compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Sonia de La Provôté,
M. Mickaël Vallet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage à Roger Romani et Jean-Pierre Cantegrit, anciens sénateurs
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec émotion que nous avons appris le décès de notre ancien collègue Roger Romani, survenu voilà deux semaines. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres se lèvent.)
Ce militant gaulliste aura une véritable proximité avec Jacques Chirac, envers qui il sera d’une fidélité sans faille, à l’instar de Jean-Louis Debré. Il sera son conseiller au sein de différents ministères.
En 1977, année durant laquelle Jacques Chirac devient maire de Paris, il est adjoint au maire et questeur de l’Hôtel de Ville.
Au mois de septembre de la même année, il fait son entrée au Sénat, en même temps que Charles Pasqua. Roger Romani rejoint le groupe du Rassemblement pour la République (RPR) et devient membre de la commission des lois, avant d’être membre de la commission des finances.
Il sera tout au long de sa vie politique un ardent défenseur du bicamérisme.
En 1986, Roger Romani remplace Charles Pasqua, qui devient ministre de l’intérieur, à la présidence du groupe RPR du Sénat. J’aurai alors le plaisir de le côtoyer dès mon arrivée dans cette assemblée.
De 1993 à 1995, Roger Romani est ministre délégué aux relations avec le Sénat, chargé des rapatriés, puis, de 1995 à 1997, ministre des relations avec le Parlement dans le gouvernement d’Alain Juppé.
Il redevient sénateur en 2002. Au Sénat, il est membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
En 2008, Roger Romani fut désigné pour occuper l’une des plus hautes fonctions de responsabilité de l’institution sénatoriale, à savoir celle de vice-président du Sénat.
En ce moment de tristesse et de recueillement, je souhaite exprimer à son épouse, Joëlle, à toute sa famille et à ses proches, à tous ceux auxquels il était cher et qui sont aujourd’hui dans la peine, les condoléances très sincères et le souvenir de l’ensemble de ses anciens collègues du Sénat de la République.
Il repose aujourd’hui à Ghisoni, dans la terre de Corse si chère à son cœur.
C’est avec la même émotion que nous avons appris le décès de notre ancien collègue Jean-Pierre Cantegrit.
Devenu sénateur des Français de l’étranger, en 1977, Jean-Pierre Cantegrit sera un pionnier en matière de protection sociale des Français expatriés.
La loi du 17 juin 1980, sur le fondement de deux propositions de loi qu’il avait déposées au Sénat, étend la protection sociale aux Français de l’étranger non salariés, pensionnés ou retraités.
En 1984, s’appuyant sur sa proposition de loi, un projet de loi prévoyant l’extension de la couverture à l’ensemble des citoyens français résidant hors de France sur la base d’une adhésion volontaire est adopté. Le texte instaure également la création d’une caisse autonome de sécurité sociale, la Caisse des Français de l’étranger. Il la présidera de 1985 à 2015.
Jean-Pierre Cantegrit appartiendra à la commission des affaires sociales dans laquelle il siégera pendant trente-quatre ans. En 2011, il rejoint la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Il présidera le groupe d’amitié France-Sénégal, puis le groupe France-Afrique centrale. Il effectuera de nombreux déplacements, notamment avec moi-même lors du cinquantième anniversaire des Indépendances, sur la demande du président Sarkozy.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à son épouse, à sa famille, à ses proches.
Je vous propose d’observer un instant de recueillement en hommage à nos deux anciens collègues. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres observent un moment de recueillement.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
conseil européen exceptionnel
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe est à un tournant critique de son histoire.
Cette nuit, devant le Congrès des États-Unis, Donald Trump a claironné que, « d’une manière ou d’une autre », il « aur[a] » le Groenland, territoire sous souveraineté d’un pays de l’Union européenne – d’une manière ou d’une autre…
De l’autre côté de l’Atlantique, l’ancien président intérimaire Dimitri Medvedev indiquait ce matin que la Russie devait infliger une défaite « maximale » à l’Ukraine.
C’est sans doute ce que Trump appelle « donner des signaux forts de paix ».
La vérité, mes chers collègues, c’est que Poutine ne s’arrêtera pas à l’Ukraine, pas plus qu’il ne s’est arrêté à la Crimée en 2014.
La nécessité de bâtir une défense européenne pour assurer la sécurité du continent doit donc maintenant être une évidence pour tous. Dans la douleur, tous les Européens en prennent conscience.
La France défend depuis toujours l’autonomie stratégique européenne.
Ursula von der Leyen a dévoilé des propositions d’ampleur, pour une montée en puissance militaire en urgence : 800 milliards d’euros pour permettre à l’Union européenne de s’équiper et de se préparer à la poursuite de conflits de haute intensité.
Demain aura lieu un Conseil européen exceptionnel sur ces questions, monsieur le ministre. La sécurité de notre continent passe par le soutien à la résistance ukrainienne.
Avec l’abandon de l’aide américaine, les Européens devront fournir des efforts encore plus importants que par le passé.
Pour se défendre, les États membres doivent se réarmer. Les domaines prioritaires sont identifiés : défense antiaérienne, missiles, artillerie, drones et antidrones.
Monsieur le ministre, ma question est très simple : comment pouvons-nous accélérer enfin pour aider efficacement l’Ukraine et pour que notre base industrielle de défense soit le socle de la défense européenne ? Très concrètement, quelle est la position que vous défendrez demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les déclarations provenant d’outre-Atlantique. Sur ces sujets, comme sur tous les autres, notre réponse est claire : les frontières de l’Union européenne ne sont pas négociables.
J’en viens plus spécifiquement au sujet de l’Ukraine. Les épisodes de ces derniers jours ont fait apparaître, de manière très éclatante – le Premier ministre l’a rappelé hier lors du débat organisé en application de l’article 50-1 de la Constitution –, la dépendance inacceptable de l’Ukraine et des Européens aux approvisionnements militaires en provenance des États-Unis et d’ailleurs.
Nous avons vécu pendant des décennies dans l’insouciance, acceptant progressivement que, dans la richesse nationale, la part de nos dépenses militaires baisse, au point d’être divisée par trois. Elle est en effet passée de 6 % à 7 % du PIB dans les années 1950 à moins de 2 % aujourd’hui.
Heureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis huit ans, sous l’impulsion du Président de la République, sous l’autorité du ministre des armées, vous avez adopté deux lois de programmation militaire nous permettant de revenir à un niveau qui se rapproche des 2 % du PIB et de réarmer notre pays. Il faut évidemment aller beaucoup plus loin.
C’est tout l’objet du Conseil européen extraordinaire qui se tiendra demain. Ce sera l’occasion de réaffirmer avec beaucoup de force que nous soutiendrons la résistance ukrainienne, qui est la première ligne de défense de l’Union européenne, et de nous accorder sur des moyens extraordinaires pour réarmer les pays européens.
La présidente de la Commission européenne a fait une proposition : 800 milliards d’euros mis à disposition des États membres pour se réarmer. Cela passe à la fois par un assouplissement des critères du pacte de stabilité et de croissance, par une nouvelle facilité pour que les pays européens puissent s’endetter jusqu’à hauteur de 150 milliards d’euros, par une repriorisation des fonds européens non utilisés aux fins de la sécurité de notre continent.
Tout cela converge vers la priorité française, vous l’avez dit, monsieur le sénateur, celle de l’autonomie stratégique que nous avons inlassablement réaffirmée depuis huit ans et à laquelle un certain nombre de nos partenaires européens, enfin, sont en train de se rallier. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)
situation en ukraine (i)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Près de 64 % de nos concitoyens sont inquiets de l’évolution de la situation géopolitique depuis l’arrivée de l’administration Trump au pouvoir.
On les comprend. La loi du plus fort redevient l’épine dorsale de l’ordre international, d’un côté, sous la pression de l’impérialisme russe, de l’autre, par la monétisation de la valeur paix par Washington.
Monsieur le Premier ministre, vous avez tenu hier au Sénat des propos graves et responsables sur le changement brutal de la diplomatique américaine et ses conséquences sur le dossier ukrainien.
Au nom du RDSE, j’ai pour ma part rappelé notre souhait de voir maintenue l’aide française et européenne à l’Ukraine. Nous le devons aux Ukrainiens, qui se sacrifient depuis trois ans, mais c’est nécessaire aussi pour garantir notre propre sécurité.
J’ai également souligné combien la mise en œuvre d’une défense européenne crédible et concrète ne pouvait plus attendre. Nous serons attentifs aux conclusions du sommet européen extraordinaire de demain à Bruxelles.
En attendant, en tant que responsables politiques, nous devons tenir un langage de vérité. À ceux qui considèrent que défendre la souveraineté stratégique et continuer à aider l’Ukraine relèverait d’un comportement va-t-en-guerre, je réponds : relisez les comptes rendus des débats parlementaires dans les années 1930 ! Ce sont les mêmes mots, les mêmes postures, les mêmes renoncements de la part des extrêmes. (Mme Sonia de La Provôté acquiesce.) On sait où cela nous a menés : à l’impréparation de notre pays et à sa capitulation face aux nazis.
Pour autant, nous ne pouvons pas seulement promettre à nos concitoyens, en particulier aux jeunes, une économie de guerre comme seul horizon. Il faut donner des signes d’espoir et d’apaisement.
Le Président de la République s’adressera ce soir aux Français qui attendent des réponses. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, quels sont les moyens et les atouts de la France et de l’Union européenne pour forcer la place du monde libre ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, GEST et SER. – Mmes Évelyne Perrot et Anne-Sophie Patru applaudissent également.)
M. Rachid Temal. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Bayrou, Premier ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, au cours de votre intervention dans le cadre du débat portant sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe qui s’est tenu hier, vous avez à très juste titre souligné que le cap que nous devons arrêter est celui de l’autonomie stratégique.
Cette expression, qui peut sembler abstraite à certains, nous devons en faire une réalité. « Autonomie stratégique », cela signifie que nous pouvons nous défendre par nos propres forces sur notre propre décision ; c’est bien cela, l’autonomie.
Les Français comme les autres Européens découvrent en cet instant, dans les jours que nous vivons, à quel point la situation est profondément déstabilisée. Deux événements sont survenus.
D’une part, lors des récentes réunions de l’Organisation des Nations unies, qu’a évoquées hier le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, les États-Unis ont voté avec la Russie et la Corée du Nord pour refuser que les résolutions des Nations unies fassent allusion à l’agression contre l’Ukraine. Je rappelle que la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique sont deux des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. C’est dire à quel point la situation est fragile.
D’autre part, l’autonomie stratégique n’est pas acquise. En effet, une disposition du droit américain prévoit que les équipements militaires ou les armes acquis auprès des États-Unis ne peuvent pas être déclenchés s’il y a un veto des États-Unis. Je rappelle que les deux tiers des armements au sein de l’Union européenne sont acquis auprès des États-Unis.
Avec le recul, on mesure bien la justesse des positions de la France, laquelle, depuis le général de Gaulle jusque dans les huit dernières années, a défendu sans cesse l’idée que l’armement des Européens devait être un armement européen,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Exactement !
M. François Bayrou, Premier ministre. … ce à quoi beaucoup de nos partenaires européens ont renoncé.
Que peut-on faire, me direz-vous ?
M. Rachid Temal. Oui !
M. François Bayrou, Premier ministre. Le plus important, c’est de convertir l’ensemble des décideurs européens à l’idée de relancer notre base industrielle et technologique de défense et de faire en sorte que chacun y participe.
Quelle est la clé du renversement de la position des décideurs européens ? C’est que l’opinion publique européenne prenne enfin pleinement conscience que notre destin se joue en Ukraine et que notre destin est entre nos mains. L’importance des programmes de réarmement, de remise à niveau et de retour de l’indépendance dont nous avons besoin sera enfin comprise. Merci de l’avoir rappelé au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et RDSE. – M. Cédric Perrin applaudit également.)
situation à la réunion (i)
M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Audrey Bélim. Monsieur le ministre d’État, ministre chargé des outre-mer, je tiens, en mon nom et en celui de l’ensemble de mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à adresser nos pensées, nos condoléances et notre soutien aux familles des victimes du cyclone Garance. Je remercie également l’ensemble des élus locaux, des agents publics, mais aussi ceux du secteur privé et du secteur associatif, ainsi que les citoyens mobilisés depuis samedi, qui contribuent sans relâche, jour après jour pour, à ce que notre île se relève.
Avec le dérèglement climatique, les cyclones s’intensifient : Belal l’an dernier, Chido, Garance. Météo France indique que ses modèles robustes confirment que ceux-ci seront de plus en plus forts dans l’océan Indien.
En a-t-on tiré toutes les conséquences en termes d’adaptation ?
Voilà un an, après Belal, j’alertais déjà sur la nécessité d’amplifier l’enfouissement du réseau électrique. À quoi sert d’élaguer les branches, quand les arbres se couchent désormais chaque année sur les fils ? Quelque 30 000 foyers sont toujours sans électricité ce matin. Je remercie les équipes. Reste qu’il faudra que les 25 % du réseau de basse et moyenne tensions encore aériens fassent l’objet d’une réflexion si l’enfouissement n’est pas possible.
Quid du réseau d’eau ? Après Belal, le préfet a demandé aux fournisseurs d’eau de s’équiper de groupes électrogènes en cas de besoin. Ce n’est toujours pas le cas partout. Comment cela est-il possible dans une île où les dates de la saison cyclonique sont, hélas ! bien connues ?
Il y a aussi la question des normes. Selon l’Association des maires du département de la Réunion, dans l’est de l’île, 80 % des maisons dont le toit a été emporté ont été construites voilà moins de quinze ans.
Monsieur le ministre d’État, je vous remercie d’avoir lancé la procédure de catastrophe naturelle.
Pour aller plus loin, pouvez-vous vous engager à ce que le prochain Ciom (comité interministériel des outre-mer) permette de parfaire et d’anticiper les actions en amont, durant et après ces événements, mais aussi nos stratégies à court, moyen et long termes ? Il y va de la protection de nos populations ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Bélim, je le dis au nom du Gouvernement, comme nous l’avons fait hier, nous nous inclinons devant ces cinq vies, cinq vies emportées par ce cyclone, cinq vies de trop. Je m’associe à vos condoléances et réaffirme notre soutien aux familles des victimes, ainsi qu’à l’ensemble des Réunionnaises et des Réunionnais.
C’est vrai, la mobilisation sur le terrain est forte. Je le constaterai demain et vendredi, puisque je me rends à La Réunion à la demande du Premier ministre. Le ministre de l’intérieur a mobilisé l’ensemble des moyens. Pour autant, il faut mieux anticiper ces phénomènes.
Concernant le réseau électrique, je suis d’accord avec votre proposition. Un travail doit être mené avec Sidélec, le syndicat intercommunal d’électricité du département de la réunion, propriétaire du réseau, et EDF, pour améliorer l’enfouissement des réseaux ou envisager d’autres solutions pour sauvegarder son intégrité. Il faudra être beaucoup plus pragmatique et tenir compte des contraintes et des risques.
L’alimentation électrique a par ailleurs un impact sur l’eau potable. Elle doit être sécurisée. C’est pourquoi je souhaite que soit lancée une démarche de résilience de l’approvisionnement en eau pour faire face à la gestion des crises climatiques.
Enfin, la ministre chargée du logement et moi pouvons mieux analyser l’adéquation de la réglementation cyclonique avec la survenance de phénomènes de plus en plus violents ; nous en avons déjà parlé. Nous aborderons ce sujet lors de l’examen de votre proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer.
Il faut tirer toutes les leçons de ces changements climatiques et être capable de s’y adapter. C’est le sens du texte que vous avez déposé. Ce sujet sera évidemment au cœur du prochain comité interministériel des outre-mer, qui se tiendra dans quelques semaines.
situation en ukraine (ii)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pascal Savoldelli. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Trois ans de guerre en Ukraine, c’est trois ans d’échec face à l’odieuse agression de Poutine : échec d’avoir cru à la guerre et à ses souffrances comme unique issue, échec d’une vision obsolète, celle d’un monde régenté par les États-Unis avec une Europe à leur remorque.
Malgré tout, votre adhésion à un atlantisme sous domination américaine perdure.
Le Gouvernement approuve-t-il le plan von der Leyen ? Il s’agit d’un tournant d’économie de guerre et de rationnement, à 800 milliards d’euros, c’est-à-dire d’une Europe politique de la défense, qui achète encore et toujours des armes américaines.
Acceptons-nous que nos armées soient placées sous le commandement d’un général américain obéissant à Trump (Marques de désapprobation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) ou songeons-nous enfin à sortir de l’Otan ?
Ce soir, devant les Français, le Président de la République fera-t-il le choix de l’escalade militaire ou celui d’un calendrier de la paix et de la sécurité collective ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, l’escalade, ce n’est pas celle des Européens ou des Ukrainiens. L’escalade, c’est celle de la Russie ! (Bravo ! et applaudissements sur l’ensemble des travées, à l’exception de celles du groupe CRCE-K.)
N’ayons aucune indulgence vis-à-vis de Vladimir Poutine, aucune : assassinat d’opposants politiques, déportation des enfants ukrainiens, crimes de guerre, asphyxie de sa propre économie et de son propre peuple,…
Mme Cécile Cukierman. Vous avez trente ans de retard !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. … pilonnage des pays européens de désinformation. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)
Monsieur Savoldelli, est-ce que les Européens déportent les enfants de la Russie ? Est-ce que les Européens provoquent constamment, par une rhétorique nucléaire, la Russie de Vladimir Poutine ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
L’agresseur dans cette affaire, c’est la Russie de Vladimir Poutine. Il n’y en a pas d’autre !
Mme Cécile Cukierman. Est-ce qu’on a dit le contraire ? (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Le Premier ministre vient de le dire : la préférence européenne est une priorité française.
Certains pays européens ont mis du temps avant de se rallier à cette idée-là, mais tous ont pris pleinement conscience que les dépendances que nous avons accumulées vis-à-vis des États-Unis, que ce soit dans le domaine de l’armement comme dans d’autres secteurs, sont tout à fait inacceptables et compromettent notre indépendance.
Les 800 milliards d’euros de Mme von der Leyen, nous comptons bien en faire une opportunité historique du développement d’une base industrielle de défense européenne, de manière à être forts et indépendants.
Il faut que, dans le monde qui vient, nous puissions défendre nos intérêts et notre vision du monde, laquelle, contrairement à celle de Vladimir Poutine, repose sur le droit international et la justice. Nous ne parviendrons à imposer nos intérêts et notre vision du monde qu’en étant plus forts et plus indépendants.
Quant à la sortie de l’Otan, ce n’est ni notre politique ni notre objectif.
M. Pascal Savoldelli. Voilà !
Mme Silvana Silvani. Au moins, c’est clair !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Notre objectif, c’est de nous emparer de l’Otan et, au moment où les États-Unis s’en désengagent, d’y développer nos capacités, notre stratégie et notre vision pour, en Européens, assurer notre propre sécurité. (Bravo ! et applaudissements sur l’ensemble des travées, à l’exception de celles du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Christian Cambon. Nous, c’est votre question !
M. Pascal Savoldelli. Elle est à la limite un peu haineuse et fausse. J’ai parlé de « l’odieuse agression de Poutine ». Je le redis ici : odieuse agression de Poutine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)
Je vous prie de m’excuser, si je n’avance pas, comme je l’ai entendu hier, d’éléments technocratiques, alors qu’il y a des dizaines et des dizaines de milliers de morts en Ukraine. Donc, stop !
Il faut faire de la politique et assumer le débat démocratique. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Les marchés applaudissent. Les profits s’envolent. Les commandes d’armes sont assurées par l’endettement public.
Les Français ne veulent pas de la guerre.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Emmanuel Capus. Personne ne veut de la guerre !
M. Pascal Savoldelli. Regardez la situation dans laquelle nous sommes !
Trump met 500 milliards de dollars de terres rares comme contrepartie à une éventuelle trêve. Et on s’alignerait sur une telle position ?
Il faut sortir du duo Trump-Poutine ! Les Ukrainiens n’auront ni la paix ni la souveraineté et notre sécurité ne sera pas plus garantie.
Le monde a changé, il est multipolaire. Il faut être aux côtés des Ukrainiens et des Européens pour de vraies négociations de paix dans un cadre multilatéral.
M. le président. C’est terminé !
M. Pascal Savoldelli. Pour notre part, nous proposons une conférence de paix, pas le bruit des armes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
avenir de l’autoroute a69
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Marie-Lise Housseau. Ma question s’adresse à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
Le 27 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’autorisation environnementale de l’A69, qui doit relier Castres à Toulouse, au motif que la « raison impérative d’intérêt public majeur » n’était pas prouvée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Pour les Tarnais, que je représente avec mon collègue Philippe Folliot, c’est un véritable séisme et un immense désastre.
Le chantier s’arrête à moins de dix mois de la mise en service : 70 % des ouvrages d’art sont réalisés et plus de 300 millions d’euros ont été dépensés !
C’est un désastre social pour les 1 000 ouvriers qui se sont retrouvés sur le carreau du jour au lendemain.
C’est un désastre économique pour les entreprises.
C’est un désastre écologique et paysager pour les habitants. (Rires sur les travées du groupe GEST.) C’est une cicatrice de 53 kilomètres – et les compensations environnementales ne seront jamais mises en place.
C’est un désastre politique, enfin, pour tous les élus, et un désastre financier pour l’État et le contribuable.
À court terme, que va devenir ce chantier ? Nous vous remercions d’avoir immédiatement annoncé faire appel du jugement et demandé un sursis à exécution, mais quelles sont les chances de reprise du chantier, et avec quel calendrier ?
À plus long terme, ce jugement pourrait faire jurisprudence. C’est une véritable épée de Damoclès qui est désormais suspendue au-dessus de tous les futurs projets d’infrastructures, petits et grands. N’y a-t-il pas urgence à faire évoluer la loi pour éviter que notre pays ne se retrouve définitivement sous cloche ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Xavier Iacovelli et Rachid Temal applaudissent également.)