Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

2. Hommage à Roger Romani et Jean-Pierre Cantegrit, anciens sénateurs

3. Questions d’actualité au Gouvernement

conseil européen exceptionnel

M. Emmanuel Capus ; M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

situation en ukraine (i)

Mme Maryse Carrère ; M. François Bayrou, Premier ministre.

situation à la réunion (i)

Mme Audrey Bélim ; M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer.

situation en ukraine (ii)

M. Pascal Savoldelli ; M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Pascal Savoldelli.

avenir de l’autoroute a69

Mme Marie-Lise Housseau ; M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports ; Mme Marie-Lise Housseau

respect de la réglementation dans le cadre de la fermeture des usines michelin de cholet et vannes

M. Grégory Blanc ; Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi ; M. Grégory Blanc.

situation internationale

M. Roger Karoutchi ; M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Roger Karoutchi.

crise de l’eau en guadeloupe

Mme Solanges Nadille ; M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer.

Attentat de mulhouse et sécurité des français

Mme Muriel Jourda ; M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Muriel Jourda.

situation en ukraine et capacités militaires

Mme Hélène Conway-Mouret ; M. Sébastien Lecornu, ministre des armées ; Mme Hélène Conway-Mouret.

zéro artificialisation nette

M. Jean-Baptiste Blanc ; M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation ; M. Jean-Baptiste Blanc.

baisse du tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque

M. Claude Kern ; Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire ; M. Claude Kern.

situation à la réunion (ii)

Mme Viviane Malet ; M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer.

fusillade en avignon

M. Lucien Stanzione ; M. Bruno Retailleau, ministre d’État, ministre de l’intérieur.

inadéquation de l’étiquetage nutritionnel aux produits traditionnels tels que le fromage au lait cru

M. Jean-Claude Anglars ; Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

filière photovoltaïque

M. Stéphane Piednoir ; Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire ; M. Stéphane Piednoir.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc

4. Lutte contre la vie chère, droit de la concurrence et régulation économique outre-mer. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Victorin Lurel, auteur de la proposition de loi

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

M. Marc Laménie

Mme Annick Petrus

M. Teva Rohfritsch

M. Jean-Marc Ruel

Mme Jocelyne Guidez

M. Robert Wienie Xowie

M. Akli Mellouli

M. Lucien Stanzione

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 16 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 11 de M. Victorin Lurel. – Retrait.

Amendement n° 12 de M. Victorin Lurel. – Rectification.

Amendement n° 12 rectifié de M. Victorin Lurel. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 9 de M. Victorin Lurel. – Rectification.

Amendement n° 9 rectifié de M. Victorin Lurel. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 2

Amendement n° 4 rectifié de M. Teva Rohfritsch. – Adoption.

Amendement n° 5 de M. Teva Rohfritsch. – Rejet.

Amendement n° 2 de M. Teva Rohfritsch. – Adoption.

Amendement n° 8 rectifié bis de M. Jean-Marc Ruel. – Rejet.

Amendement n° 1 de M. Teva Rohfritsch. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3 (supprimé)

Après l’article 3

Amendement n° 13 rectifié de M. Victorin Lurel. – Retrait.

Amendement n° 3 rectifié de M. Teva Rohfritsch et sous-amendement n° 15 de M. Jean-Marc Ruel. – Retrait de l’amendement, le sous-amendement devenant sans objet.

Amendement n° 10 rectifié de M. Victorin Lurel. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 4 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques

Mme Solanges Nadille

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

5. Encadrement des loyers et amélioration de l’habitat dans les outre-mer. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

Mme Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer

Mme Annick Petrus

Mme Solanges Nadille

M. Philippe Grosvalet

Mme Évelyne Perrot

Mme Marianne Margaté

M. Akli Mellouli

Mme Viviane Artigalas

M. Cédric Chevalier

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 3 de Mme Marianne Margaté. – Rejet.

Amendement n° 5 de Mme Audrey Bélim. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 (supprimé)

Amendement n° 2 de Mme Marianne Margaté. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article 3 (supprimé)

Après l’article 3

Amendement n° 4 rectifié bis de Mme Audrey Bélim. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 4 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Patrick Kanner

M. Guillaume Gontard

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

6. Reconnaissance du bénévolat de sécurité civile. – Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste –Kanaky ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Patricia Schillinger ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Mireille Jouve ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Olivier Bitz ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Gérard Lahellec ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Grégory Blanc ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; M. Grégory Blanc.

M. Hussein Bourgi ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Joshua Hochart ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Marie-Claude Lermytte ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Françoise Dumont ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Anne-Sophie Patru ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Émilienne Poumirol ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Mme Sabine Drexler ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Conclusion du débat

M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Sonia de La Provôté,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage à Roger Romani et Jean-Pierre Cantegrit, anciens sénateurs

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec émotion que nous avons appris le décès de notre ancien collègue Roger Romani, survenu voilà deux semaines. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres se lèvent.)

Ce militant gaulliste aura une véritable proximité avec Jacques Chirac, envers qui il sera d’une fidélité sans faille, à l’instar de Jean-Louis Debré. Il sera son conseiller au sein de différents ministères.

En 1977, année durant laquelle Jacques Chirac devient maire de Paris, il est adjoint au maire et questeur de l’Hôtel de Ville.

Au mois de septembre de la même année, il fait son entrée au Sénat, en même temps que Charles Pasqua. Roger Romani rejoint le groupe du Rassemblement pour la République (RPR) et devient membre de la commission des lois, avant d’être membre de la commission des finances.

Il sera tout au long de sa vie politique un ardent défenseur du bicamérisme.

En 1986, Roger Romani remplace Charles Pasqua, qui devient ministre de l’intérieur, à la présidence du groupe RPR du Sénat. J’aurai alors le plaisir de le côtoyer dès mon arrivée dans cette assemblée.

De 1993 à 1995, Roger Romani est ministre délégué aux relations avec le Sénat, chargé des rapatriés, puis, de 1995 à 1997, ministre des relations avec le Parlement dans le gouvernement d’Alain Juppé.

Il redevient sénateur en 2002. Au Sénat, il est membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

En 2008, Roger Romani fut désigné pour occuper l’une des plus hautes fonctions de responsabilité de l’institution sénatoriale, à savoir celle de vice-président du Sénat.

En ce moment de tristesse et de recueillement, je souhaite exprimer à son épouse, Joëlle, à toute sa famille et à ses proches, à tous ceux auxquels il était cher et qui sont aujourd’hui dans la peine, les condoléances très sincères et le souvenir de l’ensemble de ses anciens collègues du Sénat de la République.

Il repose aujourd’hui à Ghisoni, dans la terre de Corse si chère à son cœur.

C’est avec la même émotion que nous avons appris le décès de notre ancien collègue Jean-Pierre Cantegrit.

Devenu sénateur des Français de l’étranger, en 1977, Jean-Pierre Cantegrit sera un pionnier en matière de protection sociale des Français expatriés.

La loi du 17 juin 1980, sur le fondement de deux propositions de loi qu’il avait déposées au Sénat, étend la protection sociale aux Français de l’étranger non salariés, pensionnés ou retraités.

En 1984, s’appuyant sur sa proposition de loi, un projet de loi prévoyant l’extension de la couverture à l’ensemble des citoyens français résidant hors de France sur la base d’une adhésion volontaire est adopté. Le texte instaure également la création d’une caisse autonome de sécurité sociale, la Caisse des Français de l’étranger. Il la présidera de 1985 à 2015.

Jean-Pierre Cantegrit appartiendra à la commission des affaires sociales dans laquelle il siégera pendant trente-quatre ans. En 2011, il rejoint la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Il présidera le groupe d’amitié France-Sénégal, puis le groupe France-Afrique centrale. Il effectuera de nombreux déplacements, notamment avec moi-même lors du cinquantième anniversaire des Indépendances, sur la demande du président Sarkozy.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à son épouse, à sa famille, à ses proches.

Je vous propose d’observer un instant de recueillement en hommage à nos deux anciens collègues. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres observent un moment de recueillement.)

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

conseil européen exceptionnel

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe est à un tournant critique de son histoire.

Cette nuit, devant le Congrès des États-Unis, Donald Trump a claironné que, « d’une manière ou d’une autre », il « aur[a] » le Groenland, territoire sous souveraineté d’un pays de l’Union européenne – d’une manière ou d’une autre…

De l’autre côté de l’Atlantique, l’ancien président intérimaire Dimitri Medvedev indiquait ce matin que la Russie devait infliger une défaite « maximale » à l’Ukraine.

C’est sans doute ce que Trump appelle « donner des signaux forts de paix ».

La vérité, mes chers collègues, c’est que Poutine ne s’arrêtera pas à l’Ukraine, pas plus qu’il ne s’est arrêté à la Crimée en 2014.

La nécessité de bâtir une défense européenne pour assurer la sécurité du continent doit donc maintenant être une évidence pour tous. Dans la douleur, tous les Européens en prennent conscience.

La France défend depuis toujours l’autonomie stratégique européenne.

Ursula von der Leyen a dévoilé des propositions d’ampleur, pour une montée en puissance militaire en urgence : 800 milliards d’euros pour permettre à l’Union européenne de s’équiper et de se préparer à la poursuite de conflits de haute intensité.

Demain aura lieu un Conseil européen exceptionnel sur ces questions, monsieur le ministre. La sécurité de notre continent passe par le soutien à la résistance ukrainienne.

Avec l’abandon de l’aide américaine, les Européens devront fournir des efforts encore plus importants que par le passé.

Pour se défendre, les États membres doivent se réarmer. Les domaines prioritaires sont identifiés : défense antiaérienne, missiles, artillerie, drones et antidrones.

Monsieur le ministre, ma question est très simple : comment pouvons-nous accélérer enfin pour aider efficacement l’Ukraine et pour que notre base industrielle de défense soit le socle de la défense européenne ? Très concrètement, quelle est la position que vous défendrez demain ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les déclarations provenant d’outre-Atlantique. Sur ces sujets, comme sur tous les autres, notre réponse est claire : les frontières de l’Union européenne ne sont pas négociables.

J’en viens plus spécifiquement au sujet de l’Ukraine. Les épisodes de ces derniers jours ont fait apparaître, de manière très éclatante – le Premier ministre l’a rappelé hier lors du débat organisé en application de l’article 50-1 de la Constitution –, la dépendance inacceptable de l’Ukraine et des Européens aux approvisionnements militaires en provenance des États-Unis et d’ailleurs.

Nous avons vécu pendant des décennies dans l’insouciance, acceptant progressivement que, dans la richesse nationale, la part de nos dépenses militaires baisse, au point d’être divisée par trois. Elle est en effet passée de 6 % à 7 % du PIB dans les années 1950 à moins de 2 % aujourd’hui.

Heureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis huit ans, sous l’impulsion du Président de la République, sous l’autorité du ministre des armées, vous avez adopté deux lois de programmation militaire nous permettant de revenir à un niveau qui se rapproche des 2 % du PIB et de réarmer notre pays. Il faut évidemment aller beaucoup plus loin.

C’est tout l’objet du Conseil européen extraordinaire qui se tiendra demain. Ce sera l’occasion de réaffirmer avec beaucoup de force que nous soutiendrons la résistance ukrainienne, qui est la première ligne de défense de l’Union européenne, et de nous accorder sur des moyens extraordinaires pour réarmer les pays européens.

La présidente de la Commission européenne a fait une proposition : 800 milliards d’euros mis à disposition des États membres pour se réarmer. Cela passe à la fois par un assouplissement des critères du pacte de stabilité et de croissance, par une nouvelle facilité pour que les pays européens puissent s’endetter jusqu’à hauteur de 150 milliards d’euros, par une repriorisation des fonds européens non utilisés aux fins de la sécurité de notre continent.

Tout cela converge vers la priorité française, vous l’avez dit, monsieur le sénateur, celle de l’autonomie stratégique que nous avons inlassablement réaffirmée depuis huit ans et à laquelle un certain nombre de nos partenaires européens, enfin, sont en train de se rallier. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et INDEP.)

situation en ukraine (i)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Près de 64 % de nos concitoyens sont inquiets de l’évolution de la situation géopolitique depuis l’arrivée de l’administration Trump au pouvoir.

On les comprend. La loi du plus fort redevient l’épine dorsale de l’ordre international, d’un côté, sous la pression de l’impérialisme russe, de l’autre, par la monétisation de la valeur paix par Washington.

Monsieur le Premier ministre, vous avez tenu hier au Sénat des propos graves et responsables sur le changement brutal de la diplomatique américaine et ses conséquences sur le dossier ukrainien.

Au nom du RDSE, j’ai pour ma part rappelé notre souhait de voir maintenue l’aide française et européenne à l’Ukraine. Nous le devons aux Ukrainiens, qui se sacrifient depuis trois ans, mais c’est nécessaire aussi pour garantir notre propre sécurité.

J’ai également souligné combien la mise en œuvre d’une défense européenne crédible et concrète ne pouvait plus attendre. Nous serons attentifs aux conclusions du sommet européen extraordinaire de demain à Bruxelles.

En attendant, en tant que responsables politiques, nous devons tenir un langage de vérité. À ceux qui considèrent que défendre la souveraineté stratégique et continuer à aider l’Ukraine relèverait d’un comportement va-t-en-guerre, je réponds : relisez les comptes rendus des débats parlementaires dans les années 1930 ! Ce sont les mêmes mots, les mêmes postures, les mêmes renoncements de la part des extrêmes. (Mme Sonia de La Provôté acquiesce.) On sait où cela nous a menés : à l’impréparation de notre pays et à sa capitulation face aux nazis.

Pour autant, nous ne pouvons pas seulement promettre à nos concitoyens, en particulier aux jeunes, une économie de guerre comme seul horizon. Il faut donner des signes d’espoir et d’apaisement.

Le Président de la République s’adressera ce soir aux Français qui attendent des réponses. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, quels sont les moyens et les atouts de la France et de l’Union européenne pour forcer la place du monde libre ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP, GEST et SER. – Mmes Évelyne Perrot et Anne-Sophie Patru applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Madame la présidente Maryse Carrère, au cours de votre intervention dans le cadre du débat portant sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe qui s’est tenu hier, vous avez à très juste titre souligné que le cap que nous devons arrêter est celui de l’autonomie stratégique.

Cette expression, qui peut sembler abstraite à certains, nous devons en faire une réalité. « Autonomie stratégique », cela signifie que nous pouvons nous défendre par nos propres forces sur notre propre décision ; c’est bien cela, l’autonomie.

Les Français comme les autres Européens découvrent en cet instant, dans les jours que nous vivons, à quel point la situation est profondément déstabilisée. Deux événements sont survenus.

D’une part, lors des récentes réunions de l’Organisation des Nations unies, qu’a évoquées hier le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, les États-Unis ont voté avec la Russie et la Corée du Nord pour refuser que les résolutions des Nations unies fassent allusion à l’agression contre l’Ukraine. Je rappelle que la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique sont deux des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. C’est dire à quel point la situation est fragile.

D’autre part, l’autonomie stratégique n’est pas acquise. En effet, une disposition du droit américain prévoit que les équipements militaires ou les armes acquis auprès des États-Unis ne peuvent pas être déclenchés s’il y a un veto des États-Unis. Je rappelle que les deux tiers des armements au sein de l’Union européenne sont acquis auprès des États-Unis.

Avec le recul, on mesure bien la justesse des positions de la France, laquelle, depuis le général de Gaulle jusque dans les huit dernières années, a défendu sans cesse l’idée que l’armement des Européens devait être un armement européen,…

M. François Bayrou, Premier ministre. … ce à quoi beaucoup de nos partenaires européens ont renoncé.

Que peut-on faire, me direz-vous ?

M. François Bayrou, Premier ministre. Le plus important, c’est de convertir l’ensemble des décideurs européens à l’idée de relancer notre base industrielle et technologique de défense et de faire en sorte que chacun y participe.

Quelle est la clé du renversement de la position des décideurs européens ? C’est que l’opinion publique européenne prenne enfin pleinement conscience que notre destin se joue en Ukraine et que notre destin est entre nos mains. L’importance des programmes de réarmement, de remise à niveau et de retour de l’indépendance dont nous avons besoin sera enfin comprise. Merci de l’avoir rappelé au Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et RDSE. – M. Cédric Perrin applaudit également.)

situation à la réunion (i)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Bélim, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Bélim. Monsieur le ministre d’État, ministre chargé des outre-mer, je tiens, en mon nom et en celui de l’ensemble de mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à adresser nos pensées, nos condoléances et notre soutien aux familles des victimes du cyclone Garance. Je remercie également l’ensemble des élus locaux, des agents publics, mais aussi ceux du secteur privé et du secteur associatif, ainsi que les citoyens mobilisés depuis samedi, qui contribuent sans relâche, jour après jour pour, à ce que notre île se relève.

Avec le dérèglement climatique, les cyclones s’intensifient : Belal l’an dernier, Chido, Garance. Météo France indique que ses modèles robustes confirment que ceux-ci seront de plus en plus forts dans l’océan Indien.

En a-t-on tiré toutes les conséquences en termes d’adaptation ?

Voilà un an, après Belal, j’alertais déjà sur la nécessité d’amplifier l’enfouissement du réseau électrique. À quoi sert d’élaguer les branches, quand les arbres se couchent désormais chaque année sur les fils ? Quelque 30 000 foyers sont toujours sans électricité ce matin. Je remercie les équipes. Reste qu’il faudra que les 25 % du réseau de basse et moyenne tensions encore aériens fassent l’objet d’une réflexion si l’enfouissement n’est pas possible.

Quid du réseau d’eau ? Après Belal, le préfet a demandé aux fournisseurs d’eau de s’équiper de groupes électrogènes en cas de besoin. Ce n’est toujours pas le cas partout. Comment cela est-il possible dans une île où les dates de la saison cyclonique sont, hélas ! bien connues ?

Il y a aussi la question des normes. Selon l’Association des maires du département de la Réunion, dans l’est de l’île, 80 % des maisons dont le toit a été emporté ont été construites voilà moins de quinze ans.

Monsieur le ministre d’État, je vous remercie d’avoir lancé la procédure de catastrophe naturelle.

Pour aller plus loin, pouvez-vous vous engager à ce que le prochain Ciom (comité interministériel des outre-mer) permette de parfaire et d’anticiper les actions en amont, durant et après ces événements, mais aussi nos stratégies à court, moyen et long termes ? Il y va de la protection de nos populations ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Bélim, je le dis au nom du Gouvernement, comme nous l’avons fait hier, nous nous inclinons devant ces cinq vies, cinq vies emportées par ce cyclone, cinq vies de trop. Je m’associe à vos condoléances et réaffirme notre soutien aux familles des victimes, ainsi qu’à l’ensemble des Réunionnaises et des Réunionnais.

C’est vrai, la mobilisation sur le terrain est forte. Je le constaterai demain et vendredi, puisque je me rends à La Réunion à la demande du Premier ministre. Le ministre de l’intérieur a mobilisé l’ensemble des moyens. Pour autant, il faut mieux anticiper ces phénomènes.

Concernant le réseau électrique, je suis d’accord avec votre proposition. Un travail doit être mené avec Sidélec, le syndicat intercommunal d’électricité du département de la réunion, propriétaire du réseau, et EDF, pour améliorer l’enfouissement des réseaux ou envisager d’autres solutions pour sauvegarder son intégrité. Il faudra être beaucoup plus pragmatique et tenir compte des contraintes et des risques.

L’alimentation électrique a par ailleurs un impact sur l’eau potable. Elle doit être sécurisée. C’est pourquoi je souhaite que soit lancée une démarche de résilience de l’approvisionnement en eau pour faire face à la gestion des crises climatiques.

Enfin, la ministre chargée du logement et moi pouvons mieux analyser l’adéquation de la réglementation cyclonique avec la survenance de phénomènes de plus en plus violents ; nous en avons déjà parlé. Nous aborderons ce sujet lors de l’examen de votre proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer.

Il faut tirer toutes les leçons de ces changements climatiques et être capable de s’y adapter. C’est le sens du texte que vous avez déposé. Ce sujet sera évidemment au cœur du prochain comité interministériel des outre-mer, qui se tiendra dans quelques semaines.

situation en ukraine (ii)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

M. Pascal Savoldelli. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Trois ans de guerre en Ukraine, c’est trois ans d’échec face à l’odieuse agression de Poutine : échec d’avoir cru à la guerre et à ses souffrances comme unique issue, échec d’une vision obsolète, celle d’un monde régenté par les États-Unis avec une Europe à leur remorque.

Malgré tout, votre adhésion à un atlantisme sous domination américaine perdure.

Le Gouvernement approuve-t-il le plan von der Leyen ? Il s’agit d’un tournant d’économie de guerre et de rationnement, à 800 milliards d’euros, c’est-à-dire d’une Europe politique de la défense, qui achète encore et toujours des armes américaines.

Acceptons-nous que nos armées soient placées sous le commandement d’un général américain obéissant à Trump (Marques de désapprobation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) ou songeons-nous enfin à sortir de l’Otan ?

Ce soir, devant les Français, le Président de la République fera-t-il le choix de l’escalade militaire ou celui d’un calendrier de la paix et de la sécurité collective ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, l’escalade, ce n’est pas celle des Européens ou des Ukrainiens. L’escalade, c’est celle de la Russie ! (Bravo ! et applaudissements sur lensemble des travées, à lexception de celles du groupe CRCE-K.)

N’ayons aucune indulgence vis-à-vis de Vladimir Poutine, aucune : assassinat d’opposants politiques, déportation des enfants ukrainiens, crimes de guerre, asphyxie de sa propre économie et de son propre peuple,…

Mme Cécile Cukierman. Vous avez trente ans de retard !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. … pilonnage des pays européens de désinformation. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Monsieur Savoldelli, est-ce que les Européens déportent les enfants de la Russie ? Est-ce que les Européens provoquent constamment, par une rhétorique nucléaire, la Russie de Vladimir Poutine ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

L’agresseur dans cette affaire, c’est la Russie de Vladimir Poutine. Il n’y en a pas d’autre !

Mme Cécile Cukierman. Est-ce qu’on a dit le contraire ? (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Le Premier ministre vient de le dire : la préférence européenne est une priorité française.

Certains pays européens ont mis du temps avant de se rallier à cette idée-là, mais tous ont pris pleinement conscience que les dépendances que nous avons accumulées vis-à-vis des États-Unis, que ce soit dans le domaine de l’armement comme dans d’autres secteurs, sont tout à fait inacceptables et compromettent notre indépendance.

Les 800 milliards d’euros de Mme von der Leyen, nous comptons bien en faire une opportunité historique du développement d’une base industrielle de défense européenne, de manière à être forts et indépendants.

Il faut que, dans le monde qui vient, nous puissions défendre nos intérêts et notre vision du monde, laquelle, contrairement à celle de Vladimir Poutine, repose sur le droit international et la justice. Nous ne parviendrons à imposer nos intérêts et notre vision du monde qu’en étant plus forts et plus indépendants.

Quant à la sortie de l’Otan, ce n’est ni notre politique ni notre objectif.

Mme Silvana Silvani. Au moins, c’est clair !

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Notre objectif, c’est de nous emparer de l’Otan et, au moment où les États-Unis s’en désengagent, d’y développer nos capacités, notre stratégie et notre vision pour, en Européens, assurer notre propre sécurité. (Bravo ! et applaudissements sur lensemble des travées, à lexception de celles du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Monsieur le ministre, votre réponse m’étonne.

M. Christian Cambon. Nous, c’est votre question !

M. Pascal Savoldelli. Elle est à la limite un peu haineuse et fausse. J’ai parlé de « l’odieuse agression de Poutine ». Je le redis ici : odieuse agression de Poutine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Je vous prie de m’excuser, si je n’avance pas, comme je l’ai entendu hier, d’éléments technocratiques, alors qu’il y a des dizaines et des dizaines de milliers de morts en Ukraine. Donc, stop !

Il faut faire de la politique et assumer le débat démocratique. Que se passe-t-il aujourd’hui ? Les marchés applaudissent. Les profits s’envolent. Les commandes d’armes sont assurées par l’endettement public.

Les Français ne veulent pas de la guerre.

M. Emmanuel Capus. Personne ne veut de la guerre !

M. Pascal Savoldelli. Regardez la situation dans laquelle nous sommes !

Trump met 500 milliards de dollars de terres rares comme contrepartie à une éventuelle trêve. Et on s’alignerait sur une telle position ?

Il faut sortir du duo Trump-Poutine ! Les Ukrainiens n’auront ni la paix ni la souveraineté et notre sécurité ne sera pas plus garantie.

Le monde a changé, il est multipolaire. Il faut être aux côtés des Ukrainiens et des Européens pour de vraies négociations de paix dans un cadre multilatéral.

M. le président. C’est terminé !

M. Pascal Savoldelli. Pour notre part, nous proposons une conférence de paix, pas le bruit des armes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

avenir de l’autoroute a69

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Marie-Lise Housseau. Ma question s’adresse à M. le ministre auprès du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.

Le 27 février dernier, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’autorisation environnementale de l’A69, qui doit relier Castres à Toulouse, au motif que la « raison impérative d’intérêt public majeur » n’était pas prouvée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Pour les Tarnais, que je représente avec mon collègue Philippe Folliot, c’est un véritable séisme et un immense désastre.

Le chantier s’arrête à moins de dix mois de la mise en service : 70 % des ouvrages d’art sont réalisés et plus de 300 millions d’euros ont été dépensés !

C’est un désastre social pour les 1 000 ouvriers qui se sont retrouvés sur le carreau du jour au lendemain.

C’est un désastre économique pour les entreprises.

C’est un désastre écologique et paysager pour les habitants. (Rires sur les travées du groupe GEST.) C’est une cicatrice de 53 kilomètres – et les compensations environnementales ne seront jamais mises en place.

C’est un désastre politique, enfin, pour tous les élus, et un désastre financier pour l’État et le contribuable.

À court terme, que va devenir ce chantier ? Nous vous remercions d’avoir immédiatement annoncé faire appel du jugement et demandé un sursis à exécution, mais quelles sont les chances de reprise du chantier, et avec quel calendrier ?

À plus long terme, ce jugement pourrait faire jurisprudence. C’est une véritable épée de Damoclès qui est désormais suspendue au-dessus de tous les futurs projets d’infrastructures, petits et grands. N’y a-t-il pas urgence à faire évoluer la loi pour éviter que notre pays ne se retrouve définitivement sous cloche ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Xavier Iacovelli et Rachid Temal applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des transports.

M. Philippe Tabarot, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports. Madame la sénatrice, je vais rappeler la position du Gouvernement dans ce dossier qui suscite de vives réactions – et c’est un euphémisme !

Contrairement à ce qui a pu être hurlé hier par certains à l’Assemblée nationale, je ne remets nullement en cause l’indépendance de la justice ni sa décision. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.) En tant que ministre de la République, je respecte pleinement l’État de droit. Mais respecter l’État de droit, ce n’est pas se résigner à l’insensé et à la situation des 1 000 personnes qui, comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, se retrouvent sans travail du jour au lendemain. C’est aussi avoir le courage de dire quand une situation devient absurde.

L’A69 est un projet porté par un territoire tout entier, qui se bat depuis trois décennies pour son désenclavement. La région Occitanie, le département du Tarn, les collectivités locales et les entreprises l’attendent désespérément. Comment ne pas être stupéfait ? Comment comprendre qu’un projet déclaré d’utilité publique, ayant fait l’objet de six recours déjà rejetés, dont les autorisations environnementales avaient été validées et dont les travaux sont avancés à 70 %, comme vous l’avez dit, puisse se retrouver brutalement à l’arrêt ?

M. Philippe Folliot. C’est scandaleux !

M. Philippe Tabarot, ministre. Face à cette situation, bien sûr que l’État fera appel ! Nous demanderons rapidement un sursis à exécution. Notre détermination est intacte : les travaux doivent reprendre au plus vite.

Mais cette situation révèle, vous l’avez dit également, un mal profond, l’empilement des procédures, qui paralyse notre action publique. Ce qui arrive à l’A69 aujourd’hui menace tous nos projets de demain, qu’il s’agisse de sécuriser vos routes ou de moderniser vos réseaux ferroviaires.

Le droit environnemental est essentiel, sauf quand il devient un instrument d’obstruction systématique. (Protestations sur les travées du groupe GEST. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)

C’est pourquoi nous allons travailler à des réformes avec le Parlement, pour simplifier nos procédures sans renoncer à nos exigences environnementales.

M. Yannick Jadot. Alors, supprimez le droit !

M. Philippe Tabarot, ministre. L’État de droit doit être le garant de la sécurité juridique des projets d’intérêt général et non pas leur fossoyeur ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lise Housseau, pour la réplique.

Mme Marie-Lise Housseau. Merci de votre réponse, monsieur le ministre, mais il est impératif de mieux définir ce qu’est la raison impérative d’intérêt public majeur. Cela ne doit pas rester une notion subjective laissée à l’appréciation des seuls juges. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Sinon, il faudra écrire dans la loi que l’A69 est d’intérêt public majeur ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

respect de la réglementation dans le cadre de la fermeture des usines michelin de cholet et vannes

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Grégory Blanc. Madame la ministre, l’inspection du travail reconnaît dans ses rapports l’état de détresse psychologique des salariés des usines Michelin de Cholet et de Vannes. Certains d’entre eux évoquent même le suicide.

Après l’annonce de fermeture, d’une brutalité inouïe, la seule chose que l’entreprise dit à ses salariés, aujourd’hui, c’est : « Continuez de produire à cadences soutenues ! Mais vous aurez à peine plus qu’à La Roche-sur-Yon, il y a six ans, avant les bénéfices records, avant le choc d’inflation. »

Michelin vient de réaliser, en 2024, un résultat opérationnel de 3,4 milliards d’euros. Et ce groupe refuse de lâcher quelques millions d’euros pour reconnaître le travail d’une vie, assurer, malgré le licenciement, que la maison sera bien payée. En français, cela porte un nom : bien plus que du mépris, c’est de la maltraitance !

Madame la ministre, il y aurait bien des questions à vous poser sur l’échec des politiques industrielles du Gouvernement. Les syndicats de Michelin alertent déjà sur la situation à Montceau-les-Mines et à Troyes.

En ce moment même, le cinquième et dernier round de négociation se conclut à Clermont-Ferrand. L’urgence est donc pour nous de connaître la position du Gouvernement.

J’ai donc deux questions simples. D’abord, en droit, licencier pour raisons économiques quand l’entreprise réalise des bénéfices records est illégal. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que la loi soit appliquée ?

Ensuite, j’ai en main le procès-verbal d’une réunion tenue en janvier chez Michelin ; l’entreprise y évoque le démantèlement des machines qui vont être délocalisées. Michelin ne respecte donc pas la loi de 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite loi Florange. Comment comptez-vous sanctionner ce comportement, et récupérer les aides versées à cette entreprise ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de lemploi. Monsieur le sénateur Grégory Blanc, l’annonce du départ de Michelin de Cholet, dans votre département, a été un choc, comme à Vannes. Ce fut un choc pour les salariés, pour leurs familles et pour ces villes tout entières.

La priorité du Gouvernement est bien celle de la loi : la continuité professionnelle et salariale pour les salariés, la continuité économique pour les territoires. Ce n’est pas l’État qui décide d’un plan social. En revanche, il joue un rôle crucial pour s’assurer que tout soit fait pour la sauvegarde de l’emploi, par un repreneur ou au travers de la revitalisation des territoires, et il prend toute sa part dans cette démarche. La loi Florange, notamment, que vous avez citée, impose de chercher un repreneur pendant la durée de négociation du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Dans le cas précis de Michelin, tous les moyens sont mis en œuvre pour cette sauvegarde de l’emploi. Je rappelle tout de même que l’entreprise a prévu 300 millions d’euros pour la reconversion des salariés. (M. Fabien Gay sexclame.) On aimerait que toutes les entreprises qui déposent des plans sociaux fassent le même effort. C’est absolument impossible, hélas, pour les sous-traitants. L’entreprise Michelin s’est engagée à créer un emploi dans le territoire pour chaque emploi supprimé. Elle participe à la recherche d’un repreneur, comme elle l’a fait par le passé.

Le Gouvernement s’active aussi pour aider à la recherche d’un repreneur : c’est le rôle du réseau des commissaires aux restructurations économiques. Nous travaillons avec le cabinet qui a été mandaté par Michelin et les administrations centrales pour faciliter l’identification de ces repreneurs.

Plus largement, France Travail se tient aux côtés des salariés pour élargir l’offre qui leur est proposée. Mais nous devons travailler avec les partenaires sociaux à la simplification drastique des dispositifs de reconversion qui, entre l’individuel, le collectif, l’interne, l’externe, sont aujourd’hui beaucoup trop compliqués. C’est pour nous une priorité.

Enfin, nous devons préserver la compétitivité de nos entreprises. L’audition au Sénat du directeur général de Michelin a eu beaucoup de retentissement.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre. Elle a montré les structures de coût qui pèsent plus en France que dans des pays comme le Canada ou l’Allemagne. Si nous voulons préserver notre patrimoine industriel, nous devons traiter ce problème. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Grégory Blanc, pour la réplique.

M. Grégory Blanc. Madame la ministre, quand Michelin délocalise les machines, c’est illégal. Comment comptez-vous faire respecter la loi ?

En 2024 encore, c’est-à-dire il y a quelques semaines, Michelin faisait alterner dans ses usines temps de travail à plein régime et chômage partiel. C’est nous tous qui payons le chômage partiel… En 2024, Michelin touchait encore des aides à l’emploi. Je demande que le Gouvernement agisse. Les 1 200 familles de Cholet et de Vannes vous regardent. Pour qu’un gouvernement dure, il faut aussi poser des actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

situation internationale

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, permettez-moi d’abord, au nom du groupe Les Républicains, mais aussi au nom de tout le Sénat, de réaffirmer notre solidarité avec le peuple ukrainien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et RDPI.)

Ma question, monsieur le ministre, est d’un autre ordre. N’avez-vous pas le sentiment que ce qui se passe en Ukraine est le révélateur de la fin d’un système international fondé en 1945 sur deux valeurs, la démocratie et la liberté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jacques Grosperrin. Vous avez quatre heures ! (Sourires.)

M. Pascal Savoldelli. Il n’a rien dit sur Poutine…

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de lEurope et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Roger Karoutchi, merci pour votre excellente question, à laquelle je tâcherai de répondre en quelques minutes…

M. le président. Deux ! (Sourires.)

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Nous ne savons pas très bien ce que l’avenir nous réserve. Vous avez raison – et le Premier ministre l’a rappelé à la tribune du Sénat comme il l’avait fait à la tribune de l’Assemblée nationale –, nous assistons au réveil des logiques d’empires qui, ne reconnaissant pas les frontières, foulent aux pieds l’ordre international fondé sur le droit que nous avons contribué à bâtir sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale.

Le Premier ministre rappelait lundi, devant l’Assemblée nationale, les premiers mots de la Charte des Nations unies. Ceux-ci proclament que l’ONU a été fondée pour écarter le risque de la guerre, sur le principe simple du respect de l’intangibilité des frontières.

Nous voyons ces logiques d’empires se déployer sous différentes formes ici et là, et nous retrouvons dans les déclarations de la nouvelle administration américaine les germes de cet impérialisme que l’ONU avait réussi à contenir.

Mme Cécile Cukierman. Ils ne peuvent pas nous sauver, alors ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre. Soyons clairs : dans un moment comme celui-ci, nous pouvons nous détourner de cet héritage, de cette construction dont nous sommes les dépositaires, considérant que, à notre tour, nous devons entrer dans ces logiques d’empire. Mais nous ne le ferons pas, car nous considérons que seuls le droit et la justice peuvent garantir à la communauté internationale une paix durable. Les logiques d’empires, dans lesquels certains voudraient nous entraîner, nous mèneraient un jour ou l’autre dans des guerres que nous n’aurons pas choisies.

Mais pour défendre nos intérêts, les intérêts de la France et notre vision du monde qui repose sur le droit international et la justice, nous n’aurons pas d’autre choix que d’être beaucoup plus forts et beaucoup plus indépendants. Si nous restons dans la situation de vassalisation et d’asservissement dans laquelle nous nous sommes laissés enfermer, nous laisserons inévitablement les empires dicter la loi à l’échelle internationale, et nous n’aurons plus voix au chapitre.

C’est pourquoi le moment que nous vivons est si important. En renforçant l’Europe et en renforçant la France, nous avons l’occasion, le choix – et quand il y a un choix, il y a encore de l’espoir, comme disait le Premier ministre. Nous pourrons alors infléchir le cours des choses et faire entendre notre voix. Nous allons à présent entendre la vôtre, monsieur Karoutchi… (Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je n’avais pas l’intention de vous entraîner dans une logique d’empire…

En revanche, je m’interroge sur le fonctionnement de l’ONU, vous savez, cette organisation qui est censée assurer la paix dans le monde. Où était-elle lors de la crise entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ? Où est-elle pour les Kurdes ? Pour les chrétiens d’Orient ? Quel jeu ambigu a-t-elle joué au Proche-Orient depuis des années ?

L’ONU a changé de nature. Elle a été fondée essentiellement par des États démocratiques. Or, comme je le rappelais hier avec Cédric Perrin devant la commission des affaires étrangères, les États démocratiques ne sont plus majoritaires dans le monde. Ce qui revient à dire qu’il n’y a plus une majorité d’États démocratiques à l’ONU. Nous sommes dans un système fou, qui dérape, déraille.

Si nous ne voulons pas que se reproduisent des situations à l’ukrainienne, nous devons donc réformer profondément le fonctionnement de l’ONU. Sinon, cela ira de mal en pis. Puis, très clairement, l’Europe et l’Occident doivent se réarmer moralement, militairement, pour être en état de faire face. La France, notamment, a un rôle éminent à jouer. Ne nous laissons pas engluer dans des organisations internationales qui ne jouent plus le leur ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, INDEP et RDSE.)

crise de l’eau en guadeloupe

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Solanges Nadille. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer. Permettez-moi tout d’abord d’avoir une pensée pour nos amis de la Réunion, après le passage du cyclone Garance, qui a fait cinq morts, de nombreux blessés et d’importants dégâts.

Monsieur le ministre d’État, vous le savez, des coupures d’eau régulières perturbent considérablement la vie des Guadeloupéens. Il y a trois semaines, les agents du syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe ont entamé une grève, qui s’est poursuivie par un conflit autour du paiement des jours de grève.

Ces actions ont touché l’ensemble des communes de la Guadeloupe et privé d’eau la moitié de la population au plus fort de la crise. En plus des conséquences humaines et sanitaires, l’effet est dramatique pour l’économie locale. L’eau est indispensable à de nombreux secteurs d’activité tels que l’agroalimentaire, le tourisme, l’éducation ou encore le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP). Chaque jour de restrictions menace directement l’activité des entreprises et l’emploi de milliers de Guadeloupéens.

Si l’exercice du droit de grève est légitime, il est inacceptable de prendre en otage les habitants en les privant d’accès à l’eau. Je salue le travail des collectivités territoriales de Guadeloupe, qui poursuivent les investissements destinés à fiabiliser et moderniser les infrastructures de production et de distribution d’eau potable.

Au-delà du seul cas de la Guadeloupe, d’autres territoires ultramarins font également face à des difficultés de gouvernance, des manques en capacités techniques et des fragilités financières, qui impactent la qualité et la continuité du service public de l’eau.

Le comité interministériel des outre-mer (Ciom) tenu en juillet 2023 avait acté le renforcement du plan Eau DOM. Monsieur le ministre d’État, où en sommes-nous, et quelle est votre feuille de route sur le sujet ? Le dossier de l’accès à l’eau est prioritaire et devra être central lors du prochain Ciom. Il n’est plus possible que, en 2025, sur le territoire de la République, nos concitoyens n’aient pas un accès continu à l’eau potable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Solanges Nadille, vous avez raison, les questions d’eau doivent nous préoccuper, nous mobiliser, dans les territoires ultramarins en général, et notamment en Guadeloupe. Elles sont au cœur des mesures nouvelles du plan que vous avez évoqué, et devront figurer parmi les priorités du prochain Ciom.

Vous évoquez la situation du syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe. J’ai suivi de près le mouvement de grève survenu il y a trois semaines. Il a effectivement donné lieu à des dégradations volontaires, qui ont privé d’eau jusqu’à 112 000 habitants, soit 30 % de la population. Je condamne fermement ces méthodes irresponsables. Les auteurs de ces actes de malveillance doivent être identifiés et poursuivis par la justice. Je salue les agents non grévistes qui ont relancé les sites de production grâce à la sécurisation assurée par les forces de l’ordre.

Ce syndicat mixte fait l’objet d’un contrat d’accompagnement renforcé depuis 2023. L’État se tient à ses côtés en apportant un soutien financier et technique. Les élus ont décidé d’exercer pleinement leur responsabilité et j’attends que chacun joue pleinement son rôle. C’est vital pour les Guadeloupéens.

Attentat de mulhouse et sécurité des français

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, il y a une semaine environ, un homme mourrait à Mulhouse, poignardé. Un autre homme était interpellé. C’est un étranger en situation irrégulière, qui faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Vous nous avez dit vous-même que vos services avaient essayé à plusieurs reprises de procéder à son expulsion, mais que l’Algérie, son pays d’origine, avait refusé de le reprendre sur son sol.

C’est un fait divers, peut-être, mais c’est un fait divers qui se reproduit si souvent que cela devient un phénomène qui attente à la sécurité des Français – notamment, je veux le dire, dans le cadre de nos relations avec l’Algérie. (Murmures sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.) Dans ces conditions, monsieur le ministre, qu’entendez-vous faire pour assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Muriel Jourda, une évidence, d’abord : à Mulhouse, si l’Algérie avait respecté le droit, nos accords, ses obligations, il n’y aurait pas eu d’attentat islamiste ni de victimes.

Une certitude, ensuite : on peut avoir des approches différentes, il peut exister des nuances dans la vision de la relation spéciale entre nos deux pays, mais s’il y a bien un point, un élément sur lequel nous pouvons nous retrouver et sur lequel nous devons être intransigeants, c’est la sécurité de nos compatriotes. Je suis ministre de l’intérieur et la sécurité est ma priorité.

Les centres de rétention administrative (CRA) regroupent les individus que nous souhaitons éloigner et dont les profils sont les plus dangereux. Eh bien, 43 % de ceux qui sont retenus dans les CRA sont de nationalité algérienne. Ils sont libérés au bout de 90 jours. Que faire si nous n’obtenons pas de laissez-passer consulaires de l’Algérie ?

Le Premier ministre a présidé il y a quelques jours un comité interministériel de contrôle de l’immigration. Ce fut l’occasion de prévoir une réponse graduée vis-à-vis des autorités algériennes. Il ne faut rien écarter. Je crois, pour ma part, que nous devons discuter de l’accord de 1968. En effet, celui-ci procure des avantages qui ne sont plus justifiés aujourd’hui, notamment lorsque l’Algérie ne respecte pas elle-même, de son propre fait, l’accord de 1994.

Il faut protéger les Français, tous les Français, y compris Boualem Sansal. Il lui est reproché d’avoir choisi un avocat français juif ! C’est ce que lui ont dit ses geôliers. Que lui reproche-t-on ? D’être amoureux de la langue française ? De trop aimer la France ? On veut le faire taire ? Eh bien, je vous le dis, nous, nous ne nous tairons pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour la réplique.

Mme Muriel Jourda. Merci, monsieur le ministre. La sécurité, c’est ce que l’État nous doit, c’est ce qu’il doit à chaque citoyen français. Je crois que chacun en est convaincu ici.

Vous démontrez aussi que vous en êtes convaincu et que vous savez comment renforcer la sécurité des Français. Puissiez-vous en convaincre le Président de la République comme vous en avez convaincu le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation en ukraine et capacités militaires

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Georges Berthoin, à qui l’histoire offrit un destin européen aux côtés de Jean Monnet, et que je voulais évoquer en ces heures sombres, fut associé à la rédaction du traité créant la Communauté européenne de défense (CED), une sorte de plan Schuman élargi. Il reconnut ultérieurement qu’il était heureux que ce projet n’ait pas abouti en l’état, car, si le volet militaire était prêt – et l’on parlait tout de même d’une armée intégrée de plus de 500 000 hommes –, il n’en allait pas de même du volet politique.

Je crains, monsieur le ministre, que ce ne soit aujourd’hui l’inverse. Les conclusions du sommet de Londres et celles du Conseil européen qui se tiendra demain à Bruxelles devraient acter l’existence d’une volonté politique servie par des organes – ceux de l’Union européenne et de l’Otan – susceptibles de donner corps au projet d’une défense européenne.

Reste néanmoins le volet militaire. Plus de 80 % des budgets militaires des États membres de l’Union sont consacrés à l’acquisition d’équipements extra-européens. Alors que les États-Unis fournissent 63 % des commandes de l’Union européenne, l’industrie européenne de défense souffre de faiblesses structurelles majeures, comme nous le savons. Parmi les entreprises les plus importantes en Europe, une seule figure parmi les dix premières mondiales – encore est-elle britannique, et donc hors de l’Union européenne.

Quant aux coûts de production, il est de notoriété publique qu’un char coréen K2 Black Panther coûte trois fois moins cher qu’un Leopard 2A allemand.

La présidente de la Commission européenne évoque des investissements de 800 milliards d’euros sur quatre ans. À qui ces sommes vont-elles bénéficier ? Il y a urgence à apporter le soutien promis à l’Ukraine dans le contexte d’un possible retrait américain d’Europe, à la fois humain et matériel.

Faute de disposer des chaînes de montage et des personnels nécessaires – car doubler le budget des armées sans augmenter leurs ressources humaines n’aurait aucun sens – auprès de qui l’Union européenne va-t-elle acheter les matériels nécessaires dans les mois à venir ? À Israël, à la Turquie ou à la Corée du Sud ? (M. Philippe Folliot applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des armées.

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Madame la sénatrice, pour entrer dans la mêlée de cette réponse, dans la continuité du débat que nous avons eu hier, je rappellerai que, en quatre ou cinq ans seulement, la part des ventes d’armes françaises effectuées en Europe a largement augmenté. Il y a dix ans, elle était de moins de 10 %. En 2024, son volume a dépassé 10 milliards d’euros, sur un total de 18 milliards d’euros d’exportations. Certes, les sous-marins, les Rafales représentent une large part de cette somme. Mais la situation politique en Corée du Sud, par exemple, n’a pas spécialement rassuré plusieurs capitales européennes. Et les lignes de production américaines ne sont pas complètement passées en économie de guerre. D’ailleurs, les choses sont désormais claires, le réarmement américain bénéficiera avant tout à l’armée américaine, qui se prépare à d’autres schémas de tension, notamment dans le Pacifique Nord.

Ce n’est même plus une affaire de choix, d’ailleurs. Si les capitales européennes veulent vraiment se réarmer, elles vont bien être obligées, sauf à mentir à leur population, de faire des achats au sein de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE).

En ce qui nous concerne, je ne serai pas aussi catégorique que vous lorsque vous dites que l’accroissement du format va forcément de pair avec une augmentation des ressources humaines. Nous avons tellement diminué le capacitaire tout en préservant – heureusement – les ressources humaines que nous avons avant tout un effort important à faire sur ce dernier.

L’exemple des munitions, à mon avis, est parlant. Pour les munitions simples, l’aide à l’Ukraine nous a appris à reprendre du muscle, notamment sur les obus de 155 millimètres. Le vrai segment critique sera constitué par les munitions complexes : missiles de défense sol-air, missiles de frappe dans la profondeur, comme le missile Aster 30 B1NT. Nous allons continuer à remonter en puissance.

Un chiffre montre que l’économie de guerre fonctionne : entre 2026 et 2030, l’industrie française pourra absorber 7 milliards d’euros de commandes nouvelles passées en matière de munitions, soit pour nous-mêmes, soit pour de l’export. Les effets de l’économie de guerre se font sentir. Il faut que les commandes suivent. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.

Mme Hélène Conway-Mouret. Merci pour ces précisions, monsieur le ministre. Les chiffres que vous dévoilez sont très importants. Ils sont rassurants, à défaut d’être suffisants. Nos amis ukrainiens n’ont pas le temps d’attendre – et nous non plus. (M. Rachid Temal applaudit.)

zéro artificialisation nette

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Guislain Cambier applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation et portera, monsieur le ministre, sur le zéro artificialisation nette (ZAN) : quatre ans d’incompréhension et parfois de discorde, quatre ans que les maires entendent parler de ce sujet, quatre ans que le Sénat se bat. À mes côtés dans ce combat, je citerai Guislain Cambier, Amel Gacquerre, Jean-Marc Boyer, Hervé Maurey… et il y en a tant d’autres, sur toutes les travées ! Le Sénat se bat pour contrecarrer une logique planificatrice et dirigiste imposée par les gouvernements successifs. Voilà quatre ans que nous essayons de concilier la sobriété foncière avec un vrai accompagnement des élus.

Aujourd’hui, nous ressentons une forme de lassitude. Nous avons en effet eu connaissance la semaine dernière d’une note provenant de Matignon et laissant à penser que l’État reviendrait une fois de plus sur sa parole…

M. Jean-François Husson. Impossible ! (Sourires.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Il veut maintenir des industries dans les territoires, mais il refuse de prendre à son compte la consommation foncière qui en résulte. L’État se dit aux côtés des maires, mais ne fait rien pour que les préfets tiennent compte de la loi votée au Parlement. Les exemples sont nombreux… L’État prétend territorialiser, mais il entend maintenir une date couperet en 2034 pour l’application du ZAN à toutes les communes. L’État veut davantage de logements sociaux, mais il continue à priver les communes de leur pouvoir foncier.

Ma question est simple, monsieur le ministre : pouvons-nous enfin vous faire confiance, à la veille d’une discussion sur la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace) ? On trace, ou on ne trace pas ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation. Monsieur le sénateur Jean-Baptiste Blanc, je vous remercie de votre question. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger et nous allons continuer à tracer notre chemin ensemble, si vous en êtes d’accord.

Dès la semaine prochaine d’ailleurs, nous aurons l’occasion d’échanger lors de l’examen de cette proposition de loi, déposée par vous-même et le sénateur Cambier. Dès le début – c’est une habitude dans notre pays –, le choix a été fait d’une procédure descendante, sans s’interroger sur ce qui se passait au niveau des territoires. Pour ma part, je considère qu’il faut partir des territoires pour arriver à une proposition ascendante, dans le bon sens. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

C’est ce que nous faisons en essayant d’assouplir ce dispositif, comme vous le savez, afin de tenir compte des remarques des uns et des autres. Pour autant, l’objectif de sobriété foncière est au cœur de tous les élus de chaque territoire.

Cela fait d’ailleurs longtemps que nos élus de terrain, en particulier les maires, ont ce souci écologique : préserver leur territoire d’une trop grande artificialisation.

Je regarde les amendements qui ont été déposés. J’ai moi-même proposé d’alléger le dispositif et de décaler l’échéance, en prenant l’année 2024, et non plus 2021, comme point de départ de la période de référence.

Entre 2021 et 2024, il y a eu beaucoup de confusion. Certaines régions ont mis en place des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), tandis que d’autres – vous le savez – ne l’ont pas fait. La situation est donc assez complexe.

Je propose de maintenir une mesure de vérification à l’issue d’une période de dix ans – je sais que vous n’y êtes pas favorables (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) –, mais celle-ci n’interviendrait qu’en 2034, la période de référence débutant en 2024.

Je sais que vous et tous les maires de France partagez le même objectif : lutter pour la sobriété foncière ! (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.

M. Jean-Baptiste Blanc. Dont acte, monsieur le ministre : nous avons la même vision sur le sujet.

Mais j’espère que c’est bien vous, et pas votre administration, qui l’emporterez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Car ce qui ressort des travaux et des échanges sur le sujet nous inquiète un peu.

Certes, nous avons un objectif à atteindre. À cet égard, je remercie Matignon d’avoir demandé à Bercy de nous aider à chiffrer nos propositions financières et fiscales en la matière.

Car, au Sénat, nous travaillons déjà sur les outils et sur l’accompagnement financier et fiscal. D’où l’importance de voter la proposition de loi Trace ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Vincent Louault applaudit également.)

baisse du tarif d’achat de l’électricité photovoltaïque

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Madame la ministre, le Gouvernement a évoqué le 20 janvier dernier au Sénat, lors de l’examen du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (Facé), son intention de rationaliser le soutien aux énergies renouvelables, notamment vers les installations les plus efficaces concernant le photovoltaïque.

Depuis, un projet de révision de l’arrêté tarifaire nous alerte. Il pénaliserait de nombreuses initiatives locales citoyennes œuvrant de longue date, en cohérence avec leur localisation, en faveur de la promotion des énergies renouvelables, en particulier le solaire.

Même si je comprends la nécessité de réduire la dépense publique, ce changement abrupt de cap heurte de plein fouet des initiatives vertueuses, la lisibilité des règles, ainsi que la stabilité des modèles économiques. Pourtant, s’appuyer sur les projets citoyens est un levier formidable pour éviter les oppositions locales ! (M. Jacques Fernique applaudit.)

Nos voisins européens, plus pragmatiques, l’ont bien compris. En Allemagne, plus de 40 % des énergies renouvelables sont détenues par les citoyens et agriculteurs. Aux Pays-Bas, il y a 500 coopératives énergétiques locales. Avec notre dérisoire 1 %, nous faisons figure de mauvais élève de l’Europe pour le photovoltaïque.

La suppression du soutien au segment 100 kilowatts-crête à 500 kilowatts-crête, qui constitue aujourd’hui un moteur de croissance du solaire en France, indispensable à la réussite de la décarbonation de l’énergie dans les territoires, risque d’aggraver notre retard, mais également d’exposer le pays à des sanctions financières à l’échelon européen.

Madame la ministre, une telle décision n’entre-t-elle pas directement en contradiction avec nos objectifs nationaux de décarbonation ? En conséquence, allez-vous revenir dessus ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Claude Kern, j’ai trois éléments de réponse à vous apporter.

Premièrement, je rappelle que l’État soutient depuis de nombreuses années le photovoltaïque sur les toitures. Le succès du dispositif de soutien proposé depuis le mois d’octobre 2021 dans le cadre de l’arrêté tarifaire dont vous avez fait mention en atteste. Au mois de janvier dernier, nous avons atteint près d’un gigawatt de demandes de contrat sur le segment que vous avez évoqué, en l’occurrence 100 kilowatts-crête à 500 kilowatts-crête. C’est déjà la moitié de l’objectif annuel. Il y a eu un véritable emballement.

M. Yannick Jadot. Cela s’appelle un succès !

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Cela nous conduit à ajuster le soutien de l’État.

La production d’électricité doit être ajustée à la consommation. Il ne sert à rien de produire ce qui ne peut pas être consommé. Les prix négatifs en sont une illustration.

Deuxièmement, la filière ne partage pas votre sentiment quant à la brutalité supposée de la décision qui a été prise. Il y a au contraire eu beaucoup de concertation. D’ailleurs, comme nous l’ont confirmé les acteurs concernés, le tarif qui sera proposé au prochain trimestre, en l’occurrence 95 euros le mégawattheure, est compatible avec le développement du photovoltaïque.

Troisièmement, la filière a elle-même proposé des solutions de rechange à la baisse des tarifs de rachat pour atteindre nos objectifs. Pour les installations du segment que vous évoquez, un appel d’offres simplifié permettrait de contrôler le volume soutenu avec un tarif viable économiquement pour les projets.

Les discussions sont en cours. Elles se poursuivront demain au sein du Conseil supérieur de l’énergie. Nous continuerons de dialoguer avec les acteurs de la filière, afin que le développement du photovoltaïque, auquel nous sommes très attachés, soit compatible avec les besoins énergétiques du pays. Je suis certaine que vous partagez cet objectif.

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.

M. Claude Kern. Madame la ministre, n’oubliez pas que de nombreux comités de citoyens se sont créés. Or, au train où vont les choses, beaucoup de projets en cours risquent malheureusement d’être abandonnés. Puissent les discussions auxquelles vous faites référence aller dans le bon sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST.)

situation à la réunion (ii)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Malet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Viviane Malet. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

Cinq personnes ont perdu la vie après le passage du cyclone Garance. J’adresse ici tout mon soutien et celui de mon groupe à leurs familles. Des centaines de familles réunionnaises sont sinistrées ; je souhaite leur exprimer ma solidarité. Je tiens également à saluer l’action de nos élus, de nos pompiers, de nos soignants et des agents des services publics ou privés ainsi que de l’État, qui sont venus en aide à l’ensemble de la population dans ces circonstances tragiques.

Après la dévastation de l’archipel mahorais, c’est La Réunion qui a été à son tour durement éprouvée ce 28 février, avec des vents dévastateurs de plus de 200 kilomètres-heure et des pluies diluviennes. Avec la chute de 21 pylônes de très haute tension, cette catastrophe majeure a privé des familles de toit et a endommagé de nombreuses habitations. À l’heure actuelle, 40 000 foyers sont sans électricité, et 30 000 sont privés d’eau. Des pans entiers de l’économie locale sont touchés ; des commerces, des entreprises et des bâtiments publics sont fortement endommagés.

Nos agriculteurs voient leur production totalement détruite, alors qu’ils se relevaient à peine du cyclone Belal de 2024, pour lequel les aides tardent à être versées.

Le centre hospitalier universitaire (CHU) a été inondé, ce qui complique considérablement la prise en charge des patients, alors même que les risques sanitaires post-cycloniques sont connus et peuvent entraîner des épidémies.

Monsieur le ministre, à compter de demain, vous vous rendez sur l’île. Face à une situation aussi dramatique, allez-vous annoncer, outre la mobilisation du fonds Barnier, la déclaration de l’état de catastrophe naturelle et de calamité agricole, des mesures exceptionnelles pour venir en aide aux familles réunionnaises sinistrées, pour alléger les charges de nos entreprises et pour accompagner nos collectivités, dont les budgets sont déjà contraints ? Allez-vous préconiser des dispositifs concrets de prévention des risques face aux phénomènes climatiques, afin d’anticiper de telles crises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Malet, vous avez eu raison de rappeler la mobilisation de tous.

Depuis la levée de l’alerte rouge samedi matin, les services de l’État et les collectivités sont pleinement mobilisés pour venir en aide à la population, réparer les premiers dégâts et rétablir la situation.

Les effectifs engagés sont particulièrement importants. Ainsi, 900 personnels des forces de sécurité et 245 personnels de secours, dont 188 sont venus en renfort, ont été mobilisés. En outre, à la demande du ministre de l’intérieur, 100 personnels de la sécurité civile ont rejoint l’île hier.

Je suis très attentif à la restauration – j’en ai parlé tout à l’heure – de l’accès à l’électricité, à l’eau potable et aux réseaux de télécommunications sur l’ensemble de l’île.

Je me rends dès ce soir à La Réunion, afin d’être aux côtés de la population éprouvée, des élus locaux et de l’ensemble des équipes de secours. Nous ferons un état des lieux précis des actions prioritaires pour soutenir les habitants sinistrés de l’île et permettre la reconstruction.

La procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, à laquelle vous avez fait référence, est enclenchée. Elle devrait aboutir en urgence cette semaine.

La situation des agriculteurs qui voient leur travail et leur production anéantis par le cyclone Garance doit être examinée avec attention et rapidité. Les travaux de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf) et du préfet en vue de la reconnaissance de calamité agricole ont déjà commencé.

D’une manière générale, tous les dossiers devront être traités dans les délais les plus brefs. Surtout, les indemnisations devront être versées rapidement. J’y veillerai.

J’aurai sur place l’occasion de compléter ces annonces au regard de ce que je pourrais constater avec l’ensemble des professionnels. J’espère que nous pourrons répondre le plus vite possible aux attentes – elles sont fortes – de nos compatriotes réunionnais.

fusillade en avignon

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Lucien Stanzione. Avignon mitraillée ! Avignon meurtrie ! Avignon terrorisée !

Ce dimanche, à dix-sept heures, dans la Cité des papes, une nouvelle fusillade a éclaté. Deux semaines plus tôt, dans le quartier Saint-Chamand, il y avait eu un homme abattu et cinq blessés graves. C’est une mécanique implacable qui broie des vies !

Comment ne pas penser au capitaine de police Éric Masson, assassiné en pleine ville sur un point de deal ?

Trois ans après, la situation a empiré. La violence et les deuils se multiplient. Les habitants vivent sous tension. La peur paralyse. Aujourd’hui, les transports en commun sont bloqués dans tous ces quartiers. La délinquance est là, s’affirme et s’étale.

Je pourrais évoquer Grenoble, Dijon, etc. On brûle des bibliothèques en représailles contre l’action des pouvoirs publics. À Avignon, ce sont des tirs pour intimider, des règlements de comptes pour contrôler. En 2024, il y a eu six « narchomicides », soit deux fois plus qu’en 2023. Les guerres de territoires s’intensifient.

Monsieur le ministre, vous avez intégré Avignon au dispositif Villes de sécurité renforcée, comme Grenoble, Rennes et d’autres. Je veux ici saluer cette décision.

Il faut tirer les leçons des échecs passés. Votre prédécesseur, Gérald Darmanin, enchaînait des opérations spectaculaires pour faire « place nette ». Mais une place nette sans projet, c’est une place vide, qui devient perdue pour notre République !

Saint-Chamand, Monclar, La Rocade… Dix ans de violence ! Combien de services publics, de centres sociaux et d’associations laissés à l’abandon ? Quand on abandonne un quartier, il se remplit d’autres lois que celles de notre République.

Il faut un État qui protège, une police formée et dotée de moyens réels, une justice efficace et juste.

Je veux ici saluer le travail du préfet Thierry Suquet et celui des forces de l’ordre et des acteurs de terrain emmenés par la maire Cécile Helle, qui, avec des moyens contraints, tentent de ralentir une telle spirale.

Quels moyens durables et pérennes comptez-vous mettre en place pour Avignon ? Les criminels, eux, n’attendent pas !

Monsieur le ministre d’État, nous espérons votre venue sur place dans les prochains jours. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord vous remercier d’avoir rendu hommage au capitaine Éric Masson, dont la compagne était enceinte lorsqu’il a été tué.

Vous m’interrogez sur les moyens de rétablir l’ordre. À Avignon, comme dans d’autres grandes villes, nous menons précisément une lutte acharnée contre les trafiquants de drogue. Vous sollicitez une réponse durable de la part de l’État. C’est ce que je voudrais vous apporter.

La réponse durable, ce sera le vote – je salue MM. Jérôme Durain et Étienne Blanc, présents dans cet hémicycle – de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic dans quelques jours, je l’espère, à l’Assemblée nationale.

Sans attendre, nous avons décidé une nouvelle stratégie, que nous expérimentons à Grenoble, ainsi, bien entendu, qu’à Avignon. Elle comporte trois réponses : une réponse judiciaire, une réponse sécuritaire et une réponse administrative. Il s’agit donc d’une stratégie globale.

Réponse judiciaire d’abord. Les coups de filet pour attraper les têtes de réseau sont préparés par l’autorité judiciaire, notamment avec du renseignement.

Réponse sécuritaire ensuite. La CRS 84, qui est une CRS de nouvelle génération, a été dépêchée sur place. Nous occupons l’espace public et les transports. Nous effectuons des fouilles de caves et d’immeubles. Nous exerçons des contrôles de police et de gendarmerie sur la voie publique.

Réponse administrative enfin. Nous tapons les narcotrafiquants au portefeuille, afin de détruire l’écosystème ; je pense notamment au système des blanchisseuses. Nous menons aussi des enquêtes patrimoniales ; c’est fondamental !

M. Bruno Retailleau, ministre dÉtat. Nous en voyons les premiers résultats : 200 interpellations pour stupéfiants ; 30 kilos de cannabis, 5 kilos de cocaïne et 5 kilos de kétamine saisis ; 230 amendes forfaitaires délictuelles (AFD) infligées. Et nous avons arrêté des trafiquants. Je ne peux pas en dire plus, car l’enquête, sous la direction de l’autorité judiciaire, est en cours.

Croyez-moi, nous allons combattre ces narcoracailles pied à pied ! J’espère pouvoir vous dire un jour : « Avignon libérée ! » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

inadéquation de l’étiquetage nutritionnel aux produits traditionnels tels que le fromage au lait cru

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

En 2017, la France a expérimenté le Nutri-score et le système de notation censé indiquer la qualité nutritionnelle des aliments. Or ce système est contesté. Défavorable aux produits traditionnels, tels que les fromages au lait cru et la charcuterie, il soulève de nombreuses craintes chez les producteurs et les filières de qualité, qui en dénoncent les critères.

En 2020, la Commission européenne envisageait de rendre le Nutri-score obligatoire à l’échelle de l’Union européenne. Cependant, le 28 février 2025, un vote de la Commission européenne a validé le retrait du Nutri-score obligatoire ; à cette occasion, la France s’est abstenue.

Cet abandon répond à des préoccupations légitimes. Je les avais déjà soulevées avec d’autres ici auprès de vos prédécesseurs en insistant sur la nécessité d’éviter une obligation qui aurait fragilisé les filières de qualité.

Nous sommes au lendemain du Salon de l’agriculture et du concours général agricole, et nous célébrons cette année le centenaire de l’appellation d’origine protégée du roquefort. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est la plus ancienne appellation de France. Je le rappelle, la filière du roquefort a été la première à dénoncer les incohérences du Nutri-score et les menaces qu’il faisait peser sur la pérennité des productions de qualité.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quel est l’avenir de l’étiquetage nutritionnel en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Annie Genevard, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Anglars, lorsque le Nutri-score a été mis en place, on pensait que toute l’Europe allait s’en emparer. En réalité, ce système a eu un faible succès ; aujourd’hui, sept pays de l’Union européenne seulement l’ont adopté.

Avec la filière roquefort, vous avez été le premier – je vous en félicite – à soulever les problèmes que posait un tel étiquetage.

Certes, l’intention était louable. Il est bon de communiquer la qualité nutritionnelle des produits aux consommateurs.

Mais le problème pour le roquefort chez vous, comme pour le comté chez moi, ou pour toutes les magnifiques salaisons françaises, c’est que le classement de ces produits remarquables était très mauvais. Ils étaient jugés tantôt trop gras, tantôt trop sucrés.

Mme Raymonde Poncet Monge. C’est la réalité !

Mme Annie Genevard, ministre. Nous voyons donc que le Nutri-score pose un certain nombre de difficultés à des filières d’une très grande qualité. À tel point que, consciente des difficultés créées par un tel étiquetage, la France a – vous l’avez rappelé – voté non à la proposition de la Commission européenne de le rendre obligatoire.

En 2023, l’algorithme a été revu. Nous aurions pu espérer que les désagréments et les effets de bord négatifs seraient corrigés. Cela n’a pas du tout été le cas ! Au contraire, il y a même eu une aggravation. Ainsi, le lait a été classé non plus comme aliment, mais comme boisson ! De mon point de vue, c’est proprement scandaleux. Cela le prive automatiquement de la note A, qu’il obtenait généralement.

Il y a donc un vrai sujet. D’un côté, les politiques encouragent à la consommation de produits laitiers : deux par jour pour les adultes, et trois à quatre par jour pour les enfants. De l’autre, on désincite les consommateurs, puisque le lait est mal classé au Nutri-score. C’est tout de même problématique.

Nous sommes, je le rappelle, dans la semaine de la lutte contre l’obésité…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Annie Genevard, ministre. La décision a été prise voilà plus d’un an. L’arrêté est à ma signature. Je ne l’ai pas encore signé. Je ne sais pas quelles sont mes marges de manœuvre pour corriger les effets négatifs, mais croyez bien que je m’y intéresse de très près.

Cela étant, les consommateurs apprécient le Nutri-score. Il faut aussi en tenir compte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe RDPI.)

M. Bernard Jomier. Tout de même !

filière photovoltaïque

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, depuis plusieurs années, les orientations du pays en termes de politique énergétique sont pour le moins sinueuses, pour ne pas dire branchées sur courant alternatif.

La dernière déclaration du Président de la République, avec la fameuse formule Plug, baby plug !, laissait entrevoir une trajectoire un petit peu plus rectiligne vers une électrification de nos usages. Ce n’est visiblement pas le cas.

De même, alors qu’une programmation pluriannuelle de l’énergie est réclamée depuis deux ans, il faut bien faire le constat aujourd’hui d’une éclipse totale.

Notre électricité est, comme chacun sait, à 95 % décarbonée, en grande partie grâce à notre nucléaire. Nous pouvons profiter de productions locales photovoltaïques avec des installations intégrées à des bâtiments, c’est-à-dire sans dénaturer les sols naturels.

C’est précisément le cas du secteur dit S21. Des installations photovoltaïques de moins de 500 kilowatts sur des bâtiments sont déjà financées par des collectivités locales, des particuliers, voire des exploitants agricoles.

Or les professionnels de la filière que nous avons rencontrés nous disent que nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau court-circuit général. En effet, le décret que le Gouvernement s’apprêterait à prendre signerait l’arrêt brutal de subventions d’aide aux petites installations, qui sont bien dimensionnées.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer une telle intention ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de lartisanat, des petites et moyennes entreprises et de léconomie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur Stéphane Piednoir, comme j’ai eu l’occasion de le souligner en réponse à une question précédente, l’État soutient le développement du photovoltaïque, notamment sur les toitures, depuis plusieurs années.

Pour autant, toute politique, quelle qu’elle soit, doit être budgétairement soutenable.

Je le rappelle, aujourd’hui, le coût des installations du photovoltaïque sur toiture est deux fois plus élevé que celui du photovoltaïque au sol ou des installations d’une importance autre. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite effectivement recentrer le soutien vers des installations plus performantes.

L’arrêté tarifaire qui existe depuis 2021 a été à l’origine d’une demande particulièrement forte. Comme je le disais, au mois de janvier dernier, près d’un gigawatt de demandes, soit la moitié de l’objectif annuel, ont été déposées.

Un ajustement est en cours, avec deux orientations : premièrement, favoriser pour les plus petites installations tout ce qui concerne l’autoconsommation ; deuxièmement, prévoir pour tout ce qui est injection sur le réseau un soutien orienté vers des installations plus performantes et économiquement viables de plus grande puissance.

Encore une fois, l’électricité ne se stocke pas et il n’est pas du tout vertueux de produire de l’électricité que l’on ne peut pas consommer. Dans ce cadre, un arrêté spécifique sur le photovoltaïque au sol plus compétitif sera publié avant la fin du premier trimestre de 2025, afin d’encourager ce type d’installations et de diversifier les sources de production d’énergies renouvelables.

L’État soutient l’énergie photovoltaïque et ajuste les aides publiques dont vous avez fait mention pour orienter les financements vers des solutions plus efficaces et plus adaptées aux enjeux de la transition énergétique. Il vise en parallèle à favoriser l’autoconsommation pour les particuliers.

Au demeurant, les contrats en cours qui sont déjà signés ne sont pas du tout concernés par de telles modifications.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, il y a des contrats qui ne sont pas encore signés, mais qui sont déjà bien engagés. Les collectivités comme les particuliers ont pris des engagements sur la base d’aides publiques actées précédemment.

Ce qui est reproché par les acteurs de la filière, c’est la brutalité de la baisse annoncée. Ils ne sont pas hostiles à un changement des règles du jeu, mais pas comme cela. Les changements de réglementation incessants fragilisent toute une filière.

J’attire aussi votre attention sur le fait qu’il s’agit d’emplois locaux – il y en a plus de 60 000 au total –, du maçon au poseur d’installation. Je me refuse à voir toute la filière fragilisée par des mesures aussi brutales ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 12 mars, à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Alain Marc.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Marc

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Lutte contre la vie chère, droit de la concurrence et régulation économique outre-mer

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer, présentée par M. Victorin Lurel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 199, texte de la commission n° 370 rectifié, rapport n° 369).

Conformément à l’article 74 de la Constitution ainsi qu’aux articles L.O. 6213-3, L.O. 6313-3 et L.O. 6413-3 du code général des collectivités territoriales, le Sénat a consulté les conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi que l’assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna sur cette proposition de loi.

Dans sa délibération du 24 février 2025, le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon a émis un avis favorable sur ce texte.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Victorin Lurel, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Victorin Lurel, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans cette discussion générale, je serai volontairement bref et j’irai à l’essentiel, afin que puissions avoir le temps de débattre et de construire un compromis.

Mes premiers mots seront des remerciements que je tiens à adresser au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, auquel j’appartiens, et à son président. C’est la première fois, en effet, dans cette assemblée, qu’un groupe souhaite consacrer l’intégralité de sa niche parlementaire à l’examen de deux textes relatifs aux outre-mer. Cela constitue un symbole et un acte fort. Je vous en remercie, mes chers collègues.

Au fond, ces deux textes s’attaquent à une même question : quels outils nouveaux pouvons-nous utiliser pour lutter contre la vie chère dans nos territoires ?

Ce combat pour le pouvoir d’achat est au fondement de mon engagement et de mon action politique.

Lorsque j’étais ministre, j’ai tenu à ce que le premier texte présenté par la gauche, après son retour au pouvoir en 2012, soit la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

Invention des injonctions structurelles, réglementation des marchés de gros, interdiction des accords d’exclusivité d’importation et de distribution, renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence, décrets sur les carburants, création du bouclier qualité prix (BQP) : nous avons alors agi vite et, je crois, puissamment.

Par la suite, alors que j’étais redevenu député, j’ai, à la demande du ministre d’État ici présent, qui était alors Premier ministre, porté à l’Assemblée nationale la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Celle-ci visait à compléter la loi de 2012. Elle était utile et ambitieuse. Elle a été construite en synergie avec mon homologue, Mathieu Darnaud, qui était alors rapporteur du texte au Sénat.

Nous sommes aujourd’hui en 2025 et, disons-le, les structures de marché n’ont que trop peu évolué. L’opacité perdure, les rentes persistent, les concentrations et les dominations demeurent, l’activisme et l’ingéniosité sont toujours à l’œuvre pour contourner les lois.

Avec cette proposition de loi, il ne s’agit pas pour moi de verser dans l’accusatoire ou dans le déclamatoire. L’enjeu est de répondre à une urgence, la salubrité économique, en continuant d’intensifier la pression concurrentielle : c’est la seule solution, selon moi, pour faire baisser durablement les prix. Pour cela, il faut agir rapidement et efficacement par le biais de mesures concises et ciblées.

Conscient de l’existence du fait majoritaire et n’étant l’homme d’aucun dogme, je pense pouvoir dire que nous avons bien travaillé avec Mme la rapporteure.

Je tiens d’ailleurs, madame la rapporteure, à saluer votre disponibilité et votre attitude d’ouverture constructive. Grâce à un dialogue « compétitif » – comme on le dit dans le code des marchés publics (Sourires.) –, en faisant des pas réciproques et avec la volonté commune de trouver des avancées concrètes en faveur du pouvoir d’achat outre-mer, nous avons su trouver les voies d’un compromis.

Convaincu que de petits pas constituent souvent de grandes avancées, je pense que ce texte est équilibré et qu’il pourrait recueillir l’agrément de notre assemblée.

Toutefois, compte tenu de la prégnance du fléau de la vie chère et de la complexité des structures de marché, qui hélas ! comme le dit le ministre, continuent d’étouffer nos économies, je suis convaincu que nous devons aller aujourd’hui un peu plus loin.

C’est pourquoi je présenterai, dans quelques instants, en accord avec la rapporteure, qui, je l’espère, sera bienveillante, cinq amendements, afin de cranter de nouvelles avancées, qui sont attendues par nos compatriotes, mais également par de nombreux acteurs locaux.

Ces amendements tendent à prévoir des mesures fortes afin d’encadrer et de plafonner les marges arrière, de sécuriser les commerçants locaux face aux oligopoles qui contournent la loi de 2012, et de corriger une discrimination majeure en intégrant les outre-mer dans les conditions générales de vente des plateformes.

Je conclurai en m’adressant à M. le ministre d’État, qui, en quelques semaines, a eu l’audace de placer la lutte contre la vie chère parmi ses priorités.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que notre débat a lieu quelques jours après l’entrée en vigueur de l’exemption de TVA pour soixante-neuf familles de produits de grande consommation à la Martinique, à la suite du protocole sur la vie chère signé avec l’État.

Sur ce point, je vous demanderai, monsieur le ministre, de veiller au déploiement de toutes les mesures du protocole et surtout d’encourager la mise en œuvre d’une symétrie territoriale pour préserver le marché unique antillais, en demandant à la Guadeloupe, et notamment au président de la région, d’agir en faveur du pouvoir d’achat – on y refuse, pour le moment, de baisser l’octroi de mer.

Monsieur le ministre, vos mots sont forts, vos engagements sont fermes. Une volonté nouvelle semble avoir été affirmée. Elle doit dès aujourd’hui se traduire en actes. Ne décevez pas l’espoir suscité. Vous voulez, vous pouvez, vous devez donc agir !

Au-delà des lois, de nombreuses mesures réglementaires peuvent d’ores et déjà être prises : obtenez un renforcement des moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; suscitez des enquêtes approfondies de l’Autorité de la concurrence ; assurez-vous, par des circulaires, que les services de l’État à l’échelon local effectuent les contrôles nécessaires et font respecter les lois et les interdictions ; engagez une réforme des décrets sur les carburants ; etc.

De nombreux outils existent. Il est nécessaire que nous tous – Gouvernement, État, collectivités, citoyens consommateurs et Parlement – nous en saisissions.

Je constate avec regret et une grande frustration que, depuis 2017, les lois que j’ai fait voter, les rapports que j’ai rédigés, les multiples missives que j’ai envoyées à vos prédécesseurs ont pour la plupart été remisés dans les tiroirs et soumis à la critique rongeuse des souris… (Sourires.)

Nous espérons que cette proposition de loi prospérera ; à partir de ce soir, je n’en suis plus propriétaire.

Monsieur le ministre, toutes les idées sont sur la table, toutes les bonnes volontés s’expriment et nos peuples attendent des mesures fortes.

Faites vôtres les avancées conquises aujourd’hui. Je suis intimement convaincu que la discussion de ce texte peut utilement donner matière à une nouvelle grande loi contre la vie chère, qui serait soutenue par le Gouvernement. Je suis prêt à vous aider et à alimenter la réflexion en vue d’un tel texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je suis très fière d’avoir été désignée rapporteur de ce texte. J’ai découvert, dans le détail, le problème de la vie chère qui affecte nos compatriotes outre-mer. Je considère, sans doute avec le zèle bien connu des néophytes, qu’il s’agit d’un fléau contre lequel nous devons absolument lutter de toutes nos forces. Je comprends désormais toutes ces mobilisations récurrentes contre la vie chère dans ces territoires.

Je remercie l’auteur de la proposition de loi, Victorin Lurel, d’avoir partagé ses connaissances sur le sujet, du travail conjoint que nous avons effectué pendant deux mois, mais aussi de nos disputes conjointes… (Sourires.) Nous sommes ainsi parvenus à élaborer un texte consensuel, qui a été largement soutenu et adopté par la commission des affaires économiques voilà deux semaines.

Avant de revenir plus en détail sur les dispositions de cette proposition de loi, j’évoquerai les causes de cette situation et leurs conséquences.

Près de 2,8 millions de nos compatriotes outre-mer sont confrontés à des prix significativement plus élevés que dans l’Hexagone. La différence varie entre 9 % et 31 % selon les territoires. Je crains que cette situation ne s’aggrave au fil du temps.

Ces écarts sont particulièrement marqués pour les produits alimentaires, puisque les prix sont de 30 % à 70 % plus élevés qu’en métropole ; cela représente une part significative des paniers de consommation.

Les causes de ce phénomène sont bien identifiées, mais il est indispensable de les rappeler.

Tout d’abord, en raison d’une production locale faible et insuffisamment compétitive, les besoins de consommation ne sont pas satisfaits. Il est donc nécessaire de recourir massivement aux importations, de l’étranger ou de l’Hexagone.

Les importations de l’étranger sont réduites, car les échanges commerciaux avec les économies voisines sont limités dans la mesure où ces territoires ne participent à aucun accord de libre-échange : en effet, beaucoup de produits étrangers doivent d’abord entrer sur le territoire métropolitain avant d’être réexpédiés vers les outre-mer, et ce afin de respecter les normes sanitaires et réglementaires.

Les importations de l’Hexagone ont pour corollaire des coûts de transport et de logistique élevés, le versement d’une taxe spécifique, l’octroi de mer, due sur l’entrée des marchandises dans les territoires ultramarins, et l’application d’une fiscalité en cascade.

Ensuite, en raison de l’étroitesse des marchés, la plupart des entreprises locales souffrent d’un manque de débouchés, ce qui les empêche très souvent de réaliser des économies d’échelle. Leur compétitivité-prix est d’autant plus faible qu’elles subissent la rigidité des coûts du travail. Enfin, en raison des coûts d’entrée élevés sur le marché, peu d’entreprises peuvent s’y maintenir, si bien que, comme l’a indiqué M. Lurel, des monopoles et des oligopoles se forment dans des secteurs clés, tels que la distribution, l’énergie, ou les transports. La concurrence ne peut émerger, ce qui favorise le gonflement des marges, tandis que la clientèle est captive, sans solution de substitution.

Je partage donc bien évidemment le constat de l’auteur de la proposition de loi : il convient de constituer un marché réellement concurrentiel, et ce texte peut peut-être y contribuer.

En accord avec l’auteur de la proposition de loi, nous avons trouvé un compromis sur l’article 1er, qui consiste en la création d’une nouvelle procédure : le préfet pourra demander au président du tribunal de commerce, statuant en référé, d’adresser une injonction sous astreinte aux dirigeants défaillants en vue de les contraindre à déposer les comptes de leur société. Je vous présenterai un amendement visant à préciser les modalités de cette astreinte.

Les compromis trouvés à l’article 2 visent à renforcer les prérogatives des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), qui auront la possibilité de saisir les agents de la DGCCRF, et à étendre la possibilité de saisine de l’Autorité de la concurrence aux départements d’outre-mer. Celle-ci pourra également être saisie par les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) dès lors qu’une entreprise détient une part de marché de 25 % d’une zone de chalandise, et non plus de 50 % comme c’est le cas actuellement.

Selon moi, le réel problème réside moins dans la transmission de documents par les entreprises que dans la communication entre les services de l’État d’informations déjà détenues.

À cela s’ajoute la complexité de la structuration juridique et financière des grandes sociétés intégrées verticalement ou en situation d’oligopole transversal sur le commerce. Ces deux phénomènes nuisent à la transparence et à la compréhension de la structure des marges.

Dans les faits, ces groupes mutualisent leurs coûts d’approche, conservent tous les gains et les économies d’échelle, maîtrisent les coûts de financement et du foncier, ce qui empêche l’émergence d’autres opérateurs.

Pour toutes ces raisons, nous devons reconnaître que ces grands groupes sont des passages obligés.

Il nous faut, ensemble, réfléchir à des solutions techniques, qui soient acceptables par toutes les parties, et dont nous avons la certitude qu’elles auront, à terme, des effets pour le consommateur.

Je pense d’ailleurs que certains amendements représentent des avancées significatives. Je pense notamment à celui qui vise à uniformiser avec la métropole les conditions générales de vente entre fournisseurs et distributeurs, ou encore à celui qui tend à exclure les frais d’approche du seuil de revente à perte, comme cela avait été proposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, lors de l’examen de la proposition de loi de la députée Bellay.

Mes chers collègues, je resterai mobilisée sur les enjeux de la vie chère dans les outre-mer. La commission des affaires économiques continuera d’apporter son soutien critique et vigilant à toute mesure permettant d’améliorer structurellement la situation. C’est dans cet esprit que nous avons examiné les amendements déposés sur ce texte.

Je terminerai mon propos par une remarque d’ordre plus général.

Monsieur le ministre, les territoires d’outre-mer ont véritablement besoin de vous pour réaliser une transformation en profondeur de leur économie, et ce sur plusieurs volets. Il faut améliorer la concurrence – ce texte y contribue déjà – ; réduire les rigidités des marchés ; renforcer les structures de financement et de paiement des petites entreprises pour améliorer leur rentabilité et réduire leur besoin en fonds de roulement ; concentrer les efforts d’investissement sur la modernisation des ports et des plateformes logistiques, ainsi que sur la transition énergétique et l’autonomie alimentaire, afin de développer l’agriculture locale ; œuvrer à l’intégration régionale de ces territoires.

L’exode vers la métropole des talents et des jeunes diplômés pénalise ces territoires. Rendons-les attractifs pour y maintenir nos forces vives ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Marc Laménie, Victorin Lurel et Lucien Stanzione applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame le rapporteur, monsieur l’auteur de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs : « L’histoire des outre-mer dans la République est celle d’une longue marche vers l’égalité, vers l’égalité réelle. » Ces mots ne sont pas les miens, ce sont ceux de Victorin Lurel, qui était alors ministre des outre-mer, lorsqu’il a présenté au Sénat son projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, le 26 septembre 2012.

Treize ans plus tard, alors que je me tiens à la place qui était la sienne, il m’est malheureusement impossible d’affirmer que cette marche vers l’égalité est terminée. Mais je peux dire en revanche que Victorin Lurel, avec d’autres bien sûr, a permis de bien avancer en la matière.

La loi dont je viens de parler a constitué un tournant dans l’encadrement des pratiques commerciales ultramarines. Elle a ainsi institué le bouclier qualité prix – le BQP –, réprimé les accords exclusifs d’importation et étendu la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence, tout en élargissant les prérogatives de cette dernière. Madame le rapporteur, vous avez raison : ce débat, en effet, n’est pas nouveau.

Comme Victorin Lurel, qui prouve aujourd’hui encore sa détermination en nous réunissant pour l’examen de cette proposition de loi, je veux faire de la lutte contre la vie chère outre-mer une priorité absolue de mon action.

Le constat est sans appel – cela vient d’être rappelé. Aucun territoire ultramarin n’est épargné. L’écart de prix par rapport à l’Hexagone est en moyenne de 15 %, mais pour les produits alimentaires, il dépasse souvent, comme nous avons déjà eu souvent l’occasion de le dire lors de nos débats dans cet hémicycle, les 40 %. C’est insupportable et insoutenable pour nos compatriotes ultramarins. Cela constitue une véritable fracture sociale, qui nourrit un sentiment d’inégalité et un ressenti d’injustice. Ces derniers s’aggravent dangereusement.

Cette situation met en péril non seulement la cohésion et l’intégrité de ces territoires, mais aussi tout simplement celles de notre Nation.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant l’Assemblée nationale : il nous faut désormais définir un plan de bataille complet, structurel, sérieux, crédible, qui s’attaque méthodiquement à tous les facteurs qui concourent à la cherté de la vie dans les outre-mer.

Ce plan se résume en cinq mots.

Le premier mot est : « concurrence ». Je tiens depuis plusieurs semaines un propos de vérité, qu’il aurait fallu sans doute tenir depuis bien longtemps. Oui, le partage et la chaîne de valeur outre-mer ne sont pas équitables. Oui, de grands groupes très performants créent de l’emploi et font travailler beaucoup de monde, mais ils étouffent parfois l’économie – je remercie d’ailleurs M. Lurel d’avoir repris mes mots – et, à travers elle, les populations.

Pour mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles, je ne crois pas en la seule bonne volonté des acteurs. Je veux remettre en première ligne de ce combat l’Autorité de la concurrence, renforcer ses moyens et la rapprocher du terrain. Sinon, cela ne marchera pas. Je souhaite avancer sur la création en son sein d’un service d’instruction spécialisé et consacré aux outre-mer.

En outre, nous le savons, il faudra également renforcer les moyens et les équipes de la DGCCRF. Il convient aussi d’élargir les possibilités de saisine de l’Autorité de la concurrence. Tel est le principal objectif de l’article 2 de la proposition de loi, dans la rédaction issue des travaux de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement soutient cet article sans réserve.

Le deuxième mot est : « transparence ». Trop d’entreprises ne se conforment pas à leur obligation de publication des comptes. Je suis déterminé à renforcer les sanctions et à les rendre plus dissuasives.

L’article 1er constitue à cet égard une réelle avancée, dans la mesure où il permet au représentant de l’État de demander au président du tribunal de commerce, statuant en référé, d’enjoindre sous astreinte au dirigeant d’entreprise de se conformer à ses obligations.

J’en viens au troisième mot : « exigences », au pluriel. Conformément à la philosophie du protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère en Martinique, les efforts doivent être partagés.

Du côté des collectivités, une réforme globale de l’octroi de mer devra enfin être mise sur la table. C’est un sujet compliqué, nous le savons. Je me rendrai aux Antilles à la mi-mars et j’aurai l’occasion d’aborder ce sujet avec l’ensemble des présidents des exécutifs locaux. Nous devons travailler en concertation avec eux, sans remettre en cause leur autonomie, mais des évolutions sont indispensables sur ce point.

De son côté, l’État a avancé. La promulgation de la loi de finances nous a permis de tenir notre engagement d’appliquer une TVA à taux zéro sur les produits de première nécessité.

Il nous reste à imaginer un mécanisme pour réduire les frais d’approche. Nous y travaillons très activement. J’ai saisi les inspections générales d’une demande flash afin de trouver le meilleur mécanisme possible, qui soit conforme au droit et puisse avoir des répercussions sur les prix. J’espère que leurs conclusions ne seront pas un copier-coller d’autres rapports et qu’elles nous fourniront des éléments précis pour nous permettre d’agir.

Les distributeurs, enfin, ont déjà réalisé un effort sur leurs marges, mais les marges arrière contribuent fortement à l’opacité sur la formation des prix des produits et sur la réalité des bénéfices réalisés par les grands groupes. Je souhaite donc, comme vous, renforcer la transparence sur ce sujet.

Le quatrième mot est « renaissance ». Mon projet à moyen terme est de parvenir à une véritable transformation économique. Vous avez, madame le rapporteur, parfaitement raison. Les économies ultramarines souffrent des stigmates de la colonisation. Pour sortir d’une économie de comptoir, il faut rompre avec la dépendance aux importations, favoriser la production locale et l’autonomie alimentaire.

Enfin, j’en viens au cinquième et dernier mot : le bon sens ». Pour réduire les prix, nous devons mettre fin à un modèle infantilisant et ubuesque. Limitons les importations depuis l’Hexagone ou l’Union européenne, très coûteuses, à ce qui est strictement indispensable. Ce n’est pas facile, comme je peux le constater actuellement dans le département de Mayotte, qui, en pleine période de ramadan, a besoin d’un certain nombre de produits, notamment de bananes. Or, même pour ces dernières, il est très difficile de réduire les importations depuis la métropole, alors même que Mayotte se situe dans l’espace régional de l’océan Indien. Cela confine à l’absurde !

Les normes doivent être mieux adaptées à la réalité des sociétés ultramarines. Nous en parlerons tout à l’heure lors de l’examen de la proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer, déposée par la sénatrice Audrey Bélim.

Les idées sont nombreuses sur ce sujet. Je pense bien sûr aux deux propositions de loi que nous examinons aujourd’hui. À cet égard, je remercie le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et son président Patrick Kanner d’avoir choisi de consacrer sa niche parlementaire entière aux outre-mer, plus particulièrement à la problématique de la vie chère. Je le reconnais bien là !

Je pourrais également citer les travaux en cours, dans le cadre d’une mission d’information flash, de la délégation sénatoriale aux outre-mer – je sais, pour en avoir débattu avec elle, que sa présidente, Micheline Jacques, est pleinement impliquée sur ces sujets – ou encore la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit des outre-mer de la même Micheline Jacques, qui comporte un chapitre sur la vie chère.

Il nous faudra faire converger toutes ces initiatives et vous pouvez compter sur ma totale détermination et sur une très grande clarté de ma part. Je sais que je suis attendu sur les actes plus que sur les discours.

Il y a bien sûr ce qui relève d’une réalité économique : l’éloignement qui augmente les coûts, l’étroitesse des marchés qui empêche les économies d’échelle et, parfois, la faiblesse des infrastructures. Mais il y a aussi ce qui relève de la tromperie, du manque de concurrence, de l’abus de position dominante. Sur ces sujets, je serai intraitable ; nous devons tous l’être.

C’est dans ce rôle de régulation, de contrôle, que l’État est attendu. Nous devons être à la hauteur ; notre débat cet après-midi, grâce à vous, nous y aidera. (Applaudissements sur des travées des groupes SER, INDEP et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je remercie à mon tour l’auteur de ce texte important, Victorin Lurel, que je salue, ainsi que les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

En septembre dernier, des manifestations ont éclaté en Martinique, à La Réunion et en Guadeloupe. Elles n’ont pas toujours pris une forme légitime et nous condamnons toutes les violences qui ont été perpétrées à leur occasion.

Toutefois, ces manifestations étaient fondées sur un motif bien légitime : la vie chère. Dans les départements et régions d’outre-mer, les prix sont sans commune mesure avec ceux que l’on peut constater ici en France hexagonale ; dans les territoires ultramarins qui connaissent une double insularité, ce phénomène est encore plus grave.

La vie chère dans les outre-mer touche tous les secteurs. Nous aurons, juste après l’examen de ce texte, l’occasion d’évoquer le sujet du logement, notamment la question des loyers, mais on peut aussi citer les soins, qui coûtent jusqu’à 17 % de plus qu’ici, l’alimentation – 50 % de plus – ou les communications – jusqu’à 35 %. Le panier alimentaire hexagonal moyen coûte par exemple 46 % plus cher à La Réunion.

Ces chiffres, qui traduisent des écarts avec l’Hexagone pour le moins criants, sont d’autant plus importants qu’ils sont à considérer à l’aune d’un niveau de pauvreté tout aussi alarmant. Je rappelle que le niveau hexagonal se situe à 15 %.

La vie chère en outre-mer est donc une réalité, une réalité profondément injuste. Surtout, les écarts de prix continuent de se creuser et sont aggravés par l’inflation des dernières années.

Certes, cette réalité a pour cause des contraintes locales qui ont nécessairement un effet négatif sur les prix auprès des consommateurs : étroitesse des marchés, éloignement géographique, nécessité d’importer depuis l’Europe, possibilités limitées de productions locales et existence de certains oligopoles et monopoles particulièrement bien ancrés dans ces territoires.

Mais ces différentes causes ne sauraient justifier les abus. Surtout, des solutions existent. Je pense par exemple à la possibilité récemment octroyée à plusieurs collectivités ultramarines de déroger au marquage CE afin de pouvoir importer des produits de construction issus de pays de leur zone géographique. C’est une mesure de bon sens.

Auparavant, plusieurs mesures avaient déjà été adoptées en vue de lutter contre la vie chère. Je pense évidemment à la mise en place en 2007 dans les départements d’outre-mer des observatoires des prix, des marges et des revenus, qui ont notamment pour mission d’analyser les prix, les marges et leurs évolutions.

Je pense aussi aux outils issus de la loi de 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dont notre collègue Victorin Lurel était à l’initiative et qui a notamment permis d’instaurer un bouclier qualité prix sur des produits essentiels et de renforcer la transparence sur les prix, notamment dans le secteur de la grande distribution.

C’est d’ailleurs, entre autres, sur l’une des mesures de cette loi que la présente proposition vise à revenir. Dans sa version initiale, le texte prévoyait de transformer l’obligation, pour certaines entreprises, de transmettre leur comptabilité analytique sur demande en une transmission systématique annuelle.

Si nous comprenons bien l’objectif de cette mesure, qui est de renforcer la transparence des entreprises et des prix, nous partageons toutefois le point de vue de Mme le rapporteur : cette mesure serait bien trop lourde pour les entreprises, elle pourrait même être dissuasive pour l’implantation de nouvelles sociétés, d’autant plus que l’obligation existante de dépôt annuel des comptes est déjà trop peu respectée.

Nous soutenons donc la version de la commission qui vise à renforcer les sanctions en cas de non-respect des obligations existantes et qui crée la possibilité pour le préfet de demander au tribunal de prononcer une injonction avec sanction d’astreinte dans le cas où les comptes n’auraient pas été transmis.

L’objectif n’est donc autre que de contraindre davantage au respect du droit existant. Les outils existent, mais ils doivent être appliqués. La lutte contre la vie chère, pour être efficace, nécessite aussi, je le pense, un projet plus global, sur tous les sujets : octroi de mer, prime de vie chère pour les fonctionnaires, lutte contre les monopoles…

Sous réserve d’éventuelles modifications qui surviendraient durant son examen, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées des groupes SER et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mon collègue Victorin Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d’avoir permis, par l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat, d’ouvrir un débat essentiel sur la lutte contre la vie chère en outre-mer.

Nous le savons tous ici : le coût des biens de consommation est en moyenne 40 % plus élevé dans nos territoires que dans l’Hexagone. Cette réalité pèse lourdement sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens ultramarins et alimente des mobilisations récurrentes.

Ce texte apporte certaines avancées, en renforçant la régulation économique et en stimulant la concurrence, deux leviers essentiels pour briser les situations de monopole ou d’oligopole qui maintiennent artificiellement des prix élevés dans de nombreux secteurs.

Mais comment garantir une véritable concurrence, si les marchandises peinent à arriver à destination ou si les coûts logistiques deviennent insoutenables ?

À Saint-Martin, le problème de la vie chère est aggravé par la double insularité et un modèle économique qui repose essentiellement sur l’importation. Chaque hausse des coûts logistiques se traduit immédiatement par une augmentation des prix dans les commerces.

Avec la suppression de certaines dessertes maritimes directes, Saint-Martin devient encore plus dépendante des plateformes portuaires régionales pour son approvisionnement. Cela signifie plus de transbordements, de délais et de surcoûts.

Nos commerçants et entrepreneurs, déjà confrontés à une concurrence complexe avec la partie néerlandaise de l’île, risquent de voir leur situation se détériorer encore davantage.

Les consommateurs, eux, paient le prix fort sans disposer de solution de substitution.

Prenons des exemples très concrets : à Saint-Martin, les prix de certains produits de première nécessité grimpent déjà en raison de retards d’acheminement. L’incertitude concernant les liaisons maritimes entraîne des hausses de tarifs par les importateurs, lesquelles sont répercutées sur les consommateurs.

Les commerçants locaux subissent de plein fouet l’instabilité des livraisons. Un conteneur retardé, c’est tout un stock qui manque en rayon, obligeant les détaillants à passer par des circuits plus coûteux. Ces fluctuations logistiques pèsent lourdement sur les charges des entreprises de la restauration et de l’artisanat, mettant en péril leur rentabilité.

Ces situations ne sont pas anecdotiques : elles affectent directement le pouvoir d’achat des familles ultramarines et fragilisent notre tissu économique local.

Face à ces défis, nous devons sortir d’une dépendance excessive aux routes d’importation traditionnelles et mieux intégrer nos territoires aux circuits économiques de la Caraïbe. Cela passe par une meilleure coopération avec les îles voisines, qui pourraient devenir des plateformes logistiques stratégiques pour diversifier nos sources d’approvisionnement. Cela passe aussi par la levée des freins réglementaires qui compliquent les échanges avec nos voisins caribéens, alors que ces circuits pourraient être une solution efficace pour réduire les coûts et améliorer la fluidité des livraisons.

Nous devons également renforcer notre partenariat avec les acteurs régionaux du commerce et du transport pour ne pas être uniquement tributaires des grandes compagnies maritimes, qui réorganisent leurs routes sans trop se soucier des réalités locales.

Saint-Martin, située au cœur de la Caraïbe, doit pouvoir tirer parti de sa position géographique en renforçant ses liens commerciaux avec les autres îles de la région. Nous ne pouvons plus nous permettre d’être des marchés captifs, entièrement dépendants de décisions prises à des milliers de kilomètres.

Nous nous devons de rester lucides : les mécanismes de régulation économique ne pourront pas produire leurs effets si les coûts de transport continuent de croître sans contrôle. C’est pourquoi il m’apparaît nécessaire d’avoir un cadre de régulation du transport maritime adapté aux réalités ultramarines.

Les grands armateurs réorganisent leurs lignes en fonction de leur rentabilité. C’est leur logique et elle est compréhensible. Mais qui veille à ce que ces réorganisations ne laissent pas nos territoires dans une situation encore plus précaire ?

L’État doit également prendre ses responsabilités, en surveillant de près l’évolution des coûts du fret maritime afin d’éviter des hausses injustifiées qui viendraient aggraver le phénomène de vie chère.

Enfin, il est vital que des solutions soient envisagées pour sécuriser l’acheminement des biens essentiels vers nos territoires, notamment en facilitant les connexions avec les ports voisins de la région.

Il ne suffit pas d’adopter des textes sur la concurrence si, dans le même temps, nos territoires restent à la merci de décisions logistiques prises sans considération pour les réalités locales.

Cette proposition de loi est une avancée et je la soutiens, mais elle ne suffira pas si nous ne prenons pas la mesure du problème logistique. Sans une logistique fiable, il n’y a ni concurrence ni baisse des prix.

Nous devons donc faire en sorte que ce texte soit suivi de mesures concrètes pour garantir un accès stable et équitable aux biens de consommation en outre-mer. Nous ne pouvons pas rester spectateurs des bouleversements en cours dans le transport maritime.

Nos concitoyens ultramarins attendent des réponses. Il est de notre responsabilité d’anticiper ces défis et d’agir pour que la régulation économique en outre-mer soit non pas un vœu pieux, mais une réalité tangible dans le quotidien des Ultramarins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes INDEP, SER et du RDSE. – M. Akli Mellouli applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous voici une fois de plus réunis pour débattre de la question de la vie chère dans nos territoires ultramarins, comme un écho qui revient incessamment, cette continuité historique et structurelle traversant les décennies, comme les océans.

À La Réunion ou en Guadeloupe, les premières contestations, il y a plus de quarante ans, avaient pour cibles les prix surévalués par rapport à l’Hexagone, de 20 % à 50 % selon les produits – 51 % en Polynésie française aujourd’hui ! À cette époque déjà, des rapports mettaient en lumière une concentration des acteurs économiques et des marges exorbitantes pratiquées par certains distributeurs.

Le constat n’est donc pas nouveau sur l’étroitesse et la structure des marchés, les multiples contraintes insulaires, l’éclatement des chaînes d’approvisionnement menant à des situations oligopolistiques, voire à des monopoles économiques, pouvant conduire à des positions dominantes et à des abus.

Si le constat n’est pas nouveau, les tentatives de remédier à ces difficultés ne sont pas nouvelles elles non plus. Cela a été dit, des jalons ont été posés lors de la crise économique de 2009, dans la loi contre la vie chère en 2012, dans la loi Lurel de 2017 que les auteurs du présent texte entendent actualiser. Voilà quelques exemples d’outils législatifs mis en place face à une fissure sociale grandissante, pour ne pas dire béante.

Nous tentons en somme de réguler les prix et les marges depuis de nombreuses années, de résoudre le problème dit de la vie chère, mais force est de constater que, malgré la juxtaposition et la multiplication de textes et de mesures aux effets parfois éphémères, vivre dignement reste un combat du quotidien en outre-mer. Nous devons en tirer les leçons.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer tend à proposer des outils supplémentaires : transmission de données financières, instauration d’astreintes en cas de non-respect de cette obligation, encadrement des pratiques commerciales et de l’évolution des marges pour les entreprises à position dominante.

Mais restons lucides : ce texte, aussi utile puisse-t-il paraître, contient des mesures encore trop isolées qui, malheureusement, n’infléchiront pas seules le cours des choses.

Agissons ensemble, mes chers collègues, monsieur le ministre ! Un sursaut est impératif, mais il doit être collectif. Le problème de la vie chère appelle une réponse globale et ne saurait être résolu par des initiatives isolées ou partielles. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un engagement ferme et d’une vision renouvelée pour prendre à bras-le-corps ce sujet et en traiter tous les symptômes – vous en parliez à l’instant, monsieur le ministre.

Cette thématique de la vie chère touche intimement la question du pouvoir d’achat et des modèles économiques. Ce sursaut doit passer par des mesures touchant à la régulation économique, aux moyens de l’Autorité de la concurrence, aux circuits d’approvisionnement, aux conditions de transport, aux frais d’approche, mais aussi à l’emploi, à la jeunesse, au foncier, au logement, à l’aménagement du territoire, à la fiscalité, à la transition énergétique ou encore aux infrastructures.

Ce sursaut doit aussi passer par le dépassement d’une vision somme toute étriquée sur l’existence d’un outre-mer uniforme et global ou au mieux binaire – départements-collectivités (Drom-COM) –, qui ne correspond ni aux réalités juridiques ni à celles que connaissent les populations qui y vivent. Je sais que je prêche des convaincus.

Je suis corapporteur d’une mission d’information sur la vie chère que la délégation sénatoriale aux outre-mer a décidé, sous la conduite de sa présidente, Micheline Jacques, de constituer et nous formulerons le mois prochain des propositions pour agir contre ce fléau qui ne doit plus être une fatalité pour nos territoires.

Ce combat – c’en est un ! – appellera des moyens à la hauteur, si nous partageons tous la même ambition. Nos territoires français des trois océans s’épuisent, las d’être chéris dans les discours, mais trop peu considérés dans les faits. Nous aurons besoin de vous, monsieur le ministre, et je sais que vous avez identifié ce sujet comme une priorité.

La Polynésie française n’échappe pas à ces maux, elle les combat avec difficulté et avec les moyens dont elle dispose. J’appelle d’ailleurs l’État, au-delà des questions statutaires, à accompagner notre collectivité sur ces questions qui pèsent sur les citoyens français que sont aussi les Polynésiens.

Soyons vigilants, car cette précarité économique qui s’enracine alimente dans tous nos territoires un sentiment de désaffection à l’égard de l’État, qui apparaît tantôt impuissant tantôt insensible aux appels à l’aide des populations écrasées par le diktat des prix outre-mer. Elle nourrit localement des discours politiques de plus en plus entendus, qui divisent au lieu de rassembler.

Monsieur le ministre, vous le rappeliez fin janvier à l’Assemblée nationale : la vie chère est une véritable bombe à retardement. Nous devons tous contribuer à la désamorcer.

C’est pourquoi, sans tomber dans le catastrophisme, nous ne pouvons plus nous satisfaire, face à ce malaise profond, de mesures isolées. Je nous appelle donc à une prise de conscience collective et à un engagement sincère pour considérer, enfin, dans toute sa mesure cette frustration qui croît. Il nous faut mobiliser l’État, nos collectivités et toutes les forces vives, avec l’engagement et l’intensité qu’appelle une cause de portée nationale dépassant les postures et les joutes politiciennes.

Notre force réside dans notre capacité à agir ensemble. Ne laissons ni la vie chère ni les inégalités qui se creusent éroder ce lien précieux qui nous unit au sein de la République.

Dans ce contexte, la grande majorité des membres du groupe RDPI apportera son soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ruel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Marc Ruel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’adresser, au nom des Saint-Pierrais et Miquelonnais et de la part des sénateurs du groupe du RDSE, notre soutien aux familles des victimes du cyclone Garance à La Réunion, ainsi qu’à tous les Réunionnaises et Réunionnais. Nous sommes de tout cœur avec eux.

Nous sommes réunis aujourd’hui, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, pour travailler sur deux propositions de loi relatives aux outre-mer.

Il s’agit d’une bonne nouvelle sur le papier, mais sur le papier seulement, car le timing est tout de même malheureux. Consacrer une niche exclusivement à des sujets ultramarins durant les jours gras, en plein carnaval, quand on connaît l’engouement pour ces festivités dans nos territoires ! Il fallait y penser… (Sourires.)

Certains de nos collègues évoquent le roi Vaval et le brûlent au soleil – je peux les comprendre. À Saint-Pierre-et-Miquelon, nous l’appelons Bulot et il brûlera sur le quai sous la neige jonchant actuellement le sol de mon archipel. C’est aussi cela la richesse de nos outre-mer ! (Nouveaux sourires.)

J’ai néanmoins l’honneur d’être présent devant vous pour évoquer cette proposition de loi visant à renforcer le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer, texte intéressant pour lutter contre la vie chère dans nos territoires. Vous souhaitez mener ce combat, monsieur le ministre ; vous nous l’avez récemment fait savoir et nous nous en réjouissons.

Cependant, force est de constater que la portée de la présente proposition de loi a été particulièrement réduite. Elle partait d’un postulat logique de la part de notre collègue Victorin Lurel et visait à réajuster la loi relative à la régulation économique outre-mer qu’il avait portée en 2012, lorsqu’il était rue Oudinot. Nous héritons aujourd’hui, en séance, d’une proposition largement édulcorée.

Je relèverai malgré tout les amendements allant dans le même sens du groupe RDPI et de l’auteur de la proposition de loi sur l’application des conditions générales de vente : ils ont pour objectif de ne plus assimiler nos collectivités à des territoires d’exportation et donc de leur donner accès aux prix et aux conditions de l’Hexagone, notamment en termes de promotions. Alors que mon archipel a malheureusement été oublié dans ce dispositif, je souhaite qu’il puisse en bénéficier.

Mes chers collègues, j’ai néanmoins un regret majeur : la disparition en commission des dispositions visant à renforcer le dispositif de transmission de données aux observatoires des prix, des marges et des revenus.

Les OPMR ont un rôle important à jouer sur le coût de la vie dans les territoires ultramarins. Ils sont capables d’apporter la concertation et la cohésion nécessaires. Si l’amendement que j’ai déposé était adopté, l’OPMR serait capable d’évaluer les décisions prises, via une étude d’impact, concernant la desserte maritime internationale en fret.

Sur un territoire aussi maritime que le mien, tout changement dans ce domaine ne serait pas sans conséquence. Mesurer un changement de méthode d’approvisionnement d’un territoire, c’est comprendre son influence sur le coût de la vie et permettre la compréhension des difficultés de sa population.

Mes chers collègues, je ne veux pas gâcher la fête, mais cette méthode essentielle de concertation ne peut pas partir en confettis et cet amendement ne doit pas finir sur le quai, réduit en cendres aux côtés du roi Bulot.

Le groupe du RDSE sera vigilant quant au sort de cet amendement, dont il tiendra compte au moment de prendre position sur ce texte à l’issue de nos débats. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, imaginez un instant devoir payer 40 % plus cher votre panier de courses quotidien. C’est non pas une fiction, mais bien la réalité pour nos compatriotes ultramarins. Ce chiffre n’est pas nouveau. Il traverse les décennies, cristallise les colères, alimente les mobilisations.

Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Victorin Lurel de cette proposition de loi, ainsi que notre rapporteure Évelyne Renaud-Garabedian, dont le travail a permis d’améliorer le texte et d’atteindre un équilibre entre régulation et compétitivité.

Le constat est implacable : la vie chère en outre-mer est une réalité. Les causes en sont multiples et bien identifiées. L’éloignement géographique impose des coûts logistiques importants, qu’il s’agisse du fret maritime ou aérien. La taille restreinte des marchés locaux limite les économies d’échelle et rend les importations plus onéreuses.

À cela s’ajoute une taxe spécifique, l’octroi de mer, qui, bien que source essentielle de financement pour les collectivités, renchérit encore davantage les prix des produits de première nécessité.

Ces facteurs cumulés font de la vie chère une réalité quotidienne de plus en plus insupportable pour nombre d’Ultramarins, dont les revenus, eux, ne suivent pas la même courbe ascendante.

Cette situation économique a des conséquences sociales alarmantes. Les mobilisations contre la vie chère sont récurrentes, des Antilles à La Réunion, en passant par Mayotte. Depuis septembre dernier, la Martinique connaît une vague de contestation qui témoigne d’une exaspération profonde face à la cherté de la vie.

Pour répondre à cette urgence, certains avancent une explication supplémentaire : le manque de concurrence.

Il est vrai que, dans plusieurs secteurs clés, comme la grande distribution, les carburants ou les télécommunications, quelques acteurs dominent le marché et bénéficient d’une position privilégiée. En 2016, soixante-treize groupes d’entreprises contrôlaient plus de 50 % des marchés aux Antilles et en Guyane et réalisaient près de 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Ces structures, souvent familiales, sont accusées de verrouiller l’accès à de nouveaux entrants et peuvent conserver des marges importantes. C’est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer, même si elle ne fait pas consensus : l’Autorité de la concurrence et l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) ne confirment pas toujours l’existence de marges abusives systématiques. Il faut aussi bien distinguer marge brute et marge nette, les deux notions étant parfois confondues. Il serait donc hasardeux d’en faire le seul ou principal facteur de la vie chère.

L’un des axes majeurs du présent texte est le renforcement du contrôle des concentrations et des fusions. Il s’agit d’empêcher la constitution de monopoles ou d’oligopoles qui faussent le marché. Nous soutiendrons toujours ce qui peut favoriser les conditions d’une concurrence pure et parfaite.

La commission a ainsi introduit des ajustements notables, comme l’abaissement du seuil de notification des fusions de 5 millions à 3 millions d’euros pour le commerce de détail ou encore l’élargissement des possibilités de saisine des différentes autorités. Ces avancées permettront une surveillance plus fine des pratiques commerciales et une meilleure régulation du marché.

Cependant, réguler ne signifie pas entraver. Si la concentration des acteurs économiques pose problème en cas d’abus de position dominante, il ne faut pas pour autant faire des entreprises des boucs émissaires. Une approche punitive pourrait avoir des effets pervers : fuite des capitaux, exil des talents ultramarins, affaiblissement du tissu économique local. Or nos entreprises sont non pas des adversaires, mais des partenaires d’une économie plus juste et compétitive.

À cet égard, je salue les modifications introduites par la commission afin d’affiner un texte dont la version initiale pouvait constituer le prélude à une stigmatisation. La concurrence ne peut pas être efficace sans confiance.

Un autre enjeu majeur du texte est la transparence des prix et des marges. Aujourd’hui, 24 % des entreprises martiniquaises seulement déposent leurs comptes, contre 85 % dans l’Hexagone. Cette opacité empêche une régulation efficace et limite la capacité des autorités à identifier d’éventuels abus. La commission a ici apporté des modifications bienvenues : la transmission automatique a été remplacée par une procédure d’injonction, ce qui permet un contrôle plus ciblé et proportionné, assorti d’une sanction en cas de non-transmission.

En effet, veillons collectivement à ne pas faire preuve d’un excès bureaucratique. Chaque nouvelle obligation administrative représente des charges supplémentaires pour les entreprises, dont les coûts sont répercutés in fine sur les consommateurs.

La première version du texte imposait aux entreprises de transmettre trimestriellement diverses informations – leurs taux de marge, leurs prix d’achat et de vente et les évolutions de ces taux et prix, ainsi que les prix de cession interne – à la fois au préfet, à l’Insee et aux OPMR. Bienvenue dans la République de la bureaucratie ! Cette accumulation de contraintes aurait asphyxié les acteurs économiques sans garantir une réelle efficacité.

Rappelons-nous, mes chers collègues, qu’en octobre dernier nous avons adopté, en première lecture, le projet de loi de simplification de la vie économique prévoyant notamment le déploiement du principe « Dites-le-nous une fois » afin de faciliter la transmission d’informations entre administrations. Il serait temps que ce principe s’applique aussi à nos entreprises ultramarines.

Évitons une inflation réglementaire qui, sous couvert de transparence, risquerait de freiner l’investissement et la croissance. Chaque mot supplémentaire dans notre arsenal juridique est un euro en moins dans le portefeuille des Ultramarins.

Enfin, la lutte contre la vie chère en outre-mer ne peut être efficace sans une politique d’ensemble que notre délégation sénatoriale entend proposer dans son prochain rapport d’information sur la lutte contre la vie chère. La dépendance excessive aux importations est un frein au développement économique des territoires ultramarins.

Encourager l’agriculture locale, développer les industries de transformation, investir dans des infrastructures logistiques modernes : tous ces leviers permettraient de réduire les coûts et d’assurer une plus grande autonomie économique.

Lutter contre la vie chère en outre-mer, c’est défendre un principe fondamental d’égalité économique et sociale. Le groupe Union Centriste votera ce texte. La lutte contre la vie chère en outre-mer exige une politique cohérente, structurelle et durable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie.

M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, je voudrais avant tout adresser mes sincères condoléances au peuple réunionnais et aux familles victimes du cyclone Garance, qui a dévasté leur île.

Aux crises récurrentes provoquées dans nos pays par les catastrophes naturelles s’en ajoute une autre, celle de la vie chère.

« Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous », disait Thomas Sankara, une illustre figure de la souveraineté et de l’humanisme. Entre survivre et vivre, le choix est vite fait. Nos peuples aspirent à une vie digne, ce qui implique la lutte contre la vie chère dans nos pays dits d’outre-mer.

Les peuples d’outre-mer ont le droit de manger et boire au même prix que les Français de l’Hexagone, c’est une évidence. Mais vivre de nos terres, voilà notre vraie richesse.

D’ordinaire, ces territoires sont traités dans les assemblées parlementaires au simple détour d’un article de loi autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Cette proposition de loi s’inscrit, elle, dans une logique de lutte contre un système colonial qui perdure. J’en profite pour remercier Victorin Lurel et le président Patrick Kanner de l’avoir inscrite dans leur niche parlementaire.

Nous dénonçons ici une économie de comptoir contrôlée par quelques familles issues de cet héritage colonial. Ces territoires sont un terrain de jeu pour le développement d’un capital sans gêne ni scrupule qui outrepasse les règles, loin des contrôles qui se pratiquent dans l’Hexagone.

Que ce soit en Kanaky, en Martinique, à La Réunion, en Guyane ou encore à Mayotte, les évènements récents ont mis en lumière ce que vivent nos peuples.

Dire « non » à la vision coloniale de l’économie et « oui » à la dignité : voilà ce que les mobilisations, de la Martinique jusqu’aux rues de Paris, ont fait résonner. Cela souligne notre volonté indéfectible de défendre l’émancipation sociale et économique des nôtres.

En favorisant les monopoles et en amoindrissant les potentiels humains de nos peuples, l’État n’a fait que diminuer la capacité de nos pays à revendiquer leur souveraineté. La racine du problème est la violence économique que nous subissons : elle nourrit les profits de quelques-uns, qui s’enrichissent sur le dos des populations locales.

C’est non pas l’éloignement de ces territoires qui est la source de la vie chère outre-mer, mais un système et ses acteurs économiques hérités directement du colonialisme. Leurs marges abusives et leur manque de transparence n’en sont qu’un symptôme, enfin exposé dans le débat public hexagonal.

L’écart des prix des produits alimentaires entre l’Hexagone et les outre-mer est considérable, la différence pouvant aller jusqu’à 40 %. En Nouvelle-Calédonie, en un an, les prix de l’alimentation ont grimpé de 5,7 %.

Cette proposition de loi nous permet de recentrer le débat. Il s’agit d’un signal envoyé aux grandes entreprises qui veulent faire la loi à défaut de l’appliquer : on ne peut pas importer massivement et faire des marges considérables sans transmettre ses comptes, tout en faisant payer la note aux consommateurs ultramarins, et cela, comme le rappelait mon collègue Fabien Gay en commission, avec la caution de l’État depuis des années.

Nous regrettons que les modifications du texte initial amoindrissent la portée de ce texte. Nous avons la responsabilité, par de plus fortes mesures, de redonner espoir à nos peuples, qui traversent des crises cycliques systémiques. Avec mes collègues du groupe CRCE-K, je voterai en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avant d’entrer dans le cœur de mon propos, je tiens à exprimer toute ma solidarité avec nos compatriotes réunionnais durement frappés par le cyclone Garance.

Mes pensées vont aux familles touchées, aux habitants confrontés aux dégâts considérables et à tous ceux qui, sur le terrain, œuvrent sans relâche pour protéger, secourir et reconstruire. Plus que jamais, la République doit se trouver au côté de La Réunion dans cette épreuve et apporter un soutien à la hauteur de ses besoins.

L’outre-mer est une composante essentielle de notre nation, une partie intégrante de notre identité républicaine. Ces territoires portent en eux la richesse de l’Histoire, la diversité des cultures, mais aussi une réalité sociale et économique qui exige de notre part une attention constante et des actions à la hauteur des enjeux.

« La République est une et indivisible, mais elle ne doit pas être uniforme. » Ces mots d’un ancien président du Sénat originaire de nos outre-mer – Gaston Monnerville, pour ne pas le citer –, nous rappellent la nécessité de prendre en compte les spécificités et les défis des territoires ultramarins dans la lutte contre les inégalités.

Nous avons une responsabilité impérieuse : faire en sorte que nos compatriotes ultramarins ne soient pas condamnés à une vie marquée par l’injustice économique et les difficultés quotidiennes.

Loin d’être une question conjoncturelle, la cherté de la vie en outre-mer est un problème structurel qui pèse lourdement sur le quotidien des habitants de ces territoires, révélant une fracture économique et sociale avec la métropole que nous ne pouvons ignorer plus longtemps.

Les coûts excessifs des produits de première nécessité, des services essentiels et des biens de consommation courante exacerbent un sentiment d’abandon et d’inégalité, alimentant ainsi un profond malaise social.

Ce malaise n’est pas nouveau. Il s’est exprimé avec force lors de grandes mobilisations sociales qui ont marqué ces dernières décennies. Qui pourrait oublier la grève générale de 2009 aux Antilles, lorsque des milliers de citoyens se sont levés contre la cherté de la vie et les inégalités criantes ? Qui pourrait ignorer les révoltes sociales récurrentes en Guyane ou à La Réunion, où les mêmes revendications refont surface avec une intensité grandissante ?

Derrière ces colères, il y a des familles qui peinent à joindre les deux bouts, des travailleurs qui voient leur pouvoir d’achat s’effondrer, des jeunes qui n’entrevoient pas d’avenir digne dans leur propre territoire.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et sont accablants. Les écarts de prix entre la métropole et les départements et régions d’outre-mer (Drom) atteignent 10 % à 15 % en moyenne, avec des pics de 30 % à 40 % pour certains produits en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Les produits alimentaires, qui représentent une part importante des dépenses des ménages, coûtent environ 30 % plus cher qu’en métropole.

Cette réalité a des conséquences dramatiques : 900 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans ces territoires. Plus d’un Ultramarin sur deux doit renoncer régulièrement à certaines dépenses du quotidien pour pouvoir se nourrir ou payer ses factures. Cette situation n’est pas tolérable.

Face à cette injustice, les mesures ponctuelles ne suffisent plus. Nous devons agir en profondeur, avec une stratégie claire et une volonté politique affirmée.

Des leviers existent : une meilleure régulation des circuits d’importation et de distribution, la lutte contre les monopoles, le renforcement des dispositifs de soutien au pouvoir d’achat, ainsi qu’un véritable plan de développement économique adapté aux spécificités ultramarines. Il est également essentiel d’encourager la production locale, de soutenir l’entrepreneuriat et de réduire la dépendance aux importations pour offrir des solutions de rechange durables et viables.

Monsieur le ministre d’État, nous devons entendre le désespoir et la lassitude de nos compatriotes d’outre-mer. Il est urgent de leur apporter des réponses concrètes et immédiates. La justice sociale et l’égalité territoriale doivent non pas rester de simples principes inscrits dans nos discours, mais devenir une réalité tangible pour celles et ceux qui souffrent au quotidien de ces inégalités. Nous avons le devoir de faire vivre la promesse républicaine sur l’ensemble du territoire national, sans distinction ni oubli.

Les débats que nous avons aujourd’hui ne doivent pas déboucher sur un énième constat d’échec. Ils doivent être le point de départ d’un engagement renouvelé et d’une action ambitieuse en faveur des territoires ultramarins. Nos concitoyens attendent des actes forts.

Cette proposition de loi de notre collègue Victorin Lurel ouvre des perspectives et apporte des réponses, mais il faudra aller plus loin, monsieur le ministre d’État, pour ne pas décevoir une nouvelle fois nos compatriotes des outre-mer.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Akli Mellouli. J’espère que nous pourrons avancer encore avec la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit des outre-mer de Mme Micheline Jacques – un texte qui est inspiré par les travaux de notre délégation aux outre-mer – et enfin répondre aux aspirations de nos concitoyens ultramarins, qui attendent non pas la charité, mais une vie digne. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Lucien Stanzione. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Lucien Stanzione. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la vie chère en outre-mer est non pas une fatalité, mais la conséquence de déséquilibres structurels qu’il nous revient de corriger.

Aujourd’hui, nous consacrons le temps de la niche parlementaire du groupe socialiste à un enjeu essentiel : une économie plus juste pour nos concitoyens ultramarins. Depuis 2012, notre collègue Victorin Lurel porte avec constance cette cause. Ses lois de 2012 et 2017 ont marqué des avancées, mais certains dispositifs doivent être consolidés, pour mieux protéger les distributeurs locaux et garantir une concurrence équitable.

Si le texte soumis à notre examen est resserré en trois articles, il constitue une avancée significative et un levier indispensable pour la suite. Il envoie un signal clair : les Ultramarins ne doivent plus être prisonniers d’un système économique inéquitable.

Son objectif prioritaire est de renforcer la pression sur les entreprises qui ne respectent pas leur obligation légale de dépôt des comptes sociaux. Or la transparence est essentielle pour analyser les mécanismes de formation des prix et d’accumulation des marges, donc pour lutter contre toute forme de concurrence déloyale.

D’autres mesures résultant des échanges entre l’auteur de la proposition de loi et Mme le rapporteur permettront également d’alerter plus en amont sur les opérations de concentration d’entreprises.

Nous voulons tout d’abord que les dispositifs des lois Lurel de 2012 et 2017 soient pleinement effectifs, notamment pour protéger les distributeurs locaux.

Nous demandons ensuite que les conditions générales de vente établies au niveau national entre fournisseurs et distributeurs s’appliquent de manière transparente et non discriminatoire dans les outre-mer. D’autres groupes parlementaires partagent cette exigence, et nous espérons parvenir à une rédaction mettant fin à ces distorsions de concurrence.

Enfin, nous défendrons un amendement essentiel visant à imposer le plafonnement des marges arrière, qui contribuent de manière injuste au renchérissement du coût de la vie.

Nous sommes convaincus qu’il est possible d’aller plus loin et nous espérons vous convaincre de la nécessité de ces avancées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – M. Georges Patient applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer

Article 1er

I. – (Supprimé)

II. – (nouveau) Après l’article L. 123-5-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 123-5-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-5-1-1. – Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, à la demande du représentant de l’État, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires.

« Le montant de cette astreinte ne peut excéder 5 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité, par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction. »

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mme Renaud-Garabedian, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le montant de cette astreinte ne peut excéder 1 000 euros par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. L’article 1er du texte de la commission donne au préfet le pouvoir de demander au président du tribunal de commerce, statuant en référé, d’adresser une injonction sous astreinte aux dirigeants défaillants en vue de les contraindre à déposer les comptes de leurs sociétés.

Cette astreinte, payée personnellement par le dirigeant, est de nature coercitive.

Par cet amendement, qui tend à fixer pour cette astreinte un plafond de 1 000 euros par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction, nous souhaitons supprimer tout risque juridique tenant à l’absence de lien direct entre la faute du dirigeant et le chiffre d’affaires de sa société.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Le texte issu des travaux de la commission prévoit que l’astreinte que Mme le rapporteur vient d’évoquer est supportée par les dirigeants.

De ce fait, le montant maximum actuellement prévu paraît sans doute disproportionné. Il faudra peut-être s’interroger lors de la navette pour savoir si l’astreinte ne devrait pas viser plutôt la personne morale.

En attendant, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Faute de sous-amendement du Gouvernement visant à rendre plus dissuasif le montant maximum de l’astreinte proposée par Mme le rapporteur, je me résous à soutenir l’amendement de cette dernière.

À mon sens, le ministre aurait pu proposer, soit que la personne morale supporte l’astreinte fixée à 5 % maximum du chiffre d’affaires, soit que le plafond de l’astreinte due par le dirigeant soit porté, par exemple, à 1 500 euros.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 11, présenté par MM. Lurel et Kanner, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Stanzione et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 410-6 du code de commerce, il est inséré un article L. 410-… ainsi rédigé :

« Art. L. 410-…- I. – Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les remises, bonifications, ristournes et avantages publicitaires, commerciaux et financiers assimilés de toute nature, y compris les rémunérations de services prévues à l’article L. 441-3 du code de commerce, consentis par tout fournisseur aux distributeurs ne peuvent excéder, par année civile et par ligne de produits, un pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes de ces produits déterminé par décret pris par les ministres en charge de la consommation et des outre-mer qui ne peut excéder 10 % du chiffre d’affaires hors taxes.

« II. – Les remises, bonifications, ristournes et avantages publicitaires, commerciaux et financiers assimilés de toute nature obtenus au titre des marges arrière par un distributeur auprès du fournisseur et faisant l’objet de la convention écrite définie à l’article L. 441-3 du présent code doivent être mentionnés sur les factures d’achat et apparaître sur les tickets de caisse, dès lors qu’ils sont de principe acquis et de montants chiffrables, même si leur versement est différé.

« III. – Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Ces infractions sont constatées et poursuivies dans les conditions prévues au titre V du livre IV du code de commerce.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement suivant.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

L’amendement n° 12, présenté par MM. Lurel et Kanner, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Stanzione et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 410-6 du code de commerce, il est inséré un article L. 410-… ainsi rédigé :

« Art. L. 410-… I. – Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les services de coopération commerciale propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur qui ne font pas l’objet de contreparties commerciales ou financières à l’égard du distributeur ainsi que les avantages de toute nature autres que les remises, bonifications, ristournes consentis par tout fournisseur aux distributeurs ne peuvent excéder par année civile et par ligne de produits, un pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes de ces produits déterminé par décret conjoint pris par les ministres en charge de la consommation et des outre-mer qui ne peut excéder 10 % du chiffre d’affaires hors taxes.

« II. – Les remises, bonifications, ristournes et avantages publicitaires, commerciaux et financiers assimilés de toute nature obtenus au titre des marges arrière par un distributeur auprès du fournisseur et faisant l’objet de la convention écrite définie à l’article L. 441-3 du présent code doivent être mentionnés sur les factures d’achat et apparaître sur les tickets de caisse, dès lors qu’ils sont de principe acquis et de montants chiffrables, même si leur versement est différé.

« III. – Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Ces infractions sont constatées et poursuivies dans les conditions prévues au titre V du livre IV du code de commerce.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s’agissait à l’origine d’un amendement de repli. Mais, compte tenu des discussions et de la difficulté à trouver un bon compromis sur les marges arrière entre le Gouvernement, les parlementaires et la commission, c’est cet amendement qui a désormais ma préférence.

Cependant, il semblerait qu’une autre voie de compromis se dessine en faveur d’une expérimentation. Aussi je rectifierai sans doute cet amendement, à moins que certains collègues ne déposent des sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Je souhaite rappeler à nos collègues la définition d’une marge arrière. Cette expression désigne la rémunération qui est perçue par le distributeur en contrepartie des services qui sont rendus à un fournisseur : la mise en avant de produits, la publicité sur les lieux de vente et les attributions d’emplacements privilégiés dans les magasins.

Les marges arrière améliorent directement la rentabilité, mais, malheureusement, elles ne contribuent pas à la transparence. Contrairement aux remises et aux rabais commerciaux qui sont consentis par les fournisseurs, elles ne viennent pas en déduction du prix d’achat des produits.

C’est une pratique qui est critiquée pour son impact négatif sur les prix à la consommation, certaines de ces marges arrière pouvant aller jusqu’à représenter 35 % du prix qui est facturé. Elles sont peut-être légitimes, mais leur justification et leur mise en œuvre doivent faire l’objet d’une grande rigueur, pour éviter qu’elles ne deviennent des pratiques abusives.

Régulées à 10 % du chiffre d’affaires, comme le proposait le sénateur Lurel, elles pourraient bénéficier aux consommateurs en jouant sur les seuils de vente à perte.

Néanmoins, les dispositions de cet amendement appellent de ma part deux réserves.

Tout d’abord, mon cher collègue, votre proposition n’est pas assez précise en ce qui concerne le chiffre d’affaires retenu. Est-ce le chiffre d’affaires global ou le chiffre d’affaires par ligne de produits ?

Ensuite, j’ai des doutes sur la lisibilité, voire sur la faisabilité d’un ticket de caisse faisant apparaître l’ensemble des marges arrière.

C’est pourquoi je demande l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Je vous remercie, madame le rapporteur, de me laisser seul face à Victorin Lurel. Vous ne savez pas ce que c’est… (Sourires.)

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Si, j’ai déjà donné ! (Nouveaux sourires.)

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Plus sérieusement, cet amendement vise à encadrer la pratique des marges arrière et à renforcer la transparence concernant les remises sur les factures d’achat et tickets de caisse.

Monsieur le ministre, cher Victorin Lurel, je le répète, je veux m’attaquer à la question des marges arrière. Ici, au Sénat, chacun sait les effets négatifs que ces pratiques peuvent avoir sur les fournisseurs, notamment les plus petits d’entre eux, plus particulièrement les producteurs locaux. Dans les outre-mer, la situation est encore plus problématique, le niveau global des marges arrière étant bien supérieur à celui que l’on constate dans l’Hexagone.

Le manque de transparence qui entoure cette pratique accentue la difficulté pour les fournisseurs, rend plus délicat le contrôle de l’État et empêche trop souvent, en pratique, que ces marges arrière soient répercutées sur le prix de vente aux consommateurs. Et c’est bien sur ce point que nous devons agir.

Toutefois, le nouvel article du code de commerce que vous souhaitez créer pour encadrer les remises, bonifications, ristournes et avantages publicitaires, commerciaux, financiers et assimilés de toute nature pourrait se heurter à la liberté du commerce garantie par la Constitution, car il vient limiter de façon disproportionnée une pratique commerciale légale et librement consentie – avec toutes les réserves que l’on peut émettre sur ce dernier aspect – entre les fournisseurs et les distributeurs.

À cet égard, il me semble que la comparaison avec le secteur pharmaceutique n’est peut-être pas totalement pertinente, car, pour celui-ci, les prix sont réglementés.

Par ailleurs, à rebours de l’objectif de votre proposition de loi, un tel encadrement des marges arrière pourrait renchérir les prix. En effet, les distributeurs ne pourraient plus répercuter directement sur le prix final les remises, ristournes et rabais, dont vous voulez les priver, ou ne seraient plus en mesure de mener des campagnes promotionnelles comme ils le font aujourd’hui. Pourtant, comme vous le savez, monsieur le sénateur, puisque vous avez proposé deux dispositifs différents, il y a des marges arrière plus vertueuses que d’autres, si l’on peut dire.

En revanche, l’obligation d’inscription des avantages obtenus sur les factures d’achat va dans le bon sens et facilitera les contrôles réalisés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, c’est avant tout en matière de transparence que nous devons avancer. Aussi, je vous propose que nous ne retenions que cette seule partie du dispositif, sous réserve que vous acceptiez que nous travaillions ensemble dans les prochaines semaines pour mieux la calibrer.

Je sais les contraintes qui nous enserrent tous dans le cadre de la discussion d’une proposition de loi : le ministre que je suis est tenu par la solidarité gouvernementale, Mme le rapporteur doit composer avec le Gouvernement et le groupe parlementaire à l’origine du texte, et vous-même, vous devez vous entendre avec nous tous. Essayons de trouver ensemble un chemin dans les prochaines minutes.

Étant ouvert au débat, monsieur Lurel, j’aimerais entendre votre réaction sur cette proposition avant d’arrêter la position du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Monsieur le ministre d’État, il ne s’agit en aucun cas d’interdire les marges arrière. Il s’agit de les plafonner.

Par ailleurs, il ne s’agit pas de toucher à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre, deux principes qui sont de nature constitutionnelle. C’est la raison pour laquelle nous proposons une meilleure rédaction se référant à l’article L. 441-3 du code de commerce, avec une distinction claire entre ce qui est autorisé dans les marges et toutes les inventions et prestations fictives que sont les boosters, les assortiments, les chiffres d’affaires par paliers, que sais-je encore ?

Pour autant, vous avez raison, il existe de vrais services et de vraies prestations bénéficiant au public, tels que les publipromotions ou la présence sur les prospectus, qui méritent d’être payés. C’est ce que nous reconnaissons via l’amendement de repli.

En revanche, nous avons un problème avec le taux. J’ai proposé 10 %, sachant que Leclerc fait 22 % en Guadeloupe et en Martinique. Le groupe Bernard Hayot (GBH), c’est parfois 25 %, et cela peut aller jusqu’à plus de 30 %. Je tiens ces chiffres de producteurs et fournisseurs locaux ruinés par ces pratiques qui les obligent à des restitutions.

Avec les plateformes, peut-être y a-t-il une incidence sur les prix, mais comme rien n’est parfait, je souhaite un encadrement respectant la Constitution, ainsi que le code de commerce, et potentiellement sans impact sur les prix.

Voilà pourquoi je souhaite rectifier l’amendement n° 12. Puisqu’il y a quelques incertitudes, je demande une expérimentation sur cinq ans, avec une entrée en vigueur six mois après la promulgation de la loi – le temps de bien penser la mise en œuvre du dispositif. C’est, me semble-t-il, un bon compromis, tenant compte des différentes positions exprimées.

Par ailleurs, je précise que le dispositif s’appliquerait par ligne de produits.

Madame le rapporteur, monsieur le ministre d’État, j’attends votre réaction, en espérant que vous émettrez des avis favorables ou, à défaut, des avis de sagesse.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Lurel et Kanner, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Stanzione et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 410-6 du code de commerce, il est inséré un article L. 410-… ainsi rédigé :

« Art. L. 410-… I. – À titre expérimental, pour une durée de cinq ans et six mois après la promulgation de la présente loi, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les services de coopération commerciale propres à favoriser la commercialisation des produits ou services du fournisseur qui ne font pas l’objet de contreparties commerciales ou financières à l’égard du distributeur ainsi que les avantages de toute nature autres que les remises, bonifications, ristournes consentis par tout fournisseur aux distributeurs ne peuvent excéder par année civile un pourcentage du chiffre d’affaires hors taxes de ces produits déterminé par décret conjoint pris par les ministres en charge de la consommation et des outre-mer qui ne peut excéder 10 % du chiffre d’affaires hors taxes par ligne de produits.

« II. – Les remises, bonifications, ristournes et avantages publicitaires, commerciaux et financiers assimilés de toute nature obtenus au titre des marges arrière par un distributeur auprès du fournisseur et faisant l’objet de la convention écrite définie à l’article L. 441-3 du présent code doivent être mentionnés sur les factures d’achat, dès lors qu’ils sont de principe acquis et de montants chiffrables, même si leur versement est différé.

« III. – Les infractions aux dispositions prévues au présent article sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Ces infractions sont constatées et poursuivies dans les conditions prévues au titre V du livre IV du code de commerce.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Monsieur Lurel, je pense qu’un changement de dernière minute n’est pas raisonnable. On se précipite, alors qu’un certain nombre de textes vont être étudiés prochainement et que M. le ministre va nous transmettre des propositions !

Nous n’avons pas suffisamment travaillé sur ces marges arrière. Comme je vous l’ai indiqué, je vois bien un intérêt à réformer le système, en les limitant à 10 %, par exemple. Si nous arrivons à faire cela intelligemment, avec des contrôles renforcés de la DGCCRF, la marge arrière pourra devenir une marge avant et permettre ainsi d’éviter la vente à perte.

De cette manière, nous pourrions lutter contre la vie chère au bénéfice du consommateur. De grâce, ne nous précipitons pas et travaillons plus en profondeur. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, cher collègue, même si je suis d’accord avec vous sur le fond.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

M. le président. Monsieur Lurel, l’amendement n° 12 rectifié est-il maintenu ?

M. Victorin Lurel. Tout ce que vous demandez figure déjà dans le texte, madame le rapporteur !

Par ailleurs, nous avons formulé ces propositions voilà plus de vingt jours. Nous aurions eu le temps d’approfondir le sujet avec le cabinet du ministre.

Enfin, pour tenir compte des objections que j’ai entendues, nous supprimons l’obligation de mention sur les tickets de caisse, évitant ainsi de porter atteinte au secret commercial.

J’y insiste, il s’agit ici de mener une expérimentation sur cinq ans, avec des contrôles à la clé. Entre-temps, peut-être que la grande loi annoncée par M. le ministre d’État nous aura permis de trouver une solution plus satisfaisante. Mais dans l’attente, je maintiens mon amendement et je demande à mes collègues de le soutenir. Nous attendons depuis trop longtemps !

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.

M. Georges Patient. La pratique des marges arrière fait l’objet de vives critiques chez nous. Nous ne pouvons rester sans réagir ou renvoyer une fois de plus la réforme aux calendes grecques. J’étais d’ailleurs sur le point de déposer un sous-amendement visant en réalité à reprendre les dernières propositions de Victorin Lurel.

Mes chers collègues, je vous demande donc de voter l’amendement n° 12 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Je viens d’échanger avec M. le ministre et Mme la présidente de la commission.

Si le dispositif prend en compte le chiffre d’affaires par ligne de produits et ne retient pas le principe de l’inscription du détail sur le ticket de caisse, nous pouvons être d’accord pour une expérimentation d’une durée de cinq ans.

J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est à présent l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

L’amendement n° 9, présenté par MM. Lurel et Kanner, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Stanzione et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 420-2-1, après le mot : « importation », sont insérés les mots : « ou, pour les produits à marque de distributeur et les produits premiers prix définis par arrêté préfectoral, de distribution » ;

2° L’article L. 420-4 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Pour les accords ou pratiques concertées en cours, lorsqu’une infraction à l’article L. 420-2-1 est constatée, les entreprises concernées peuvent bénéficier d’une indemnisation du préjudice causé par les entreprises auteures, même partiellement, de la rupture de la relation commerciale en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.

« En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

« L’indemnisation prévue au premier alinéa prend en compte notamment les charges salariales afférentes, les atteintes à la valeur du fonds de commerce, les frais d’établissement et l’amortissement des biens d’équipement, autres que les immeubles d’habitation, les chantiers et les locaux servant à l’exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter de la conclusion du contrat commercial. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Il s’agit d’améliorer la loi de 2012, en intégrant les marques de distributeurs (MDD) et les produits premier prix.

Je le dis très clairement, je sais que cette question fait encore débat entre nous, malgré l’avis favorable de notre rapporteur, et que le Gouvernement y est quelque peu réticent. Cette fois encore, je suis prêt à reculer et à retirer de mon amendement la mesure portant sur les MDD et les produits premier prix, en n’y laissant que le 2°, qui modifie l’article L. 420-4 du code de commerce et qui tend à le faire davantage respecter, spécifiquement en cas de rupture abusive.

En effet, cela arrive fréquemment, sous prétexte de respect de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, ou LROM. Quelques groupes sont dans ce cas, qu’il faut nommer : ainsi de Carrefour, qui a brutalement mis fin à des relations commerciales ; l’AFP mentionnait d’ailleurs ces pratiques hier encore.

Il faut en tenir compte et, en cas de rupture, un préavis d’au moins dix-huit mois est nécessaire. C’est ce que prévoit le code de commerce, mais ce n’est pas appliqué dans les outre-mer. Répondre à ce problème relève du bon sens !

Je souhaite par conséquent rectifier mon amendement dans le sens que j’ai indiqué, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Lurel et Kanner, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Stanzione et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 420-4 du code de commerce est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Pour les accords ou pratiques concertées en cours, lorsqu’une infraction à l’article L. 420-2-1 est constatée, les entreprises concernées peuvent bénéficier d’une indemnisation du préjudice causé par les entreprises auteures, même partiellement, de la rupture de la relation commerciale en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels, et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.

« En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.

« L’indemnisation prévue au premier alinéa prend en compte notamment les charges salariales afférentes, les atteintes à la valeur du fonds de commerce, les frais d’établissement et l’amortissement des biens d’équipement, autres que les immeubles d’habitation, les chantiers et les locaux servant à l’exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter de la conclusion du contrat commercial. »

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Monsieur Lurel, je suis d’accord avec vous sur le principe du préavis. Toutefois, votre amendement est satisfait par la loi. En effet, l’article L. 442-1 du code de commerce prévoit déjà l’engagement de la responsabilité de l’auteur de la rupture et l’oblige à réparer le préjudice causé en cas de non-respect d’un préavis de dix-huit mois. Au reste, la jurisprudence est constante sur le sujet.

Néanmoins, avant d’émettre mon avis, je souhaite entendre celui du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Je trouve très créative la manière dont on travaille au Sénat, en quelque sorte in vivo… C’est sympathique ! (Sourires.)

Mme Jocelyne Guidez. C’est familial !

M. Victorin Lurel. Le Sénat travaille bien !

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Remettons l’église au milieu du village, comme disent les laïcs : votre amendement, monsieur Lurel, vise à élargir l’interdiction des clauses accordant des droits exclusifs d’importation non justifiés par l’intérêt des consommateurs à la distribution des produits de marque de distributeur et des produits premier prix, mais aussi à créer une nouvelle infraction en droit de la concurrence, au travers de l’interdiction d’accords exclusifs de distribution.

Il s’agit donc de perfectionner la loi LROM, grâce à laquelle, lorsque vous étiez ministre, monsieur Lurel, vous aviez amélioré les conditions de la concurrence dans le secteur de la grande distribution.

Je comprends parfaitement votre volonté d’aller plus loin sur l’interdiction des accords exclusifs de distribution, d’autant que, dans les outre-mer, les groupes s’approvisionnent en produits issus des mêmes distributeurs.

L’amendement, dans un second temps, vise à protéger les entreprises victimes d’une rupture de contrat à la suite d’un accord exclusif d’importation.

En l’état, les entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles, notamment d’un accord exclusif d’importation prohibé par l’article L. 420-2-1 du code de commerce, peuvent déjà, comme le disait Mme le rapporteur, saisir le juge judiciaire afin d’obtenir réparation du préjudice subi. Il appartient ensuite à ce magistrat de déterminer l’étendue du préjudice à réparer.

Au-delà de la rectification à laquelle vous avez procédée, votre amendement pourrait être davantage travaillé. Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Il faut encore travailler sur ce dispositif. Comme je vous l’ai déjà dit, monsieur Lurel, je suis totalement contre l’empilement de textes quand il s’agit d’arriver à un résultat donné.

Je maintiens donc ma position et émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, explication de vote.

Mme Solanges Nadille. Je vous remercie, madame le rapporteur. Tout à l’heure, nous avons parlé de Vaval : je crois que cette marque est bien représentée au Sénat !

Je vous remercie de nous rappeler que l’on ne modifie pas un texte de cette façon, par de petits arrangements. Les Ultramarins méritent mieux que cela ! Prenons le temps. Monsieur le ministre, je crois que vous vous êtes engagé à travailler sur un texte qui convienne aux Ultramarins et qui aille dans le sens d’une amélioration de la vie dans les outre-mer.

D’aucuns, quand ils étaient au pouvoir, ont profité d’une forme de communication glorieuse, comme ils l’ont fait également à l’occasion d’un amendement sur les sargasses tout en ne votant pas ensuite la proposition de loi concernée… De grâce, ne les laissons pas se faire mousser cet après-midi.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Voilà vingt ans que je combats la vie chère. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais faire des effets de manche, des coups de menton ou de la publicité… Je suis un vieux parlementaire et, comme le dirait M. le ministre, je ne m’amuse plus à ces gamineries-là…

Le ministre et notre rapporteur nous disent que ces dispositions figureraient déjà dans les textes. Or je puis vous assurer, et j’exprime ici le vécu des commerçants, qu’il n’y a aucune plainte, aucune jurisprudence concernant les outre-mer ni aucune sanction visant ces pratiques illicites.

Je l’affirme brutalement, monsieur le ministre : la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne fait pas son travail. Mme le rapporteur l’a rappelé : ils ont tous les textes à leur disposition, mais ceux-ci ne sont pas respectés, tout le monde le sait !

Ensuite, personne ne porte plainte, parce qu’une réelle menace pèse sur tous les produits. Si vous dites non au sujet d’un produit à un grand groupe, celui-ci supprime l’ensemble de votre bail commercial ! La mesure n’est donc pas appliquée. C’est pourquoi il est préférable de faire figurer cette disposition dans le texte, qui n’est pas bavard, afin qu’il y ait une obligation de la faire respecter.

Il conviendrait, en outre, d’ajouter une sanction. La navette y pourvoira. En effet, à cette interdiction doivent correspondre une sanction et un mode de recouvrement, en application du code de commerce. Le texte existe bien ; simplement, il manque une volonté politique.

Je le répète, il n’est pas question d’un surcroît de textes, puisque ces dispositions existent déjà : nous souhaitons leur application concrète.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

Article 2

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° et 2° (Supprimés)

3° Le III de l’article L. 430-2 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Au troisième alinéa, le montant : « 5 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 3 millions d’euros » ;

4° Au IV de l’article L. 462-5, après la première occurrence du mot : « les », sont insérés les mots : « départements, les » ;

5° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 752-6-1, le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;

(Supprimé)

(nouveau) L’article L. 910-1 H est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’observatoire peut saisir les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes aux fins de vérification des informations qui lui sont transmises. Ces agents peuvent faire usage dans ce cadre des pouvoirs mentionnés au titre V du livre IV du présent code. »

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Rohfritsch, Patriat, Buval, Fouassin et Théophile, Mmes Nadille et Ramia, MM. Kulimoetoke et Buis, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Lemoyne, Lévrier et Rambaud et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 420-5 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « similaires », sont insérés les mots : « ou présentant des caractéristiques comparables » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret précise les critères permettant de définir la comparabilité des denrées alimentaires au sens du présent article, en tenant compte notamment de leur nature, de leur mode de production, de leurs usages et de leur impact sur la concurrence avec les produits issus de la production locale. » ;

La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. En l’état, l’article L. 420-5 du code de commerce tend à réguler les pratiques commerciales dans les départements d’outre-mer lorsqu’il existe une concurrence entre les produits locaux et importés à bas coût, surtout dans l’alimentaire, ce qui permet la protection des acteurs locaux.

Toutefois, sa rédaction se limite aux produits « identiques ou similaires » et ne prend pas en compte certaines situations de comparabilité de denrées alimentaires.

C’est le cas par exemple, de façon très concrète, des produits surgelés importés, qui, bien qu’ils ne soient pas strictement identiques aux produits frais locaux, répondent aux mêmes besoins alimentaires et suscitent une concurrence directe sur les marchés locaux.

En raison des différences de coûts de transports et de normes sanitaires ou de stockage, leur prix est souvent inférieur à celui des denrées locales. De ce fait, même s’ils n’en sont que des substituts, leur impact concurrentiel les rend comparables, ce qui fragilise l’équilibre économique du territoire.

C’est pourquoi cet amendement a pour objet d’élargir la notion de concurrence, en y intégrant les produits comparables. Il vise ainsi à soutenir l’autonomie alimentaire des territoires ultramarins concernés, qui nous est chère à tous, en renforçant la compétitivité des produits locaux et en garantissant une concurrence équitable, qui passe par une protection efficace contre les pratiques commerciales déloyales.

La définition des produits comparables serait précisée par décret, pour garantir son application juste et adaptée aux réalités locales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Mon cher collègue, je comprends que vous entendez lutter contre la présence croissante de certaines denrées alimentaires peu chères et de mauvaise qualité transitant par la métropole, celles que l’on appelle les produits de dégagement.

Toutefois, l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence d’augmenter le coût de l’offre commerciale, en contradiction avec l’objectif même de Victorin Lurel, dont la proposition de loi tend à lutter contre la vie chère.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Dans la pratique, vous le savez, le représentant de l’État tient déjà compte d’un certain nombre de critères lors des négociations avec les acteurs : baisses de prix au bénéfice des consommateurs, mais aussi souhait d’inclure davantage de produits frais dans les accords de prix, favorisant la production locale et la qualité des produits concernés.

Il convient de garder en tête l’objectif de baisse des prix, auquel, je crois, cette proposition ne participe pas nécessairement. Toutefois, il est indispensable de favoriser et de faciliter la production locale. C’est l’une de nos priorités, d’ailleurs commune à tous les sénateurs, et ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons engager une véritable transformation économique des territoires ultramarins.

Je nourris donc des réserves sur cet amendement. Toutefois, compte tenu de l’intérêt des débats qu’il suscite, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Notre collègue Rohfritsch formule une proposition connue, qui porte sur ce que Mme le rapporteur a qualité de produits de dégagement.

De quoi s’agit-il ? Un arrivage de porc ou de poulet breton peut représenter 75 % d’eau… Puisque ces produits sont de fin de série, leur coût marginal est de zéro. Ils sont donc vendus à perte : mon frère, qui est un gros producteur de porc, en souffre. Mais vous avez raison, madame le rapporteur, ses produits sont plus chers.

Que fait le conseil régional, qui fixe les tarifs ? Pour les produits arrivant à bas coût, il augmente le taux de l’octroi de mer, ce qui enrichit les collectivités, mais pas nécessairement le consommateur. En outre, un petit écart demeure, ce qui pose problème.

M. Rohfritsch n’a pas tort de le rappeler, il existe déjà un texte de 2018 qui mentionne les produits « identiques ou similaires ». Il propose simplement d’ajouter l’adjectif « comparable », car un changement d’emballage implique une modification des lignes d’octroi de mer. Il s’agit donc non pas d’une mesure bureaucratique, mais d’un amendement de bon sens.

Par ailleurs, la mesure proposée n’est pas si considérable. Certes, les dispositions votées ont toujours des incidences, mais je vous demande de soutenir l’amendement de M. Rohfritsch, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.

M. Georges Patient. Bien malgré moi, je voterai contre cet amendement et me rangerai à la proposition de Mme le rapporteur.

Je prendrai un seul exemple : dans mon département de Guyane, le poulet surgelé importé, tout de même contrôlé par les services sanitaires, coûte 2 euros le kilogramme, quand le poulet local atteint 15 euros le kilogramme. Or le poulet fait partie de la nourriture de base en Guyane.

L’adoption de cet amendement, en l’état de sa rédaction, aurait donc davantage pour effet de causer d’importants dégâts que de rendre la vie moins chère.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par MM. Rohfritsch, Patriat et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Fouassin, Buval et Théophile, Mmes Nadille et Ramia, MM. Kulimoetoke et Buis, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Lemoyne, Lévrier et Rambaud et Mme Schillinger, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le premier alinéa de l’article L. 752-6-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette limitation ne s’applique que dans les territoires où la densité commerciale atteint au moins 70 % de la moyenne nationale calculée sur le territoire métropolitain. » ;

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. L’article 2 de cette proposition de loi tend à limiter le renforcement de groupes déjà en position dominante sur les marchés ultramarins. C’est un objectif louable en vue d’accroître la concurrence localement.

Cependant, les spécificités de chacun des territoires doivent être prises en compte. La densité commerciale, par exemple, n’est pas la même partout.

Ainsi, en Guyane, où la population est en pleine croissance, il faut favoriser l’installation de grandes surfaces commerciales, car certaines parties du territoire en sont encore dépourvues. La population ne dispose que de petits commerces de proximité, dont on sait qu’ils proposent moins de produits, et à des prix plus élevés.

Or la limitation que tend à instaurer cet article risque de ralentir, voire de bloquer le déploiement de ces commerces, faute de groupes aux dimensions suffisantes.

Cet amendement vise donc à adapter l’article 2, pour tenir compte de ces réalités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer une exception au seuil de part de marché à partir duquel les commissions départementales d’équipement commercial (CDEC) peuvent saisir l’Autorité de la concurrence en vue d’autoriser une exploitation commerciale.

La commission considère que cette disposition contrevient à l’objectif de la proposition de loi de Victorin Lurel, en ce qu’elle accroît la concurrence dans les outre-mer.

J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.

M. Georges Patient. Je me permets d’insister : la densité commerciale n’est pas la même dans tous les territoires et départements d’outre-mer.

Cet amendement ne vise que les collectivités où cette densité est faible, comme Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et, bien sûr, la Guyane, dont la structure est différente de celle des autres territoires d’outre-mer.

Ainsi, la Guyane s’étend sur 83 000 kilomètres carrés, pour une densité de 3 habitants par kilomètre carré, quand la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion sont autour des 400. En revanche, le PIB de la Guyane n’est que de 15 000 euros par habitant, contre 23 000 à 25 000 euros par habitant pour les Antilles et 60 000 euros par habitant pour l’Île-de-France.

Par ailleurs, les communes y sont distantes les unes des autres. Elles ne sont quelquefois pas accessibles, faute de routes pour circuler. Sa situation différente justifie donc des dispositions différentes pour la Guyane. Il faut adapter la rédaction de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.

Mme Micheline Jacques. J’adhère totalement aux propos de Georges Patient. On ne peut comparer la Guyane aux autres territoires : il n’y a pas de mobilité possible sur place. Certains villages sont complètement isolés, alors que leurs habitants ont besoin d’accéder aux produits de première nécessité.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Mes chers collègues, j’avoue franchement que je ne comprends pas.

Certes, je conçois de tels besoins pour la Guyane. Cependant, ce texte porte sur l’ensemble de l’outre-mer. Or, dans certaines collectivités, comme à La Réunion ou en Martinique, l’adoption de cet amendement irait à l’encontre des objectifs de la proposition de loi de M. Lurel.

M. Victorin Lurel. Vous avez raison !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Rohfritsch, Patriat, Buval, Fouassin et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Théophile, Mmes Nadille et Ramia, M. Buis, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier et Rambaud, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au second alinéa de l’article L. 910-1 D, après le mot : « observatoire », sont insérés les mots : « disposant des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions, » ;

La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Force est de constater que les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) dans les territoires ultramarins sont aujourd’hui des structures inopérantes, ou tout du moins des structures dont l’opérationnalité est variable, limitée et souvent entravée par une incapacité matérielle.

Cette situation soulève des interrogations quant à leurs prérogatives exactes et à la manière dont ils assurent leur rôle s’agissant du bouclier qualité-prix. Si leur nécessité et leur importance ne sont pas à prouver, leurs moyens restent trop faibles.

C’est pourquoi cet amendement vise à clarifier le statut des OPMR, afin qu’ils puissent disposer de leur pleine capacité opérationnelle et accomplir leurs missions, dans l’intérêt des consommateurs et des acteurs économiques locaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Si, en elle-même, cette disposition ne changera pas la situation des observatoires des prix, des marges et des revenus, elle attirera peut-être l’attention du Gouvernement sur la nécessité de doter ces structures de moyens leur permettant d’assurer leurs missions.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement d’appel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Je rappelle que les moyens des OPMR ont été renforcés de manière significative, passant de 300 000 euros à 600 000 euros avec la loi de finances pour 2019, à la suite des engagements qu’avait pris le Gouvernement. Depuis lors, ce budget a été reconduit lors de chaque loi de finances, alors que, comme vous le savez, les crédits ont plutôt tendance à diminuer.

Il ressort que, pour les deux exercices budgétaires de 2023 et 2024, ce montant de 600 000 euros n’a pas été entièrement consommé. On pourrait donc le considérer comme suffisant et adapté à l’activité actuelle et à l’exercice des missions des OPMR.

Le secrétariat de chaque observatoire est exercé par les services de l’État présents dans les collectivités concernées, fournissant ainsi les moyens nécessaires. En outre, on pourrait s’interroger sur l’accompagnement des OPMR, afin qu’ils puissent consommer au mieux le budget qui leur est alloué. Peut-être évoquerons-nous ce problème au cours de l’examen de la prochaine loi de finances.

Toutefois, comme vient de le rappeler Mme le rapporteur, cet amendement est une manière de mettre en valeur le rôle de ces organes. D’une manière générale, nous devons vraiment interroger le fonctionnement de tous nos outils d’évaluation et de contrôle des coûts et des prix.

Sous les réserves que je viens d’exprimer, le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Ruel, Bilhac, Cabanel, Fialaire, Gold, Grosvalet et Guiol et Mme Jouve, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« L’observatoire est consulté sur la base d’une étude d’impact détaillée avant toutes modifications structurelles des conditions de la desserte maritime internationale en fret dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon par l’autorité organisatrice. Dans l’exercice de son attribution consultative, l’observatoire rend un avis conforme dans un délai maximal de trois mois à compter de la date de saisine. À défaut, l’avis est réputé favorable. »

La parole est à M. Jean-Marc Ruel.

M. Jean-Marc Ruel. Comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, cet amendement vise à garantir la régulation économique de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il s’agit de s’assurer qu’une prise de décision hâtive ne précipite pas nos concitoyens dans la difficulté, dans un territoire où le coût de la vie est déjà très élevé. Le dispositif est simple : permettre à l’observatoire des prix, des marges et des revenus d’être saisi, afin de rédiger une étude d’impact sur une décision de modification structurelle des conditions de la desserte maritime internationale du territoire.

J’entends l’argument, qui me sera rétorqué, consistant à questionner la nécessité d’un avis conforme en bout de course. Cependant, je maintiendrai cette proposition, car elle est essentielle pour mon territoire et repose sur deux piliers : l’évaluation et la concertation.

L’évaluation, tout d’abord : la desserte maritime en fret de Saint-Pierre-et-Miquelon constitue la colonne vertébrale de toute l’activité économique et de toute la consommation de ce territoire isolé. Modifier la méthode d’approvisionnement peut entraîner des conséquences très négatives pour le coût de la vie. Une étude d’impact est donc nécessaire pour optimiser la prise de décision.

La concertation, ensuite, puisque, comme vous le savez, mes chers collègues, les services de l’État, les élus et les forces économiques d’un territoire siègent au sein de l’observatoire des prix, des marges et des revenus. Ainsi, on ne laisse plus la place à l’arbitraire, le dialogue prime et les décisions sont réfléchies et incontestables.

Enfin, je rappellerai le contexte international dans lequel s’inscrit pleinement Saint-Pierre-et-Miquelon, archipel français d’Amérique du Nord. Aux relations et négociations souvent difficiles avec le voisin canadien, s’ajoute désormais la politique protectionniste et agressive de notre autre voisin, les États-Unis de Donald Trump.

Nous ne pouvons pas nous permettre de naviguer à vue sur le sujet de la desserte maritime internationale en fret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Un tel dispositif conduirait à faire de l’observatoire un espace de concertation ad hoc, ce qui l’éloignerait considérablement de sa mission d’origine.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Excellemment dit ! J’émets le même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Rohfritsch, Patriat, Buval, Fouassin et Patient, Mme Phinera-Horth, M. Théophile, Mmes Nadille et Ramia, MM. Kulimoetoke et Buis, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Lemoyne, Lévrier et Rambaud, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Le premier alinéa de l’article L. 910-1 I est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’État en assure la publication. »

La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Cet amendement a pour objet que l’État rende public le rapport annuel produit par chacun des observatoires des prix, des marges et des revenus, afin que ceux-ci gagnent en visibilité.

Il s’agit de faire un pas pour lutter contre la vie chère en renforçant la confiance des consommateurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Dans son principe, je suis favorable à cette démarche, qui vise la publication du rapport annuel de chaque observatoire des prix, des marges et des revenus.

Cependant, cette mesure n’aura de sens que lorsque ces observatoires auront le personnel suffisant pour rédiger et concevoir ces rapports. Or les moyens humains font défaut aujourd’hui. Lors de nos auditions, j’ai rencontré des présidents d’observatoire, qui sont des magistrats bénévoles et qui ne disposent pas de personnel.

Si des garanties sont apportées, je ne vois aucune raison de s’opposer à cette publication. Voilà pourquoi je sollicite l’avis du Gouvernement, afin que M. le ministre certifie et clarifie ses intentions en la matière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Dans la mesure où les OPMR ne sont pas capables de satisfaire eux-mêmes cette obligation de publication, l’autorité administrative peut se charger de l’opération. Cette proposition me paraît positive. Elle permettra de mieux faire connaître l’ensemble des travaux et études que réalisent les OPMR.

Ces observatoires devront donc réaliser chaque année un rapport annuel, ce qui n’est peut-être pas le cas systématiquement aujourd’hui. Ce document pourra être publié en ligne sur le site des services du représentant de l’État concerné. Il s’agit d’une avancée : je suis donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. La commission se range à l’avis favorable du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 3

(Supprimé)

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Lurel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Pour l’application des conditions générales de vente, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont considérées comme faisant partie intégrante du territoire national. Toute clause contractuelle, condition de vente ou pratique commerciale ayant directement ou indirectement pour effet de les assimiler à une zone d’exportation ou d’appliquer des conditions tarifaires discriminatoires par rapport à la France hexagonale est présumée abusive au sens de l’article L. 442-1 du présent code et, en conséquence, interdite. »

2° L’article L. 441-1-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Pour l’application des conditions générales de vente, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont considérées comme faisant partie intégrante du territoire national. Toute clause contractuelle, condition de vente ou pratique commerciale ayant directement ou indirectement pour effet de les assimiler à une zone d’exportation ou d’appliquer des conditions tarifaires discriminatoires par rapport à la France hexagonale est présumée abusive au sens de l’article L. 441-1-2 du présent code et, en conséquence, interdite. »

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Mon amendement vise les conditions générales de vente.

En effet, les plateformes de vente et les centrales d’achat considèrent les outre-mer comme des territoires étrangers. Au début de la conclusion d’une relation commerciale, il est question des conditions générales de vente, qui relèvent d’un document unique ou d’un accord-cadre. Puis, ces éléments sont déclinés dans des contrats dits d’application, dont on supprime la mention des outre-mer ! Il convient donc d’affirmer, simplement, que ces conditions s’appliquent de plein droit dans les outre-mer.

Mon collègue Teva Rohfritsch a déposé un amendement analogue. Je souhaite que, tous ensemble, quelle que soit la rédaction que nous retiendrons, nous votions pour l’égalité et que nous adoptions cette disposition ; là encore, la navette pourra l’améliorer.

Toutefois, j’ai la faiblesse de croire que mon amendement est quelque peu mieux rédigé que celui de mon collègue Teva Rohfritsch. La raison en est que ce dernier confond le statut douanier fiscal et notre appartenance à la République française. Cette appartenance est constitutionnelle, quand les dispositions sur les territoires d’exportation se réfèrent aux pays étrangers.

Or nous sommes considérés comme des territoires d’exportation au sens douanier et fiscal du terme, ce qui justifie les différences d’imposition – octroi de mer, taux de TVA à 8,5 % au lieu de 20 %, taux de TVA réduit à 2,1 %, etc.

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Rohfritsch et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Fouassin, Buval, Patient et Théophile, Mmes Nadille et Ramia, MM. Kulimoetoke et Buis, Mmes Cazebonne, Duranton et Havet, MM. Iacovelli, Lemoyne, Lévrier et Rambaud, Mme Schillinger et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Pour l’application des conditions générales de vente, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont considérées comme faisant partie intégrante du territoire national. Toute clause contractuelle, condition de vente ou pratique commerciale ayant directement ou indirectement pour effet de les assimiler à une zone d’exportation ou d’appliquer des conditions tarifaires discriminatoires par rapport à la France hexagonale est présumée abusive au sens de l’article L. 442-1 du présent code et, en conséquence, interdite. »

2° L’article L. 441-1-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …. – Pour l’application des conditions générales de vente, les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ainsi que Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont considérées comme faisant partie intégrante du territoire national. Toute clause contractuelle, condition de vente ou pratique commerciale ayant directement ou indirectement pour effet de les assimiler à une zone d’exportation ou d’appliquer des conditions tarifaires discriminatoires par rapport à la France hexagonale est présumée abusive au sens de l’article L. 441-1-2 du présent code et, en conséquence, interdite. »

La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 15, présenté par M. Ruel, est ainsi libellé :

Amendement n° 3, alinéa 5

Après les mots :

ainsi que

insérer les mots :

Saint-Pierre-et-Miquelon,

La parole est à M. Jean-Marc Ruel.

M. Jean-Marc Ruel. Cet amendement vise à inclure Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce dispositif très intéressant pour l’ensemble de nos territoires ultramarins.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. Ces deux amendements et ce sous-amendement visent à étendre aux outre-mer les conditions générales de vente appliquées en métropole. Nous l’avons dit tout à l’heure, l’uniformisation des conditions générales de vente est un sujet fondamental.

Le dispositif proposé ici aurait des conséquences positives sur le pouvoir d’achat des Ultramarins, dès lors qu’il permettrait de réduire un certain nombre de coûts imposés aux distributeurs. Toutefois, il ne suffirait pas à éliminer les causes des écarts de prix entre la métropole et l’outre-mer.

C’est pourquoi la commission recommande plutôt l’adoption de l’amendement n° 10 rectifié, qui sera présenté dans un instant. En effet, il est mieux rédigé et ses dispositions renforceraient la lisibilité du dispositif. Pour une fois que M. Lurel propose quelque chose de simple, je puis qu’y être favorable ! (Rires.)

En conséquence, la commission sollicite le retrait des amendements nos 13 rectifié et 3 rectifié, ainsi que du sous-amendement n° 15.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre dÉtat. Sur le plan fiscal, les territoires ultramarins sont définis comme des zones d’exportation. Aussi, nous devons être attentifs à ne pas créer d’effets de bord juridiques en inscrivant dans la loi des formulations qui seraient en apparence positives, mais qui, en réalité, auraient des conséquences néfastes.

Les conditions générales de vente auxquelles se réfèrent les contrats ne doivent pas exclure les outre-mer. Au contraire, ils doivent tenir compte des spécificités et de l’éloignement de ces territoires. Il convient donc de retravailler l’incompatibilité de tout amendement avec le régime fiscal applicable.

L’amendement n° 10 rectifié, qui sera examiné dans un instant, est mieux rédigé de ce point de vue. En conséquence, tout comme la commission, le Gouvernement sollicite le retrait à son profit des amendements nos 13 rectifié et 3 rectifié, ainsi que du sous-amendement n° 15.

M. le président. Monsieur Lurel, l’amendement n° 13 rectifié est-il maintenu ?

M. Victorin Lurel. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Rohfritsch, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?

M. Teva Rohfritsch. Puisque le ministre a donné son blanc-seing à l’adoption de l’amendement n° 10 rectifié, et compte tenu de l’esprit constructif de nos débats, je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré et, en conséquence, le sous-amendement n° 15 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Lurel et Kanner, Mme Bélim, MM. Omar Oili, Stanzione et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 441-2 du code de commerce, il est inséré un article L. 441-2- … ainsi rédigé :

« Art. L. 441-2-… – Dans les collectivités relevant de l’article 3 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les conditions générales de vente établies au niveau national entre un fournisseur, un distributeur ou un prestataire de services et définies dans la présente section s’appliquent de plein droit, de façon transparente et non discriminatoire. »

Cet amendement a été défendu.

Il a reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

Article 4

Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Ces débats l’ont montré, la vie chère est une réalité que le tout le monde entend combattre. Nous allons d’ailleurs le prouver en adoptant aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Victorin Lurel. Celui-ci a travaillé en bonne intelligence avec Mme le rapporteur, malgré un dialogue musclé et « compétitif », comme il l’a lui-même affirmé lors de la discussion générale.

Je tiens, bien sûr, à saluer Mme le rapporteur, Évelyne Renaud-Garabedian.

M. Victorin Lurel. Nous la saluons nous aussi !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Le rapport produit sur ce texte est le premier qu’elle a rédigé au nom de la commission des affaires économiques. Elle a réalisé un excellent travail, épaulée par les services de la commission.

Ce débat est important, même s’il a révélé quelques dissensions, comme c’est souvent le cas lorsque l’on discute des outre-mer. En effet, si cette proposition de loi prévoit des outils supplémentaires, ces derniers se révèlent insuffisants. Nous avons donc encore du travail à faire.

Nous poursuivrons nos efforts dans un esprit qui, je l’espère, sera toujours aussi constructif et positif. La délégation sénatoriale aux outre-mer, présidée par Micheline Jacques – je veux la remercier, ainsi que l’ensemble de nos collègues membres de la délégation – constituera également un bon cadre de réflexion.

Enfin, je tiens, une fois de plus, à remercier très sincèrement M. le ministre d’État de son engagement depuis qu’il a pris ses fonctions. En témoignent notamment ses déplacements outre-mer – Dieu sait s’il en a fait – et les échanges que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi d’urgence pour Mayotte.

Nous aurons encore bien d’autres textes à examiner avec vous, monsieur le ministre d’État, pour continuer à œuvrer en faveur des outre-mer. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour explication de vote.

Mme Solanges Nadille. Mes chers collègues, alors que nos débats sur ce texte prennent fin, je dois vous avouer ma déception. Je ne fais pas de gamineries, pour reprendre un terme qui a été employé : j’exprime la réalité des territoires. Ne trompons pas nos concitoyens ultramarins, même s’ils se trouvent à 8 000 kilomètres de l’Hexagone.

Monsieur Lurel, vous ajoutez une proposition de loi à un texte qui a été voté en 2012. Vous l’avez vous-même affirmé, celui-ci est resté au fond des tiroirs ; il a pris la poussière. En réalité, la présente proposition de loi ne vise qu’à l’appliquer, puisqu’il est resté ineffectif depuis une dizaine d’années.

Après les événements de Martinique, le directeur de cabinet du préfet s’est empressé de se rendre dans les supermarchés de Guadeloupe, afin de vérifier si le bouclier qualité-prix y était bien respecté.

Dans le premier supermarché, il a observé que c’était bien le cas. Mais dans le second, il s’est aperçu qu’on n’appliquait pas ce dispositif – catastrophe ! Mais cette inapplication de la loi, c’est tous les jours que nous la constatons, nous, monsieur Lurel ! Votre texte a donc de quoi en faire rire certains.

Au reste, je déplore l’absence dans cet hémicycle de la majorité de nos collègues ultramarins ; ils ont choisi de ne pas exprimer de position de vote aujourd’hui, sans doute pour ne pas déplaire à certains. Ce n’est pas respecter leurs engagements envers nos concitoyens d’outre-mer, de Guadeloupe et d’ailleurs.

Pour ma part, je prends mes responsabilités et j’affirme que je ne suis pas satisfaite par le présent texte.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Solanges Nadille. En 2009 déjà, en Guadeloupe, le Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), ou collectif contre l’exploitation outrancière, tirait la sonnette d’alarme sur la vie chère en outre-mer. Voilà seize ans qu’il évoque ce problème et qu’il nous demande d’appliquer ses propositions. (M. Victorin Lurel sexclame.) Or le Parlement s’y refuse et préfère accumuler les textes inutiles. (Marques dimpatience sur diverses travées.)

Par ailleurs, vous nous demandez de faire preuve de mimétisme…

M. le président. Vous avez dépassé de plus de vingt secondes votre temps de parole, chère collègue. Je suis d’un naturel magnanime, mais je dois veiller à ce que chacun respecte le règlement.

Plus personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et Les Républicains. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

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Encadrement des loyers et amélioration de l’habitat dans les outre-mer

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la discussion de la proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer, présentée par Mme Audrey Bélim et plusieurs de ses collègues (proposition n° 198, texte de la commission n° 364, rapport n° 363).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rendre de nouveau hommage aux victimes réunionnaises, après le passage du cyclone Garance sur notre île. J’adresse, en votre nom à tous, nos pensées émues à leurs familles et à leurs proches.

Je commencerai mes propos de la même manière que lorsque j’ai été invitée à m’exprimer devant la commission des affaires économiques : le Sénat s’honore toujours à exercer le rôle qui lui est dévolu par la Constitution, celui d’être la chambre des territoires.

Je souhaite à cet égard tout particulièrement remercier le président de notre groupe, Patrick Kanner, qui a souhaité consacrer une niche entière à des textes relatifs aux outre-mer.

La présente proposition de loi comporte deux mesures particulièrement attendues par nos territoires. Elle est le fruit d’un travail collectif et doit beaucoup à l’investissement des sénateurs de l’Hexagone et des outre-mer en faveur de l’adaptation des normes de construction dans les territoires ultramarins.

Ces dernières années, des jalons importants ont été posés. Le Sénat y a fortement contribué par ses travaux successifs. Je pense notamment au rapport fondateur, Le BTP au pied du mur normatif dans les outre-mer, rédigé en 2017 par Vivette Lopez, Karine Claireaux et Éric Doligé, ainsi qu’au rapport La Politique du logement dans les outre-mer, élaboré en 2021 par nos collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel.

On peut également citer le livre blanc des Assises de la construction durable en outre-mer, préfacé par Micheline Jacques, fruit d’une collaboration entre les forces vives de chacun de nos territoires. Ce document établit une feuille de route claire et opérationnelle, que le présent texte propose de prolonger.

Dans cette préface, Micheline Jacques écrivait : « Les bouleversements géopolitiques récents, les enjeux climatiques et écologiques de réduction de l’empreinte carbone font de la nécessité de disposer de référentiels propres aux outre-mer une urgence, tant du point de vue des matériaux que des modes de construction. » Je souscris pleinement à ces propos.

Notre collègue Jacques avait d’ailleurs plaidé pour une telle adaptation lorsqu’elle était rapporteur du projet de loi d’urgence pour Mayotte. Sur ce point, je la soutiens entièrement. Nous avançons ensemble aujourd’hui vers ces référentiels de construction.

Je souhaite remercier également la présidente de la commission des affaires économiques, Mme Dominique Estrosi Sassone, experte du logement, comme chacun le sait, qui a examiné avec un œil bienveillant ce travail des filières socioprofessionnelles ultramarines.

Quant aux ministres Manuel Valls et Valérie Létard, ils se sont engagés à remédier concrètement à ce problème qui persiste depuis trop longtemps.

Manuel Valls a fait preuve d’un réel et remarquable investissement personnel. Nous avons pu échanger ensemble régulièrement, y compris lorsqu’il s’est rendu en Nouvelle-Calédonie. Je tenais à le souligner, car l’outre-mer est un ministère bien difficile, écartelé entre les urgences du présent et le besoin de construire l’avenir.

Je veux également saluer Valérie Létard, ministre déterminée, qui connaît parfaitement les enjeux du logement et de la construction. Nos échanges furent riches et précieux.

Enfin, permettez-moi de remercier le président Mathieu Darnaud, qui, comme nous le savons tous, est toujours particulièrement attentif aux outre-mer.

Nous avons sans doute, chacune et chacun, des divergences partisanes, mais nous nous rejoignons sur un sujet essentiel, celui de l’égalité des territoires. Nous partageons une conviction très simple : la République doit être partout chez elle, en Ardèche comme à La Réunion, dans les Alpes-Maritimes comme en Martinique, en Essonne comme en Guyane.

Je le disais, cette proposition de loi comporte deux mesures très attendues dans les outre-mer. L’article 1er prévoit l’expérimentation de l’encadrement des loyers dans les territoires d’outre-mer, que nous ont demandée de nombreuses collectivités.

Lors du lancement de l’expérimentation initiale dans l’Hexagone, les communes de nos territoires n’étaient pas classées en zone tendue et n’ont donc pas pu participer aux premières phases, contrairement à des villes comme Paris ou Montpellier.

Les chiffres sont incontestables : 80 % des foyers ultramarins sont éligibles au logement social. Pourtant, nombre d’entre eux n’ont d’autre choix que de se tourner massivement vers le parc locatif privé, tant la construction de logements, notamment sociaux, s’est effondrée ces dernières années.

L’Association des communes et des collectivités d’outre-mer (Accd’om) a distribué un questionnaire sur cette proposition de loi à l’ensemble des maires ultramarins. Le résultat est unanime : de Mayotte à la Guyane, en passant par la Guadeloupe, l’expérimentation dans les communes volontaires – j’insiste sur cet adjectif – est ardemment souhaitée. C’est à cette attente que le Sénat doit répondre aujourd’hui.

L’article 2, qui prévoyait de revoir la cartographie des quartiers prioritaires de la ville (QPV) dans les outre-mer, a été supprimé en commission. En effet, un décret a récemment élargi le nombre de QPV dans les outre-mer après le dépôt de la présente proposition de loi. J’espère que, ainsi, nous avons permis d’accélérer les délais de publication de ce texte attendu.

Si je ne suis pas entièrement satisfaite, j’accepte toutefois le compromis. C’est pourquoi je n’ai pas tenu à réintroduire cet article.

Enfin, l’article 3 prévoit d’autoriser l’adaptation des normes de construction dans les outre-mer. Grâce à une remarquable mobilisation du gouvernement et des eurodéputés français, le Parlement européen, en avril 2024, a exempté les outre-mer de l’obligation du marquage CE pour les matériaux de construction.

Nous devons être à la hauteur de ce vote historique, continuer à avancer et réaliser des progrès concrets sur ce sujet crucial dans notre hémicycle : la maison des territoires, c’est nous !

L’urgence est triple.

Elle est tout d’abord économique, car ces normes inadaptées freinent le développement des filières locales du BTP.

Elle est ensuite environnementale, car l’importation massive de matériaux suscite des émissions de gaz à effet de serre inadmissibles face à l’urgence climatique.

Elle est enfin et surtout sociale, car le surcoût lié à l’importation des matériaux pourrait être réduit en utilisant des ressources produites sur le territoire ou dans le bassin géographique.

Il s’agit d’intervenir directement sur le coût des loyers, donc d’agir, une fois encore, sur le pouvoir d’achat, c’est-à-dire sur le pouvoir de vivre.

Voici les propos qu’a tenus Manuel Valls à nos collègues députés, le 19 février dernier : « Pour réduire les prix, il nous faut rompre avec un modèle infantilisant, parfois ubuesque. Limitons les importations – très coûteuses – depuis l’Hexagone ou l’Union européenne à ce qui est strictement indispensable. Mayotte importe son bois de Lettonie, alors qu’il existe des alternatives en Afrique du Sud. » M. le ministre a indubitablement raison, hélas.

Pourtant, des solutions existent. À Mayotte, justement, la brique de terre comprimée (BTC), utilisée dans la construction du lycée des métiers du bâtiment (LMB), a démontré son excellence, résistant notamment au passage du cyclone Chido.

En outre, le référentiel de la construction en Nouvelle-Calédonie (RCNC) permet, depuis 2020, de réaliser des constructions de qualité et adaptées à l’archipel. La Nouvelle-Calédonie ajoute ainsi à son système normatif de référence des règles dont l’impact positif sur la qualité de la construction a été démontré. Ce peut être le cas des normes australiennes, parfois plus protectrices en matière anticyclonique. Le passage du cyclone Garance à La Réunion nous montre que nous pouvons encore progresser en matière d’adaptation de nos constructions.

L’Association des maires du département de La Réunion (AMDR) note que, dans l’est de l’île, 80 % des habitations ayant perdu leur toit datent de moins de quinze ans. Nos normes anticycloniques sont-elles bien adaptées ? Ne pourrions-nous pas nous inspirer de ce qui fonctionne ailleurs ?

Pour amplifier les initiatives prises à Mayotte, tout en nous inspirant de la dynamique néo-calédonienne, nous vous proposons de créer des comités relatifs aux produits de construction.

Ces comités seront chargés de contribuer à la nécessaire mise en œuvre de l’exemption de marquage CE, en tenant compte des besoins de la production, des spécificités et des contraintes locales. En outre, ils devront soutenir l’innovation locale dans le domaine des matériaux et des procédés de construction, donc définir des référentiels de construction adaptés aux contraintes climatiques, géographiques et culturelles locales, en tenant compte d’objectifs de construction durable et frugale.

Ces comités devront compter parmi leurs membres les acteurs locaux ; c’est une condition essentielle à leur fonctionnement. Devraient ainsi figurer parmi les représentants, de façon non exhaustive, les instances représentatives des filières locales de la construction et du bâtiment et travaux publics (BTP), les scientifiques et les experts locaux.

Ces comités ne doivent pas pouvoir valider l’utilisation de matériaux à la qualité fragile. Pour approuver, sur un plan technique, l’utilisation de tels matériaux et procédés, il faut des procédures rigoureuses associant les services de l’État et les instances nationales de normalisation concernées, comme le Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment (BNTEC), qui agit en délégation de l’Agence française de normalisation (Afnor). C’est une condition essentielle demandée par France Assureurs pour que le dispositif fonctionne.

Les travaux entrepris par le département de Mayotte pour recourir à la BTC ont été longs et coûteux, mais ils se sont révélés fructueux. Nous devrions permettre à la Guyane de s’inspirer de ces référentiels.

Étant donné l’important travail mené par l’ensemble des acteurs publics et privés dans le cadre des Assises de la construction durable en outre-mer, le dialogue et la concertation doivent présider à la rédaction des décrets d’application.

La consultation du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), ainsi que des acteurs des principaux bassins, est dès lors impérative sur les projets de décret. Rappelons que le dispositif envisagé, qui dépasse les clivages politiques, associe le BNTEC et le Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA).

L’adaptation urgente des normes de construction dans les outre-mer est souhaitée par 15 sénateurs ultramarins qui ont publié une tribune conjointe, hier, via le média Outremers 360°. Ces sénateurs représentent l’ensemble des bassins océaniques et des groupes politiques comptant des élus ultramarins.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi. L’adaptation des normes dans les outre-mer est non plus une option, mais une nécessité. Elle permettra de créer des emplois locaux, de réduire notre empreinte carbone, de développer notre résilience face au changement climatique et de valoriser nos savoir-faire traditionnels.

Le Sénat est la maison des territoires ; il doit faire confiance aux élus et aux acteurs locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – MM. Teva Rohfritsch, Philippe Grosvalet et Cédric Chevalier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Teva Rohfritsch applaudit également.)

Mme Micheline Jacques, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai, moi aussi, une pensée particulière pour nos compatriotes réunionnais, frappés par le cyclone Garance la semaine dernière.

Le bilan est lourd, trop lourd. Je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur une action forte de l’État et des acteurs locaux pour venir en aide aux sinistrés le plus rapidement possible.

J’en viens à la proposition de loi de notre collègue Audrey Bélim, dont je sais l’engagement pour son territoire, particulièrement en ces moments difficiles. Ce texte vise à renforcer l’adaptation des normes en outre-mer dans trois domaines : le logement abordable, les QPV et les normes applicables aux produits de construction.

En commission, avec l’accord de Mme Bélim, nous avons resserré le texte autour du logement abordable, en permettant aux collectivités d’outre-mer qui le souhaitent de mettre en œuvre un dispositif d’encadrement des loyers. En effet, l’expérimentation actuelle d’encadrement des loyers, prévue par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Élan, n’a pas été ouverte aux collectivités ultramarines.

Ainsi, les 48 communes bénéficiaires sont toutes situées dans l’Hexagone. À l’époque, aucune commune ultramarine n’entrait dans la catégorie des communes situées en zone tendue, éligibles au dispositif.

Ce n’est plus le cas depuis que la liste des communes situées en zone tendue a été actualisée en août 2023. Or, à cette date, le délai fixé par la loi Élan pour candidater à l’expérimentation d’encadrement des loyers était déjà échu. La commission a donc estimé légitime de donner aux collectivités d’outre-mer la possibilité de candidater à ce dispositif, comme ont pu le faire celles de l’Hexagone.

Une telle évolution s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la vie chère outre-mer, même si le poste le plus emblématique en la matière reste l’alimentation, avec des écarts de prix pouvant s’élever jusqu’à 40 % entre l’Hexagone et la Guadeloupe, par exemple.

Les loyers ne sont pas en reste : ils représentent une part très significative du budget des ménages, plus encore que dans l’Hexagone, compte tenu du moindre niveau de revenus de nos compatriotes ultramarins.

Bien évidemment, l’encadrement des loyers est un outil qui doit demeurer facultatif et être laissé aux mains des élus locaux. Il ne doit pas nous conduire à ménager notre soutien à l’investissement locatif, au développement du logement social et, plus largement, à la construction. On déplore tout de même un déficit de 110 000 logements dans les outre-mer !

Vraisemblablement, seules quelques collectivités seront concernées par l’expérimentation. Depuis l’actualisation du zonage de tension locative en août 2023, sont passées en zone tendue 38 communes ultramarines. Seules celles qui disposent d’un observatoire local des loyers (OLL) pourront en bénéficier, à savoir La Réunion et la communauté d’agglomération de Cap Excellence, en Guadeloupe.

Or ces observatoires sont le préalable à la mise en place d’un encadrement des loyers. La commission a donc renforcé le dispositif proposé par notre collègue Bélim, sans pour autant interférer dans l’expérimentation actuelle d’encadrement des loyers en métropole, qui arrive à échéance à la fin de l’année 2026.

La ministre du logement a diligenté une mission d’évaluation de cette expérimentation. Il est essentiel de ne pas la prolonger avant d’en avoir dressé le bilan. Nous avons ainsi créé une nouvelle expérimentation ad hoc dans les collectivités ultramarines, distincte de l’expérimentation actuelle.

Afin que le dispositif soit pleinement opérationnel, la durée de l’expérimentation et les délais de candidature des collectivités ont été calqués sur ceux qui ont été prévus lors de l’examen de la loi Élan. Cela permettra aux collectivités de disposer d’un temps suffisant pour constituer un dossier de candidature, attendre qu’il soit examiné et préparer la mise en place du dispositif.

L’article 2 visait à rendre moins restrictifs les critères utilisés pour délimiter les QPV dans les outre-mer. L’objectif était d’accroître le nombre de QPV dans les territoires ultramarins, mais il a été en grande partie atteint grâce à une réforme intervenue à la fin du mois de décembre 2024.

La nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville est désormais fondée sur des critères mieux harmonisés et moins restrictifs. Notamment, la méthode du carroyage, qui avait été très défavorable à La Réunion, à la Martinique et à la Guadeloupe, n’a pas été retenue. Cette nouvelle géographie inclut dorénavant 247 QPV ultramarins, contre 218 précédemment.

En accord avec Mme Bélim, la commission a supprimé l’article 2 pour tenir compte de cette réforme intervenue après le dépôt de la proposition de loi.

Enfin, l’article 3 concerne l’élaboration d’un marquage régions ultrapériphériques (RUP) dérogatoire au marquage CE dans le domaine de la construction, conformément à un règlement européen publié à la fin du mois de décembre 2024. Il s’agit d’une avancée substantielle, soutenue de longue date par les acteurs et, au Sénat, par la délégation aux outre-mer.

Nous pouvons nous réjouir qu’un travail collectif ait été accompli au service des territoires ultramarins. Il a trouvé un premier débouché en 2021, avec le rapport que Guillaume Gontard, Victorin Lurel et moi-même avons rédigé et dans lequel nous appelions déjà à promouvoir un marquage RUP.

Un pas important a été franchi en octobre 2024 avec la publication du livre blanc des Assises de la construction durable en outre-mer. Celui-ci a nécessité plus d’un an de concertations, preuve que ces sujets requièrent un travail de longue haleine.

En janvier 2025, l’entrée en vigueur partielle du nouveau règlement sur les produits de construction et l’exemption pour les régions ultrapériphériques qu’il contient est également une étape décisive.

Toutefois, la question des normes est aussi et peut-être même surtout celle des normes volontaires, qui doivent être partagées par l’ensemble des acteurs, permettant tout particulièrement de veiller à l’assurabilité des bâtiments. Les travaux de la délégation aux outre-mer l’ont montré dès 2017 ; je pense notamment au rapport sur les normes en matière de construction et d’équipements publics dans les outre-mer, élaboré par Éric Doligé, Karine Claireaux et Vivette Lopez.

Nous savons tous combien la question de l’assurabilité devient complexe dans les outre-mer, frappés régulièrement et durement par des phénomènes climatiques de plus en plus intenses.

En somme, si l’évolution du droit européen est une avancée très importante, les travaux pour aboutir concrètement sont toujours en cours. C’est la raison pour laquelle la commission a, avec l’accord de Mme Bélim, supprimé l’article 3.

Rappelons que la question de l’adaptation des normes aux spécificités ultramarines dépasse le seul secteur de la construction.

Tel est d’ailleurs l’objet de la proposition de résolution européenne présentée par Christian Cambon, Stéphane Demilly et Georges Patient. Ces derniers recommandent l’adoption d’un paquet RUP à l’échelon européen, pour lever les obstacles normatifs à l’insertion régionale des territoires ultramarins dans les secteurs de l’agroalimentaire, du traitement des déchets et de l’énergie.

Il est important d’organiser des concertations, même si cela prend du temps, de réfléchir à l’adaptation normative de façon large et, surtout, de laisser des marges d’organisation aux collectivités et aux acteurs locaux, qui ne devraient pas être systématiquement contraints de passer par un central. Sur ce point, on ne peut que déplorer l’échec des différents plans relatifs au logement, largement conçus et pilotés depuis Paris.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire en introduction de nos débats. Je tiens encore une fois à remercier Audrey Bélim de nos échanges constructifs. Je salue sa disponibilité et son engagement en amont de l’examen de cette proposition de loi.

En tant que présidente de la délégation aux outre-mer, je me félicite que notre agenda parlementaire mette une fois de plus à l’honneur des problématiques ultramarines. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État.

M. Manuel Valls, ministre dÉtat, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chère Dominique Estrosi Sassone, madame le rapporteur, chère Micheline Jacques, madame la sénatrice Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’associe à vos propos relatifs à la situation de La Réunion, où je me rendrai tout à l’heure, et, de manière plus générale, je souhaite saluer l’esprit qui règne au Sénat.

Comme nous avons pu le constater précédemment lors de l’examen de la proposition de loi de M. Victorin Lurel, et comme nous ne manquerons pas de l’observer dans le cadre de l’examen de la présente proposition de loi, cet esprit est propice à la construction d’un consensus, particulièrement nécessaire s’agissant des outre-mer.

La vie chère dans les outre-mer est souvent abordée au prisme des prix à la consommation. Si les écarts de prix avec la métropole sont immenses, pouvant atteindre jusqu’à 40 % dans l’alimentaire, le constat est le même en matière de logement. Selon l’Insee, en 2022, les loyers ultramarins étaient supérieurs aux loyers hexagonaux à raison de 3 % en Martinique et à La Réunion, de près de 5 % en Guadeloupe et de près de 10 % en Guyane.

Les loyers constituent une part bien plus significative du budget des ménages ultramarins que de celui des ménages hexagonaux, alors que les revenus sont souvent moins élevés dans les outre-mer.

Faciliter l’accès à un logement abordable, digne et répondant aux besoins des habitants et des territoires est donc l’un des leviers pour lutter contre la vie chère. C’est un combat que je suis résolu à mener.

L’enjeu que constitue l’accès au logement est toutefois beaucoup plus large, dans la mesure où il conditionne en grande partie la réussite de nos politiques publiques. Il y va donc de l’avenir de nos territoires.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous agissons d’ores et déjà au travers de plusieurs politiques publiques.

Par le biais de la ligne budgétaire unique, ou LBU, tout d’abord, le ministère des outre-mer finance notamment la construction de logements locatifs sociaux, des ouvrages de résorption de l’habitat insalubre et de réhabilitation du parc social, ainsi que des actions visant à améliorer l’accession sociale à la propriété. En 2024, les crédits de la LBU, qui ont été consommés à hauteur de 98 %, ont financé la construction et la rénovation de 8 000 logements.

Ensuite, la géographie actualisée des quartiers prioritaires de la politique de la ville, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, à laquelle ma collègue Juliette Méadel a notamment travaillé, constitue une avancée pour les territoires ultramarins, auxquels – il faut le reconnaître – cette nouvelle carte est bien plus favorable.

Plusieurs dispositifs fiscaux, notamment l’octroi d’un taux de TVA réduit et de crédits d’impôt, complètent enfin les mesures prises.

Je n’entends nullement me féliciter de ce que je considérerais comme des succès. Il reste tant à faire que cela n’aurait aucun sens : le besoin annuel de logements sociaux supplémentaires est considérable – il est estimé entre 8 000 et 10 000 logements –, le nombre de logements insalubres et indignes est supérieur à 150 000, l’habitat informel et dégradé atteint des niveaux records dans certains de nos territoires et l’offre abordable est insuffisante.

Ces constats appellent une action forte. Il nous faut en particulier continuer à accélérer pour construire plus de nouveaux logements, réhabiliter les logements anciens, lutter contre l’habitat indigne et proposer de vrais parcours résidentiels comportant des logements très sociaux, des logements sociaux, mais aussi des logements intermédiaires et dans le parc libre.

Ces constats appellent également une action collective, qui doit s’appuyer sur des moyens d’ingénierie, sur les opérateurs, sur les bailleurs, sur les entreprises, sur les partenaires financiers et, naturellement, sur les collectivités.

Afin de dynamiser cette action commune, je souhaite être en mesure, d’ici à l’été prochain, de signer avec toutes les parties prenantes le plan logement outre-mer 3, ou Plom 3, fixant les priorités territoire par territoire et déroulant une stratégie globale en conséquence.

J’y travaille activement avec ma collègue Valérie Létard, chargée du logement, dont chacun dans cette enceinte connaît le professionnalisme et qui me remplacera dans un instant, parce que je dois me rendre à La Réunion et que le vol Corsair ne m’attendra pas. (Sourires.)

Le soutien apporté à votre proposition de loi s’inscrit donc dans le cadre d’une action plus large, madame Bélim. Je vous remercie du reste de votre engagement, de la qualité de votre travail et de votre ténacité.

L’article 1er, dans sa rédaction issue des travaux de la commission des affaires économiques et largement réécrite, grâce à votre engagement, madame Bélim, et à celui de Mme le rapporteur Micheline Jacques, avec laquelle vous avez travaillé main dans la main et dans la bonne humeur, met en place l’expérimentation ad hoc d’un dispositif d’encadrement des loyers dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, celles qui ont été exclues de l’expérimentation instaurée par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan.

Cet encadrement serait réservé aux communes situées en zone tendue et son expérimentation serait naturellement facultative, laissée à la main des élus locaux. S’il s’agit d’une réelle avancée, j’estime que ce n’est pas une solution magique. Pour faire baisser le coût du logement, il faut avant tout soutenir la production de nouvelles habitations.

C’est un équilibre que cette proposition de loi défend, puisque l’article 3 initial entend faciliter la production de logements neufs en octroyant au domaine de la construction la possibilité de déroger, dans les régions ultrapériphériques, au marquage CE en vigueur dans l’Union européenne, une exemption obtenue de haute lutte à Bruxelles – vous l’avez souligné, madame la sénatrice Bélim –, l’année dernière, grâce à la forte mobilisation du gouvernement français, donc de mes prédécesseurs.

Comme je l’ai indiqué précédemment, je suis convaincu, tout comme les sénateurs qui ont récemment signé un appel en ce sens, que l’adaptation des normes applicables outre-mer est une priorité de bon sens, en particulier pour lutter contre la vie chère.

Je le répète, il faut en finir avec l’économie de comptoir et le tout-importation depuis l’Hexagone. Vous avez cité plusieurs exemples probants, madame la sénatrice Bélim. Cela nuit au développement de filières locales et renchérit naturellement les coûts.

Le Gouvernement soutiendra donc l’amendement n° 4 rectifié bis de l’auteure de la proposition de loi, qui vise à rétablir l’article 3 dans une réaction améliorée et – parole magique ! – à financer les dispositions introduites.

Cet amendement, issu d’un travail mené avec le Gouvernement, a pour objet de permettre au représentant de l’État de constituer des comités référentiels construction, compétents dans des zones géographiques précisées par décret, afin de contribuer à la mise en œuvre de l’exemption que j’évoquais, en tenant compte des besoins de la production, ainsi que des spécificités et des contraintes locales.

De tels comités contribueront à faire baisser les coûts des matériaux, en facilitant leur importation depuis les pays voisins et, surtout, en valorisant les techniques et matériaux développés localement.

J’ai pu constater, avec le dossier de Mayotte – votre connaissance de l’Océan indien a du reste permis de faire avancer ce dossier, madame la sénatrice –, que nous nous heurtons à des difficultés absurdes.

En adoptant cette proposition de loi, bien plus que de lutter contre la vie chère dans les outre-mer, vous ferez le choix du bon sens, de la simplification et de la proximité, valeurs qui sont si chères à la Haute Assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Annick Petrus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, permettez-moi de saluer notre collègue Audrey Bélim, dont la proposition de loi nous permet aujourd’hui d’ouvrir un débat essentiel sur le logement en outre-mer.

Trop souvent, nos territoires sont les grands oubliés des politiques nationales de logement, alors même que les difficultés y sont exacerbées du fait de loyers inabordables, d’un accès au foncier limité, de normes de construction inadaptées et d’un habitat insalubre. Ce texte a le mérite de proposer des solutions pragmatiques, adaptées à nos réalités locales.

Dans nos collectivités ultramarines, notamment à Saint-Martin, le logement constitue un enjeu crucial. Les loyers élevés, le manque d’infrastructures adaptées et les difficultés d’accès au logement pèsent lourdement sur nos populations.

La collectivité de Saint-Martin a acquis la compétence logement en 2012. Au cours des dernières années, nous avons commencé à structurer une véritable politique locale de l’habitat. C’est une compétence que nous appréhendons progressivement, notre priorité étant de mettre en œuvre efficacement les dispositifs que nous avons récemment mis en place.

Si Saint-Martin n’est pas incluse dans la liste officielle des zones dites tendues, en raison de son statut spécifique régi par l’article 74 de la Constitution, son marché immobilier connaît des tensions comparables à ces territoires.

Nous faisons face à un fort déséquilibre entre l’offre et la demande, caractérisée par des loyers élevés et un déficit de logements accessibles, notamment pour les ménages les plus modestes. 1 295 logements sont vacants, soit 8,7 % du parc immobilier. Et quelque 1 700 bâtiments doivent toujours d’être construits ou reconstruits pour reconstituer le parc détruit par la catastrophe qu’a constitué l’ouragan Irma.

Un autre défi majeur réside dans l’augmentation des locations saisonnières, qui réduit l’offre de logements de longue durée. Actuellement, 11 % des logements sont des résidences secondaires.

Face à cette tension sur le marché du logement, la collectivité de Saint-Martin a engagé des actions concrètes pour structurer une politique efficace et durable.

L’adoption en octobre 2024 du programme local de l’habitat (PLH) 2025-2030 a marqué une étape essentielle pour nos territoires. Ce programme vise en effet à développer l’offre de logements adaptés, à encourager la réhabilitation du parc existant, à structurer une politique foncière durable et à faire du logement un levier d’attractivité pour le territoire.

Le 13 février 2025, la collectivité de Saint-Martin a signé une convention tripartite avec le groupe Action Logement et l’État, afin de renforcer l’offre de logements et d’accompagner les Saint-Martinois. Ce partenariat structurant permettra de sécuriser les bailleurs, grâce à la garantie locative Visale, de faciliter l’accession à la propriété, via des prêts adaptés, de développer des logements sociaux et abordables, avec Sikoa, et de soutenir les salariés et les entreprises, grâce à des aides ciblées.

La mise en œuvre de ce dispositif commencera rapidement. Il constitue une avancée concrète et immédiate pour le logement.

Notre priorité est aujourd’hui de stabiliser ces dispositifs et d’accompagner leur mise en œuvre. Ajouter de nouvelles régulations risquerait de complexifier un cadre que nous venons tout juste d’organiser, alors même que nous avons besoin de clarté et d’efficacité.

L’adaptation des normes de reconstruction est un enjeu déterminant pour accélérer la reconstruction et garantir des logements durables et accessibles. Grâce au vote intervenu au Parlement européen le 10 avril 2024, notre collectivité pourra désormais déroger au marquage CE pour les matériaux de reconstruction, ce qui constitue une avancée majeure pour notre territoire encore marqué par les séquelles de l’ouragan Irma.

Je soutiendrai donc l’amendement n° 4 rectifié bis, qui vise à préciser les modalités de mise en œuvre de cette exemption et à garantir que Saint-Martin puisse pleinement en bénéficier.

Cet amendement tend également à instaurer des comités référentiels construction, qui pourraient jouer un rôle essentiel dans l’identification des matériaux adaptés aux réalités locales, en s’appuyant sur l’expertise du bassin caribéen dans la sécurisation des choix techniques, en impliquant les professionnels du BTP, les scientifiques et les services de l’État, enfin dans la mutualisation des expertises entre les territoires ultramarins, pour éviter la dispersion des efforts et gagner en efficacité.

Il est essentiel que cette adaptation se fasse dans un cadre rigoureux et concerté, en lien avec les acteurs économiques et les collectivités concernées.

Saint-Martin doit être un acteur majeur de cette évolution et tirer parti de cette opportunité pour développer une filière de construction plus autonome, plus durable, mieux adaptée aux réalités climatiques et économiques de la Caraïbe.

J’en viens à la politique de la ville. En décembre dernier, un troisième quartier, Saint-James, a été ajouté aux quartiers prioritaires de la ville (QPV), rejoignant Sandy Ground et les quartiers de l’Orient. Une telle évolution n’est pas anodine. Saint-James, qui était auparavant classé en quartier de veille active, appelait depuis longtemps un accompagnement renforcé.

Depuis 2015, les contrats de ville ont permis d’investir plusieurs millions d’euros pour soutenir plus d’une centaine d’actions dans les quartiers prioritaires de Saint-Martin.

Un contrat de ville spécifique sera accordé au quartier Saint-James en raison de son intégration à la liste des quartiers prioritaires de la ville. La rédaction du futur contrat de ville 2025-2030 est attendue avant l’été. Il est essentiel que ces nouveaux dispositifs puissent se mettre en place sans obstacle financier.

Il nous faut pour cela assurer un financement stable et immédiat pour les politiques de la ville en outre-mer. La récente actualisation de la géographie prioritaire a permis d’augmenter le nombre de quartiers concernés, mais elle ne doit pas conduire à un vide budgétaire en attendant la signature des nouveaux contrats.

J’avais du reste déposé un amendement au projet de loi de finances 2025 visant à assurer l’engagement des crédits du programme 147, « Politique de la ville », y compris en l’absence de contrat de ville signé. Son adoption a permis d’éviter ce blocage et de garantir que les territoires ultramarins bénéficient d’un financement stable en attendant la signature des nouveaux contrats de ville.

Monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous ne pouvons plus nous contenter de constats. Nous devons agir de façon pragmatique, avec efficacité et en tenant compte des réalités locales.

Le logement est un enjeu fondamental pour le développement de nos territoires et pour la qualité de vie de nos concitoyens. Il est donc de notre responsabilité collective d’apporter des réponses durables et adaptées aux défis qui nous font face.

À titre personnel, je soutiens pleinement cette proposition de loi, car elle ouvre la voie à des avancées nécessaires pour le logement en outre-mer. Le groupe Les Républicains auquel j’appartiens suivra pour sa part la position de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Jocelyne Guidez et Évelyne Perrot applaudissent également.)

M. le président. Je salue M. le ministre d’État Manuel Valls, qui doit nous quitter pour s’envoler vers La Réunion, et j’accueille Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement, qui connaît très bien notre hémicycle ! (Sourires.)

La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, proposé par notre collègue élue de La Réunion Audrey Bélim, que je salue, vise à répondre aux spécificités des territoires ultramarins en matière de logement.

Ces territoires sont en effet marqués par une pression immobilière croissante et des coûts de logement particulièrement élevés, atteignant les niveaux constatés dans les plus grandes villes de l’Hexagone.

Nos concitoyens ultramarins doivent également faire face à une offre souvent insuffisante ou peu adaptée aux réalités locales. La rareté du foncier outre-mer entraîne des conflits d’usage entre urbanisation, activité agricole et conservation des espaces naturels.

Le manque de logements dans les territoires ultramarins est criant. Dans son trentième rapport sur l’état du mal-logement en France, tout juste publié, la Fondation Abbé Pierre, nouvellement nommée Fondation pour les logements des défavorisés, constate d’ailleurs que, en dépit des efforts de différents acteurs, l’habitat informel et indigne demeure un problème crucial dans les outre-mer, la puissance publique n’étant pas encore parvenue à résorber ce parc.

Dans ce contexte, l’encadrement des loyers est l’un des leviers qui pourraient contribuer à assurer l’accès à un logement abordable pour l’ensemble de la population. Introduit par la loi dite Élan du 23 novembre 2018, ce dispositif vise à réguler les hausses excessives de loyer dans les zones dites tendues, où la demande locative est supérieure à l’offre disponible.

En l’absence de cadrages spécifiques, ce dispositif n’a toutefois pas été appliqué aux territoires ultramarins. L’article 1er du présent texte vise donc à l’étendre à ces derniers.

La commission des affaires économiques a souhaité recentrer cette proposition de loi sur ce seul article 1er, quand le texte initial abordait également la question des normes. Si cette dernière est assurément importante, elle appelle un travail de longue haleine. Il est donc assez périlleux de la porter, à ce stade, sous une forme nécessairement non finalisée, au sein d’une proposition de loi dont le principal objet est l’encadrement des loyers.

Le logement et l’habitat outre-mer sont un sujet complexe, qui ne peut pas être réglé en deux heures dans le cadre d’une niche parlementaire, en survolant les sujets. Nous espérons qu’un texte plus complet, s’appuyant notamment sur les travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer, puisse être examiné dans les mois à venir.

Une concertation large de tous les acteurs de terrain est nécessaire pour faire aboutir de la manière la plus solide et pérenne possible les questions du marquage CE et des normes dans nos territoires ultramarins. Je souhaite notamment alerter sur un point : en l’absence de garantie de la part de l’ensemble des assureurs présents dans nos territoires, la portée d’un éventuel article 3 serait nulle.

J’estime par ailleurs qu’il faudra s’inspirer du rapport Ensemble, refaire la ville – Pour un renouvellement urbain résilient des quartiers et des territoires fragiles, remis au Gouvernement il y a quelques jours par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Au regard des besoins spécifiques de ces territoires, qui se caractérisent actuellement par un faible niveau d’ingénierie et de maîtrise foncière, ainsi que par la fragilité, voire le défaut des opérateurs, ce rapport préconise notamment un programme de renouvellement urbain pour les outre-mer.

Comme vous le constatez, madame Bélim, madame le rapporteur, le groupe RDPI souhaite prendre à bras-le-corps le sujet du logement et de l’habitat en outre-mer. Il ne faut toutefois pas nous y méprendre, mes chers collègues : en dépit de son intitulé accrocheur, le texte qui nous est proposé n’apporte qu’une réponse balbutiante aux nombreux enjeux qu’il soulève et qui sont ô combien prégnants pour nos territoires.

Nous ne pouvons pas jouer avec les attentes des Ultramarins, échaudés par des crises successives et l’instabilité qu’elles ont emportée.

Je souhaite du reste alerter sur le risque que ces sujets ne soient pris en étau entre les contraintes temporelles inhérentes à la niche parlementaire dans le cadre de laquelle le présent texte est examiné et les compromis anesthésiants qui pourraient en découler : cela pourrait susciter chez nos compatriotes un effet déceptif. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, est-il nécessaire d’égrener la longue liste des mouvements sociaux qui ont jalonné l’histoire de nos territoires ultramarins au cours des deux dernières décennies ?

Après la grève générale de 2009 en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique, le 20 mars 2017, la Guyane se soulève à nouveau. En 2018, Mayotte se déclare « île morte » et les « gilets jaunes » embrasent l’île de La Réunion. De novembre 2021 à mars 2022, les Antilles françaises sont à nouveau le théâtre de violences. Enfin, à l’automne dernier, la Martinique crie son désespoir.

Depuis trop longtemps, à défaut de trouver des débouchés politiques à la hauteur de l’enjeu que constitue la vie chère, les mouvements de colère de nos concitoyennes et concitoyens ultramarins se transforment en révoltes.

Il est plus qu’urgent de remédier efficacement aux inégalités territoriales criantes qui pénalisent les habitants de l’outre-mer.

Au premier rang de ces inégalités figure l’accès au logement, premier poste de dépenses contraint des Français.

En Guadeloupe, les loyers sont aujourd’hui sensiblement les mêmes qu’à Marseille ou à Saint-Raphaël. En Martinique, ils sont au niveau du marché locatif bordelais ou lillois. À Saint-Pierre-et-Miquelon, entre mars 2012 et septembre 2023, ils ont progressé de 28,4 %, contre une hausse de 9,1 % au cours de la même période dans l’Hexagone.

Ce phénomène s’explique par un déficit de 110 000 logements, alors même que 80 % des habitants sont éligibles au logement social. Dans ce contexte de très forte tension – 38 communes ultramarines sont reconnues comme zones tendues – la possibilité d’un encadrement des loyers constituerait un premier outil de régulation du marché et un levier de sanction envers les propriétaires pratiquant des loyers excessifs.

Cela offrirait aux classes populaires et aux classes moyennes une plus grande mobilité résidentielle, malgré le défaut d’offre de logements. Il sera toutefois nécessaire, pour que cette mesure d’encadrement porte pleinement ses fruits, que les collectivités ultramarines n’ayant pas encore d’observatoire local des loyers, à l’image de Mayotte, puissent se doter d’une telle instance.

Si le RDSE votera en faveur de ce texte, notre groupe souligne que l’encadrement des loyers ne peut pas constituer l’alpha et l’oméga de notre réponse à la crise du logement en outre-mer, mes chers collègues.

À ce titre, nous regrettons la suppression de l’article 3 portant la création de centres scientifiques et techniques du bâtiment des territoires ultramarins. Cette approche prometteuse est considérée comme aboutie par le Gouvernement – M. le ministre d’État l’a indiqué –, ainsi que par les acteurs économiques.

Notre groupe soutiendra donc l’amendement n° 4 rectifié bis de notre collègue Audrey Bélim visant à adapter les normes outre-mer sur les produits de construction. Une telle mesure s’impose.

Enfin, pour apporter des réponses durables, cette réforme des marchés du logement ultramarin ne pourra se dispenser ni d’un combat pour des logements décents ni d’une réforme de la gestion foncière, dans un contexte de changement climatique et de transition écologique.

Afin de restaurer la qualité du lien entre la République et tous ces territoires, il est urgent que le Gouvernement, en association avec le Parlement, prolonge et approfondisse les mesures proposées par ce texte. Notre groupe y prendra toute sa part. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Évelyne Perrot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui une thématique importante.

La crise du logement qui affecte les outre-mer est bien connue. Nous savons tous à quel point la situation est critique, et, comme toujours, le véritable défi est d’apporter des réponses concrètes et efficaces.

J’estime que l’encadrement des loyers ne résoudra pas à lui seul à la situation d’urgence des outre-mer au regard du logement. Bien qu’elle reste facultative, une telle mesure peut toutefois être un outil supplémentaire à la disposition des élus locaux, afin de contenir la hausse des prix.

Les Ultramarins ont en effet été privés de la possibilité d’encadrer les loyers. L’expérimentation mise en place par la loi Élan de 2018, a de facto exclu les collectivités ultramarines de son champ d’application. Légiférer consiste pourtant à arbitrer entre plusieurs choix de manière éclairée…

Or quel bilan pouvons-nous tirer de l’encadrement des loyers en métropole ? Quels enseignements pouvons-nous collectivement retenir des deux plans logements outre-mer mis en œuvre depuis 2015 ?

Le groupe Union Centriste soutiendra le texte issu des travaux de la commission des affaires économiques. Cette version propose une expérimentation ad hoc adaptée aux réalités des collectivités d’outre-mer sans interférer avec les expérimentations actuellement menées en métropole. Elle laisse toutefois la porte ouverte à d’autres mesures qui, dans bien des cas, sont aussi pertinentes en métropole qu’outre-mer.

La crise du logement ne doit pas être uniquement abordée au prisme des loyers. Elle appelle un éventail de solutions bien plus large. Qu’il s’agisse de libérer du foncier, de lutter contre la vacance, d’accélérer la rénovation et la réhabilitation ou d’adapter les techniques de construction des bâtiments selon les risques météorologiques locaux, il est évident que nous ne devons pas nous arrêter à une seule mesure.

En supprimant l’article 3, qui prévoyait la création de centres d’agrément afin d’homologuer les matériaux de construction dans les territoires ultramarins, de garantir leur qualité et d’établir des référentiels normatifs adaptés aux spécificités ultramarines, la commission a ouvert un débat plus large sur l’impérieuse question de l’adaptation des normes.

Il est urgent d’élargir la réflexion, au-delà de la construction et de l’urbanisme, à d’autres secteurs clés que sont l’agroalimentaire, la gestion des déchets, l’énergie, l’adaptation au changement climatique, dont les cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion ont révélé les lourdes et destructrices conséquences.

Enfin, le groupe Union Centriste sera particulièrement attentif à ce que la question de la vie chère en outre-mer soit abordée de manière plus exhaustive, en particulier s’agissant des loyers, qu’elle n’épargne pas. Les loyers sont en effet plus élevés dans les collectivités d’outre-mer qu’en métropole et, compte tenu du moindre niveau de revenu des Ultramarins, ils représentent une part significative du budget des ménages, davantage encore que dans l’Hexagone.

Nous savons combien la définition des quartiers prioritaires de la politique de la ville a pu être défavorable aux Ultramarins, mes chers collègues. Compte tenu des données statistiques disponibles, l’application des critères de revenus et des seuils minimaux d’habitants qui prévalent dans l’Hexagone n’était en effet ni pertinente ni possible.

Que penser de ces calculs au regard de la situation de Mayotte aujourd’hui ? La méthode de carroyage utilisée dans l’Hexagone ne peut pas s’appliquer partout. Le lien humain est une nécessité pour comprendre le territoire et les attentes des habitants.

Nous connaissons l’importance de la variable du logement dans les derniers scrutins aux États-Unis, en Irlande ou encore en Espagne, et bientôt au Canada. Lorsque les loyers augmentent plus vite que les revenus, entraînant un fossé générationnel dans l’accès au logement, avec des répercussions sur la santé, lorsque les logements sont indécents, tous les ingrédients d’un cocktail explosif sont réunis.

Face à ces enjeux, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi et sera au rendez-vous des futurs débats sur le logement, en outre-mer comme en métropole. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’adresser, au nom de mon groupe, tout mon soutien à nos compatriotes réunionnais durement touchés par le cyclone Garance.

Mes chers collègues, nous venons de parler de la vie chère. Or, s’il y a bien une chose qui rend la vie chère et difficile à supporter pour nos concitoyennes et concitoyens, c’est le coût du droit à se loger. C’est particulièrement vrai en outre-mer, où le décalage entre les salaires et le coût de la vie aggrave encore les difficultés et la précarité.

Selon les estimations du ministère du logement, les ménages ultramarins doivent faire face à des loyers aussi élevés qu’à Bordeaux, Lyon ou Marseille, malgré une offre limitée et des logements souvent vétustes. Cette situation, à laquelle s’ajoute un taux de pauvreté plus élevé qu’en Hexagone, rend l’accès au logement particulièrement ardu pour les populations les plus précaires.

D’après l’Insee, en 2021, La Réunion et la Martinique étaient les deux régions les plus pauvres, avec, respectivement, des taux de pauvreté de 36 % et de 27 %, bien supérieurs au taux de pauvreté moyen de 15 % constaté à l’échelle nationale.

Sur le marché du logement, la liberté de fixer des prix en fonction de l’offre et de la demande revient trop souvent à appliquer la loi du plus fort, ou plutôt du plus riche !

La raison en est simple : dans notre pays, 3,5 % des propriétaires possèdent 50 % des logements privés en location. Ce qui se veut la manifestation de la liberté d’entreprendre et de la liberté de la concurrence se traduit concrètement par le monopole de grands propriétaires immobiliers, qui, pour certains, profitent de la pénurie et de l’inflation afin d’augmenter les loyers, s’affranchissant de toute décence.

Pourtant, ce n’est pas une fatalité. La proposition d’encadrement des loyers qui nous est soumise aujourd’hui – je salue d’ailleurs l’auteure du texte, Audrey Bélim, ainsi que l’ensemble de nos collègues du groupe socialiste pour leur travail –, si elle concerne l’outre-mer, car c’est une urgence, devrait avoir trait à l’ensemble du territoire national et s’appliquer partout où le coût des loyers est en décalage avec les besoins.

Cet encadrement devrait nous permettre d’endiguer la hausse du prix des loyers, même si nous avons par ailleurs besoin d’une politique de rénovation et de construction de logements sociaux, que l’État refuse de financer depuis bientôt dix ans.

Ce n’est pas seulement une question de loyers qui nous est posée ce soir : c’est aussi une question d’habitat et de qualité des logements, au moment où les catastrophes climatiques nous renvoient à l’urgence écologique, que les politiques gouvernementales ont encore trop de mal à appréhender.

Il est indispensable de tenir compte des conditions météorologiques particulières dans lesquelles vivent nos compatriotes des outre-mer, à qui nous rendons la tâche difficile depuis Paris lorsque nous leur imposons des normes en complète dissonance avec la réalité.

Je pense bien sûr à la réalité des matériaux, puisque certaines filières, comme le bois ou la terre crue, présentent un intérêt certain, notamment pour l’économie locale, et sont d’une disponibilité immédiate ou presque. Il faut aussi songer à la réalité du climat et à l’isolation thermique des bâtiments. Cette dernière doit être adaptée pour faciliter les constructions et améliorer les conditions de vie de toutes et de tous.

Ce qui est certain, c’est que les personnes les mieux placées pour définir et approuver les normes de construction les plus pertinentes sont les acteurs du logement, du bâtiment, les scientifiques, toutes celles et tous ceux qui vivent dans les départements et les régions d’outre-mer, qui connaissent leur territoire et ses besoins.

C’est en ce sens que nous soutiendrons la démarche engagée à travers l’article 3 de la proposition de loi. Malgré sa suppression par la commission, cet article pourrait être rétabli dans une rédaction modifiée grâce à un amendement présenté dans quelques instants et que nous voterons, en espérant que les décrets seront rapidement pris par le Gouvernement.

Le chemin est encore long vers l’amélioration de l’habitat en outre-mer. Il faudra pourtant l’emprunter le plus rapidement possible, pour le bien de tous nos compatriotes. L’encadrement des loyers est un moyen simple et nécessaire pour avancer dans cette voie.

C’est pourquoi mon groupe votera la présente proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi au préalable de m’associer aux propos tenus par les précédents orateurs et d’avoir une pensée pour nos compatriotes réunionnais. Je tiens par ailleurs à saluer le travail accompli par notre collègue Audrey Bélim au travers de la présente proposition de loi, qui, je n’en doute pas, fera avancer les choses en outre-mer.

Avec plus de 2,6 millions de demandes de logement social non satisfaites, la crise du logement atteint un niveau alarmant en France. Derrière ce chiffre, ce sont des millions de nos concitoyens qui vivent dans des conditions indignes, peinant à offrir à leurs enfants un foyer stable, propice à leur épanouissement et à leur réussite scolaire.

Comme le souligne avec justesse la Fondation Abbé Pierre, « le mal-logement est une blessure sociale qui ronge notre pacte républicain ». Cette blessure est d’autant plus profonde dans nos territoires d’outre-mer que la fracture économique et sociale avec la métropole ne cesse de se creuser.

Aujourd’hui, 75 % des ménages ultramarins éligibles au logement social en sont exclus. Cette réalité heurte autant qu’elle interroge. Car un logement, ce n’est pas seulement quatre murs et un toit : c’est le socle d’une vie digne, la possibilité d’offrir à ses enfants un environnement stable où ils peuvent grandir, étudier et se construire un avenir.

Combien d’élèves rongés par la précarité de leur logement peinent à se concentrer à l’école ? Combien de familles s’entassent dans des espaces insalubres, exposées à l’humidité, aux moisissures, à des infrastructures menaçant de s’effondrer ?

Pour ceux qui ont un toit, la précarité persiste. À Mayotte, déjà bien avant que le cyclone Chido ne frappe, combien de familles survivaient dans des bidonvilles insalubres, sans perspective d’en sortir ?

Comment accepter que, en France, en 2025, l’accès à un logement digne soit un luxe inaccessible pour tant de nos compatriotes ? Cette situation est d’autant plus intolérable pour les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, qui sont confrontées à un véritable parcours du combattant au vu de la rareté des logements adaptés.

Le problème de fond est connu : le coût du logement est devenu insoutenable. En outre-mer, les loyers atteignent des niveaux comparables à ceux de la métropole, alors même que 18 % des Français vivant dans la grande pauvreté résident dans ces territoires. Les salaires y sont moins élevés, mais les ménages doivent payer plus. Cette inégalité, nourrie par la spéculation foncière, est inacceptable.

Le logement ne peut être traité comme un simple produit de marché. Il est avant tout un droit fondamental. Face à cette crise, nous avons des solutions. L’encadrement des loyers, déjà expérimenté avec succès en métropole, doit être institué de manière pérenne en outre-mer. Pourquoi ce qui fonctionne ici ne serait-il pas appliqué là-bas ?

Mais agir sur les loyers ne suffit pas. Nous devons aussi garantir des logements durables, conçus avec des matériaux résistants et adaptés aux réalités climatiques locales. Le cyclone Chido à Mayotte a montré une fois de plus l’urgence qu’il y a à repenser la construction et la rénovation de l’habitat ultramarin.

Permettez-moi au passage de vous conseiller la lecture de l’excellent rapport de mes collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel, dont on devrait s’inspirer très largement, y compris en métropole !

Madame la ministre, notre République ne peut plus détourner le regard. Trop de mesures prises jusqu’ici n’ont été que des pansements sur une plaie béante, ne permettant jamais de s’attaquer aux causes profondes de la crise. Il est temps d’apporter des réponses fortes, à la hauteur des attentes et de la dignité que nous devons à nos compatriotes ultramarins.

Ce texte offre de nouvelles perspectives, mais il nous faudra aller encore plus loin, c’est-à-dire travailler à un grand plan en faveur du logement et du parcours locatif de nos compatriotes d’outre-mer, tout en portant une grande ambition, celle de faire en sorte que plus personne ne vive sans un toit au-dessus de sa tête.

Nous voterons ce texte, qui, à notre avis, va tout à fait dans bon sens. J’espère que nous irons même encore plus loin en la matière : nous aurons prochainement un autre rendez-vous, qui, je le souhaite, permettra à chacun de prendre la mesure des enjeux et d’apporter des réponses adaptées à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord associer à mes propos notre collègue Saïd Omar Oili, qui, faute d’avion depuis Mayotte, ne peut pas être parmi nous aujourd’hui. Il aurait souhaité s’exprimer sur cette proposition de loi, qu’il soutient avec force.

Avant son examen en commission, ce texte comportait trois pistes de solutions à la crise du logement qui sévit dans les outre-mer plus gravement encore qu’en métropole.

Les territoires ultramarins, du fait de leurs multiples spécificités, sont en effet frappés plus durement par des réalités économiques, géographiques et climatiques sans commune mesure avec ce que connaît l’Hexagone.

Sans vouloir vous assommer de chiffres, je citerai les plus éloquents : en outre-mer, 80 % des ménages sont éligibles au logement social, mais seuls 25 % y résident. 70 % de la population ultramarine pourraient même légitimement prétendre au logement très social, contre 29 % seulement en France métropolitaine. C’est donc le parc privé qui concentre l’essentiel des habitants.

Or on constate plusieurs déséquilibres, au premier rang desquels un déséquilibre entre une offre faible et une demande importante, qui suscite une explosion du prix des loyers. Cela crée mécaniquement un lien entre le coût du logement et le niveau de vie, qui est évidemment défavorable aux habitants ultramarins.

L’Hexagone connaît les mêmes problèmes que les territoires d’outre-mer en matière de logement : déficit de constructions, coût des matériaux, problème de foncier et de zonage, etc. Pour tous nos concitoyens, qu’ils soient ou non ultramarins, le logement est aujourd’hui le premier poste de dépenses. Cette situation est d’autant plus prégnante dans les outre-mer.

Avec cette proposition de loi, notre collègue Audrey Bélim a pour ambition de traiter le problème avec précision et simplicité.

L’article 1er, conservé par la commission, autorise l’encadrement des loyers dans les communes ultramarines considérées comme tendues.

Compte tenu des éléments que j’ai évoqués précédemment et de la forte concentration de la population ultramarine dans le parc privé, la nécessité de rééquilibrer le marché et de donner des outils de régulation aux élus locaux s’impose. L’encadrement des loyers est un dispositif qui a fait ses preuves, puisqu’il permet de bloquer les loyers abusifs au-delà de 20 % d’un loyer de référence fixé en fonction des prix du marché.

Malheureusement, la publication du décret du 25 août 2023, qui élargissait la liste des communes tendues, est intervenue trop tard, et de nombreuses communes ultramarines n’ont pu se porter candidates.

L’article 1er prévoit donc d’étendre d’une année la durée totale de l’expérimentation et de rouvrir le délai de candidature au dispositif jusqu’au 25 novembre 2026. C’est le seul article du texte initial qui subsiste, les articles 2 et 3 ayant été supprimés avant que nous n’examinions le texte en séance publique.

Je souhaite néanmoins évoquer le dispositif originel de l’article 3, car celui-ci s’attaquait à une problématique propre aux outre-mer : la nécessaire adaptation des normes de construction et le recours à des matériaux locaux, souvent moins coûteux.

Depuis bientôt un an, l’Union européenne autorise la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin à déroger au marquage CE et à importer des produits de construction issus de leur environnement géographique. C’est un gain de temps et d’argent. Cela relève aussi du bon sens écologique : non seulement les matériaux ont une empreinte carbone plus faible, mais ils sont aussi plus adaptés aux réalités locales.

L’article 3, dans sa rédaction initiale, prévoyait ainsi de mettre en place de nouveaux mécanismes locaux de contrôle et de certification des matériaux et de créer des centres d’agrément pour homologuer les matériaux ultramarins. Il a été supprimé en commission, mais l’importance du sujet a amené l’auteure de ce texte à proposer une nouvelle rédaction.

Audrey Bélim souhaite mettre en place un cadre de travail spécifique, caractérisé par la création de comités référentiels associant toutes les parties prenantes, afin de proposer une adaptation des normes aux spécificités locales, tout en étant exigeants sur la sécurité et la fiabilité.

Sur ce sujet, nous ne partons pas d’une page blanche. En effet, dans les conclusions de leur rapport sur la politique du logement dans les outre-mer, présenté au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, nos collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel préconisaient la nécessaire adaptation des normes de construction.

De plus, ce texte s’inscrit pleinement dans la lignée du livre blanc de la construction durable en outre-mer préfacé par Mme le rapporteur.

Si cette proposition de loi, nous en sommes conscients, ne résoudra pas à elle seule le problème du logement en outre-mer, elle est bienvenue.

Néanmoins, le travail n’est pas terminé : je souhaite qu’il soit complété et enrichi par les mesures contenues dans la proposition de loi que présentera la présidente de la délégation aux outre-mer, Micheline Jacques. Je remercie d’ailleurs celle-ci du travail tout à fait considérable qu’elle réalise sur ces questions.

Pour l’heure, ce texte prévoit des mesures simples, adaptées aux spécificités des territoires ultramarins. Je souhaite donc, mes chers collègues, que nos débats vous conduisent à le voter. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Cédric Chevalier. (M. Marc Laménie applaudit.)

M. Cédric Chevalier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’avoir à mon tour une pensée pour l’ensemble de nos concitoyens de l’île de La Réunion.

La question du logement dans les outre-mer est un enjeu majeur. Dans ces territoires, un grand nombre d’habitations sont précaires ou insalubres, exposant leurs habitants à des conditions de vie indignes. Au-delà de ces situations critiques, de nombreux foyers sont également confrontés à de véritables problèmes de confort, tels qu’un vis-à-vis trop proche, une isolation insuffisante ou des niveaux préoccupants d’humidité.

En Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et dans bien d’autres territoires encore, l’accès à un logement décent est un véritable défi, et la question de l’accès à l’eau courante en est un exemple frappant.

Si la situation de Mayotte a été largement évoquée après le passage du cyclone Chido, d’autres territoires font également face à des coupures d’eau prolongées, qui perturbent profondément le quotidien des habitants et affectent aussi bien les foyers que les établissements publics, tels que les écoles et les hôpitaux. Ces difficultés sont d’autant plus dommageables que les revenus y sont bien inférieurs à ceux de l’Hexagone, tandis que le taux de pauvreté y demeure très élevé.

Alors que dans l’Hexagone, une fraction relativement réduite de la population est confrontée à une extrême précarité, la situation dans les outre-mer est bien plus préoccupante, notamment aux Antilles et en Guyane, où une large partie des habitants vit en situation de grande vulnérabilité économique.

Par ailleurs, à la problématique de la qualité des logements s’ajoute la question de leur insuffisance, en particulier s’agissant des logements sociaux. Si 80 % des foyers ultramarins remplissent les critères d’attribution d’un logement social, seuls 15 % d’entre eux en disposent effectivement. En Guadeloupe, plus de 10 000 demandes de logement social seraient en attente ; il y en aurait 12 000 en Guyane et 45 000 à La Réunion.

Face à cette pénurie, des milliers de demandes restent en attente dans chaque territoire, forçant de nombreux habitants à se tourner vers le parc privé.

Or les loyers y sont souvent bien plus élevés que dans l’Hexagone. Ils atteignent dans certains cas des niveaux comparables à ceux des grandes métropoles françaises. À Baie-Mahault, en Guadeloupe, le prix du mètre carré en location dépasse ainsi celui de certaines grandes villes de l’Hexagone, ce qui rend l’accès au logement particulièrement difficile pour les ménages les plus modestes.

Cette situation a pour conséquence directe le poids considérable du logement dans le budget des familles ultramarines. Dans certaines communes de La Réunion, les dépenses liées au logement peuvent représenter 80 % des revenus.

Pourtant, lorsque la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Élan, a institué un encadrement expérimental des loyers dans les zones tendues, les territoires ultramarins ont été exclus de cette mesure.

Depuis six ans, malgré les revendications constantes des élus locaux, cette expérimentation n’a jamais été étendue aux départements et régions d’outre-mer (Drom), alors même que la situation y est particulièrement critique. À titre d’exemple, à Saint-Denis de La Réunion, on note une augmentation significative des loyers ces dernières années, ce qui rend encore plus urgente la nécessité d’une régulation.

Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi : créer une expérimentation spécifique en matière d’encadrement des loyers dans les Drom, pour une durée de cinq ans. Cette mesure permettra aux collectivités ultramarines qui le souhaitent d’y adhérer librement pendant une période de deux ans.

Dans l’Hexagone, près de soixante-dix communes appliquent déjà l’encadrement des loyers. Il serait donc profondément injuste de ne pas accorder la même possibilité aux collectivités ultramarines qui en formulent la demande. Cette disposition s’inscrit pleinement dans le combat plus large mené contre la vie chère en outre-mer, qui exige des solutions multiples et adaptées aux réalités locales.

Sous réserve des ajustements qui pourraient être apportés à ce texte au cours de nos débats, nous soutiendrons cette proposition de loi, qui nous semble à la fois légitime et nécessaire pour les habitants des outre-mer. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et RDSE, SER et GEST.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen du texte de la commission.

proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer

Article 1er

I. – A. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, un dispositif d’encadrement des loyers peut être mis en place dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution dans les conditions prévues à l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

B. – Par dérogation au deuxième alinéa du I du même article 140, dans ces collectivités, la proposition du demandeur est transmise dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

II. – Au plus tard six mois avant son terme, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation prévue au I.

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Margaté, MM. Gay et Lahellec, Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer les mots :

À titre expérimental et pour une durée de cinq ans

II. – Après l’alinéa 1

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

Le I de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « À titre expérimental et pour une durée de huit ans » sont supprimés ;

2° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur l’encadrement des loyers » ;

3° Au neuvième alinéa, le mot : « expérimentation » est remplacé par le mot : « mesure ».

III. – Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Nous souhaiterions profiter de cette très bonne initiative de nos collègues socialistes pour rappeler que, dans la loi, l’encadrement des loyers est toujours considéré comme une expérimentation.

Pourtant, depuis son entrée en vigueur, cette mesure convainc partout où elle est mise en œuvre. Ce n’est certes pas une solution miracle ; il s’agit plutôt d’un dispositif de bon sens, qui permet aux élus locaux de tenir les marchés lorsque les prix s’envolent.

En bloquant les loyers au-delà de 20 % du loyer médian, cette mesure fait ce qu’elle dit, d’autant plus lorsque les collectivités ont les moyens de faire appliquer un tel encadrement, notamment via des sanctions. Il est prévu que l’expérimentation prenne fin en novembre 2026. À ce jour, le dispositif s’applique dans 69 communes et a vocation à s’étendre, non à s’éteindre…

La proposition de loi dont nous débattons en est la preuve : les départements et régions d’outre-mer pourront bientôt mettre en application cet encadrement des loyers et, ainsi, faciliter l’accès au logement de nombreux ménages ou, au moins, éviter que leurs difficultés ne s’accroissent.

Avec ce texte, la crise du logement est aujourd’hui à notre ordre du jour au travers de la situation particulièrement préoccupante des outre-mer.

Nous ne savons pas quand nous aurons l’occasion de parler de nouveau du droit au logement, lequel ne semble pas être une priorité du Premier ministre. Nous nous saisissons donc de l’occasion qui nous est offerte ce soir pour proposer dès à présent la pérennisation de l’encadrement des loyers.

Nous le faisons à un an des élections municipales, dans la mesure où cette mesure contribuera à renforcer le pouvoir des maires, un objectif auquel, je le sais, nous sommes nombreux à être sensibles dans cet hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. L’expérimentation actuelle de l’encadrement des loyers arrivera à échéance en 2026. Elle est en cours d’évaluation par le Gouvernement. Or il n’est pas souhaitable de la pérenniser avant de disposer d’un bilan global.

En commission, nous étions convenus avec l’auteure de la proposition de loi, Mme Bélim, de ne pas rouvrir le débat sur l’expérimentation mise en œuvre dans l’Hexagone.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, ministre auprès du ministre de laménagement du territoire et de la décentralisation, chargée du logement. Cet amendement vise à pérenniser l’encadrement des loyers, y compris dans l’Hexagone.

Comme vous le savez, madame Margaté, l’article 140 de la loi Élan a prévu une expérimentation de l’encadrement des loyers jusqu’à la fin de 2026, afin que les collectivités qui le souhaitent puissent s’en saisir.

Il est évidemment essentiel de disposer d’un bilan de cette expérimentation, afin d’avoir une meilleure compréhension des effets de cette mesure sur le marché locatif, notamment de ses effets de bord éventuels, préalablement à toute décision de pérennisation du dispositif.

Ce bilan fera l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation. J’ai d’ores et déjà signé l’ordre de mission qui permettra de s’assurer que nous disposerons bel et bien d’une analyse fine de la situation et d’éléments objectifs pour nous faire une idée.

Les collectivités dans les départements et régions d’outre-mer n’ont pu postuler à cette expérimentation nationale lors de son lancement, compte tenu du niveau des loyers observés dans certains territoires ultramarins et de leurs particularités. L’article 1er offre désormais la possibilité d’y expérimenter de manière spécifique l’encadrement des loyers.

Pour les mêmes raisons que pour le dispositif national, une pérennisation n’est pas souhaitable sans que ses effets aient été observés au préalable.

C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Bélim, MM. Kanner, Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…. – Par dérogation au cinquième alinéa du B du III du même article 140, aucun complément de loyer ne peut être appliqué lorsque le logement n’est pas décent conformément à l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement tend à mettre en cohérence avec nos spécificités ultramarines la transposition par l’article 1er du présent texte de l’expérimentation prévue par la loi Élan. En effet, les critères de décence prévus par le dispositif, pensés initialement pour l’Hexagone, ne sont malheureusement pas adaptés aux départements et régions d’outre-mer.

Il est par conséquent proposé de renvoyer, pour les conditions d’application d’un complément de loyer, aux règles de décence spécifiques à nos territoires, actuellement fixées par l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, qui prévoit déjà un calendrier propre aux collectivités d’outre-mer pour ce qui est de la décence énergétique.

Cette solution présenterait l’avantage de la simplicité et aurait pour conséquence de garantir que l’on ne pourra pas appliquer un complément de loyer pour un logement non décent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Je partage votre intention, ma chère collègue, de ne pas appliquer les règles relatives au diagnostic de performance énergétique de l’Hexagone pour cette expérimentation dans les outre-mer. Mais je sais également que les règles de décence des logements dans les outre-mer sont différentes de celles qui prévalent dans l’Hexagone.

Ici, nous parlons de compléments de loyer. Est-il vraiment souhaitable de faire référence à ces critères de décence, qui sont moins-disants que dans l’Hexagone ? Cela aurait pour effet d’offrir la possibilité à un propriétaire de fixer un loyer allant au-delà des loyers encadrés, alors que l’on souhaite précisément encadrer ces derniers pour lutter contre la hausse du coût de la vie.

Un logement indécent ne devrait même pas être loué. Avec un tel amendement, on autoriserait par exemple un propriétaire à appliquer un complément de loyer, alors même que les toilettes sont situées en dehors du logement. C’est interdit dans l’Hexagone : au nom de quel principe cela devrait-il être autorisé dans les outre-mer ?

De même, la fourniture d’eau chaude n’est pas obligatoire pour qu’un logement soit considéré comme décent dans les outre-mer. Cela se justifie au titre des spécificités ultramarines. Pour autant, un logement sans eau chaude doit-il pouvoir faire l’objet d’un complément de loyer, même dans les outre-mer ?

Même s’ils sont considérés comme décents, quelque 22 000 logements sont jugés comme précaires à La Réunion et 9 % du parc de logements ne disposent pas d’eau chaude sanitaire.

C’est ce que je mettais en évidence en 2022 avec Victorin Lurel et Guillaume Gontard dans notre rapport sur la politique du logement dans les outre-mer. C’est également ce que soulignait le ministre tout à l’heure lors de la discussion générale.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, ministre. Les critères qui permettent à un bailleur d’appliquer un complément de loyer dans les zones soumises à encadrement des loyers sont définis par la loi Élan.

Il s’agit de critères qui avaient été initialement pensés pour le territoire hexagonal, le seul concerné jusqu’à présent par l’expérimentation, et qui sont manifestement inadaptés aux territoires d’outre-mer.

Parmi les critères actuellement prévus par la loi Élan, on trouve les signes d’humidité sur certains murs, des fenêtres qui laissent anormalement passer l’air, hors grille de ventilation, ou encore une mauvaise exposition de la pièce principale.

Ainsi, sans le présent amendement, en outre-mer, toute construction qui présenterait des signes d’humidité sur certains murs, ce qui est fréquent compte tenu des conditions climatiques locales, ou qui disposerait d’un dispositif de ventilation naturelle, ce qui est de bonne pratique, ne pourrait paradoxalement pas donner lieu à un complément de loyer.

Il est nécessaire aujourd’hui d’adapter les critères de la loi Élan à l’outre-mer et d’autoriser l’application d’un complément de loyer lorsque les caractéristiques du logement le justifient raisonnablement.

Le présent amendement vise, à juste titre, à adapter à l’outre-mer les critères de déclenchement du complément de loyer, en renvoyant aux critères généraux de décence prévus par la loi du 6 juillet 1989. Il s’agit notamment de l’absence de risque manifeste pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, de l’absence de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites et d’un niveau de performance énergétique adapté à l’outre-mer.

Cet amendement tend plus particulièrement à conserver pour l’application de la décence énergétique en outre-mer le bénéfice d’un calendrier spécifique, décalé par rapport à celui qui s’applique pour le territoire métropolitain.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 2

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par Mme Margaté, MM. Gay et Lahellec, Mme Corbière Naminzo, M. Xowie et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À l’avant-dernier alinéa du I de l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, après les mots : « collectivités d’outre-mer », sont insérés les mots : « , sans que cela soit restrictif en termes d’accès, ».

La parole est à Mme Marianne Margaté.

Mme Marianne Margaté. Notre amendement vise tout simplement au rétablissement de l’article 2 dans sa rédaction initiale, c’est-à-dire tel qu’il figurait dans le texte avant qu’il ne soit supprimé en commission.

Nous souhaitons notamment souligner la nécessité de soutenir certaines collectivités au titre de leurs nombreux quartiers, au-delà des critères de priorité prévus par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de 2014, dite loi Lamy.

Nous entendons les arguments selon lesquels le nombre des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) a augmenté, puisqu’il est passé de 218 à 247 au 1er janvier 2025. Cependant, les QPV étaient au nombre de 330 avant la première réforme de la géographie prioritaire.

Les critères d’éligibilité retenus en matière de revenus et de densité ne nous semblent pas coller à la réalité des outre-mer, ni permettre à nos concitoyens ultramarins de faire face aux difficultés du quotidien, notamment en matière d’habitat et de cadre de vie.

J’en profite pour vous alerter, madame la ministre, sur le manque de moyens alloués à la politique de la ville dans le projet de loi de finances pour 2025, un budget encore moins élevé que celui de l’exercice 2024, ainsi que sur la suppression annoncée des 5 000 postes d’adultes-relais, tant dans les communes ultramarines que dans l’ensemble des communes de l’Hexagone. Le constat est alarmant.

Il convient de faciliter les interventions de l’État et des collectivités, là où l’on reconnaît qu’elles doivent être prioritaires, particulièrement dans les outre-mer. Il faut s’en donner les moyens budgétaires et humains, et cela commence par l’élargissement des critères d’éligibilité et d’accès aux aides de l’État pour les collectivités qui en ont le plus besoin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Comme nous l’avons souligné en commission, en accord avec l’auteure de la proposition de loi, l’objectif recherché au travers de cet amendement est satisfait par la dernière actualisation de la géographie prioritaire de la politique de la ville.

En outre, toute modification des critères de délimitation de la géographie prioritaire de la ville nécessite un calibrage fin. Les critères de délimitation des QPV dans les outre-mer sont spécifiques à ces territoires et ne se superposent pas à ceux qui sont utilisés dans l’Hexagone.

La rédaction actuelle de la loi Lamy, n’induit donc pas un accès plus restrictif des territoires ultramarins à la politique de la ville : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’article 2, qui a été supprimé en commission, afin de préciser que les critères utilisés pour la délimitation des QPV dans les territoires ultramarins ne doivent pas être restrictifs en termes d’accès.

Si je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, je me joins à Mme la rapporteure pour souligner que les critères de délimitation des QPV dans les outre-mer ont été rendus moins restrictifs par un décret du 27 décembre 2024, lequel a également permis d’harmoniser les méthodologies entre les différents territoires ultramarins. Depuis l’entrée en vigueur de cette mesure le 1er janvier 2025, le nombre de QPV ultramarins est passé de 218 à 247.

Par ailleurs, en cas de difficulté, le préfet peut ajuster les périmètres à la marge. C’est un élément important eu égard aux spécificités à prendre en considération à l’échelle de chaque site ultramarin. Un dialogue doit donc être établi avec les préfets lorsque des problèmes se font jour aux limites des QPV.

En tout état de cause, un gros travail a été fait pour élargir les périmètres. La suite appartient désormais aux élus et aux préfets des différents territoires ultramarins.

À son tour, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 2 demeure supprimé.

Article 3

(Supprimé)

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme Bélim, MM. Kanner, Lurel et Omar Oili, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Stanzione et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et à Saint-Martin, les modalités de mise en œuvre de l’exemption au règlement (UE) 2024/3110 établissant des règles harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant le règlement (UE) n° 305/2011 sont précisées par décret.

Le représentant de l’État dans le bassin géographique constitue des comités référentiels construction, compétents sur des zones géographiques précisées par le décret précité afin de contribuer à la mise en œuvre de cette exemption et de contribuer à la définition de référentiels de construction en tenant compte des besoins de la production locale, des spécificités et contraintes locales.

Les règles d’organisation, de fonctionnement et de contrôle de ces comités sont fixées par décret.

Les comités sont éligibles aux financements publics et peuvent mener des travaux avec les instances nationales ou internationales, ainsi que des collectivités françaises ultramarines ne relevant pas de l’article 349 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne.

La parole est à Mme Audrey Bélim.

Mme Audrey Bélim. Cet amendement vise à créer des comités référentiels construction, dont la mission sera d’appliquer l’exemption de marquage CE, de soutenir l’innovation locale et de définir des référentiels de construction adaptés à nos spécificités et aux besoins de la production locale. Ces comités devront intégrer en leur sein des acteurs locaux – représentants des filières de construction, scientifiques, experts… –, garants de leur pertinence et de leur efficacité.

La rédaction que je vous propose procède d’une concertation avec les cabinets de Manuel Valls et de Valérie Létard, France Assureurs, l’Agence Qualité Construction et la Fédération des entreprises d’outre-mer. En outre, elle est soutenue par le Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment et par le Conseil national de l’ordre des architectes.

À l’issue de longs échanges, nous avons abouti à une rédaction faisant consensus, preuve que toutes les parties sont prêtes à avancer sur le sujet. L’adaptation des normes n’est plus une option, c’est une nécessité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Chère Audrey Bélim, je l’ai déjà fait lors de mon intervention en discussion générale, mais je tiens à saluer une fois encore votre engagement, que je sais sincère, pour que nous aboutissions rapidement à une solution sur ce sujet de l’adaptation des normes.

Cet engagement est aussi le mien, et il ne date pas d’hier. J’ai déjà eu l’occasion de rappeler l’implication de la délégation sénatoriale aux outre-mer dans l’élaboration du rapport d’information sur la politique du logement dans les outre-mer en 2021, du livre blanc de la construction durable en outre-mer, à la fin de 2024, ou encore de la proposition de résolution européenne sur l’intégration régionale des régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne. Je n’ai donc pas de problème a priori pour que nous légiférions en la matière, bien au contraire.

Toutefois, le long et patient travail mené par la délégation depuis des années montre que le sujet est très complexe. Cette question fait intervenir de nombreux acteurs et exige encore de faire émerger des consensus de manière à maintenir la confiance.

Dans cet esprit, nous nous sommes mis d’accord pour supprimer l’article 3 et poursuivre la réflexion sur la méthode la plus appropriée pour faire enfin aboutir les initiatives visant à adapter les normes, en nous appuyant sur les évolutions récentes du droit européen.

Votre proposition n’en demeure pas moins intéressante, ma chère collègue, même si elle tend à cranter les choses, alors même que les études conduites par le Gouvernement ne sont pas terminées et que la concertation entre les parties prenantes ne fait que commencer.

Par ailleurs, il ne me semble pas que l’Agence française de normalisation (Afnor), qui est le principal organisme d’organisation et de gestion des normes, soutienne votre démarche.

En outre, il nous faut veiller à ne pas créer un énième comité qui travaillerait en silo, sous l’égide de l’État, comme souvent, dans le seul domaine de la construction, alors que le besoin d’adaptation des normes est beaucoup plus vaste.

Je rappelle également que le traitement des déchets de l’amiante est très dispendieux : la destruction des tours Gabarre, en Guadeloupe, a coûté 10 millions d’euros. La gestion des déchets est également un point important de la régionalisation.

Cela étant dit, je comprends le sens de cet amendement, dont la rédaction constituera une base de travail pour les textes à venir.

Pour ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, ministre. Comme l’a souligné Mme la rapporteure, cet amendement vise à instaurer des comités référentiels construction dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et à Saint-Martin.

Lesdits comités auraient pour mission de contribuer à mettre en œuvre l’exemption aux règlements sur les produits de construction et de définir des référentiels de construction adaptés aux spécificités locales.

Il s’agit de mettre en application une dérogation obtenue de haute lutte à Bruxelles, l’année dernière, grâce à une importante mobilisation du gouvernement français et des élus ultramarins, qui ont été nombreux à se manifester sur ce sujet.

Le Gouvernement est favorable à ce premier pas vers une adaptation des normes. J’en profite pour saluer la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, qui travaille sur ce sujet depuis longtemps, ainsi que l’auteure de ce texte.

Madame Bélim, vous vous êtes fortement impliquée sur ce sujet particulier, sur lequel il ne faut plus perdre de temps. Cet amendement découle d’un travail considérable réalisé au sein de la délégation et tend à poser une première brique. Il conviendra de la consolider collectivement et d’aller plus loin dans cette adaptation des normes, qui est essentielle pour lutter contre la vie chère et aboutir à des solutions adaptées.

Je remercie sincèrement la délégation de son travail sur ce sujet, que je sais sensible et épineux. Madame la rapporteure, madame la présidente de la commission des affaires économiques, je vous félicite d’avoir une nouvelle fois su dégager un consensus.

Le Gouvernement remercie l’ensemble des acteurs qui ont fait un pas les uns vers les autres pour avancer dans la bonne direction et poursuivre le travail engagé et émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

Article 4

Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Après les drames humains et matériels que nous avons connus en Nouvelle-Calédonie au mois de mai de l’année dernière, après le passage des cyclones Chido à Mayotte et Garance à La Réunion, le très grand consensus qui s’est dégagé au cours de cet espace réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est particulièrement rassurant. Nous envoyons un formidable message, très positif, à nos 2,2 millions de concitoyens vivant dans les outre-mer.

Je remercie Victorin Lurel, Audrey Bélim et Mme la rapporteure pour ce travail très constructif, qui nous montre bien le rôle utile que peut jouer le Sénat – que Valérie Létard connaît bien – pour nos territoires.

Madame la ministre, je salue votre engagement et je tiens également à dire le plaisir que nous avons eu à travailler avec celui qui vous a précédé cet après-midi au banc des ministres, Manuel Valls, qui a pris toute sa part dans le succès des propositions de loi de cette niche parlementaire, qui connaîtront manifestement toutes deux une issue favorable.

Il s’agit d’une bonne nouvelle pour le Sénat, pour les outre-mer, mais aussi pour la démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Je remercie Audrey Bélim et l’ensemble du groupe socialiste d’avoir défendu cette proposition de loi, qui constitue une avancée importante.

Je remercie également la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Micheline Jacques, et Victorin Lurel, avec qui j’ai élaboré en 2021 un rapport d’information sur la politique du logement dans les outre-mer.

Ce rapport, tout comme les travaux de la délégation, montre l’importance non seulement d’encadrer les loyers, mais aussi d’adapter les normes aux réalités locales pour construire et reconstruire en utilisant des matériaux et des savoir-faire locaux.

Si nous voulons avancer sur ce sujet, qui est éminemment d’actualité, il nous faut agir sur la question de la normalisation. À cet égard, la dérogation au label CE permise en 2024 par l’Union européenne a constitué une avancée importante. S’il reste beaucoup de travail, ce texte inscrira dans la loi de réelles avancées.

Nous avons récemment eu l’occasion de constater l’intérêt, y compris économique, d’utiliser des matériaux et des savoir-faire locaux, notamment la terre crue à Mayotte.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte. Encore une fois, je remercie tous ceux qui ont travaillé à son élaboration. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Mes chers collègues, je constate que la proposition de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

L’ordre du jour de cette après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Sylvie Robert.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Reconnaissance du bénévolat de sécurité civile

Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur la reconnaissance du bénévolat de sécurité civile.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour d’un droit de réplique, pour une minute.

Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura retrouvé sa place dans l’hémicycle.

Dans le débat, la parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements.)

M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste –Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit me tient particulièrement à cœur dans la mesure où mon département, le Pas-de-Calais, a subi à la fin de 2023 et au début de 2024 deux vagues d’inondations extrêmement violentes. En raison de leur soudaineté et de leur intensité, nombre de nos communes et de leurs habitants ont été plongés dans des situations très préoccupantes. Fort heureusement, elles n’ont pas fait de victimes.

Au cours de cet épisode critique et inédit, chacun a pu attester de l’utilité, de l’engagement et de l’efficacité des associations agrées de sécurité civile, en particulier la protection civile. Nous le mesurons également lors de chaque événement climatique qui frappe nos outre-mer.

À titre d’exemple, dix bénévoles de la protection civile du Pas-de-Calais se sont récemment rendus à Mayotte, sur leurs congés payés, avec des billets d’avion pris en charge par la protection civile sur ses fonds propres. De même, dès demain, quinze autres bénévoles, dont trois Pas-de-Calaisiens, s’envoleront pour La Réunion.

Vous le savez sans doute, une proposition de loi visant à reconnaître le bénévolat de sécurité civile a été déposée à l’Assemblée nationale en avril 2023, avant d’être adoptée à l’unanimité par la commission des lois, puis en séance publique en mars 2024. Elle était défendue par le député Yannick Chenevard, qui est présent ce soir dans nos tribunes – je l’en remercie.

Si le texte a été transmis au Sénat dans la foulée de son adoption, il n’a toujours pas été inscrit à l’agenda de nos travaux, d’où l’organisation de ce débat.

Mes chers collègues, en 2017, le Président de la République a déclaré, devant les bénévoles des associations agréées de sécurité civile (AASC) : « Vous incarnez toutes et tous le visage d’une France solidaire, ouverte, généreuse, […] et je suis fier de cette énergie que chacun de vous déploie en ces moments difficiles et éprouvants, par le seul souci de l’autre et le seul intérêt de la France. ».

Monsieur le ministre, j’ai participé en 2020 à la mission commune d’information sur le sauvetage en mer, qui a été créée après un terrible drame : le décès de trois sauveteurs en Vendée au cours d’une mission d’intervention. Nous avions alors abordé des questions proches de celles qui nous occupent ce soir : comment mieux reconnaître le bénévolat assuré par les sauveteurs en mer ? Comment pérenniser le modèle économique de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), qui repose, en moyenne annuelle, à 50 % sur la générosité publique ?

Nous posons aujourd’hui les mêmes questions au sujet des associations agréées de sécurité civile. Pas moins de 200 000 bénévoles œuvrent au sein de ces structures et interviennent quotidiennement auprès de nos concitoyens. Ils agissent dans un cadre préventif, par exemple en assurant le secours lors de manifestations ou événements, mais aussi en dispensant des formations et en conduisant des actions de sensibilisation aux risques et aux réflexes de premiers secours. Ils interviennent aussi et surtout aux côtés des sapeurs-pompiers et des forces publiques dans le cadre de crises, notamment les plus graves, pour accompagner les personnes touchées.

À titre d’illustration, dans mon département du Pas-de-Calais, 250 bénévoles et 10 salariés – 50 en période estivale – assurent la surveillance des plages. Au sein des huit antennes réparties sur le territoire, ils totalisent 150 000 heures de bénévolat pour secourir 2 700 personnes et en assister 1 800 autres. Ces bénévoles sont également présents dans les postes de secours installés pour des événements d’ampleur comme l’Enduropale du Touquet-Pas-de-Calais ou le Main Square Festival d’Arras, mais aussi dans 300 autres manifestations.

Quelque 200 interventions sont effectuées chaque année, qu’il s’agisse d’opérations d’urgence à la demande du préfet, de l’encadrement des populations ou du soutien à des personnes sinistrées, grâce à soixante-quatre véhicules, dont six véhicules de premier secours. En outre, la protection civile du Pas-de-Calais a été missionnée par la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) pour prendre en charge les migrants après l’intervention des forces de sécurité sur le littoral.

Ces structures jouent donc un rôle essentiel de soutien auprès des services de secours, rôle appelé à s’accroître dans un contexte d’accélération des crises géopolitiques, sanitaires et climatiques, dont les répercussions s’intensifient dans notre pays.

Le texte adopté à l’Assemblée nationale, réclamé de longue date par les associations du secteur, comporte des avancées significatives, qui répondent en partie aux attentes. Ces associations demandent à titre principal la reconnaissance de l’engagement des bénévoles.

La proposition de loi apporte plusieurs réponses à cet effet : améliorer l’articulation de leur engagement avec leur activité professionnelle ; mieux prendre en compte le temps de bénévolat au titre du compte personnel de formation (CPF) ; consentir l’octroi de trimestres supplémentaires pour le calcul de leur retraite ; mais aussi, tout simplement, leur attribuer des distinctions pour reconnaître leur investissement.

Pour soutenir les activités des bénévoles, le texte prévoit une réduction de prix sur le carburant, comme cela peut exister dans d’autres secteurs.

Néanmoins, la proposition de loi adoptée par les députés élude dans une large mesure la question pourtant sensible et centrale du renforcement des moyens des associations agréées. En effet, à la demande du Gouvernement, différents articles introduisant un soutien financier aux associations ont été retirés du texte, au motif de l’état inquiétant des finances publiques de notre pays. Pour mémoire, il s’agissait notamment de créer un fonds de garantie, d’instaurer des dispositifs d’exonération de taxes ou encore de majorer les incitations fiscales pour renforcer la générosité publique en la matière.

Sans nier la réalité de notre situation budgétaire, force est de constater que la version issue des travaux de l’Assemblée nationale diminue grandement la portée du texte, mais aussi et surtout son ambition initiale. Certes, des efforts budgétaires doivent être consentis ; toutefois, au regard de la particularité des missions concernées, ce secteur aurait peut-être dû être préservé.

Si je prends de nouveau le cas de mon département, seuls six des dix postes de salariés de la protection civile sont financés par l’État, les quatre autres reposant sur les fonds propres de l’association. Au-delà de la prise en charge de ces six postes, la structure ne touche pas de financement de l’État : ses ressources proviennent principalement de ses prestations payantes.

Si l’on ajoute à cela les retards de remboursement des frais avancés pour des interventions demandées par l’État, vous comprendrez que la situation soit extrêmement tendue. Pour les interventions réalisées lors de la vague d’inondations de l’hiver 2023-2024, à laquelle j’ai fait référence au début de mon propos, 150 000 euros de carburant et de consommables n’ont toujours pas été remboursés.

L’autre argument avancé par le Gouvernement était le lancement d’un Beauvau de la sécurité civile, engagé en avril 2024, avec pour objectif de mener une réflexion globale sur la protection civile. Monsieur le ministre, à ce jour, et sauf erreur de ma part, seul un champ thématique parmi les cinq ouverts, autour de la question « Quelle mission pour la sécurité du demain ? », s’est traduit par la mise en ligne d’un rapport sur le site du ministère.

Quid des quatre autres chantiers que vous avez lancés, monsieur le ministre, dont celui, essentiel, du soutien financier au secteur de la protection civile ? Nous aimerions avoir accès à l’avancement des travaux afin de participer à la concertation. Au reste, sans remettre en cause les vertus de la concertation, faut-il rappeler que le texte déposé à l’Assemblée nationale en avril 2023 était déjà le fruit d’une concertation avec les acteurs du terrain ?

En ouverture de ce débat, de nombreuses questions se posent : combien de temps les bénévoles concernés devront-ils encore attendre avant que cette loi soit votée ? La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, prévoyait déjà de consolider l’organisation des associations, mais n’a pas été véritablement suivie d’effets sur le terrain.

Que devons-nous répondre aux sollicitations récurrentes des associations concernées dans nos départements, qui sont confrontées à des difficultés financières ou à des carences en matériel d’intervention ? Il est de notre responsabilité d’identifier les mécanismes financiers susceptibles de leur permettre de pérenniser leur organisation, mais aussi et surtout d’agir plus sereinement.

Au-delà de la réduction du coût de l’essence, il convient, par exemple, de réfléchir au malus écologique, qui s’applique actuellement aux véhicules d’intervention ou à une exonération de la taxe foncière pour les locaux des associations agréées – mais cette dernière mesure relève des communes.

Quel est le calendrier prévu pour la clôture des travaux du Beauvau ? Où en est l’enquête en ligne menée depuis juin 2024 et toujours ouverte à ce jour, dont les résultats ne sont toujours pas disponibles ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est temps d’inscrire de façon urgente l’examen de cette proposition de loi à notre agenda. J’espère que nous pourrons nous enorgueillir, à l’image de nos collègues députés, d’un vote unanime. C’est le moins que nous puissions faire pour des personnes qui agissent au quotidien pour la sécurité de nos concitoyens, de façon pleinement désintéressée, parfois au péril de leur propre vie.

Il semble que le texte pourrait être inscrit à notre agenda avant l’été. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous le confirmer ? Quelle est la position du Gouvernement sur les moyens à mettre en œuvre pour accompagner les associations agréées de sécurité civile, reconnues d’utilité publique ? (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite de cette intervention liminaire, permettez-moi de formuler quelques observations sur le calendrier du Beauvau de la sécurité civile.

Cette démarche a en effet été engagée en 2024, mais elle a subi les événements politiques que nous connaissons tous. Elle a repris dès le mois de janvier dernier et plusieurs déplacements ont été effectués dans ce cadre. Nous sommes en train d’analyser l’ensemble des contributions issues de la concertation, qui a été extrêmement riche, sur l’ensemble des thématiques qui étaient soulevées – je rappelle que chaque débat était organisé autour d’une thématique.

Ce travail devrait s’achever dans le courant du mois de mars. Lorsque ce sera le cas, nous organiserons une nouvelle concertation, dans un format beaucoup plus restreint, notamment avec les associations départementales, la SNSM et les parlementaires s’intéressant au sujet, dont vous faites partie.

Nous préparerons ensuite un projet de loi, que nous espérons finaliser avant l’été, c’est-à-dire au plus tard au début du mois de juillet. Nous ne savons pas s’il pourra être présenté au Parlement à cette date, mais nous souhaitons que les étapes préparatoires de ce texte – réunions interministérielles, avis du Conseil d’État… – soient achevées, de sorte qu’il puisse être examiné à la rentrée de septembre. Voilà pour ce qui est du calendrier.

En ce qui concerne le sujet même de ce débat, à savoir le bénévolat, il est évident que toutes les associations agréées de sécurité civile participent aux discussions et seront prises en considération au sein du projet de loi, dont un volet concernera le monde bénévole et l’aide à son maintien. Cela participe d’une stratégie très importante.

Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre modèle de sécurité civile, unique en Europe, repose sur une complémentarité entre professionnels, volontaires et bénévoles. Ensemble, ils assurent la protection de nos concitoyens face aux crises climatiques, sanitaires, technologiques ou géopolitiques.

Avec près de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires et 200 000 bénévoles au sein des associations agréées de sécurité civile, ce modèle repose majoritairement sur l’engagement citoyen. Ces femmes et ces hommes, en parallèle de leur vie professionnelle et personnelle, choisissent de consacrer leur temps et leur énergie à la protection des autres, dans un esprit de solidarité et de dévouement qui fait la force de notre nation.

La sécurité civile française est reconnue comme l’une des plus efficaces au monde. Elle repose sur un maillage territorial fort et une capacité à mobiliser rapidement des forces opérationnelles, que ce soit pour lutter contre les incendies ou pour gérer les catastrophes naturelles ou les situations de crise exceptionnelles.

Pourtant, ce modèle est aujourd’hui fragilisé et confronté à de nombreux défis.

Il est fondamental de garantir la pérennité du volontariat et du bénévolat en sécurité civile. Or la jurisprudence, en particulier l’arrêt dit Matzak, menace sérieusement notre modèle en assimilant les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs. Les sapeurs-pompiers ne sont pas les seuls concernés : la menace pèse aussi sur l’ensemble des bénévoles de la sécurité civile, qui risquent d’être soumis à des contraintes administratives incompatibles avec leur engagement.

Si cette interprétation venait à s’imposer, elle pourrait décourager des vocations, complexifier les conditions d’engagement et affaiblir notre capacité de réponse aux crises.

Notre assemblée a déjà eu l’occasion de se prononcer sur ce sujet. Elle a plaidé pour une directive européenne spécifique encadrant l’engagement citoyen bénévole et volontaire, afin de préserver le statut des intéressés et d’éviter leur requalification par le droit du travail. Le Gouvernement soutiendra-t-il une directive européenne spécifique pour protéger le volontariat de sécurité civile contre une telle requalification ?

Avec leurs 200 000 engagés, ces associations jouent un rôle fondamental dans le secours d’urgence, l’appui aux populations sinistrées, la formation aux gestes qui sauvent et l’encadrement des grands événements. Pourtant, les bénévoles des associations agréées de sécurité civile restent insuffisamment intégrés dans la chaîne des secours. Leur rôle doit être clarifié et renforcé, dans une logique de complémentarité avec les sapeurs-pompiers.

Le Gouvernement prévoit-il de renforcer la coordination entre les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et les AASC pour assurer une meilleure complémentarité sans provoquer de concurrence ?

Si nous devons protéger le volontariat en sécurité civile, nous devons aussi mieux reconnaître l’engagement des bénévoles des AASC.

Ces associations peinent aujourd’hui à recruter et à fidéliser des bénévoles, notamment en raison d’un manque de reconnaissance et de contraintes liées à la conciliation de cet engagement avec la vie professionnelle et familiale.

La loi Matras et la loi de finances rectificative (LFR) pour 2023 ont marqué des avancées pour les sapeurs-pompiers volontaires. Je pense notamment à la facilitation de leur disponibilité auprès des employeurs et à la bonification de trimestres pour la retraite, ainsi qu’à la valorisation de leur engagement dans la formation et dans les parcours professionnels. Mais ces dispositifs ne bénéficient pas aux bénévoles des AASC, alors qu’ils exercent des missions complémentaires et tout aussi essentielles.

L’extension de ces avantages auxdits bénévoles paraît, dès lors, légitime. Le Gouvernement y est-il favorable ? Au-delà, envisage-t-il la création d’un véritable statut de bénévole de sécurité civile, garantissant une meilleure conciliation entre engagement, vie professionnelle et vie familiale ?

Enfin, il est impératif d’assurer un financement stable et durable aux associations agréées de sécurité civile. Ces structures, qui sont essentielles à notre capacité de réponse aux crises, fonctionnent souvent avec des moyens précaires, reposant sur des dons, des subventions ponctuelles ou des mécénats incertains. (M. Gérard Lahellec acquiesce.)

La proposition de loi de notre collègue député Yannick Chenevard, adoptée par l’Assemblée nationale le 27 mars 2024 et en attente d’examen au Sénat, contient des avancées notables, comme la création d’un fonds de garantie assurant un financement pérenne des AASC, l’extension de certaines incitations fiscales, le bénéfice de déductions de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et l’exonération de taxe foncière pour les locaux opérationnels. Le Gouvernement est-il favorable à ces mesures et, plus largement, à l’esprit de la proposition de loi déposée par M. Chenevard ?

Ces défis nous obligent. Nous devons agir dès aujourd’hui pour préserver et renforcer notre modèle de sécurité civile, dont la force repose sur l’engagement volontaire et sur la solidarité citoyenne.

En assurant une concertation entre les différents acteurs concernés, le Beauvau de la sécurité civile a permis d’identifier des solutions concrètes. Quelles leçons le Gouvernement tire-t-il de ce travail ? Quelles mesures découleront de ces échanges et sous quels délais ? Il est de notre responsabilité de nous hisser à la hauteur des défis que notre sécurité civile, pilier de notre résilience collective, doit et devra affronter. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Schillinger, vous avez raison de rappeler que notre dispositif de sécurité civile est l’un des plus performants au monde ; son rôle de leader est d’ailleurs reconnu à l’échelle européenne.

Les sapeurs-pompiers professionnels, les sapeurs-pompiers volontaires et les bénévoles des différentes associations de sécurité civile concourent à notre action de sécurité civile. Toutefois, ce dispositif multifacettes paraît aujourd’hui fragile, pour plusieurs raisons : tout d’abord, la pérennité de son financement est menacée ; ensuite, un certain nombre d’évolutions, notamment le changement climatique et les autres risques rappelés très clairement par M. Corbisez, nous imposent de revoir ses missions ; enfin, nous devons planifier le renouvellement de divers équipements – je pense en particulier à nos canadairs.

Ces enjeux considérables exigent un vaste travail de réflexion, dans lequel s’inscrit le débat de ce soir.

Le Gouvernement soutiendrait-il une directive européenne précisant le statut des bénévoles ? Sans l’ombre d’une hésitation, je vous réponds oui : nous soutenons cette démarche.

Vous m’interrogez également sur le statut des volontaires. Ce sujet est au menu du Beauvau de la sécurité civile. Il n’est pas tranché – à cet égard, les positions des uns et des autres sont très différentes –, mais il fait partie de ceux que nous devons examiner.

Quant au maintien de l’attractivité du bénévolat, il constitue, à nos yeux, un enjeu fondamental. Notre dispositif de sécurité civile repose largement sur le volontariat et le bénévolat : souvenons-nous qu’il dénombre 45 000 professionnels, parmi lesquels les sapeurs-pompiers, alors qu’avec les volontaires et les membres des associations agréées ses effectifs totaux sont bien plus nombreux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements.)

Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky d’avoir pris l’initiative de ce débat. Les bénévoles de la sécurité civile ont bel et bien besoin d’une plus grande reconnaissance.

Je ne vous apprendrai rien en rappelant que, en vertu de l’article L.112-1 du code de la sécurité intérieure, la sécurité civile « a pour objet la prévention des risques de toute nature, l’information et l’alerte des populations ».

S’ajoute à cette mission ô combien importante, pour ne pas dire indispensable, « la protection des personnes, des animaux, des biens et de l’environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes ».

Ces actions passent par la préparation et la mise en œuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l’État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées.

En la matière, le modèle français, à la fois hybride et original, permet à plus de 250 000 sapeurs-pompiers, à plus de 13 000 militaires des bataillons de marins-pompiers de Marseille et sapeurs-pompiers de Paris, aux 1 500 sauveteurs, pilotes d’avion et d’hélicoptère et aux 200 000 bénévoles de concourir à l’exercice de cette mission. En 2023, plus de 4 millions d’heures de bénévolat ont ainsi été effectuées.

S’ils sont peu connus, ces bénévoles, hommes et femmes confondus, sont devenus au fil du temps un véritable pilier de notre sécurité civile. Mais force est de constater que notre modèle présente de sérieux signes de fatigue.

Tout d’abord, cet essoufflement est dû à une pression opérationnelle exponentielle, laquelle impose des réponses adaptées et une meilleure coordination des différents acteurs de la sécurité civile.

Je pense aux jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), aux interventions pour secours aux personnes, qui ne cessent de se multiplier, aux attentats, à la crise sanitaire provoquée par le covid-19, ou encore aux effets récurrents et violents du dérèglement climatique, parmi lesquels les feux de forêt survenus en 2022.

Dans les Bouches-du-Rhône, le massif de la Montagnette, dans les Alpilles, ainsi que la commune des Pennes-Mirabeau ont subi de plein fouet ces incendies. Les départements des Alpes-de-Haute-Provence et des Landes ont eux aussi été touchés.

Je saisis d’ailleurs cette occasion pour remercier les membres des comités communaux feux de forêts (CCFF) et des réserves communales de sécurité civile (RCSC) des Bouches-du-Rhône du travail qu’ils accomplissent quotidiennement. De même, comment ne pas saluer la mobilisation des bénévoles lors des dernières inondations dans le Nord et en Normandie, ou encore leur présence après les tempêtes qui ont frappé Mayotte et La Réunion ?

Ensuite, cet essoufflement est le résultat de ce que l’on qualifierait aujourd’hui de crise du sens ; d’une crise du « pourquoi ? », qui, face au relâchement de certains comportements, est aussi une crise du « à quoi bon ? »

Dans un contexte devenu incertain, comment trouver la motivation nécessaire pour déployer ainsi son énergie, en sacrifiant à la fois son temps libre et ses loisirs ? Les bénévoles nous disent combien il est difficile pour eux de concilier l’engagement associatif avec les vies professionnelle et personnelle.

Crise du sens pour les électeurs, crise du sens pour les salariés et, logiquement, crise du sens pour les bénévoles : le don de soi ne va plus de soi…

Pour éviter que ne s’affadissent les deux principes cardinaux de la sécurité civile française, à savoir l’anticipation et l’adaptation, il est urgent d’agir sur les missions à assurer, en insérant davantage encore ces bénévoles dans la chaîne de secours et de gestion des crises ; sur les recrutements, en se donnant les moyens de fidéliser les effectifs ; et sur la reconnaissance que la Nation doit à ces personnes, qui donnent de leur temps pour protéger leurs concitoyens.

La crise du sens est indissociable du manque de reconnaissance. C’est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi de Yannick Chenevard, député du Var, texte adopté par l’Assemblée nationale en mars 2024. À cet égard, une seule ombre demeure : l’alignement du régime des bénévoles de la sécurité civile sur celui des sapeurs-pompiers volontaires.

Un bénévole n’est pas un sapeur-pompier. (M. le ministre le concède.) Il n’est pas soumis aux mêmes astreintes. Il n’a pas les mêmes obligations de garde ou encore de formation. Il ne faudrait pas que les droits accordés aux bénévoles se transforment en cadeau empoisonné : à cet égard, n’oublions pas l’arrêt Matzak de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), assimilant les missions des sapeurs-pompiers volontaires à du temps de travail effectif. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, vous avez cité à votre tour un certain nombre de chiffres. Permettez-moi de préciser, à la suite de votre intervention, que le mouvement bénévole de la sécurité civile compte aujourd’hui près de 100 000 membres, dont 30 000 secouristes. S’y ajoutent les 250 000 pompiers volontaires et professionnels œuvrant aux côtés des brigades de Paris et de Marseille, non comprises dans ce décompte, des sapeurs-sauveteurs, des pilotes d’avion et d’hélicoptère, des démineurs et des personnels administratifs.

Les membres des associations agréées font évidemment partie intégrante de la grande famille de la sécurité civile.

Madame Schillinger, la coordination des différents services, que vous avez évoquée, est bel et bien une préoccupation pour nous.

Les réponses diffèrent selon les départements. Certains d’entre eux sont en pointe, en particulier la Haute-Savoie, que je ne perds jamais une occasion de citer à ce titre : ce département dispose d’une plateforme commune d’appels, gérant notamment le 15 et le 18. Elle a un coût, c’est indéniable, mais elle fonctionne extrêmement bien. D’autres départements ont des plateaux plus modestes, qui fonctionnent très bien aussi. En revanche, dans certains territoires, la situation est plus délicate. Il paraît donc indispensable d’assurer une harmonisation, mais ce travail soulève lui aussi un certain nombre de questions.

Notre sécurité civile est organisée sur une base départementale, dans une logique ascendante et duale, le service relevant à la fois de l’État et des collectivités territoriales. C’est une bonne chose d’harmoniser les dispositifs, encore faut-il que chacun ait les moyens de mettre en œuvre les choix opérés… Cet enjeu sera également au cœur des discussions à venir.

Mme Patricia Schillinger. Merci, monsieur le ministre !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Bitz. (Applaudissements.)

M. Olivier Bitz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je remercie très sincèrement les membres du groupe CRCE – Kanaky d’avoir demandé l’inscription d’un tel débat à l’ordre du jour. Ces discussions nous permettent en effet de donner un coup de projecteur sur l’engagement de 200 000 de nos concitoyens au sein des associations agréées de sécurité civile.

Ces bénévoles jouent un rôle fondamental aux côtés des quelque 250 000 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, des 13 000 militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et du bataillon des marins-pompiers de Marseille et des 1 500 civils et militaires relevant des moyens nationaux de la sécurité civile.

Tous autant qu’ils sont, avec leurs missions et leurs statuts respectifs, ces femmes et ces hommes assurent notre sécurité civile. Ils agissent également à l’international, et les missions de coopération qu’ils mènent font honneur à notre pays.

Dans ce dispositif, les bénévoles de la sécurité civile ne sont pas forcément les plus visibles. Ils jouent pourtant un rôle très important au quotidien sur notre territoire, que ce soit à l’occasion de missions d’assistance, notamment sur la voie publique, ou des manifestations, petites ou grandes – on l’a vu lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris –, dont ils permettent le bon déroulement. Ils concourent à la surveillance de nos plages comme aux sauvetages en mer. De même, nous savons leur implication dans la diffusion des gestes de premiers secours.

Ces bénévoles jouent également un rôle fondamental en période de crise, qu’il s’agisse d’événements météorologiques, d’incendies, d’actes terroristes, d’accidents de toute nature ou encore de crises sanitaires.

Chaque fois, les bénévoles de la sécurité civile ont répondu présents et répondent présents. Nous avons besoin aujourd’hui de leur engagement. Nous en aurons besoin davantage encore demain, avec l’augmentation des risques en tout genre.

La pression opérationnelle s’accentue sur toutes les branches de la sécurité civile : dès lors, on peut redouter que les difficultés du secteur sanitaire ne se reportent non seulement sur les sapeurs-pompiers – c’est déjà le cas aujourd’hui –, mais aussi sur les membres des associations agréées. Il faut reconnaître que leur intervention coûte bien moins cher que celle des autres forces de sécurité civile… En s’appuyant chaque fois que c’est possible sur la compétence de ces bénévoles, de ces citoyens engagés, on agit donc aussi dans l’intérêt de nos finances publiques : ce modèle économique fait largement appel au bénévolat et à la générosité du public, parallèlement à la facturation de prestations.

La question du financement des associations doit être posée, car – nous le savons bien – notre modèle traditionnel doit évoluer.

À l’heure actuelle, l’engagement financier de l’État et des collectivités territoriales reste relativement modeste. De plus, chacun sait que nous sommes entrés dans une crise de l’engagement, tous domaines confondus. S’agissant des bénévoles de la sécurité civile, nous devons nous emparer de ce sujet afin de susciter davantage d’engagements pérennes. Ils représentent, finalement, ce qu’il y a de plus beau dans la citoyenneté.

La loi Matras de 2021 a permis une première avancée, mais il faut à l’évidence aller plus loin, grâce à des mesures on ne peut plus concrètes.

Monsieur le ministre, j’appelle à ce propos votre attention sur une autre forme de reconnaissance : la bonification pour la retraite de nos sapeurs-pompiers volontaires, votée par les deux assemblées. Le décret d’application de cette mesure tarde en effet à venir… Plus largement, il convient que les dispositions adoptées par le Parlement soient réellement mises en œuvre.

Ce rappel étant formulé, j’en reviens aux bénévoles de la sécurité civile.

Je tiens à saluer le travail réalisé par notre collègue député Yannick Chenevard, présent ce soir dans nos tribunes. Éminemment transpartisane, sa proposition de loi a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Elle vise à reconnaître le bénévolat de sécurité civile et va manifestement dans le bon sens.

Il s’agit notamment de reconnaître l’engagement du bénévole, en facilitant ses absences dans la sphère professionnelle, et celui de son employeur, en valorisant sa participation. Si les employés bénévoles sont les acteurs directs de ces actions, nous ne devons pas ignorer le rôle et le soutien que peut apporter leur employeur.

Dans cette perspective, la création d’un label « employeur partenaire des associations agréées de sécurité civile » permettrait de reconnaître l’engagement des employeurs, qui doivent par ailleurs trouver une forme de compensation plus concrète.

Le droit à la formation constitue également, à l’instar de la retraite, une question importante pour ces bénévoles.

Je forme le vœu que le Sénat se saisisse au plus vite de ces enjeux, en inscrivant à son ordre du jour la proposition de loi de Yannick Chenevard. Ce texte pourra d’ailleurs être utilement enrichi par les conclusions du Beauvau de la sécurité civile. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Bitz, le budget global de la sécurité civile s’établit à 6,8 milliards d’euros ; la participation de l’État, pour être tout à fait précis, est quant à elle de 831 millions d’euros. Je tenais à rappeler ces chiffres, car notre débat doit être parfaitement transparent.

Vous m’interrogez au sujet du décret relatif à la retraite des sapeurs-pompiers. Les travaux interministériels engagés à ce titre reprennent actuellement, dans le cadre du débat national relatif aux retraites, et le ministère de l’intérieur entend valoriser la durée de l’engagement pour le calcul de la retraite. C’est un chantier assez technique et complexe, mais tel est le principe que nous retenons.

Enfin, vous avez cité à votre tour la proposition de loi de M. Chenevard, que l’Assemblée nationale a votée à l’unanimité et dont on attend l’inscription à l’ordre du jour du Sénat.

Pour le Gouvernement, ce texte est une source d’inspiration sur au moins quatre points : libérer les bénévoles de leur activité professionnelle, créer un label « employeur partenaire des associations agréées de sécurité civile » – c’est un sujet important –, faciliter les autorisations d’absence et mobiliser le compte personnel de formation. Ce sont là autant de sujets que nous souhaitons prendre en compte dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec. (Applaudissements.)

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je salue l’initiative de Jean-Pierre Corbisez, qui, en sollicitant l’organisation de ce débat, a souhaité appeler notre attention sur le bénévolat de sécurité civile.

Les bénévoles concernés œuvrent aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, des personnels des services de l’État et des militaires, que nous ne saurions oublier. Je me dois de les saluer, en les remerciant toutes et tous de leur engagement.

Les 250 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile contribuent à assurer la sécurité des habitants de notre pays.

Bien sûr, nous saluons tous ici le travail de ces bénévoles. Toutefois, permettez-moi de pointer d’emblée une forme de contradiction dans ce domaine : alors même que, dans le débat politique national, on affiche la sécurité comme une priorité, le budget que l’État alloue à la sécurité civile a encore baissé cette année. Du fait de cette réduction de moyens, notre sécurité repose davantage encore sur le travail des associations agréées.

Dans le même temps, les événements climatiques dramatiques se multiplient, accentuant nos besoins de sécurité civile, et diverses politiques, comme la « régulation des urgences » mise en œuvre dans nos hôpitaux, ont pour effet de transférer aux sapeurs-pompiers une part croissante des transports sanitaires. Par voie de conséquence, l’ensemble de la chaîne de sécurité se trouve déstabilisée.

Or les associations agréées de sécurité civile sont aujourd’hui fragilisées. Elles peinent à se financer, à recruter et à fidéliser leurs bénévoles. C’est la raison pour laquelle je salue à mon tour l’initiative de M. Chenevard, dont la proposition de loi a déjà été adoptée par l’Assemblée nationale.

Dans le sillage de M. Corbisez, je saisis l’occasion de ce débat pour aborder les modalités d’un tel renforcement législatif. Il ne s’agit pas, en effet, de donner un blanc-seing à qui que ce soit : c’est là tout l’intérêt de la discussion de ce soir, que l’ordre du jour de demain nous permettra de prolonger.

Si, comme je le souhaite, la proposition de loi de M. Chenevard est inscrite à l’ordre du jour du Sénat, il faudra nous assurer de soutenir correctement et justement ces associations et ces bénévoles.

La première mise en garde que je souhaite émettre a trait au financement.

Le modèle actuel de financement du bénévolat de la sécurité civile présente des fragilités structurelles : nous ne pouvons répondre aux problèmes qu’il subit actuellement par des allègements d’impôt pour quelques employeurs de salariés bénévoles et pour les donateurs. Il faut bel et bien recourir à la solidarité nationale. Cette dernière doit jouer pleinement son rôle, notamment par le biais du budget de l’État.

Nous regrettons à ce titre que le fonds de garantie des associations agréées de sécurité civile ait été supprimé par l’Assemblée nationale. Ces structures auraient pu être financées par ce biais, par exemple grâce à une contribution des assurés assise sur les contrats d’assurance habitation.

Notre sécurité commune ne peut reposer sur les dons de particuliers, relevant par définition de choix individuels. La situation alarmante où se trouve le financement du bénévolat de sécurité civile doit être gérée avec sérieux et le plus consciencieusement possible.

Cette logique vaut non seulement pour les enjeux financiers auxquels le bénévolat de sécurité civile fait aujourd’hui face, mais aussi pour les enjeux humains. Les associations de sécurité civile peinent à recruter et à fidéliser. On ne peut faire peser cette responsabilité sur des salariés isolés.

Ensuite, cette proposition de loi favorise les dons de congés entre salariés, au profit de ceux qui assument des missions de bénévolat de sécurité civile. Permettez-moi, à cet égard, d’exprimer quelques réserves. À première vue, une telle marque de générosité peut paraître gratifiante ; toutefois, elle pourrait également avoir un effet négatif sur l’engagement bénévole lui-même.

De surcroît, il ne me paraît pas juste de faire reposer le bénévolat de sécurité civile sur la solidarité individuelle. Non seulement cette ressource serait aléatoire, mais elle pourrait aller de pair avec une forme de culpabilisation des salariés.

Mes chers collègues, de toute évidence, il est urgent d’agir pour le bénévolat de sécurité civile ; mais agissons bien. L’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée nous donnera l’occasion de le faire. Je souhaite qu’elle soit vite soumise à notre examen ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, vous appelez notre attention sur le financement global de ce dispositif, dont on connaît la fragilité.

Dans une certaine mesure, les bénévoles de la sécurité civile seront sans doute appelés à faire aussi bien avec moins de moyens, notamment par le biais de mutualisations. Dans certains domaines, il semble possible de gagner en efficacité financière. Quelques pistes ont d’ores et déjà été identifiées : il faut encore les travailler et évaluer les solutions envisagées, car, évidemment, il ne faudrait pas remettre en cause la qualité du service rendu. (M. Gérard Lahellec acquiesce.)

On peut également penser à des ressources supplémentaires. À ce titre, vous avez évoqué la piste assurantielle : c’est une idée qui circule en ce moment et que l’on ne saurait écarter d’un revers de manche. Elle mérite d’être analysée et expertisée. D’autres pistes encore peuvent être étudiées.

Vous le constatez, le panel de solutions est assez étendu.

Pour en revenir à l’objet même du débat de ce soir, ne perdons pas de vue cet enjeu : on ne saurait faire de nos bénévoles des professionnels. On perdrait dès lors tout le sens de leur engagement,…

M. Gérard Lahellec. C’est vrai !

M. François-Noël Buffet, ministre. … éminemment personnel, au service de la collectivité et de nos concitoyens. Ces valeurs doivent à tout prix être préservées.

Cela étant, un certain nombre d’avancées pratiques pourraient être de nature à faciliter la vie des bénévoles.

Enfin, n’oublions pas que les associations – je ne sais pas si elles le font toutes – peuvent facturer des heures de formation. Elles disposent à cet égard de sources de revenus à même de compléter le soutien financier que leur apportent les collectivités territoriales.

Cette variété des ressources est une autre particularité de notre système de sécurité civile ; sans doute va-t-il falloir y mettre un peu d’ordre…

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et RDSE.)

M. Grégory Blanc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie à mon tour le groupe CRCE-K d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.

Oui, il faut intégrer les dispositions de la proposition de loi Chenevard au Beauvau de la sécurité civile. Vous venez d’exposer votre position à cet égard, monsieur le ministre, je n’y reviens donc pas.

Le 8 mai 2024, Parnay, paisible petite commune rurale de Maine-et-Loire, voit 10 000 « raveurs » débarquer pour une free party sauvage.

Parce que le territoire est complètement dépassé et non outillé, la préfecture s’organise, publie un arrêté d’interdiction et mobilise les premières forces de sécurité civile de l’État : services de la préfecture, gendarmerie, pompiers, procureur. Par ailleurs, elle réquisitionne en urgence les associations agréées de sécurité civile.

Le bilan humain de ces quatre jours de fête est lourd : 250 prises en charge par la sécurité civile, 4 gendarmes blessés et, surtout, 1 décès parmi les raveurs.

Pour la protection civile de Maine-et-Loire, mobilisée en urgence par le préfet, cela se traduit par de lourdes conséquences financières liées au déploiement d’un poste médical et d’un poste de commandement mobile, à l’utilisation de nombreux matériels de secours et d’un quad, ainsi qu’à la présence d’une soixantaine de secouristes jour et nuit. À cela s’ajoute la mobilisation des protections civiles des départements voisins.

Concrètement, le reste à charge s’élève à plus de 25 000 euros pour l’association. Ce constat met en avant deux problèmes.

D’une part, en termes de trésorerie : l’association attend toujours le remboursement des 6 000 euros avancés pour ses frais indemnisables. On le sait, en la matière, les remboursements sont souvent plus que tardifs.

D’autre part, en termes d’économie générale de ces structures : les associations agréées de sécurité civile n’arrivent plus à maintenir un équilibre financier pour assurer leurs missions.

Ce constat doit nous conduire à privilégier trois axes.

Premier axe, l’activité de formation du public au secourisme doit être renforcée. Il nous faut réfléchir à un grand plan visant à renforcer l’éducation des Français aux gestes de premiers secours. Pour rappel, seulement 40 % de nos concitoyens y sont formés, contre 80 % des Allemands. Nous avons besoin de ces associations pour garantir une meilleure sécurisation de la population.

Deuxième axe, l’activité de secourisme lors d’événements publics autorisés doit être facturée auprès de l’organisateur de l’événement. À ce titre, nous devons nous demander comment mieux accompagner les associations agréées de sécurité civile, car celles-ci n’ont pas toujours les compétences nécessaires pour identifier en amont les outils qu’il leur faudra déployer ni pour établir la facturation la plus juste. Ce n’est pas le moindre des enjeux pour ces structures.

Troisième axe, les mobilisations en urgence par les autorités pour des missions de secours doivent être mieux appréhendées. La mobilisation matérielle et humaine n’est pas indemnisée à hauteur de l’effort déployé. L’État doit compenser ces interventions et se doter d’un fonds solide à cet effet : il y a urgence !

Aujourd’hui, les recettes des formations et des prestations de service de secourisme ne permettent pas d’assurer les achats d’équipements et les investissements nécessaires aux activités des associations agréées de protection civile, en particulier celles qui font l’objet de réquisitions préfectorales.

À titre d’illustration, selon la Fédération nationale de protection civile, si les recettes moyennes d’une association sont de 150 000 euros, celle-ci ne dispose d’un excédent disponible moyen de 15 000 euros que si la mécanique de formation est au rendez-vous. Ce n’était pas le cas lors des années covid, qui ne sont pas si anciennes. Pour certaines associations, les déficits accumulés alors ne sont toujours pas résorbés.

Regardons devant nous.

Le dérèglement climatique accentuera les mobilisations d’urgence. Les mégafeux de forêt, comme ceux qui se sont produits de manière inédite dans mon département à l’été 2022, sont, hélas ! appelés à se multiplier. Idem pour les inondations, les tempêtes, etc. Il nous faut nous préparer à un monde qui va très vite connaître une hausse des températures de 2 degrés Celsius, avec un horizon à + 4 degrés. Je rappelle que nous venons de franchir le seuil de + 1,5 degré.

Le système financier actuel a déjà conduit de nombreuses associations à la dissolution. Il faut donc engager des réformes structurelles. Nous avons besoin d’une meilleure coordination, d’une meilleure opérationnalité, donc d’un meilleur système de financement.

Je ne peux m’empêcher de souligner que la loi de finances pour 2025 prévoit, au sein de la mission « Sécurités », une hausse des crédits de l’action « Police des étrangers et sûreté des transports internationaux » en même temps qu’une baisse de ceux du programme « Sécurité civile ». Selon nous, la priorité devrait être le secours aux victimes plutôt que la chasse aux étrangers. Cela relève du bon sens, mais c’est l’inverse qui a été décidé…

Encourager les bénévoles de ces associations et leur accorder une reconnaissance méritée passe d’abord par un véritable cadre pour assurer les mobilisations d’urgence. C’est la première des priorités. Ce faisant, nous devons assurer aux bénévoles que l’État est au rendez-vous et les remercier de leur engagement.

Monsieur le ministre, nous attendons de vous des annonces et des mesures. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE-K et RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, je formulerai trois observations.

Oui, nous devons faire des réformes structurelles pour améliorer l’organisation de la sécurité civile. Nous en avons parfaitement conscience.

D’un point de vue budgétaire, dans le cadre du pacte capacitaire, la sécurité civile a bénéficié d’investissements lourds, ce qui a permis aux Sdis d’être dotés d’un matériel de qualité adapté aux enjeux du jour. Par ailleurs, l’État a financé l’achat de huit avions Dash. Par conséquent, les efforts nécessaires ont été consentis.

Il faut toutefois admettre que le budget 2025 prévoit un rééquilibrage en faveur de la police nationale, qui avait besoin de matériel. Cela ne signifie pas que les crédits du programme « Sécurité civile » n’augmenteront pas demain. Il faut en particulier mener une réflexion sur le renouvellement de notre flotte d’aéronefs de type canadair, qui doit avoir lieu à l’horizon 2030-2031, soit dans un délai assez court, et qui nécessitera la mobilisation de fonds importants.

J’en viens à la formation aux premiers secours, qui constitue l’axe n° 5 du Beauvau de la sécurité civile. Il convient de former aux premiers éléments de secours dès l’école primaire, c’est-à-dire dès le plus jeune âge, et de poursuivre dans cette voie via le dispositif « Tous préparés, mieux protégés », qui est de nature à favoriser la préparation de l’ensemble de la population aux risques et aux aléas. Il s’agit d’un outil parmi d’autres, qui n’a pas vocation à apporter seul la solution, mais qui s’inscrit dans un ensemble. Plus tôt on sensibilisera les jeunes, plus on aura de chances d’atteindre, comme en Allemagne, le taux de 80 % de la population en mesure de prodiguer les premiers secours.

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour la réplique.

M. Grégory Blanc. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Oui, grâce au pacte capacitaire, les moyens des pompiers ont augmenté. Reste que nous attendons tous ici un pacte capacitaire pour les inondations. Il n’est pas financé, il n’est même pas dans les perspectives ; or, de notre point de vue, il y a urgence !

M. François-Noël Buffet, ministre. Bien sûr !

Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE.)

M. Hussein Bourgi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de mes collègues du groupe SER, je salue le groupe CRCE-K d’avoir permis l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.

Ce débat nous donne en effet l’occasion d’évoquer, pour mieux le louer, la singularité et l’originalité du modèle de sécurité civile à la française. En effet, si la France peut s’enorgueillir de compter un corps de 255 000 sapeurs-pompiers, il convient de relever que 212 000 d’entre eux sont des sapeurs-pompiers volontaires et 43 000 des sapeurs-pompiers professionnels.

Ce soir, il s’agit de mettre à l’honneur ces 255 000 femmes et hommes qui s’engagent pour sauver des vies, pour lutter contre les incendies et pour faire face aux inondations.

Ce débat nous donne aussi l’occasion de saluer l’engagement des centaines de milliers de bénévoles qui participent au déploiement de nos forces de sécurité civile pour porter secours et assistance à celles et ceux qui sont confrontés à un accident ou à un incendie. Je veux bien sûr parler des 200 000 bénévoles engagés dans les associations agréées de sécurité civile, des bénévoles des comités communaux feux de forêt, des bénévoles de la Société nationale de sauvetage en mer, qui œuvrent sur nos côtes, notamment au large du littoral héraultais.

Ces femmes et ces hommes forcent l’admiration pour le dévouement, le don de soi et l’abnégation dont ils font preuve. Collaborateurs occasionnels du service public, ils sont des relais, des sentinelles, des gardiens et des acteurs à part entière de la sécurité civile partout sur le territoire national. Cet engagement appelle de la part des pouvoirs publics des compliments et des éloges. Il appelle aussi et surtout des actes pour répondre aux enjeux auxquels ce secteur du bénévolat est confronté.

L’enjeu de la formation est essentiel. Sur 200 000 bénévoles, 70 000 sont formés, équipés et encadrés dans les associations agréées de sécurité civile. Ce noyau dur constitue une bonne base. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils œuvrer pour que l’on passe à 100 000 bénévoles formés dans les prochaines années ?

Se former, c’est être en mesure d’accomplir les bons gestes en intervention, tout en se protégeant soi-même.

Se former, c’est monter en compétence et obtenir une meilleure reconnaissance de la part des différents acteurs institutionnels comme de la part des employeurs.

L’enjeu de la montée en compétences suppose que les associations agréées de sécurité civile disposent des moyens financiers nécessaires à leur existence, à l’amélioration des qualifications et à une augmentation de leurs équipements, notamment les applications mobiles.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, ces mesures, qui sont autant de réponses, sont au cœur de la proposition de loi visant à reconnaître le bénévolat de sécurité civile de notre collègue député Yannick Chenevard, présent ce soir dans nos tribunes – je salue son travail.

Ce texte, voté à l’Assemblée nationale, a été transmis au Sénat le 27 mars 2024. Le Gouvernement envisage-t-il de l’inscrire à l’ordre du jour des travaux de la Haute Assemblée d’ici, au mieux, à la fin de cette session parlementaire, au pire, à la fin de l’année civile ?

L’enjeu du rapprochement et de l’intégration opérationnelle des associations agréées de sécurité civile et des Sdis est tout aussi prégnant. Tout en préservant la distinction entre les bénévoles de sécurité civile et les sapeurs-pompiers volontaires, il convient de faire partager aux uns et aux autres une culture commune, d’un point de vue tant déontologique qu’opérationnel, lors des interventions.

Monsieur le ministre, ce débat me donne aussi l’occasion d’insister sur les défis auxquels notre sécurité civile à la française doit faire face.

Le premier défi concerne la directive européenne sur le temps de travail.

Ce texte reste une épée de Damoclès qui inquiète et trouble la sérénité des soldats du feu. Monsieur le ministre, quelles indications pouvez-vous nous donner quant à l’adoption d’une directive spécifique visant à protéger l’engagement bénévole et volontaire dans le domaine de la protection civile ?

Le deuxième défi concerne le renouvellement et la massification de nos forces de sécurité civile.

Nous devons y parvenir pour faire face au vieillissement de la population, donc à l’augmentation constante des interventions pour secours à personne à domicile – à la suite d’accidents domestiques ou de chutes – ou sur la voie publique. Je rappelle que les missions de secours d’urgence aux personnes représentent 84 % des missions réalisées par les sapeurs-pompiers au quotidien.

À la réalité démographique liée à la pyramide des âges s’ajoute une réalité climatique, l’augmentation des inondations et des épisodes méditerranéens ou cévenols, sans parler des cyclones auxquels nos compatriotes ultramarins doivent de plus en plus faire face.

Comment répondre à la crise des vocations, notamment dans le monde rural ? Comment recruter et conforter le maillage territorial pour renforcer la proximité des services de sécurité civile et garantir une réponse rapide et efficace des urgences ?

Alors que les différents acteurs publics s’étaient accordés pour sanctuariser le maillage territorial des Sdis, plus de 2 000 centres de secours ont disparu depuis dix ans. C’est regrettable, c’est même fâcheux, car cela se traduit non seulement par une dégradation de la couverture opérationnelle, singulièrement dans le monde rural et les territoires de montagne, mais aussi par la fermeture de points de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires et celle de postes avancés pour informer et sensibiliser les populations aux gestes qui sauvent.

Le troisième défi a trait à la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires pendant leur activité professionnelle.

Le quatrième défi consiste à faire face à la montée de l’insécurité et des agressions que subissent nos forces de sécurité civile.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Hussein Bourgi. Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il de faciliter le recours au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour l’acquisition d’équipements de protection individuelle – gilets pare-lames, caméras-piétons… ?

Au moment de conclure, je veux exprimer notre considération et notre respect à ces femmes et à ces hommes qui portent un uniforme, que celui-ci soit bleu, blanc, rouge ou orange. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Bourgi, nous sommes en pleine discussion avec les autorités européennes sur la directive relative au temps de travail.

Nous contestons l’idée selon laquelle les bénévoles qui s’engagent sont soumis aux conditions d’un salarié « traditionnel » ; cela paraît tout à fait décalé. Nous essayons au contraire de faire comprendre qu’une grande partie des personnes qui concourent à la sécurité civile le font en qualité de citoyens et qu’il s’agit donc d’un engagement au service de la population.

Nous espérons trouver un accord de modulation dans l’appréhension que peut avoir l’Union européenne de notre situation spécifique. Le travail est engagé, il n’est pas terminé. Nous avons bon espoir d’être entendus.

Sur la formation, parmi les pistes de réflexion examinées dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile figure la création d’une Académie de la sécurité civile. (Mme Émilienne Poumirol acquiesce.) Elle renforcerait le rôle de l’École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp) via une mission de pilotage et de coordination de la formation des acteurs de la sécurité civile à l’échelon national.

C’est sans doute une piste intéressante, à même de développer cette formation que nous appelons tous de nos vœux. Il faut continuer d’avancer sur ce point. Toutefois, cette piste concerne plus spécifiquement les sapeurs-pompiers professionnels : ne mélangeons pas les débats et concentrons-nous ce soir sur les bénévoles.

Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.

M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, merci de ce débat sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Quand on pense sécurité civile, on pense à nos sapeurs-pompiers, qui en constituent le pilier incontestable. J’en profite pour vous alerter sur la situation compliquée au sein du Sdis 59. Depuis quelque temps, le service départemental d’incendie et de secours du Nord se mue dans un silence total, restant sourd aux souhaits et revendications des élus de tous bords politiques, obligeant même la communauté d’agglomération de La Porte du Hainaut à bloquer, temporairement, un financement de quasi 8 millions d’euros.

Si l’on pense bien sûr aux sapeurs-pompiers, on oublie souvent, bien trop souvent, les 200 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile.

Moi-même bénévole depuis mes 16 ans dans l’une de ces associations, je ne connais que trop bien leur importance dans la capacité de résilience de la France. Nous leur devons beaucoup. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs reconnu le 6 octobre 2017, quand il a considéré à juste titre que ces bénévoles « incarn[aient] le visage d’une France solidaire, ouverte, généreuse, d’une France qui n’a pas peur, même dans ces pires moments ».

Nous devons beaucoup à ces bénévoles, nous le savons, lorsqu’ils prennent en charge la mise en place des dizaines de milliers de dispositifs prévisionnels de secours dans l’ensemble de nos communes, comme c’est le cas encore ce soir au Parc des Princes à l’occasion du match opposant le PSG à Liverpool.

Nous le savons encore, lorsqu’ils prennent en charge, et ce plusieurs fois par semaine, l’assistance aux naufragés sur les côtes du Pas-de-Calais.

Nous le savons, lorsque, en partie grâce à eux, les jeux Olympiques et Paralympiques se déroulent dans de bonnes conditions.

Nous le savons encore, lorsque, dans mon département du Nord, à Merville, ils sont intervenus en soutien des élus et des pompiers lors des dernières inondations.

Au-delà de la reconnaissance que nous leur devons, quels actes concrets pouvons-nous accomplir pour favoriser le développement du bénévolat de sécurité civile ?

Quid de l’harmonisation des associations agréées de sécurité civile, notamment en revoyant les procédures des agréments départementaux ? Les disparités entre départements sont trop importantes.

Quelle reconnaissance pour le bénévolat de ces femmes et de ces hommes, qui ont pour seul intérêt la capacité de résilience de la France ?

La proposition de loi du député Yannick Chenevard, que j’ai connu en un autre temps, avant nos engagements politiques respectifs, moi, simple bénévole à la protection civile, lui, président bénévole de la Fédération nationale de protection civile, est une réponse à ces enjeux.

Ce texte prévoit non seulement une valorisation financière versée sur le compte personnel de formation – vous l’avez mentionné, monsieur le ministre –, mais surtout l’obtention de trimestres supplémentaires entrant dans le calcul de la retraite, et ce à partir de dix ans de bénévolat.

Comment améliorer l’attrait des associations agréées de sécurité civile ? Monsieur le ministre, envisagez-vous de faciliter leur participation aux opérations de secours du quotidien, comme c’est déjà le cas dans certains départements, notamment en région parisienne ?

Vous avez évoqué voilà quelques instants la formation aux premiers secours dans les écoles primaires. Ce dispositif existe déjà : c’est le programme « apprendre à porter secours » (APS) de l’éducation nationale, malheureusement assez peu appliqué.

Une proposition a été émise pour inclure cette formation dans celle du permis de conduire. Est-ce un souhait du Gouvernement ?

Enfin, des dispositifs de reconnaissance mutuelle entre les formations dispensées par différentes structures – ministère du travail, ministère de la santé, ministère de l’intérieur, AFGSU (attestation de formation aux gestes et soins d’urgence), PSE (premiers secours en équipe), équipier de sapeurs-pompiers pour les secours d’urgence aux personnes (Suap) – sont-ils à l’étude ?

Monsieur le ministre, ces bénévoles donnent de leur temps libre, beaucoup de leur temps libre. Peuvent-ils vous trouver à leurs côtés de manière concrète ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur Hochart, j’ai déjà répondu à un certain nombre des questions que vous avez posées.

Nous aurons à traiter des enjeux d’agrément et d’harmonisation, en gardant à l’esprit qu’il faut que cela se passe de la même manière partout sur le territoire. En effet, même si les actions diffèrent en fonction des lieux, l’engagement est le même. Il faut donc une uniformisation des agréments.

L’intervention des associations agréées de sécurité civile en matière de secours aux personnes est quant à elle possible depuis 2021. S’applique-t-elle partout ? Toutes les associations s’y sont-elles engagées ? Ce n’est pas évident… Il existe quasiment autant de façons de faire que de départements, avec des niveaux d’investissement très différents : l’organisation étant départementale, tout est à la main de ces structures.

Dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, dont on espère qu’il arrivera bientôt à terme, le Gouvernement et l’État travailleront à harmoniser les pratiques pour garantir un équilibre entre les territoires et avoir une appréhension cohérente de notre sécurité civile. Nous verrons s’il est aussi possible d’avoir partout la même organisation au même moment : ça, c’est une autre affaire ! (Sourires.)

Au sein de cette réforme structurelle, ces enjeux sont importants. En effet, notre dispositif de sécurité civile est remarqué à l’étranger, singulièrement à l’échelle européenne : des ressortissants de nombreux pays viennent se former à l’École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers. Si nous voulons conserver ce leadership, il faut être en mesure de créer des structures pérennes. Cela passe par une uniformisation de l’action.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte.

Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux commencer mon propos sans rendre un hommage appuyé au plus de 250 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile. Ils méritent en effet respect et remerciements pour leur dévouement et leur engagement sans faille au service de tous. Ils forment le pilier indispensable de notre modèle de protection des populations. À tous, un grand merci !

Alors que notre territoire doit affronter de nombreux défis, nous savons que nous pouvons compter sur chacun d’entre eux.

Ce sont eux qui s’engagent au quotidien afin d’accompagner, protéger, secourir, soigner ou encore réconforter les sinistrés et les blessés.

Ce sont eux qui se sont mobilisés lors de la crise covid afin d’organiser et de coordonner les campagnes de dépistage et les centres de vaccination.

Ce sont eux, encore, qui sont venus au secours des habitants du Nord, lorsque mon département et celui du Pas-de-Calais voisin ont été touchés par de violentes inondations à la fin de l’année 2023.

Ce sont eux, enfin, que nous avons retrouvés cet été, à Paris, à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques, sur la grande majorité des sites qui accueillaient des épreuves.

La Nation leur doit beaucoup. Ils sont indispensables à notre société.

C’est pourquoi il est incontournable de réfléchir et de travailler à mieux reconnaître l’engagement des membres de cette communauté du secours, dont les associations constituent un véritable maillage, une véritable richesse. Je pense notamment à la Croix-Rouge française, à la Société nationale de sauvetage en mer, à la Fédération nationale de protection civile ou à la Fédération française de sauvetage et de secourisme. Je ne peux les citer toutes, mais ces associations constituent un tissu dense sur l’ensemble de notre territoire.

La loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite Matras, a déjà amélioré la reconnaissance de l’engagement des bénévoles de ces associations. Elle a fait évoluer leurs missions et a introduit la notion de reconnaissance de cet engagement citoyen par la Nation.

Ce débat nous donne l’occasion de dire combien il est primordial d’aller plus loin sur ce sujet. J’adresse mes remerciements à Jean-Pierre Corbisez d’avoir permis son inscription à l’ordre du jour de nos travaux et au député Yannick Chenevard, présent ce soir dans nos tribunes.

Comment permettre aux associations de sécurité civile de répondre avec davantage d’efficacité aux sollicitations toujours plus nombreuses des pouvoirs publics ? Comment encourager, faciliter et amplifier l’indispensable engagement de citoyens au service de notre nation ?

Pour répondre au mieux à l’ensemble de ces défis, une meilleure reconnaissance du rôle de tous ces bénévoles est primordiale. Nous pourrons ainsi disposer d’un solide pilier de bénévoles mobilisables pour secourir les populations victimes ou sinistrées.

Monsieur le ministre, envisagez-vous de permettre à tous ces bénévoles de sécurité civile d’acquérir des droits comptabilisés en euros sur le compte personnel de formation au titre des activités de volontariat recensées au travers de l’engagement citoyen ?

Comptez-vous également valoriser la retraite des bénévoles par l’attribution de trimestres complémentaires, à l’exemple du dispositif prévu pour les sapeurs-pompiers volontaires ? À ce propos, il est urgent que cette mesure entre en vigueur : nous attendons toujours la publication du décret d’application. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, nous sommes favorables à l’idée d’abonder le compte professionnel de formation des bénévoles. C’est l’une des pistes les plus sérieuses que nous examinons pour apporter aux bénévoles une sorte de gratification, sans dévoyer pour autant les notions de bénévolat et de volonté de servir.

De manière plus générale, vous évoquez les grands événements que la France a connus, notamment dans votre territoire. Nous entrons là dans le cadre de la redéfinition des missions de l’ensemble des structures qui concourent à la sécurité civile. En effet, non seulement les risques ont changé, mais il faut sans doute revoir l’organisation de ces missions. N’oublions pas que seulement 6 % des interventions des sapeurs-pompiers concernent des feux ou des incendies, quelle que soit leur taille ; le reste est consacré au secours aux personnes. D’ailleurs, cela renvoie à des situations bien différentes : de l’accident de circulation dramatique, où ils peuvent évidemment être en première ligne, au simple transport ou à l’accompagnement.

Il faut donc revoir l’organisation pour libérer le temps des uns en confiant certaines missions à d’autres acteurs et ainsi optimiser les structures. Tout cela tient beaucoup à la coordination des actions, notamment par le biais des plateformes de gestion des appels, pour lesquelles j’ai beaucoup d’intérêt, parce qu’elles me semblent les plus à même de remplir une telle mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumont.

Mme Françoise Dumont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, nous parlons reconnaissance du bénévolat de sécurité civile, à la demande, fort à propos, du groupe CRCE-K.

Plus que jamais, le bénévolat constitue l’un des piliers essentiels du modèle de sécurité civile français. Il doit être protégé et encouragé.

L’engagement individuel, l’abnégation, le courage face au danger et le sens du service des bénévoles et des volontaires sont remarquables. Je tiens à rendre hommage, ce soir, dans l’enceinte de la Haute Assemblée de notre République, aux bénévoles des associations de sécurité civile et à l’ensemble des sapeurs-pompiers de France, volontaires, professionnels et militaires.

Ils sont 250 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile. Pourtant, ils constituent encore un maillon souvent méconnu, bien qu’essentiel, de la chaîne de sécurité civile, s’inscrivant dans la continuité logique des personnels professionnels et volontaires des sapeurs-pompiers, lesquels constituent les 250 000 autres Français à composer la grande famille de la sécurité civile de notre pays.

Alliant bénévolat et spécialisation, les associations agréées de sécurité civile contribuent à faire vivre la culture du risque parmi la population et à augmenter sa résilience. Elles peuvent, dans certains cas, venir en appui des sapeurs-pompiers et d’autres acteurs publics de la sécurité civile.

Leur assurer une meilleure reconnaissance est un projet ancien de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), selon une approche ouverte aux citoyens sauveteurs, collaborateurs occasionnels du service public, sur la base du statut créé par la loi du 3 juillet 2020.

La FNSPF appelle aussi, justement, à mieux valoriser les anciens sapeurs-pompiers en les incitant à rejoindre les réserves citoyennes des Sdis et en appelant à systématiser la création de réserves communales de sécurité civile dans les communes dotées d’un plan communal ou intercommunal de sauvegarde et à parfaire la connaissance des ressources bénévoles par l’autorité préfectorale.

Assurer une meilleure reconnaissance des associations agréées de sécurité civile a été l’un des aspects majeurs de la proposition de loi de notre collègue, le député du Var Yannick Chenevard, adoptée par l’Assemblée nationale le 27 mars 2024 et en attente d’examen par le Sénat. La Chambre haute pourrait s’enorgueillir d’inscrire rapidement à son ordre du jour cette proposition de loi qui vise à pérenniser et amplifier le bénévolat dans la sécurité civile en donnant aux quelque 600 associations agréées les moyens d’agir. Ce texte prévoit notamment de faciliter les possibilités d’absence professionnelle, entre autres, grâce à un label à destination des employeurs, et développe les pistes d’une meilleure reconnaissance de l’engagement bénévole.

Comment améliorer la reconnaissance du bénévolat de sécurité civile ? Cette question, nous nous la sommes aussi posée, au sein du groupe de travail interne au groupe Les Républicains du Sénat relatif à la sécurité civile, que j’ai eu l’honneur d’animer durant dix-huit mois. Dans ce cadre, nous avons souhaité mettre en avant plusieurs préconisations de bon sens. Il nous a semblé qu’il existait un retard dans la délivrance des décorations et autres marques de reconnaissance.

Celui-ci a commencé à être comblé durant les dernières années, d’abord au travers de la création de la médaille de la sécurité intérieure, puis par la création, dans la loi Matras de 2021, de la mention « Mort pour le service de la République ».

Malgré cela, beaucoup reste encore à faire. Avec le groupe de travail, nous avons considéré qu’il serait opportun de renforcer les efforts de reconnaissance honorifique et symbolique, tant des sapeurs-pompiers que des membres d’associations agréées de sécurité civile, en réfléchissant à la mise en place de critères d’attribution et en s’inspirant de l’exemple des pratiques au sein des unités militaires exerçant des fonctions de sapeurs-pompiers à Paris et Marseille.

Au travers de nos auditions, il nous est également apparu qu’il fallait conforter les associations de sécurité civile dans leur rôle d’auxiliaires indispensables de l’action des pouvoirs publics. Pour ce faire, notre rapport préconise aussi d’améliorer la visibilité, via une meilleure communication publique, des formations aux premiers secours, de renforcer les efforts de formation des élèves du secondaire, d’associer plus étroitement les associations agréées aux organes départementaux concernés par ces enjeux et de sensibiliser les futurs décideurs publics, lors de leur formation, au rôle des associations agréées de sécurité civile.

Toutes ces pistes, et tant d’autres, sont autant de propositions simples et de bon sens que je souhaitais apporter à notre débat de ce soir, tant le bénévolat de sécurité civile est essentiel en tant qu’organe participant grandement à la capacité de résilience de notre pays. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Françoise Dumont, j’ai bien compris que, ce soir, le sénateur Corbisez avait suscité une présence puissante du Var.

M. François-Noël Buffet, ministre. Je profite de l’occasion pour saluer votre travail dans ce domaine, notamment au sein de la commission des lois du Sénat, et votre engagement en faveur des sapeurs-pompiers. Vous avez publié un rapport au mois de mai 2024 et nous n’allons pas cacher à la Haute Assemblée que vous allez bientôt m’en présenter l’ensemble des conclusions dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile.

Parmi les mesures que vous préconisez, certaines retiennent particulièrement notre attention, notamment en vue de leur intégration dans le cadre législatif que nous envisageons. En particulier, la question de la reconnaissance par voie de distinction mérite d’être soulignée. Le caractère symbolique de cette reconnaissance est fondamental. Si les aspects matériels sont essentiels, il est tout aussi crucial que la Nation exprime sa gratitude envers ceux qui contribuent à sa sécurité civile. Être reconnu par ses compatriotes pour son engagement, bénévole de surcroît, représente une marque de considération précieuse, qui participe pleinement de l’esprit de cohésion nationale.

Nous connaissons tous, dans nos territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains, l’importance des sapeurs-pompiers et de tous ceux qui œuvrent pour la sécurité de chacun. Par ailleurs, la visibilité de la formation aux premiers secours constitue un enjeu majeur. Plus tôt elle débutera, mieux ce sera. C’est d’ailleurs l’un des axes que nous avons retenus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru.

Mme Anne-Sophie Patru. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par saluer et remercier les 250 000 bénévoles de la sécurité civile pour leur action.

Leur aide est essentielle en tant qu’acteurs du quotidien. Je pense à la Croix-Rouge, à la Société nationale de sauvetage en mer, à la protection civile… Je les ai encore vus en action récemment dans l’Ille-et-Vilaine lors des crues historiques que nous avons connues, ou encore lors de la mise en place de centres de vaccination contre la méningite à Rennes. Leur action est constante, ils œuvrent pour la prévention, ils soignent nos concitoyens et sauvent des vies.

La mission nationale sur la sécurité civile et les risques majeurs commandée par le Président de la République, ou encore la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale le 25 avril 2023 par notre collègue député Chenevard, que je salue à mon tour, visent à apporter des réponses à cette volonté de valorisation et de renouvellement du volontariat.

Mais le mieux étant toujours l’ennemi du bien, prenons garde de ne pas mettre en concurrence les différentes formes d’engagement. (M. le ministre acquiesce.) L’extension aux bénévoles de sécurité civile des droits dont bénéficient les sapeurs-pompiers volontaires depuis la loi Matras de 2021 ne doit pas créer une telle concurrence, sous peine de nuire à notre modèle de sécurité civile dans son ensemble. L’alchimie est ici essentielle pour la préservation de l’un et le développement de l’autre.

Pour le développement et le maintien de ce bénévolat, il est nécessaire de faciliter l’engagement au quotidien. Cela passe d’abord par les relations professionnelles : comme nos débats sur les sapeurs-pompiers ou même sur le statut des élus l’ont montré, cet aspect conduit souvent à une limitation de l’engagement.

Nous devons lancer le plus rapidement possible les travaux sur la création d’une charte de déontologie du bénévolat, sur celle d’un label « employeur partenaire » ou encore sur les moyens de faciliter l’obtention d’autorisations d’absence pour les bénévoles.

L’octroi de trimestres supplémentaires de retraite est également un levier à mobiliser, comme pour le statut de l’élu, mais toujours en respectant l’alchimie délicate de notre modèle de sécurité civile.

Enfin, comme souvent, il faut simplifier, simplifier et simplifier. Un décret récent vise justement à simplifier les modalités d’habilitation et à alléger la charge administrative d’instruction des demandes par les préfectures, pour leur permettre de se concentrer sur leur mission de contrôle des entités habilitées et pour rendre plus lisible la réglementation applicable aux acteurs du secourisme : il est bienvenu.

Ainsi, chers collègues, comme vous l’avez déjà tous souligné, la reconnaissance du bénévolat dans la protection civile doit veiller à l’équilibre global du système et valoriser cet engagement à sa juste valeur, pour permettre de déployer une action rapide sur tout notre territoire dans les temps de crise comme dans ceux du quotidien. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Nous nous sommes retrouvés il y a quelques semaines à Rennes, lors des inondations qui ont durement touché le bassin versant entre Rennes et Redon. Nous avons alors constaté que, bien au-delà du travail remarquable des sapeurs-pompiers, l’engagement du monde bénévole a joué un rôle déterminant. Grâce à leur mobilisation, la situation, aussi dramatique soit-elle, a pu être maîtrisée et bien gérée, ce qui est évidemment une source de satisfaction.

Concernant la proposition de création d’un label « employeur bénévole », nous y sommes tout à fait favorables. Cette idée figure d’ailleurs dans le texte du député Chenevard et nous y adhérons pleinement.

Mais le point le plus essentiel de votre intervention, que j’approuve et souhaite particulièrement souligner, c’est l’importance de ne pas mettre en concurrence les acteurs entre eux. Chacun a son rôle, sa mission, sa compétence. Tous sont engagés, mais chacun intervient dans son domaine d’expertise. Il est essentiel que cette complémentarité soit préservée, car c’est elle qui garantit l’efficacité du continuum de sécurité civile. Je vous remercie d’avoir insisté sur ce point, qui est, pour nous aussi, absolument fondamental.

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie mes collègues du groupe CRCE-K d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.

En effet, le sujet du bénévolat de sécurité civile mérite d’être défendu dans cette assemblée, tout comme celui de sa reconnaissance et de sa valorisation. Ces hommes et ces femmes incarnent des valeurs de solidarité, de civisme et d’altruisme au quotidien. Il est essentiel de reconnaître leur engagement citoyen.

Nous avons en France un modèle de sécurité civile hybride, partagé entre les sapeurs-pompiers et les associations agréées de sécurité civile. Les sapeurs-pompiers sont le principal pilier de ce système, qui repose essentiellement sur le volontariat. On comptait plus de 200 000 sapeurs-pompiers volontaires en 2023, ce qui représente 78 % des effectifs de sapeurs-pompiers. Ceux-ci interviennent au quotidien et au cœur des crises pour porter un secours immédiat. Les sapeurs-pompiers assurent 75 % des opérations de secours, ce qui en fait le premier service d’urgence de proximité de notre pays.

À leurs côtés, les associations de sécurité civile comptent environ 200 000 membres. Elles assurent des missions complémentaires de prévention, sécurisent les grands rassemblements de personnes et sont essentielles pour anticiper les crises et assurer le retour à la normale.

Cependant, et depuis plusieurs années déjà, ce système connaît des tensions importantes, en raison de plusieurs facteurs.

D’une part, selon la FNSPF, l’activité opérationnelle des sapeurs-pompiers s’est accrue de 30 % en vingt ans. Cette hausse concerne très largement les activités de secours aux personnes, qui ont augmenté de 75 % sur la même période. Face au délitement de nos services publics, lorsque l’accès aux soins n’est pas assuré, les sapeurs-pompiers représentent parfois la seule solution pour nos concitoyens, le dernier service public de proximité. La Cour des comptes écrivait déjà, dans un rapport de 2019, que les sapeurs-pompiers compensaient la désertification médicale, en particulier dans les territoires ruraux.

En outre, alors que les catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, comme les inondations ou les incendies, se multiplient et que le nombre d’interventions augmente, les effectifs de bénévoles et de volontaires restent stables, malgré les campagnes de valorisation et de fidélisation menées régulièrement par les Sdis.

Il est donc crucial de mieux reconnaître le bénévolat de sécurité civile pour assurer la pérennité de notre modèle. Des efforts ont déjà été engagés en la matière. Les parlementaires ont voté en 2021 la loi Matras, qui a permis de réaliser un certain nombre de progrès. Toutefois, quelques chantiers restent à mener.

Je voudrais d’abord rappeler les risques que fait peser la jurisprudence Matzak, qui conduit à assimiler les sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs. J’avais interpellé la ministre Marlène Schiappa à ce sujet en 2021. Depuis lors, rien ne semble avoir évolué et les présidents de Sdis s’en inquiètent.

Vous nous dites soutenir un projet de nouvelle directive, monsieur le ministre. Il faudrait surtout en proposer directement une nouvelle, puisque c’est notre système français de sécurité civile qui est en cause…

Je souhaite également vous interpeller sur le décret d’application relatif à la bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires. Nous avions voté cette mesure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative de 2023. Cette disposition était très attendue par les sapeurs-pompiers volontaires et son adoption était un signal fort de reconnaissance de leur engagement par les parlementaires.

Le gouvernement d’Élisabeth Borne avait tenté de vider la mesure de sa substance par voie réglementaire, en limitant son bénéfice aux seuls sapeurs-pompiers volontaires sans activité professionnelle. Cette restriction excluait de fait la quasi-totalité des sapeurs-pompiers volontaires. Un tel détricotage a entraîné une vive réaction de l’ensemble des sapeurs-pompiers et le Gouvernement a dû revoir sa copie.

La parution du décret, prévue originellement pour la fin 2023, a été reportée. Vous nous dites à présent qu’il sera discuté dans le cadre du « conclave » sur les retraites… Quand sera-t-il publié ? Les sapeurs-pompiers volontaires l’attendent ; ils méritent cette reconnaissance. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Poumirol, concernant le décret, comme je le mentionnais tout à l’heure, son inscription dans le calendrier national dépendra de l’issue du débat en cours. Si un accord est trouvé à l’issue dudit conclave sur les retraites, les choses pourraient avancer rapidement. Dans le cas contraire, le processus pourrait être plus long. C’est un peu comme le fût du canon, si je puis dire, mais c’est ainsi que les choses se déroulent.

Dans le meilleur des cas, nous pourrions espérer une avancée avant l’été ; sinon, ce sera probablement au début de l’automne. Quoi qu’il en soit, nous sommes pleinement engagés dans cette dynamique.

En ce qui concerne la directive européenne, vous avez raison : il s’agit non pas seulement de participer aux discussions, mais bien d’être à l’initiative. Nous devons adopter une approche proactive et c’est dans cet état d’esprit que nous nous inscrivons.

Enfin, je tiens à revenir sur un point essentiel que vous avez souligné : l’évolution profonde des missions des sapeurs-pompiers. Aujourd’hui, les interventions sur incendie ne représentent plus que 6 % de leur activité, contre 85 % à 86 % pour l’aide à la personne. Cette réalité doit être prise en compte. Il est important de distinguer les différentes formes d’aide à la personne afin de mieux équilibrer les missions et, ainsi, de renforcer leur efficacité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des vies consacrées à des causes plus grandes que soi, des actions qui cimentent la résilience de notre nation. L’engagement des bénévoles de la sécurité civile en est une illustration incontestable.

Ils sont 250 000 femmes et hommes à répondre présents quand l’urgence l’impose pour protéger, secourir, préserver. Incendies, inondations, crises sanitaires : à chaque épreuve, ils sont là. Dans les épreuves de la vie, aussi : pour avoir participé à des maraudes de la protection civile, à Paris, auprès de personnes à la rue, je sais toute leur expertise pour écouter et prendre en charge les blessures physiques comme psychiques des plus vulnérables.

Ces bénévoles, nous en aurons toujours plus besoin et en plus grand nombre. Comme l’avait fait peu de temps auparavant l’ouragan Irma à Saint-Martin, le cyclone Chido à Mayotte nous a interpellés sur la dramatique insuffisance en matière de culture du risque chez de nombreux citoyens et sur toutes les difficultés à entrer en contact avec les populations les plus vulnérables – je parle de vulnérabilité non seulement géographique, mais aussi sociale ou culturelle.

Mieux reconnaître et faciliter l’engagement des bénévoles des associations agréées de la sécurité civile, faire confiance à leur expertise de terrain et à leur proximité avec la population, c’est se donner les moyens de faire vivre une solidarité en action.

Le texte adopté à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion de notre collègue Yannick Chenevard, que je salue, marque des avancées décisives pour la reconnaissance de l’engagement des bénévoles et de leurs employeurs. Ce n’est ni un privilège ni une faveur, c’est une question de justice.

Il faudra de nouveau évoquer des dispositions qui n’ont pas été adoptées à l’Assemblée nationale, comme le renforcement du modèle économique des associations agréées de sécurité civile ou une meilleure défiscalisation des dons. Le Beauvau de la sécurité civile, vous l’avez dit, monsieur le ministre, doit reprendre ce débat crucial et un projet de loi doit nous être présenté rapidement. Nous serons très exigeants pour nous montrer à la hauteur de l’engagement et des compétences de nos bénévoles.

Monsieur le ministre, à l’heure de la multiplication et de l’aggravation des risques, je compte aussi sur le Beauvau de la sécurité civile pour accomplir des progrès décisifs en matière d’implication citoyenne. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, voulue par Jacques Chirac, avait affirmé un principe essentiel : la sécurité civile est l’affaire de tous, c’est l’affaire de chaque citoyen. Vingt ans après, nous n’y sommes pas du tout.

Il est absolument incroyable que les rares outils technologiques qui ont été mis en place ne soient destinés qu’à l’information de la population, de manière totalement verticale. Pourquoi ne sont-ils pas déployés pour permettre à chaque citoyen d’être acteur du secours à la personne et de sauver des vies ? Nous connaissons tous l’application « SAUV Life », qui permet à tous ceux qui sont inscrits d’être alertés si quelqu’un fait un arrêt cardiaque à proximité. Pourquoi n’a-t-on pas encore sur nos smartphones une application qui nous permette, par exemple en cas de catastrophe naturelle, de nous former et d’intervenir utilement dans l’attente des secours, éventuellement en étant guidés ?

N’ayons pas peur de faire de chaque citoyen un acteur. À condition d’avoir les bons outils et les bonnes méthodes, la participation de tous conduit non pas à désorganiser la sécurité civile, mais à en démultiplier la puissance.

C’est pourquoi je vous demande instamment, monsieur le ministre, de bien vouloir travailler à la conception de tels outils et de mettre en place, par exemple, une application à destination de tous les citoyens, pour sauver des vies en métropole et en outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Marie-Claire Carrère-Gée, votre intervention met en lumière une problématique essentielle au sein même du sujet : la sécurité civile est largement évoquée, mais la question de la formation, et si possible d’une formation accessible au plus grand nombre, demeure un enjeu considérable. Nous ne pouvons faire l’impasse sur ce point dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile. Il doit être appréhendé non pas comme un élément à part, mais comme un volet totalement intégré, avec des solutions concrètes et fonctionnelles.

Sensibiliser les jeunes dès l’enfance, dès le collège, est une première étape importante. Mais la réalité est que la majorité des citoyens, notamment les adultes, ne savent pas comment réagir face à une situation d’urgence. Cette problématique est d’autant plus cruciale dans les régions exposées à des risques technologiques. Prenons l’exemple de la vallée du Rhône, que je connais bien : une grande partie de la population ne saurait pas comment réagir immédiatement en cas d’incident majeur.

C’est pourquoi la mise en place d’une application dédiée pourrait s’avérer extrêmement utile. Elle permettrait d’informer et de guider les citoyens sur les premiers comportements à adopter en cas de pollution, d’inondation ou encore de risque chimique. Bien entendu, le secours direct nécessite une formation et des compétences spécifiques, mais l’information sur les bons réflexes à avoir dès les premiers instants est un levier essentiel.

Le Beauvau de la sécurité civile doit impérativement intégrer cette réflexion. Toutes les contributions en ce sens sont les bienvenues et celle-ci en particulier mérite toute notre attention.

Enfin, nous sommes pleinement conscients du moment stratégique que représente ce Beauvau. Si nous n’abordons pas sérieusement la question de l’appropriation des gestes de premiers secours par le grand public, nous manquerons une étape essentielle dans le dispositif global de sécurité civile. Il est donc impératif que ce sujet soit intégré pleinement aux discussions, qui se poursuivront jusqu’en juin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Drexler.

Mme Sabine Drexler. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant la dernière intervenante dans ce débat et beaucoup de choses ayant déjà été dites, je ne reviendrai pas sur le contexte, les enjeux et les défis qui nous imposent aujourd’hui de mettre en place de nouvelles évolutions de notre modèle de sécurité civile et de mieux reconnaître le bénévolat de ceux qui s’y engagent.

Nous sommes tous d’accord sur le fait que la pression opérationnelle ne va que s’accentuer du fait de la multiplication des crises, comme les aléas climatiques de plus en plus hors-normes ou les besoins croissants de secours à la personne du fait du vieillissement de la population. Une proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale. J’espère qu’elle sera prochainement discutée dans cet hémicycle, à moins que le Gouvernement ne dépose un projet de loi plus large et plus complet encore, issu des travaux du Beauvau de la sécurité civile.

La proposition de loi de notre collègue Yannick Chenevard est déjà très complète. Pour ma part, forte de ce que je connais dans le Haut-Rhin, où le tissu associatif est particulièrement dynamique, je peux affirmer que, même si celui-ci repose sur un engagement désintéressé, sa reconnaissance est néanmoins un aspect essentiel pour maintenir la motivation et éviter l’épuisement des femmes et des hommes qui y consacrent leur temps.

L’amélioration du statut juridique, le renforcement des formations, la bonification de la retraite, la création de droits spécifiques ou encore la mise en place d’indemnités, à l’instar de ce qui existe déjà pour les sapeurs-pompiers volontaires – une autre forme d’engagement que je connais bien puisqu’il y en a plus de 4 000 dans mon seul département du Haut-Rhin – sont indispensables.

La reconnaissance peut aussi être honorifique pour ces bénévoles, dont l’engagement repose sur un équilibre entre compétences techniques et qualités morales, garantissant un secours efficace et respectueux des personnes aidées. Comme pour nos forces de l’ordre, décerner une décoration est une façon de reconnaître de manière officielle, publique et significative leur action et leur engagement.

Votre ministère décerne depuis 2012 la médaille de la sécurité intérieure. Elle reste trop peu connue et mériterait d’être davantage mise en lumière. Concernant la promotion du 1er janvier 2024, seuls trois récipiendaires sur 2 400 l’ont reçue avec l’agrafe « sécurité civile » ou « engagement citoyen ». Au vu des dizaines de milliers de membres actifs engagés dans les 600 associations agréées de sécurité civile dans notre pays, c’est très peu, pour ne pas dire insignifiant.

À titre d’exemple, dans mon département, le président de la Croix-Rouge de la section des Trois Frontières est un bénévole actif depuis quarante-sept ans, soit presque autant qu’une vie de travail. Un engagement d’une telle durée ne mériterait-il pas d’être publiquement reconnu ?

Paolo Coelho a écrit que les choses simples sont les plus extraordinaires. Je crois, monsieur le ministre, tout comme ma collègue Françoise Dumont – et comme vous l’avez vous-même dit tout à l’heure – que nous avons là un moyen assez simple non seulement de reconnaître et de valoriser les bénévoles engagés dans la sécurité civile, mais aussi d’inspirer et de motiver d’autres personnes à suivre leur exemple.

Seriez-vous prêt à inciter les préfets à proposer des dossiers de bénévoles actifs de la sécurité civile pour l’obtention de cette décoration, quitte à en augmenter le contingent pour ne pas léser les forces de l’ordre, dont de nombreux membres la méritent aussi amplement ? (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame Drexler, nous avons évidemment incité les préfets à recueillir les candidatures. Les dossiers d’attribution des décorations sont à la signature du ministre de l’intérieur, mais c’est aux préfets de nous faire remonter les informations : c’est le plus simple et le plus efficace. Il appartient aux associations et aux personnes qui le souhaitent de proposer des noms et nous y donnerons bien volontiers suite.

Je remercie le sénateur Corbisez d’avoir permis la tenue de ce débat, qui arrive – c’est le moins que l’on puisse dire – à point nommé, alors que nous avons engagé une réflexion globale sur la réorganisation de notre sécurité civile.

D’autres parlementaires travaillent également sur le sujet. Je salue ainsi la proposition de loi du député Chenevard ; ce texte, adopté par l’Assemblée nationale, comporte des mesures intéressantes.

Toutes ces initiatives finiront sans doute par se rejoindre. Nous ferons en sorte de les combiner pour parvenir à un beau texte.

Posons d’abord un diagnostic. Je crois que nous l’avons fait ce soir à propos du bénévolat de sécurité civile, même si nous avons aussi abordé d’autres sujets. Regardons la situation telle qu’elle est et essayons d’apporter les solutions les plus efficaces, les plus pragmatiques et les plus ancrées dans la durée possible, ce qui est indispensable.

Des évolutions très importantes – missions, matériels, technologies à intégrer dans la sécurité civile, etc. – doivent s’opérer. Reste la question fondamentale de l’argent et des moyens. Ne nous y trompons pas : tout promettre est une folie ; ne rien faire en est une autre. Entre ces deux écueils, il y a une voie à trouver.

Construire un dispositif structuré, équilibré et efficace va nécessiter des débats, mais je crois que nous y sommes prêts. En tout cas, d’ici à quelques semaines, nous saurons faire des propositions et, le cas échéant, trancher entre les différentes options.

Pour la Nation, comme pour nos compatriotes, il est essentiel d’aboutir à un texte qui soit largement soutenu. La diversité des situations est telle qu’il nous faudra énoncer des principes clairs tout en sachant nous adapter aux risques et aux enjeux spécifiques de chaque territoire. L’un des objectifs majeurs sera de garantir aux départements la capacité de maintenir des services d’incendie et de secours dans la durée. La préservation de la dualité pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires est nécessaire, en particulier en milieu rural.

L’équilibre actuel, s’il est extrêmement fragile, n’en demeure pas moins fondamental. Notre perspective de travail est donc claire : engager des réformes sans doute profondes, mais avec une minutie d’horloger suisse, afin que le mécanisme conçu tienne dans la durée.

Permettez-moi de vous faire part d’un témoignage. Voilà quelques semaines, lors d’une réunion européenne des ministres de la justice et des affaires intérieures (JAI) au cours de laquelle nous avons abordé les questions de sécurité civile, j’ai pu mesurer combien le système français fait figure de modèle à suivre pour nos partenaires européens. Nous sommes considérés comme les experts en la matière.

C’est une fierté pour nous et, plus encore, pour les professionnels et les bénévoles qui font vivre notre sécurité civile au quotidien. Mais c’est une fierté qui nous oblige : nous avons l’impérieuse obligation de réussir la réforme, afin de préserver ce niveau d’expertise et de compétence qui garantit l’efficacité du dispositif, au profit de nos compatriotes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre participation à ce débat. Nous serons amenés à nous revoir très rapidement, à l’occasion de l’examen du projet de loi qui sera présenté sur le sujet.

Conclusion du débat

Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe auteur de la demande.

M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aimerais commencer en vous racontant une histoire qui concerne mon département, le Pas-de-Calais.

Voilà une dizaine d’années, la sécurité civile du Pas-de-Calais avait un bel hélicoptère Dragon, rouge et jaune. Or, à l’époque, une ancienne députée de Guyane, devenue ministre, nous l’a quasiment détourné. Aujourd’hui, nous n’avons plus de Dragon.

M. le ministre Retailleau s’est rendu dans notre département voilà quelques jours. Des élus l’ont de nouveau interrogé. Pour les interventions en mer, notamment pour ce qui concerne les migrants, la Marine nationale n’a qu’un vieil hélicoptère Dauphin, d’une quarantaine d’années, avec des sièges défoncés et sans caméra thermique. Certes, elle envisagerait, semble-t-il, de doter le Pas-de-Calais d’un Guépard d’ici à 2028, selon certaines conditions en termes de locaux supplémentaires. Toutefois, comme chacun sait, en politique, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent…

Monsieur le ministre, vous avez évoqué des investissements. Si, entre deux canadairs et un appareil fabriqué par Eurocopter, vous pouviez glisser un hélicoptère supplémentaire pour la sécurité civile du Pas-de-Calais, ce ne serait pas de refus. Mieux vaut avoir toujours deux fers au feu !

Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence ce soir.

Vous le savez, le bénévolat de sécurité civile joue un rôle vraiment essentiel – chacun l’a souligné ce soir – dans la protection et l’assistance aux populations en situation de crise.

Ces bénévoles, engagés sans attente de contrepartie financière – ma collègue Mireille Jouve a parlé tout à l’heure de « don de soi » –, se mobilisent lors de catastrophes naturelles, d’accidents majeurs ou de crises sanitaires, apportant un soutien professionnel précieux aux services de secours et aux autorités.

Leur dévouement illustre une solidarité sans faille et contribue directement à la résilience de notre société face aux aléas. L’actualité récente nous offre un exemple marquant de cet engagement : dans le Pas-de-Calais, ce sont des centaines de bénévoles issus d’associations agréées, dont la Croix-Rouge et d’autres – il n’y avait pas que la protection civile –, qui sont intervenus pour évacuer les sinistrés, sauver les vies et apporter un soutien moral aux habitants durement touchés.

Tout au long de ce débat, nous avons exploré différentes facettes de la reconnaissance du bénévolat de sécurité civile.

Certains pourraient considérer que, dans la mesure où le bénévolat repose sur le principe même du désintéressement, une reconnaissance trop institutionnelle risquerait d’altérer cet esprit de volontariat. Je n’y crois pas.

Je plaide plutôt en faveur d’une valorisation plus explicite de tels engagements, soulignant les compétences acquises sur le terrain, la disponibilité exigée et les responsabilités assumées, qui mériteraient une meilleure prise en compte sur le plan tant individuel que sociétal – car il s’agit bien, je le crois, d’une question de société.

La reconnaissance du bénévolat peut se décliner sous plusieurs formes : une meilleure intégration des bénévoles dans les dispositifs de ce cadre civil ; un renforcement de leur formation et des moyens mis à leur distribution ; une valorisation officielle de leurs compétences dans le cadre académique ou professionnel.

Il s’agit ici non pas de remettre en question le caractère altruiste de leur engagement, mais bien de reconnaître leur rôle clef dans la gestion des crises et de s’assurer qu’ils disposent des outils nécessaires pour agir.

Nous avons par ailleurs abordé la question des retours spécifiques – je n’aime pas le terme « avantages » – pouvant être accordés aux bénévoles, comme la reconnaissance de leur mission dans leur parcours professionnel, la mise en place de dispositifs intégrant des droits à la retraite ou l’obtention de distinctions honorifiques. J’ai demandé au préfet du Pas-de-Calais d’honorer mes bénévoles ; si vous étiez disponible, monsieur le ministre, ce serait avec beaucoup de plaisir que je vous accueillerais à Arras.

De telles mesures visent non pas à transformer le bénévolat en un travail rémunéré, mais à le valoriser et à encourager un engagement pérenne. La reconnaissance du bénévolat de sécurité civile doit s’inscrire dans une réflexion plus large sur le rôle des citoyens dans la gestion de crise.

Dans un monde où les crises sont de plus en plus fréquentes et complexes, je pense qu’il est essentiel d’encourager la participation active de tous à la sécurité collective ; nous parlons presque de citoyenneté. Pour ce faire, nous, les pouvoirs publics, les élus, les associations et la société dans son ensemble devons collaborer pour soutenir, accompagner et valoriser ces bénévoles.

Mes chers collègues, le débat aura au moins permis de mettre en avant l’importance de trouver un équilibre entre le respect de l’engagement volontaire et la nécessité de mieux reconnaître l’apport essentiel des bénévoles de la sécurité civile. Il appartient désormais aux décideurs, aux organisations et même aux citoyens de transformer ces réflexions en actions concrètes pour que cet engagement soit non seulement reconnu, mais aussi renforcé, dans l’intérêt de tous.

Notre débat illustre à quel point le bénévolat est une force indispensable en période de crise venant compléter et renforcer l’action de services publics.

Monsieur le ministre, nous attendons votre projet de loi. Nous savons ici ce qu’était votre pugnacité sénatoriale ! (Sourires.) Croyez bien que nous sommes impatients de débattre sur votre texte. (Applaudissements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur la reconnaissance du bénévolat de sécurité civile.

7

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 6 mars 2025 :

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

Proposition de loi visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 366, 2024-2025) ;

Proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, présentée par MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée : texte de la commission n° 368, 2024-2025).

À l’issue de l’espace réservé au groupe UC et au plus tard de seize heures à vingt heures :

(Ordre du jour réservé au groupe RDSE)

Proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, présentée par MM. Jean-Yves Roux, Jean-François Rapin et plusieurs de leurs collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 362, 2024-2025) ;

Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote, présentée par M. Ahmed Laouedj et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 360, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER