Pourquoi de si nombreux sénateurs ont-ils cosigné la proposition de loi de notre collègue Michel Savin et voulu réaffirmer un principe fondateur de notre société ?

Selon moi, c'est tout d'abord parce que les précédents gouvernements n'ont pas voulu, en leur temps, conserver les mesures qu'avait adoptées le Sénat en la matière ; c'est aussi parce qu'il appartient au ministre chargé des sports – c'est son rôle – de convaincre toutes les fédérations d'adhérer au principe de laïcité.

Le sport, comme l'école, doit être absolument sanctuarisé et préservé de tout entrisme religieux. Gabriel Attal, lors de son passage au ministère de l'éducation nationale, avait tenu un discours ferme vis-à-vis de l'entrisme religieux à l'école. Nous demandons à Mme la ministre des sports de faire preuve de la même fermeté au sein de son ministère.

Le voile, l'abaya, le qamis, le burkini ne sont pas des vêtements culturels, ce sont des étendards politiques qui s'immiscent dans notre société et, tout particulièrement, dans le sport.

Le port de ces vêtements trouve sa source dans des normes imposées par l'islam le plus rigoriste, lequel souhaite instituer – ne l'oublions pas – une communauté islamique mondiale, l'oumma. Le port de l'abaya par de plus en plus de petites filles en est un exemple effrayant qui, en France comme ailleurs, contribue à un véritable apartheid sexuel.

M. Olivier Paccaud. Tout à fait.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. N'oublions pas qu'en Iran le premier geste politique des mollahs, à leur arrivée au pouvoir en 1979, a consisté à voiler les femmes et à les rendre invisibles, alors que ce pays était jusqu'alors très moderne et à l'avant-garde du féminisme.

N'oublions pas non plus que le pays qui a imposé au monde entier la première athlète voilée – c'était lors des jeux Olympiques d'Atlanta en 1996 –, la tireuse à la carabine Lida Fariman, est également l'Iran, qui a ainsi foulé au pied l'article 50 de la Charte olympique. C'est dans ce même pays que des femmes meurent aujourd'hui, parce qu'elles refusent de porter ce voile qui étouffe leur cri : « Femme, Vie, Liberté ».

Le sport fait fi de la religion, du milieu social, de la couleur de peau et permet de se réunir sous un même maillot, avec un même objectif : gagner, battre l'adversaire. Cette saine émulation est une chance, en particulier pour la jeunesse. Sachons absolument la préserver, tout comme il faut rappeler que les équipements sportifs ne sont pas destinés à se transformer en lieux de culte.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Une fois n'est pas coutume, je vais citer le Président de la République, qui, dans son discours des Mureaux en octobre 2020, avait déclaré : « Ce à quoi nous devons nous attaquer, c'est le séparatisme islamiste. C'est un projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République, […] dont les manifestations sont […] le développement de pratiques sportives, culturelles communautarisées qui sont le prétexte pour l'enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République. C'est l'endoctrinement et par celui-ci, la négation de nos principes, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité humaine. »

Plus de quatre ans après ces belles paroles, où en sommes-nous des objectifs concrets ainsi définis ? Nulle part ! Je dirais même que la situation a empiré…

L'opposition des précédents gouvernements à la quasi-totalité des amendements que nous avions défendus dans le cadre de l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République – un temps appelé « projet de loi Séparatisme » –, lesquels amendements avaient alors été qualifiés d'amendements « textiles » par un ministre dont je ne citerai pas le nom, ou aux amendements déposés sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France est un exemple concret de ce manque d'engagement et de clarté.

Pour conserver ses vertus émancipatrices et libératrices, pour les jeunes et les moins jeunes, le sport doit se pratiquer sans entrave religieuse. Aucun enfant, aucun adolescent ne doit subir l'hydre islamiste – je reprends l'expression utilisée par le président Macron en 2019 – ni au sein de son établissement scolaire ni au cours de ses activités sportives, lieux où doit s'appliquer, plus que nulle part ailleurs, la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », à laquelle j'ajouterais « Unité ».

L'adoption de la présente proposition de loi permettra au Gouvernement et au Parlement d'envoyer un message fort, un signal de fermeté. Oui, j'assume mes propos : entre le hidjab ou le burkini, d'une part, et le sport, d'autre part, il faut choisir !

Aujourd'hui, notre rôle est d'affirmer que la neutralité dans le sport répond à une impérieuse nécessité. Ne soyons pas dupes, ne nous voilons pas la face, le sport fait partie des vecteurs de l'entrisme islamiste, vecteur déjà préconisé par le fondateur des Frères musulmans, Hassan el-Benna, décédé en 1949, dont je rapporte ici les propos : « Nous ne sommes pas un groupe sportif, même si le sport est un moyen pour nous ».

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'écrivait Pierre de Coubertin, il est temps, dans le domaine du sport comme dans tous les autres, de « voir loin, parler franc, agir ferme » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.)

(M. Dominique Théophile remplace Mme Sylvie Robert au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Dominique Théophile

vice-président

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l'examen du texte de la commission.

proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Article 1er (suite)

Article 1er

La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code du sport est complétée par un article L. 131-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-7-1. – Lors des compétitions départementales, régionales et nationales organisées par les fédérations sportives agréées, leurs organes déconcentrés, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées, le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdit. »

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l'article.

M. Olivier Paccaud. « L'important, c'est de participer » ; nous connaissons tous cette phrase attribuée, peut-être à tort, à Pierre de Coubertin. Mais l'essence même du sport, aujourd'hui comme demain, et si nous y veillons, réside dans sa capacité à rassembler, à unir autour d'une même passion des femmes et des hommes venus d'horizons variés.

Dans une société de plus en plus archipélisée, bunkérisée, « escargotisée », le rectangle vert, le stade et le vestiaire sont parmi les derniers espaces de mixité sociale. Combien de membres d'une même association sportive, issus néanmoins de milieux différents, ne se seraient peut-être jamais rencontrés sans le sport ?

Quand on porte le même maillot, les chaînes religieuses, les a priori de classe, les stigmates des quartiers s'effacent. Oui, sous un même maillot, plus de barrières, que des coéquipiers ! Quand on joue ensemble, quand on souffre ensemble, quand on gagne et qu'on perd ensemble, on apprend à se connaître, à s'apprécier, à se comprendre. Le vestiaire peut être cet endroit où tombent les préjugés et où naît la fraternité.

Faire partie d'une équipe est un formidable moyen d'intégration et de cohésion sociale. Les clubs sportifs demeurent d'incomparables lieux d'échanges, d'amitié, de générosité, où la formule latine Mens sana in corpore sano – « Un esprit sain dans un corps sain » – prend tout son sens pour le bien de tous.

Le sport ne divise pas, il rassemble. Quand l'essentiel, c'est l'équipe, les différences s'estompent. Que la religion reste donc aux portes du stade et du gymnase, il y a assez de facteurs de division dans notre société ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, sur l'article.

M. Jean-Jacques Lozach. Nous entendons, nous aussi, être les avocats intransigeants de la laïcité et des valeurs républicaines, et nous entendons défendre cette position dans tous les domaines de la vie publique et non simplement dans le sport. Car on pourrait très bien légiférer demain sur d'autres secteurs de la vie associative que le secteur sportif.

Pour ce qui est du constat, un certain nombre de chiffres ont été cités : je pense notamment aux 120 clubs régulièrement évoqués, essentiellement d'ailleurs dans le football et les sports de combat. Bien évidemment, il s'agit de 120 clubs de trop – je ne dis donc pas qu'il n'y a pas ici ou là quelques problèmes –, mais il convient tout de même de relativiser les chiffres.

Après tout, ces 120 clubs ne représentent que 0,08 % des 160 000 clubs sportifs recensés en France. Je rappelle aussi que les signalements enregistrés ne donnent pratiquement jamais lieu à la fermeture des établissements concernés ; le risque est donc proche de zéro…

En revanche, ce qui, à l'évidence, pose problème, c'est la mise en œuvre de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République et, en particulier, l'application du contrat d'engagement républicain. Les difficultés sont notamment d'ordre financier pour les ministères concernés, en particulier les services du ministre des sports et ceux du ministre de l'intérieur.

Je note tout de même que le mouvement sportif en général, que ce soit le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui est la structure faîtière de ce mouvement, ou les fédérations sportives, qui sont pourtant promptes à nous saisir dès la moindre difficulté, n'est pas demandeur d'un nouveau texte de loi.

Les clubs concernés sont justement en train de s'emparer de ce contrat d'engagement républicain, et il me semble qu'il aurait été plus judicieux – je parle au conditionnel, puisqu'il n'y a pas eu d'étude d'impact sur la présente proposition de loi – d'attendre une véritable évaluation de la loi du 24 août 2021 que de chercher à le compléter.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par Mme S. Robert, M. Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 9 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L'amendement n° 28 rectifié quinquies est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Apourceau-Poly, MM. Barros et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec et Mmes Silvani et Varaillas.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l'amendement n° 4.

Mme Sylvie Robert. Notre amendement vise à supprimer l'article 1er. En effet, il convient selon nous de préserver le droit en vigueur, qui garantit le respect du principe de laïcité au sein du mouvement sportif, en faisant une distinction entre les usagers et les agents du service public et assimilés et en appréhendant les risques pour l'ordre public ou de nature sanitaire, tout en tenant compte – j'y insiste – de la proportionnalité de la réponse apportée entre ces différents risques et le respect des libertés constitutionnelles d'expression, de pensée et d'exercice de sa religion.

La loi de 1905 et la jurisprudence du Conseil d'État sont extrêmement claires. La dérogation introduite par la loi de 2004 pour les élèves de notre pays, catégorie d'usagers particulière, extrêmement influençables du fait de leur âge, est amplement suffisante.

Nous le savons bien, mes chers collègues, une fois de plus, vous visez une religion et le port du voile. L'application de votre dispositif aurait pour effet d'exclure encore davantage une certaine catégorie de la population, d'empêcher aussi de nombreuses jeunes filles – il faut le dire – de pratiquer le sport de haut niveau, pourtant facteur essentiel d'intégration, car le sport a aussi cette fonction.

Enfin, il relève non pas du législateur, mais du pouvoir réglementaire des fédérations, dans le cadre de l'exercice de leur mission de service public, d'édicter de telles interdictions du port de signes manifestant ostensiblement une appartenance. Certaines associations l'ont déjà fait, cela a été dit.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l'amendement n° 9.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement tend, tout comme le précédent, à supprimer l'article 1er.

Le groupe écologiste s'oppose en effet à l'interdiction générale et absolue du port de signes religieux pour l'ensemble des pratiquants de compétitions sportives, principalement au niveau amateur.

Nous défendons encore et toujours une vision fidèle aux principes fondamentaux de notre République et, plus particulièrement, à l'esprit de la loi de 1905. Cette loi, qui régit la séparation des Églises et de l'État, impose un principe de neutralité aux agents du service public et non à ses usagers. Il s'agit d'un principe constant et clair, confirmé à maintes reprises par le juge administratif.

En réalité, l'interdiction absolue du port de signes religieux dans le sport ne résoudrait aucun problème ; il en créerait même de nouveaux. Elle alimenterait la stigmatisation et les tensions au lieu de favoriser un climat de respect et de tolérance. Le sport ne doit pas exclure.

Fidèles à notre engagement en faveur des libertés individuelles et du vivre ensemble, nous demandons la suppression de cet article. Avec ce texte, mes chers collègues, vous ne faites pas en sorte que le principe de laïcité s'applique, vous y ajoutez des exceptions.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l'amendement n° 28 rectifié quinquies.

M. Pierre Ouzoulias. À ce stade du débat, j'aimerais rendre hommage à Marie-George Buffet et au travail exemplaire que celle-ci a accompli dans ce domaine. En tant que ministre des sports, elle avait coutume d'employer une formule forte : le sport était, selon elle, le lieu d'apprentissage de « la » règle unique, règle à laquelle on ne pouvait pas déroger, pour quelque motif que ce soit.

Comme je l'ai dit lors de mon intervention en discussion générale, nous ne sommes pas satisfaits de la rédaction actuelle de cet article 1er. En effet, en l'état il ne s'agit de rien de moins que d'une transposition de la loi de 2004, qui s'applique aux lieux d'enseignement mais qui, à notre avis, ne correspond pas tout à fait à la pratique sportive.

En effet, les signes et les tenues ne sont pas les seuls à poser problème : il y a aussi les gestes, les démonstrations qui, eux, ne sont pas visés par le dispositif de cet article. J'ai en tête, bien entendu, l'exemple d'un joueur de football – je suis désolé que cela tombe toujours sur le même sport, mais dans le mien,…

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Il est rugbyman !

M. Pierre Ouzoulias. … il y a moins de problèmes. Il s'agit d'un joueur de l'équipe nationale turque qui, après avoir célébré son but sur le terrain en faisant référence aux « Loups gris », l'extrême droite turque, a été suspendu deux matchs. C'était une décision juste ; il fallait le faire et je regrette que l'article 1er ne nous permette pas d'en faire autant.

Il existe évidemment d'autres signes à proscrire : d'abord, les signes nazis, dont on constate malheureusement une recrudescence ; ensuite, je suis désolé de vous le dire, mes chers collègues (L'orateur porte son regarde vers la partie droite de l'hémicycle.), mais je pense aussi, même si je ne les mets pas au même niveau, aux signes de croix que font certains joueurs en entrant sur la pelouse, lesquels n'ont pas non plus lieu d'être, à mon sens, sur un terrain.

Je vise, et c'est probablement ce qui nous distingue les uns des autres, toutes les expressions religieuses, quelles qu'elles soient, d'où qu'elles viennent. C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à la rédaction actuelle de cet article, même si je garde l'espoir que nous puissions y revenir ultérieurement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements identiques de suppression de l'article 1er. J'ajoute, et je le dis une bonne fois pour toutes, qu'elle sera évidemment défavorable à l'ensemble des amendements de suppression des articles de cette proposition de loi, puisque leur adoption reviendrait à « écraser » des dispositions qui ont été mûrement réfléchies et travaillées.

Je tiens par ailleurs à opposer plusieurs arguments aux intervenants que nous venons d'entendre.

Pourquoi mettre sur le même plan le sport et l'école ? C'est parce que toutes les auditions que nous avons menées confirment que ce sont les deux vecteurs principaux de séparatisme. Madame Ollivier, j'étais enseignant en 2004, au moment du vote de la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues religieux dans les établissements scolaires. J'ai entendu exactement les mêmes arguments que ceux que vous avez avancés,…

M. Max Brisson. Très juste !

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. … à savoir que ce type de mesures allait poser plus de problèmes qu'il n'en résoudrait !

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. À l'époque, on fermait les yeux sur un phénomène qui n'en était qu'à ses débuts ; il fallait prendre le taureau par les cornes, et c'est ce que le gouvernement d'alors a fait.

Marie-George Buffet a été auditionnée dans le cadre de nos travaux. À cette occasion, elle s'est dite très favorable à la présente proposition de loi. Elle ne l'aurait peut-être pas été en 1997, à l'époque où elle est devenue ministre des sports, mais elle s'est forgé une conviction depuis lors en examinant un certain nombre de cas concrets. Je précise que j'évoque une audition qui s'est déroulée voilà quelque temps déjà, puisque, je vous le rappelle, nous devions examiner ce texte il y a huit mois.

En ce qui concerne la différence entre usagers et agents du service public, j'indique que le sujet a été tranché en 2004 pour les écoles, puisque, les concernant, on met sur le même plan les mineurs et les majeurs. En effet, quand le principe de laïcité s'applique dans un lycée, il concerne en effet essentiellement des mineurs, mais également quelques majeurs : je pense notamment à une partie des lycéens de terminale, aux élèves de BTS (brevet de technicien supérieur) ou aux élèves des classes préparatoires, qui ont souvent atteint leur majorité.

Le principe de neutralité s'applique donc à l'ensemble de la population susceptible d'être exposée à des problèmes de séparatisme au sein d'une classe, au sein d'un établissement. C'est ainsi que le débat a été tranché en 2004 ; il l'a été difficilement, mais il l'a été.

Pourquoi les associations sportives ? Nous aborderons ce débat tout à l'heure à l'occasion de l'examen de l'un de vos amendements. C'est simple : les fédérations sont délégataires d'une mission de service public. (Mme Mathilde Ollivier s'exclame.) C'est à ce titre que l'on est en droit de leur imposer les mêmes exigences que celles qui s'imposent à l'école de la République. Voilà pourquoi nous mettons les fédérations sportives au même niveau que les écoles.

Imaginez qu'en 2004 nous ayons décidé qu'une simple possibilité d'interdire le port du voile serait accordée aux écoles : croyez-vous que cela aurait été satisfaisant ? Non, nous avons préféré basculer vers une obligation générale, car il fallait une harmonisation.

Contrairement à ce que j'ai entendu, notre initiative législative répond à la demande de nombreuses fédérations sportives : lors de son audition par la commission, le président du CNOSF nous a ainsi demandé de lui fournir des instruments juridiques pour harmoniser les pratiques et de lui offrir enfin la possibilité de présenter une position cohérente à l'ensemble des fédérations sportives de notre pays.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Nous soutenons le principe de l'article 1er.

Je rappelle par ailleurs que le Conseil d'État a estimé que les fédérations sportives étaient chargées d'assurer le bon fonctionnement du service public, dont la gestion leur est confiée, et peuvent à ce titre imposer à leurs joueurs une obligation de neutralité des tenues lors des compétitions et manifestations sportives.

Enfin, comme le rapporteur vient de le dire, cet article vise à répondre à une demande des fédérations elles-mêmes, qui, à la suite des décisions du Conseil d'État, ont appelé de leurs vœux une harmonisation et une clarification du droit, afin de pouvoir agir dans un cadre juridique pleinement sécurisé – on le comprend bien – et dans un cadre législatif parfaitement clair, ce qui nous paraît évident.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes favorables à l'article 1er et demandons le retrait des trois amendements identiques nos 4, 9 et 28 rectifié quinquies au profit de l'amendement n° 31 du Gouvernement. À défaut, nous y serons défavorables.

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.

M. Alexandre Ouizille. Je prends la parole pour soutenir l'amendement de suppression de ma collègue Sylvie Robert.

À quelles conditions aurions-nous pu vous suivre, mes chers collègues de droite ? Cela aurait été envisageable si vous aviez cherché à appliquer avec force l'article 31 de la loi de 1905, qui vise à lutter contre les pressions. Ça, c'est dans la loi de 1905 ! Cela aurait été également concevable si vous aviez tenu compte de ce qu'a révélé l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), laquelle cite un certain nombre de cas de figure dans lesquels une telle pression s'exerce dans les clubs.

En revanche, nous ne pouvons pas vous suivre lorsque vous remettez en cause les principes issus de la loi de 1905.

M. Olivier Paccaud. Et que faites-vous des pressions, alors ?

M. Alexandre Ouizille. Or c'est bien le cas avec cette proposition de loi, qui a quelque chose de véritablement orwellien.

Vous avez choisi de vous placer sur le terrain de la liberté de conscience, mais vous êtes en train de tout mélanger…

M. Olivier Paccaud. Pas du tout !

M. Alexandre Ouizille. Il ne faut pas confondre neutralité de l'État, qu'il faut distinguer de la neutralité de l'espace public – c'est une méprise que j'ai entendue tout à l'heure de la bouche d'un orateur s'exprimant à la tribune –, et liberté de conscience, principe sur lequel repose cet article 1er. En mélangeant tout, vous mettez ces principes en danger.

Je souhaite également revenir sur la loi de 2004, évoquée à plusieurs reprises. Je vous rappelle que cette loi a été prise sur le fondement de la liberté de conscience, non pas pour neutraliser l'école, mais pour protéger la liberté de conscience de jeunes esprits en formation. C'est uniquement sur ce fondement que cette loi a été élaborée et votée !

Or le champ de l'article 1er n'est pas circonscrit aux jeunes esprits en formation ; il concerne absolument tout le monde !

M. Olivier Paccaud. Et c'est tant mieux !

M. Alexandre Ouizille. Vous vous inscrivez ainsi dans une logique où la liberté de conscience des adultes, laquelle justifie que le voile ne soit pas interdit à l'université et que l'on ne neutralise pas progressivement l'intégralité de l'espace public, est également visée.

Dans ces conditions, pourquoi s'arrêter au sport ? Pourquoi ne pas étendre cette règle aux manifestations culturelles ou à la rue comme le propose Mme Le Pen ?

M. Stéphane Ravier. Bonne idée !

M. Alexandre Ouizille. Vous vous engagez là dans une voie, qui n'est plus celle de la laïcité de 1905. Nous nous devons de vous le rappeler !

Lutter contre la pression tous les jours, oui, aucun problème. Faire ce que vous êtes en train de faire, en revanche, est dangereux pour la République ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Je perçois ce qui m'apparaît comme une confusion : en effet, le texte dont nous discutons concerne tout sauf la laïcité. La loi de 1905 énonce des choses simples, en particulier la règle selon laquelle la loi protège la foi tant que la foi ne fait pas la loi.

En l'occurrence, vous voulez interdire toute tenue qui ne serait pas neutre : est-ce à dire que les sportifs devront tous jouer en blanc ou en noir ? Parce que les couleurs des clubs sont loin d'être neutres, elles correspondent toujours à un choix. Quitte à donner dans l'absurde, autant imaginer tout et son contraire… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mes chers collègues, il faut savoir raison garder : légiférer, pourquoi pas, mais pas au nom de principes fallacieux. La laïcité, cela a été rappelé lorsqu'on a invoqué la loi de 1905, vise à lutter contre le prosélytisme. Or, en l'occurrence, il n'y a aucun prosélytisme dans le sport.

M. Olivier Paccaud. Si, justement !

M. Akli Mellouli. Vous avez souligné que les fédérations sportives vous avaient interpellés à ce sujet. Moi, j'ai eu l'occasion de lire les pétitions de certains acteurs sportifs ou de fédérations, qui disent l'inverse. On ne peut donc pas vous suivre sur ce terrain : il est mouvant et ouvre la porte à un certain nombre de dérives qui n'honorent ni la République ni le principe d'égalité.

En 1905, alors que la question des tenues vestimentaires était soulevée, le débat a été tranché. Jaurès et Briand ont très bien expliqué que, dans l'espace public, on pouvait parfaitement mettre en avant sa pratique religieuse. La laïcité n'est pas le déni de la religion ; c'est le respect des uns et des autres et le ciment du vivre ensemble. Dès lors que l'on utilise celle-ci pour stigmatiser des individus, elle perd cette fonction et est dénaturée. (M. Thomas Dossus applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Je veux revenir sur un point spécifique, le caractère ostentatoire des signes et tenues à interdire. Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, définir précisément ce que vous considérez comme ostentatoire ?

Dans l'histoire, le sport et la religion ont toujours cohabité : à Auxerre, par exemple, l'abbé Deschamps a laissé son nom au stade de football de la ville. Les couleurs bleue et blanche du maillot de l'équipe font également référence à la patronne du club, Marie. Votre loi interdira-t-elle demain le maillot de ce club ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Ravier. Arrêtons avec la haine de soi !

Mme Mathilde Ollivier. Après la mort de George Floyd et le mouvement Black Lives Matter – « les vies des Noirs comptent » -, de nombreux joueurs ont posé un genou au sol pour exprimer leur soutien aux luttes contre les discriminations.

M. Stéphane Ravier. C'est caricatural !

Mme Mathilde Ollivier. Ces joueurs ont fait passer un message positif aux jeunes et aux moins jeunes : il faut lutter ensemble contre les discriminations. Alors, que répondez-vous à cela, vous qui mettez en avant le principe de neutralité au travers de cet article ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. J'interviens pour apporter un peu de diversité aux points de vue exprimés et faire en sorte que la partie droite de l'hémicycle puisse à nouveau prendre la parole sur ce texte.

Personnellement, j'aimerais bien que l'on sache raison garder. Mais on a tout de même entendu certains dire que nous mettions la République en danger avec ce texte !

M. Akli Mellouli. Oui, vous mettez en danger les valeurs de la République !

M. Max Brisson. En affirmant de telles choses, pensez-vous vraiment raison garder ? (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Je souhaite rappeler deux ou trois choses simples.

D'abord, nous ne cherchons pas à stigmatiser telle ou telle religion ; nous cherchons à rappeler des principes.

M. Akli Mellouli. Si vous le dites, cela doit être vrai…

M. Max Brisson. Ensuite, je pense aussi, à l'occasion de ce débat, à toutes les jeunes filles qui essaient de lutter contre une sorte de mainmise, de soumission.

M. Akli Mellouli. Justement, laissez-les faire du sport !

M. Max Brisson. Il faut penser à elles ! Il faut aussi qu'on les aide ! Nous sommes pour que la puissance publique aide ces jeunes filles, comme l'a d'ailleurs très bien rappelé Pierre Ouzoulias tout à l'heure.

À cet égard, j'estime que la législation doit évoluer pour s'adapter au temps présent. Je veux bien que l'on parle de la loi de 1905, mais l'époque a changé. (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)

C'est d'ailleurs ce qui nous distingue : moi, je préfère être du côté de ceux qui protègent les jeunes filles qui veulent rester émancipées ; en cela même, je suis du côté de ceux qui sont restés fidèles à l'idéal de ceux qui ont combattu pour la laïcité.

M. Thomas Dossus. Cela n'a rien à voir avec le texte !

M. Max Brisson. Car, aujourd'hui, ceux qui sont fidèles à cet idéal, ce sont les jeunes filles qui refusent de se soumettre à certains diktats imposés par leur milieu, qui sont de nature religieuse.

M. Max Brisson. Nous sommes plus fidèles aux grands principes des pères fondateurs de la laïcité que vous ne l'êtes aujourd'hui sur les travées de gauche. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. Thomas Dossus. Ce n'est pas vous qui parliez de liberté de conscience ?

M. Max Brisson. Quant au sport, j'ai toujours pensé qu'il constituait, comme l'école, un espace imposant une neutralité particulière. J'aurai donc quelque fierté, si la proposition de loi de Michel Savin est votée et si, désormais, le sport est, comme l'école, le lieu d'une laïcité singulière. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour explication de vote.

M. Adel Ziane. Il me semble que l'on touche là au cœur de ce débat.

J'ai entendu l'une de nos collègues dire à la tribune qu'il ne s'agissait, au travers de ce texte, de stigmatiser personne.

Or, à écouter les échanges qui ont lieu depuis quelques instants, on se rend compte que les jeunes filles dont on parle seront amenées, à cause de ce texte, à sortir de l'espace public. Peut-être n'était-ce pas le but, mais leur exclusion constitue l'un des dommages collatéraux de ce texte. Et j'en parle en connaissance de cause.

L'un des points qui m'ont le plus interpellé dans le cadre des travaux qu'a conduits la commission, c'est la manière dont les éducateurs ont été traités. En effet, ces acteurs majeurs de la prévention n'ont pas été auditionnés ; or ils ne font pas remonter de difficultés insurmontables depuis le terrain…

La deuxième personnalité morale, si je puis dire, que nous aurions pu entendre, ce sont les pratiquantes elles-mêmes. Qu'attendent-elles lorsqu'elles se rendent sur un terrain, pratiquent une activité sportive dans un club de football – je pense par exemple au département dont je suis lu, la Seine-Saint-Denis – ou de rugby ? Elles veulent pouvoir fréquenter des lieux de socialisation : elles y échangent, elles y travaillent, elles y discutent, elles s'y forment, tout en participant à des matchs.

Ce texte sur la laïcité fera finalement d'elles des dommages collatéraux, qui devront sortir de l'espace public. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C'est en tout cas ainsi, mes chers collègues, que cela est interprété dans un grand nombre de clubs !

M. Mathieu Darnaud. L'interprétation, ce n'est pas la réalité !

M. Adel Ziane. Peut-être serait-il nécessaire d'apporter une interprétation différente des choses.

Enfin, et ce sera mon dernier point, nous ne versons pas dans l'angélisme lorsque nous évoquons les remontées du terrain. La principale difficulté à laquelle nous sommes confrontés est de trouver l'équilibre qui nous permet, au travers de la laïcité, de faire cohabiter des populations, des individus qui ont envie de trouver des espaces communs au sein de l'espace public ou dans les lieux sportifs pour vivre ensemble.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, pour explication de vote.

M. Pierre Jean Rochette. Ce débat est très intéressant. Le sport, c'est avant tout l'égalité. Je n'ai pas été un grand sportif – peut-être que cela se voit (Sourires.) –, mais j'ai tout de même pratiqué le rugby pendant quelques années. J'avais d'abord pratiqué le football, mais on m'a redirigé vers le rugby en me disant que ce serait plus adapté. (Nouveaux sourires.)

On ne saurait faire croire que les choses n'ont pas changé durant les vingt à trente dernières années, car c'est complètement faux. On a l'impression, en entendant certaines interventions, qu'il n'y aurait pas de prosélytisme, que tout cela serait pure invention ; je le répète, c'est faux ! Et cela existe aussi dans les clubs de sport ! (Marques d'assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.)

Ce qui faisait la vraie force du sport, c'est que nous étions tous logés à la même enseigne : nous prenions tous notre douche ensemble, nous étions tous à égalité, les riches, les pauvres, les intelligents et les benêts !

M. Pierre Jean Rochette. Les principes religieux ont cassé cela. Des phénomènes d'ostracisation existent désormais, jusque dans le sport, à l'encontre des personnes n'appartenant pas à la mouvance dominante. Refuser de voir cela, c'est se voiler la face sur l'état de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Toute considération politique exclue, afin de ne pas pervertir le débat, il faut regarder les choses telles qu'elles sont, regarder la réalité des faits, et parler avec les dirigeants associatifs et les éducateurs du monde sportif, qui sont confrontés au quotidien à ces sujets. Or ils ne nous disent pas qu'il n'y a pas de problème ! Ce n'est pas vrai !

Il convient de dépassionner le débat et de porter sur les faits un regard sincère, en n'occultant pas la réalité ni la vérité. Or la vérité, c'est qu'il y a un problème et que la laïcité n'est plus respectée dans le sport. Je suis d'accord avec les interventions de mes collègues siégeant à la droite de cet hémicycle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. Cet article ne concerne que certains types de compétitions sportives. Or il y a un paradoxe, pour ne pas dire une carence, car les compétitions qui remportent aujourd'hui le plus grand succès et qui comptent le plus grand nombre de participants échappent au périmètre de l'article, car elles sont organisées non pas par les fédérations sportives, mais par des entreprises privées. Il s'agit d'un manque évident du texte.

En outre, je suis gêné par la tournure que prend ce débat et qui semble devoir durer, car elle néglige le principal apport du sport à notre vie sociale, à savoir sa capacité à intégrer, à insérer des populations très diverses. Je tenais à le rappeler, ne serait-ce que pour contrebalancer les propos qui occultent cet aspect très positif de la pratique sportive.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Permettez-moi de rappeler que lorsque la loi de 1905 a été adoptée, les catholiques n'étaient pas spécialement ravis…

M. Pierre Ouzoulias. Pour le moins !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Pour autant, ils se sont adaptés, ils n'ont pas contesté, ils sont rentrés dans le rang et ils n'ont pas fait la révolution ! (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE-K et GEST.)

Comme cela vient d'être dit, nous assistons à une remise en cause des règles communes. Or la France ne peut fonctionner sans règles communes ! Il ne s'agit aucunement, comme le prétend notre collègue de Seine-Saint-Denis, de stigmatiser de jeunes filles ! La vie est faite de choix et le refus des règles communes en est un. Si l'on n'accepte pas la règle commune, on assume son choix.

La France de 2025 n'est ni la France de 2004 ni la France des années 1980, c'est une France qui subit de toute part une forme d'entrisme, qui sépare et qui clive.

M. Yannick Jadot. Oh là là !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C'est vrai, il y a dans ce débat un clivage droite-gauche, mais il fut un temps où j'avais des potes de gauche qui soutenaient la laïcité. Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, peut-être sont-ils morts…

M. Pierre Ouzoulias. Nous sommes là !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Où sont passés les grands « laïcs » de gauche, qui soutenaient la laïcité ? Désormais, la gauche défend une laïcité « ouverte », « adaptée » et que sais-je encore… Non ! La laïcité ne supporte aucun adjectif ! La laïcité est une, unique, et doit être respectée partout sur le territoire.

M. Pierre Ouzoulias. Même en Alsace-Moselle !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Quand on fait des choix différents, on les assume ! Et ce n'est stigmatiser personne que de dire cela ! Nous disons seulement : « Assumez vos choix, assumez vos modes de vie, mais pas sur le dos de l'unité de la France, pas contre la laïcité ! »

La laïcité est une chance énorme pour notre pays, parce qu'elle permet à des gens de toutes origines, de toutes couleurs de peau…

M. Akli Mellouli. Quel rapport ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. … et de toutes religions de vivre ensemble, en dehors des règles religieuses.

M. Thomas Dossus. Pour l'instant !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. La laïcité est une chance pour tous les jeunes Français, pour toutes les femmes françaises et j'ai une pensée pour les femmes qui luttent et prennent des coups tous les jours dans les quartiers, parce qu'elles ne veulent pas subir ces pressions islamistes ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)

M. Akli Mellouli. Pas que dans les quartiers !

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Je me réjouis que tout le monde dans cet hémicycle défende la laïcité, à droite comme à gauche. C'est intéressant…

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ce n'est pas la même !

M. Bernard Fialaire. Je ne sais pas si ce n'est pas la même, puisqu'il ne faut pas lui accoler d'adjectif, justement. Pour ma part, je n'aime pas tellement les adjectifs ou les adverbes : si une femme me dit « Je t'aime », je sais ce que cela veut dire ; si elle me dit « Je t'aime bien », je prépare mes valises… (Sourires.)

Je ne condamne pas la loi de 1905. Certes, elle a été mal vécue par les catholiques, mais elle n'empêchait pas les curés de jouer au foot ou au basket en soutane, que je sache ! Nous avons tous de telles images en tête.

Le problème est ailleurs. Comme l'a dit Pierre Jean Rochette, les choses ont changé depuis une quarantaine d'années. Elles ont changé parce que nous avons sûrement été trop laxistes – et nous en sommes tous en partie responsables – avec certaines expressions de la religion.

Toutefois, prenons garde à ne pas nous tromper d'armes : dévoyer la laïcité pour en faire un outil de coercition et de sanction reviendrait à braquer contre cette notion toute une partie de la population (Mme Jacqueline Eustache-Brinio proteste.), qui perçoit la laïcité non plus comme une protection, mais comme une contrainte difficilement supportable.

Comme le sait M. le ministre, nous ne devons modifier la loi que d'une main tremblante, afin de ne stigmatiser personne et ne pas dévoyer la laïcité, car ce principe mérite toujours d'être défendu. (M. Patrick Kanner applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Madame Eustache-Brinio, de grands « laïcs » de gauche, il en reste,…

M. Pierre Ouzoulias. … mais vous ne voulez pas les entendre. (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

J'ai défendu de nombreux amendements dans cet hémicycle pour que la loi de 1905 s'applique sur la totalité du territoire, y compris l'Alsace-Moselle, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, Tahiti, j'en passe et des meilleurs… (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.) Vous les avez toujours rejetés !

Autrement dit, vous dites considérer la laïcité comme un principe supérieur, mais vous acceptez des dérogations, ce qui est à mon sens inadmissible. Ce que j'entends aujourd'hui m'encourage à déposer un nouveau texte pour abroger le Concordat et le régime particulier de la Guyane.

Madame Eustache-Brinio, je vous ai entendue et je vous satisferai ! (Sourires. – M. Bernard Buis applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. Je souhaite rappeler l'objet de l'article 1er.

Certains assurent qu'il faut relativiser les témoignages de terrain des fédérations et des dirigeants de clubs ; l'objet de cet article est bien d'affirmer que la religion n'est pas au-dessus des lois de la République.

M. Michel Savin. Si une femme veut porter un signe religieux lors d'une compétition sportive, c'est qu'elle met la religion au-dessus de ces règles. (Marques d'assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Jadot. Sérieusement ?

M. Alexandre Ouizille. Quelles règles ?

M. Michel Savin. L'objectif du sport est de n'exposer ni son appartenance religieuse, ni son appartenance politique, ni son appartenance syndicale ! Le seul maillot que l'on porte est celui d'un club, qui représente un territoire ou une ville et non une quelconque appartenance politique ou religieuse !

L'objet de cet article est de protéger cet espace, dans la pratique, sur le terrain. Nul besoin d'aller chercher des arguments fallacieux : si certaines veulent mettre leur religion au-dessus du sport et de la loi, nous n'avons pas la même conception de la République ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Elles assument leur choix !

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Nous assistons à la manifestation d'un bon vieux clivage droite-gauche…

M. Thomas Dossus. Extrême droite, plutôt !

M. Olivier Paccaud. À gauche, vous considérez que cette loi est mauvaise car elle exclurait, notamment, des jeunes filles qui portent un voile, mais aussi, cela pourrait arriver, des jeunes gens qui portent une croix !

Notre histoire récente nous offre un parallèle, un précédent, une « jurisprudence », en quelque sorte : je parle de l'affaire du foulard dans les écoles. Souvenez-vous, cher collègue Ouizille, cela s'est passé dans le bassin creillois, à la fin des années 1980 ! On a mis plus de dix ans pour légiférer et, lorsque l'on a commencé à le faire, on entendait exactement les mêmes choses de la part de la gauche : cela exclurait les jeunes filles, qui ne viendraient plus au collège.

Puis il y a eu la loi de 2004.

M. Patrick Kanner. Nous l'avons votée !

M. Olivier Paccaud. Les jeunes filles ont-elles quitté le collège ? Non, et heureusement !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Elles sont toutes allées à l'école !

Mme Sylvie Robert. C'est obligatoire !

M. Olivier Paccaud. Et elles y sont intégrées, et cela se passe très bien, notamment à Creil, cher ami Ouizille !

L'habit fait le moine, mes chers collègues ! Let l'abaya fait… la nonne ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. Stéphane Ravier. … fait l'islamiste !

Mme Cécile Cukierman. Je sais qu'il y a une crise des vocations, mais quand même !

M. Olivier Paccaud. C'est une exagération, soit.

Certains ont parlé de pression, mais la pression était au sein de l'école lorsque de jeunes filles y portaient le voile, et elle est actuellement sur les terrains lorsque certains pratiquent une forme d'exhibition cultuelle.

Cette proposition de loi permettra tout simplement de dépassionner le débat et même de le faire disparaître : vous verrez, il fera pschitt ! (Mme Christine Bonfanti-Dossat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Au regard de la teneur du débat, j'ai une question à poser à nos collègues de la majorité sénatoriale : considérez-vous que la laïcité soit en danger dans des territoires comme La Réunion ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Oui !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Chez nous, la République n'est pas en danger. Nous vivons ensemble, toutes communautés confondues, dans le respect des lois de la République. Cela ne pose aucune difficulté.

La laïcité ne saurait être brandie comme un épouvantail dans le simple espoir de régler un problème de radicalisation. Toutes vos bonnes intentions ne peuvent qu'abîmer le vivre ensemble qui prévaut à la Réunion et qui fait figure d'exemple à l'international.

Chez nous, la police municipale assure la sécurité lors des processions qui ont lieu dans la rue lors du Vendredi saint. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Laugier. Rien à voir !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cela a tout à voir ! Chez nous, les grandes messes, la marche sur le feu, les processions hindoues, la prière de rupture du jeûne à la fin du ramadan ou la danse du dragon pour le nouvel an chinois ont lieu sur la voie publique ou sur des terrains de sport, avec le soutien des autorités. Voilà la réalité !

M. Max Brisson. Pas dans le sport !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Quel est le rapport ?

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Toutes les communautés sont invitées à participer, à partager, à échanger : c'est de cette manière que nous créons les conditions du vivre ensemble ! Ceux qui sont venus à La Réunion peuvent en attester.

Ce genre de texte ne favorise en rien la cohésion sociale !

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Dernière question (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains destinées à indiquer à l'oratrice qu'elle a épuisé son temps de parole.) :…

M. le président. C'est terminé !

Mme Evelyne Corbière Naminzo. … comment croyez-vous qu'un tel texte puisse être appliqué dans un territoire comme Mayotte ?

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Nous pouvons bien sûr débattre du sens de la laïcité, mais, avant toute chose, je tiens à rassurer mes collègues de la majorité sénatoriale : oui, il existe encore de nombreuses personnalités de gauche qui la défendent, et qui sont même parfois intransigeantes ! Vous savez d'ailleurs les juger comme telles, ainsi qu'en témoignent vos réactions aux propos qui viennent d'être tenus.

Ensuite, nous ne sommes pas naïfs, personne n'est dupe à cet égard : au travers de cette proposition de loi, vous souhaitez percuter un débat de société, ce qui se traduit dans l'avis et les analyses des groupes politiques. Ainsi, les votes du groupe CRCE-K sur l'ensemble du texte refléteront la manière donc chacun de ses membres perçoit celui-ci, au regard de la situation qu'il vit dans son territoire. Je le dis donc en toute tranquillité : il n'y a pas les gentils d'un côté et les méchants de l'autre.

Toutefois, en entendant certains arguments, je me dis que, parfois, il n'y a pas pires fossoyeurs que les défenseurs d'un texte.

Chacun évoque la question du port du voile par les femmes musulmanes, si visible et parfois si choquant ; je le dis clairement, car je ne fais pas partie de ceux qui pensent que le port du voile est une nouvelle liberté pour les femmes.

Nous parlons aussi beaucoup du football, mais cela concerne en réalité de nombreux sports collectifs. Or tout ce qui se passe dans les vestiaires, notamment le rapport à la nudité des plus jeunes, qui procède d'une véritable emprise religieuse, n'est pas du tout traité par cette proposition de loi, parce que ce n'est pas visible. Pourtant, cela fait aussi partie du problème.

Aussi – et je le dis sans offense à l'égard de l'auteur du texte –, faisons attention, au-delà de ce qui se voit, des effets d'annonce ou de la stigmatisation de certaines jeunes femmes, qui n'est pas le sujet ici, il y a, plus largement, un débat de fond : comment continuer de faire société par le sport ?

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Vous vous demandez, mes chers collègues, si des personnes de gauche défendent encore la laïcité. Permettez-moi de vous le rappeler, c'est la gauche qui a construit la laïcité dans ce pays ; ce n'est pas la droite ! La gauche l'a construite et la gauche la défend ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Vous êtes en train de l'abolir !

M. Yannick Jadot. Plutôt que de lire Gilles Kepel, vous feriez mieux de lire Patrick Weil. Sur la question de la laïcité, je ne connais pas un chercheur aussi sérieux et intelligent que lui. Lisez ou relisez-le et voyez à quel point il met l'accent sur le combat contre le prosélytisme. Voilà un combat qui doit nous rassembler !

Vous êtes en train de stigmatiser une religion. Ceux d'entre vous qui regardent la Ligue des champions de football ont peut-être vu le clip de l'Union des associations européennes de football (UEFA) qui est diffusé avant les matchs. Il commence sur l'image d'une joueuse en hidjab, pour mettre en valeur la diversité. Vous êtes donc en réaction par rapport au débat européen, vous êtes réactionnaires ! (Mme Jacqueline Eustache-Brinio s'exclame.)

M. Stéphane Ravier. Il est temps de réagir !

M. Yannick Jadot. Par ailleurs, je n'ai pas entendu un mot sur le fait que nombre de joueurs de football se signent en entrant sur le terrain ! Cela ne vous gêne pas lorsque la moitié des footballeurs brésiliens prient Dieu pendant dix minutes avant de fouler la pelouse ! (M. Stéphane Ravier s'exclame.)

Je vous invite également à lire le bouquin du spécialiste de l'islam Franck Frégosi, qui déclare dans un entretien paru dans la presse : « Réduire la question de l'islam – puisque c'est votre obsession, mes chers collègues – à un phénomène d'islamisme ou d'islamisation est très mal à propos. Il n'y a pas, je le redis, une volonté de conquête de l'espace. »

M. Yannick Jadot. « Il ne faut pas confondre la visibilité du fait musulman avec une France qui serait en voie d'islamisation. »

Alors, gardez pour vous vos fantasmes ; nous, nous gardons la laïcité ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Quelle naïveté !

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.

M. Stéphane Ravier. Je me pose une question : pourquoi la gauche est-elle si prompte à se mobiliser et à nous demander de nous mobiliser tous pour soutenir les femmes iraniennes ou afghanes souhaitant se libérer du voile, alors qu'elle est tout aussi prompte à se mobiliser pour imposer le voile aux femmes en France, dans le sport et en dehors ? (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Marques d'assentiment sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Yannick Jadot. Vous êtes d'accord avec cela, à droite ?

M. Stéphane Ravier. Pourquoi la gauche, qui est si prompte à défendre les libertés des femmes en général, se mobilise-t-elle autant pour priver les femmes de la liberté de ne pas porter le voile, notamment dans le sport ? (Les protestations se poursuivent sur les mêmes travées.)

M. Akli Mellouli. Personne ne veut les en priver !

M. Stéphane Ravier. Je vois deux raisons.

La première, c'est qu'elle participe à la course à l'échalote avec M. Mélenchon et ses amis : de nombreux élus de gauche sont élus dans des circonscriptions où la pression électorale arabo-musulmane est très forte. Il convient, si j'ose dire, de caresser cet électorat dans le sens du poil !

La deuxième, c'est que voter cette proposition de loi, donc reconnaître la réalité de l'offensive islamiste – le fait qu'une partie de la population éprouve un attachement premier à la religion plutôt qu'à nos valeurs républicaines françaises –reviendrait à reconnaître l'échec flagrant de la politique d'immigration ! Car l'offensive islamiste n'est que la conséquence d'une politique d'immigration massive, incontrôlée, qui conduit une partie de la jeunesse de France à se reconnaître davantage dans la religion musulmane que dans notre modèle républicain ! (Protestations sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Monsieur Ravier, nous défendons les femmes musulmanes afghanes, parce que nous combattons les régimes…

M. Stéphane Ravier. Parce qu'elles sont loin !

M. le président. S'il vous plaît, mon cher collègue !

M. Patrick Kanner. Restez calme, monsieur Ravier, ou bien allez à Washington voir M. Trump…

Nous défendons les femmes afghanes et iraniennes de confession musulmane parce que nous combattons les régimes totalitaires et parce qu'on leur impose…

M. Stéphane Ravier. Et l'islamisme, ce n'est pas un mouvement totalitaire ?

M. Patrick Kanner. Taisez-vous et calmez-vous, monsieur Ravier ; ou bien prenez-vous un petit cachet de Tranxène…

M. Stéphane Ravier. L'islamisme est-il, oui ou non, un mouvement totalitaire ?

M. Patrick Kanner. Ici, nous sommes dans un pays de liberté. Les femmes de confession musulmane portent le voile ou non, selon leurs desiderata.

M. Olivier Paccaud. Et la pression des quartiers, de la famille ?

M. Patrick Kanner. Elles peuvent être influencées, c'est vrai, donc il faut combattre la pression qui peut peser sur elles.

Or vous voulez interdire l'accès de ces femmes, qu'elles soient libres ou sous pression, aux clubs. En effet, vous parlez seulement de compétition dans ce texte, mais pourquoi ne pas évoquer les entraînements ? Pourquoi limiter votre interdiction aux compétitions ? Il faut aller au bout de la logique ! De même, pourquoi ne pas interdire le voile dans les clubs associatifs de théâtre, d'art ou de musique ? (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains.) Votre logique, si elle est poussée jusqu'au bout, conduira à de véritables exclusions !

M. Patrick Kanner. Par ailleurs, monsieur Grosperrin, vous m'avez interpellé, de manière facétieuse, lors de votre propos en discussion générale ; je tiens à vous dire, mon cher collègue, que j'ai été le premier ministre des sports à avoir retiré leur agrément à des clubs qui étaient sous la menace de mouvances salafistes.

M. Jacques Grosperrin. C'est ce que j'ai dit !

M. Patrick Kanner. Simplement, je ne fais pas de confusion : ce n'est pas parce qu'une, deux, trois, dix ou vingt femmes portent le voile au sein d'un club que celui-ci est soumis à une menace salafiste. Il revient aux services de l'État de vérifier ce qu'il se passe réellement dans ce club. Je regrette donc, comme chacun d'entre nous, que l'État n'ait pas les moyens de rendre ce genre de contrôles systématiques dans les clubs sportifs.

Enfin – pardon de dépasser un peu mon temps de parole, monsieur le président –,…

M. le président. Oui, veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Patrick Kanner. … je tiens à rappeler, pour éviter toute confusion, que les socialistes, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, ont voté la loi de 2004. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Olivier Paccaud. C'était la loi de Jacques Chirac !

MM. Alexandre Ouizille et Adel Ziane. Et alors ?

M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour explication de vote.

Mme Catherine Belrhiti. Monsieur Ouzoulias, je tiens à vous signaler, avec tout le respect que je vous dois, que le Concordat, applicable en Alsace-Moselle, n'est pas une dérogation ; il est inscrit dans la loi. Que ce soit dit une fois pour toutes !

M. Pierre Ouzoulias. Je vous expliquerai ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

MM. Max Brisson et Olivier Paccaud. Il a déjà pris la parole pour explication de vote !

M. le président. M. Ouizille a pris la parole sur l'article (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.), il prend maintenant la parole sur l'amendement. (Les protestations s'intensifient.)

M. Max Brisson. Ce n'est pas normal !

M. Olivier Paccaud. Rappel au règlement !

M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. Alexandre Ouizille. J'avais demandé la parole sur l'article, mais je n'ai pas été entendu.

M. Max Brisson. C'est trop facile !

M. Alexandre Ouizille. Ce n'est pas trop facile, c'est la règle !

Pour poursuivre dans le sillage des propos de M. Kanner, nous sommes très clairs… (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je préside la séance, veuillez écouter M. Ouizille ! (Les protestations sur les travées du groupe Les Républicains continuent.)

M. Yannick Jadot. Calmez-vous, les insoumis !

M. Max Brisson. Il n'y a pas de régime dérogatoire !

M. Alexandre Ouizille. Je le répète, j'ai demandé une prise de parole sur l'article qui ne m'a pas été accordée… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Cela suffit !

Monsieur Ouizille, votre de parole est en train de s'écouler, veuillez poursuivre !

M. Olivier Paccaud. Il y a un régime dérogatoire ?

M. Alexandre Ouizille. Il n'y a pas de régime dérogatoire, monsieur Paccaud, ne vous inquiétez pas ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous allez seulement souffrir deux minutes, cela ne remettra pas en cause tout ce que vous pensez, ne craignez rien !

M. Olivier Paccaud. La règle est la même pour tous !

M. Alexandre Ouizille. Le président m'a autorisé à parler ; il a la police de la séance ! (Le brouhaha s'intensifie.)

M. Jacques Grosperrin. C'est bientôt la fin de votre temps de parole, dépêchez-vous !

M. Alexandre Ouizille. Si vous me permettez de m'exprimer…

Je dis les choses simplement : comme l'a affirmé Patrick Kanner, il convient de lutter contre les pressions que peuvent subir les femmes musulmanes. Je ne vous laisserai pas nous caricaturer ; nous sommes intraitables sur cette question !

En revanche, de notre côté, nous nous devons de vous rappeler à vos obligations laïques et à l'équilibre de la loi de 1905.

M. Max Brisson. Respectez le règlement avant de donner des leçons !

M. Alexandre Ouizille. Nous avons la conviction… (Les protestations sur les travées du groupe Les Républicains persistent.)

Vous pourriez tout de même faire preuve d'un minimum de respect ! (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Lorsque vous parlez, je vous écoute !

M. Olivier Paccaud. Commencez par respecter les règles !

M. Alexandre Ouizille. Ce n'est pas moi qui fixe les règles.

M. Max Brisson. Votre temps de parole est écoulé !

Mme Catherine Belrhiti et M. Olivier Paccaud. Pas de temps supplémentaire, monsieur le président !

M. le président. Il faut conclure, monsieur Ouizille !

M. Alexandre Ouizille. Au travers de cette loi, en créant de l'injustice…

M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole !

La parole est à Mme Frédérique Puissat.

Mme Frédérique Puissat. Monsieur le président, conformément au règlement, je demande une suspension de séance, même si le temps avance, afin de permettre à chacun de reprendre ses esprits et pour poursuivre l'examen de ce texte en bonne intelligence, dans le respect de chacun. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Pour ma part, j'étais déjà apaisé et respectueux du débat avant la suspension de séance… (Sourires.)

Je vais exposer mon point de vue sur ce texte. J'ai examiné ses articles et les amendements qui avaient été déposés. Je me suis demandé : où y a-t-il une entrave démocratique dans la pratique sportive, la pratique sociale la plus importante dans notre pays ? Qu'est-ce qui entrave la démocratie sportive ? Qu'est-ce qui entrave la cohésion nationale ? Qu'est-ce qui entrave le vivre ensemble ? Si je me suis posé ces questions, c'est parce que je suis très attaché à la doctrine de l'intégration, qui traduit selon moi un principe républicain exceptionnel.

En revanche, les auteurs de cette proposition de loi doivent tenir compte du débat politique auquel elle donne lieu, et je ne doute pas qu'ils le fassent. Or l'intervention de notre collègue Ravier a tout de même jeté un éclairage particulier sur ce débat politique, en montrant que ce texte est sous-tendu par une doctrine d'assimilation. Je ne crois pas que cela corresponde aux principes et aux valeurs de la République française, je pense au contraire que nous devons nous rassembler autour d'une doctrine d'intégration.

Je connais le sport pour en avoir fait comme tout citoyen, et pour l'avoir abordé au travers de mes responsabilités électives : c'est un facteur de cohésion, de socialisation et d'émancipation.

C'est la raison pour laquelle nous devons veiller à nous en tenir à une doctrine d'intégration et non d'assimilation. Nous n'avons pas tous les mêmes pratiques culturelles ; c'est comme ça !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Non, ce n'est pas comme ça !

M. Pascal Savoldelli. Et dans le sport aussi, c'est comme ça. D'ailleurs, cela ne se limite pas à la seule question du port du voile. Il y a d'autres différences qui se manifestent dans le sport, je le sais bien, moi qui suis un môme de la banlieue. Il n'y avait pas que la religion, nous avions tous notre identité culturelle. Le sport a été un facteur de savoir, d'appropriation de connaissances et de socialisation.

Je m'opposerai donc avec force à tout ce qui en débordera et tendra à favoriser une doctrine d'assimilation.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour un rappel au règlement.

M. Laurent Somon. Mon rappel au règlement s'appuie sur l'article 36 du règlement.

Je souhaite, monsieur le président, que l'on fasse respecter les temps de parole de chacun et que vous n'accordiez aucun dépassement, afin que les débats soient plus sereins.

En outre, quand les débats s'allongent et que les avis pour et contre ont été exprimés – dans le calme –, il faudrait, en vertu de l'article 38 du règlement, limiter le nombre d'interventions, afin d'éviter que les débats ne s'éternisent. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Kanner. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 35 bis de notre règlement, qui a trait à la sincérité de nos débats.

Il semblerait – je dis bien : il semblerait – que l'un de nos collègues, qui n'est plus présent dans l'hémicycle mais qui siège habituellement sur la « montagne » (L'orateur désigne les fauteuils des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.), aurait utilisé une injure pendant mon intervention, me traitant de « collabo ».

M. Thomas Dossus. C'est vrai !

M. Patrick Kanner. J'ai demandé aux fonctionnaires des comptes rendus, ici présents, s'ils pouvaient le confirmer : ils n'ont pas entendu M. Ravier prononcer cette expression, mais ceux de nos collègues qui siègent près de lui l'auraient entendue.

Je souhaite donc que l'on procède à une vérification, car il ne s'agit pas de n'importe quel terme – le fait que M. Ravier l'utilise à mon égard, c'est d'ailleurs un peu le monde à l'envers, mais soit… – et, si le fait est vérifié, je me réserve le droit de saisir la présidence pour insulte à l'égard d'un collègue en séance. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Après l'article 1er

Article 1er (suite)

M. le président. Nous reprenons les explications de vote sur les amendements de suppression de l'article 1er.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Je veux répondre aux bêtises racistes proférées par M. Ravier.

Oui, nous défendons la liberté des femmes afghanes et iraniennes. Oui, nous sommes favorables à ce qu'on leur accorde le droit d'asile pour fuir le régime des talibans. Nous rappelons d'ailleurs que l'une des premières décisions de ce régime a été d'interdire la pratique du sport aux femmes, voilées ou non, d'ailleurs.

Il me semble que cette proposition de loi s'inscrit aussi dans une forme de discrimination à l'égard des femmes, alors que la France s'est honorée d'accueillir, pendant les jeux Olympiques et Paralympiques, une délégation de femmes afghanes réfugiées, qui ont pu participer aux épreuves sous la bannière des athlètes réfugiés.

Mes chers collègues, vous dites que ce texte ne discrimine personne. Pourtant, les femmes qui veulent pratiquer leur sport et participer à des compétitions en étant voilées se sentent bien discriminées par les mesures qu'il comporte, notamment par son article 1er. Nous le savons, le rapporteur et la commission n'ont entendu en audition aucune de ces équipes, aucune des femmes qui se sont rassemblées dans différents collectifs. Il est donc clair que vous n'avez que faire des premières concernées.

Quelle conception du sport défendez-vous lorsque vous voulez mettre à la porte des stades une partie de ces pratiquantes ? On sait en tout cas quelle conception de la société vous défendez, c'est celle qu'a révélée le sénateur Ravier : vous ne reconnaissez pas le fait que, dans ce pays, il existe des Français musulmans et que cela fait partie des missions de notre pays d'assimiler tout le monde, quelle que soit sa religion.

Vous proposez donc, encore une fois, une loi de discrimination.

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Pour faire suite au rappel au règlement de M. Kanner, je souhaite confirmer que la personne en question a bien prononcé le terme qui a été rapporté. Étant personnellement touché, je préfère résister plutôt que collaborer. Aussi, monsieur Kanner, je vous confirme que notre collègue a bien tenu ce propos à votre égard. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Je m'étonne que nos collègues qui siègent à la droite de l'hémicycle soient agités au point qu'il y ait besoin d'une suspension de séance pour rétablir le calme.

Mes chers collègues, c'est votre texte que nous examinons mais, en réalité, vous semblez très peu à l'aise avec les dispositions qu'il prévoit.

M. Max Brisson. Nous sommes très à l'aise !

M. Guillaume Gontard. Je m'étonne que…

M. Max Brisson. Assez de provocations !

M. Guillaume Gontard. Vous ne cessez de m'interrompre et je ne peux pas parler. Nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale, je pense que nous pouvons dialoguer et nous écouter.

M. Max Brisson. Ce n'est pas un dialogue, vous nous insultez !

M. Guillaume Gontard. Je me suis demandé à quoi servait ce texte, quelle était sa finalité. Mes collègues l'ont rappelé, nous sommes tous républicains. Certains d'entre nous appartiennent d'ailleurs à un groupe politique dont c'est le nom ; je ne sais pas pourquoi, peut-être ressentent-ils le besoin de le porter… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Cela suffit ! C'est un scandale, c'est honteux !

M. Guillaume Gontard. En tout cas, nous sommes tous républicains.

Or la République est laïque, de sorte que nous disposons des éléments nécessaires pour garantir cette laïcité.

En revanche, ce qui vous gêne, c'est que la laïcité, c'est la liberté : la loi de 1905 est un véritable texte de liberté.

M. Max Brisson. Les amis de Mélenchon nous donnent des leçons…

M. Guillaume Gontard. Ce que vous cherchez à établir par vos petites approches, sous couvert d'une prétendue neutralité, c'est une interdiction pure et simple. Vous suivez ainsi une doctrine qui impose de revenir sur nos principes républicains, notamment celui de la laïcité. C'est donc vous qui avez un problème avec nos valeurs républicaines et avec le principe de laïcité.

M. Max Brisson. Mais non, c'est vous !

M. Guillaume Gontard. Vous voulez parler de neutralité ? Soit, alors, allons jusqu'au bout ! Soyons neutres et parlons aussi de la publicité ! Du financement des grands clubs ! Quand un de nos grands clubs est financé par un État qui ne respecte pas les droits humains, cela soulève des questions…

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Cela n'a rien à voir ! Restons dans le cadre du texte !

Mme Catherine Belrhiti. Rien à voir !

M. Guillaume Gontard. Or je ne vois rien sur ce sujet dans le texte. Mes chers collègues, soyez logiques avec vous-mêmes !

M. Max Brisson. Et vous, moins présomptueux !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4, 9 et 28 rectifié quinquies.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 197 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 113
Contre 227

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par M. Dossus, Mme Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 100-1 du code du sport est ainsi modifié :

1° Au cinquième alinéa, après le mot : « sportives », sont insérés les mots : « ainsi qu'aux compétitions départementales, régionales et nationales organisées par les fédérations sportives agréées, leurs organes déconcentrés, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de porter atteinte à l'exercice des droits prévus au précédent alinéa est puni des peines prévues à l'article L. 225-2 du code pénal. »

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. L'article 1er s'inscrit en rupture totale avec les principes fondamentaux de la loi de 1905. Loin de garantir une hypothétique neutralité du sport, il vise à désigner une catégorie de citoyennes, les musulmanes, comme indésirables sur les terrains de compétition. Il instrumentalise la laïcité pour en faire un outil de discrimination, alors que ce principe est au contraire une garantie de liberté.

La loi de 1905 ne régit en rien la police des vêtements. L'article L. 100-1 du code du sport garantit un accès libre et sans discrimination aux pratiques sportives. La Constitution proclame l'égalité de tous devant la loi, sans distinction d'origine ou de religion, et la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (dite Convention européenne des droits de l'homme, CEDH) protège la liberté de conscience tout en prohibant toute forme de discrimination. Ce texte va donc à l'encontre de nos principes fondamentaux.

Au-delà du droit, pensons aux conséquences concrètes, puisque ce texte ne protégera personne ni ne réglera aucun problème. En revanche, il privera certaines femmes de l'accès au sport de haut niveau, les empêchant de concourir sous le prétexte de leur tenue vestimentaire. Or le sport n'est pas seulement un loisir, c'est aussi un vecteur d'émancipation, d'inclusion et d'égalité. En exclure une catégorie de personnes au nom de la laïcité est une absurdité, une injustice et un dévoiement.

C'est pourquoi nous proposons au travers de cet amendement d'inverser la logique de ce texte, en réaffirmant clairement que l'accès aux pratiques sportives et aux compétitions doit être garanti à toutes et à tous sans discrimination. Nous établissons donc un délit d'entrave à l'accès au sport, sanctionné par les peines habituelles pour discrimination, afin d'empêcher toute exclusion arbitraire et de garantir l'effectivité du droit de chacun à pratiquer librement le sport.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme Cazebonne, MM. Patriat, Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La section 1 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code du sport est complétée par un article L. 131-7-… ainsi rédigé :

« Art. L. 131-7-… – I. – Toute fédération sportive délégataire pour l'organisation et le fonctionnement d'un service public peut inscrire, dans son règlement intérieur, des dispositions instaurant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des licenciés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement du service public qui lui a été confié et si elles sont proportionnées au but recherché.

« II. – Toutefois, pour les mineurs et lors des compétitions départementales, régionales et nationales organisées par les fédérations sportives agréées, leurs organes déconcentrés, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées, le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdit. »

La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Cet amendement de réécriture a un double objet.

Le premier est de corriger le risque d'inconstitutionalité de l'article, du fait de sa portée générale sans que soit démontré le risque de trouble à l'ordre public. Nous proposons donc de codifier l'équilibre dégagé par le Conseil d'État au travers de son arrêt du 29 juin 2023.

Le second est de protéger nos enfants. En France, 6,3 millions d'enfants de moins de 13 ans sont licenciés d'une fédération sportive et 58 % des sportifs licenciés ont moins de 20 ans. Au même titre que l'école, le sport initie nos enfants à la coopération et au respect de la règle commune. Il est un facteur d'intégration, de mixité sociale et de renforcement de la cohésion nationale.

Cet amendement vise donc à prévoir une interdiction du port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse également pour les mineurs. En effet, nos enfants, sur le modèle de notre école républicaine, ne doivent pas être influencés dans leurs choix avant leur majorité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. L'amendement n° 17 vise à réécrire entièrement l'article 1er. De plus, il a pour objet de renforcer la lutte contre les discriminations, qui est déjà prévue dans les différents codes applicables. Enfin, que l'on défende une laïcité « étriquée » ou « éclairée » pour reprendre des adjectifs utilisés précédemment, le sujet des discriminations n'est pas en lien avec le texte que nous examinons aujourd'hui.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l'amendement n° 23, il a pour objet la protection des mineurs. Cette question a suscité un débat en commission, comme elle l'avait fait aussi lors de l'examen de la loi de 2004. Il avait été considéré, à l'époque, que la mesure concernait l'ensemble d'une communauté, à l'intérieur d'un établissement scolaire. Or il est vrai qu'il en va de même ici : à l'intérieur d'un « rectangle vert » ou d'une enceinte sportive, il y a des mineurs et des majeurs, et l'idée des auteurs de cet amendement est de viser l'intégralité de ceux qui pratiquent le même sport, au même moment.

Toutefois, malgré tout l'intérêt que présente cette disposition pour la protection des mineurs, la commission a également émis un avis défavorable à son sujet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Avis défavorable sur les deux amendements.

Je précise que le Gouvernement proposera de modifier l'article 1er au travers de l'amendement n° 31, afin de trouver un équilibre consistant à ne viser que les fédérations sportives qui exercent une délégation de service public. L'article sera ainsi parfaitement cadré, dans la droite ligne de ce qu'a fait le Conseil d'État dans sa décision.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

section 1

par les mots :

section 3

et la référence :

L. 131-7-1

par la référence :

L. 131-23

II. – Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 131-7-1

par la référence :

L. 131-23

et le mot :

agréées

par le mot :

délégataires

La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. Cet amendement vise à préciser que l'interdiction du port de tout signe religieux ostentatoire s'applique aux compétitions sportives organisées par les fédérations délégataires de service public, car c'est bien au nom du service public que ce principe de laïcité s'impose.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Mes chers collègues, laissez-moi vous donner quelques précisions sur le champ d'application de cet amendement. Il vise à restreindre l'application de l'article 1er aux seules fédérations délégataires de service public plutôt qu'à l'ensemble des fédérations agréées. Je vous rappelle qu'il y a 118 fédérations agréées, dont 86 sont délégataires.

Le ministère confie à ces fédérations délégataires un monopole pour l'organisation des compétitions sportives donnant lieu à des délivrances de titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux. L'octroi d'une telle délégation est subordonné à la conclusion d'un contrat de délégation avec l'État.

Nous souhaitions étendre le dispositif à l'ensemble des fédérations agréées, mais la restriction du champ, telle qu'elle est proposée ici, ne nous semble pas contradictoire avec l'intention des auteurs de cette proposition de loi, Michel Savin et ses collègues.

Je précise que nous avons reçu tardivement cet amendement du Gouvernement, de sorte que la commission n'a pas pu l'examiner. C'est donc à titre personnel que j'émets un avis favorable à son sujet.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. J'écouterai avec attention ce qu'auront à dire nos collègues qui siègent de l'autre côté de l'hémicycle sur la restriction formelle que le Gouvernement propose d'introduire par cet amendement.

En tout état de cause, si cet amendement tend à atténuer quelque peu la portée du texte, il ne change rien au fond. Certes, seules les fédérations délégataires d'une mission de service public, et non toutes les fédérations agréées, devront, comme leurs organes déconcentrés, les ligues et les clubs, interdire le port ostensible de signes religieux et politiques durant les compétitions départementales, régionales et nationales. Néanmoins, le texte, même ainsi limité, restera en contradiction avec notre conception de la laïcité dans le sport.

Nous ne voterons pas l'amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. L'amendement du Gouvernement vise indéniablement à restreindre le périmètre de la mesure.

Toutefois, monsieur le ministre, ne soyons pas naïfs. Les fédérations qui seront exclues du dispositif sont également confrontées au phénomène que nous entendons traiter via cette proposition de loi. Je pense notamment aux fédérations nouvelles, celles de certains sports de combat : on voit bien que le port de signes religieux y est présent.

Je suivrai la position du rapporteur et je voterai cet amendement, mais je tiens quand même à inciter le Gouvernement à se montrer attentif aux fédérations qui ne sont pas délégataires. Elles comptent de nombreux adhérents, en particulier des jeunes, qui pratiquent ces nouveaux sports de combat, donc il faut être vigilant et organiser un suivi aussi adapté que possible.

En effet, il ne faudrait pas que, en excluant ces fédérations des obligations prévues dans ce texte, nous favorisions un transfert d'athlètes, qui abandonneraient leur fédération d'origine, où ils se sentiraient pénalisés ou mal à l'aise, pour rejoindre celles qui auraient toute liberté.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je comprends l'appel à la vigilance de Michel Savin, mais je trouve l'amendement du Gouvernement intéressant.

Remontons le temps pour faire un peu d'histoire. La laïcité, c'est d'abord la neutralité des agents du service public. C'est ainsi qu'ont été construits, dans un premier temps, les principes de laïcité et de neutralité de l'État. Dans un deuxième temps, il a été prévu qu'il y aurait une laïcité singulière, à l'école, et l'on a demandé aux usagers, les élèves, d'être eux aussi dans la neutralité.

L'amendement du Gouvernement a pour objet de restreindre la mesure aux fédérations qui ont une délégation de service public. Il permet donc d'avancer, sur la question du rapport entre service public et neutralité. Le pas que propose le Gouvernement participe d'une approche pragmatique du sujet, tenant compte des réalités et s'inscrivant dans une histoire, celle de la construction de la spécificité de notre laïcité.

Il m'arrive très souvent de rappeler à ceux qui pourraient l'oublier que, à l'école, la laïcité est singulière : elle n'est pas la même que celle que l'on retrouve dans d'autres services publics. De la même manière, la conception que nous avons du sport peut également nous conduire à construire, peu à peu, une démarche singulière en matière de laïcité dans ce domaine.

L'amendement du Gouvernement marque donc une étape importante. Il vise un champ plus restreint que celui que prévoyait le texte de Michel Savin, mais en le définissant autour de la notion de service public, ce que je trouve intéressant. En effet, la délégation par l'État à certaines fédérations de la politique publique du sport nécessite que ce texte s'applique, parce que l'enceinte du sport doit être neutre.

C'est un pas intéressant que le Gouvernement propose et je souhaite que mes collègues votent cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. En effet, les associations affiliées ne relèveront pas toutes de la disposition que nous proposons de modifier au travers de cet amendement.

Néanmoins, il y a dans ce champ de nombreuses associations à caractère confessionnel et de toutes natures.

En outre, monsieur Savin, nous ne sommes pas démunis d'outils juridiques nous permettant d'agir à l'encontre d'associations qui ne relèvent pas du service public mais qui ont des comportements séparatistes. Nous sommes capables de les poursuivre. Le dispositif doit être équilibré et l'objectif est de respecter les conditions fixées par le Conseil d'État, de façon à ne pas fragiliser le texte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Même si l'amendement du Gouvernement nous est parvenu de manière tardive, il est utile. Si nous l'avions examiné plus tôt dans le débat, un certain nombre d'interventions n'auraient pas eu lieu.

Via cet amendement, le Gouvernement nous offre l'occasion de recentrer la problématique sur les fédérations qui sont liées à l'État dans le cadre d'une délégation de service public. En effet, c'est bien cette notion, le service public, qui justifie, entre autres motifs, la nécessité de légiférer. Je soutiens donc pleinement cet amendement.

Michel Savin a raison d'attirer notre attention sur les autres pratiques sportives, qui ne seront pas concernées. Toutefois, le cœur du problème est peut-être non pas le dispositif législatif que nous essayons de faire appliquer, mais le fait que ces pratiques sont hors du champ des délégations de service public organisées par le ministère des sports. Il sera donc nécessaire que le ministère travaille à mieux les intégrer.

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour explication de vote.

M. Alexandre Ouizille. Je trouve intéressant que M. le ministre ait dit, voilà quelques instants, que nous avions d'autres moyens pour agir dans certains cas. C'est tout simplement l'objet de l'article 31 de la loi de 1905, dont nous avons déjà parlé, qui permet de combattre la pression.

Mes chers collègues, j'aimerais vous convaincre que ce texte ira à l'encontre des effets que vous recherchez. En choisissant de modifier l'équilibre de la loi de 1905 et en portant atteinte à la liberté de conscience dans le champ du sport – encore une fois, l'école est à part, car ce qui a été décidé la concernant se fondait sur la défense de la liberté de conscience –, à quoi allez-vous aboutir ? Nous verrons des gens s'entraîner ensemble la semaine, mais seuls certains d'entre eux pourront participer à la compétition le week-end, les autres restant à l'écart. Vous allez entraîner des vexations, de la frustration et vous allez en réalité tomber dans la mâchoire que les islamistes veulent refermer sur nous.

Ces mécanismes sont très bien décrits par Hugo Micheron dans La Colère et l'oubli, qui analyse bien les années que nous sommes en train de vivre. Avec ce type de mesures, vous donnerez un « grip », un moyen aux islamistes pour combattre nos principes. Je le répète, les effets de votre loi seront à l'opposé de ceux que vous recherchez.

Mes chers collègues, je vous demande encore une fois d'en revenir à la laïcité, ce vieux principe clair et sain, si nous voulons garder une chance que ce pays et cette République fonctionnent correctement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Piednoir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

aux acteurs de ces compétitions

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Il s'agit de préciser que l'article 1er, qui prohibe le port des signes religieux ou politiques lors des compétitions sportives, s'applique aux acteurs de ces compétitions. Cette précision nous a été demandée lors de l'examen en commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Lozach. Nous sommes toujours en manque de précisions.

Les acteurs des compétitions, qui sont-ils ? Les acteurs du sport, eux, sont définis au livre II du code du sport, mais les arbitres sont-ils concernés, par exemple, par l'interdiction du port des signes religieux ? (Bien sûr ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Quid des remplaçants sur le banc de touche ? Et les entraîneurs ? (Bien sûr ! sur les mêmes travées.)

Il me semble que cet article est assez imprécis.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. M. Lozach, qui connaît bien le monde du sport, a donné les réponses dans ses questions. Effectivement, les trois catégories que vous venez de citer font partie des acteurs du monde du sport qui sont concernés, l'amendement visant surtout à préciser que les spectateurs ne le sont pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié ter, présenté par MM. Levi, Savin, Kern, Karoutchi et Bonhomme, Mme Herzog, M. Reynaud, Mmes de La Provôté, Borchio Fontimp et Billon, MM. Henno, Laugier et Canévet, Mmes Gacquerre et Belrhiti, M. Paccaud, Mme Loisier, MM. Chasseing, Capo-Canellas, Chatillon et Cambier, Mme Josende, M. Klinger, Mme Muller-Bronn, M. H. Leroy, Mme Evren, M. Burgoa, Mmes Eustache-Brinio et Ventalon, M. Belin, Mme Drexler, M. Milon et Mmes Goy-Chavent et Lermytte, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de contrevenir au premier alinéa est sanctionné dans les conditions prévues par le règlement disciplinaire de chaque fédération sportive agréée et de chaque ligue professionnelle. »

La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.

M. Pierre-Antoine Levi. Cet amendement vise à renforcer l'effectivité du principe de laïcité dans le sport, qui est au cœur de cette proposition de loi.

Le constat est simple. Aujourd'hui, de nombreuses fédérations sportives disposent déjà dans leur règlement de sanctions disciplinaires en cas de non-respect du principe de laïcité. C'est notamment le cas de la fédération française de football.

Nous proposons de généraliser et d'harmoniser cette pratique en prévoyant explicitement que toute violation du principe de laïcité sera sanctionnée selon les règles disciplinaires propres à chaque fédération agréée et à chaque ligue professionnelle. Il s'agit non pas de créer de nouvelles sanctions, mais bien de donner une base légale claire aux dispositifs existants tout en respectant l'autonomie des fédérations dans la définition de leur échelle de sanctions. Cette approche pragmatique permettra de garantir que le sport, vecteur essentiel de cohésion sociale dans notre République, demeure cet espace de neutralité et de fraternité où chacun peut se retrouver, quelles que soient ses convictions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Cet amendement est lui aussi le fruit de nos débats en commission, ce qui, au passage, prouve l'utilité de ces derniers. Toute création d'une mesure d'interdiction entraîne la question du contrôle de son application et de la sanction éventuelle en cas de non-respect.

J'avais d'abord envisagé une sanction de type amende contraventionnelle classique. Après des échanges en commission, nous sommes convenus que ce n'était peut-être pas le meilleur moyen de faire passer le message que nous souhaitions promouvoir. Nous nous sommes alors promis de tous y réfléchir de notre côté.

Au travers de cet amendement, Pierre-Antoine Levi nous propose une mesure d'ordre disciplinaire, relevant de chaque fédération, qui a la liberté de définir dans son règlement la façon dont elle entend sanctionner l'auteur de l'infraction.

Avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Monsieur Levi, de prime abord, j'étais tenté d'émettre un avis de sagesse, mais je vais finalement donner un avis favorable si, et seulement si, vous rectifiez votre amendement pour substituer la mention « délégataire de service public » au mot « agréée », en coordination avec la rédaction de l'amendement n° 31 du Gouvernement.

M. le président. Monsieur Levi, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans ce sens ?

M. Pierre-Antoine Levi. Si le rapporteur accepte cette rectification, c'est bien volontiers que je souscris à cette demande.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Avis favorable !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 8 rectifié quater, présenté par MM. Levi, Savin, Kern, Karoutchi et Bonhomme, Mme Herzog, M. Reynaud, Mmes de La Provôté, Borchio Fontimp et Billon, MM. Henno, Laugier et Canévet, Mmes Gacquerre et Belrhiti, M. Paccaud, Mme Loisier, MM. Chasseing, Capo-Canellas, Chatillon et Cambier, Mme Josende, M. Klinger, Mme Muller-Bronn, M. H. Leroy, Mme Evren, M. Burgoa, Mmes Eustache-Brinio et Ventalon, M. Belin, Mme Drexler, M. Milon et Mmes Goy-Chavent et Lermytte, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de contrevenir au premier alinéa est sanctionné dans les conditions prévues par le règlement disciplinaire de chaque fédération sportive délégataire de service public et de chaque ligue professionnelle. »

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22 rectifié quater, présenté par Mme Joseph, MM. Savin, Panunzi, Paccaud et Burgoa, Mme Ventalon, MM. Reichardt, Mizzon et E. Blanc, Mmes Gruny, Demas, Muller-Bronn et Guidez, M. P. Vidal, Mmes Eustache-Brinio, Di Folco et Billon, M. Houpert, Mmes Goy-Chavent et Valente Le Hir, MM. Saury et Dumoulin, Mme Belrhiti, M. Kern, Mmes Dumont, Deseyne et M. Mercier, MM. Rietmann et Perrin, Mme Josende, M. Brisson, Mmes Lassarade, Evren, Bellurot et Schalck, MM. P. Martin, Grosperrin, Genet, Belin, Lefèvre, Gueret, Sido et Courtial et Mmes Pluchet, Imbert et Berthet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdit aux personnes sélectionnées en équipe de France par une fédération sportive délégataire du service public. »

La parole est à Mme Else Joseph.

Mme Else Joseph. Les grandes manifestations sportives témoignent depuis toujours du rôle central du sport comme vecteur de cohésion sociale. Elles constituent un précieux moment d'unité nationale et ne sauraient être ternies par des considérations politiques ou religieuses. Étrenner le maillot français, c'est porter ses valeurs !

La loi confie l'exécution d'un service public aux fédérations sportives, tenues d'assurer l'égalité des usagers et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité. Ces fédérations exercent un pouvoir de direction sur les sportifs arborant le maillot de l'équipe de France, qui participent dès lors à une mission de service public. À ce titre, ils doivent être soumis au principe de neutralité.

C'est ce que le Conseil d'État a expressément reconnu par un arrêt du 29 juin 2023. Lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le Gouvernement a également réaffirmé que la neutralité s'imposait à ces athlètes.

Aujourd'hui, si cette nécessité est assez communément admise, aucune loi n'impose clairement la neutralité aux personnes sélectionnées en équipe de France. C'est dans ce flou juridique que s'engouffrent les revendications communautaristes de celles et ceux qui voudraient faire vaciller les valeurs de la République française.

Par cet amendement, nous entendons inscrire dans le droit que le principe de neutralité s'applique aux personnes sélectionnées en équipe de France, afin de veiller au respect du principe de laïcité et de protéger les fédérations face aux tentatives de dévoiement communautaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Les athlètes évoluant en équipe de France participent à l'exécution du service public confié à la fédération qui les a sélectionnés. C'est à ce titre qu'ils doivent respecter le principe de neutralité que vous évoquez.

Le Conseil d'État l'a d'ailleurs confirmé dans sa décision du 29 juin 2023. La ministre chargée des sports à l'époque des JOP 2024, Amélie Oudéa-Castéra, a confirmé l'interdiction du port du voile pour les athlètes des équipes de France dans le cadre de ces jeux. Cet amendement s'inscrit en quelque sorte en concordance avec les propos de la ministre.

Or l'article 1er de ce texte ne s'applique qu'aux compétitions départementales, régionales, voire nationales, c'est-à-dire au champ national stricto sensu, et non aux compétitions internationales. Votre proposition vient donc utilement compléter le dispositif envisagé par l'auteur de la proposition de loi, en étendant son application aux athlètes français sélectionnés par les fédérations délégataires de services publics.

C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Je ne répéterai pas ce qui vient d'être expliqué de façon limpide par M. le rapporteur… (Sourires.)

Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Je m'interroge sur la portée de ce devoir de neutralité, auquel seraient astreints les sportifs français.

Par exemple, l'un des plus grands attaquants que l'équipe de France de football ait connus, Olivier Giroud, a l'habitude de parler très franchement de sa foi et du rôle qu'a joué Jésus dans sa carrière sportive. Il a même fait tatouer sur son corps des messages religieux. Est-ce que, avec cette proposition de loi, l'équipe de France de football aurait dû se passer de cet immense talent, qui a tant contribué à son palmarès ces dernières années ? Je vous pose la question… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Il ne joue pas torse nu !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié quater.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L'article L. 131-5-1 du code du sport est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En prévision de l'adoption des statuts des fédérations, les membres des instances dirigeantes nationales et départementales sont formés aux notions de laïcité et de discrimination indirecte. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Nous proposons une formation aux notions de laïcité et de discrimination pour les membres des instances dirigeantes nationales et départementales des fédérations sportives.

Nous sommes attachés à la liberté des fédérations dans l'élaboration de leurs statuts et règlements. Toutefois, il est primordial que ces règles soient adoptées en parfaite connaissance du cadre juridique et des principes fondamentaux de notre République, notamment en matière de laïcité et de lutte contre les discriminations.

Quand on voit qu'ici même la laïcité est dénaturée et instrumentalisée, alors s'impose la nécessité de clarifier l'application de ce principe dans le sport. Il est indispensable de former les instances dirigeantes, notamment en les sensibilisant aux discriminations, directes et indirectes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Comme pour les enseignants de l'éducation nationale, la formation des acteurs du mouvement sportif et du sport en général aux différentes dimensions de la laïcité est évidemment importante. Nos nombreux débats illustrent bien la complexité du sujet.

Le renforcement des dispositifs de formation est donc indispensable à terme et j'écouterai avec attention la position du ministre à ce sujet.

Cependant, je suis un peu réservé quant à la rédaction de l'amendement, qui vise à établir un lien entre la laïcité et la notion de discrimination indirecte, ce qui laisse entendre que l'application du principe de laïcité pourrait conduire à des formes insidieuses de discrimination. C'est quelque chose qui m'interpelle.

Pour cette raison, malgré tout l'intérêt que je porte à une telle formation, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Madame la sénatrice Ollivier, je suis d'accord avec vous sur la nécessité de former les différents acteurs du monde du sport pour mieux appréhender le principe de laïcité.

À cet égard, je me permets de vous rapporter les propos de Mme Marie Barsacq, qui m'a expliqué que le ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative était pleinement mobilisé sur le sujet. Le guide sur le fait religieux dans le champ du sport, qui vise à accompagner les fédérations, a été actualisé et transmis à ces dernières. Il rappelle avec pédagogie, au travers de différentes mises en situation, le périmètre d'application du principe de laïcité.

Les contrats de délégation des fédérations mentionnent expressément la lutte contre le séparatisme comme une priorité d'engagement à structurer autour des cadres d'État. Le déploiement de ces référents est en cours. Il revient aux fédérations et aux instances dirigeantes de mobiliser ces ressources.

C'est la raison pour laquelle, avec la ministre des sports, nous considérons que cet amendement est satisfait. Aussi, je vous demande de le retirer, faute de quoi l'avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Je pense que vous n'avez pas très bien compris le sens de l'amendement. Effectivement, la laïcité devient un outil de discrimination et de stigmatisation quand on l'applique incorrectement. On le voit bien dans ce débat.

Or nous ne voulons pas que ce principe de la République soit bafoué. Déjà en 1905, lors des débats préparatoires à la loi, Jaurès et Briand, lorsque était évoqué le port de la soutane dans l'espace public, répliquaient que la laïcité ne s'occupait pas de tenues vestimentaires.

La laïcité doit demeurer un outil d'émancipation. Si elle est mal interprétée ou instrumentalisée comme un outil de stigmatisation ou de discrimination, elle n'est rien d'autre qu'une atteinte aux libertés. Pour notre part, nous souhaitons éviter qu'il soit porté atteinte et à la laïcité et à la liberté des sportifs.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Je souhaite revenir sur l'interrogation du rapporteur au sujet du lien entre laïcité et discrimination indirecte. En échangeant avec un certain nombre d'acteurs et d'actrices, je me suis rendu compte que, lorsque des femmes, notamment de confession musulmane, se présentaient dans un club pour adhérer et devenir licenciées, elles se trouvaient confrontées à des dirigeants qui ne connaissaient pas bien le principe de laïcité.

Certes, monsieur le ministre, il existe un guide. En théorie, les informations sont donc à disposition des dirigeants, mais l'utilisation qu'en font dans la pratique les instances dirigeantes de clubs ou les instances départementales et nationales n'est pas satisfaisante.

Travailler sur cette formation, c'est justement lutter contre les discriminations dont sont victimes un certain nombre de femmes qui veulent faire du sport. Monsieur Savin, vous avez dit que celles-ci auraient toujours accès à une pratique de loisir et aux entraînements. En réalité, je crains que cette possibilité même ne leur soit refusée dans un certain nombre de clubs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Dans un délai d'un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport tirant le bilan de son application. Le rapport étudie notamment l'impact de l'interdiction posée à l'article L. 131-7-1 du code du sport :

1° Sur l'accès des femmes aux activités sportives organisées par les fédérations agréées, leurs ligues professionnelles et leurs associations affiliées ;

2° Sur la santé physique et mentale des pratiquants concernés par cette interdiction et ne participant plus aux compétitions ;

3° Sur l'attractivité du service public du sport dont les fédérations agréées sont délégataires et le report éventuel des pratiquants vers des fédérations non agréées.

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Nous demandons que soit remis au Parlement un rapport évaluant les conséquences réelles de l'interdiction du port de signes religieux dans les compétitions sportives. Avant d'imposer une telle mesure, il est essentiel de penser aux premières personnes concernées, à savoir les femmes.

En effet, cette interdiction, au-delà de dévoyer la laïcité, risque d'avoir des effets négatifs, notamment pour les femmes et les jeunes filles, qui rencontrent déjà de nombreuses difficultés pour accéder au sport. Les données sont sans appel : 49 % des femmes renoncent à la pratique sportive pour des raisons financières, 46% en raison de contraintes familiales et 40 % à cause de charges domestiques. Face à ces inégalités persistantes, il est absurde d'ajouter une nouvelle barrière en interdisant à certaines femmes de pratiquer en raison de leur tenue vestimentaire. Quelques mois après les jeux Olympiques, je trouve particulièrement honteux de réduire ainsi la pratique du sport en France et de stigmatiser certains pratiquants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Évidemment, il conviendra de faire un bilan une fois que cette loi aura été adoptée par l'autre assemblée et appliquée un certain temps.

Cependant, vous connaissez le sort qui est traditionnellement réservé aux demandes de rapport au Sénat.

En outre, sur le fond, vous préjugez les conclusions de l'évaluation dans votre amendement ; finalement, je ne sais pas pourquoi vous demandez un rapport…

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Nous sommes tous attachés à la pratique sportive féminine. D'ailleurs, la dynamique du sport féminin a été relancée par les JOP. Les licences annuelles ont progressé l'an dernier plus vite chez les filles, avec une augmentation de plus de 6 %, que chez les garçons, et ce malgré les restrictions, d'ailleurs confirmées par le Conseil d'État, qui existaient déjà dans le règlement de certaines fédérations concernant le port des tenues religieuses. Ce n'est donc pas en revenant sur ces mesures que vous développerez la pratique sportive féminine.

À mon sens, il importe de respecter plus que tout nos principes de laïcité. Contrairement à vous, madame la sénatrice, je ne crois pas que le service public doive y renoncer pour être attractif ; c'est une condition même du bon fonctionnement de nos services.

Enfin, le Gouvernement considère, comme la commission, que le moment proposé est mal choisi pour demander un rapport. Il faudra attendre quelques années d'application pour faire une évaluation pertinente du texte.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 198 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l'adoption 223
Contre 92

Le Sénat a adopté. (Mme Jacqueline Eustache-Brinio applaudit.)

Article 1er (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Article 2

Après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié quinquies, présenté par Mme Corbière Naminzo, MM. Bacchi et Ouzoulias, Mme Apourceau-Poly, MM. Barros, Brossat et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Silvani, M. Xowie et Mme Varaillas, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet un rapport au Parlement dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi sur la pratique sportive des mineures féminines, fédération par fédération. Ce rapport fait apparaître les efforts mis en œuvre par les fédérations pour corriger les écarts de pratique sportive entre les femmes et les hommes.

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. À l'heure où les femmes sont sous-représentées dans le sport, notre priorité devrait être de corriger cette inégalité et de favoriser l'accès des femmes au sport. Or cette proposition de loi pourrait justement avoir l'effet inverse. Elle risque en particulier d'exclure les femmes portant le voile de la pratique sportive. C'est une inquiétude qui est largement partagée.

Les chiffres sont clairs : seulement 20 % des femmes, tous âges confondus, détiennent une licence dans un club sportif, contre plus de 38 % des hommes. Selon les chiffres de l'Insee, en 2024, un tiers des licences sportives sont détenues par les femmes et deux tiers par les hommes.

L'arrêt du sport chez les adolescentes est par ailleurs un phénomène massif et préoccupant. Selon un rapport de l'Unesco de 2024, une fille sur deux arrête le sport à l'adolescence. Or cette sédentarité entraîne de lourdes conséquences sur leur santé physique et mentale.

Puisque le sport a vocation à être un vecteur d'émancipation, d'intégration et de réussite pour les jeunes filles, nous proposons qu'un rapport soit remis au Parlement par le Gouvernement pour évaluer les effets de cette loi sur la pratique sportive des femmes et sur les inégalités entre les femmes et les hommes dans le sport.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Cette demande de rapport subira le même sort que les autres : un avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Je le répète, laissons le temps au texte de s'appliquer pour pouvoir l'évaluer utilement.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié quinquies.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Article 2 bis (nouveau)

Article 2

La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du code du sport est complétée par un article L. 312-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 312-4-1. – La collectivité territoriale propriétaire d'un équipement sportif détermine les conditions d'utilisation de cet équipement et des locaux attenants. Leur utilisation pour la pratique sportive est exclusive de tout usage religieux, notamment comme salle de prière collective.

« Le premier alinéa ne fait pas obstacle à ce qu'un équipement sportif soit mis temporairement à la disposition d'une association qui souhaite l'utiliser à des fins cultuelles, à condition que ladite mise à disposition ne soit pas effectuée dans des conditions préférentielles. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 2 rectifié ter est présenté par M. Fialaire, Mme Jouve, MM. Laouedj, Bilhac, Masset, Cabanel, Gold et Grosvalet, Mmes Briante Guillemont et Pantel et MM. Ruel et Guiol.

L'amendement n° 5 est présenté par Mme S. Robert, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 12 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L'amendement n° 19 rectifié est présenté par Mme Cazebonne, MM. Patriat, Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Ramia et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L'amendement n° 25 rectifié quater est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mmes Corbière Naminzo et Apourceau-Poly, MM. Barros, Brossat et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Silvani, M. Xowie et Mme Varaillas.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l'amendement n° 2 rectifié ter.

M. Bernard Fialaire. L'article 2 de cette proposition de loi prévoit que les collectivités territoriales, qui ont le pouvoir de fixer les règles d'utilisation des équipements sportifs, doivent y interdire toute pratique religieuse, sauf dans certains cas de mise à disposition temporaire.

Nous considérons que cet article est déjà satisfait et c'est pourquoi nous proposons de le supprimer. Il empiète sur les compétences du maire, qui a déjà l'autorité nécessaire pour encadrer ou interdire un rassemblement religieux si celui-ci trouble l'ordre public, la tranquillité ou la sécurité publique. Autrement dit, cette disposition transgresse les pouvoirs de police du maire et risque même de créer une confusion juridique. Elle ouvre la porte à des interprétations floues et à des contentieux inutiles. Elle ajoute une contrainte excessive qui pourrait conduire à des décisions profondément discriminatoires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l'amendement n° 5.

M. Jean-Jacques Lozach. Le dispositif envisagé entre tout d'abord en conflit avec le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il s'inscrit aussi en opposition avec l'esprit de la loi de 1905 et la jurisprudence du Conseil d'État, qui autorise la mise à disposition de locaux communaux au profit d'une association cultuelle, à condition qu'il ne soit pas transformé de façon exclusive et définitive, sans contrepartie financière, en édifice cultuel.

Par ailleurs, nous prenons note de la volonté du rapporteur, par son amendement n° 30, d'améliorer la rédaction initiale de l'article 2 en appréhendant l'ensemble des cultes. En effet, en l'état, celle-ci est extrêmement stigmatisante envers une seule religion, avec la référence à la salle de prière collective.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l'amendement n° 12.

Mme Mathilde Ollivier. Cet article interdit l'usage exclusif d'un équipement sportif à des fins cultuelles, mais cet objectif est déjà pleinement garanti par la jurisprudence. Le Conseil d'État, de manière constante, rappelle que, si une collectivité peut ponctuellement autoriser l'utilisation d'un équipement public pour l'exercice d'un culte, elle ne peut en aucun cas en accorder l'usage exclusif ou pérenne.

Cet article, inutile juridiquement, est très révélateur de l'esprit de cette proposition de loi : il s'agit de détourner le principe de laïcité à des fins politiques et surtout discriminatoires. Quel était l'intérêt d'inscrire « notamment comme salle de prière collective » dans cet article ?

Nous demandons donc sa suppression.

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour présenter l'amendement n° 19 rectifié.

Mme Samantha Cazebonne. Nous demandons également la suppression de cet article. Le droit actuel est suffisant pour préserver la neutralité des locaux de tout contournement, via notamment le déféré préfectoral, lorsque la collectivité elle-même ne respecte pas le principe de neutralité.

De surcroît, des actions peuvent être mises en place dans le cadre du contrat d'engagement républicain (CER). Lorsqu'une association signataire a détourné la destination d'un bien communal, la collectivité dispose de leviers contractuels prévus dans la convention de mise à disposition-location du bien pour faire respecter les engagements de l'association.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l'amendement n° 25 rectifié quater.

M. Pierre Ouzoulias. À titre personnel, d'abord, je me demande vraiment si une mise à disposition gracieuse est conforme à l'article 2 de la loi de 1905, qui interdit le subventionnement des cultes.

Ensuite, vous l'avez dit, mes chers collègues, dans son arrêt du 18 mars 2024, le Conseil d'État énonce que l'existence d'une libéralité dépend de la durée et des modalités d'utilisation du bien communal, de l'éventuel avantage consenti et, si nécessaire, des raisons d'intérêt général ayant motivé la décision commune. Cette rédaction est beaucoup plus précise que celle du texte de la commission. Celui-ci mentionne des « conditions préférentielles », ce qui est beaucoup trop vague et marque un recul par rapport à la jurisprudence.

J'ajoute, pour notre collègue Claude Kern, que cet article ne vise que les associations. Or, en Alsace-Moselle, vous le savez, le culte est géré par des établissements publics (M. Claude Kern approuve.), ce qui signifie que l'on y appliquerait le régime actuel des cultes de « la France de l'intérieur », comme vous l'appelez. Je m'en réjouirais, mais je ne pense pas que telle soit l'intention de l'auteur de la proposition de loi.

Il me semble utile de mener une réflexion plus générale sur cet article. Une loi sur le sport n'est peut-être pas le véhicule législatif idéal pour traiter un sujet aussi difficile.

M. Max Brisson. Belle défense du Concordat ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Sans surprise, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Je m'étonne de la teneur des interventions successives. Soit vous n'avez pas la dernière version du texte issue des travaux de la commission, soit vous ne l'avez pas compris, soit vous avez le bon texte et vous l'avez bien compris, mais vous en faites une interprétation politicienne.

M. Pierre Ouzoulias. Jamais ! (Sourires.)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Je rappelle les termes de l'article tel qu'il est issu des travaux de la commission : « La collectivité territoriale propriétaire d'un équipement sportif détermine les conditions d'utilisation de cet équipement et des locaux attenants. » C'est très précis et on voit très bien de quoi il s'agit.

M. Michel Savin. Bien sûr !

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Je poursuis : « Leur utilisation pour la pratique sportive est exclusive de tout usage religieux, notamment comme salle de prière collective. » Pour ma part, je ne connais pas beaucoup de salles de prière qui ne soit pas collective.

Il n'est nullement interdit à un maire, et c'est précisé à l'alinéa 3, de signer un contrat avec une association cultuelle pour qu'une activité ou une manifestation de type religieux se déroule dans un local communal, dès lors que celle-ci est clairement décrite dans le contrat. Il n'y a là aucune entrave à la libre administration des collectivités locales.

En revanche, lorsque l'équipement sportif est confié à une association sportive pour y faire du sport, alors, selon nous, cet usage ne doit pas être dévoyé à des fins de prière collective.

Il n'y a donc pas dans notre texte d'entrave à l'exercice par les élus locaux de leurs prérogatives. Il ne s'oppose pas, monsieur Ouzoulias, à tel ou tel usage d'un local municipal pour des prières collectives. Simplement, nous ne voulons plus que des matchs de foot s'interrompent en pleine action pour qu'une prière ait lieu dans les vestiaires, voire sur le terrain.

M. Akli Mellouli. Ça n'existe pas, ça !

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Bien sûr que si ! Nous ne voulons plus que, lorsqu'un équipement a été confié à une association pour y faire du sport, celle-ci y fasse autre chose.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Manifestement, mes chers collègues, vous n'avez pas vécu la même expérience que moi lors de nos auditions. Je vous invite à relire les propos des personnes que nous avons entendues : elles nous relataient des faits très précis, ceux-là mêmes que je viens de rappeler. Nous avons des exemples de ces dérives.

C'est bien pourquoi cette proposition de loi est pertinente et cet article a tout lieu d'être. Par conséquent, la commission a évidemment émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l'article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Je veux faire, au nom du Gouvernement, plusieurs observations au sujet de ces cinq amendements de suppression de l'article 2.

Tout d'abord, je rappelle que le Gouvernement reste évidemment mobilisé pour lutter contre toutes les stratégies de contournement des règles existantes, notamment celles qui sont relatives à l'utilisation des équipements.

Je tiens aussi à rappeler que la loi du 24 août 2021 nous offre plusieurs outils. J'en citerai deux, sans entrer dans le détail, car tout le monde les connaît par cœur : le « déféré laïcité », qui permet au préfet d'agir, et le contrat d'engagement républicain, qui oblige les associations à respecter le caractère laïque de notre République.

Au bénéfice de ces observations, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ces cinq amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. On va changer un peu de religion, cela fera du bien…

Je veux d'abord rappeler, mes chers collègues, que je suis particulièrement opposé à la présence de crèches dans les bâtiments publics, parce que je suis partisan d'une application stricte de la loi de 1905.

Ensuite, je signale à votre attention l'existence de la Fédération sportive et culturelle de France ; cette association sportive chrétienne, qui se revendique comme telle, s'emploie à développer la pastorale par le sport. Elle dispose d'aumôniers, nommés par la Conférence des évêques de France ; or je suppose que, s'il y a des aumôniers, c'est pour qu'ils aillent jusque dans les vestiaires. Il faudrait donc, monsieur le rapporteur, que vous nous précisiez si, avec votre texte, les aumôniers ne pourront plus entrer dans les vestiaires.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Pendant le match !

M. Pierre Ouzoulias. Voilà une précision fort utile !

Cela étant entendu, je pense qu'il faut faire attention à la rédaction que vous retenez. Pour ma part, je l'ai dit, je suis plutôt favorable à ce que l'on revienne, dans un autre texte relatif à l'application de la loi de 1905, sur les conditions dans lesquelles les bâtiments publics sont mis à la disposition des cultes. En revanche, il ne me paraît pas opportun d'aborder cette question fondamentale et complexe au détour d'un article d'une proposition de loi relative au sport.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Je comprends l'avis de sagesse du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, en tant que maire, j'ai été confronté à une association sportive censée faire du football en salle, mais qui interrompait ses matchs pour une prière. Nous leur avons dit que, s'il en était ainsi, le gymnase municipal ne serait plus mis à leur disposition, et les prières ont cessé. Ils ont alors pu revenir ; on avait tout de même un gardien pour surveiller… En tout cas, si ces phénomènes existent bien, on a déjà les moyens d'y mettre fin.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Mais pas l'obligation ! Avec ce texte, ce serait obligatoire.

M. Bernard Fialaire. À mon sens, il est de l'obligation du maire de faire respecter la laïcité. C'est pourquoi j'estime que cet article est superfétatoire.

Mme Sylvie Robert. Comme toute la proposition de loi !

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. Je veux répéter ce que j'ai fait remarquer tout à l'heure dans la discussion générale : la direction nationale du renseignement territorial (DNRT, ex-service central de renseignement territorial), qui surveille le monde sportif amateur, a relevé des éléments inquiétants, tels que des prières sur des terrains de foot, ou des éducateurs fichés comme salafistes qui utilisent des tapis de prière dans les gymnases. Selon les auteurs de cette note, ce phénomène découle du repli communautaire observé dans plusieurs quartiers ; les fondamentalistes religieux y ciblent les jeunes en mêlant sport et pratique religieuse, notamment en transformant les vestiaires et gymnases en salles de prière. Ces phénomènes existent, on les observe aujourd'hui dans les équipements sportifs !

Je remercie le rapporteur d'avoir précisé les choses : rien dans ce texte n'empêchera un maire de mettre un équipement sportif municipal à la disposition d'un culte, pour une manifestation cultuelle. Ce texte servira à protéger le temps de la pratique sportive, afin que celle-ci ne soit pas dévoyée par la pratique religieuse. Peut-être des maires y veillent-ils déjà, mais d'autres ne le font pas ; il convient donc que la loi accompagne les maires pour leur donner un cadre juridique.

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.

M. Claude Kern. Je veux simplement apporter une réponse à notre collègue et ami Pierre Ouzoulias. Dans la mesure où les lieux de culte ne sont pas des lieux de pratique sportive, cet article ne remet pas en cause le Concordat.

M. Pierre Ouzoulias. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié ter, 5, 12, 19 rectifié et 25 rectifié quater.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Piednoir, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

sportive

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

exclut tout usage pour l'exercice d'un culte

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Nous avons eu des débats sur ce point en commission. Dans leur prolongation, nous proposons de remplacer le terme de « prière », qui n'est pas reconnu dans le droit français, par l'expression « exercice d'un culte » ; il s'agit donc, pour ainsi dire, d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Sagesse !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Article 3

Article 2 bis (nouveau)

La deuxième phrase du sixième alinéa de l'article L. 121-4 du code du sport est complétée par les mots : « ou si l'association sportive se soustrait délibérément aux obligations prévues aux articles L. 131-7-1 et L. 312-4-1 ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par Mme S. Robert, M. Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 13 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L'amendement n° 20 rectifié est présenté par Mme Cazebonne, MM. Patriat, Kulimoetoke, Lévrier, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Ramia et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Sylvie Robert., pour présenter l'amendement n° 6

Mme Sylvie Robert. Notre amendement vise à supprimer l'ajout, redondant, de nouvelles possibilités légales de retrait de l'agrément octroyé aux associations dans le cas où celles-ci, délibérément, n'auraient pas veillé à faire respecter les interdictions nouvelles figurant dans cette proposition de loi, à savoir les interdictions de port de signes et de tenues d'appartenance religieuse ou politique pendant les compétitions et d'utilisation comme salle de prière collective d'un local sportif. Le retrait d'agrément emporte évidemment celui de l'aide qu'elles peuvent recevoir de l'État une fois agréées par le préfet.

Ce retrait d'agrément est déjà permis par notre droit en cas de non-respect du principe de laïcité, puisque cela contrevient au contrat d'engagement républicain que les clubs sportifs doivent signer préalablement à l'octroi de l'agrément.

Permettez-moi à cette occasion de relever combien il est paradoxal que la droite sénatoriale, qui a bataillé – on se souvient de nos débats dans cet hémicycle – pour imposer la signature de ce contrat par toutes les associations sportives, jusqu'aux fédérations, et en faire une condition sine qua non de l'agrément, propose aujourd'hui une nouvelle voie législative de retrait de l'agrément de ces associations.

De surcroît, il paraît pour le moins étrange que le présent article renvoie au dispositif de l'article 2, car on ne voit pas sur quel fondement un club sportif pourrait être tenu pour responsable de l'utilisation à des fins cultuelles d'un équipement sportif appartenant à la commune et non au club lui-même.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l'amendement n° 13.

Mme Mathilde Ollivier. Je le considère comme défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour présenter l'amendement n° 20 rectifié.

Mme Samantha Cazebonne. La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a instauré le contrat d'engagement républicain. Les associations sportives qui méconnaîtraient ce contrat peuvent déjà se voir infliger une suspension, voire un retrait, de leur agrément.

Si le rapporteur de la présente proposition de loi pointe du doigt le faible nombre de suspensions prononcées depuis l'entrée en vigueur de ladite loi, la solution ne réside pas pour autant en la création d'une nouvelle règle. Il convient au contraire de faire monter en charge les outils existants, de mieux les faire connaître auprès des associations sportives et d'augmenter le nombre de contrôles.

C'est pourquoi, par cet amendement, le groupe RDPI propose de supprimer cet article 2 bis, qui est déjà satisfait par le droit existant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Je ne comprends pas très bien l'argumentaire des auteurs de ces amendements ; il me semble que nous sommes d'accord.

Différentes positions se sont exprimées sur le contrat d'engagement républicain, son extension et la force qu'on lui donne. Sur le terrain, il est plutôt ressenti comme une formalité administrative, mais peu importe, puisque nous mettons en place, au moyen de cet article, une sanction concrète du non-respect des dispositions de cette proposition de loi, sanction qui ne peut que renforcer le contrat d'engagement républicain. Par définition, le dispositif des deux premiers articles du présent texte ne peut pas être inclus dans le périmètre du contrat, puisque celui-ci a été défini antérieurement.

Dès lors, si l'on veut renforcer la portée du contrat, comme vous semblez le souhaiter, il me paraît cohérent d'y intégrer les nouvelles dispositions que nous adoptons, au moyen de l'article 2 bis ; toujours dans cet esprit de cohérence, il conviendrait donc de retirer les amendements de suppression de cet article et de l'adopter.

C'est pourquoi l'avis de la commission sur ces amendements identiques est évidemment défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Sur ces trois amendements identiques, dans la logique des observations que j'ai exposées sur l'article précédent, et dans un souci de constance dans la « jurisprudence » du Gouvernement, nous nous en remettons de nouveau à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Pour aller dans le sens des excellents propos de notre rapporteur, je veux souligner que, si le contrat d'engagement républicain a le mérite d'exister, il n'en est pas moins une simple formalité administrative, une ligne à cocher dans un formulaire Cerfa.

Par ailleurs, il est vrai que les préfectures ne disposent pas d'assez de moyens pour contrôler le respect par les associations de ces différentes obligations. Renforcer les obligations en la matière n'est donc pas une mauvaise chose.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je veux juste rappeler que Dominique Vérien et moi-même avons réalisé, en tant qu'anciennes rapporteures du projet de loi confortant le respect des principes de la République, une évaluation de l'application de ce texte ; M. le ministre s'en souvient, puisqu'il était alors président de notre commission des lois. À cette occasion, nous avons été les premières à souligner que le contrat d'engagement républicain ne servait quasiment à rien, puisque c'était juste un document à signer, sans aucun contrôle. On signe un papier sans trop savoir ce qu'il y a dedans, et tout le monde et content !

Nous avions donc bien pointé ce problème, M. le ministre peut en témoigner. J'estime donc qu'il est vraiment nécessaire aujourd'hui de renforcer un certain nombre de dispositifs.

M. Fabien Gay. Cela ne sert à rien, alors allons plus loin encore !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 13 et 20 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Avant le mot :

ou

insérer les mots :

si elle est coupable de discrimination au sens du deuxième alinéa de l'article 225-1 du code pénal,

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. À l'inverse de l'article 2 bis, cet amendement a pour objet une mesure de justice et de cohérence : permettre le retrait de l'agrément d'une association lorsque celle-ci est reconnue coupable de discrimination au sens de l'article 225-1 du code pénal.

Vous proposez, monsieur le rapporteur, qu'une association sportive perde son agrément si certains de ses membres portent un signe religieux ou politique en compétition, alors même que cela ne relève ni d'une infraction pénale ni d'une atteinte au bon fonctionnement du sport. En revanche, une association condamnée pour discrimination raciale, sexiste ou homophobe pourra continuer à bénéficier de son agrément et de ses aides publiques. Cette incohérence est inacceptable ! Comment justifier que l'expression d'une croyance religieuse soit plus sévèrement réprimée que des actes de discrimination avérés ? Plutôt que de stigmatiser, nous devons mettre la lutte contre les discriminations au cœur des priorités du monde sportif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Les pratiques discriminatoires sont déjà sanctionnées par le code pénal. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.

Je profite de cette occasion pour apporter une précision sur les saluts nazis, qui ont été évoqués tout à l'heure. Ceux-ci constituent un appel à la haine ; à ce titre, s'ils ne rentrent pas dans le champ de cette proposition de loi, ils sont condamnables pénalement, comme l'ensemble des pratiques discriminatoires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Madame la sénatrice, l'objet de votre amendement est d'ajouter, parmi les causes de retrait de l'agrément préfectoral, la commission d'une infraction de discrimination, comprise au sens des dispositions de l'article 225-1 du code pénal.

Le Gouvernement est naturellement favorable à de tels retraits d'agrément, pour les personnes physiques comme morales qui ne respecteraient pas la loi. Cependant, comme l'a fait remarquer le rapporteur, cet amendement est satisfait. En effet, aux termes des dispositions de l'article L. 121-4 du code du sport, le préfet « suspend ou retire l'agrément si les activités ou les modalités selon lesquelles l'association sportive les poursuit méconnaissent le contrat d'engagement républicain qu'elle a souscrit ». Les choses sont donc claires.

Je me permettrai aussi de rappeler que le contrat d'engagement républicain stipule bien que l'association s'engage à « respecter les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine », ce qui est incompatible avec la commission d'infractions de discrimination, et à « s'abstenir de toute action portant atteinte à l'ordre public », ce qui est aussi incompatible avec la commission de toute infraction.

Dans ces conditions, nous considérons que le droit positif suffit à satisfaire votre demande, madame la sénatrice. Nous vous invitons donc à retirer votre amendement ; à défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.

M. Yannick Jadot. Monsieur le ministre, il faudra m'expliquer pourquoi on continue d'entendre des chants homophobes dans les stades s'il s'agit d'un délit. Je n'ai pas vu un seul stade fermé sur ce fondement, je n'ai pas vu prononcer d'interdiction de présence du public, et ce même quand ces chants homophobes émanent d'associations de supporters reconnues par les clubs de football.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.

(L'article 2 bis est adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Après l'article 3

Article 3

La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III du code du sport est complétée par un article L. 312-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 312-11-1. – Le règlement d'utilisation d'une piscine ou d'une baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité. Il assure l'égalité de traitement des usagers. Il ne peut pas prévoir d'adaptation susceptible de nuire au bon fonctionnement du service ou de porter atteinte à l'ordre public. Il prohibe, en particulier, le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 3 rectifié ter est présenté par M. Fialaire, Mme Jouve, M. Laouedj, Mme M. Carrère, M. Bilhac, Mme Briante Guillemont, MM. Cabanel, Gold, Grosvalet, Masset, Roux et Ruel, Mme Pantel et M. Guiol.

L'amendement n° 7 est présenté par Mme S. Robert, M. Kanner, Mmes Monier et Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L'amendement n° 16 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L'amendement n° 21 rectifié est présenté par Mme Cazebonne, MM. Patriat, Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile, Mme Ramia et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

L'amendement n° 26 rectifié quater est présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mmes Corbière Naminzo et Apourceau-Poly, MM. Barros, Brossat et Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Silvani, M. Xowie et Mme Varaillas.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l'amendement n° 3 rectifié ter.

M. Bernard Fialaire. L'article 3 vise à interdire le port de signes religieux visibles dans les piscines et les baignades artificielles publiques, ce qui créerait une confusion entre la neutralité du service public, qui concerne ses agents, et la liberté des usagers, qui peuvent exprimer leurs convictions tant que l'ordre public est respecté. Aujourd'hui, les autorités peuvent d'ailleurs déjà interdire une tenue pour des raisons d'hygiène ou de sécurité.

De la sorte, cet article remet en cause l'équilibre de la loi de 1905, qui garantit à la fois la neutralité des institutions et la liberté de conscience des citoyens.

Nous proposons donc d'adopter cet amendement de suppression de l'article 3, afin de préserver cet équilibre fondamental entre la neutralité des services publics et la liberté de conscience.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l'amendement n° 7.

M. Jean-Jacques Lozach. Nous proposons également la suppression de cet article.

En effet, ce dispositif, d'ordre réglementaire, va à l'encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales. De plus, sa portée va au-delà de la jurisprudence du Conseil d'État. La formulation de l'amendement reprend certes celle de la décision rendue par le Conseil d'État le 21 juin 2022, mais elle en accentue la portée. En effet, la rédaction retenue par la commission englobe le port de signes manifestant ostensiblement une appartenance politique et non pas seulement le port de signes religieux. Là encore, l'amalgame est peu compréhensible et ne répond à aucune logique juridique.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l'amendement n° 16.

Mme Mathilde Ollivier. Nous aurons rappelé les principes de la laïcité et de la neutralité religieuse au moins une cinquantaine de fois pendant cette séance…

En défendant cet amendement, nous exprimons notre refus de l'imposition d'une interdiction généralisée des tenues et signes religieux dans les piscines municipales. Une telle mesure va à l'encontre du droit en vigueur, du principe de laïcité et de la libre administration des collectivités territoriales. Les principes de neutralité religieuse et de laïcité s'appliquent aux agents du service public et non à ses usagers.

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour présenter l'amendement n° 21 rectifié.

Mme Samantha Cazebonne. Pour nous aussi, l'article 3 est satisfait par le droit existant.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié quater.

M. Pierre Ouzoulias. Pour ma part, je souhaite citer la décision prise le 21 juin 2022 par le Conseil d'État, parce qu'elle est extrêmement claire et très forte. Pardonnez-moi, mes chers collègues, si le passage que je vais vous lire vous paraît un peu long.

Voici ce qu'écrit le Conseil d'État : « lorsqu'il prend en compte pour l'organisation du service public les convictions religieuses de certains usagers, le gestionnaire de ce service ne peut procéder à des adaptations qui porteraient atteinte à l'ordre public ou qui nuiraient au bon fonctionnement du service, notamment en ce que, par leur caractère fortement dérogatoire par rapport aux règles de droit commun et sans réelle justification, elles rendraient plus difficile le respect de ces règles par les usagers ne bénéficiant pas de la dérogation ou se traduiraient par une rupture caractérisée de l'égalité de traitement des usagers ». Le style est bien celui de la juridiction administrative suprême, c'est un peu long, mais on trouve là des principes d'une grande force : le bon fonctionnement du service public, le respect des règles collectives, ou encore la rupture caractérisée de l'égalité de traitement des usagers.

Ce que je regrette une nouvelle fois, monsieur le rapporteur, c'est que, dans la rédaction que vous avez retenue pour cet article, vous ne prenez pas en compte la totalité de ces critères. Il y en a un qui est oublié : le critère de respect des règles collectives. Je veux bien que, par la loi, on reprenne de façon presque intégrale la jurisprudence qui est en vigueur ; en revanche, ce qui est plus difficile à admettre, c'est que vous nous proposiez de placer cette disposition législative en dessous de la jurisprudence, ou plutôt de la rendre d'application plus délicate.

C'est pour cette raison que, comme pour l'article 2, nous proposons la suppression du présent article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Il est défavorable, comme sur tous les amendements de suppression d'articles que nous avons examinés depuis le début de la discussion de ce texte.

Clarifions bien les choses. L'article 3 impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines et les baignades artificielles publiques. Il se fonde, comme vient de le dire notre collègue, sur la jurisprudence définie par le Conseil d'État le 21 juin 2022, où s'exprime notamment un principe d'égalité de traitement des usagers, au-delà du principe d'égalité qui s'impose aux agents.

D'après cette haute juridiction, il n'est pas possible de prévoir des dérogations aux règles communes qui soient telles qu'elles porteraient atteinte à l'ordre public, notamment parce qu'elles seraient de nature à rendre plus difficile le respect de ces règles par les autres usagers. C'est le principe même que nous avons évoqué tout au long de cette proposition de loi. Simplement dit, il ne faut pas de singularité au sein des espaces publics que sont les piscines ou les baignades artificielles publiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de ces cinq amendements identiques au profit de l'amendement n° 32 du Gouvernement, par lequel nous proposons une réécriture du présent article. À défaut de ce retrait, l'avis sera défavorable.

Afin de justifier cet avis, il convient que je présente par anticipation l'amendement n° 32. La rédaction que nous proposons pour l'article 3 est tout à fait respectueuse de l'équilibre constitutionnel entre la liberté de conscience, d'une part, et le bon fonctionnement du service public, d'autre part.

La nécessité de cet équilibre a été rappelée par le Conseil d'État dans sa décision du 21 juin 2022, relative au règlement des piscines municipales de la ville de Grenoble. Le Conseil d'État a précisé à cette occasion que le gestionnaire d'un service public est tenu « de veiller au respect de la neutralité du service et notamment de l'égalité du traitement des usagers ». Autrement dit, la règle doit être la même pour tous. Il n'est pas possible de procéder à des adaptations pour un public particulier, notamment pour des raisons religieuses.

Je rappelle que les dispositions de l'article premier de la Constitution interdisent en effet à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre les collectivités publiques et les particuliers, donc leurs usagers.

Cet article, dans la rédaction que nous vous proposons d'adopter au travers de l'amendement n° 32, vise à codifier cette décision du Conseil d'État. C'est pourquoi nous vous invitons à retirer les présents amendements identiques à son profit.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Mme Frédérique Puissat. Nous avons entendu l'argument du Gouvernement et nous aurons l'occasion de débattre de son amendement n° 32, mais je veux à cet instant m'exprimer sur l'article 3, pour faire état de ce que nous vivons.

Vous n'ignorez pas, mes chers collègues, ce qui s'est passé dans la ville de Grenoble : les articles de presse publiés à ce sujet ont défrayé la chronique, et M. le ministre en a encore parlé tout à l'heure. Un ancien maire de Grenoble, qui n'était pas de ma sensibilité politique, nous avait d'ailleurs demandé d'adopter une position très claire sur la question du règlement des piscines municipales. Il me semble que l'article 3 de cette proposition de loi répond parfaitement à cette attente.

Grenoble et l'Isère dans son ensemble subissent de fortes tensions. Il est donc impératif que nous préservions cet article ; ainsi seulement nous pourrons faire baisser la tension à Grenoble, mais aussi au-delà. Je veux à cet égard remercier Michel Savin de s'être saisi de cet enjeu afin que nous puissions, au travers de ce texte législatif, résoudre ce réel problème auquel fait face le département de l'Isère.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Pour être claire, on parle ici du burkini et pas d'autre chose. Je suis étonnée de ce débat ; de fait, depuis le début de l'examen de ce texte, on ne parle que des femmes, qu'il s'agisse du burkini, du voile ou du hidjab. Mais pourquoi ne parle-t-on que des femmes ? Tout simplement, parce que celles-ci sont aujourd'hui l'outil majeur des islamistes dans le monde. Les islamistes se servent des femmes pour avancer ; personne n'en parle ici, personne ne veut l'admettre, mais c'est une réalité.

On voit ce qui s'est passé à Grenoble, on sait qui est derrière ces événements, on connaît ces associations, qui étaient entre les mains du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), dont je rappelle qu'il a été dissous. Or aujourd'hui, force est de constater, sauf à s'enfermer dans le déni, que les islamistes utilisent les femmes pour concrétiser leur volonté de construire l'oumma, cette communauté internationale.

Pour ma part, je suis choquée que l'on ne parle pas de cela. Les hommes, eux, dans les piscines, ils font ce qu'ils veulent, sans problème : ces islamistes ne leur imposent aucune tenue particulière. On ne parle donc que des femmes.

Alors, mes chers collègues, réfléchissons à ce que nous écrivons. Quant à moi, je pense que cet article est important et qu'il convient par conséquent de s'opposer à ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

M. Guillaume Gontard. Ce que vient de dire Mme Eustache-Brinio est extrêmement intéressant : ces propos démontrent parfaitement ce que vous pointez du doigt à travers ce texte. Oui, mes chers collègues, c'est vous qui stigmatisez les femmes ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Non, nous les protégeons !

M. Guillaume Gontard. Je suis d'accord avec vous sur un point : depuis tout à l'heure, on ne parle que des femmes.

M. Jacques Grosperrin. Parce que vous les avez oubliées !

M. Guillaume Gontard. Mais que fait-on, je le demande une nouvelle fois, que fait-on dans la réalité pour que les piscines soient des zones de neutralité ?

La situation de Grenoble vient d'être évoquée. Eh bien, il y a dans cette ville un règlement des piscines municipales, et il me semble que les choses ne se passent pas trop mal. Ce règlement – relisez-le, mes chers collègues ! – est assez simple, il me semble qu'il est identique à celui de Rennes. Il se concentre sur la nécessité d'une tenue sportive et sanitaire, un point c'est tout ; ce n'est pas plus compliqué que cela !

Il ne faut surtout pas stigmatiser telle ou telle religion. En outre, avec ce que vous proposez à cet article, on va vers une absurdité totale. Vous savez très bien qu'en interdisant tout signe religieux ostentatoire, on va interdire la piscine à un certain nombre de personnes, et pas forcément ceux que vous souhaitez exclure : ainsi, avec votre proposition, quelqu'un qui voudrait masquer un tatouage d'ordre religieux en portant une tenue qui le recouvrirait ne pourrait pas le faire !

M. Guillaume Gontard. La solution est très simple : un règlement tel que celui que j'ai évoqué.

Par ailleurs, on entend régulièrement, du côté droit de cet hémicycle, et récemment encore lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, dire qu'il faut faire confiance aux élus, faire confiance aux maires ! Mais faites-leur confiance sur ce sujet aussi ! Ils ont adopté un règlement, ils peuvent y travailler encore. Vous avez invoqué le cas de Grenoble : quand le règlement n'allait pas dans le bon sens, eh bien, le Conseil d'État a remis très clairement les choses en ordre, ce dont je me satisfais tout à fait, et le règlement en vigueur aujourd'hui est parfait.

Alors, mes chers collègues, en ajoutant de la polémique sur de la polémique, je ne sais pas à quoi vous jouez, sinon, comme on l'a vu tout à l'heure, à réveiller la bête immonde !

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je ne voudrais pas faire du juridisme facile, mais il faudrait tout de même, mes chers collègues, que vous lisiez la façon dont les juristes se sont emparés de la décision précitée du Conseil d'État, qui est tout à fait exceptionnelle. Les juristes nous expliquent que ce qui a motivé le Conseil d'État, ce n'est pas la loi de 1905, ce n'est pas la laïcité, c'est tout à fait autre chose : le respect des règles collectives et l'égalité de traitement des usagers du service public. Ce sont donc deux autres règles de droit qui s'imposent en l'occurrence, complètement en dehors de l'application de la loi de 1905.

Monsieur le rapporteur, j'entends votre argument ; seulement, dans la rédaction que vous nous soumettez, on ne trouve pas le respect des règles collectives ; voilà ce qui me gêne.

J'estime donc qu'il faut continuer de travailler sur ce sujet. J'approuverai volontiers une transposition législative de la décision du Conseil d'État du 21 juin 2022, mais elle doit être intégrale. Or, dans la version que vous nous proposez, il manque un certain nombre de points.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. Cet article vise à répondre à des événements qui se sont produits ou se produisent dans des piscines et d'autres équipements nautiques : des événements qui ont nécessité l'intervention des forces de l'ordre,…

M. Michel Savin. … des événements qui ont nécessité la sortie de l'ensemble des baigneurs, parce que la situation était difficilement maîtrisable !

Le maire de Grenoble demande à être soutenu par la loi, souhaite que celle-ci fixe un cadre. (M. Guillaume Gontard s'exclame.) Certains maires seront en grandes difficultés pour adopter un règlement dans ce type de situation, car ils ne veulent pas aller au conflit, ce que l'on peut entendre.

Aidons-les donc. Notre rôle en tant que législateurs est de poser un cadre, de préciser les règles applicables dans des lieux tels qu'une piscine ou un équipement nautique et d'indiquer que le port de signes religieux n'y est pas admis. Point. Cela permettra aux maires d'être en totale adéquation avec la loi.

Aujourd'hui, je l'ai dit, l'intervention de forces de l'ordre est encore nécessaire dans certains cas. Il existe même des associations militantes qui essaient de fragiliser le cadre existant.

La loi doit définir un cadre. Tel est l'objet de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Pierre Ouzoulias en a parlé, il faut bien comprendre la jurisprudence du Conseil d'État : le port du burkini porterait atteinte au bon fonctionnement des piscines en posant un problème d'hygiène. (M. Pierre Ouzoulias acquiesce.)

L'article 3 n'a pas trait au bon fonctionnement des piscines : il vise à étendre à un nouvel espace les exceptions au principe de laïcité et à restreindre la liberté de conscience. Il y a là encore une fois une confusion, que l'on voit aussi dans les fédérations sportives quand on parle de règlements, entre des questions de sécurité, de bon fonctionnement ou d'hygiène et les règles de neutralité applicables aux agents du service public, mais non aux usagers.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié ter, 7, 16, 21 rectifié et 26 rectifié quater.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III du code du sport est complétée par un article L. 312-11-… ainsi rédigé :

« Art. L. 312-11-….- Le règlement d'utilisation d'une piscine ou d'une baignade artificielle publique à usage collectif assure le respect du principe de laïcité qui s'applique aux agents du service. 

« Les dispositions relatives à la réglementation de la tenue de bain des usagers ne peuvent avoir pour objet ou pour effet d'exclure certaines tenues de bain si elles ne portent pas atteinte à l'hygiène, à la sécurité, au fonctionnement du service ou aux droits des autres usagers. »

II. – L'article L. 2122-24 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures de police édictées par les maires de communes littorales en vue de réglementer l'accès à la plage et la pratique de la baignade ne peuvent avoir pour objet ou pour effet d'interdire l'accès aux plages aux personnes portant des tenues manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse si ces mesures ne sont pas justifiées par des risques avérés d'atteinte à la sécurité de la baignade, à l'hygiène, à la tranquillité et au bon accès au rivage, et par des circonstances de temps et de lieux. Les mesures doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux seules nécessités de protection de l'ordre public. »

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Il s'agit de mettre un terme aux interdictions abusives de certaines tenues de bain dans les piscines municipales et sur les plages lorsqu'elles ne sont pas justifiées par des impératifs d'ordre public ou d'hygiène.

Depuis plusieurs années, certaines municipalités cherchent à interdire le port de tenues de bain couvrantes, notamment le burkini, sans que cela repose ni sur des impératifs d'hygiène ni sur des motifs d'ordre public.

Le Conseil d'État lui-même a rappelé en 2016 que ces interdictions portaient une atteinte grave aux libertés individuelles, en particulier à la liberté d'aller et venir, à la liberté de conscience et à la liberté individuelle.

Nous faisons face ici à une dérive inquiétante : des décisions administratives visent directement une partie de la population non pas pour des raisons de sécurité ou de santé publique, mais pour des considérations politiques et idéologiques.

Cet amendement a donc pour objet de poser un cadre clair : les interdictions de tenues de bain ne peuvent être fondées que sur des motifs d'ordre public ou des raisons d'hygiène.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Les auteurs de l'amendement proposent une nouvelle rédaction de l'article 3, qui limiterait la possibilité de réglementer les tenues de bain envisagée par l'auteur de la proposition de loi. Il vise ainsi à revenir sur la jurisprudence du Conseil d'État de 2022.

Nous préférons nous en tenir aux termes de l'ordonnance du Conseil d'État, fondés sur le respect de l'ordre public et de l'égalité de traitement des usagers.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. La première partie de l'amendement est satisfaite par les dispositions de l'article 3.

En ce qui concerne l'encadrement des mesures de police pour l'accès aux plages et à la baignade, le juge administratif contrôle déjà strictement le respect des principes de nécessité et de proportionnalité. Sur ce point, la jurisprudence est d'ailleurs d'une clarté absolue : il suffit de se référer à l'arrêt du Conseil d'État du 17 juillet 2023, que l'on peut considérer comme un arrêt de principe.

Le Gouvernement émet donc lui aussi un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Première phrase

Remplacer les mots :

des services publics

par les mots :

du service public

2° Dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il prohibe notamment le port de signes ou de tenues susceptibles d'y contrevenir.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Le Gouvernement propose une formulation moins explicite que celle de l'article 3.

Il s'agit d'interdire tout signe ou tenue susceptible de contrevenir au bon fonctionnement des piscines ou de porter atteinte à l'ordre public dans ces espaces. Il me semble que la loi doit trancher, pour avoir l'assurance que la même règle s'applique partout et, ainsi, éviter la multiplication des contentieux.

L'amendement n'ayant pas été examiné en commission, c'est à titre personnel que je m'en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Article 4 (nouveau) (début)

Après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Demas, M. H. Leroy, Mmes V. Boyer et Garnier, MM. Mouiller, Allizard et Belin, Mmes Bellurot et Belrhiti, MM. Bruyen, Chatillon et de Legge, Mmes Di Folco, Dumont, Evren et Gruny, M. Hugonet, Mmes Josende et Lavarde, M. Lefèvre, Mmes Lopez et P. Martin, M. Meignen, Mme Nédélec, MM. Paumier, Pellevat, Reichardt et Savin et Mme Valente Le Hir, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le II de l'article L. 212-9 du code du sport, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – En outre, nul ne peut enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive auprès des mineurs s'il est inscrit au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. »

La parole est à Mme Patricia Demas.

Mme Patricia Demas. Cet amendement de ma collègue Alexandra Borchio Fontimp vise à renforcer les contraintes d'honorabilité qui pèsent sur les éducateurs sportifs, particulièrement lorsqu'ils sont au contact de mineurs.

Au moment où l'actualité ne cesse de mettre en exergue la dangerosité de l'islam radical sur notre territoire national, il est urgent de protéger dans les clubs sportifs nos plus jeunes concitoyens d'un quelconque prosélytisme, contraire aux valeurs de la République et au principe de laïcité.

Le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) présente l'avantage d'être ciblé sur la radicalisation islamiste. L'inscription de ces personnes dans ce fichier justifie qu'elles fassent l'objet d'une attention toute particulière.

Par conséquent, il s'agit d'interdire à toute personne d'enseigner, d'animer ou d'encadrer une activité physique ou sportive auprès des mineurs si elle est inscrite dans le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur. Le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste est un fichier de renseignement créé par un décret du 5 mars 2015, peu après les attentats de janvier 2015.

Les données qu'il contient sont classifiées et ne sont partagées qu'avec les services de plusieurs ministères engagés dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation violente. Seuls les destinataires habilités peuvent accéder aux données contenues dans ce fichier.

Le principe du FSPRT est celui d'un suivi opérationnel par les services. Ce suivi à caractère préventif peut être clôturé à tout moment. Il a par ailleurs vocation à rester discret. Les personnes qui y sont inscrites n'ont pas fait l'objet d'une condamnation, elles ne peuvent donc en aucun cas être privées de droits, y compris de la faculté de jouer un rôle d'éducateur auprès de jeunes enfants. Le seul objectif de ce fichier est la prévention.

Néanmoins, la question soulevée par cet amendement est évidemment importante. Nous la traitons à l'article 4 introduit par la commission, qui reprend une proposition des députés Éric Diard et Éric Poulliat, dans un rapport d'information de 2019 sur les services publics face à la radicalisation.

À l'article 4, nous envisageons de permettre la réalisation d'enquêtes administratives préalablement à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif, comme c'est déjà le cas pour l'accès à certains emplois dans les domaines de la sécurité et de la souveraineté ou pour l'accès à des sites et événements particulièrement sensibles.

L'enquête administrative doit permettre de détecter si la personne est habilitée à exercer son activité d'éducateur sportif auprès de jeunes enfants, mais, sans condamnation, il ne peut y avoir préalablement de privation de droits.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, ministre. Cet amendement sera satisfait par l'adoption de l'article 4. L'ensemble des contrôles qui sont préconisés préalablement à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif seront effectués dans le cadre de l'enquête administrative, conformément aux dispositions de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. J'ai cosigné cet amendement, en me fondant sur mon expérience d'entraîneur fédéral. Je n'ai pas de carte professionnelle, mais j'ai obtenu un certain nombre de certifications qui m'autorisent à encadrer des groupes d'enfants tout en étant assurée par ma fédération.

La loi visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport adoptée il y a quelques mois prévoit la vérification du casier judiciaire des entraîneurs. Pour autant, par cet amendement, on vise des personnes qui ne sont pas couvertes par l'article 4, lequel ne concerne que les entraîneurs titulaires d'un diplôme d'État, et non les entraîneurs dit fédéraux, qui peuvent aussi s'occuper d'enfants.

Peut-être faudrait-il compléter l'article 4, car un grand nombre de fédérations fonctionnent avec des bénévoles, des citoyens qui décident de s'engager dans les structures sportives.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. Madame Lavarde, la référence aux dispositions de l'article L. 114-1 permet d'avoir accès à l'ensemble des fichiers sans aucune difficulté.

En revanche, le point particulier que vous soulevez mérite vérification. Nous profiterons de la navette parlementaire pour le faire : très honnêtement, je ne suis pas capable de vous donner une réponse précise ou exacte en cet instant.

M. le président. Madame Demas, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

Mme Patricia Demas. Dans l'attente de la navette parlementaire, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.

Après l'article 3
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
Article 4 (nouveau) (fin)

Article 4 (nouveau)

Au premier alinéa du I de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « courses », sont insérés les mots : « soit la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif, » – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Je regrette beaucoup la teneur de notre débat, même si je n'en suis pas surprise.

Alors que notre société est déjà très polarisée, les sujets que nos collègues du groupe Les Républicains choisissent d'aborder ne font que fracturer, nourrir la division – on a vu combien nos débats se sont enflammés sur l'article 1er – et vont à l'encontre de notre vivre ensemble. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je le dis d'autant plus fortement que cette proposition de loi est la septième tentative de légiférer sur le voile. On a parlé des accompagnatrices scolaires. Souvenez-vous, nous avons aussi débattu du contrat d'engagement républicain.

J'en déduis donc que cette proposition de loi a bien une visée politique. Elle instrumentalise la laïcité, tout simplement pour stigmatiser une religion, de façon cohérente avec tous les débats que nous avons eus ces dernières années.

Chers collègues du groupe Les Républicains, pensez-vous véritablement que cette proposition de loi va régler les quelques problèmes observés et détectés par les fédérations ? Jean-Jacques Lozach l'a dit, le mouvement sportif n'est pas demandeur de ce texte. (Ce n'est pas vrai ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Pensez-vous réellement que cette proposition de loi va régler tous ces cas ?

Nous sommes loin d'avoir envisagé dans ce débat le sport comme un facteur d'intégration. Il aurait fallu prévoir d'accompagner, peut-être plus encore aujourd'hui, les éducateurs sportifs, mais aussi les collectivités qui rencontrent des problèmes. Ce n'est pas en dévoyant le concept de laïcité que nous avancerons sur un sujet aussi important dans notre société. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je me ferai la voix de la majorité du groupe CRCE-K.

Vous l'avez entendu, nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous regrettons vivement de ne pas avoir procédé à une transposition dans le droit français de la Charte olympique. C'est un texte qu'il faut défendre, alors qu'il est attaqué et qu'il va encore l'être.

Je pense que cela aurait été l'honneur de la France, qui est tout de même la patrie de l'olympisme, d'affirmer de manière solennelle que nous tenons à la Charte olympique, notamment à son article 50.2, qui propose une définition nettement plus englobante. J'observe d'ailleurs que l'article 1er des statuts de la Fédération française de football est très proche de cet article de la Charte olympique.

Les articles 3 et 4 cette proposition de loi posent selon nous des difficultés de principe, de droit, sur des sujets fondamentaux que l'on ne peut pas traiter lors d'un simple débat sur le sport : la mise à disposition des bâtiments publics pour les cultes et l'égalité de traitement des usagers dans les services publics, notamment le service public du sport. Il faut retravailler ces sujets.

Par ailleurs, je demande de nouveau au Gouvernement – M. le ministre au banc voudra bien transmettre mon message à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative – de retravailler la question de la délégation de service public aux fédérations. Celles-ci ont besoin aujourd'hui d'un cadre beaucoup plus précis, elles nous le demandent.

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Nos débats ce soir ont bien montré qu'il y avait un clivage.

M. Thomas Dossus. Vous remettez une pièce dans la machine, là !

M. Max Brisson. Je le dis à nos collègues de gauche, maintenant que les débats se sont calmés : vous ne voulez pas voir la réalité en face ! Vous êtes dans le déni. (Mme Sylvie Robert s'exclame.)

Excusez-nous, mais, nous, nous entendons le milieu sportif, qui demande un certain nombre de précisions. Il attend que la loi l'épaule. Nous constatons aujourd'hui que, pour des raisons idéologiques, vous ne voulez pas voir que les choses ont évolué.

Pour ma part, je remercie Michel Savin d'avoir proposé ce texte et je remercie le rapporteur Stéphane Piednoir de l'avoir amélioré. Ce texte est certainement imparfait, mais il a au moins le mérite d'aborder un problème que vous niez.

Mme Sylvie Robert. Mais non !

M. Max Brisson. Ainsi, il cherche à apporter un certain nombre de réponses, qui peuvent encore être améliorées. Le cadre peut certainement être davantage travaillé, mais, je le répète, il faut apporter des réponses. Le mouvement sportif attend que nous fassions preuve de courage et que nous ne le laissions pas seul face aux situations qu'il doit traiter.

Avec ce texte, nous avons avancé. Je pense franchement que, en le votant, nous sommes fidèles aux pères fondateurs de la laïcité, à ceux qui se sont battus pour elle. C'est vous qui êtes en train aujourd'hui d'oublier cet héritage.

M. Thomas Dossus. C'est de l'usurpation et du dévoiement !

M. Max Brisson. Ce que je sais, c'est que les jeunes filles dont nous avons parlé tout au long de cette soirée, nous ne les stigmatisons pas,...

M. Max Brisson. ... nous cherchons au contraire à les protéger. (Protestations sur les travées du groupe GEST.)

Ce que je sais, c'est que depuis le XIXe siècle, dans tous les combats pour la laïcité, l'enjeu, ce sont toujours les jeunes filles. Je constate malheureusement que vous avez oublié le combat de ceux qui furent plutôt de votre bord politique, qui consista avant tout à protéger les jeunes femmes. Ce soir, c'est nous qui avons pensé à elles, c'est nous qui l'avons fait ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cette proposition de loi va à l'encontre du droit européen et du droit international relatifs aux droits humains. Elle va à l'encontre de notre Constitution, qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle va à l'encontre du code du sport, qui garantit la liberté de pratiques sportives sans discrimination d'aucune sorte.

Alors que le sport doit être un vecteur d'apprentissage de la citoyenneté, d'émancipation et de cohésion sociale, cette proposition de loi vient exclure de la pratique sportive des citoyens français. Elle risque en particulier d'éloigner les femmes portant le voile de la pratique sportive, alors que les femmes sont déjà plus éloignées du sport que les hommes.

Cette proposition de loi est donc discriminatoire. Elle stigmatise non seulement la communauté musulmane, mais plus particulièrement les femmes musulmanes, ces femmes dont nous avons parlé tout l'après-midi, mais que nous n'avons pas pris le temps d'écouter, qui portent le voile et subissent des discriminations tout au long de leur vie.

La liste de ces discriminations est longue : agressions verbales, agressions physiques, discriminations lors de la recherche d'un logement, discriminations lors des contrôles de police, discriminations dans le monde du travail, que ce soit lors de la recherche d'un emploi ou tout au long de la carrière professionnelle.

Par ailleurs, comment comptez-vous appliquer cette loi dans les communes ou les départements majoritairement musulmans, par exemple Mayotte ? Voulez-vous en faire des zones de non-droit ?

Les territoires où l'intégration et la cohésion sociale sont des réussites ne sont pas ceux où les communautés se sont montrées du doigt ou se sont tourné le dos. À La Réunion, je vous le redis, nous avons choisi le chemin du partage et de l'échange. Chez nous, la laïcité vit sans abîmer ni les identités ni les croyances.

Nous refusons que la laïcité soit instrumentalisée par des lois aux relents de racisme et de sexisme. Ce n'est pas en participant à la stigmatisation d'une communauté que nous construirons une société apaisée et laïque ni que nous contribuerons à l'émancipation des citoyennes et des citoyens.

Enfin, je tiens à vous dire que la voie assimilationniste n'est que le chemin de l'erreur. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour explication de vote.

M. Akli Mellouli. Si j'ai bien tout saisi, au-delà de tous les fantasmes, nous allons voter une loi pour essayer de protéger, d'intégrer et d'émanciper les jeunes femmes. Pour cela, on va commencer par les empêcher de se rendre dans des espaces de socialisation et d'émancipation, tout cela parce qu'elles portent un voile ou un signe religieux ostentatoire. J'ai du mal à comprendre !

Certains nous traitent d'idéologues. Avoir une idéologie n'est pas un défaut. C'est le dogmatisme qui pose problème. Peut-être sommes-nous des idéologues, mais nous avons pour notre part affaire à des dogmatiques qui s'enferment dans une vision fantasmée de la société. Où avez-vous vu que l'on arrête des matchs pour permettre aux joueurs d'aller prier ? Vous faites d'un fait divers ou d'un détail la réalité de notre pays.

Bientôt, on adoptera dans ce pays une loi considérant qu'être musulman est un délit ! Est-ce la visibilité qui pose problème ? Si l'on veut aider les jeunes filles, si l'on veut qu'elles s'émancipent, il faut qu'elles aient le choix, qu'elles puissent pratiquer du sport dans l'espace public.

M. Max Brisson. Vous avez capitulé !

M. Akli Mellouli. Ce n'est pas en adoptant une position obscurantiste, en les enfermant ou en les empêchant d'avoir une parole que l'on y parviendra. C'est par la rencontre et l'échange avec l'autre qu'on se développe, qu'on s'émancipe, non en étant enfermé ou stigmatisé.

Cette proposition de loi est tout sauf une loi sur la laïcité. C'est un texte xénophobe et raciste. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cela vous choque parce que c'est la vérité !

Cette loi, je le répète, n'a rien à voir avec la laïcité. Des lois ont été votées sur la sécurité, sur d'autres sujets, mais, ici, vous détournez la laïcité, vous la galvaudez. C'est indigne ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Evelyne Corbière Naminzo et M. Yan Chantrel applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. J'ai attentivement écouté les débats sur ce texte. D'une certaine façon, on avait malheureusement l'impression d'être à l'Assemblée nationale. (C'est vrai ! sur les travées du groupe SER.), et c'est fort gênant.

Sur ce sujet, j'avais prévu de prendre la parole en explication de vote sur l'ensemble. Depuis plus de soixante ans, en effet, je fréquente les vestiaires en tant que pratiquant, dirigeant, père aussi.

Très honnêtement, mes chers collègues, comme l'a dit fort justement Max Brisson, nous ne pouvons que constater qu'il existe un clivage entre nous, mais respectons-nous. J'entends que nos avis sont radicalement différents : ce n'est pas une tare, c'est la démocratie. En revanche, je ne supporte pas les invectives et les attaques ad hominem.

À l'évidence, nous n'avons pas les mêmes yeux, nous n'avons pas la même perception. Je pratique le football et j'adore ce sport qui a d'ailleurs été attaqué plusieurs fois ici. À cet égard, permettez-moi de rappeler ce qu'a déclaré Albert Camus en 1957 lorsqu'il a reçu le prix Nobel de littérature : « Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c'est au football que je le dois. » Aujourd'hui, il doit se retourner dans sa tombe.

M. Akli Mellouli. Pourquoi ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Il semble bien que nous ne vivions pas dans le même monde – vraiment pas !

M. Jean-Raymond Hugonet. Pour ma part, je vous engage à venir un week-end en Île-de-France assister à des manifestations sportives de football. Vous comprendrez pleinement le problème !

M. Akli Mellouli. Je vis en Seine-Saint-Denis, quel est le problème ?

M. Jean-Raymond Hugonet. Ce soir, je tiens à remercier solennellement Michel Savin et Stéphane Piednoir du travail qu'ils ont accompli et tous ceux qui ont œuvré à son amélioration. Cela a été dit, il n'est pas la panacée, nous sommes bien d'accord, mais il montre qu'il existe véritablement un problème, qu'il faut traiter, que l'on soit d'accord ou non.

Je le répète, je ne supporte pas les invectives. Certes, nous pouvons avoir des avis différents, mais ne nions pas la réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Soyons sport !

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, je ne comptais pas prendre la parole, mais les propos de M. Brisson m'y incitent.

Merci, cher Max Brisson, de ne pas nous donner de leçons de bienséance, de ne pas nous dire qui seraient les véritables laïques, qui n'en seraient plus aujourd'hui. C'est malvenu de la part d'un courant politique qui a injurié Briand et Jaurès, qui a refusé le grand service public unifié et laïque de l'éducation nationale.

M. Max Brisson. Je n'étais pas né !

M. Patrick Kanner. Sans doute d'ailleurs ce courant politique pourrait-il demander, s'il était cohérent avec lui-même, qu'il n'y ait plus de soutanes et de crucifix sur les murs dans les écoles privées aujourd'hui, ces établissements remplissant une mission de service public. Il faut être cohérent jusqu'au bout ! Puisque ces établissements, qu'ils soient catholiques, protestants, juifs ou musulmans, remplissent une mission de service public, ils ne devraient accepter aucun signe religieux. C'est intéressant, non ?

M. Max Brisson. Les masques tombent !

M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, avec cette proposition de loi, vous défendez un dispositif de fracturation de la société.

J'ai noté que, depuis 2017, le bloc central veillait à éviter tout débordement sur ce sujet. En revanche, monsieur le ministre, depuis l'arrivée de certains ministres au Gouvernement, j'ai constaté une évolution : on peut désormais, dans un texte comme celui-ci, aborder des sujets qui étaient jusqu'à présent absents du débat politique national. Dont acte.

J'entends bien que la laïcité ne souffre aucun adjectif, mais je sens tout de même la main de M. Retailleau dans ce dossier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Que cela vous plaise ou non, c'est la réalité ! Vous réglerez vos problèmes plus tard au sein de votre parti politique.

Ce que je veux dire par là, et j'en termine, monsieur le président, c'est que nous vivons ce soir un événement historique. Je ne sais pas si cette proposition de loi est appelée à prospérer, mais, si tel était le cas, nous n'hésiterions pas pour notre part à saisir le Conseil constitutionnel, quel que soit son président, pour vérifier la conformité de ce texte, qui deviendrait une loi de la République, à la Constitution. Comptez sur nous ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Mon engagement politique s'inspire aussi de nos illustres aînés, qui s'étaient engagés pour les valeurs de la République, garanties par le principe de laïcité. Je ne doute pas qu'ici, sur toutes les travées, à droite et à gauche, tout le monde souhaite défendre ce principe.

Je vous mets simplement en garde, chers collègues : en matière de laïcité comme dans d'autres domaines, l'enfer peut être pavé de bonnes intentions. Nul doute qu'il existe aujourd'hui des comportements et des manipulations visant à opprimer les femmes qu'il faut combattre. Attention, simplement, à ne pas dévoyer le principe de laïcité, qui est un principe de protection.

Si l'on le détourne pour en faire une arme de discrimination ou un instrument de contrainte, on braque toute une partie de la population, notamment la jeunesse, qui voit la laïcité comme étant non plus protectrice, mais contraignante.

Je salue les efforts du Gouvernement pour édulcorer, voire anesthésier certains articles par ses amendements. Pour autant, ce texte n'est pas à la hauteur de l'enjeu : il comporte des risques parce qu'il stigmatise et, surtout, parce qu'il dévoie véritablement le principe de laïcité, que nous défendons. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.

M. Michel Savin. D'aucuns ont évoqué les débordements qui ont émaillé l'examen de ce texte. À vous entendre, chers collègues, certains sujets ne pourraient même pas être débattus dans cet hémicycle. Je remercie pour ma part le groupe Les Républicains d'avoir accepté d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de nos travaux.

À force de ne pas parler de certains sujets, en effet, on laisse le champ ouvert…

M. Akli Mellouli. Mais on en parle sans cesse !

M. Michel Savin. … à des situations qui nous échappent complètement et sur lesquelles les personnes concernées nous interpellent : « Mais que font les politiques ? Ils sont incapables de mettre le sujet sur la table, de débattre et de prendre des décisions. » La réalité, c'est que ces problèmes se posent tous les jours !

J'entends dire qu'il faut faire un choix entre la religion et le sport. Non ! Sur un terrain de sport, il n'y a pas à choisir : seul le sport à sa place. Ce n'est la place ni de la religion, ni de la politique, ni du syndicalisme ! (M. Guillaume Gontard s'exclame.) La religion reste en dehors de l'espace sportif et n'a rien à faire sur le terrain ou dans les vestiaires. Elle reste à l'extérieur, car elle relève de la sphère privée. Elle n'a rien à voir avec le sport.

Je suis désolé, monsieur Lozach, mais je connais la position d'une grande partie des fédérations : elles demandent une harmonisation. Elles ont besoin d'un cadre juridique et politique. Certaines ont décidé d'interdire, d'autres d'autoriser, d'autres encore ne savent pas quoi faire...

Le politique va-t-il courageusement se cacher derrière son petit doigt, mettre la poussière sous le tapis et attendre de voir ce qu'il se passe ? Si nous faisons cela, un phénomène que certains décrivent comme marginal prendra des proportions telles qu'il nous échappera complètement.

Je remercie mes collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste, ainsi que tous ceux qui ont voté les amendements. Je remercie aussi le rapporteur, qui a fait un excellent travail, et le Gouvernement, qui a soutenu une grande partie des articles qui composent ce texte.

Bien sûr, cette proposition de loi va poursuivre son parcours à l'Assemblée nationale. J'espère qu'elle y sera prochainement inscrite à l'ordre du jour des travaux et qu'elle y sera encore enrichie.

L'ancienne ministre des sports, Mme Oudéa-Castéra, a pris position, elle, au moment des jeux Olympiques et Paralympiques, pour interdire aux équipes de France le port de tout signe religieux. Je n'ai entendu personne manifester contre cette position, qui était souhaitée par l'ensemble des élus de notre pays.

Merci encore, donc, à ceux qui soutiennent ce texte. J'espère qu'il sera adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Je crois que, dans cet hémicycle, au travers de nos engagements personnels ou des formations politiques que nous représentons, nous sommes tous laïcs. Nous sommes tous profondément attachés à la loi de 1905 et à celle de 2004 et nous le revendiquons.

Pourtant, dès que nous examinons un texte qui réinterroge la question de la laïcité, les débats sont vifs, animés, pour ne pas dire enflammés… En un sens, c'est une bonne chose, cela prouve qu'il y a matière à débattre. D'ailleurs, cela ne doit pas nous dissuader de nous réinterroger sur la laïcité aujourd'hui, au XXIe siècle, au contraire ! Si nous ne le faisons pas, d'autres le feront à notre place.

Avec M. Buffet, alors qu'il était président de la commission des lois, j'ai mené une mission commune d'information sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes. Notre travail ne portait pas spécifiquement sur le sport, mais sur l'école. Nous avons été frappés de constater que les nouvelles générations, y compris chez les enseignants, n'ont plus chevillés au corps les principes de la laïcité à la française, auxquels nous sommes tous attachés. Dans un certain nombre de domaines, nous devons nous réinterroger sur la laïcité ; sinon, nous perdrons la main.

Si la question nous est posée aujourd'hui par cette proposition de loi déposée par Michel Savin, ce n'est pas un hasard. C'est parce que le sport a pris une grande place dans notre société. Il suffit pour s'en convaincre de voir le nombre de jeunes adhérents, de constater l'effet concret du sport sur l'intégration ou de comprendre que les modèles sont désormais plus souvent des sportifs que des scientifiques ou des universitaires.

La question qui est posée aujourd'hui est donc tout à fait légitime. Je remercie Michel Savin et Stéphane Piednoir du travail qu'ils ont accompli. Je note du reste que le texte a beaucoup évolué au cours de nos débats, ce qui prouve que ces derniers étaient nécessaires.

M. Max Brisson. Le travail a duré neuf mois !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ces neuf mois ont sans doute été nécessaires pour accoucher d'un texte qui, sans être totalement consensuel, poursuivra – je l'espère, pour ma part – son parcours à l'Assemblée nationale. En tous cas, nous faisons confiance au Gouvernement pour cela ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Les Républicains et, l'autre, du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 199 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 291
Pour l'adoption 210
Contre 81

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Article 4 (nouveau) (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
 

7

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Sur le scrutin public n° 198 portant sur l'article 1er de la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, Georges Patient souhaitait voter contre et non s'abstenir.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumont.

Mme Françoise Dumont. Sur le scrutin public n° 196 portant sur l'ensemble du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, mes collègues Micheline Jacques et Didier Mandelli souhaitaient voter pour.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chères collègues. Elles figureront dans l'analyse politique des scrutins concernés.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 19 février 2025 :

À quinze heures :

Questions d'actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Désignation des dix-neuf membres de la commission d'enquête sur la libre administration des collectivités territoriales, privées progressivement de leurs recettes propres, et sur les leviers à mobiliser demain face aux défis de l'investissement dans la transition écologique et les services publics de proximité.

De seize heures trente à vingt heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE-K)

Proposition de loi visant à indexer les salaires sur l'inflation, présentée par Mmes Cathy Apourceau-Poly, Silvana Silvani, Céline Brulin et plusieurs de leurs collègues (texte n° 208, 2024-2025) ;

Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, tendant à l'application en droit français de la directive européenne relative à l'amélioration des conditions de travail des travailleurs des plateformes numériques, présentée par M. Pascal Savoldelli et plusieurs de ses collègues (texte n° 548 rectifié, 2023-2024).

nomination de membres d'une commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture a été publiée conformément à l'article 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Laurent Duplomb, Pierre Cuypers, Franck Menonville, Jean-Claude Tissot, Christian Redon-Sarrazy et Bernard Buis ;

Suppléants : MM. Jean-Claude Anglars, Christian Bruyen, Yves Bleunven, Lucien Stanzione, Gérard Lahellec, Vincent Louault et Henri Cabanel. 

nomination d'un membre d'une commission d'enquête

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés.

Aucune opposition ne s'étant manifestée dans le délai d'une heure prévu par l'article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Khalifé Khalifé est proclamé membre de la commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire.

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER