Mme Nadia Sollogoub. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, « La sécurité de l’Europe est à un tournant ». Ces mots ont été prononcés par la présidente de la Commission européenne, à la suite de la conférence de Munich qui a eu lieu dimanche dernier.
Munich, tout un symbole, a été un électrochoc pour l’Europe…
À Munich, nous avons ouvert les yeux. Nous nous sommes enfin réveillés pour constater que le monde d’après 1945 n’était plus. La relation transatlantique a fait long feu. Les États-Unis ne veulent plus assurer la sécurité européenne. Notre continent est livré à lui-même. Il peut éventuellement compter sur l’aide de l’Amérique en fonction de ses intérêts, mais pas davantage…
Or l’addition de nos armées nationales n’est pas un ensemble homogène ni suffisant face à un envahisseur qui, déjà, a franchi les frontières de l’Ukraine. L’économie de la France n’est pas structurée pour affronter la guerre. Telle est la réalité de notre sécurité.
Face à cette situation, deux voies s’offrent à nous : poursuivre dans la division et disparaître, ou bien nous doter d’une véritable armée européenne, garante de notre paix.
Rêve des pères fondateurs de l’Europe, le projet de défense commune s’est toujours heurté aux veto nationaux. La France, en 1954, refusa la Communauté européenne de défense (CED), tandis que, après l’effondrement soviétique, les pays de l’Est préférèrent le parapluie américain à une hypothétique armée du continent. Mais, à cause de Donald Trump, les choses pourraient avoir véritablement changé, dans la douleur et la nécessité.
Aussi, monsieur le ministre, la sécurité de l’Europe est-elle vraiment à un tournant ? Si oui, sur quels moyens industriels, humains et budgétaires pourrait-on compter, pour mettre en place une véritable défense européenne ? Peut-on maintenant y croire ?
Votre réponse est attendue par la représentation nationale comme par nos collègues de la Rada d’Ukraine, que les dernières déclarations américaines plongent dans une profonde sidération et une immense inquiétude. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, je me joins aux félicitations que vous avez adressées à Nadia Sollogoub pour le travail qu’elle a mené sans relâche afin de cultiver et d’entretenir les liens entre la France et l’Ukraine.
Madame la sénatrice, le Premier ministre l’a dit : l’Europe fait face à une menace existentielle. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Lorsque la première guerre contre le Donbass et la Crimée a été lancée il y a dix ans, sans doute avons-nous fait preuve de faiblesse en acceptant un cessez-le-feu fragile, que la Russie a violé par vingt fois avant de lancer son invasion à grande échelle de l’Ukraine.
Entre-temps, les États-Unis ont changé d’orientation stratégique et ont décidé de laisser l’Europe assumer seule la charge de sa sécurité et de sa défense.
Aujourd’hui, l’Ukraine joue le rôle de sentinelle de l’Europe et ce sont les Ukrainiens qui tiennent la première ligne de défense de notre continent.
Heureusement, la France a pris un peu d’avance. Grâce aux dernières lois de programmation militaire qui ont été adoptées et dont les objectifs ont été tenus, les moyens consacrés à la défense nationale auront bientôt doublé.
Cependant, certains de nos partenaires européens sont en retard. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a convié certains d’entre eux à Paris lundi et aujourd’hui encore. Sa volonté n’était pas seulement d’appeler à un réveil européen, mais aussi d’exiger de la Commission européenne qu’elle relâche certaines des contraintes budgétaires qui empêchent les États membres de faire les efforts nécessaires.
Ce réveil des dirigeants européens est une bonne chose, certes. Mais rien ne sera possible sans un réveil des peuples et de leurs représentants. Aussi, je vous invite à vous saisir du débat qui se tiendra dans les deux chambres sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, annoncé par le Premier ministre. En effet, ce n’est que par un réarmement moral embarquant toute la Nation que nous parviendrons à dissuader la menace en lui opposant la force plutôt que la faiblesse. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et UC.)
démission du secrétaire général à la planification écologique et reculs du gouvernement en la matière
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Existe-t-il, au sein du Gouvernement, une volonté commune pour l’écologie ?
Cette question, madame la ministre de la transition écologique, nous est imposée par la démission du secrétaire général à la planification écologique (SGPE), Antoine Pellion.
Cette démission apparaît comme le symbole d’un recul net et d’un renoncement à porter au plus haut niveau la planification écologique.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes vous-même directement chargé de la planification écologique. Mais, pas plus que vos deux prédécesseurs, vous ne laissez entrevoir la dynamique politique de cette mission…
Pour l’écologie, aujourd’hui, c’est le backlash, le retour de bâton !
L’ambition affichée était bien là il y a trois ans. Le slogan faisait office de promesse : « France Nation verte : agir, mobiliser, accélérer ».
Agir ? Mais comment agir, quand les moyens d’action ont été les premiers sacrifiés aux contraintes budgétaires, tant pour la rénovation thermique que pour la décarbonation des transports ?
Mobiliser ? Mais comment mobiliser, quand la démarche n’est plus incarnée dans la continuité à Matignon ni dans l’interministériel ?
Comment mobiliser, quand on laisse monter les velléités de saborder l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), l’Agence Bio (Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique), ou l’OFB (Office français de la biodiversité) ? Comment mobiliser, quand l’objectif de réduction de moitié de l’artificialisation des sols pourrait disparaître (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et quand sont dépénalisées des destructions environnementales ?
Accélérer ? En est-il encore question, alors que, au plus haut niveau, la consigne est à la pause environnementale et que votre gouvernement participe au freinage du Pacte vert pour l’Europe ?
Madame la ministre, quand cessera cette chronique d’un naufrage annoncé ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Fernique, je me félicite que vous vous inquiétiez du départ du secrétaire général à la planification écologique. En effet, en 2022, vous vous étiez montré plus que dubitatif face à la création du SGPE et à son rattachement direct à la Première ministre de l’époque, Mme Élisabeth Borne.
M. Yannick Jadot. C’est encore la faute aux écolos !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. C’était pourtant une première en France, mais aussi en Europe et, plus largement, dans le monde.
Aussi, je prends votre question comme un témoignage, certes tardif, mais vibrant, en faveur de ce choix politique, dont nous entendons poursuivre la mise en œuvre. C’est bien la preuve du succès du secrétariat général à la planification écologique et des politiques que nous avons promues.
Je veux donc vous rassurer : le SGPE est là et continuera à travailler. Depuis près de trois ans, cette instance nous a permis de construire des trajectoires solides de décarbonation, secteur par secteur, levier par levier, sous l’égide des Premiers ministres successifs.
Ces travaux nous ont permis de territorialiser ces actions au sein de chaque région. Cette méthode a montré des résultats. Depuis la création du secrétariat général à la planification écologique, nos émissions de gaz à effet de serre ont diminué de plus de 10 %, soit deux fois plus qu’au cours du quinquennat 2012-2017.
Je souhaite que cette méthode se poursuive au plus près du terrain. Au début du mois de mars, je publierai le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) et présenterai les chantiers entamés avec les élus du littoral, de la montagne et des communes forestières, ainsi que d’autres actions engagées.
Vous le savez, je dispose d’un budget inédit pour mettre en œuvre ces actions,…
M. Yannick Jadot. Il est en effet inédit !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. … ce qui montre bien que lorsqu’une priorité politique s’impose, nous pouvons débloquer des crédits. C’est ce que nous avons fait pour l’adaptation au changement climatique.
Dans les mois qui suivront, il en sera de même avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) que mes collègues François Rebsamen et Marc Ferracci travailleront à mettre en œuvre.
M. François Patriat. Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Néanmoins, vous avez raison : de mauvais vents soufflent aujourd’hui sur l’écologie. Je compte donc sur chacun dans cet hémicycle pour choisir les bons combats. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.
M. Jacques Fernique. Puisque vous le dites, tout va très bien, madame la ministre, tout va très bien, tout va très bien ! Nous ne déplorons qu’un tout petit rien !
Faisons donc semblant que tout se planifie au mieux, que l’écologie est sur les bons rails et que la détermination gouvernementale est plus forte que jamais ! Mais quelle sera la suite de cette chronique ? Encore une nouvelle démission ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)
réforme du mode de scrutin pour les élections municipales à paris, lyon et marseille
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, Paris, Lyon, Marseille : les trois principales villes de France ont en commun un mode de scrutin spécifique aux élections municipales, et cela depuis près de quarante ans.
S’il convient sans doute aujourd’hui d’entamer une réflexion sur le sujet, la précipitation qui semble dicter l’action du Gouvernement nous interroge.
Tout d’abord, vous avez souhaité engager la procédure accélérée sur une proposition de loi visant à réformer le mode d’élection dans ces trois villes et inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Or permettez-moi de vous rappeler que l’article 24 de la Constitution dispose que c’est le Sénat qui représente les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP, GEST, SER et CRCE-K.) À ce titre, il aurait pu nous revenir d’examiner prioritairement un tel texte.
Ensuite, et c’est plus important encore, une question aussi essentielle mériterait selon moi une véritable étude d’impact.
Mme Cécile Cukierman. Eh oui !
M. Mathieu Darnaud. Nous avons ici même, à plusieurs reprises, évoqué les difficultés que pose ce mode de scrutin et les évolutions qu’il nécessite. Cependant, une étude d’impact est nécessaire.
Enfin, monsieur le Premier ministre, dans un temps politique parfois agité, alors que les élus de France réclament de la stabilité, est-il bien sage de modifier un mode de scrutin moins d’un an avant les élections municipales ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, GEST, SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Darnaud, comme vous l’avez dit, il s’agit d’une proposition de loi. Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai annoncé que je ferai tout mon possible pour que le Parlement retrouve sa faculté d’initiative dans l’examen des textes…
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas cela, l’initiative parlementaire !
M. François Bayrou, Premier ministre. … et que je ne forcerai jamais son sentiment.
Les modes de scrutin en vigueur à Paris, Lyon et Marseille sont discutés depuis des années, voire des décennies ! Et cela fait tout aussi longtemps que des élus réclament leur évolution.
J’entends encore Philippe Séguin expliquer que ce mode de scrutin permettait à une liste minoritaire sur la commune de l’emporter au conseil municipal ! (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) J’aperçois d’ailleurs nombre d’acquiescements sur les travées du groupe que vous présidez… (Pas du tout ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je vois encore l’ancien maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, déposer ici même une proposition de loi visant à modifier ce mode de scrutin.
Mme Laurence Harribey. C’était au siècle dernier !
M. François Bayrou, Premier ministre. Alors que la ville de Lyon est concernée par ce mode de scrutin, elle compte pourtant moins d’habitants que Toulouse. Or les règles du scrutin diffèrent dans ces deux villes !
Dans quel esprit le Gouvernement propose-t-il d’examiner ce texte ?
Il n’est pas question d’amoindrir le rôle des arrondissements dans les villes en question. (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains, CRCE-K, SER et GEST.)
M. Bernard Jomier. C’est faux !
M. François Bayrou, Premier ministre. Au contraire, toutes les garanties devront être recherchées. Cependant, il n’est pas normal, si le rôle du maire d’arrondissement est important, que l’on ne puisse pas l’élire indépendamment du maire de la ville.
Si le maire de la commune et le maire d’arrondissement sont deux personnes distinctes, alors les électeurs doivent pouvoir choisir l’un et l’autre, en fonction, par exemple, de leur personnalité respective, sans qu’ils appartiennent nécessairement à la même liste. (Mme Cécile Cukierman proteste.) À Paris, par exemple, si vous mettez des noms sur les portraits-robots que j’esquisse, des préférences multiples pourraient apparaître !
C’est le seul objet de ce texte : rendre aux citoyens le droit de choisir leurs élus arrondissement par arrondissement, et commune par commune !
M. Bernard Jomier. C’est déjà le cas !
M. François Bayrou, Premier ministre. Cela fera l’objet de discussions avec les auteurs de la proposition de loi, puis d’un examen, sur lequel seul le Parlement sera souverain – pas le Gouvernement ! Je n’imagine pas qu’un texte puisse être adopté sur ce sujet sans qu’un accord soit trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, vous trouverez toujours parmi nous des sénateurs prêts à acquiescer dès lors que vous citez les noms de Philippe Séguin ou de Jean-Claude Gaudin ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cependant, je veux insister sur la nécessité qu’un texte de cette nature épouse les aspirations profondes des Parisiens, des Lyonnais et des Marseillais ! C’est là même son intérêt.
Si nous vous remercions de prêter une attention particulière au sort qui sera réservé à ce texte au Sénat, nous le redisons avec force : il est indispensable de prendre le temps d’une juste expertise sur un sujet démocratique d’une telle importance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, GEST, SER, et CRCE-K.)
soutien à l’ukraine
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, nous vivons des journées historiques. Nous assistons à l’effondrement de toute l’architecture de sécurité sur laquelle nous nous sommes reposés depuis la fin de la guerre froide.
Éprouvées par les deux guerres mondiales, les générations qui nous ont précédés ont consenti des efforts énormes pour que plus jamais le destin de notre pays n’échappe aux Français.
Cette souveraineté retrouvée, nous la devons bien sûr au général de Gaulle. Il savait que l’indépendance nationale reposait sur un socle irréductible de puissance militaire, exprimé en particulier par la maîtrise souveraine de l’arme atomique.
Toutefois, en nous abandonnant aux douces illusions des dividendes de la paix, nous avons oublié les dures leçons que l’Histoire avait enseignées à nos aînés.
Nous en payons le prix aujourd’hui.
Russes et Américains entendent décider du sort de l’Europe sans les Européens, et peut-être renverser les alliances. Les masques sont tombés et une partie cynique est engagée.
Les Européens sont désemparés devant la fuite en avant brutale et inconsidérée de l’allié américain. C’est pourquoi le temps nous est compté pour réagir.
Monsieur le ministre, que comptez-vous dire à nos voisins européens dans les jours à venir pour nous remettre au centre du jeu et opposer un front résolu à l’appétit américain et à la voracité russe ?
Que comptez-vous dire aux Français pour sonner l’heure de l’indispensable sursaut qu’appelle la gravité de la situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président Cédric Perrin, vous avez raison, nous avons vécu dans une forme d’insouciance.
En 1955, il y a soixante-dix ans, nous consacrions 6 % de notre richesse nationale à nos dépenses militaires. Ces dernières années, nous sommes parvenus à faire remonter ce niveau à environ 2 %, ce qui est évidemment insuffisant.
Or la guerre se joue à proximité de nos frontières. Lorsque nous nous sommes rendus en Ukraine, nous avons constaté ensemble les ravages de la guerre.
Nous les avons vus sur les corps mutilés des soldats revenus du front.
Nous les avons vus dans les esprits des enfants déportés, arrachés à leurs familles, rééduqués dans des camps russes ou biélorusses.
Nous les avons vus à Soumy, tout près de la ligne de front, où nous avons pu échanger avec les soldats qui menaient courageusement la contre-offensive sur la région de Koursk.
Nous sommes rentrés avec plusieurs convictions. Tout d’abord, nous avons conclu que le soutien de la France à l’Ukraine avait été décisif pendant ces trois années. Ensuite, nous savons désormais que la menace est proche, imminente et grave. Enfin, nous avons pris conscience qu’un indispensable sursaut est nécessaire de la part des Françaises et des Français si nous voulons faire face.
« Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde. » Vous avez cité le général de Gaulle : permettez-moi de le citer à mon tour. Dans ce moment historique pour le continent européen, c’est la France qui peut montrer la voie.
Le monde connaît un moment de profonde fragmentation, qui ne suit pas une ligne de fracture géographique entre le Nord et le Sud ou entre l’Est et l’Ouest, mais qui départage les partisans de la violence et les défenseurs du droit.
Montrons donc que nous pouvons opposer la force et la résistance au réveil de ces empires pour ne pas laisser la Russie et les autres l’emporter, avec, dans leur sillage, tout ce que nous avons passionnément bâti depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le débat annoncé par le Premier ministre, sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, sera l’occasion de la pleine appropriation par le peuple français, au travers de ses représentants, de ces sujets graves.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.
M. Cédric Perrin. Monsieur le ministre, j’étais présent avec vous sur le front en Ukraine. Cette expérience a marqué ma vie, comme la vôtre, je le sais.
Ce qui se joue actuellement dépasse le sort de la malheureuse Ukraine, dont nous accueillons aujourd’hui plusieurs membres de la Rada. Nos choix collectifs dans les semaines qui viennent engageront le futur de tous les enfants européens.
Alors, ne laissons pas l’Histoire s’écrire sans nous et, surtout, ne laissons pas l’Histoire s’écrire contre nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
état financier du système des retraites
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le Premier ministre, dans quelques heures, la Cour des comptes vous remettra le diagnostic que vous avez commandé sur la situation des comptes de notre système de retraite.
J’en profite pour rappeler que le Conseil d’orientation des retraites (COR), qui a été créé pour cela, aurait très bien pu remplir cette mission…
Lors de votre première déclaration devant le Sénat, vous étiez revenu sur votre théorie du prétendu déficit caché. Rappelons que cette théorie n’a pas été reprise par le Conseil d’orientation des retraites et qu’elle est rejetée par la quasi-totalité des économistes.
Le président de notre groupe vous avait d’ailleurs interrogé sur ce point, mais vous ne lui aviez pas répondu. Monsieur le Premier ministre, en confiant cette mission à la Cour des comptes, espériez-vous voir votre théorie reprise ? Votre objectif était-il d’orienter les travaux des partenaires sociaux à partir de ce constat quelque peu fallacieux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l’emploi. Madame la sénatrice, comme l’a souhaité le Premier ministre, le travail sur la réforme des retraites s’articule en trois temps.
Tout d’abord, le temps de l’expertise de la Cour des comptes est sur le point de s’achever.
Suivra, très prochainement, le temps social, qui permettra à nos partenaires sociaux de négocier sur la soutenabilité de ce régime de retraite. Celui-ci représente un bien commun puisqu’il est l’épargne de ceux qui n’en ont pas. Ce sera également l’occasion de corriger certaines injustices de la réforme. Je pense en particulier à la prise en compte de la pénibilité au travail et à la situation des femmes.
Viendra enfin le temps politique, comme l’a rappelé ici même le Premier ministre, puisque le débat aura lieu dans les deux assemblées.
Concernant le constat dressé par la Cour des comptes qui sera rendu public demain, l’intérêt est d’abord de se pencher sur l’effort collectif de la Nation tout entière pour le financement de la retraite, dans le secteur privé comme dans le secteur public.
Il est primordial de mesurer l’effort réalisé en vue de constituer ce bien commun. Différentes pistes de soutenabilité financière seront ensuite dressées en fonction des hypothèses de croissance économique, de productivité et d’emploi, qu’il est très important de prendre en compte.
Cette démarche aura donc lieu en trois temps. Nous pouvons nous féliciter qu’un sujet aussi important que le devenir de notre régime de retraite par répartition soit aujourd’hui confié aux partenaires sociaux pour en corriger la trajectoire financière et certaines de ses injustices.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Madame la ministre, je n’ai toujours aucune réponse sur ce fameux déficit caché. Je ne m’attendais pas réellement à en recevoir une !
Je rappelle les trois principes qui nous tiennent à cœur sur le sujet.
Premièrement, nous voulons que cette notion disparaisse définitivement du débat, parce qu’elle est particulièrement trompeuse et, je le répète, fallacieuse. Elle remettrait en question le financement de la retraite des fonctionnaires. Or cela poserait un sacré problème !
Deuxièmement, nous souhaitons que les partenaires sociaux puissent travailler dans un climat de sérénité. C’est la raison pour laquelle le constat préalable d’un déficit caché doit absolument être écarté !
Troisièmement, une fois que les partenaires sociaux auront travaillé, nous demanderons instamment le retour du débat au Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
situation de la viticulture
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains.
Mme Florence Lassarade. Madame la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, la loi Égalim vise à garantir une meilleure rémunération des viticulteurs en imposant des prix reflétant les coûts de production et en instaurant des indicateurs de prix pour encadrer les négociations.
Pourtant, dans le secteur viticole, son application se heurte à plusieurs obstacles.
D’une part, l’absence d’indicateurs de prix spécifiques au vin empêche une évaluation objective des coûts de production, compliquant la fixation de prix justes.
D’autre part, la renégociation obligatoire des contrats entraîne une charge administrative supplémentaire et génère des tensions commerciales.
En parallèle, les viticulteurs sont également confrontés à un manque de transparence sur les marges et à une complexité législative croissante, qui freinent l’efficacité de la loi Égalim.
À cette complexité s’ajoutent des inquiétudes économiques liées à la situation internationale. En effet, la réélection de Donald Trump ravive les craintes d’un retour des taxes douanières sur les vins français et le cognac, ce qui pourrait affecter leur compétitivité sur le marché américain et fragiliser encore davantage la filière. Mes collègues Daniel Laurent et Corinne Imbert, sénateurs de Charente-Maritime, partagent mes préoccupations.
Face à ces défis, les viticulteurs envisagent la création d’une organisation de producteurs pour mieux structurer la filière et renforcer leur poids dans les négociations afin de stabiliser le marché. Cette initiative nécessite des adaptations réglementaires.
Madame la ministre, dans ce contexte, quelles actions concrètes les pouvoirs publics peuvent-ils mettre en place pour assurer une application plus efficace de la loi Égalim dans le secteur viticole et protéger les viticulteurs français face aux tensions commerciales internationales ? Envisagez-vous de les aider à créer une organisation de producteurs ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Florence Lassarade, qu’il s’agisse de contractualisation écrite obligatoire ou d’un taux de contractualisation élevé, il est important de rappeler que la filière vitivinicole est soumise aux dispositions de la loi Égalim et qu’elle souhaite le demeurer.
Par ailleurs, vous vous faites l’écho des difficultés, que je connais, de cette filière, lesquelles sont liées à la situation spécifique de premier acheteur.
Le premier acheteur est souvent le négociant, qui ne contractualise pas toujours et n’est donc pas tenu de respecter les indicateurs liés aux matières premières prévus dans la loi Égalim.
Autre particularité de cette filière, le vin étant stockable, il peut exister un écart important de coûts d’une année sur l’autre.
En conséquence, des transactions se font à des prix très bas et les productions se retrouvent dévalorisées, même quand elles sont sous signe d’identification de la qualité et de l’origine (Siqo).
Pour remédier à cette situation, deux priorités s’imposent, qui pourraient être incluses dans le futur projet de loi Égalim que ma collègue Véronique Louwagie et moi-même allons bientôt présenter au Parlement.
En premier lieu, nous devons accomplir un travail sur l’amont.
Vous avez eu raison de dire que l’organisation de producteurs (OP) était fondamentale, car elle permettra une meilleure consolidation de l’amont agricole grâce à des contrats-cadres et à des contrats de filière.
En second lieu, un travail s’impose sur les indicateurs, qui sont aujourd’hui beaucoup trop nombreux et hiérarchisés. Le rôle des interprofessions est ici absolument capital.
Je tiens à saluer le travail accompli par les sénateurs Anne-Catherine Loisier et Daniel Gremillet, qui nous ont remis les conclusions de leur rapport d’information sur le suivi des lois Égalim, sur la base desquelles nous travaillerons à ce futur projet de loi.
Le sujet que vous abordez, madame la sénatrice, a également une résonance au niveau européen, avec la révision du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles, dit règlement OCM.