Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Robert

Secrétaires :

M. Guy Benarroche, Mme Marie-Pierre Richer.

1. Procès-verbal

2. Protection de l’école de la République et des personnels qui y travaillent. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi

Mme Annick Billon, rapporteure de la commission de la culture

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mme Mireille Conte Jaubert

M. Jean Hingray

M. Pierre Ouzoulias

Mme Monique de Marco

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Laure Darcos

M. Max Brisson

Mme Samantha Cazebonne

Mme Agnès Evren

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 27 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 7 de Mme Marie-Pierre Monier. – Devenu sans objet.

Amendement n° 22 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 6 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 5 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet par scrutin public n° 212.

Amendement n° 14 rectifié de Mme Samantha Cazebonne. – Retrait.

Article 2

Amendement n° 21 rectifié de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié quater de Mme Maryse Carrère. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendement n° 10 rectifié de Mme Marie-Pierre Monier et sous-amendement n° 38 de Mme Monique de Marco. – Rejet du sous-amendement et adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Amendement n° 11 rectifié de Mme Monique de Marco. – Devenu sans objet.

Amendement n° 20 rectifié de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Devenu sans objet.

Après l’article 3

Amendement n° 12 rectifié de Mme Monique de Marco. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Rappel au règlement

M. Laurent Somon

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 3 (suite)

Amendement n° 2 rectifié sexies de M. Max Brisson. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1 rectifié sexies de M. Max Brisson. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 4

Amendement n° 28 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 29 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 30 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 13 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 31 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 25 de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 19 rectifié de Mme Samantha Cazebonne. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 5

Amendement n° 32 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 33 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 34 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 18 rectifié de Mme Samantha Cazebonne. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 6

Amendements identiques nos 8 de Mme Marie-Pierre Monier et 23 de Mme Monique de Marco. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 36 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 6 bis (nouveau)

Amendement n° 24 de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 9 de Mme Marie-Pierre Monier. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 6 ter (nouveau) – Adoption.

Article 7

Amendement n° 37 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Vote sur l’ensemble

Mme Colombe Brossel

Mme Monique de Marco

Adoption, par scrutin public n° 213, de la proposition de loi dans le texte de la commission , modifié.

Mme Élisabeth Borne, ministre d’État

Mme Annick Billon, rapporteure

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

3. Communication relative à une commission mixte paritaire

4. Modifications de l’ordre du jour

Suspension et reprise de la séance

5. Risque d’incendie lié aux batteries au lithium et cartouches de protoxyde d’azote. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi

M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

M. Bernard Pillefer

M. Alexandre Basquin

M. Jacques Fernique

M. Hervé Gillé

M. Daniel Chasseing

Mme Marta de Cidrac

Mme Patricia Schillinger

Mme Mireille Jouve

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 8 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Amendement n° 7 de M. Hervé Gillé. – Rejet.

Amendement n° 5 de M. Bernard Pillefer. – Retrait.

Amendement n° 4 rectifié de M. Cyril Pellevat. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Articles 3 et 4 – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

6. Prévention et gestion des inondations par les collectivités territoriales. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi

M. Jean-François Rapin

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

M. Jean-Pierre Corbisez

M. Jacques Fernique

M. Hervé Gillé

M. Christopher Szczurek

Mme Laure Darcos

M. Laurent Somon

Mme Solanges Nadille

M. Michel Masset

M. Jean-Michel Arnaud

M. Laurent Burgoa

Mme Anne-Sophie Patru

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Christine Lavarde

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

Amendement n° 19 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 16 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 20 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 21 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 18 rectifié du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 2 – Adoption.

Après l’article 2

Amendement n° 22 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 23 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 9 rectifié de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 13 de M. Hervé Gillé. – Rejet.

Article 3

Amendement n° 24 rectifié de la commission. – Adoption.

Amendement n° 10 de Mme Catherine Di Folco. – Retrait.

Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Rappel au règlement

M. Jean-Pierre Corbisez

Après l’article 3

Amendement n° 17 du Gouvernement. – Rejet.

Vote sur l’ensemble

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Maryse Carrère

M. Jean-François Rapin

M. Michel Canévet

M. Hervé Gillé

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

7. Lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Ahmed Laouedj, auteur de la proposition de loi

Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

Mme Anne Souyris

Mme Marion Canalès

M. Daniel Chasseing

M. Khalifé Khalifé

Mme Solanges Nadille

Mme Véronique Guillotin

Mme Jocelyne Guidez

Mme Silvana Silvani

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 9 de Mme Anne Souyris. – Rejet.

Amendement n° 6 de Mme Marion Canalès. – Rejet.

Amendement n° 10 rectifié de Mme Anne Souyris. – Rejet par scrutin public n° 214.

Amendement n° 2 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Rejet.

Amendement n° 1 rectifié de M. Bernard Pillefer. – Adoption.

Amendement n° 11 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 12 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 13 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 5 de Mme Marion Canalès. – Adoption.

Amendement n° 3 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 2

Amendement n° 8 de Mme Marion Canalès. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales

M. Yannick Neuder, ministre

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaires :

M. Guy Benarroche,

Mme Marie-Pierre Richer.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent
Article 1er

Protection de l’école de la République et des personnels qui y travaillent

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (proposition n° 234, texte de la commission n° 366, rapport n° 365).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP et RDSE.)

M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, et celui de Dominique Bernard, le 13 octobre 2023, ont choqué la France et révélé au grand jour les pressions, menaces et agressions dont les enseignants et, plus largement, les personnels de l’éducation nationale sont victimes au quotidien.

Trois ans après l’assassinat de son frère, Mickaëlle Paty a écrit un courrier à Gérard Larcher, qui a aussitôt eu un écho au sein de notre institution. En effet, le président du Sénat a demandé à la commission des lois et à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport de constituer une mission commune d’information dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, afin de faire le point sur la situation. Dominique Bernard était alors encore en vie.

Cette mission commune d’information a mené ses travaux pendant plus de six mois, entendu de nombreux acteurs en audition, fait des visites de terrain. Ses travaux ont souligné la violence endémique qui sévit dans de nombreux établissements.

Les chiffres recueillis à cette occasion en témoignent : deux tiers des établissements secondaires ont déclaré un incident grave au cours de l’année scolaire 2021-2022 ; quant aux enseignants, 58 500 d’entre eux déclarent avoir été menacés, 17 200 avoir été bousculés intentionnellement ou victimes de violence et 900 avoir été menacés avec une arme au cours de l’année scolaire 2019-2020.

Ces chiffres font froid dans le dos.

La violence exercée contre les personnels de l’éducation nationale constitue désormais une « normalité dans l’anormalité ». Cette banalisation n’est évidemment pas acceptable. Les témoignages d’enseignants recueillis par la mission soulignent le développement d’un sentiment de peur dans l’exercice de ce métier, sentiment qui s’est installé progressivement au fil du temps, dans de nombreux établissements, quelle qu’en soit la localisation et quel que soit l’âge des élèves. Ainsi, au-delà des menaces verbales, le passage à l’acte violent, par un élève ou son parent, que ce soit pour une note, une remarque ou le contenu d’un cours, est désormais perçu comme une éventualité.

Alors que, depuis la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, la mission première de l’école est, « outre la transmission des connaissances », « de faire partager aux élèves les valeurs de la République », les cas de contestation des enseignements augmentent depuis plusieurs années, tout comme les cas de remise en cause des principes et des valeurs de la République.

Si certains territoires sont plus concernés que d’autres, tous les établissements scolaires peuvent être confrontés à ces difficultés. C’est l’école de la République, creuset de la Nation, qui est ainsi attaquée.

Face à ce constat, la mission commune d’information a formulé trente-huit recommandations pour protéger l’école et ses personnels, et pour restaurer l’autorité de l’institution scolaire. Six de ces recommandations sont de nature législative ; elles font l’objet de la présente proposition de loi. Les trente-deux autres recommandations sont de nature réglementaire et nous nous tournons évidemment vers vous, madame la ministre, pour qu’elles soient mises en œuvre ; vous avez en effet la possibilité, par les leviers dont vous disposez, de corriger ce qui dysfonctionne. Nous vous faisons confiance pour ne pas les oublier.

L’article 1er de ce texte recentre le contenu de l’enseignement moral et civique (EMC) sur la formation aux valeurs et aux principes de la République, y compris la laïcité, ainsi que sur la connaissance des institutions et la compréhension des enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux.

Le Sénat l’a souligné à plusieurs reprises, dans le cadre de missions d’information ou lors de l’examen de textes législatifs : il faut clarifier cet article, lui redonner du sens, afin de mettre fin à un enseignement trop bavard, qui oublie l’essentiel : la transmission d’une culture citoyenne commune.

La mission commune d’information a également mis en lumière les zones d’ombre persistant dans l’application de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Ce texte clarifie les dispositions de cette loi, sans en élargir la portée.

L’article 3 renforce la responsabilité des parents au regard des comportements répétés des enfants qui perturbent le fonctionnement de l’établissement. Tout comme l’assiduité scolaire, le respect du fonctionnement et de la vie collective de l’établissement fait partie des devoirs de l’élève. Durant les travaux de la mission commune d’information, il nous était apparu que les faits constatés concernaient de plus en plus non les élèves, mais les parents. Il nous a donc semblé nécessaire de responsabiliser ces derniers.

Enfin, il est urgent de renforcer la protection fonctionnelle de nos enseignants et, de manière générale, de l’ensemble du personnel de l’éducation nationale. L’article 4 rend ainsi automatique – nous tenons à ce mot –, dans un délai d’un jour franc, l’octroi de la protection fonctionnelle pour tout personnel de l’éducation nationale victime de violences, de menaces ou d’outrages du fait de ses fonctions. L’octroi automatique de cette protection suscite des débats au sein du Gouvernement, je le sais ; aussi comptons-nous sur vous, madame la ministre, pour faire en sorte que ce qui est devenu la pratique soit inscrit dans la loi.

L’article 5 permet à l’administration de déposer plainte en lieu et place d’un personnel de l’éducation nationale, avec son accord. Cette disposition reprend l’une des mesures du plan de protection des agents publics annoncé par Stanislas Guerini, alors ministre de la transformation et de la fonction publiques, en septembre 2023, mais qui n’a toujours pas connu de traduction législative.

Je laisse à Mme la rapporteure le soin de décrire les articles suivants, qui découlent d’amendements dont elle était l’autrice.

Je rappelle que les travaux de la mission commune d’information ont été menés en partenariat avec la commission des lois ; aussi, si François-Noël Buffet n’avait pas été appelé à de hautes responsabilités, il serait bien entendu coauteur de cette proposition de loi, puisque nous avons conduit cette démarche ensemble.

Nous avons, les uns et les autres, été très frappés pendant les travaux de cette mission par l’état d’esprit de nos enseignants et du personnel éducatif, qui sont dans la crainte et dans l’attente d’une réponse des pouvoirs publics.

M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait.

M. Laurent Lafon. Nous n’avons pas la prétention de répondre, au travers de ce texte, à toutes ces attentes. Néanmoins, les outils que nous proposons permettront de soutenir la démarche de sécurisation des établissements, qui doit être globale, afin que les enseignants, le personnel éducatif en général, ne s’interrogent pas sur leur propre sécurité quand ils s’apprêtent à faire leur métier, c’est-à-dire enseigner et accompagner les élèves.

Tel est l’objet de la proposition de loi dont l’examen nous rassemble ce matin et qui, je l’espère, nous rassemblera aussi au moment du vote. Nous voulons apporter une réponse utile et efficace à une réalité, aux événements graves qui se sont produits au cours des dernières années. Nous ne pouvons laisser les écoles devenir un lieu où les personnels, enseignants ou non, ne se sentent pas en sécurité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Annick Billon, rapporteure de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame la ministre, cher Laurent Lafon, mes chers collègues, vaut-il mieux considérer le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein ? La question se pose quand on examine les chiffres récents traduisant les violences commises envers les personnels de l’éducation.

Ainsi, le ministère souligne que, en 2024, aucun incident grave envers eux n’a eu lieu dans un établissement du secondaire sur deux. Renversons la perspective : cela signifie que la moitié des établissements ont connu au moins un incident grave au cours de cette année ! Avec plus de 10 600 établissements du second degré en France, cela représente au moins 5 300 incidents graves envers les personnels en un an, soit 147 par semaine scolaire. Quant aux écoles primaires, pourtant longtemps épargnées, une sur cinq a déclaré un incident grave.

Le constat est sans appel : la violence se banalise au sein de l’institution scolaire.

Je tiens donc à saluer le travail de Laurent Lafon et de François-Noël Buffet. Leur rapport d’information a permis, d’une part, de mettre des chiffres et des mots sur le malaise des professeurs et, d’autre part, de démontrer l’existence d’une peur dans l’exercice même du métier.

Je remercie également le président Gérard Larcher de faire de l’éducation une priorité constante de nos travaux.

Au sein de la commission de la culture, lorsqu’il est question de l’école, les débats sont souvent animés. Certaines dispositions de ce texte ne manqueront pas de susciter à nouveau des discussions aujourd’hui, mais deux consensus forts émergent cependant : premièrement, les articles 4 et 5, qui renforcent la protection des enseignants et qui ont été largement salués, y compris par les syndicats ; deuxièmement, l’idée que le pouvoir réglementaire détient les clefs permettant de mieux protéger l’institution scolaire et ses personnels.

Sur les trente-huit recommandations de la commission d’enquête, seules six sont de nature législative. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour mettre en œuvre les trente-deux autres !

J’en viens au détail du texte.

L’article 1er recentre le contenu de l’EMC sur la connaissance des institutions et sur la compréhension des enjeux sociétaux et environnementaux. Cela s’impose, car la rédaction actuelle de l’article L. 312-15 du code de l’éducation est tellement bavarde qu’elle amène les enseignants à faire des choix dans les contenus enseignés, au détriment de la transmission d’une culture citoyenne commune.

L’article 2 met en cohérence le droit et la pratique. Malgré les préconisations du Conseil des sages de la laïcité et des valeurs de la République (CSLVR), une incertitude persiste quant à l’interdiction pour les élèves des établissements publics de porter une tenue ou un signe religieux lorsque l’activité est organisée par l’école. Ce point est donc clarifié, afin de lever toute ambiguïté sur le terrain.

L’article 3 vise à responsabiliser davantage les élèves perturbateurs et leurs parents. Nous tendons la main au pouvoir réglementaire pour qu’il mette en place un processus de sanction analogue à celui qui existe pour le non-respect de l’assiduité scolaire.

L’article 4 renforce la protection fonctionnelle des personnels de l’éducation nationale. Cet article pose une question de fond : faut-il un statut de protection spécifique pour les enseignants ? À cette question, la commission répond par un oui franc. L’école joue un rôle fondamental dans notre société : former les citoyens de demain et construire le vivre-ensemble. S’attaquer à l’école, c’est s’attaquer à la République. Dès lors, un régime de protection adapté est légitime. Nous prévoyons donc l’octroi immédiat et de plein droit de la protection fonctionnelle en cas de menaces, d’outrages ou de violences.

L’article 5 suit la même logique : il permet à l’administration de porter plainte à la place de son agent avec son accord ou celui de ses ayants droit, s’il est décédé.

Les articles 6 et 6 bis permettent au chef d’établissement de disposer des outils nécessaires pour assurer son rôle en matière de sécurité. Le recours aux portiques à l’entrée des établissements scolaires coûterait très cher, serait peu efficace et créerait un danger en raison de la formation d’un attroupement aux abords d’une zone sensible. C’est pourquoi j’ai proposé une solution intermédiaire en commission, qui a adopté un nouvel article avec un objectif double : sécuriser la base juridique de l’inspection visuelle des sacs et autoriser la fouille des sacs par un professionnel référent – le chef d’établissement, par exemple –, avec l’accord de l’élève ou de ses représentants légaux s’il est mineur.

Soyons honnêtes : l’inspection visuelle et la fouille des sacs sont devenues monnaie courante dans notre quotidien ; que ce soit pour entrer dans une salle de concert, un musée, un stade ou même certains magasins, nous sommes tous soumis à ce type de contrôle. Nous pouvons le déplorer, mais c’est la réalité. Il serait donc paradoxal que le seul endroit où l’inspection visuelle et la fouille ne puissent se faire soit le collège ou le lycée, alors même qu’ils sont de plus en plus menacés. J’ai d’ailleurs été ravie de constater, madame la ministre, que, à la suite de cette proposition, vous aviez vous-même déclaré vouloir rendre possible l’organisation régulière de fouilles de sac à l’entrée des établissements.

Enfin, les deux derniers alinéas de l’article 6 ter étendent l’application de cette loi aux territoires d’outre-mer concernés.

Il est tout aussi important de prendre en compte les établissements d’enseignement français à l’étranger, et les personnels qui y travaillent. À ce titre, je salue l’engagement des sénatrices et des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Mes chers collègues, ce texte, nous le savons, ne résoudra pas à lui seul tous les maux de l’école, mais il constituera un nouveau pas pour restaurer l’autorité et la sécurité dans nos établissements, une nouvelle réponse face au désarroi croissant des enseignants.

Madame la ministre, au-delà de ce texte, les mesures réglementaires doivent suivre ; nous comptons sur vous !

En effet, si, derrière les engagements partagés par la Haute Assemblée et le Gouvernement, aucuns moyens financiers, aucun outil juridique ni aucune action concrète ne se matérialise, alors la désillusion des enseignants ne fera que croître. Ce texte s’inscrit dans un contexte grave de violence croissante ; j’ai d’ailleurs une pensée pour les familles des enseignants sauvagement assassinés depuis cinq ans. Protéger l’école, et les personnels qui y travaillent, c’est protéger notre République. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, RDPI, INDEP, Les Républicains et sur des travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat, ministre de léducation nationale, de lenseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi intervient à un moment charnière pour notre école. Les assassinats des professeurs Samuel Paty le 16 octobre 2020 et Dominique Bernard le 13 octobre 2023 ont profondément ébranlé notre pays et meurtri la communauté éducative. Ces professeurs incarnaient la République, ils transmettaient ses valeurs – liberté, égalité, fraternité – ainsi que le principe de laïcité, qui fondent notre nation.

Sans qu’elles aillent jusqu’à ces situations les plus tragiques, nous constatons, vous l’avez dit, que les personnels de l’éducation nationale font face chaque jour à des remises en cause de leur autorité, à des menaces, parfois à des agressions.

Au cours de l’année scolaire 2022-2023, 16 % des directeurs d’école et 48 % des chefs d’établissement du secondaire déclarent avoir été confrontés à un fait grave durant l’année. Il s’agit, dans plus de 90 % des cas, d’atteintes aux personnes, majoritairement sous forme de violences verbales. Ces atteintes se sont traduites en 2023 par plus de 5 200 demandes de protection fonctionnelle, toutes situations confondues, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2022.

Les atteintes à la laïcité sont aussi une réalité, révélant les pressions qui s’exercent au quotidien à l’école et dans la classe. Depuis le début de l’année scolaire, les chefs d’établissement et les directeurs d’école ont ainsi signalé plus de 500 contestations d’enseignement et refus d’activité scolaire, plus de 450 revendications communautaires et refus des valeurs républicaines, plus de 330 provocations verbales et plus de 250 suspicions de prosélytisme.

Ces actes sont inacceptables.

Vous le savez, la protection de l’école et de ses personnels est une priorité absolue du Gouvernement. Grâce à une mobilisation forte, des progrès significatifs ont déjà été accomplis. Au cours de l’année scolaire 2023-2024, une hausse préoccupante des atteintes à la laïcité a été constatée, avec 6 500 faits, soit trois fois plus que l’année précédente. Une tendance à la baisse est observée depuis le début de cette année scolaire, avec 2 100 faits signalés sur la première moitié de l’année.

Le plan national de formation à la laïcité et aux valeurs de la République, mis en place à la rentrée 2021, a permis de former près de 700 000 personnels. Ce déploiement se poursuit et offre aux enseignants des repères théoriques et pratiques, favorisant la réflexion collective et la cohérence des réponses au sein des équipes pédagogiques.

Le ministère s’est aussi montré à la hauteur des enjeux grâce à ses dispositifs de signalement, de sanction et d’accompagnement.

En ce qui concerne les signalements, tout incident fait l’objet d’une remontée d’information via l’application nationale Faits Établissement. Les faits susceptibles de revêtir une qualification pénale sont transmis au procureur de la République, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Les victimes, qu’il s’agisse d’élèves ou de personnels, sont encouragées et accompagnées dans leurs démarches de dépôt de plainte.

Pour ce qui concerne les sanctions, dans le premier degré, tout fait de violence et toute atteinte aux valeurs de la République entraînent un entretien avec l’élève et ses parents ; dans le second degré, des procédures disciplinaires appropriées sont engagées en fonction de la gravité des faits.

Pour ce qui est de l’accompagnement, des équipes académiques spécifiques assurent le suivi de toutes les atteintes signalées, conseillant et soutenant les directions d’école et d’établissement dans le traitement de ces situations. Dans le cadre du budget 2025, des moyens supplémentaires ont été alloués, notamment 170 postes de conseiller principal d’éducation et 600 postes d’assistant d’éducation.

Le 29 janvier dernier, un décret présenté en Conseil des ministres a instauré des services de défense et de sécurité dans chaque académie, renforçant la collaboration quotidienne avec les préfectures, les procureurs et les forces de l’ordre, pour une prise en charge efficace des personnels victimes de menaces ou d’agressions.

Enfin, plus de 500 écoles et établissements bénéficient d’un renforcement de leurs dispositifs de sécurité.

Vous le voyez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, l’école n’a pas attendu pour agir et, sur ce sujet, le Sénat a toujours été à nos côtés. La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est issue des recommandations du rapport d’information de la mission commune de la commission de la culture et de l’éducation et de la commission des lois. Elle présente des avancées significatives et utiles. Je tiens à saluer le travail effectué par François-Noël Buffet, Laurent Lafon et la rapporteure du texte, Annick Billon.

Au-delà des dispositions législatives que nous nous apprêtons à examiner, je suis prête, monsieur Lafon, madame la rapporteure, à envisager un nouveau train de mesures réglementaires issues de vos travaux. Je pense notamment aux questions touchant à la formation de nos enseignants, ma priorité absolue.

J’en viens aux dispositions du texte.

Le Gouvernement soutient pleinement le recentrage de l’enseignement moral et civique sur les principes et valeurs de la République, notamment la laïcité, ainsi que sur la connaissance des institutions et la compréhension des grands enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux.

M. Max Brisson. Très bien !

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Les nouveaux programmes d’EMC, entrés en application progressivement depuis la dernière rentrée, suivent déjà cette orientation.

Pour ce qui concerne la responsabilisation des parents, la proposition de loi renforce l’implication de ces derniers face aux comportements répétés de leurs enfants perturbant le fonctionnement de l’établissement, ce qui est essentiel. Je m’engage à travailler conjointement avec le garde des sceaux, la ministre chargée des familles, les présidents de conseil départemental, dont relève la protection de l’enfance, et les maires pour mettre en œuvre des mesures d’accompagnement et de responsabilisation, en veillant à impliquer équitablement les deux parents dans leur rôle éducatif.

Sur la protection fonctionnelle, le texte consacre ce qui se pratique déjà pour les personnels de l’éducation nationale : bénéficier de la protection fonctionnelle de plein droit et sans délai en cas de menaces ou de violences.

Enfin, le fait que l’institution puisse se substituer à l’agent pour déposer une plainte, en sus du signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, est de nature à rassurer les victimes et à leur montrer que l’institution est de leur côté et les protège.

Quant aux dispositions de la loi du 15 mars 2004 précitée, qui interdit aux élèves des écoles, collèges et lycées publics le port de signes et tenues par lesquels ils manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, elles n’appellent pas à nos yeux de dispositions complémentaires, mais exigent une vigilance quotidienne sur leur pleine application.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, au-delà de nos sensibilités politiques, nous savons tous que l’école est un bien commun qu’il nous appartient de préserver et de défendre. La proposition de loi que vous examinez représente une avancée significative en ce sens. Elle témoigne de notre engagement collectif pour que l’école reste un espace protégé, où les valeurs républicaines s’enseignent et se vivent au quotidien. Nous avons une responsabilité envers nos professeurs, nos élèves, notre République. La protection de l’école ne saurait souffrir aucune faiblesse. Je sais que nous répondrons ensemble, et en bonne intelligence, à cette exigence. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER, RDSE, RDPI et Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

Mme la présidente. Avant de poursuivre la discussion générale, j’appelle chaque orateur à respecter son temps de parole, car nous avons d’assez nombreux amendements à examiner ensuite sur ce texte. Or, s’agissant d’un texte examiné dans le cadre d’un espace réservé, le temps qui lui est imparti est relativement bref.

La parole est à Mme Mireille Conte Jaubert.

Mme Mireille Conte Jaubert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’école de la République est le cœur battant de notre démocratie. Elle est le lieu où se transmettent le savoir, l’esprit critique et les valeurs qui fondent notre nation. Pourtant, cette école est un sanctuaire menacé.

Les tragédies qui ont frappé notre pays en 2020 et en 2023, à savoir l’assassinat de Samuel Paty puis celui de Dominique Bernard, ont révélé une réalité insoutenable : nos enseignants et notre personnel éducatif, eux qui forment nos enfants, ne sont plus en sécurité. Ces actes de barbarie sont des attaques non pas seulement contre des individus, mais contre la République et ce qu’elle représente.

Nous ne pouvons plus ignorer l’ampleur de la violence qui gangrène nos écoles. Nos enseignants sont les victimes de menaces constantes, d’insultes et de violences verbales et physiques. Pis encore, la peur s’installe et, avec elle, le doute : peut-on encore enseigner librement ? peut-on encore transmettre les valeurs de la République sans craindre pour sa vie ?

Face à cette situation, nous avons une responsabilité. L’État ne peut pas rester spectateur ; il doit garantir à chaque enseignant et à chaque élève un environnement d’apprentissage sécurisé.

L’école n’est pas un espace neutre où chacun peut imposer ses propres règles ; elle est le lieu où les enfants apprennent non seulement des savoirs fondamentaux, mais aussi ce que signifie vivre ensemble dans une société démocratique. Or nous constatons à l’heure actuelle que certaines de ces valeurs sont contestées, remises en cause, voire combattues.

Le RDSE salue cette proposition de loi, qui est une réponse, forte et nécessaire, à cette situation. Elle repose sur plusieurs mesures clés visant à garantir que l’école demeure ce qu’elle doit être : un espace de savoir et de respect des principes républicains.

Tout d’abord, elle vise à forger une conscience citoyenne commune en renforçant l’enseignement moral et civique. Nous pensons que la transmission des valeurs de notre République doit être, non pas être optionnelle, mais claire et uniforme.

Ensuite, cette proposition de loi précise le périmètre de l’interdiction du port de signes religieux au sein des établissements scolaires et lors des activités organisées par l’école, y compris celles qui ont lieu en dehors du temps scolaire. La laïcité est un principe fondamental garantissant la liberté de conscience et l’égalité entre tous les citoyens. Il est essentiel d’apporter une clarification sur les activités concernées afin d’assurer une application cohérente du principe de neutralité.

Par ailleurs, cette proposition de loi a pour objet de responsabiliser davantage les élèves perturbateurs et leurs parents. Le respect du cadre scolaire n’est pas une option et il est temps de rappeler que les actes entraînent des conséquences. L’école doit être un lieu d’apprentissage et non un champ de bataille de l’indiscipline.

Enfin, cette proposition de loi renforce la protection des enseignants, en rendant automatique la protection fonctionnelle des agents victimes d’agression et en facilitant les dépôts de plainte.

Ce texte n’est pas une simple réponse aux drames du passé ; il est un bouclier pour l’avenir, un message clair à tous ceux qui voudraient imposer la peur.

Nous sommes à un tournant. Nous devons désormais nous interroger sur l’avenir que nous voulons pour notre école. Voulons-nous une école soumise à des pressions communautaires, où la peur et l’autocensure prennent le pas sur la liberté d’enseigner ? Voulons-nous une école forte, fière de ses valeurs, où chaque enfant apprend non seulement…

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Mireille Conte Jaubert. … à lire et à écrire, mais aussi à devenir un citoyen libre et éclairé ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean Hingray. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’école de la République vacille. Samuel Paty, Dominique Bernard : deux noms, deux visages, deux drames qui ont brisé notre illusion de sécurité, deux martyrs de la liberté d’enseigner. Ces deux professeurs ont été assassinés non pour ce qu’ils ont fait, mais pour ce qu’ils étaient et incarnaient, à savoir l’école républicaine et l’école qui émancipe, qui forge des esprits libres et qui enseigne la liberté de conscience et la primauté de la loi commune sur toute autre. Leur mort n’est pas un fait divers : elle est un cri d’alerte, une déchirure dans notre pacte républicain.

Face à ce signal d’alarme, notre responsabilité est immense. Protéger nos enseignants, garantir la sécurité de nos établissements et réaffirmer haut et fort les principes républicains qui fondent l’école de la Nation sont tout l’objet de cette proposition de loi.

Celle-ci n’est pas une loi de circonstance ; elle s’inscrit dans la continuité d’un travail approfondi, mené par la mission conjointe de contrôle. Il a levé le voile sur une réalité que chacun pressentait sans oser la regarder en face : l’école est sous pression, partout, tout le temps. Des établissements les plus sensibles à nos villages ruraux en passant par nos lycées de centre-ville ou encore par les petites écoles primaires, aucun territoire n’est épargné.

Le constat est implacable. Deux tiers des établissements secondaires ont signalé au moins un incident grave au cours de l’année scolaire 2021-2022. Près de 58 000 enseignants ont déclaré avoir été menacés en 2019-2020. Ce ne sont pas des chiffres abstraits : ce sont des visages, ce sont des femmes et des hommes qui hésitent désormais à exercer leur métier comme ils l’ont appris et comme ils l’aiment.

En effet, à l’heure actuelle, un mot mal interprété, une note jugée injuste ou un cours sur la laïcité peuvent suffire à déclencher la tempête. Il n’y a plus de sanctuaire. Même l’école primaire, longtemps préservée, est désormais touchée. Ce qui relevait de l’exception devient la norme.

Dans ce climat délétère, que ressentent nos enseignants ? De la peur, bien sûr, mais aussi une immense solitude. Ils sont seuls face à des élèves de plus en plus défiants, face à des parents de plus en plus intrusifs et face à une hiérarchie de plus en plus absente et tétanisée. Certains parents attendent tout de l’école, d’autres la contestent pied à pied, remettant en cause le contenu des cours, exigeant la réécriture d’un programme, imposant une vision du monde qui n’a rien à voir avec celle que nous voulons.

Le résultat est que, depuis 2012, les démissions d’enseignants ne cessent d’augmenter. En 2021-2022, elles ont bondi de 36 %. Ce découragement n’est pas un fait divers ; il est une menace existentielle pour notre école et pour la République. J’insiste : la pression constante pousse certains enseignants à abandonner leur vocation en quittant la profession. C’est une crise non seulement de recrutement, mais aussi de confiance, confiance dans la capacité de la République à protéger ceux qui la servent et confiance dans la capacité de l’école à imposer son autorité.

Il y a plus grave encore : l’autocensure. Quelque 56 % des enseignants du secondaire public déclarent s’être autocensurés sur les questions religieuses pour ne pas faire de vagues. En réseaux d’éducation prioritaire (REP), un enseignant sur deux a déjà été confronté à une contestation des valeurs républicaines. En milieu rural, c’est un sur quatre. De tels chiffres nous alertent tous sur ce phénomène inquiétant : des enseignants, par crainte de réactions violentes ou de contestations, choisissent de se censurer et donc de ne plus enseigner certains principes républicains fondamentaux.

La laïcité et la liberté d’expression, des principes qui devraient être des évidences, deviennent des sources de tension et de contestation. Là est le cœur du problème : l’école républicaine ne peut plus être ce lieu où l’on débattait librement autrefois. Elle devient un champ de mines où il faut sans cesse négocier chaque mot et chaque contenu sous la pression de minorités bruyantes qui contestent nos principes fondamentaux.

Face à cette situation, il était de notre responsabilité de proposer une réponse forte, républicaine et législative. Il est plus que nécessaire de rétablir l’autorité de l’institution scolaire et de protéger les enseignants. C’est l’objet de cette proposition de loi du président Lafon, que nous remercions, laquelle nous permet d’apporter des solutions.

Ce texte, fruit des travaux de la mission conjointe de contrôle, se décline en plusieurs mesures structurantes.

Premièrement, l’enseignement moral et civique est recentré sur l’essentiel : les valeurs et principes de la République, la laïcité, la connaissance de nos institutions et les grands enjeux du monde contemporain. Cet enseignement doit être un socle commun, le ciment de notre nation.

Deuxièmement, cette proposition de loi tend à clarifier la loi de 2004 sur les signes religieux en étendant leur interdiction à toutes les activités organisées par l’école. La laïcité s’appliquera partout où la République enseigne.

Troisièmement, cette proposition de loi vise à responsabiliser les parents face aux comportements des enfants perturbant à répétition l’établissement. L’autorité parentale ne s’arrête pas aux portes de l’école.

Quatrièmement, l’obtention de la protection fonctionnelle sera facilitée grâce à son octroi automatique. Aucun enseignant menacé ne doit plus avoir à quémander la protection de la République. L’administration pourra ainsi porter plainte au nom de l’enseignant, avec son accord. Chaque menace, chaque insulte, chaque agression doit donner lieu à une réponse judiciaire, systématiquement.

Cinquièmement, tout chef d’établissement devra être informé lorsqu’un élève est mis en examen ou condamné pour terrorisme. On ne peut protéger l’école sans connaître les menaces qui pèsent sur elle.

Sixièmement, la commission a adopté un amendement de Mme la rapporteure Annick Billon, dont je salue le travail, tendant à conférer, dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative, au chef d’établissement, à son adjoint ou au conseiller principal d’éducation (CPE) un droit de fouille : ceux-ci pourront inspecter les sacs et casiers en cas de doute sérieux. La sécurité est la première condition de la liberté.

Parce que la République est une et indivisible, cette loi s’appliquera partout : en métropole, dans les territoires d’outre-mer, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Protéger l’école, c’est protéger la République elle-même. C’est notre responsabilité et notre honneur. Nous devons porter ensemble ce message, avec force et vigueur. Naturellement, avec l’ensemble de mes collègues de l’Union Centriste, je soutiens cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire et de géographie, était décapité par un terroriste islamique. Le 13 octobre 2023, Dominique Bernard était assassiné par un terroriste islamique parce qu’il était professeur de lettres. Tous les deux ont été les victimes du fanatisme religieux parce qu’ils incarnaient ce qui constitue l’identité de la République : la raison critique héritée des Lumières, la laïcité et la connaissance comme instrument d’émancipation des individus et des sociétés. Ils ont été assassinés au nom d’une idéologie qui considère, à l’inverse, que la religion est la seule source de la vérité.

Dans sa propagande officielle largement diffusée par les réseaux dits sociaux, l’organisation terroriste se faisant appeler « État islamique » avait encouragé le meurtre des enseignants de l’école laïque, considérés comme des ennemis à abattre. Ces terroristes ne se trompaient pas : ils voulaient atteindre notre République dans sa singularité, son exemplarité et son projet universaliste.

Samuel Paty et Dominique Bernard sont deux martyrs de la laïcité et il nous faut aujourd’hui nous incliner de nouveau devant leur mémoire. Leur mort nous rappelle que le grand combat de la République pour la liberté et l’émancipation n’est jamais fini. Il est poursuivi dans tous les établissements scolaires de France par des enseignants qui ont besoin, plus que jamais, d’être soutenus parce qu’ils doutent que leurs missions soient encore totalement comprises, unanimement partagées et solidairement défendues.

Il est regrettable que l’institution éducative n’ait pas recueilli officiellement les écrits de tous les enseignants qui voulaient témoigner, après ces attentats, de leur mal-être, de la perte de sens de leur métier et de leurs doutes sur la mission que leur confie la société.

Les enquêtes menées par des chercheurs, comme celles d’Ismail Ferhat, font apparaître le sentiment de solitude des enseignants, que la commission de la culture du Sénat a plusieurs fois aussi relevé. Ces derniers se sentent seuls et totalement abandonnés face aux revendications religieuses des élèves et de leurs parents, face aux contestations des programmes et de leur méthode pédagogique. Ils souhaitent que leurs formations, quand ils peuvent les suivre, les aident plus efficacement à affronter ces situations nouvelles.

Madame la ministre, il est toujours temps d’ouvrir des cahiers de doléances pour permettre aux enseignants d’exprimer leurs angoisses, mais aussi leurs espoirs !

Dans l’immédiat, la République doit réaffirmer avec force et solennité le soutien qu’elle doit aux enseignants dans l’exercice de leurs missions. À ce titre, l’octroi de la protection fonctionnelle de droit, institué par l’article 4 de cette proposition de loi, est une nécessité. Contrairement à ce qui était avancé par votre prédécesseur, madame la ministre, le taux d’octroi de la protection fonctionnelle a diminué en 2023, même si le nombre de demandes a fortement augmenté. Ainsi, un quart de celles-ci n’ont pas été satisfaites.

Défendre les enseignants de l’école de la République, c’est aussi leur donner les moyens de réaliser pleinement leurs missions, en leur permettant de poursuivre leur formation, en remplaçant les professeurs absents, en favorisant la mixité scolaire et en les préservant des injonctions pédagogiques permanentes.

Pour qu’il n’y ait plus de territoires perdus par la République, il faut qu’il n’y ait plus de territoires abandonnés par la République. Il faut qu’il n’y ait plus de professeurs laissés seuls face à l’incapacité d’assurer pleinement les obligations du service public de l’éducation nationale. (Applaudissements sur toutes les travées.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en octobre 2023, devant notre mission conjointe de contrôle, Mickaëlle Paty déclarait : « Si la mort de mon frère avait servi à quelque chose, Dominique Bernard serait encore là. »

La détérioration du climat scolaire est une réalité qui frappe de nombreux établissements en France. Peu de choses ont été faites pour renforcer la loi jusqu’à présent. Je remercie donc Annick Billon et Laurent Lafon de cette initiative. Nous partageons toutes et tous ici l’objectif de protéger les personnels de l’éducation nationale. Après l’émotion légitime causée par les morts de Samuel Paty et de Dominique Bernard, nous avons dorénavant le recul suffisant pour modifier ce qui doit l’être, dans le respect de nos principes républicains.

Toutefois, certaines mesures de cette proposition de loi portent atteinte à des principes du droit sans que leur efficacité soit démontrée.

Premièrement, l’article 6 permet l’information des chefs d’établissement lorsqu’un élève est visé par une procédure judiciaire pour des faits de terrorisme. Cette disposition porte atteinte, à mon sens, à la présomption d’innocence et au secret de l’instruction, qui sont les deux grands principes de la procédure judiciaire. Pour quel résultat ? Que feront les chefs d’établissement de cette information ? Comment vivront-ils avec cette menace, sans les moyens d’agir ? Faisons confiance à la justice pour prendre les mesures qui s’imposent !

Néanmoins, je comprends la volonté des collègues qui affirment, pour répondre à ces questions, qu’il faut donner aux chefs d’établissement des prérogatives comparables à celles des forces de l’ordre.

Deuxièmement, l’article 6 bis donne au chef d’établissement et au CPE le pouvoir de fouiller les élèves en cas de menace. Cette proposition, qui n’était pas dans la rédaction initiale, me paraît inadaptée : le droit actuel donne déjà la possibilité, en cas de menace terroriste, de fouiller les élèves dans un cadre judiciaire, sous le contrôle du procureur, conformément à l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure. Nous ne remettons pas cette faculté en question.

L’article 6 bis a ainsi pour objet un transfert de responsabilité de la fouille depuis les forces de l’ordre, formées et équipées pour cela, vers des chefs d’établissement, dépourvus de moyens. Lequel parmi eux, avisé d’une menace, prendra le risque de fouiller les individus se présentant à la porte de son établissement pour les désarmer ? Quelles conséquences judiciaires aurait son refus, si cette disposition était inscrite dans la loi ? Je rappelle que trois personnes ont été blessées en tentant de s’opposer à l’assassin de Dominique Bernard avec de simples chaises ! Je crains que cette mesure, en visant à protéger la communauté éducative, ne conduise, au contraire, à l’exposer frontalement.

Troisièmement, la proposition de notre collègue Max Brisson de conférer aux enseignants le statut de dépositaire de l’autorité publique est problématique. Elle introduit une confusion entre les missions de police et d’enseignement. Aussi, nous disons simplement ceci : à la communauté éducative la charge d’enseigner et de mettre en œuvre la vie scolaire, aux forces de l’ordre la charge de garantir l’ordre et la sécurité.

Quatrièmement, le renforcement de la protection fonctionnelle est le cœur de la proposition faite par nos collègues. Pourtant, nos auditions ont montré que le défaut de précision conduira à une dilution des responsabilités.

Nous nous inquiétons aussi des propositions qui auraient pour conséquence d’affaiblir cette protection, comme celle qui vise à la retirer à un agent s’étant rendu responsable d’une faute. Le cas de Samuel Paty – il en a été question lors de l’audition de sa sœur – a montré que, dans la pratique, les soupçons de faute d’un agent demandant protection peuvent avoir pour conséquence qu’il soit attenté à sa vie.

Dès lors, il paraît absolument nécessaire de distinguer la décision de protection et l’existence d’une faute, d’accorder la protection uniquement au regard du danger que court la personne et, une fois celle-ci à l’abri, de prononcer les sanctions adaptées si la faute est avérée.

Nous espérons que nos débats permettront de lever nos inquiétudes sur les points qui viennent d’être évoqués pour que nous votions ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, à l’heure où nous entamons l’examen de cette proposition de loi, je repense aux mots prononcés par Mickaëlle Paty lors de son audition par notre mission conjointe de contrôle : « Perdre l’école, ce n’est pas perdre une bataille ni offrir une prise de guerre à l’adversaire, c’est perdre la guerre. »

Nous avons toutes et tous ici cette impérieuse nécessité à l’esprit. C’est un aiguillon qui doit nous amener à ne pas baisser les bras et à renforcer tous les leviers dont nous pouvons disposer pour mieux protéger notre école de la République face aux attaques dont elle est la cible. Nous le devons à la mémoire de Samuel Paty et de Dominique Bernard, frappés dans leur chair, car enseignants, et à tout notre personnel éducatif, qui exerce parfois la peur au ventre.

L’article 4 de cette proposition de loi, qui vise à faciliter la mise en œuvre de la protection fonctionnelle, répond pleinement à cette exigence. À notre sens, cette mesure est la mesure phare de ce texte. Elle permettra à l’ensemble des personnels de l’éducation nationale victimes de violences, de menaces ou d’outrages de bénéficier d’une protection accordée de plein droit et sans délai par l’administration. Cette amélioration était indispensable au regard des carences actuelles du dispositif. Je pense notamment à la longueur des délais, en décalage avec l’urgence qui doit prévaloir dans de nombreux cas.

Je regrette le dépôt par le Gouvernement d’un amendement visant à amoindrir la portée de cet article en retirant les « outrages » du champ de ce dispositif de protection. Rappelons un fait qui avait été pointé du doigt lors de notre mission conjointe de contrôle : les infractions commises contre le monde éducatif consistent principalement en des outrages, en des menaces, en des insultes et en des injures.

M. Pierre Ouzoulias. C’est vrai.

Mme Marie-Pierre Monier. L’article 5, qui permet à l’administration de déposer plainte en lieu et place d’un agent de l’éducation nationale, va également dans le bon sens. Il nous permettra de concrétiser une mesure qui avait été annoncée par le ministre de la transformation et de la fonction publiques en septembre 2023 et qui n’a pas connu depuis lors de traduction législative.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme Marie-Pierre Monier. Je regrette, là aussi, le choix du Gouvernement de plaider aujourd’hui pour une logique moins-disante, lequel propose, par un amendement, de laisser à l’administration seulement la faculté d’apprécier l’opportunité de déposer plainte au nom de son agent. Comme nous le savons, la mécanique implacable du « pas de vagues » n’a pas disparu ! Si le Sénat valide une telle modification, il contribuera à alimenter cette logique.

Mme Marie-Pierre Monier. Si nous nous inscrivons dans l’esprit de l’article 1er, qui recentre le contenu de l’enseignement moral et civique sur la formation aux valeurs et aux principes de la République, ainsi que sur le fonctionnement des institutions, nous regrettons que cet élagage conduise à la disparition de certaines notions pourtant essentielles. Nous défendrons ainsi deux amendements visant à les réintroduire.

L’article 2 permet de lever toute ambiguïté concernant le champ d’application de la loi de 2004 visant à prohiber pour les élèves « le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics », loi à laquelle nous réitérons notre attachement. Si les auditions menées en préparation de l’examen de ce texte ont souligné que, dans la très grande majorité des cas, cette interdiction s’appliquait déjà à l’ensemble des activités organisées par l’institution scolaire, des exemples particuliers ont mis en lumière l’existence d’une zone grise. Il est souhaitable d’y remédier, en premier lieu pour sécuriser les décisions prises par le personnel éducatif dans ce domaine.

L’article 6 a pour objet une information de l’autorité académique et du chef d’établissement en cas de mise en examen ou de condamnation d’un élève pour un crime ou une infraction à caractère terroriste. Nous souhaitons, afin de respecter la présomption d’innocence, en ménager la portée en réservant cette information obligatoire aux seuls cas de condamnation.

L’article 6 bis, inséré lors de l’examen en commission, donne la possibilité au chef d’établissement, à son adjoint ou au conseiller principal d’éducation d’inspecter les sacs et casiers des élèves en cas de menace pour l’ordre et la sécurité de l’établissement. S’il peut paraître opportun, nous demandons toutefois qu’il soit précisé que l’autorisation écrite de l’élève, préalable à la fouille de ses affaires, ou de sa famille, s’il est mineur, soit obligatoire et non facultative.

L’article 3 est celui qui suscite le plus de réserves de la part de mon groupe. Il renforce la « responsabilisation de l’élève et de sa famille en cas de non-respect répété par celui-ci des règles de fonctionnement et de la vie collective de l’établissement ». Nous regrettons sa rédaction floue, qui ôte toute visibilité sur ce qu’impliquera concrètement cette responsabilisation, et craignons son détournement ultérieur à des fins de répression et de stigmatisation des familles.

Pour cette raison, nous avons déposé un amendement visant à préciser ces modalités d’accompagnement et de responsabilisation, selon une approche progressive et graduée privilégiant la prévention et l’accompagnement, qui sont des préalables indispensables si nous souhaitons réellement renouer le lien entre les parents et l’institution scolaire.

Comme vous l’aurez compris, mon groupe soutient l’impératif qui sous-tend ce texte, à savoir la protection des personnels mobilisés au quotidien sur le terrain pour éduquer les citoyens et citoyennes de demain. Néanmoins, certaines de ces dispositions, ainsi que les amendements du Gouvernement, nous interrogent. Aussi, nous réservons à ce stade le sens de notre vote, selon l’évolution du texte en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la Première ministre, mes chers collègues, le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, perdait la vie dans des circonstances atroces. Trois ans après, Dominique Bernard, professeur de lettres modernes, était assassiné en s’interposant pour défendre ses élèves. Leur point commun est d’avoir voulu protéger la liberté d’enseigner et former leurs élèves à l’esprit critique, qui est la raison d’être de l’éducation nationale.

Pourquoi l’école de la République et ceux qui la servent avec passion, ces fameux « hussards noirs », subissent-ils menaces, pressions, violences et agressions ? C’est pour tenter de comprendre les raisons de la violence endémique au sein des établissements scolaires que les commissions de la culture et des lois ont créé une mission conjointe de contrôle, dont les recommandations sont en partie reprises dans le texte que nous examinons aujourd’hui.

Le constat est sans équivoque : tous les territoires, urbains et ruraux, favorisés ou populaires, tous les niveaux d’éducation, primaire comme secondaire, sont concernés. Les remarques faites à un élève et les appréciations portées sur son travail scolaire ou son comportement peuvent – hélas ! – très vite dégénérer.

Le contenu des enseignements est souvent contesté. De nombreux enseignants en viennent à l’autocensure. Près de 60 % d’entre eux déclarent hésiter à énoncer des connaissances historiques, biologiques ou même philosophiques par crainte d’une réaction inappropriée. Mes chers collègues, devrons-nous un jour cesser les cours d’éducation à la sexualité, renoncer à enseigner l’égalité entre les femmes et les hommes ou tirer un trait sur la laïcité et les valeurs de la République ? Combien d’enseignants ont été abandonnés à eux-mêmes par la communauté éducative à laquelle ils appartenaient et par leur hiérarchie refusant de reconnaître la réalité ? « Pas de vagues », « on ne doit pas stigmatiser les jeunes »…

Ne rien faire serait criminel. N’importe quel collaborateur du service public de l’éducation peut actuellement faire l’objet d’un déferlement de haine sur le fondement de faits non avérés ou, à tout le moins, amplifiés par les réseaux sociaux.

La proposition de loi du président Lafon présente une très grande cohérence d’ensemble, qu’il nous faut saluer. Je tiens également à rendre hommage au travail réalisé par notre rapporteure, Annick Billon.

Tout d’abord, le présent texte recentre l’enseignement moral et civique sur l’essentiel : la connaissance de nos institutions, l’apprentissage des valeurs de la République, au premier rang desquelles figure la laïcité, et la mise en perspective des enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain.

Par ailleurs, la proposition de loi étend l’interdiction des signes religieux distinctifs aux activités organisées par les établissements en dehors du temps scolaire. C’est une question de cohérence : nous restons convaincus que la religion relève de la sphère privée et qu’elle ne doit pas donner lieu à une manifestation publique d’adhésion.

Bien entendu, il n’est pas dans l’intention du législateur de stigmatiser qui que ce soit. Je tiens à le rappeler avec force.

Enfin, la réaffirmation de l’autorité de l’institution doit se traduire par la responsabilisation des enfants, appelés, comme leurs parents, à respecter la communauté éducative et les règles de fonctionnement de l’établissement scolaire. La proposition de loi y pourvoit. Pour ma part, je suis très favorable à la mise en place de travaux d’intérêt général sur le lieu de vie scolaire. Ils contribueraient, sans nul doute, à responsabiliser les élèves perturbateurs.

Concernant le traitement des menaces ou des attaques dont les enseignants sont victimes, il est prévu dans ce texte l’octroi automatique de la protection fonctionnelle. Comme tous les agents publics, les membres de la communauté éducative doivent, en effet, pouvoir bénéficier d’un soutien sans faille dans l’exercice de leurs fonctions, en dehors de toute faute qui pourrait leur être imputée personnellement.

Cette assistance juridique et judiciaire est très importante d’un point de vue psychologique pour l’enseignant concerné. Celui-ci peut se sentir isolé du fait de la liberté pédagogique dont il dispose ou encore d’une absence de réaction de sa hiérarchie directe devant les faits auxquels il est confronté.

En outre, la proposition de loi prévoit la possibilité pour l’administration de porter plainte au nom de l’enseignant avec son accord, ce qui a le mérite de l’exonérer de formalités fastidieuses ou pesantes à un moment où l’on se préoccupe davantage de sa sécurité personnelle et de celle de son entourage.

Il me semble par ailleurs très important que les services académiques et les chefs d’établissement soient tenus informés d’une mise en examen ou d’une condamnation d’un élève dans le cadre d’une affaire à caractère terroriste.

Face au déferlement de haine et de violence dans nos établissements scolaires, le temps est à l’action. Dès lors, l’ensemble du groupe Les Indépendants soutiendra ce texte avec conviction.

Pour autant, nous veillerons à ce que les mesures de cette proposition de loi soient pleinement et efficacement appliquées et qu’un bilan précis en soit tiré. Je vous remercie, madame la Première ministre, de nous avoir dit vous saisir des autres recommandations de la mission de contrôle – elles sont nombreuses –, celles qui relèvent du champ réglementaire.

C’est à cette condition qu’ensemble nous pourrons retrouver des établissements scolaires apaisés, où les élèves peuvent apprendre sereinement et devenir des citoyens éclairés et cultivés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, Jonathan Sandler, Samuel Paty, Dominique Bernard : trois professeurs, trois assassinats qui ont choqué la France entière et révélé au grand jour les pressions, menaces et agressions dont les enseignants et les personnels de nos écoles sont victimes au quotidien. J’ai pour eux trois une pensée émue : ne les oublions jamais.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui a une histoire qui honore le Sénat. Elle témoigne de la capacité de la Haute Assemblée à réfléchir à froid, en surmontant le choc et le drame absolu qu’est l’assassinat d’un professeur. Tel était tout l’enjeu de la mission conjointe de contrôle : étudier, analyser, comprendre et proposer des solutions pour résorber les failles qui ont permis de tels drames.

Pilotée par François-Noël Buffet et Laurent Lafon, que je salue pour la qualité de leur travail, elle a été le théâtre de fortes émotions, comme celle que nous avons ressentie lors de l’audition de Mickaëlle Paty, qui nous a tous profondément marqués. (M. Pierre Ouzoulias le confirme.)

Les témoignages que nous avons recueillis nous ont permis de prendre la pleine mesure du climat de violence dans lequel officient au quotidien de nombreux professeurs, trop souvent mis sous pression, trop souvent menacés. Ils ont nourri des recommandations aussi utiles que nécessaires, qu’il nous fallait traduire et incarner dans des mesures concrètes et opérationnelles.

Je tiens donc à remercier Laurent Lafon, auteur de cette proposition de loi, et Annick Billon, rapporteure, pour le travail remarquable qu’ils ont effectué. Ils nous proposent aujourd’hui une réponse mature qu’il convient de saluer.

Il nous appartient en effet de soutenir ce texte, car il est crucial de rassurer nos professeurs et de nous doter d’outils pour les protéger efficacement.

Il nous appartient de soutenir ce texte, car nous ne pouvons accepter que des milliers d’entre eux exercent leur métier dans un état de qui-vive permanent, au prix d’un épuisement chaque jour un peu plus profond.

Il nous appartient de soutenir ce texte, car il n’y aura pas de retour à l’attractivité du métier sans réponse durable au mal-être des professeurs.

Le constat est là, en effet, sans appel : la France est le pays de l’Union européenne où les actes de violence à l’école sont les plus nombreux. Parmi les pays de l’OCDE, seuls l’Argentine, le Brésil et le Mexique font pire.

Le texte qui nous est présenté est un début de réponse législative à cette violence. Il cherche à mieux armer l’institution afin qu’elle puisse protéger ses professeurs.

Il est nécessaire, mais il ne suffira pas : l’essentiel de la réponse réside dans l’action réglementaire. C’est pourquoi, madame la ministre d’État, nous vous remercions d’avoir dit tout à l’heure votre volonté de vous saisir au plus vite des nombreuses préconisations du rapport d’information sénatorial. Ce rapport est une véritable mine de propositions en matière de prévention, de sanction et de réparation, ces trois axes ayant vocation à constituer le trépied d’une politique ambitieuse de protection des professeurs.

Un point de vigilance, toutefois : nous ne devons surtout pas diluer la protection des professeurs dans une protection générale des fonctionnaires, tant leurs missions sont spécifiques et leur exposition à la violence particulière.

Mme Annick Billon, rapporteure. Très bien !

M. Max Brisson. Le ministère de l’intérieur a le réflexe de protéger ses policiers et ses gendarmes. Il est temps que le ministère de l’éducation nationale adopte le même réflexe ; nous en sommes encore loin.

M. Max Brisson. Il n’en demeure pas moins que ce texte pose un certain nombre d’avancées qui me paraissent nécessaires.

Oui, nous devons étendre la neutralité religieuse à toutes les activités de l’institution scolaire.

Oui, nous devons renforcer la responsabilisation des parents, même si je regrette que la jurisprudence ne permette pas d’instaurer des contrats d’engagement.

Oui, nous devons octroyer automatiquement la protection fonctionnelle au personnel scolaire. Il serait même opportun de renforcer les sanctions pénales applicables aux auteurs de violences ; j’ai en ce sens déposé deux amendements.

Oui, nous devons donner des droits nouveaux aux chefs d’établissement, à condition néanmoins que le pouvoir réglementaire les complète habilement. Les prérogatives d’autorité des chefs d’établissement, tout comme celles des conseils de classe et des conseils de discipline, n’ont en effet cessé d’être réduites, limées et rabotées : il est urgent de les rétablir.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. Nous formons le vœu qu’elle soit la première pierre d’une action plus forte que seul le ministère est apte à diligenter, pour protéger nos professeurs et pour protéger notre école. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi quau banc des commissions. – Mme Anne-Sophie Romagny et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un texte important visant à répondre à un problème qui se pose de façon cruciale dans nos établissements, à savoir la protection des enseignants et des personnels de l’école de la République.

Par cette proposition de loi, il est donné suite aux travaux d’une mission conjointe de contrôle de la commission des lois et de celle de l’éducation, qui avait notamment pour but de comprendre les mécanismes ayant abouti à l’assassinat terroriste de Samuel Paty en octobre 2020. L’assassinat de Dominique Bernard est venu confirmer qu’il fallait que nous développions notre arsenal législatif afin de protéger l’école de la République.

Je tiens ici à rendre hommage à l’ensemble des enseignants, des directeurs d’établissement, des personnels éducatifs et administratifs qui chaque jour font vivre l’école républicaine, que ce soit en France ou dans notre réseau d’enseignement français à l’étranger. Il est de notre devoir de leur offrir les conditions de travail les plus sûres et les plus sereines possible.

Je le sais, tous ceux qui siègent au sein de cet hémicycle partagent le même idéal, qui est de faire de l’école de la République un sanctuaire. Je remercie le président de notre commission, Laurent Lafon, ainsi que notre rapporteure, Annick Billon, pour leur travail sur ce texte qui traduit des recommandations législatives issues de la mission conjointe de contrôle.

Celle-ci faisait le triste constat d’une violence endémique dans les établissements scolaires, violence dont les personnels de l’éducation nationale sont les premières victimes. Cette violence n’est pas nouvelle, mais elle a pris depuis quelques années une tout autre ampleur et s’est généralisée. Fait nouveau, elle touche désormais aussi le primaire.

Ainsi, au nom du groupe RDPI, je salue l’examen de cette proposition de loi, et ce à plusieurs égards.

Tout d’abord, la réécriture de l’article du code de l’éducation relatif à l’enseignement moral et civique est bienvenue : elle en recentre le contenu et affiche des objectifs clairs, à savoir la connaissance des valeurs et principes de la République, dont la laïcité, ainsi que la connaissance du fonctionnement de nos institutions et la compréhension des enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain. Faire société, c’est aussi s’assurer de la maîtrise de ces fondamentaux.

En tant que sénatrice des Français établis hors de France, j’ai déposé un amendement dont l’objet est de ne pas oublier les élèves et leurs familles qui, partout dans le monde, font le choix des établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger.

L’article 2 de la proposition de loi permet quant à lui de clarifier l’article du code de l’éducation encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées. Des zones grises persistaient en effet pour ce qui est des activités organisées en dehors du temps scolaire. Cette nouvelle rédaction apportera davantage de sécurité aux professeurs.

Ce texte exprime également la volonté de responsabiliser les élèves et leurs familles dans le bon fonctionnement de l’école et la prévention de tout acte de violence.

L’article 3 de cette proposition de loi inscrit ainsi dans la loi le principe de l’accompagnement et de la responsabilité des élèves perturbateurs et de leurs parents.

En outre, l’octroi automatique de la protection fonctionnelle et la possibilité pour l’administration de déposer plainte en lieu et place d’un agent vont évidemment dans le bon sens, celui d’une protection accrue de nos enseignants et des personnels de l’éducation nationale. C’est là l’objet principal de ce texte, et je m’en réjouis.

J’ai déposé à cet égard un amendement visant à permettre aux agents consulaires de déposer plainte pour les agents du réseau d’enseignement français à l’étranger lorsque le droit local l’autorise.

J’appelle également votre attention, madame la ministre, sur la nécessité d’ouvrir une réflexion autour de la protection fonctionnelle des agents du réseau d’enseignement français à l’étranger, car, à l’heure actuelle, tous n’en bénéficient pas – j’ai déposé un amendement d’appel en ce sens.

Le groupe RDPI votera évidemment en faveur de ce texte, qui va incontestablement dans le bon sens. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

Mme Agnès Evren. Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, cette semaine, à Nîmes, un jeune de 17 ans a agressé un élève de 13 ans devant un collège en le poignardant à trois reprises. Cet épisode atroce et glaçant n’est pas un fait divers : c’est un fait de société.

Chaque semaine, l’école de la République est le théâtre d’une violence inouïe. À Paris, il y a deux mois, un jeune de 16 ans a été assassiné au couteau dans une rixe entre bandes rivales. Combien de temps allons-nous tolérer ce niveau de décivilisation ?

L’école est pourtant le socle de notre civilisation. Comment peut-elle rester un lieu de civilisation si elle vacille sous les coups de la violence, du communautarisme et de la déconstruction ?

Aujourd’hui, un principe de réalité nous a rattrapés, tous autant que nous sommes, politiques, éducation nationale, associations : c’est à l’affaiblissement de l’école, à l’affaiblissement de l’autorité de l’école, que nous assistons.

Pourtant, un indicateur aurait dû nous alerter : on comptait près de 3 000 démissions d’enseignant en 2021, soit six fois plus qu’il y a quinze ans, selon les chiffres les plus récents émanant du ministère.

Cette réalité est corroborée par le rapport de la mission de contrôle rendu en mars 2024 par François-Noël Buffet et Laurent Lafon : nos collègues y décrivent, à l’issue de leurs travaux, une école où la promesse d’émancipation est menacée.

Qu’est devenue la promesse de liberté quand plus d’un enseignant sur deux dit s’être déjà autocensuré pour éviter des contestations ? Les enseignants sont harcelés. Plus de 37 000 d’entre eux ont été menacés en 2022 ; 900 l’ont été avec une arme. En France, en moyenne, chaque jour, deux à trois enseignants sont agressés avec une arme.

Qu’est devenue la promesse d’égalité quand les violences sont concentrées dans certains établissements difficiles ? Tout enseignant et tout élève a le droit de vivre dans un climat scolaire apaisé. Pourtant, selon une étude d’Odoxa pour l’observatoire Hexagone publiée en janvier 2025, 42 % des parents d’élève rapportent au moins un fait de violence concernant leur enfant, et ce taux atteint 69 % dans les établissements situés en REP.

Enfin, qu’est devenue la promesse de fraternité lorsque, face à ces dangers, 28 % des enseignants se voient refuser la protection fonctionnelle ? On pense évidemment, à cet instant, à Samuel Paty. Pis, la moitié de ces refus sont implicites, ce qui constitue un abandon lâche et scandaleux.

Face à ce constat implacable, nous avons, madame la ministre, le devoir d’agir. Lorsque la loi ne protège plus, il faut changer la loi ! Je salue donc le président Laurent Lafon et la rapporteure Annick Billon pour cette proposition de loi salutaire et courageuse, qui pose un premier jalon vers le rétablissement de l’ordre à l’école, et cela à quatre égards.

Face aux délinquants et aux voyous, ce texte responsabilise les élèves et leurs parents via des sanctions prévues en cas de perturbations répétées. Fini les élèves multirécidivistes qui pourrissent la vie de la majorité !

Face au besoin de protéger la communauté éducative, il rend automatique l’octroi de la protection fonctionnelle et impose à l’administration de porter plainte en cas d’agression.

Face au communautarisme, il clarifie l’interdiction des signes religieux pour l’étendre à toutes les activités scolaires, y compris hors temps scolaire. Fini les discussions interminables sur les signes religieux ! Désormais s’appliquera la même règle pour tous.

Face à la décivilisation, il recentre l’enseignement moral et civique sur la connaissance des institutions et des valeurs républicaines.

L’avenir de notre pays ne peut se concevoir sans un redressement de l’école. Un redressement de notre école ne peut se concevoir sans sécurité et sans protection. Si nous laissons notre école s’effondrer, c’est notre société qui s’effondrera. Nous devons avoir le courage de refuser cette fatalité, pour nos enseignants et pour nos élèves. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à protéger l’école de la république et les personnels qui y travaillent

Article 1er

L’article L. 312-15 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-15. – Outre les enseignements concourant aux objectifs définis à l’article L. 131-1-1, l’enseignement moral et civique a pour objet d’amener les élèves à devenir des citoyens responsables et conscients de leurs droits et de leurs devoirs.

« Il comporte, à tous les stades de la scolarité, une formation aux valeurs de la République et aux principes de la République mentionnés au premier alinéa de l’article 1er de la Constitution dont celui de laïcité.

« Son objectif est de permettre aux futurs citoyens de connaître le fonctionnement des institutions françaises et européennes. Il vise également à leur faire comprendre les enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après les mots :

des citoyens responsables

insérer le mot :

, libres

II. – Alinéa 4

Après les mots :

Il vise également

insérer les mots :

à développer leur esprit critique et

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Je l’ai indiqué tout à l’heure, je partage tout à fait la proposition qui est faite à l’article 1er, qui est de clarifier les objectifs de l’enseignement moral et civique et de recentrer la définition de son contenu en vue d’apporter aux élèves un socle commun de connaissances sur les valeurs, principes et institutions de la République et sur les enjeux internationaux, sociétaux et environnementaux du monde contemporain, ainsi que de former de futurs citoyens responsables et conscients de leurs droits et de leurs devoirs.

Il me semble souhaitable d’ajouter à cet article deux notions : premièrement, ce sont des citoyens « libres » que nous voulons former ; deuxièmement, à l’alinéa 4, il me semble important de mentionner l’objectif consistant à « développer leur esprit critique ». Voilà qui apparaît plus que jamais nécessaire dans les temps actuels.

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

responsables

insérer le mot :

, libres

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Cet amendement des élus du groupe socialiste vise à rappeler que l’école est un lieu d’émancipation individuelle et collective et qu’à cet égard la notion de liberté est en effet une notion importante à faire figurer dans cet article du code de l’éducation. Si un citoyen est libre, ce n’est pas par principe : cela se construit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. La commission a souhaité faire preuve de concision ; néanmoins, l’ajout du mot « libres » et de la mention du développement de l’esprit critique a été accepté. J’émets donc un avis de sagesse sur l’amendement n° 27 et propose à Mmes Monier et Brossel, dont l’amendement n° 7 répond en réalité au même objectif, de le rendre identique à celui du Gouvernement ou, à défaut, de le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Cet amendement sera voté ; comme Mme la ministre, je me réjouis du recentrage de l’enseignement moral et civique auquel il est procédé dans ce texte.

Il n’empêche que je m’interroge : il me semblait que les idées dont il est question étaient inscrites par définition dans la notion de citoyen. Tout citoyen, parce qu’il est citoyen, est à la fois libre, responsable et doté de l’esprit critique, tous ces principes étant au fondement de notre République ! Il arrive qu’en ajoutant des mots on affaiblisse le sens des textes de loi…

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Oui, ça ne sert à rien !

M. Max Brisson. Rédigeant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les constituants se sont montrés particulièrement justes dans le choix des mots. Et c’est pour cette raison même, parce qu’ils n’ont pas abusé des formules, que ce texte est passé à la postérité. Essayons d’écrire la loi avec justesse, et ainsi nous serons à la hauteur de nos prédécesseurs, des enjeux que nous essayons de traiter par ce texte et de cet enseignement moral et civique : un citoyen, par définition, est libre ; c’est ce qui fait la République !

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Je vais exprimer, à l’égard de ces deux amendements, les mêmes réserves que celles que j’ai émises en commission. Je partage évidemment l’intégralité des propos de Max Brisson sur la notion de liberté. Je ne sais pas si la liberté se construit et si l’on doit être éduqué à la liberté ; je ne sais pas non plus si cette question a vraiment sa place au sein de l’enseignement moral et civique, dont on alourdit la charge, par des amendements superfétatoires, là même où l’on prétend l’alléger.

Se pose par ailleurs, selon moi – déformation professionnelle oblige ! –, un problème de logique : je ne comprends pas pourquoi un avis défavorable est émis sur l’amendement n° 7, qui a pour seul objet de préciser que les citoyens ainsi formés sont « libres », quand l’amendement du Gouvernement, qui contient la même exacte disposition, recueille un avis plutôt favorable – faut-il y voir un traitement de faveur ?

Conformément à la logique cartésienne qui est la mienne, et dont je ne me départis jamais, je m’abstiendrai sur l’amendement n° 27.

Mme la présidente. La commission n’a pas émis d’avis défavorable sur l’amendement n° 7 ; elle a invité ses auteures à le retirer, dans la mesure où l’adoption de l’amendement du Gouvernement le rendrait sans objet.

Je mets donc aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 7 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il comporte également une sensibilisation à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et les autres formes de discrimination et de haine.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. J’ai rectifié l’amendement que j’avais déposé en commission, qui a trait aux cours d’enseignement moral et civique. L’article du code de l’éducation qui régit le contenu de ces cours est singulièrement bavard, cela a été dit. Il est donc pertinent d’en proposer une réécriture.

Toutefois, et eu égard notamment à l’adoption récente par le Sénat de la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, il apparaît fondamental, dès le collège et le lycée, d’éduquer les élèves à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et de les sensibiliser aux formes particulières et insidieuses propres à chacune de ces formes de discrimination.

Aussi le présent amendement vise-t-il à enrichir la vision de l’EMC inscrite à l’article 1er en y ajoutant une mention relative à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et autres formes de discrimination.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. L’esprit critique qui nous anime n’empêche pas l’esprit de concision et d’efficacité : il nous semble important d’en rester à la rédaction synthétique posée à l’article 1er.

Par ailleurs, le code de l’éducation prévoit déjà, de manière transversale, une éducation aux médias et à l’information, une formation à la lutte contre le racisme, ainsi qu’une familiarisation avec la notion de réchauffement climatique, via notamment l’éducation à l’environnement et au développement durable. Du reste, ces thématiques ne doivent pas être l’apanage de l’EMC.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Le Café pédagogique, site qui n’est jamais avare de critiques, évoque de manière, donc, critique, à propos de ce texte, un « retour à l’instruction civique ». Pour ce qui me concerne, je suis très heureux que cette proposition de loi permette le retour à l’instruction civique.

À multiplier les injonctions à l’éducation morale et civique et à vouloir tout apprendre aux enfants, on ne leur apprend plus rien ! Le recentrage ici proposé permettra, sur le temps limité qui est consacré à cette éducation morale et civique, d’apprendre réellement ce que sont les principes, les valeurs et les institutions de la République. Si cet enseignement y pourvoit, on pourra considérer à bon droit que, par les temps qui courent, le résultat ainsi obtenu est déjà formidable. Alors, en effet, cet enseignement sera bel et bien à la hauteur de nos ambitions : oui, recentrons-le pour qu’il soit efficace !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. J’ai rectifié, en vue de la séance, l’amendement que j’avais déposé en commission ; je rejoins donc notre collègue Max Brisson. Je propose simplement d’ajouter à l’article 1er la mention de la sensibilisation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais mentionner ici le rapport qui fut présenté par Claude Nicolet au ministre de l’éducation nationale le 1er novembre 1984, intitulé Pour une restauration de léducation et de linstruction civiques. Le texte en est d’une actualité criante, absolue, et il serait très intéressant, me semble-t-il, que nous nous en inspirions pour donner une ligne de conduite aux enseignants en la matière.

Je ne saurais, dans le temps qui m’est imparti, vous en donner un résumé, mes chers collègues, mais je partage l’essentiel du projet de Claude Nicolet : l’école de la République sert à former des républicains !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Annick Billon, rapporteure. Je confirme, à l’attention de notre collègue Monique de Marco – j’en suis fortement désolée – l’avis défavorable de la commission, malgré la modification apportée : la formation à la lutte contre le racisme est déjà prévue dans le code de l’éducation.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cet enseignement sensibilise les élèves aux dangers de l’Internet et de la manipulation de l’information ainsi qu’aux droits et devoirs des enfants et à toute forme de maltraitance et de harcèlement les concernant.

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. L’objet de cette PPL n’est pas l’EMC, et ce n’est à l’évidence pas le rôle des parlementaires que de rédiger les programmes : ce rôle incombe au Conseil supérieur des programmes. À chacun son travail et ses compétences !

Pour autant, je suis assez persuadée – je le dis y compris compte tenu de l’échange que nous venons d’avoir, mes chers collègues – qu’il est de notre responsabilité de fixer les grandes lignes directrices – disons-le ainsi – que doit suivre l’EMC. Au passage, je précise que le recentrage auquel il est procédé ne nous disconvient pas, mais que le monde change, évolue : nous devons aussi faire en sorte que notre école soit l’école du XXIe siècle, celle de 2025, et non l’école fantasmée d’avant – bien avant ! – ma naissance.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de ce recentrage, nous proposons, par cet amendement, que demeure du ressort de l’EMC la question de la sensibilisation des élèves aux dangers d’internet et à la manipulation de l’information, ainsi qu’aux droits et devoirs des enfants et à toute forme de maltraitance et de harcèlement les concernant.

Ces précisions ne me paraissent pas en dehors des réalités de 2025, même si, en soi, je le redis, recentrer l’article du code de l’éducation dont il est question ne nous disconvient pas.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Sur cet amendement, comme sur l’amendement précédent, la commission a émis un avis défavorable ; par ailleurs, je partage ce que dit notre collègue Colombe Brossel quant à la rédaction des programmes : là n’est pas notre rôle.

Dans le code de l’éducation figure déjà la mention expresse d’une formation au numérique : en ajoutant cette précision, nous nous montrerions très bavards et assez inefficaces.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Il y a peut-être de quoi s’interroger quant à la manière dont est structuré le code de l’éducation, mais il est déjà prévu dans un autre article dudit code, l’article L. 312-9, une sensibilisation des élèves aux usages d’internet et au traitement de l’information. La question ici soulevée n’est par ailleurs pas sans rapport avec l’éducation aux médias, évoquée dans un autre article du même code.

Pour ce qui est de la sensibilisation aux problèmes de harcèlement à l’école, j’y suis particulièrement attentive : tel était le sens du plan interministériel que j’avais présenté au mois de septembre 2023 en tant que Première ministre. Mais, derechef, un article du code de l’éducation, en l’occurrence l’article L. 111-6, prévoit un tel enseignement.

Votre demande étant satisfaite, madame la sénatrice, je propose que vous retiriez cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Colombe Brossel a rappelé à très juste titre que c’est au Conseil supérieur des programmes d’élaborer les programmes. Il revient néanmoins au Parlement de donner quelques grandes orientations et d’exprimer la volonté de la Nation pour ce qui est de cette fabrique des programmes.

D’où ma question, madame la ministre : si ce texte poursuit son chemin législatif et devient la loi, saisirez-vous bel et bien le Conseil supérieur des programmes afin d’assurer une refonte des programmes de l’enseignement moral et civique dans le sens ici indiqué ?

Par ailleurs, comme vous l’avez dit, l’EMC est très loin d’être la seule discipline par laquelle l’éducation nationale exerce sa mission de lutte contre la manipulation de l’information : elle a bien d’autres occasions de le faire.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Monsieur le sénateur, je vous confirme que je souhaite ce recentrage sur les sujets essentiels. Tel est le sens du travail qui a été engagé par le Conseil supérieur des programmes, sur l’initiative de mes prédécesseurs : s’assurer que l’esprit de ce que nous sommes en train de faire en débattant de cette proposition de loi est bien strictement respecté – mais nous pourrons peut-être en reparler.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. Je veux revenir sur cet amendement, car je me demande dans quelle discipline ces sujets sont enseignés.

Vous avez cité certains articles du code de l’éducation, mais existe-t-il une matière qui s’empare des sujets relatifs à la manipulation de l’information et à la sensibilisation aux dangers d’internet ?

J’ai été enseignante : si cet enseignement est bien inscrit dans la loi, dans la pratique, il n’est jamais abordé ! L’EMC serait donc peut-être l’occasion de traiter de ces sujets.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mmes Corbière Naminzo et Apourceau-Poly, MM. Barros, Basquin et Brossat, Mme Brulin, M. Corbisez, Mme Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, M. Lahellec, Mme Margaté, M. Savoldelli, Mmes Silvani et Varaillas et M. Xowie, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation, après le mot : « publics, » sont insérés les mots : « ainsi que dans les établissements privés sous contrat avec l’État, ».

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame Eustache-Brinio, je me permets de citer vos propos du 18 février (Sourires au banc des commissions.) : « Le voile, l’abaya, le qamis, le burkini ne sont pas des vêtements culturels, ce sont des étendards politiques qui s’immiscent dans notre société. » (Mme Jacqueline Eustache-Brinio sexclame.)

Attendez la fin ! (Sourires.)

« Le port de ces vêtements trouve sa source dans des normes imposées par l’islam le plus rigoriste, lequel souhaite instituer […] une communauté islamique mondiale […]. Le port de l’abaya par de plus en plus de petites filles en est un exemple effrayant qui, en France comme ailleurs, contribue à un véritable apartheid sexuel. » C’était votre expression.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’était bien dit !

M. Pierre Ouzoulias. Dans ce cas, je vous le demande : pourquoi acceptez-vous un « apartheid sexuel » dans les écoles privées sous contrat ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Mais qui vous dit que je ne voterai pas votre amendement ?

M. Pierre Ouzoulias. Je serais très heureux que vous le fassiez ! J’ai d’ailleurs demandé un scrutin public : chacun pourra se prononcer de manière transparente.

Monsieur Hingray – j’en ai pour tout le monde ce matin ! (Sourires.) –, vous avez affirmé : « La laïcité s’appliquera partout où la République enseigne. » Considérez-vous donc que la République n’enseigne pas dans les écoles sous contrat ? C’est une question de fond ! (Mme la rapporteure sourit.)

Par cet amendement, je propose d’étendre la loi de 2004 à la totalité des établissements, y compris ceux qui sont sous contrat. Je ne vois pas pourquoi nous refuserions d’assurer la protection de la laïcité à 2 millions d’élèves. (Mme Marie-Pierre Monier applaudit.)

M. Pierre Ouzoulias. Eux aussi ont le droit à une émancipation.

Dans le contexte actuel, que vous connaissez tous, il est nécessaire de rappeler l’indispensable dignité due à tous les élèves, notamment grâce à la laïcité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER GEST et RDSE.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Je salue la constance et la détermination de Pierre Ouzoulias, qui réaffirme sa conviction sur ce sujet.

Son amendement vise à étendre l’interdiction pour les élèves du port de tenues et de signes religieux aux établissements privés sous contrat.

Une telle mesure me paraît totalement inconstitutionnelle.

Mme Annick Billon, rapporteure. Il existe depuis désormais vingt ans un modus vivendi sur le périmètre d’application de la loi interdisant le port des signes religieux par les élèves.

Les modifications apportées par la proposition de loi ne font que clarifier certaines zones d’ombre. N’ouvrons pas une nouvelle guerre entre école privée et école publique !

Mme Annick Billon, rapporteure. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Monsieur le sénateur, je vous renvoie aux travaux de la commission Stasi, qui avaient débouché sur la loi de 2004.

Le contrat d’association signé par les établissements privés sous contrat emporte en effet l’obligation d’enseigner les principes et les valeurs de la République dans le cadre des programmes de l’enseignement public. En revanche, la sauvegarde du caractère propre de l’établissement d’enseignement privé, qui est un principe constitutionnel (M. Pierre Ouzoulias sexclame.), implique que les convictions religieuses puissent, si le règlement intérieur le permet, s’y exprimer plus librement que dans les établissements publics.

C’est la raison pour laquelle la loi de 2004 n’a pas été rendue applicable aux établissements d’enseignement privés sous contrat. Il me paraît sage d’en rester là.

Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre Monier. Nous soutenons pleinement cette proposition d’extension d’application de la loi de 2004 aux établissements privés sous contrat et remercions notre collègue Pierre Ouzoulias pour cet amendement ambitieux.

Il est souvent reproché à la gauche, à tort, d’avoir abandonné la laïcité,…

Mme Marie-Pierre Monier. … quand elle refuse que ce principe soit dévoyé et qu’il entre en contradiction avec les grands principes posés par la loi de 1905.

Nous y sommes pourtant viscéralement attachés et considérons, à ce titre, paradoxal que la laïcité s’arrête aux portes d’un enseignement financé à 73 % par de l’argent public et qui accueille chaque année plus de 2 millions d’élèves.

La loi de 2004 est un facteur d’apaisement au sein de nos établissements scolaires publics. Elle en a fait des sanctuaires laïques précieux pour l’éveil des consciences de nos élèves, qui évoluent ainsi dans un environnement imperméable aux influences religieuses et au prosélytisme.

Il serait d’autant plus judicieux d’étendre son périmètre que la période récente a mis en lumière l’ampleur des atteintes à la laïcité dans l’enseignement privé sous contrat, phénomène massif et documenté, comme nous l’avions d’ailleurs rappelé lors du débat sur les modalités de contrôle de l’État de l’enseignement privé sous contrat que nous avions demandé au sein de cet hémicycle.

Bien peu de choses se sont passées hélas ! depuis lors. Mes chers collègues, profitons de l’examen de cette proposition de loi pour envoyer un signal fort en faveur d’une laïcité ambitieuse au sein de notre école, dans sa diversité !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur Ouzoulias, je vous remercie d’avoir repris mes propos. Par ailleurs, je vous rassure : je vais voter cet amendement !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je suis d’autant plus à l’aise pour le voter que j’ai travaillé moi-même dans un établissement privé sous contrat.

Depuis dix ans, c’est clair, des questions nouvelles se posent quant au respect de la laïcité dans les établissements privés sous contrat. Si nous en parlons aujourd’hui, c’est que la problématique est réelle. C’est notamment le cas dans le Val-d’Oise, où je suis élue.

Nous devons protéger, partout, les enfants de ce pays d’un certain nombre de dérives communautaires. Or il faut admettre que celles-ci existent dans l’enseignement privé sous contrat, ce que je regrette à titre personnel.

Je voterai donc cet amendement. Je ne m’engage pas dans une guerre entre école publique et école privée, puisque j’ai enseigné dans un établissement privé sous contrat. J’ai été fière d’accomplir un travail extraordinaire dans un lycée accueillant des adolescents en grande difficulté auxquels nous essayions de redonner des perspectives. Je suis donc totalement en phase avec mon collègue Ouzoulias sur ce sujet.

M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie, chère collègue !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Nos positions sont au moins cohérentes !

En ce qui concerne la constitutionnalité de mon amendement, je veux indiquer que la France est une « République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ! C’est ce qui est écrit dans la Constitution ! La laïcité doit donc s’appliquer partout.

Pour ce qui est du caractère propre de l’enseignement privé, je souhaiterais que vous le définissiez ! (Mme Colombe Brossel applaudit.) Ce principe n’est en effet précisément décrit nulle part. La Constitution conforte et garantit la liberté d’enseignement : ce n’est pas tout à fait la même chose.

Enfin, je m’adresse à mes collègues qui s’opposent à cet amendement. Comment accepter, comme c’est le cas dans mon département des Hauts-de-Seine, que de petites filles qui veulent rester voilées désertent le collège public, mais qu’il leur suffise de traverser la rue pour être admises dans un collège privé ? Comment accepter que, d’un côté de la rue, elles portent atteinte aux principes de la République, et que, de l’autre, s’applique une laïcité permissive qui autorise l’expression de toutes les manifestations religieuses ? Votre position est totalement incohérente !

La cohérence laïque est ici : elle est à gauche ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Bien sûr que Pierre Ouzoulias est toujours cohérent ! Mais cohérent dans ses attaques systématiques contre l’enseignement privé, en particulier l’enseignement privé catholique ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K et SER.) Au moins cette constance l’honore-t-elle !

M. Max Brisson. Tous les textes et prétextes sont bons pour remettre continuellement en cause le subtil équilibre de la loi Debré et des principes constitutionnels qui ont été rappelés par Mme la ministre d’État.

Mes chers collègues, faisons attention ! Actuellement, le seul enseignement privé sous contrat qui est sans cesse et systématiquement attaqué, c’est l’enseignement catholique, et toujours par les mêmes bancs – ceux de la gauche ! (Même mouvement.)

N’ouvrons donc pas une voie qui n’aurait que pour conséquence d’apporter de l’eau au moulin de celles et ceux qui n’ont qu’une obsession, qui s’exprime constamment, en particulier à l’Assemblée nationale, par la bouche du député La France insoumise (LFI) Paul Vannier : remettre en cause l’enseignement privé sous contrat !

M. Alexandre Basquin. C’est caricatural…

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.

M. Bernard Fialaire. Je veux moi aussi éviter à tout prix de rallumer une guerre scolaire.

Dans mon département, il existe des mutualisations entre établissements privés et publics, qui partagent la cantine ou organisent des rencontres sportives ou des sorties conjointes.

En tolérant que certains élèves arborent des signes religieux et d’autres non à ces occasions, nous ne ferions rien d’autre que de rendre les enfants schizophrènes !

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Bernard Fialaire. Pour garantir une meilleure cohérence et éviter ces dérives, je voterai l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Je veux rappeler l’esprit de cette proposition de loi, car le débat sur l’amendement de Pierre Ouzoulias – je reconnais là sa ténacité, mais aussi son habileté… – semble nous en éloigner. Il n’est donc sans doute pas nécessaire que nous saisissions tous la perche qu’il essaie de nous tendre… (Sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. Ce n’est pas mon genre !

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Faisons plutôt en sorte que ce texte, qui vise à envoyer un message clair et fort aux enseignants et au personnel éducatif sur la sécurité au sein des établissements, reste fidèle à notre ambition initiale et à l’esprit de la mission dont il procède.

Il est vrai que d’autres sujets peuvent être abordés à travers le prisme des questions éducatives. Je vous demande d’être raisonnables, à la fois pour ne pas dénaturer le texte et nos débats, et pour respecter le temps d’examen prévu. Concentrons-nous sur le contenu du texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.

M. Stéphane Piednoir. Premièrement, la cohérence de la gauche ne s’observe pas tous les jours – cela dépend en tout cas des gauches ! (Protestations sur les travées du groupe SER.) Nous avons la chance d’en avoir ici des représentants plutôt raisonnables, qui nous rejoignent en grande partie sur le sujet de la laïcité. Ce n’est pas le cas dans une autre assemblée, où est agité l’étendard d’une nouvelle guerre des écoles…

Deuxièmement, M. Fialaire nous appelle à respecter la neutralité dans tous les aspects de l’école, y compris à l’occasion des sorties scolaires. Tiens, tiens !

Nous sommes, me semble-t-il, le seul groupe qui demande un traitement identique de la neutralité vestimentaire lors des sorties scolaires et entre les murs des établissements.

J’entends rarement des échos à gauche lorsque nous soulevons cette problématique ! Je profite donc des propos de M. Fialaire pour rappeler que cette exigence doit aussi s’appliquer à l’école hors les murs.

Troisièmement, je m’étonne que cet amendement n’ait pas été considéré comme un cavalier législatif.

Mme Annick Billon, rapporteure. C’est vrai !

M. Stéphane Piednoir. Comme l’a dit le président Lafon, c’est en effet une extravagance, qui s’écarte fortement du texte initial.

On connaît la malice de Pierre Ouzoulias. Je suis très attaché à la neutralité et à la laïcité. J’ai exercé durant vingt-cinq ans dans le public, mais je n’ai aucune aversion pour le privé – contrairement à d’autres !

On connaît l’attachement de notre collègue à la laïcité, mais je crains que celui-ci ne cache une autre ambition, qui consisterait, la prochaine fois, à aller un tout petit peu plus loin pour enfin nier le caractère propre des établissements privés.

M. Max Brisson. Absolument !

M. Stéphane Piednoir. L’enseignement religieux qui y est dispensé repose toujours sur le volontariat, au travers de la signature d’un document en début d’année scolaire. Le caractère propre des établissements privés doit être préservé à ce titre-là.

Ainsi, si je rejoins les arguments du sénateur Ouzoulias, je crains qu’ils ne masquent une tout autre manœuvre…

Mme la présidente. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Je ne sais pas si je fais partie des élus raisonnables, mais ma mère serait très heureuse de vous entendre le dire ! (Mme la ministre dÉtat sourit.) Je lui enverrai le compte rendu…

Cher collègue Ouzoulias, je vous remercie d’avoir provoqué ce débat, car il faudra bien que nous finissions par mener cette discussion à son terme.

Mme Annick Billon, rapporteure. C’est vrai !

Mme Colombe Brossel. C’est vrai : je préférerais que nous parlions de la protection fonctionnelle des enseignants, car c’est bien le cœur de cette proposition de loi, même s’il est bien normal que nous discutions de tous les articles du texte.

Et pourtant, ce débat est indispensable, mes chers collègues. Ce n’est pas parce qu’on répète inlassablement les mêmes propos que ceux-ci s’imposent comme une vérité !

Oui, il faudra définir ce qu’est ce caractère propre, c’est évident. C’est nécessaire si nous voulons avoir un débat serein…

M. Max Brisson. Voilà ! Au moins, les masques tombent !

Mme Colombe Brossel. Permettez-moi de terminer, monsieur Brisson : vous remarquerez que mon ton est extrêmement raisonnable !

Il faudra bien que nous continuions à avancer en ce sens. Nous ne pouvons laisser perdurer des différences entre les systèmes de protection des enfants et des adolescents.

Si nous considérons que la laïcité s’applique strictement dans tous les cadres d’accueil collectif des esprits en formation et des citoyens en devenir, alors nous devons veiller à ce que ce soit le cas partout.

Cela n’enlève rien à l’existence de l’enseignement privé sous contrat. Je le dis très tranquillement : vous pouvez m’accuser mille et une fois de réveiller la guerre scolaire, mais je vous assure que je n’avais pas l’âge de défiler en 1984 et que je ne suis porteuse d’aucun combat. En revanche, je suis attachée à la rationalité, en particulier en politique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Sans trop prolonger le débat, au-delà de la guerre des écoles, il me semble que vous oubliez un point, monsieur Ouzoulias.

Ne croyez-vous pas que les écoles publiques sont en quelque sorte désavantagées par rapport aux écoles privées au regard de leur mode de fonctionnement tripartite ? En effet, dans les écoles privées, un contrat lie les professeurs, les parents et les élèves. Il garantit le respect des enseignements prévus.

Je l’ai dit lors de l’examen en commission : j’aurais aimé que ce contrat existe également dans les écoles publiques. Mais cela est impossible, en raison de l’obligation de scolarité jusqu’à 16 ans.

Dans les écoles publiques, la laïcité et le contenu des enseignements doivent donc être soulignés, tandis que dans les écoles privées, le règlement tripartite permet de clarifier les choses dès le départ, en instaurant un rapport de confiance.

Contrairement à vous, je vois donc une immense différence entre ces deux systèmes scolaires de ce point de vue.

Notre groupe votera contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. J’ai le sentiment que le débat s’égare. Je me suis toujours considérée comme raisonnable – jusqu’à preuve du contraire. (M. Stéphane Piednoir sourit.)

Cette partie de l’hémicycle (Loratrice désigne les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) n’est absolument pas contre l’enseignement privé. Cependant, madame Darcos, en tant qu’ancienne enseignante, j’ai le souvenir qu’en début d’année, les parents, les élèves et le chef d’établissement signent un règlement intérieur. Je pense que c’est toujours le cas dans l’ensemble des établissements.

Je voterai bien sûr en faveur de cet amendement, et je remercie Pierre Ouzoulias d’avoir sollicité un scrutin public.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.

M. Laurent Somon. Le fondement de cette proposition de loi est bien la protection fonctionnelle. Or certains en profitent pour déposer des amendements qui, sinon recréent des clivages, du moins ouvrent des débats certes de fond, mais qui n’ont pas véritablement leur place dans ce texte.

Nous nous sommes pour notre part abstenus d’y voir l’occasion d’aborder le sujet des signes religieux pour les accompagnateurs, par exemple. Nous aurions pu le faire, quitte à rallonger la discussion et à empêcher le débat sur l’objet réel de ce texte !

Il serait donc préférable de retirer cet amendement, qui n’a pas sa place ici. S’il est maintenu, nous voterons bien entendu contre. (Mme la rapporteure, Mme Laurence Garnier et M. Max Brisson applaudissent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 212 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 115
Contre 223

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Cazebonne, MM. Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, MM. Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 452-3-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le mot : « et » est remplacé par le signe « , » ;

2° Après le mot : « harcèlement » sont insérés les mots « et l’acquisition par les élèves des principes et valeurs de la République ».

La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Il s’agit d’un amendement de soutien à nos personnels enseignants à l’étranger, qui ont besoin que certains principes soient parfois rappelés – bien qu’ils puissent paraître évidents –, surtout dans les temps actuels.

Aussi, je souhaite qu’il soit inscrit dans le texte qu’au sein de tout établissement français homologué doivent être respectés les principes et les valeurs de la République.

Nous aiderions ainsi particulièrement les établissements français de Moscou, de Saint-Pétersbourg, ainsi que ceux de Hongrie, du Honduras et du Venezuela.

Cet amendement vise donc à soutenir ces établissements en prévoyant que soit inscrite dans l’homologation qui leur est octroyée la nécessité de respecter clairement les principes et les valeurs de la République.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Lorsque Mme Cazebonne a présenté cet amendement en commission, celui-ci visait à conditionner au respect de l’EMC les homologations des établissements scolaires de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

Cet amendement a depuis lors été modifié. Il y est désormais fait référence, non pas à l’EMC, mais aux valeurs et aux principes de la République. Dans la mesure où la commission ne s’est pas réunie depuis la modification de cet amendement, à titre personnel, j’émets un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Cet amendement est satisfait puisque l’enseignement et la mise en œuvre des programmes, y compris d’éducation morale et civique, sont prévus dans nos établissements.

Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne, pour explication de vote.

Mme Samantha Cazebonne. Je remercie la rapporteure pour son soutien. Mme la ministre souligne avec raison que cet enseignement est inscrit dans les programmes. Je tenais seulement à envoyer un signal fort : nous sommes tous derrière les personnels qui enseignent dans des pays où nos valeurs sont parfois contestées.

Cependant, j’entends que vous vous tenez aux côtés de ces personnels et que mon amendement est satisfait. Aussi, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié est retiré.

Article 2

Le premier alinéa de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette même interdiction s’applique aux élèves qui participent aux activités en lien avec les enseignements, dans ou en dehors des établissements, organisées par ces écoles, collèges et lycées publics, y compris en dehors du temps scolaire. »

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par Mme Aeschlimann, M. Burgoa, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Cadec et Cambier, Mmes Ciuntu, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, M. Delia, Mme Dumas, M. Genet, Mmes Guidez, Jacques, Josende et Lassarade, MM. H. Leroy et Mizzon, Mmes Micouleau, Muller-Bronn et Nadille, MM. Nougein et Panunzi, Mme Petrus et MM. Rapin, Reichardt, Reynaud, Saury, Sido et P. Vidal, est ainsi libellé :

1° Après les mots :

aux élèves qui

insérer les mots :

participent à des stages réalisés dans le cadre de leur scolarité ou qui

2° Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cette même interdiction s’applique également aux apprentis en milieu professionnel, sous réserve du respect des règles organisationnelles propres à l’entreprise qui les emploie.

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à affirmer l’application du principe de laïcité aux élèves qui effectuent des périodes d’immersion en milieu professionnel dans le cadre de leur scolarité, au travers de stages ou de l’apprentissage.

Il est heureux que l’article 2 pose le principe de l’application de la laïcité en dehors des établissements scolaires et du temps scolaire. Cependant, comme vous le savez, les pouvoirs publics encouragent de plus en plus les périodes de stage pour faciliter l’insertion des jeunes.

Il serait difficile de comprendre qu’un élève soit soumis à la laïcité à l’école et qu’il puisse être libéré de l’obligation de respecter cette règle pendant les quelques jours que durerait son stage.

Par ailleurs, l’apprentissage est une période de formation initiale sous statut scolaire. Par conséquent, le contrat de travail et ses règles ne s’appliquent pas à l’élève, qui n’est pas un salarié.

En outre, nous devons donner à nos jeunes et à nos élèves des règles claires, simples, applicables en raison de leur statut et non du lieu où ils se trouvent – à l’intérieur de l’enceinte de l’établissement – ou du temps – scolaire ou associé au temps scolaire.

Enfin, l’article 2 fait référence à une interdiction qui s’applique aux élèves participant à des « activités en lien avec les enseignements ». Or les stages n’ont pas de lien direct avec une discipline précise.

Par conséquent, mon amendement complète utilement l’excellent article de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Cet amendement vise à étendre l’interdiction du port de tenues ou de signes religieux lors des périodes de stage ou d’apprentissage.

Comme je l’ai indiqué précédemment au sénateur Ouzoulias, l’objet de cet article n’est absolument pas de revenir sur le périmètre de la loi de 2004.

Le but des stages et des périodes d’apprentissage en milieu professionnel est d’immerger l’élève ou l’apprenti dans un environnement professionnel. Il est normal que les règles applicables au monde du travail et le règlement intérieur de chaque entreprise s’appliquent également à l’élève lors de ce stage. C’est d’autant plus important pour les apprentis, qui ont un contrat de travail, comme les autres salariés de l’entreprise.

Enfin, plus concrètement, je m’interroge sérieusement sur les moyens de contrôle des dispositions prévues à cet amendement, s’il venait à être adopté. Qui serait chargé de faire respecter leur bonne application : l’entreprise ? le maître de stage ? l’établissement scolaire ? Beaucoup de doutes subsistent.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je voterai bien entendu cet amendement, dont je suis cosignataire. Cependant, quelque chose m’échappe dans l’avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

L’élève, qu’il soit en stage ou apprenti, est sous la responsabilité d’un établissement scolaire. Son statut d’élève ne peut être dissocié de son activité de formation.

Certes, j’ai bien entendu tout à l’heure que la gauche s’érigeait en protectrice de la laïcité, il me semble que depuis quelques années, sa défense est surtout assurée par la droite…

M. Pierre Ouzoulias. Pas complètement, tout de même…

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. On l’observe ici régulièrement quand on aborde le sujet !

Madame la rapporteure, vous demandez qui contrôlera les élèves en stage. Mais ceux-ci sont tout simplement sous la responsabilité des enseignants, qui effectuent des visites de stage, pour vérifier que tout se déroule conformément aux règles prévues ! Cela ne soulève aucune difficulté.

Dès lors que les règles sont clairement écrites pour préciser ce qui s’applique sur le lieu de stage et dans l’établissement scolaire, leur respect ne pose aucun problème.

Les élèves qui sont en milieu professionnel restent sous la responsabilité des établissements scolaires – leur statut d’élève ou d’apprenti prévalant – et nous devons donc inscrire ces principes de laïcité plus que jamais dans la loi. On ne peut pas défendre la laïcité sans que cela soit clairement écrit.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par Mme M. Carrère, MM. Laouedj, Gold, Grosvalet et Masset, Mme Pantel, M. Cabanel, Mmes Briante Guillemont et Jouve et M. Ruel, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

en lien avec les enseignements, dans ou en dehors des établissements, organisés par ces écoles, collèges et lycées publics, y compris en dehors du temps scolaire

par les mots :

organisées par les établissements, y compris en dehors de leur enceinte, dès lors qu’elles sont placées sous la responsabilité des établissements ou des enseignants

La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Je comprends que l’article 2 vise à compléter la loi de 2004. Cependant, nous avons une petite différence d’appréciation sur le sujet.

En effet, cet article nous interroge. Si nous en partageons le fond, nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur la forme. Sa rédaction nous paraît ambiguë, puisqu’il s’agit d’étendre l’interdiction du port de signes religieux « y compris en dehors du temps scolaire ».

Cette formulation pourrait laisser entendre que l’interdiction s’appliquerait à d’autres activités hors du temps scolaire, qui, pourtant, relèvent non pas de l’éducation nationale, mais des collectivités locales ou d’associations partenaires.

C’est en tout cas l’interprétation que nous faisons de cet article.

En l’état, cette imprécision crée le risque d’une extension de l’interdiction, que nous ne souhaitons pas aujourd’hui. La loi de 2004 est bien faite, elle a été rédigée de manière précise et équilibrée. C’est pourquoi nous vous proposons de rester sur les stricts termes de la circulaire de 2004, qui était elle aussi claire, et, ce faisant, d’éviter tout risque de la fragiliser en introduisant une disposition ambiguë dans la loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Madame la présidente Carrère, vous avez compris au cours de la discussion qui nous occupe depuis quelques minutes que, au travers de son texte, la commission n’a pas pour objectif de modifier le périmètre de la loi de 2004, texte qui, de surcroît, porte sur l’école et non sur les activités périscolaires, lesquelles sont organisées par les collectivités territoriales.

Les activités visées n’étant pas sous la responsabilité de l’éducation nationale, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 3

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 111-3-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret prévoit les conditions d’accompagnement et de responsabilisation de l’élève et de sa famille en cas de non-respect répété par celui-ci des règles de fonctionnement et de la vie collective de l’établissement. » ;

2° L’article L. 511-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret prévoit les conditions d’accompagnement et de responsabilisation de l’élève et de sa famille en cas de non-respect de l’assiduité ainsi que des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements et d’un sous-amendement faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l’article L. 511-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 511-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 511-1-…. - Dans les écoles, les collèges et les lycées, une information annuelle est délivrée aux élèves et aux personnes responsables de ceux-ci sur l’importance du respect des personnels, des règles de bon fonctionnement et de vie collective, de l’ordre et de la sécurité au sein de l’établissement.

« En cas de non-respect, par les élèves, du personnel et de ces règles, le directeur d’école ou le chef d’établissement réunit les membres concernés de l’équipe éducative dans le premier degré ou de la commission éducative dans le second degré, pour proposer les mesures à prendre pour y remédier. Un document récapitulant ces mesures est signé par les personnes responsables de l’élève.

« Le directeur académique des services de l’éducation nationale, agissant sur délégation du recteur d’académie, saisi par le directeur de l’école ou le chef de l’établissement scolaire, adresse à l’élève et aux personnes responsables un avertissement et leur rappelle les obligations légales et les sanctions applicables au manquement de l’élève. Il peut diligenter une enquête sociale.

« Les personnes responsables de l’enfant peuvent être convoquées pour un entretien avec le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie ou son représentant. Celui-ci peut proposer des mesures de nature pédagogique ou éducative pour l’élève.

« En cas de persistance du non-respect, par l’élève, du personnel ou des règles de bon fonctionnement et de vie collective de l’établissement, une sanction peut être proposée dans des conditions fixées par décret.

« Les personnes responsables de l’élève sanctionné sont averties par le chef d’établissement, lors d’un entretien organisé au sein de l’établissement. »

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Je tiens à rassurer Laurent Lafon et Annick Billon : je serai brève, car nous avons tous envie de parvenir au terme de l’examen de cette proposition de loi.

Comme l’a dit Marie-Pierre Monier lors de la discussion générale, nous nous sommes posé quelques questions au sujet de la rédaction de l’article 3. Cet amendement vise donc à encadrer davantage, sur le plan légal, les modalités d’accompagnement et de responsabilisation des élèves et de leur famille, en cas de non-respect par ceux-ci de leurs obligations, des personnels et de l’institution.

Nous avons prévu un dispositif très précis, car le législateur se doit d’assumer jusqu’au bout sa compétence. Nous éviterons ainsi toute censure du Conseil constitutionnel au motif d’incompétence négative, laquelle recouvre les situations où le législateur n’a pas suffisamment exploité le champ de ses compétences, par exemple en ne prenant pas la peine d’encadrer suffisamment des propositions de décret.

Nous avons discuté avec Annick Billon et Laurent Lafon du présent amendement, et je les en remercie. Nous vous proposons donc une version qui a été modifiée hier en commission.

Cet amendement tend, me semble-t-il, à bien décrire l’ensemble du processus permettant l’accompagnement et la prévention, qui sont les vertus cardinales en la matière, afin que nous puissions avancer.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 38, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mmes Espagnac et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Amendement n° 10 rectifié, alinéa 6, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et mettre en œuvre une médiation entre l’équipe pédagogique, l’élève et ses responsables légaux

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Ce sous-amendement vise à permettre au directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) d’instaurer une médiation incluant potentiellement l’équipe pédagogique, l’élève concerné et ses responsables légaux.

Il répond ainsi à la nécessité, mise au jour par la mission de contrôle, de faire bénéficier l’équipe éducative d’un soutien extérieur à l’établissement dans des cas particulièrement conflictuels, afin d’apaiser le dialogue.

Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 111-3-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret prévoit les conditions d’instauration d’une médiation au sein de l’établissement en cas de violences, de menaces ou d’outrages faites à l’encontre d’un personnel de l’éducation ou d’un usager de l’établissement. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Les représentants de l’Autonome de solidarité laïque, que nous avons reçus en audition, nous ont dit qu’il était indispensable de mettre en place des médiations au sein des établissements afin d’éviter des crises et des conflits. C’est la raison pour laquelle nous proposons cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Tel qu’il a été modifié, l’amendement n° 10 rectifié proposé par Colombe Brossel et Marie-Pierre Monier, et relatif aux modalités de responsabilisation, d’accompagnement et de sanction, satisfait totalement la commission : avis favorable.

Sur le sous-amendement n° 38 proposé par Monique de Marco, j’émets, à titre personnel puisque celui-ci n’a pas été présenté en commission hier, un avis défavorable.

En effet, la définition de la médiation résulte d’un processus de négociation qui implique la responsabilité de chacune des parties. Une médiation en cas de violences affaiblirait l’institution scolaire. Quelles que soient les tensions qui puissent exister, rien ne saurait justifier les menaces, les violences ou – j’y tiens – les outrages à l’encontre des personnels.

Sur l’amendement n° 11 rectifié, également présenté par Monique de Marco, l’avis est défavorable. Encore une fois, une médiation affaiblirait l’institution.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Je ne peux qu’être défavorable à la mise en place d’une médiation en cas de violences.

Premier point, je me demande quel peut être l’intérêt d’inscrire dans la loi des dispositions qui relèvent, à mon sens, du niveau réglementaire. Pour ma part, j’y suis a priori défavorable.

Second point – nous en avons déjà parlé, monsieur le président de la commission, et je l’ai évoqué lors de la discussion générale – : il me semble important de réfléchir, de façon complémentaire, à la nécessité pour l’éducation nationale de travailler, dans le cadre de ses relations avec les familles, avec l’ensemble des acteurs locaux. Il convient en effet de prévoir que les chefs d’établissement peuvent échanger avec les procureurs et les préfets, pour encourager les familles des élèves qui créent des perturbations dans les établissements à exercer pleinement leur responsabilité parentale.

Pour ces deux raisons, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 38.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé, et les amendements nos 11 rectifié et 20 rectifié n’ont plus d’objet. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Do Aeschlimann. Pourquoi ne puis-je pas présenter mon amendement n° 20 rectifié ?

Mme la présidente. Ma chère collègue, comme je viens de l’indiquer, l’adoption de l’amendement n° 10 rectifié, tendant à une réécriture totale de l’article 3, a rendu sans objet les amendements qui lui succédaient, dont le vôtre, et ce aux termes de l’alinéa 2 de l’article 46 bis du règlement du Sénat. Ce n’est pas la première fois qu’un tel cas de figure se présente.

Après l’article 3

Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 111-3-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-3-… ainsi rédigé :

« Art. L. 111-3-… - Aux fins de protections des personnels de l’éducation, la transmission par l’administration de leurs coordonnées personnelles aux parents d’élèves est interdite. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Le présent amendement, que je présente avec beaucoup d’optimisme, vise à interdire la transmission par l’administration des coordonnées personnelles des personnels de l’éducation, notamment leur numéro de téléphone, à leurs interlocuteurs dans le cadre professionnel.

En effet, faute d’équipement en téléphones professionnels, les personnels de l’éducation sont parfois contraints de communiquer à leurs interlocuteurs, en particulier les parents d’élève, leur numéro de téléphone personnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Compte tenu du harcèlement dont sont victimes certains enseignants, mais aussi de la nécessité de préserver la séparation entre vie professionnelle et vie intime, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. La protection de la vie privée des enseignants est, bien sûr, un enjeu important. Pour autant, en l’état du droit, l’administration ne peut absolument pas communiquer de données personnelles concernant les enseignants.

Cet amendement vise donc à répondre à un problème qui n’existe pas. Les coordonnées personnelles d’un enseignant ne pourraient être transmises qu’à la demande ou avec l’accord de celui-ci.

L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour un rappel au règlement.

M. Laurent Somon. Ce rappel au règlement se fonde donc sur l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat.

Madame la présidente, nous demandons une suspension de séance de quelques minutes afin que l’on nous explique pourquoi notre collègue Marie-Do Aeschlimann n’a pas pu défendre son amendement n° 20 rectifié.

Mme la présidente. Acte est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Il semble en effet que la procédure suivie à l’article 3 fasse l’objet d’une certaine incompréhension…

M. Max Brisson. Une incompréhension totale !

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à douze heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 3 (suite)

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié sexies, présenté par MM. Brisson, Darnaud, Grosperrin et Piednoir, Mmes Evren, Borchio Fontimp, P. Martin et Belrhiti, M. Naturel, Mme Joseph, M. C. Vial, Mmes Garnier, Ventalon et Bellamy, MM. Paumier et Savin, Mmes Gosselin, Canayer et Malet, MM. Lefèvre, Sido, J.B. Blanc et Dumoulin, Mme Carrère-Gée, MM. Belin et P. Vidal, Mme F. Gerbaud, MM. Meignen et Favreau, Mmes Lopez et Micouleau, M. E. Blanc, Mme Lassarade, MM. Michallet, Rietmann, Perrin, Daubresse, Houpert et Burgoa, Mmes Bonfanti-Dossat, V. Boyer et Josende, MM. de Legge, Saury, J.P. Vogel et Sol, Mme Puissat, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Demas, MM. Panunzi, Chatillon, Bouchet et Frassa, Mme Valente Le Hir, M. Reynaud, Mmes Gruny, Chain-Larché et Dumont, MM. Milon et D. Laurent, Mme Dumas, M. Pointereau, Mme Aeschlimann, MM. Genet et Husson et Mme Imbert, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au huitième alinéa de l’article 222-12, les mots : « Sur un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, » sont supprimés ;

2° Au huitième alinéa de l’article 222-13, les mots : « Sur un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, » sont supprimés ;

3° Au premier alinéa de l’article 222-14-1, après les mots : « ou militaire », sont insérés les mots : « ou un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements scolaires » ;

4° Au premier alinéa de l’article 222-14-5, après les mots : « de police municipale, », sont insérés les mots : « un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements scolaires, » ;

5° Au premier alinéa de l’article 222-15-1, après les mots : « ou militaire », sont insérés les mots : « , un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements scolaires » ;

6° Après le 4° bis de l’article 222-33-2-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsqu’ils ont été commis sur un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements scolaires, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions ; »

7° Au 3° de l’article 322-8, les mots : « ou de marin-pompier » sont remplacés par les mots : « , de marin-pompier, d’enseignant ou de membre des personnels travaillant dans les établissements scolaires ».

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Nous allons reprendre le débat, mais nous avons tout de même le sentiment d’avoir manqué d’informations sur la procédure de mise aux voix de l’amendement tendant à rédiger, de façon globale, l’article 3, ce qui ne nous a pas permis de voter en toute sérénité…

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il est essentiel que la protection accordée aux chefs d’établissement et aux professeurs ne soit pas diluée dans un système de protection de l’ensemble des fonctionnaires. En effet, du fait de leurs fonctions, ils doivent bénéficier d’une protection spécifique, conçue selon une approche particulière.

Cet amendement, cosigné par soixante-sept de nos collègues, vise à durcir les sanctions encourues par les auteurs de violences verbales ou physiques à l’encontre d’un professeur ou de tout membre des personnels travaillant dans un établissement scolaire. Les peines en vigueur ne sont en effet pas suffisamment dissuasives pour prévenir ces faits et empêcher leur récidive. Nous proposons de remédier à cette situation.

L’amendement tend donc à aggraver les peines encourues pour des faits de violences, de harcèlement, ainsi que pour des actes de destruction, de dégradation ou de détérioration à l’encontre des professeurs et des personnels d’établissement scolaire, et à les intégrer dans le champ des sanctions spécifiques relatives aux violences en bande organisée ou avec guet-apens, avec usage ou menace d’une arme, et des violences en embuscade.

Ce durcissement des peines permettra d’aligner les dispositifs applicables aux enseignants et aux personnels susmentionnés sur ceux qui sont applicables aux personnes dépositaires de l’autorité publique, comme les policiers, les gendarmes ou magistrats, sans pour autant leur conférer ce statut.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Avis favorable.

Je vous indique, madame la présidente, que je donnerai dorénavant l’avis de la commission de façon très brève, afin que nous puissions avancer plus rapidement et que les auteurs des amendements aient le temps de les présenter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Je ne peux qu’être favorable, à titre personnel, à cet amendement qui vise à durcir les sanctions applicables aux violences commises à l’encontre des enseignants.

Pour autant, j’ai dans l’esprit, dans une optique interministérielle, que certains pourraient ne pas comprendre la raison pour laquelle un tel alourdissement des sanctions serait prévu pour les faits commis à l’encontre des seuls enseignants. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié sexies.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

L’amendement n° 1 rectifié sexies, présenté par MM. Brisson, Darnaud, Grosperrin et Piednoir, Mmes Evren, Borchio Fontimp, P. Martin et Belrhiti, M. Naturel, Mme Joseph, M. C. Vial, Mmes Garnier, Ventalon et Bellamy, MM. Paumier et Savin, Mmes Gosselin, Canayer et Malet, MM. Lefèvre, Sido, J.B. Blanc et Dumoulin, Mme Carrère-Gée, MM. Belin et P. Vidal, Mme F. Gerbaud, MM. Meignen et Favreau, Mmes Lopez et Micouleau, M. E. Blanc, Mme Lassarade, MM. Michallet, Rietmann, Perrin, Daubresse, Houpert et Burgoa, Mmes Bonfanti-Dossat, V. Boyer et Josende, MM. de Legge, Saury, J.P. Vogel et Sol, Mme Puissat, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Demas, MM. Panunzi, Bouchet, Chatillon et Frassa, Mme Valente Le Hir, M. Reynaud, Mmes Gruny, Chain-Larché et Dumont, MM. Milon et D. Laurent, Mme Dumas, M. Pointereau, Mme Aeschlimann, MM. Genet et Husson et Mme Imbert, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article 222-14-1, après les mots : « l’administration pénitentiaire », sont insérés les mots : « , un chef d’établissement scolaire tel que défini à l’article L. 421-3 du code de l’éducation » ;

2° Au premier alinéa de l’article 222-14-5, après les mots : « police municipale, », sont insérés les mots : « un chef d’établissement scolaire tel que défini à l’article L. 421-3 du code de l’éducation, » ;

3° Au premier alinéa de l’article 222-15-1, après les mots : « l’administration pénitentiaire », sont insérés les mots : « , un chef d’établissement scolaire tel que défini à l’article L. 421-3 du code de l’éducation » ;

4° Après le 4° bis de l’article 222-33-2-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsqu’ils ont été commis sur un chef d’établissement scolaire tel que défini à l’article L. 421-3 du code de l’éducation ; »

5° Au 3° de l’article 322-8, après les mots : « de l’administration pénitentiaire », sont insérés les mots : « , de chef d’établissement scolaire tel que défini à l’article L. 421-3 du code de l’éducation ».

La parole est à M. Max Brisson.

M. Max Brisson. Cet amendement, qui s’inscrit dans la droite ligne du précédent, concerne cette fois-ci les chefs d’établissement.

En effet, les peines actuellement applicables aux auteurs de violences verbales ou physiques à l’encontre des chefs d’établissement ne sont pas suffisamment dissuasives pour prévenir ces faits et empêcher leur récidive. Cet amendement, lui aussi cosigné par soixante-sept de nos collègues, vise, pour remédier à cette situation, à prévoir un durcissement des peines identique à celui que nous venons d’adopter et qui est applicable aux professeurs et aux personnels des établissements scolaires.

Nous proposons en outre d’octroyer aux chefs d’établissement le statut de personne dépositaire de l’autorité publique dont bénéficient les policiers, les gendarmes et les magistrats. Cette disposition permettrait d’accorder une reconnaissance symbolique à l’ensemble des chefs d’établissement, qui assument au quotidien une mission essentielle, et serait une réelle avancée pour la valorisation et la protection de la fonction.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. L’avis est favorable sur cet amendement qui vise à prévoir une protection spécifique pour les chefs d’établissement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Je souhaite partager une préoccupation : le présent amendement mentionne les chefs d’établissement, mais pas les directeurs d’école, les professeurs ou les CPE. Peut-être mériterait-il d’être retravaillé.

J’émets donc un avis de sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié sexies.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

Article 4

Après l’article L. 111-3-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-3-2. – Lorsqu’un personnel de l’éducation mentionné au livre IX de la quatrième partie est victime de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de ses fonctions, l’administration lui accorde de plein droit et sans délai la protection prévue à l’article L. 134-5 du code général de la fonction publique.

« L’administration peut retirer la décision de protection accordée à la personne concernée par une décision motivée dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle elle bénéficie de la protection, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 à L. 242-5 du code des relations entre le public et l’administration. »

Mme la présidente. Madame la ministre, je vous propose de défendre successivement vos trois amendements suivants, afin que nous puissions gagner du temps.

L’amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer la référence :

L. 111-3-1

par la référence :

L. 911-4

et la référence :

L. 111-3-2

par la référence :

L. 911-4-1

II. – Alinéa 2

Remplacer la référence :

L. 111-3-2

par la référence :

L. 911-4-1

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Dans un souci légistique, le présent amendement prévoit que les dispositions créées par l’article 4 de la proposition de loi, qui portent sur la protection fonctionnelle des agents de l’éducation, s’insèrent au sein du livre IX de la quatrième partie du code de l’éducation, relatif au statut des personnels de l’éducation, et non au sein du titre I du livre I de la première partie du code consacrée au « droit à l’éducation ».

Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

personnel de l’éducation mentionné au livre IX de la quatrième partie

par les mots :

agent public exerçant dans un établissement d’enseignement du premier ou du second degré, public ou privé,

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Cet amendement vise à clarifier le champ d’application de l’article 4.

La rédaction proposée permet de couvrir tous les personnels de l’éducation exerçant, au contact direct des usagers du service public, dans les écoles, collèges et lycées publics, ainsi que ceux qui exercent dans les établissements privés sous contrat tout en ayant la qualité d’agent public. Elle exclut les personnels qui n’exercent pas en école ou en établissement scolaire, lesquels ne courent pas les mêmes risques.

Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

, de menaces ou d’outrages

par les mots :

ou de menaces

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Cet amendement vise à circonscrire le dispositif d’octroi automatique de la protection fonctionnelle créé par l’article 4 aux atteintes nécessitant une mise en place de plein droit et sans délai de la protection, à savoir les violences et les menaces. J’ai compris que la commission ne partageait pas cette position…

Les affaires d’outrage, qui sont souvent plus compliquées, nécessitent que l’on se penche sur le déroulement des faits. Il me semble préférable de ne pas les traiter de la même façon que les menaces ou les violences.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Il est favorable sur l’amendement n° 28, à visée légistique.

L’amendement n° 29, qui vise à réduire le périmètre de la protection fonctionnelle aux seuls agents travaillant dans les établissements scolaires, exclut de son champ à la fois l’enseignement supérieur et tous les personnels travaillant en dehors desdits établissements, notamment ceux des services déconcentrés ou nationaux.

L’avis est défavorable sur cet amendement. La commission aurait cependant pu émettre un avis favorable si l’enseignement supérieur, et lui seul, avait été exclu de son champ.

L’amendement n° 30 vise à supprimer l’outrage de la liste des infractions ouvrant droit à la protection fonctionnelle. Sa rédaction affaiblissant la portée de la proposition de loi, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :

Le personnel concerné informe le chef de son établissement de sa demande de protection qui la transmet sans délai au service de l’État chargé de sa mise en œuvre et prend les mesures nécessaires jusqu’à la décision de protection. En l’absence de mise en œuvre d’une protection dans le délai de quarante-huit heures, la personne concernée peut former un référé devant le juge administratif afin d’obtenir sa mise en place. L’urgence est alors présumée.

II. – Alinéa 3

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

En cas de retrait d’une protection, la personne concernée peut former sans délai un référé devant le juge administratif. L’urgence est alors présumée.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Dans un esprit de renforcement de la protection fonctionnelle, cet amendement a plusieurs objectifs.

Il vise, premièrement, à clarifier la procédure de demande de protection fonctionnelle.

Aujourd’hui, en effet, les dispositions légales sont trop vagues, car elles s’appliquent à toutes les administrations. Il paraît pertinent de prévoir que la demande doit être adressée par le chef d’établissement au service spécialisé, afin de sortir la personne concernée de sa solitude, comme cela a été souligné lors des auditions. Cette mention permet aussi l’application de mesures d’urgence, en attendant que le chef d’établissement prenne lui-même des mesures.

L’amendement tend, deuxièmement, à prévoir un recours d’urgence pour les agents qui, ayant demandé une protection fonctionnelle, n’obtiennent aucune réponse.

Le droit commun prévoit qu’au-delà de deux mois, le silence vaut refus. Il s’agit de réduire ce délai à quarante-huit heures, afin de permettre à l’agent menacé de saisir le juge administratif en vue d’obtenir la mise en place de mesures de protection.

Lorsque le juge administratif agit en urgence, le requérant doit normalement prouver que cette urgence est caractérisée. Notre amendement vise à prévoir une présomption d’urgence pour faciliter le recours en référé.

L’amendement tend, troisièmement, à prévoir une procédure judiciaire d’urgence en cas de retrait de la protection fonctionnelle, là encore dans l’objectif de garantir les voies de recours.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Cet amendement aurait pour conséquence de faire peser sur le chef d’établissement une lourde responsabilité lors de la mise en œuvre de la protection fonctionnelle.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Au début

Insérer les mots :

En cas de faute personnelle imputable à l’agent,

2° Supprimer les mots :

dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 à L. 242-5 du code des relations entre le public et l’administration

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Cet amendement de clarification vise à supprimer le renvoi mentionné à cet article aux dispositions du code des relations entre le public et l’administration, renvoi inutile.

En revanche, il est nécessaire de prévoir explicitement un cas de retrait spécifique au régime de la protection fonctionnelle. Celle-ci doit en effet pouvoir être retirée en cas de faute personnelle de l’agent ayant provoqué les violences ou les menaces dont il a été victime. Il s’agit de reprendre ici la réserve figurant à l’article L. 134-5 du code général de la fonction publique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Favorable

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un personnel de l’éducation mentionné au livre IX de la quatrième partie est victime de menaces, de discours de haine ou de harcèlement en ligne à l’occasion ou du fait de ses fonctions, le chef d’établissement effectue sans délai un signalement auprès des services de l’État chargés de lutter contre les contenus illicites en ligne. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Le présent amendement vise à prévoir une obligation pour le chef d’établissement d’effectuer un signalement sur le portail officiel des contenus illicites de l’internet, Pharos, lorsqu’un agent fait l’objet de menaces, de discours de haine ou de harcèlement en ligne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement, car nous nous interrogeons sur les modalités de mise en place de la mesure proposée.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Cette obligation de signalement sur le portail Pharos irait à l’encontre des démarches de protection qui relèvent de l’administration.

Il n’est pas nécessaire d’inscrire une telle obligation dans la loi, car ce signalement sera fait dans tous les cas. Une telle disposition pourrait laisser penser qu’il s’agit de la seule mesure de protection dont pourraient bénéficier les agents.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Cazebonne, MM. Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, MM. Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret prévoit les conditions dans lesquelles le ministère chargé des affaires étrangères est associé à cette décision. »

La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Cet amendement d’appel vise à rappeler que de nombreux enseignants français travaillant à l’étranger ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle.

Il conviendrait, dans le cadre d’une réunion interministérielle – entre le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et celui de l’éducation nationale –, de mettre face à leurs responsabilités les différents opérateurs et acteurs éducatifs qui bénéficient de l’homologation afin qu’ils s’emparent de ce sujet pour protéger nos personnels de l’enseignement français à l’étranger, lesquels peuvent également être victimes des faits que nous évoquons à l’occasion de l’examen de ce texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Nous partageons, bien sûr, l’objectif de protéger les personnels de l’éducation nationale qui travaillent dans le réseau d’enseignement français à l’étranger.

Pour autant, le Gouvernement n’a pas besoin d’un décret pour permettre au ministère de l’Europe et des affaires étrangères de participer aux commissions chargées de prendre ces décisions.

Pour cette seule raison de forme, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. Je m’engage donc à organiser la réunion que vous appelez de vos vœux, madame la sénatrice, afin que nous puissions envisager la meilleure façon de faire bénéficier ces agents de la protection fonctionnelle.

Mme la présidente. Madame Cazebonne, l’amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?

Mme Samantha Cazebonne. Compte tenu de l’engagement que vient de prendre Mme la ministre, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 5

L’article 15-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’infractions prévues aux livres II ou III, à l’article 431-1 ainsi qu’au chapitre III du titre III du livre IV du code pénal ou par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, commises à l’encontre d’un agent public de l’éducation nationale en raison de ses fonctions, l’administration dépose plainte au nom de celui-ci avec son accord ou, s’il est décédé, celui de ses ayants droit. »

Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« En cas d’infractions visées aux articles 221-1 à 221-5-4, 222-1 à 222-18-3, 222-33-2 à 222-33-2-3, 431-1, 433-3 à 433-3-1 du code pénal, commises…

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Vous l’avez compris, je suis très favorable à ce que l’administration puisse déposer plainte à la place des agents. Toutefois, il est important de cerner les motifs pour lesquels elle prend cette responsabilité.

Le présent amendement a pour objet de cibler les infractions qui doivent donner lieu à un accompagnement par l’administration.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, même si nous souhaitons retravailler ce point lors de la navette, car le champ de l’article 5 est peut-être trop large.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

de l’éducation nationale

par les mots :

exerçant dans un établissement d’enseignement du premier ou du second degré, public ou privé,

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Cet amendement tend à mettre en cohérence l’article 5 avec un amendement que le Gouvernement avait proposé à l’article 4.

Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

dépose

par les mots :

peut déposer

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Cet amendement vise à laisser à l’administration la faculté d’apprécier l’opportunité de déposer plainte ou non.

Nous sommes totalement engagés dans le soutien de nos agents, mais il peut, dans certains cas, être inapproprié de déposer plainte, par exemple si la victime ne le souhaite pas ou si les circonstances ne s’y prêtent pas.

Nous proposons donc d’instituer une faculté plutôt qu’une obligation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. L’amendement n° 33 est le miroir de l’amendement n° 29 que nous avons examiné il y a quelques instants. Notre argument reste le même : il n’y a pas lieu de créer deux statuts différents selon que l’agent travaille ou non dans un établissement scolaire.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 34 vise à remplacer l’obligation faite à l’administration de déposer plainte à la place de l’agent agressé, insulté ou menacé par une simple possibilité, ce qui affaiblit le dispositif proposé.

Nous sommes également défavorables à cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Cazebonne, MM. Lévrier, Kulimoetoke, Buis et Buval, Mme Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli et Lemoyne, Mme Nadille, MM. Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, M. Rambaud, Mme Ramia, M. Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un décret détermine les conditions dans lesquelles le représentant consulaire français peut se substituer à l’administration, lorsque le droit du pays dans lequel l’établissement est implanté le permet.

La parole est à Mme Samantha Cazebonne.

Mme Samantha Cazebonne. Par cet amendement, nous proposons d’autoriser le représentant consulaire français à déposer plainte en lieu et place de l’administration lorsque l’agent public relève d’un établissement français à l’étranger, à condition que le droit local le permette.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. La commission avait émis hier un avis défavorable sur l’amendement n° 18 rectifié. Depuis, celui-ci a été modifié par l’ajout d’une précision concernant le droit local.

Compte tenu de cette rectification, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Je comprends la préoccupation que vous avez exprimée au travers de cet amendement, madame la sénatrice. Si nous devons inclure cette proposition dans la réflexion globale, il n’est pas nécessaire de préciser qui peut déposer plainte : cela peut être le chef d’établissement ou l’autorité consulaire.

Je vous propose de prendre le temps de la discussion avec le ministère des affaires étrangères pour trouver le dispositif le plus adapté aux établissements français à l’étranger.

Je vous demande donc de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Madame Cazebonne, l’amendement n° 18 rectifié est-il maintenu ?

Mme Samantha Cazebonne. À la suite de l’engagement pris par la ministre et dans la continuité des précédents amendements que j’ai retirés, je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 6

Au premier alinéa des articles 138-2 et 712-22-1 du code de procédure pénale, après la référence : « 706-47 », sont insérés les mots : « ou pour un crime ou une infraction à caractère terroriste ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 8 est présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 23 est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

des articles 138-2 et

par les mots :

de l’article

La parole est à Mme Colombe Brossel, pour présenter l’amendement n° 8.

Mme Colombe Brossel. Défendu !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 23.

Mme Monique de Marco. Il est également défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Les services académiques et les chefs d’établissements sont déjà informés en cas de mise en examen pour les crimes ou délits à caractère sexuel. Par parallélisme, nous proposons d’étendre cette disposition pour les crimes ou infractions à caractère terroriste.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 23.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

un crime ou une infraction à caractère terroriste

par les mots :

une infraction mentionnée au titre II du livre IV du code pénal ou aux articles L. 224-1 et L. 225-7 du code de la sécurité intérieure

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. L’article 6 prévoit une information de l’autorité académique et du chef d’établissement en cas de mise en examen ou de condamnation pour terrorisme d’un élève scolarisé ou ayant vocation à l’être.

Nous partageons l’objectif qui sous-tend cet article. Notre amendement vise à préciser le champ infractionnel concerné, car, en l’état, le texte renvoie à des infractions non ciblées. Il s’agit d’identifier précisément les crimes et les infractions terroristes dans le code pénal.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. L’avis est favorable sur cet amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6 bis (nouveau)

Le chapitre unique du titre Ier du livre V de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 511-6 ainsi rédigé :

« Art. L 511-6. – En cas de menace pour l’ordre et la sécurité au sein de l’établissement, le chef d’établissement, son adjoint ou le conseiller principal d’éducation peut procéder à l’inspection visuelle des effets personnels d’un élève et, avec l’accord de celui-ci ou dans le cas d’un élève mineur de son représentant légal, à la fouille des effets personnels.

« Un décret détermine les conditions dans lesquelles le chef d’établissement peut faire signer à l’élève ou, s’il est mineur, à son représentant légal, une autorisation annuelle, limitée aux risques d’atteinte grave à l’ordre public, de fouille des effets personnels de l’élève ».

Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. L’article 6 bis a été ajouté lors de l’examen du texte en commission et n’a donc pas pu être évoqué pendant les auditions préparatoires.

Si les chefs d’établissement ont actuellement le droit d’inspecter visuellement les sacs dans le cadre des mesures du plan Vigipirate, ils n’ont en revanche aucun droit de les fouiller, cette prérogative relevant de la seule compétence des forces de l’ordre.

L’ouverture d’une telle prérogative aux chefs d’établissement et aux conseillers principaux d’éducation (CPE) brouillerait les frontières entre les missions des agents de l’éducation nationale et celles des agents du ministère de l’intérieur, qui doivent assurer la sécurité et agir en cas de menace.

Les personnels de l’éducation nationale ne sont pas formés à réagir à une menace immédiate, contrairement aux forces de l’ordre, dont c’est le cœur du métier.

Pour ces raisons, notre groupe propose la suppression de l’article 6 bis. Des chefs d’établissement et des syndicats m’ont alerté à la suite de l’ajout de cet article en commission. Je le redis, je regrette que nous n’ayons pu débattre de cet article lors des auditions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Nous proposons de laisser une possibilité aux chefs d’établissement : cela n’est en aucun cas une obligation, et en aucun cas les chefs d’établissement et les CPE ne s’improviseraient officiers de police judiciaire (OPJ).

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Je souhaite que l’on puisse assurer la sécurité dans les établissements, et y éviter notamment tout port, et a fortiori tout usage, d’armes blanches.

Je suis favorable à ce que l’on continue les inspections visuelles des sacs qui sont actuellement autorisées, mais j’appelle votre attention sur le fait qu’aujourd’hui ce sont le plus souvent les assistants d’éducation qui les réalisent.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Cela ne correspond pas à la rédaction de l’article 6 bis.

En outre, en ce qui concerne les fouilles, je souhaite que l’éducation nationale travaille avec tous ses partenaires à l’échelon local pour qu’elles puissent être organisées par les forces de l’ordre sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Monier et Brossel, MM. Kanner et Chantrel, Mme Daniel, M. Lozach, Mme S. Robert, MM. Ros, Ziane et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

peut faire

par le mot :

fait

La parole est à Mme Colombe Brossel.

Mme Colombe Brossel. Défendu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Cet amendement tendrait à rendre la fouille obligatoire. Une telle mesure fragiliserait les chefs d’établissement en leur conférant des responsabilités extrêmement lourdes.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6 bis.

(Larticle 6 bis est adopté.)

Article 6 ter (nouveau)

I. Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le tableau du second alinéa du I de l’article L. 165-1 est ainsi modifié :

a) La sixième ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

«

L. 111-3

Résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 précitée

L. 111-3-1 et L. 111-3-2

Résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent

L. 111-4

Résultant de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 précitée

» ;

b) La quarante-huitième ligne est ainsi rédigée :

 

«

L. 141-5-1

Résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent

» ;

2° La vingt et unième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article L. 375-1 est ainsi rédigée :

«

L. 312-15

Résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent

» ;

3° La deuxième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article L. 565-1 est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

 

«

L. 511-1

Résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent

L. 511-2

Résultant de l’ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000

 »

II. Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : » – (Adopté.)

Article 7

Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Mme la présidente. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Il s’agit de l’amendement visant à lever le gage, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annick Billon, rapporteure. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 7 est supprimé.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.

Mme Colombe Brossel. Le cœur de la proposition de loi que nous allons voter dans quelques instants, c’est d’accroître la protection que la République et l’État doivent aux enseignants et à l’ensemble de ceux qui font vivre les communautés scolaires.

Nous devons ce vote à ceux qui ont été attaqués : les noms de Samuel Paty et de Dominique Bernard ont résonné dans l’hémicycle à plusieurs reprises. Nous le devons aussi à l’ensemble des enseignants qui, hussards noirs de la République du XXIe siècle, font progresser notre pays et y construisent le commun dont il a bien besoin.

J’espère que ce texte recueillera le vote unanime qu’il mérite. À l’évidence, il ne correspond pas à celui que les sénateurs et sénatrices socialistes auraient rédigé, mais c’est là que réside la beauté de notre débat démocratique.

Je remercie chaleureusement et sincèrement Laurent Lafon et Annick Billon des échanges que nous avons eus, en toute liberté, dans un esprit constructif.

Si, avec ce vote, nous pouvons montrer aux enseignants de notre pays que nous sommes d’accord sur l’essentiel, que nous sommes capables de nous rassembler pour les protéger et de reconnaître la place importante qu’ils occupent dans notre société, nous aurons alors contribué à consolider notre République.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.

Mme Monique de Marco. Notre groupe se dirigeait plutôt vers l’abstention, constatant qu’aucun de nos amendements ou presque n’a été adopté.

Mme Annick Billon, rapporteure. Si, un !

Mme Monique de Marco. Certains étaient pourtant très pertinents. Il faudra notamment réfléchir à la suppression de l’article 6 bis.

Toutefois, par sagesse, pour que le vote du Sénat soit unanime, nous voterons en faveur de la proposition de loi. (Marques de satisfaction sur plusieurs travées.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à protéger l’école de la République et les personnels qui y travaillent.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 213 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 341

Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Applaudissements.)

La parole est à Mme la ministre d’État.

Mme Élisabeth Borne, ministre dÉtat. Je remercie le Sénat de ce vote par lequel nous envoyons aux enseignants et aux personnels de l’éducation nationale un message fort : nous sommes à leurs côtés pour les protéger face à la montée de la violence.

Madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, je vous remercie tout particulièrement d’avoir conduit ce travail qui a abouti à un vote unanime. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Annick Billon, rapporteure. Je remercie Mme la ministre d’État, ainsi que François-Noël Buffet et Laurent Lafon qui avaient mené ensemble le travail préparatoire à cette proposition de loi.

Je remercie également tous les groupes politiques, de la gauche à la droite de l’hémicycle, d’avoir travaillé sur ce texte pour la sécurité des enseignants, notamment pour leur accorder automatiquement la protection fonctionnelle et faciliter le dépôt de plainte.

Je reviens à ma proposition sur la fouille. Grâce au plan Vigipirate, une inspection visuelle est déjà possible. Dans notre quotidien, mineurs et adultes, nous sommes tous soumis à des fouilles. Il me paraît normal, dans la mesure où l’école subit des actes d’une violence encore inimaginable il y a quelques années, d’autoriser la fouille des sacs et des casiers si l’élève et les familles l’acceptent, faute de quoi les forces de police et de sécurité devront intervenir.

Mes chers collègues, je vous remercie de ce travail constructif. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. Je remercie la rapporteure Annick Billon pour le travail qu’elle a réalisé. Mes chers collègues, je vous remercie également, les uns et les autres, de votre esprit de responsabilité qui a permis l’adoption de ce texte à l’unanimité : le message envoyé n’est évidemment pas le même que s’il avait été adopté à la majorité relative.

Cette issue positive vient reconnaître le travail accompli depuis plus d’un an et demi que nous avons accompli avec François-Noël Buffet et les membres des deux commissions des lois et de la culture, que je remercie de leur assiduité aux auditions de notre mission conjointe de contrôle.

Cette étape est importante, et nous vous remercions, madame la ministre d’État, de votre soutien, même si nous avons bien compris que des discussions interministérielles ont toujours lieu.

Par cette proposition de loi, nous voulons envoyer un message fort aux personnels éducatifs et reconnaître les spécificités de certains métiers de la fonction publique. En l’occurrence, la sécurité du personnel éducatif est devenue une question spécifique, qui doit être traitée comme telle. C’est pour cette raison que nous insistons autant pour que la protection fonctionnelle soit automatiquement accordée au personnel éducatif. (Applaudissements.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

4

Modifications de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 3 mars, M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et Territoires, a demandé le remplacement, à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 20 mars, de la proposition de loi encadrant l’activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance par un débat, sous forme de discussion générale, sur le thème : « Revente de billets pour les manifestations sportives et culturelles : quelles actions pour protéger les consommateurs et lutter contre les fraudes et la spéculation ? ».

Acte est donné de cette demande.

Nous pourrions fixer le délai limite d’inscription des orateurs des groupes au mercredi 19 mars à 15 heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, nous pourrions inscrire par priorité, à la demande du Gouvernement, en premier point de l’ordre du jour du lundi 17 mars la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports.

Nous pourrions en conséquence débuter la séance à 16 heures, et fixer le délai limite d’inscription des orateurs des groupes au vendredi 14 mars à 15 heures.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

À la demande du Premier président de la Cour des comptes, nous pourrions par ailleurs débuter la séance du jeudi 27 mars, consacrée au débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes, à 11 heures.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher nous ayant informés qu’elle aurait un peu de retard, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures quarante-neuf, est reprise à quatorze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

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Risque d’incendie lié aux batteries au lithium et cartouches de protoxyde d’azote

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Union Centriste, de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, présentée par MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 79, texte de la commission n° 368, rapport n° 367).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Je vous rappelle que l’examen de ce texte est inscrit dans le cadre de l’espace réservé au groupe Union Centriste, limité à une durée de quatre heures. Dans ces conditions, je me verrai dans l’obligation d’arrêter la séance à seize heures dix.

Si nous n’avions pas achevé l’examen du texte, il appartiendrait à la conférence des présidents d’inscrire la suite de cette proposition de loi à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi.

M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon Santé publique France, 13 % des 18-24 ans ont déjà expérimenté l’usage récréatif du protoxyde d’azote. Facile d’accès, cette drogue aux effets dévastateurs n’est malheureusement plus une nouveauté.

La loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote, qui avait été initialement déposée par Valérie Létard, alors sénatrice, a marqué une première avancée, en interdisant la vente aux mineurs.

Un autre enjeu, de taille, reste encore à traiter : les conséquences environnementales de cette pollution silencieuse.

Je suis régulièrement alerté par des élus locaux qui assistent, démunis, à la prolifération de bonbonnes de protoxyde d’azote abandonnées dans l’espace public, à des arrêts de bus, dans des caniveaux ou des parcs. Ces déchets s’amoncellent sans solution efficace de ramassage et de traitement.

Plus grave encore, lorsque les bonbonnes jetées dans les corbeilles de rue sont envoyées dans les usines d’incinération, elles deviennent de véritables bombes à retardement. Le gaz restant dans les cartouches provoque des explosions durant la phase de traitement des déchets.

Ce texte vise ainsi à prévenir cette catastrophe permanente vécue par nos collectivités et nos infrastructures de traitement des déchets. Dans la droite ligne de loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), il tend à appliquer, enfin, le principe pollueur-payeur aux producteurs de cartouches de protoxyde d’azote.

Les conséquences sont en effet désastreuses : une seule explosion représente en moyenne un coût de 150 000 euros en raison de l’arrêt des installations. En outre, ces explosions mettent en danger les agents et perturbent l’approvisionnement en énergie des réseaux de chaleur. Ce scandale environnemental et financier ne peut plus durer.

Face à cette situation intenable, le Sénat doit prendre ses responsabilités. J’ai déposé cette proposition de loi afin que les producteurs de cartouches de protoxyde d’azote assument enfin les leurs, en prenant en charge les coûts de collecte et de traitement de ces déchets dangereux. Face à l’urgence de la situation, les articles 3 et 4 prévoient des solutions concrètes pour protéger nos territoires.

Je forme le vœu que cette proposition de loi soit adoptée à l’unanimité, comme l’a fait la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, puis que la navette aille jusqu’à son terme, au bénéfice direct de l’environnement, de nos collectivités et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi.

M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le président Longeot et moi-même avons décidé de mettre en commun nos travaux respectifs, les siens sur les risques liés aux cartouches de protoxyde d’azote, les miens sur les risques liés aux batteries au lithium – j’interviendrai donc sur ce dernier sujet.

Les batteries au lithium, extrêmement inflammables en cas de choc ou de contact avec de l’eau, se trouvent aujourd’hui dans de nombreux objets du quotidien. Chaussures ou bonnets lumineux, brosses à dent électriques, jouets, cartes de vœux musicales, elles sont partout et ne peuvent parfois pas être retirées des objets qui les contiennent, faute d’écoconception.

Ces objets se retrouvent alors dans les centres de tri des déchets où, en raison d’une orientation inadéquate lors du processus du recyclage, ils causent des incendies aux conséquences parfois désastreuses.

Rien qu’en 2023, près de la moitié des vingt-quatre incendies déclarés dans des centres de tri étaient liés à des batteries au lithium. Le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) recense autant d’accidents entre 2016 et 2019 que durant les quinze années précédentes. Et nous ne parlons là que des incendies qui se sont propagés dans les installations, et non du nombre bien plus important de départs de feu ayant pu être maîtrisés avant de se transformer en incendies.

Face à la hausse du nombre d’incendies, les centres de tri sont en difficulté. La sécurité de leurs employés est en jeu et leur activité économique est affectée, les centres de traitement étant bien souvent mis à l’arrêt après un incendie. La viabilité économique des entreprises concernées est alors mise à mal, en raison des coûts de reconstruction et des investissements nécessaires pour prévenir ces incendies.

En outre, facteur aggravant, les centres de tri ont de plus en plus de difficultés à se faire assurer, leurs franchises explosant au motif que leur activité serait désormais trop accidentogène.

Enfin, les incendies dans les centres de tri ont des conséquences pour les collectivités, qui peuvent se retrouver sans solution pour trier les déchets le temps que le centre soit reconstruit.

Face à ce constat, il devient urgent d’agir pour prévenir les incendies liés aux batteries dans les centres de tri. C’est ce qui a conduit au dépôt de cette proposition de loi.

Nous prévoyons donc, par ce texte, de créer une obligation de communication dite négative pour les metteurs sur le marché de produits contenant des batteries au lithium, qui les oblige à prévenir activement les consommateurs du danger des produits contenant des batteries, et du fait qu’ils ne doivent pas être recyclés dans les bacs jaunes.

En effet, si les éco-organismes mènent régulièrement des campagnes positives au sujet des objets à trier et à recycler, ils ne mènent aucune opération de sensibilisation pour alerter sur l’importance de collecter les piles et les batteries dans des circuits différenciés.

Nous avions initialement prévu de créer un fonds visant à répartir la charge économique liée aux erreurs de tri des piles et batteries entre les metteurs sur le marché, fonds qui aurait servi à participer à l’indemnisation des centres de tri victimes d’incendie.

Toutefois, lors de l’examen en commission, le choix a été fait de se concentrer sur les solutions préventives plutôt que curatives, ce qui a conduit à supprimer le fonds pour le remplacer par une obligation pour les éco-organismes de participer au financement de la prévention des accidents. J’entends la volonté d’axer le texte sur la prévention, et j’ai donc accepté ladite suppression.

Nous savons néanmoins que, dans n’importe quel domaine, la prévention ne suffit pas toujours. Après l’entrée en vigueur de cette loi, qui, je l’espère, sera rapide, il sera donc nécessaire de mener une évaluation afin de voir les effets de ces efforts de prévention sur le nombre d’incendies dans les centres de tri. S’il s’avère que la hausse du nombre d’incendies se poursuit, il faudra alors nous ressaisir de la question de l’indemnisation. Dans l’attente, nous nous contenterons d’un accroissement des efforts de prévention.

À la suite de la réécriture du texte en commission, il m’a cependant paru nécessaire de préciser en quoi consistera la contribution des éco-organismes au financement de la prévention.

En effet, financer, par exemple, la création de simples panneaux prévenant du danger ne suffira pas. Il est donc nécessaire que le financement porte notamment sur des équipements visant à prévenir les incendies, tels que des mécanismes d’extinction automatique ou encore des systèmes de détection automatique des incendies.

De même, la répartition du financement entre les éco-organismes et les centres de tri devra être précisée par voie réglementaire. J’ai déposé un amendement en ce sens, avec l’accord de la rapporteure, que je vous présenterai en détail tout à l’heure.

Je tiens pour finir à remercier Mme la rapporteure, qui a su comprendre l’urgence de légiférer pour préserver nos entreprises du secteur du recyclage, et le président Jean-François Longeot pour notre collaboration en vue de l’élaboration de cette proposition de loi.

Je vous invite, mes chers collègues, à voter ce texte qui est d’une importance capitale tant pour les entreprises du recyclage que pour nos territoires. (M. Pascal Martin, Mme Mireille Jouve et M. Daniel Chasseing applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureuse de vous présenter la position de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, déposée par le président Longeot et Cyril Pellevat, que je salue.

En 2023, 20 % des accidents et incidents technologiques recensés concernaient la filière des déchets. La tendance est malheureusement à la hausse depuis une décennie, en raison de l’émergence de nouveaux produits. L’introduction de ces déchets dangereux réinterroge les responsabilités respectives des acteurs du cycle de vie du produit, du producteur à l’opérateur de traitement des déchets, en passant par le consommateur et les collectivités territoriales.

J’évoquerai d’abord les batteries au lithium, à l’origine de la moitié des départs de feu dans les installations de traitement des déchets.

L’usage des batteries au lithium s’est démultiplié ces dernières années en raison du développement des piles boutons, ces piles de petite taille présentes dans divers objets du quotidien comme l’a rappelé M. Pellevat. Ces batteries hautement inflammables au contact de l’oxygène et de l’eau constituent un risque pour la santé des agents, pour l’environnement, en raison de leurs rejets toxiques dans l’air et dans l’eau, ainsi que pour l’équilibre économique des gestionnaires d’installations de traitement de déchets, confrontés, seuls, à la multiplication des incendies.

Cela engendre en retour une hausse exponentielle des primes d’assurance, qui met en péril la viabilité financière de certaines installations.

Deux tiers de ces incendies sont liés à des erreurs de tri : entre 15 % et 20 % des batteries au lithium, notamment les plus petites, échappent à la collecte sélective et se retrouvent dans les bacs de tri jaunes ou avec les ordures ménagères. Si elles ne sont pas détectées à temps, elles provoquent ensuite des incendies dans les installations de traitement.

Pour y remédier, l’article 1er prévoit l’organisation d’une campagne de sensibilisation inter-filières par les éco-organismes concernés.

Initialement, l’article 2 visait à créer un fonds d’indemnisation des dommages causés aux installations de traitement des déchets. Mais ce dispositif n’est pas conforme au droit européen.

La commission a préféré adopter une position d’équilibre, plus équitable et opérationnelle : nous avons substitué à ce fonds une obligation de financement par les producteurs des actions de prévention des incendies, pour passer d’une approche curative à une approche préventive.

Cette solution permet de ne pas désengager les assureurs, d’éviter d’imposer une charge disproportionnée aux producteurs et d’encourager l’investissement dans des dispositifs de prévention. Par ailleurs, dans 60 % des cas, l’implication des batteries au lithium dans un incendie n’est que supposée, d’après la direction générale de la prévention des risques (DGPR), ce qui rendait l’indemnisation complexe et juridiquement incertaine.

Le second sujet d’importance traité par la proposition de loi est la prévention des explosions dans les incinérateurs liées aux cartouches de protoxyde d’azote.

Nous connaissons malheureusement déjà tous les conséquences sanitaires de cette nouvelle drogue – le président Longeot les a rappelés. Au-delà de cet aspect sanitaire, qui sera traité dans une autre proposition de loi que nous examinerons en fin d’après-midi, l’essor du protoxyde d’azote a également des conséquences pour la filière de traitement des déchets : une fois consommées, les bouteilles ou les cartouches sont bien souvent jetées dans des corbeilles de rue ou abandonnées sur la voie publique.

Pourtant, une bouteille de protoxyde d’azote est un déchet dangereux. La chaleur extrême du four dans les unités de valorisation énergétique entraîne une dilatation du gaz encore présent dans les bouteilles et provoque une explosion. M. Longeot a indiqué les coûts importants que cela représente pour les gestionnaires. Ces explosions peuvent, en outre, perturber le service d’approvisionnement en énergie des usagers raccordés au réseau de chaleur, ce qui est également coûteux pour les collectivités territoriales.

Au total, le préjudice économique lié aux réparations et aux arrêts de production subséquents aux explosions s’établit, selon les estimations, dans une fourchette entre 15 millions et 20 millions d’euros.

Pour limiter ces accidents, l’article 3 intègre les bouteilles et les cartouches de gaz à la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) des déchets diffus spécifiques (DDS), qui traite les déchets dangereux. Cette intégration implique que les producteurs devront verser des écocontributions suffisantes pour assurer le traitement approprié de ces déchets et mener des campagnes de sensibilisation sur les règles de tri appropriées. La commission a souhaité exclure du champ de cet article les bouteilles de gaz rechargeables, à usage souvent professionnel, pour lesquelles des dispositifs de collecte et de consigne fonctionnels existent aujourd’hui.

Cette disposition ne résoudra, bien sûr, pas tout. La réponse au phénomène d’explosion des bonbonnes de protoxyde d’azote ne peut pas être que nationale ; une évolution des règles européennes de conception de ces contenants serait nécessaire pour imposer la présence de soupapes de sécurité, afin de limiter les explosions à la source. Nous avons eu l’occasion d’échanger longuement sur ce sujet avec vos services, madame la ministre, et je tiens à les remercier pour leur écoute.

Au-delà des explosions dans les incinérateurs, les cartouches de protoxyde d’azote sont également à l’origine de surcoûts pour les collectivités territoriales, en raison de la prolifération dans l’espace public urbain de bouteilles abandonnées.

Il convient d’assurer, en application du principe pollueur-payeur, la prise en charge par le producteur ou son éco-organisme des coûts de ramassage et de traitement des déchets issus des cartouches ou des bouteilles de gaz abandonnées. C’est l’objet de l’article 4.

Enfin, la commission a également souhaité modifier l’intitulé de cette proposition de loi afin, d’une part, de préciser que le texte vise à lutter contre les risques d’accident en général, et non pas seulement contre le risque d’incendie – les cartouches de protoxyde d’azote sont en effet sources d’explosions plutôt que d’incendies – et, d’autre part, d’élargir le champ des installations considérées, qui ne sont pas uniquement les installations de collecte, de tri et de recyclage, mais l’ensemble des installations de traitement des déchets, y compris par exemple les centres de stockage ou de transfert.

Je souhaite, en conclusion, saluer la qualité de la collaboration tout au long de mes travaux préparatoires avec les deux auteurs de cette proposition de loi, Jean-François Longeot et Cyril Pellevat, qui m’ont permis d’enrichir ce texte sans trahir leur volonté initiale.

Je tiens aussi à remercier mes collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable qui ont adopté ce texte à l’unanimité : je m’en réjouis car cela témoigne d’une prise de conscience collective de l’urgence de cet enjeu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai d’être brève, étant responsable du léger retard avec lequel l’examen du texte a commencé.

Le sujet que nous allons aborder aujourd’hui peut sembler à première vue technique, mais il représente un enjeu important : il s’agit des accidents dans les installations de traitement des déchets.

En préambule, rappelons que la gestion des déchets est l’un des secteurs industriels qui comptent le plus grand nombre d’accidents, et que celui-ci ne cesse d’augmenter.

En trois ans, entre 2016 et 2019, on a enregistré autant d’accidents dans les centres de traitement des déchets que durant les quinze années précédentes. Cette hausse est considérable et préoccupante pour les riverains, les élus locaux, les assureurs, mais surtout pour les exploitants et les salariés des centres de tri, qui sont en première ligne face à ces risques.

Comment expliquer cette hausse soudaine ? D’où proviennent précisément ces incendies ?

Les fortes chaleurs ne sont sans doute pas étrangères au phénomène, mais, dans leur grande majorité, ces incendies trouvent leur origine dans l’explosion de batteries au lithium. Celles-ci sont devenues omniprésentes dans notre quotidien depuis leur arrivée sur le marché en 1991.

Deux tiers des incidents et des accidents enregistrés sont dus à une erreur de tri des piles et des batteries au lithium. Ces dernières alimentent souvent des objets à courte durée de vie, que les usagers ne savent pas toujours trier et qui finissent par être jetés avec les ordures ménagères, au lieu d’être déposés dans des points de collecte spécialisés.

À ces incidents liés aux batteries au lithium s’ajoute une seconde problématique, celle de la multiplication des cartouches et des bouteilles de protoxyde d’azote, qui sont souvent abandonnées sauvagement sur la voie publique ou mal triées, ce qui accroît les risques et complique la gestion des déchets.

Au-delà des effets néfastes, bien documentés, sur la santé de nos jeunes de la consommation du protoxyde d’azote, ce phénomène met en danger les personnels des installations de traitement des déchets et entraîne des coûts supplémentaires importants pour les opérateurs de la filière et les collectivités locales.

Je tiens à saluer l’initiative conjointe du président Longeot et de M. Pellevat, qui ont réuni leurs travaux respectifs afin de traiter conjointement les deux problématiques.

Vos travaux le prouvent, ces accidents peuvent être évités. Pour cela, les pratiques doivent évoluer.

Mon ministère a déjà considérablement renforcé les obligations applicables aux installations de traitement des déchets afin de réduire l’accidentologie – vous le savez, je n’y reviens donc pas.

Les dispositifs qui figurent dans le texte, notamment à la suite du travail en commission, s’inscrivent dans le prolongement de cette action. Ils traduisent également l’ambition, que nous partageons, de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne, notamment les producteurs et les consommateurs de ces produits.

Dans la philosophie du travail que vous avez mené, je partage votre volonté de renforcer les actions de prévention plutôt que de vous focaliser sur l’indemnisation. Au fond, indemniser, c’est renoncer à agir. C’est également la vision que je défends.

Je suis persuadée que des campagnes de communication pour informer le public et les professionnels sont indispensables.

Je souhaite que ces campagnes soient obligatoirement intégrées dans les cahiers des charges des filières à responsabilité élargie des producteurs de batteries et d’équipements électriques et électroniques.

Madame la rapporteure, je soutiens donc la disposition, qui a été adoptée en commission sur votre initiative, qui conduira les producteurs de batteries au lithium à soutenir financièrement des actions de prévention. Cette mesure me semble plus efficace que la création d’un nouveau fonds d’indemnisation qui figurait dans le texte initial.

En ce qui concerne la gestion des déchets liés au protoxyde d’azote, le Gouvernement est engagé dans le combat pour limiter le détournement de l’usage de ce gaz, notamment par les plus jeunes. Il s’agit d’un enjeu de santé publique, qui constitue d’ailleurs l’objet d’un texte qui sera examiné ici même cet après-midi.

Toutefois, tant que le problème se pose, il demeure nécessaire de traiter la question de la fin de vie de ces produits. Je suis donc favorable à l’intégration de ces déchets dans la filière REP des déchets diffus spécifiques.

Je précise que seraient exclues du dispositif les bouteilles rechargeables, généralement utilisées pour des usages industriels et médicaux, qui disposent déjà de conditionnements et de circuits de reprise spécifiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que ce texte est attendu par les élus locaux. Je connais les conséquences sur le plan local des catastrophes causées par ces produits. Cette proposition de loi, si elle est adoptée – et je ne doute pas qu’elle le sera –, constituera une évolution positive et utile dans la prise en compte des enjeux de prévention des risques. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé que la procédure accélérée soit engagée. Voilà qui constitue une réponse aux interrogations sur la possibilité d’adopter rapidement ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Pillefer. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Bernard Pillefer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les batteries au lithium et les cartouches de protoxyde d’azote constituent de véritables bombes à retardement, que nous jetons dans nos poubelles et qui finissent dans nos centres de tri et nos incinérateurs.

Les conséquences sont lourdes. Les incendies et les explosions se multiplient. Les dégâts coûtent des millions d’euros, et ce sont nos collectivités qui paient la facture.

Cette proposition de loi est particulièrement attendue, et je tiens à saluer la double initiative de mes collègues qui en est à l’origine.

Je souhaite d’abord remercier le président Jean-François Longeot, qui a suscité le débat sur la question des cartouches de protoxyde d’azote. Ce gaz hilarant ne fait plus rire personne, car nous sommes confrontés à une problématique multiple : un scandale environnemental, un problème de sécurité, mais aussi un véritable sujet de santé publique.

Les chiffres sont accablants. L’arrêt de la production et les réparations d’une unité de valorisation énergétique (UVE) à la suite d’une explosion coûtent entre 20 000 et 200 000 euros.

Cependant, le problème ne se limite pas à l’incinération. La collecte elle-même est un casse-tête. Il faut savoir que 70 % des cartouches abandonnées sont ramassées dans l’espace public. Les collectivités en assument le coût à la place des producteurs.

L’article 3 constitue une avancée essentielle : il regroupe ces produits au sein d’une même filière REP et applique enfin le principe pollueur-payeur.

Toutefois, des interrogations subsistent quant au traitement de ces produits, car le procédé est technique : les bouteilles doivent être percées, ce qui libère un gaz à effet de serre 300 fois plus nocif que le CO2. De leur côté, les ferrailleurs refusent généralement de récupérer les bouteilles, dans la mesure où ils n’ont pas la garantie qu’elles ont été complètement vidées de leur gaz.

Il est donc urgent de durcir l’encadrement de l’achat et de la consommation du protoxyde d’azote.

Je veux également saluer notre collègue Cyril Pellevat, qui s’est fait l’écho des acteurs de terrain sur la question des incendies. Nos centres de tri doivent composer avec des départs de feu de plus en plus fréquents, qui mettent en danger les agents et les infrastructures.

Les piles au lithium constituent des déchets souvent invisibles qui se logent dans certains objets du quotidien. Nous ne réalisons pas, ou pas toujours, que ces produits doivent être jetés dans des filières spécifiques. On constate que 65 % des incidents recensés sont dus à des erreurs de tri.

La première bataille à mener est donc celle de l’information et de la prévention.

L’article 1er constitue un premier pas dans cette direction. Cependant, la sensibilisation du grand public doit aller de pair avec l’information qui lui est fournie. À terme, nous pourrions envisager d’aller plus loin sur les règles encadrant l’information qui doit être portée à la connaissance du consommateur.

Un autre problème majeur concerne les assurances. Les gestionnaires de centres de tri peinent à se couvrir contre les risques, même lorsqu’ils investissent dans la prévention.

Dans sa version initiale, l’article 2 prévoyait la création d’un fonds d’indemnisation des incendies, dont le financement était pour moitié à la charge des producteurs de piles et de batteries.

Ces dispositions étaient contraires au droit européen et à l’esprit même des REP. De plus, elles s’inscrivaient dans une logique curative et non préventive. La priorité est évidemment de faire cesser les incendies, et non d’en améliorer l’indemnisation.

Notre rapporteure a donc proposé une autre solution. Elle consiste en la participation des producteurs à la prévention des risques d’incendie et d’explosion, ce qui, je l’espère, sera en mesure de créer une boucle vertueuse avec les compagnies d’assurance.

Je tiens néanmoins à souligner que, avec la nouvelle rédaction de la commission, les enjeux financiers pour les centres de tri ne sont plus les mêmes que dans la proposition de loi initiale. Mais cette réécriture était nécessaire.

Je souhaite remercier chaleureusement notre rapporteure, Mme Jocelyne Antoine, pour son travail rigoureux et méthodique. Elle a mis en lumière les quelques difficultés opérationnelles du texte et y a apporté des solutions pragmatiques et efficaces.

Mes chers collègues, nos centres de tri sont sous pression. Face à l’urgence, ce texte apporte des réponses concrètes que le groupe Union Centriste votera avec conviction ! (Applaudissements sur les travées des groupe UC et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Alexandre Basquin.

M. Alexandre Basquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous tenons tout d’abord à saluer le travail de MM. Jean-François Longeot et Cyril Pellevat, qui ont soulevé une problématique bien réelle à laquelle sont confrontés les centres de traitement des déchets et pointé les dégâts importants, tant environnementaux que budgétaires, occasionnés par les cartouches de protoxyde d’azote et les batteries au lithium.

Nous saluons également le travail de la rapporteure, Mme Jocelyne Antoine. Son rapport pertinent, qu’elle nous a présenté en commission et ici, nous a éclairés sur le sujet et sur les difficultés rencontrées.

Permettez-nous en préambule, même si ce n’est pas l’objet de la présente proposition de loi, de rappeler que l’usage du protoxyde d’azote constitue malheureusement un véritable fléau pour la santé des plus jeunes.

Depuis une dizaine d’années, ces derniers détournent de leur usage des cartouches et des bonbonnes de protoxyde d’azote pour rechercher les effets hilarants de ce gaz. La consommation ne cesse malheureusement d’augmenter, et les conséquences d’un usage régulier sont désastreuses pour la santé. Il est évident que des moyens plus coercitifs en la matière doivent être employés. C’est une question sanitaire majeure.

Aujourd’hui, ce qui nous occupe ici, ce sont les conséquences de l’usage du protoxyde d’azote et des batteries au lithium dans les centres de collecte et de tri.

Notons tout d’abord qu’il est pertinent d’avoir intégré ces deux problématiques au sein d’une même proposition de loi.

Les cartouches et les bonbonnes de protoxyde d’azote, qui sont rarement complètement vidées, peuvent exploser dans les centres de traitement des déchets et provoquer d’importants dégâts matériels. Dans le centre de valorisation énergétique de Valenciennes, cela se produit une fois par semaine en moyenne, ce qui engendre un surcoût financier considérable, de l’ordre de 1 million d’euros pour la seule année dernière.

« Le gaz hilarant ne fait pas du tout rire les usines d’incinération des déchets », comme on pouvait le lire, à juste titre, dans un article récent du journal Le Monde. Il nous semble juste de dire que ce n’est pas aux collectivités locales de prendre constamment en charge, sur leur budget propre, les dégâts.

Il est à noter également que l’impact est aussi d’ordre environnemental. En entraînant l’arrêt des chaînes de traitement des déchets, ces explosions obligent les gestionnaires des services publics de gestion des déchets à se réorienter vers des centres d’enfouissement, sans compter les conséquences sur les réseaux de chaleur, lorsqu’ils existent, et les risques de blessures pour le personnel.

Le traitement des batteries au lithium a, lui aussi, des conséquences de plus en plus lourdes. Véritable cauchemar pour les sapeurs-pompiers, les incendies liés à ces batteries ont vu leur nombre bondir de 150 % en dix ans. Dans 60 % des cas, ils surviennent dans les centres de tri.

Le traitement et, plus encore, la valorisation des déchets liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote constituent un véritable calvaire.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas rester attentistes. Il est plus que nécessaire de prendre des mesures fortes, comme celles qui figurent dans cette proposition de loi. Je pense notamment à l’application du principe – juste, essentiel et important – du pollueur-payeur.

L’intégration des cartouches de gaz de protoxyde d’azote au sein de la filière REP DDS et la prise en charge de la prévention par les éco-organismes, afin notamment d’alerter sur l’importance de collecter les piles et les batteries dans des circuits différenciés, vont dans le bon sens.

Toutefois, il faut également agir au niveau européen – nous en appelons, sur ce point, au Gouvernement – pour imposer de nouveaux process, de nouvelles normes, et contraindre avec force les industriels à produire des cartouches de protoxyde d’azote aux tailles adaptées, comportant des valves de sécurité. Sans cela, le traitement de ces contenants, lorsqu’ils sont mêlés aux ordures ménagères, sans possibilité de tri, restera un véritable nœud gordien. Il ne faut pas exonérer les industriels de leurs responsabilités, sanitaires ou environnementales.

Mais, en attendant, cette proposition de loi marque un premier pas important et constitue bien plus qu’un simple symbole ; le groupe CRCE-K invite à la soutenir et à la voter. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelque 1 400 incendies se sont déclarés entre 2010 et 2019 dans les installations de collecte, de tri et de recyclage. Des piles et des batteries au lithium, qui se sont retrouvées, en raison d’erreurs et de négligence lors du tri, dans des flux de déchets parmi lesquels elles n’auraient pas dû être, en sont en grande partie responsables.

On estime qu’entre 15 % et 20 % de ces batteries au lithium, surtout celles de petite taille, sont jetées dans la poubelle ménagère commune et ne font donc pas l’objet de la collecte sélective dont elles relèvent en principe.

Or, si elles ne sont pas traitées correctement dans le cadre de la filière REP des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E), qui est la leur, ces batteries peuvent être endommagées dans le flux des déchets ménagers communs. Il suffit alors qu’elles entrent au contact de l’eau et de l’oxygène pour qu’elles flambent. Telle serait la cause de la moitié des incendies survenus dans les centres des opérateurs de déchets.

La présence de cartouches et de bouteilles de protoxyde d’azote parmi des déchets destinés à l’incinération constitue un autre risque chronique pour les opérateurs. Elles peuvent en effet exploser lorsque le gaz se dilate sous l’effet de la chaleur extrême. Le phénomène est d’autant plus violent que le contenant est de grande taille.

On estime que ces explosions coûtent entre 15 millions et 20 millions d’euros par an, ce qui correspond au montant des réparations nécessaires, mais aussi aux pertes dues à l’arrêt éventuel de la production des réseaux de chaleur.

En raison du développement de l’usage détourné comme drogue récréative du protoxyde d’azote, les cartouches abandonnées prolifèrent dans l’espace public, et nos collectivités doivent effectuer leur ramassage, ce qui, là aussi, a un coût.

La proposition de loi du président Longeot et de notre collègue Pellevat est donc tout à fait opportune, et le travail remarquable de Mme la rapporteure, Jocelyne Antoine, l’a rendue encore plus opérationnelle.

L’enjeu est d’abord de sensibiliser aux bons gestes de tri. Il s’agit que chacun comprenne bien que l’acte de tri n’est pas un geste de bonne volonté optionnel, mais qu’il constitue un devoir citoyen permanent. Il est donc urgent de renforcer la communication sur ce point, d’organiser des campagnes de sensibilisation inter-filières sur les gestes à adopter, pour faire en sorte de réduire, à tout prix, le nombre des batteries usagées qui sont jetées à tort avec les ordures ménagères et qui se retrouvent dès lors hors du flux, géré par la filière REP D3E, qui leur est dédié. L’article 1er de la proposition de loi est particulièrement opportun à cet égard.

Nous soutenons l’approche principalement préventive adoptée par la rapporteure et la commission à l’article 2. Celle-ci paraît, à ce stade, plus utile et praticable que l’approche indemnitaire assurantielle. La création d’un fonds d’indemnisation géré par les éco-organismes serait incompatible avec le droit européen. Les éco-organismes n’ont pas vraiment vocation à assurer ce type d’incidents.

Certes, la réparation des dommages doit, par cohérence, être largement à la charge des metteurs sur le marché et de leurs éco-organismes. Nous devrons encore travailler pour définir les conditions précises qui permettront de mettre en place ce volet assurantiel.

À ce stade, la rapporteure a eu raison de modifier le dispositif initial de l’article 2, pour le transformer en un mécanisme dans lequel les éco-organismes contribueront, y compris financièrement, avec les opérateurs de déchets, à la mise en œuvre de la prévention de ces accidents.

En ce qui concerne les cartouches de protoxyde d’azote, il convient avant tout, selon nombre d’acteurs, d’agir en faveur d’un tarissement à la source. Notre amendement, inspiré par une proposition du réseau Amorce, visant à interdire la vente aux particuliers a été considéré comme un cavalier législatif dans le cadre de l’examen de ce texte. Il ne l’est pas, en revanche, dans la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote que nous examinerons tout à l’heure.

La présente proposition de loi transfère la gestion des déchets des contenants de protoxyde d’azote de la filière REP des emballages ménagers et papiers graphiques vers la filière REP des déchets diffus spécifiques présentant un risque significatif pour la santé et l’environnement. Cette dernière est plus à même de prévenir les accidents et – c’est un point très important – d’obtenir le versement d’écocontributions suffisantes pour financer le traitement de ces déchets de la part des metteurs sur le marché, sur le fondement du principe pollueur-payeur.

Il reste encore à avancer sur l’écoconception, afin de prévoir une soupape de surpression pour éviter les explosions et de définir des normes limitant le volume des contenants. L’Agence de la transition écologique (Ademe) et les services de l’État doivent aboutir rapidement sur ce point, en bonne intelligence avec l’Union européenne, afin que les nouvelles normes deviennent au plus vite opérationnelles et soient définies au bon niveau.

Pour l’heure, cette proposition de loi apporte des réponses concrètes aux opérateurs de déchets, ainsi qu’aux collectivités qui subissent et paient les dégâts. Comme vous l’avez compris, le groupe GEST la soutient pleinement et se réjouit qu’elle puisse profiter de la procédure accélérée. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelque 1 400 incendies ont été recensés à cause de l’explosion des batteries au lithium et des cartouches de protoxyde d’azote, des équipements qui sont de plus en plus présents dans nos produits de consommation. Ces éléments ont déjà été rappelés par les orateurs précédents, je n’y reviendrai donc pas.

Nous nous intéresserons tout à l’heure aux enjeux sanitaires de ce problème lorsque nous examinerons une proposition de loi, déposée sur l’initiative du groupe RDSE, qui vise à renforcer la lutte contre l’usage détourné du protoxyde d’azote en encadrant plus strictement sa vente et en interdisant sa détention par les mineurs. Les problématiques sont donc multisectorielles.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Exactement !

M. Hervé Gillé. Cette première proposition de loi vise à répondre à la nécessité de prendre des mesures pour limiter les risques d’incendie et assurer la sécurité des centres de tri. Nous devons aussi penser aux agents qui sont menacés par les risques d’explosion.

Ce texte va dans le bon sens.

Il comprend quatre articles, afin de sensibiliser au tri des déchets, de renforcer les missions de la filière REP, d’améliorer la gestion des déchets abandonnés, et d’instaurer un cadre plus rigoureux de prise en charge des coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés.

Les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ont toujours défendu le principe du pollueur-payeur. Cette proposition de loi s’inscrit dans cette logique : nous nous en réjouissons.

Nous avons également toujours soutenu l’idée que ceux qui mettent sur le marché des produits dangereux doivent assumer les coûts associés à leur gestion en fin de vie. Nous sommes favorables, notamment, à un élargissement et à un renforcement des filières REP.

L’élargissement de la filière REP DDS, pour y inclure les cartouches de gaz et leur traitement, constitue une avancée significative. Ces cartouches, qui sont souvent abandonnées dans des lieux publics, représentent un danger non négligeable pour la sécurité. Cette mesure va dans le sens d’une gestion plus cohérente et plus responsable des déchets.

Malgré ses avancées, cette proposition de loi ne répond pas, toutefois, à tous nos questionnements.

La modification du financement de la prévention des incendies opérée par la commission, qui a supprimé le fonds d’indemnisation au profit d’un financement plus flou, mérite d’être discutée.

La nouvelle version de l’article, adoptée sur l’initiative de la rapporteure en commission, afin de garantir la compatibilité du texte avec le droit européen, inclut l’ensemble des filières REP dans le financement de la prévention des risques dans les centres de gestion des déchets. Cependant, cette rédaction substitue à un dispositif opérationnel, dont le financement est assuré à hauteur de 50 % des coûts par les metteurs sur le marché, un objectif global, plus imprécis, sans aucune garantie chiffrée de financement.

En effet, contrairement à la rédaction initiale qui prévoyait un fonds conçu à cette fin et opérationnel, le texte modifié ne précise pas les modalités exactes de la mise en œuvre de la nouvelle obligation. Le terme « concourir », utilisé pour décrire la participation des filières REP, ne définit pas clairement le montant que ces dernières devront verser.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain aurait souhaité que le soutien aux collectivités soit renforcé, afin de garantir qu’elles ne soient pas laissées seules face au coût croissant de la gestion des déchets et des incendies.

Cette proposition de loi est une première réponse à des problématiques environnementales et sanitaires graves. Elle comporte des solutions concrètes pour mieux gérer les déchets liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote.

Même si elle ne répond pas à toutes les problématiques, elle représente un pas important pour parvenir à une meilleure prévention des risques et à une gestion plus responsable des déchets. Notre groupe la votera donc. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite féliciter le président Longeot et Cyril Pellevat, auteurs de cette proposition de loi qui vise à répondre aux problèmes posés par l’essor de deux phénomènes : d’une part, l’omniprésence des batteries au lithium dans notre quotidien, qui a des conséquences sur les sites de recyclage, et, d’autre part, le développement des usages récréatifs du protoxyde d’azote, qui a des effets désastreux en termes de sécurité et de coût.

Les incendies et les départs de feu dans les sites de recyclage ne sont pas nouveaux. Toutefois, l’usage croissant des batteries de lithium ne fait qu’en accroître le nombre. Celles-ci font partie intégrante de notre quotidien. Elles sont présentes dans les téléphones, les écouteurs, les vélos, les systèmes GPS, les cigarettes électroniques, etc. Elles sont souvent mal triées ou jetées avec d’autres déchets, et peuvent provoquer des départs de feu.

Que ce soit par manque d’information sur le recyclage obligatoire ou tout simplement parce que l’on ignore même que le lithium entre dans la composition d’un objet, les conséquences d’un mauvais tri sont dramatiques d’un point de vue économique et environnemental.

Chaque incendie pollue l’air et les eaux par les fumées et les retombées des poussières et met en danger le personnel des centres de tri. Ces centres se retrouvent à l’arrêt – quelquefois plusieurs mois –, les broyeurs devant être réparés.

À tout cela s’ajoute la résiliation de certaines assurances en raison d’une sinistralité trop importante.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Exactement !

M. Daniel Chasseing. Il est indispensable de renforcer et d’améliorer la sensibilisation du consommateur à la question du tri, et il est nécessaire de prévenir les accidents dans les centres de la filière déchets via une campagne de sensibilisation menée par les éco-organismes et les systèmes individuels mis en place par les entreprises des filières REP.

De même, la proposition de la commission d’imposer aux éco-organismes de participer, notamment financièrement, à la prévention des accidents dans les installations de gestion des déchets nous paraît aller dans le bon sens.

Par ailleurs, l’usage détourné des cartouches de protoxyde d’azote et la négligence des consommateurs quant à leur abandon sur la voie publique ou dans les corbeilles de rue constituent une importante source de danger et de surcoût.

Pour répondre à ce double problème, il faut restreindre l’accès à ces cartouches pour limiter leur consommation chez les plus jeunes ainsi que la quantité de déchets produits. C’est bien le sens de la proposition de loi que nous examinerons cet après-midi, puisqu’elle prévoit une approche préventive dès le plus jeune âge, destinée à avertir des dangers d’une utilisation récréative.

Ce texte vise à inclure les cartouches et les bouteilles de gaz dans la liste des produits relevant de la responsabilité élargie des producteurs de la filière des déchets diffus spécifiques. Ces déchets sont aujourd’hui traités comme des déchets communs, alors qu’ils sont dangereux.

Cette mesure permettra d’impliquer les producteurs via le versement d’écocontributions pour, à la fois, compenser le traitement approprié et mener des campagnes de sensibilisation.

Il est absolument anormal, comme c’est le cas aujourd’hui, de faire reposer uniquement sur les collectivités le surcoût lié au ramassage et au traitement de ces déchets dangereux. De surcroît, les explosions mettent en danger le personnel des centres de stockage de ces déchets.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants soutiendra ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, entre 2018 et 2024, le nombre d’incendies et de départs de feu dans les installations de traitement des déchets liés aux batteries au lithium a été multiplié par dix.

Parallèlement, les incinérateurs connaissent une hausse inquiétante des explosions dues à la présence de cartouches de protoxyde d’azote, engendrant un préjudice global estimé entre 15 millions et 20 millions d’euros par an.

Face à cette situation, les gestionnaires des installations de traitement des déchets se retrouvent trop souvent seuls. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, bien que technique en apparence, est en réalité profondément politique.

En effet, derrière ces accidents se cache un phénomène plus large : l’émergence de nouveaux produits – batteries au lithium et cartouches de protoxyde d’azote – qui bouleversent l’organisation de toute une filière. Cela appelle à une redéfinition des responsabilités, du producteur initial à l’opérateur de déchets, en passant par le consommateur, les collectivités territoriales et l’État.

Voilà pourquoi je remercie mes collègues Jean-François Longeot et Cyril Pellevat de leur initiative. Je veux également remercier Mme la rapporteure, Jocelyne Antoine, pour sa contribution à ce travail.

L’augmentation des accidents doit nous conduire à repenser les objectifs et le périmètre de l’économie circulaire. Si cette politique reposait historiquement sur des considérations environnementales et sanitaires, elle doit désormais intégrer un enjeu majeur : la prévention des risques industriels. Il s’agit non plus seulement de recycler et de réduire les déchets, mais aussi de garantir la sécurité des infrastructures qui les traitent.

L’article 2 de la proposition de loi apporte, à ce titre, une avancée essentielle en élargissant le champ de la responsabilité élargie du producteur au financement de la prévention des accidents dans les installations de traitement des déchets.

Il ne serait pas juste que la gestion des risques repose uniquement sur les opérateurs de déchets ou les collectivités chargés du service public. Les producteurs doivent être pleinement associés à la lutte contre les incidents causés par leurs produits, notamment lorsque ces derniers sont mal triés.

Je tiens d’ailleurs à saluer les efforts déjà engagés par certains éco-organismes, malgré l’absence d’obligation légale. Depuis 2021, les filières REP des déchets d’équipements électriques et électroniques et des piles et accumulateurs ont ainsi mis en place les assises de la prévention du risque incendie, permettant de diffuser une véritable culture du risque parmi les opérateurs. Et les résultats sont là : les incidents y sont bien moins fréquents que dans d’autres filières.

Cependant, cette responsabilité doit rester préventive et non palliative. Il serait contre-productif que les producteurs soient tenus d’indemniser directement les dommages subis par les sites industriels au risque de créer un effet d’aubaine pour les assureurs et de déresponsabiliser certains acteurs.

Bien entendu, ce texte ne réglera pas tout.

Concernant les cartouches de protoxyde d’azote, la réponse passe aussi par la lutte contre les usages détournés – un sujet que nous examinerons dans un autre cadre –, ainsi que par l’évolution des règles de conception au niveau européen.

De même, pour les batteries au lithium, la prévention des accidents suppose une adaptation des normes applicables aux installations de traitement et une révision des standards de conception à l’échelle européenne.

S’il ne constitue qu’une première étape, ce texte marque un tournant dans notre approche de l’économie circulaire : il intègre, pour la première fois, la prévention des accidents comme un enjeu à part entière. Il nous appartiendra de poursuivre cette dynamique et d’approfondir ces évolutions à l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nos déchets en disent long sur notre époque : ils reflètent les évolutions de notre société et les maux qui l’accompagnent. Lorsqu’ils deviennent un danger pour ceux qui les collectent et les traitent, il devient urgent d’agir.

L’augmentation des incendies liés aux batteries au lithium, la prolifération des cartouches de protoxyde d’azote et les explosions qu’elles provoquent dans nos incinérateurs ne sont pas de simples accidents. Ce sont des signaux d’alerte qui appellent une réponse forte et immédiate.

C’est précisément l’objectif de cette proposition de loi, portée par nos collègues Jean-François Longeot et Cyril Pellevat et dont la rapporteure est Jocelyne Antoine. Je tiens à saluer leur travail.

La gestion de ces produits en fin de vie représente un défi majeur. Les enjeux économiques, environnementaux et sécuritaires exigent de notre part une réponse pragmatique et responsable.

Le risque incendie lié aux batteries au lithium s’est considérablement accru. En 2023, ces batteries ont provoqué vingt-quatre incendies dans les installations de tri et sont responsables de la moitié des départs de feu dans la filière des déchets, en grande partie à cause d’erreurs de tri.

Quant aux cartouches de protoxyde d’azote, elles posent un double problème : d’une part, un risque sanitaire lié à leur usage détourné ; d’autre part, un risque sécuritaire pour la filière des déchets.

Leur présence croissante dans les ordures ménagères constitue un fardeau pour les collectivités. Mal triées, elles provoquent des explosions dans les incinérateurs, avec des conséquences lourdes pour la sécurité des installations et les coûts d’exploitation.

Face à ce constat, le texte que nous examinons prévoit des solutions concrètes.

D’abord, la prévention : l’article 1er impose une campagne annuelle de sensibilisation sur les risques liés aux déchets inflammables. La commission a renforcé cette mesure en mobilisant tous les éco-organismes concernés.

Ensuite, la responsabilisation des producteurs : l’article 3 vise à intégrer les cartouches de protoxyde d’azote à la filière REP des déchets diffus spécifiques, obligeant les fabricants à financer leur collecte et leur traitement. La commission a exclu les bouteilles de gaz rechargeables, qui disposent déjà d’un circuit de reprise spécifique.

Enfin, l’application du principe pollueur-payeur : l’article 4 transfère aux producteurs la prise en charge des coûts liés au ramassage et au traitement des cartouches et bouteilles de gaz abandonnées, une charge qui pèse aujourd’hui sur les collectivités.

Initialement, un fonds d’indemnisation était prévu, mais la commission a préféré une approche préventive, plus efficace et conforme à une logique d’action durable.

Ce texte ne réglera pas à lui seul tous les défis posés par ces déchets, mais il constitue une avancée essentielle. Des efforts supplémentaires seront nécessaires au niveau européen, notamment pour prendre en compte les questions transfrontalières et imposer la standardisation des contenants et l’installation de soupapes de sécurité sur les bonbonnes de gaz.

Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de poser un premier jalon fondamental. Le groupe RDPI soutient cette proposition de loi, convaincu de son utilité pour la sécurité des travailleurs de la filière des déchets, la protection de nos infrastructures et la défense de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons a été adopté à l’unanimité en commission. J’ose espérer qu’il en ira de même en séance.

Permettez-moi tout d’abord de remercier nos collègues Jean-François Longeot et Cyril Pellevat d’avoir déposé cette proposition de loi.

Je reprendrai les propos que j’ai tenus à l’occasion de la discussion sur les PFAS (substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées). Nous vivons aujourd’hui dans une société malade de ses paradoxes. Qui que nous soyons, nous sommes des consommateurs. Les Trente Glorieuses ont fait de la phrase d’Adam Smith – « La consommation est la seule fin et la seule raison d’être de toute production. » – une réalité qui organise nos sociétés.

Nous souhaitons tous « le mieux », « le plus », au fil des modes, des suggestions publicitaires. Cartes de vœux musicales, télécommandes, siphons à crème chantilly, création de textures originales, vêtements lumineux, automobiles, analgésiques, pétrochimie, autant de produits et de gaz développés grâce aux efforts des chimistes et des industriels.

Pourtant, nous savons que ces substances ont un coût environnemental, un coût pour la santé et un coût économique.

Lorsqu’elles ne fonctionnent plus, les batteries, bonbonnes et cartouches sont encore trop souvent jetées parmi les ordures ménagères ou abandonnées sur la voie publique. Et le service de gestion des déchets, qui relève des collectivités territoriales, supporte alors des surcoûts importants.

C’est ainsi qu’à la mi-février la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles, dans les Bouches-du-Rhône, a lancé une grande campagne d’information et de sensibilisation, par le truchement des réseaux sociaux, sur les risques d’explosion en cas d’erreurs de tri.

Le directeur de l’usine de traitement des déchets ménagers de Colombelles, dans le Calvados, a ainsi expliqué que l’usine connaissait cinq explosions par semaine. Les bonbonnes de protoxyde d’azote, qui peuvent peser jusqu’à trois kilos avec des pressions allant jusqu’à trente bars, deviennent de véritables projectiles lorsque la chaleur des incinérateurs atteint plus de 900 degrés. Au-delà des risques physiques et des problèmes sanitaires qui en découlent pour les personnels, les fours doivent alors être mis à l’arrêt. Or, avec l’incinération des ordures ménagères, l’usine alimente le chauffage urbain et fournit en eau chaude le centre hospitalier universitaire de Caen et plus de dix mille logements à Hérouville-Saint-Clair.

Grégory Richet, président du Syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains et assimilés (SVDU), chiffre le préjudice pour la filière entre 15 millions et 20 millions d’euros par an.

Il est donc temps de réinterroger les rôles et responsabilités de chacun : les acteurs du cycle de vie des batteries au lithium et des cartouches de protoxyde d’azote ; les producteurs et opérateurs de traitement des déchets ; les collectivités territoriales ; et – ne l’oublions pas ! – le consommateur.

Alors, tout simplement, je dis oui à la campagne annuelle inter-filières de prévention et de sensibilisation aux bonnes pratiques de tri, oui à la prévention des accidents dans les centres de la filière déchets, oui à l’intégration des cartouches de protoxyde d’azote et des bouteilles de gaz dans la liste des produits soumis au principe pollueur-payeur, en les assimilant à la filière REP des déchets diffus spécifiques.

Pour conclure, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi, parce qu’elle répond à de nombreux problèmes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI, INDEP et GEST.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer la prévention des risques d’accidents liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitement de déchets

Article 1er

Après l’article L. 541-10-20 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 541-10-20-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 541-10-20-1. – Afin de limiter la présence des déchets d’équipements électriques et électroniques et de batteries hors des circuits adaptés, les éco-organismes ainsi que les systèmes individuels agréés et mis en place par les producteurs des produits mentionnés aux 5° et 6° de l’article L. 541-10-1 et par les producteurs des autres produits intégrant des piles et accumulateurs mènent chaque année de manière conjointe une campagne de sensibilisation inter-filières portant sur les déchets indésirables exposés au risque d’incendie.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret. »

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

par décret

par les mots :

dans les cahiers des charges mentionnés à l’article L. 541-10

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à renvoyer les modalités d’application de l’article 1er, qui est relatif aux campagnes de sensibilisation à mener par les producteurs de batteries et d’équipements électriques et électroniques, aux cahiers des charges de ces filières.

En effet, le corpus législatif et réglementaire encadrant les filières REP est construit de telle manière qu’une obligation de cet ordre relève du cahier des charges auquel les éco-organismes et systèmes individuels agréés doivent se conformer.

Dans la pratique, tous les cahiers des charges en vigueur comportent un chapitre consacré aux actions d’information et de sensibilisation dont le contenu est adapté aux besoins de chaque filière.

Afin de faciliter la lisibilité du droit, il nous semble préférable de maintenir l’ensemble des mesures relatives à la prévention dans les cahiers des charges.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. Les cahiers des charges sont effectivement un vecteur plus approprié pour la définition des obligations que le décret initialement prévu.

L’avis est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 2

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du I de l’article L. 541-10 est ainsi modifié :

a) La dernière occurrence du mot : « et » est remplacée par le signe : « , » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et de concourir au financement de la prévention des accidents dans les installations de gestion de déchets. » ;

2° (Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7, présenté par M. Gillé, Mmes Canalès, Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

b) Sont ajoutés les mots : « , de procéder à la réparation des dommages causés dans les installations de déchets et de concourir au financement de la prévention de ces accidents. » ;

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 541-10-2 est ainsi modifiée :

a) Les mots : « et, le cas échéant » sont supprimés ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, le cas échéant, les coûts nécessaires à la réparation des dommages engendrés par les accidents causés par les déchets dans les installations de traitement. »

La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Cet amendement tend à modifier l’article 2 afin de rétablir le principe d’une indemnisation des collectivités gestionnaires des installations de gestion et de traitement des déchets en cas de dommage causé par les batteries, les piles, les accumulateurs, ainsi que les cartouches de protoxyde d’azote.

En commission, j’avais exprimé, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, le regret que nous éprouvions à la suite de la suppression du fonds d’indemnisation des collectivités qui était initialement prévu dans la proposition de loi. Il nous semblait en effet qu’il revenait bien aux metteurs sur le marché de financer un tel fonds en application du principe pollueur-payeur – ce financement restait d’ailleurs limité à 50 %.

Nous avons bien entendu les arguments qui ont conduit à cette suppression, à savoir un problème de compatibilité avec le droit européen.

Toutefois, nous considérons que la rédaction finale retenue reste imparfaite et incertaine : l’ensemble de la filière REP aurait aussi pour mission de « concourir au financement de la prévention des accidents dans les installations de gestion de déchets ».

Si cet objectif est louable, il demeure pour nous beaucoup trop flou et moins opérationnel que la création d’un fonds d’indemnisation. En précisant que les filières concourront au financement sans en préciser le montant ou la portée, les collectivités n’auront aucune certitude sur le montant de la prise en charge de cette indemnisation par les metteurs sur le marché.

C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons, d’une part, de mettre concrètement à la charge des producteurs et de leurs éco-organismes la réparation des dommages causés et, d’autre part, de prévoir dans les cahiers des charges des éco-organismes que les écocontributions qui leur sont versées pourront financer la réparation de ces dommages.

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par M. Pillefer, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

de concourir

insérer les mots :

aux investissements déjà existants et

La parole est à M. Bernard Pillefer.

M. Bernard Pillefer. Par cet amendement, je souhaite clarifier un point. Certains sites ont déjà consenti des investissements majeurs en matière de prévention. Grâce à ces équipements, plusieurs départs de feu causés par des piles ou des contenants de gaz ont pu être maîtrisés, évitant ainsi des sinistres majeurs.

L’article 2 prévoit que les futurs investissements en matière de lutte contre les incendies devront être pris en charge en partie par les éco-organismes.

Mais qu’en est-il des investissements déjà réalisés ? Il ne faudrait pas que ces bons élèves soient pénalisés pour avoir anticipé des exigences de sécurité.

Aussi, madame la rapporteure, madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que les éco-organismes prendront bien en charge les installations ayant déjà effectué ces investissements nécessaires ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. S’agissant de l’amendement n° 7, la prise en charge par les éco-organismes de la réparation des dommages causés dans les installations des déchets est, vous l’avez rappelé, contraire au droit européen, en particulier à l’article 8 bis de la directive-cadre sur les déchets qui encadre les coûts couverts par les REP.

Ensuite, une telle mesure pourrait avoir un effet de déresponsabilisation des opérateurs de la filière déchets car la prévention des accidents nécessite une coopération de tous les acteurs du cycle de vie du produit. Dès lors qu’on pourrait indemniser les incendies en question de cette manière et à un niveau élevé, la prévention risque de ne plus être une priorité. Nous devons aussi être conscients que cela pourrait avoir ultérieurement des conséquences sur d’autres produits.

Enfin, la mise en œuvre opérationnelle d’une telle mesure apparaît complexe.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 7.

En ce qui concerne l’amendement n° 5, je partage pleinement les préoccupations de Bernard Pillefer. Il est nécessaire de ne pas pénaliser les installations de traitement de déchets qui ont déjà fait des efforts, en réalisant des investissements parfois considérables pour réduire le risque d’accident.

L’amendement paraît toutefois satisfait. La participation au financement de la prévention des éco-organismes inclut la rémunération des installations ayant déjà effectué les investissements nécessaires. Concrètement, cela pourrait prendre la forme d’un bonus accordé par les éco-organismes dans leur contrat avec des opérateurs de déchets pour ceux qui ont effectué les investissements nécessaires en amont.

C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je rejoins l’analyse de Mme la rapporteure concernant l’amendement n° 7.

J’ajoute qu’il ne paraît pas opportun de prévoir que les producteurs procèdent en complément à la réparation des dommages. D’une part, une telle disposition pourrait être de nature à décourager les investissements par les opérateurs dans les installations plus sécurisées et à déresponsabiliser ces derniers. D’autre part, les filières REP n’ont pas vocation à se substituer aux assurances des exploitants des installations.

Voilà pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

Par ailleurs, et pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure, je demande le retrait de l’amendement n° 5, qui est satisfait par le modèle même des filières REP. Nous estimons par conséquent qu’il n’est pas nécessaire d’apporter la précision proposée.

M. le président. Monsieur Pillefer, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Bernard Pillefer. Non, je le retire, monsieur le président, au vu des explications qui viennent d’être apportées.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Pellevat, Mme Aeschlimann, M. Belin, Mmes Belrhiti et Billon, M. Bonhomme, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Bruyen, Burgoa et Cambier, Mme Canayer, M. Chatillon, Mme de La Provôté, M. Delia, Mme Dumont, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Guidez, Jacquemet, Josende et Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Levi, Naturel, Pillefer, Pointereau, Rapin et Reichardt, Mme Romagny, MM. Sido et Sol, Mmes Tetuanui et Ventalon et M. P. Vidal, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigés :

, notamment des équipements de prévention des incendies. Les modalités de la prévention et la répartition du concours à son financement par les producteurs visés au présent I sont précisées par arrêté.

La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Cet amendement tend à préciser que la responsabilité élargie du producteur doit inclure le financement des équipements de prévention des incendies. Il prévoit également qu’un texte réglementaire fixe les modalités de cette prévention.

Il est essentiel que les producteurs assument leur part dans la sécurisation de la filière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. Dans plus de neuf cas sur dix, les accidents dans la filière des déchets sont des incendies. La précision de l’inclusion des équipements de prévention des incendies parmi les mesures de prévention des accidents financées par les éco-organismes pourrait apparaître, en ce sens, bienvenue.

La précision, par arrêté, des modalités de la prévention et de la répartition du concours à son financement pourrait apparaître souhaitable pour garantir l’opérationnalité du dispositif.

Nous sollicitons l’avis du Gouvernement afin d’obtenir des garanties sur l’opérationnalité du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à ce que les producteurs soumis à une filière REP concourent au financement des équipements de prévention des incendies.

La proposition de loi, dans sa rédaction issue du travail en commission, prévoit que les producteurs concourent au financement de la prévention des accidents dans les installations de gestion des déchets, c’est-à-dire en soutenant les actions concourant à la prévention.

Il ne nous semble pas souhaitable de demander aux producteurs de soutenir les investissements dans des équipements industriels qui concourent à la prévention.

Il faut, à notre sens, distinguer les actions de sensibilisation et de formation à la qualité du tri, c’est-à-dire l’accompagnement de l’usager pour qu’il adopte le réflexe de rapporter les déchets en question au bon endroit, et les investissements dans des installations industrielles.

Adopter la mesure prévue dans cet amendement entraînerait une interférence dans la gestion opérationnelle et dans la conduite industrielle des sites, ce qui ne semble ni approprié ni dans l’intérêt de la filière des déchets.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 3

Au 7° de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement, après le mot : « ménagers », sont insérés les mots : « , les bouteilles et cartouches de gaz, à l’exclusion des bouteilles de gaz rechargeables » – (Adopté.)

Article 4

Le chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° (nouveau) L’article L. 541-10-22 est abrogé ;

2° Après le premier alinéa de l’article L. 541-10-24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les producteurs de bouteilles et de cartouches de gaz ou leur éco-organisme sont également tenus de prendre en charge les coûts de ramassage et de traitement des déchets issus de ces produits abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre. » ;

3° (nouveau) À la fin du 2° du I de l’article L. 541-46, la référence : « L. 541-10-22 » est remplacée par la référence : « L. 541-10-24 » – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la prévention des risques d’accidents liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitement de déchets.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la ministre, je souhaite vous remercier pour votre participation à nos travaux et pour avoir engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi.

Je veux également remercier : les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui ont enrichi le texte et l’ont adopté à l’unanimité ; l’ensemble des sénateurs qui se sont exprimés – leur concision nous a permis de parvenir au terme de l’examen du texte dans le délai imparti, ce dont je n’étais pas encore certain ce matin… – ; Cyril Pellevat qui m’a proposé, avec pragmatisme, de regrouper nos deux textes – une mesure de simplification de bon sens – ; et notre rapporteure, Jocelyne Antoine, qui a fourni un excellent travail.

Enfin, je remercie mon groupe Union Centriste d’avoir bien voulu inscrire cette proposition de loi dans sa niche parlementaire.

6

Prévention et gestion des inondations par les collectivités territoriales

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, de la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, présentée par MM. Jean Yves Roux, Jean François Rapin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 226, texte de la commission n° 362, rapport n° 361).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Jean-Yves Roux, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en ma qualité de coauteur, avec Jean-François Rapin, de cette proposition de loi qui traduit certaines recommandations de notre rapport d’information sur les inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024, adopté à l’unanimité le 25 septembre 2024 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances.

Après huit mois de travaux ayant donné lieu à trente-cinq auditions, trois déplacements et une consultation en ligne sur le site du Sénat, nous avions à cœur de concrétiser au niveau législatif plusieurs recommandations qui répondent à une demande forte des collectivités territoriales.

Le risque d’inondation ne cesse de s’accroître et il menace directement nos biens, notre patrimoine, pire encore nos vies, et ce dans une large part de notre pays.

Or les élus locaux – nous l’avons mesuré – ont été, à chaque fois, en première ligne aux côtés des sinistrés. La tâche est difficile d’autant qu’elle dépasse chacun d’entre nous.

Nous devons donc prévoir des procédures plus efficaces, plus rapides et beaucoup plus simples, pour agir en amont et en aval, prévenir et nous adapter.

Afin de faire face au premier risque naturel en France, la proposition de loi prévoit des solutions pour simplifier les démarches administratives applicables en matière de prévention et de gestion des inondations, et soutenir ainsi nos collectivités territoriales. L’impératif de simplification a donc constitué le fil d’Ariane de nos travaux.

Mes chers collègues, alors qu’il s’agit de sécurité civile, les élus locaux font face à un enchevêtrement de normes et à des lourdeurs administratives qui ne favorisent ni la prévention ni une action rapide pour faire face aux sinistres, en particulier dans les situations d’urgence.

La solidarité a également constitué un axe fort de nos travaux : le manque de moyens pénalise fortement de nombreuses collectivités territoriales de petite taille, notamment en milieu rural, qui disposent de linéaires de cours d’eau et qui sont donc directement concernées par des risques de submersion.

Dans mon territoire des Alpes de Haute-Provence, 80 % des communes ont moins de 1 000 habitants. Nous sommes loin des départements densément peuplés, qui comptent dans leurs effectifs un nombre important d’ingénieurs, d’hydrologues et de spécialistes des catastrophes naturelles. C’est pourquoi le soutien humain et logistique à ces territoires faiblement peuplés et parfois démunis nous est apparu comme un impératif afin que chaque élu confronté au risque ou au sinistre soit accompagné, de même que chaque commune ou intercommunalité. La solidarité, mes chers collègues, est un principe fondateur de la décentralisation qui nous réunit et qui doit être pleinement éprouvé.

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui comprend trois articles. J’évoquerai pour ma part deux d’entre eux.

L’article 1er, tout d’abord, vise à simplifier les procédures administratives applicables à l’entretien des cours d’eau et, plus globalement, à appréhender le risque d’inondation. Les élus locaux que nous avons rencontrés avec Jean-François Rapin, dans le cadre de la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024, ont évoqué leurs craintes d’intervenir de manière préventive dans les linéaires de cours d’eau, en raison de la complexité de la nomenclature « loi sur l’eau » qui conduit parfois à des erreurs d’interprétation du droit applicable. Beaucoup d’élus ont ainsi renoncé à agir, mais le laisser-faire dans un contexte d’accélération des épisodes d’inondations n’est jamais une bonne solution. Un besoin de clarification s’est fait ressentir, d’autant que nos élus craignent, à juste titre, des poursuites judiciaires.

Nous avons donc souhaité leur permettre d’agir en toute sécurité.

L’article 3 de la proposition de loi prévoit, quant à lui, d’instituer auprès des communes et intercommunalités volontaires des réserves d’ingénierie composées d’agents publics territoriaux chargés d’accompagner les communes sinistrées dans la période d’après-crise. Cet article est une réponse au besoin de solidarité qu’attendent nos élus dans la gestion des inondations. Nous avons fait le choix de faire prévaloir la solidarité territoriale afin de mettre à profit les compétences et les ressources de nos territoires en nous appuyant exclusivement sur les agents publics territoriaux, qui disposent de savoir-faire mobilisables.

Mes chers collègues, ce texte apportera – je l’espère – une pierre à l’édifice. Nous devons travailler ensemble à l’adaptation de notre pays à l’un des plus grands défis auquel il est confronté. Il me semble aujourd’hui indispensable que nous agissions au plus près et en faveur de nos territoires, en simplifiant la vie de nos élus et en rendant plus efficace notre politique de prévention des inondations.

Cette proposition de loi, qui est une étape de ce travail commun, sera sans nul doute complétée dans les prochaines années par d’autres initiatives parlementaires et gouvernementales. Ces mois de travail aux côtés des élus, des acteurs économiques, des représentants de l’État et de la sécurité civile et des experts n’ont fait que renforcer ma conviction profonde que nous avions le devoir d’agir dans une approche pluridisciplinaire, toutes forces politiques confondues, afin de mener une politique de prévention efficace.

Pour terminer, je remercie le rapporteur, Pascal Martin, pour son travail. Les apports de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sous la présidence de Jean-François Longeot, ont permis d’enrichir utilement ce texte. J’adresse enfin mes remerciements aux services de la commission, qui nous ont apporté un soutien précieux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Hervé Gillé et Jacques Fernique applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la proposition de loi.

M. Jean-François Rapin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de mon collègue Jean-Yves Roux, j’interviens également en qualité de coauteur de cette proposition de loi, qui fait suite au travail d’information et de contrôle sur les inondations qui sont survenues en 2023 et au début de l’année 2024, touchant une grande partie de la France.

Je ne reviendrai pas sur le contexte ayant présidé à la mise en place de cette mission de contrôle et à la rédaction de cette proposition de loi. J’évoquerai, pour ma part, le besoin d’adaptation de notre territoire au risque d’inondation.

Depuis 2002, les programmes d’actions de prévention des inondations (Papi) concourent utilement à la mise en œuvre de mesures pour prévenir les inondations. Nous en sommes aujourd’hui à la troisième génération des appels à projets Papi. Malgré l’intérêt indéniable de ces programmes, force est de constater que leur élaboration est marquée par une certaine pesanteur. Comme nous le relevions dans notre rapport d’information, il faut en moyenne six ans entre le début de l’élaboration d’un Papi par le porteur de projet et son homologation par les services de l’État. Je pense que nous pouvons unanimement convenir que ce délai n’est pas satisfaisant.

La lutte contre les inondations est un impératif et il faut que nous puissions entreprendre les projets inscrits dans les Papi dans les meilleurs délais parce qu’ils sont nécessaires.

L’article 2 de la proposition de loi prévoit justement d’accélérer la mise en œuvre de ces programmes grâce à un accompagnement des porteurs de projet par les services de l’État, afin que le temps passé à élaborer les dossiers soit réduit. La désignation d’un référent Papi pour chaque programme par le préfet de département est une première mesure de nature à accélérer la réalisation des programmes.

Néanmoins, ce n’est pas encore suffisant. Le rapporteur présentera tout à l’heure des amendements qui me semblent susceptibles d’accélérer encore la mise en œuvre des Papi. Je les soutiendrai donc.

Madame la ministre, je tiens à remercier le Gouvernement. Vous avez en effet manifesté un grand intérêt pour notre rapport d’information lorsque nous vous l’avons adressé, après l’avoir remis au président Larcher, et vous nous avez informés que la procédure accélérée serait mise en œuvre pour la discussion de cette proposition de loi. C’est un signal positif pour le texte en lui-même, d’une part, et pour la rapidité avec laquelle devrait être examinée notre proposition de loi sénatoriale.

Je remercie M. le rapporteur, dont le travail m’a impressionné. Il nous a informés au fur et à mesure de toutes les modifications qu’il souhaitait apporter au texte, ce qui est à la fois élégant et efficace. Nous avons ainsi pu discuter de nombreux sujets à plusieurs reprises.

J’adresse également tous mes remerciements aux services de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui nous ont accompagnés pendant presque huit mois.

Je salue enfin M. le président de la commission, qui a veillé à nos travaux avec bienveillance.

En adoptant ce texte, nous ferons œuvre utile pour nos élus et pour nos territoires, qui sont sur la ligne de front face au risque d’inondation. Aussi, je forme le vœu que l’Assemblée nationale se saisisse rapidement de la proposition de loi afin que nous puissions avancer.

En novembre 2023, j’avais posé une question d’actualité au Gouvernement tout de suite après le début de ces inondations dramatiques, survenues notamment dans le Pas-de-Calais. J’avais dit à l’époque que le rouge et l’orange étaient devenus le quotidien des habitants de ce département – c’était la réalité. Par la suite, ces phénomènes se sont développés partout en France. Nous n’étions plus seuls, mais c’était malheureusement seulement pour partager une grande tristesse.

Il est donc grand temps de réagir.

Madame la ministre, nous avons fait le constat que les services de l’État, les communes, les communautés de communes et les intercommunalités étaient certes réactives, mais qu’il y avait toujours une période creuse entre la phase d’urgence et la phase où l’État intervient fortement. C’est cette période qu’il faut combler : ce texte devrait y contribuer en nous permettant d’aller plus vite et d’être plus efficaces tous ensemble. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1885, Émile Zola faisait paraître une nouvelle, sobrement intitulée LInondation, dans laquelle il évoquait, avec des accents tragiques, les effets d’une puissante crue sur les habitants et les villages en aval de la Garonne.

M. Laurent Duplomb. Ce n’était pas encore le réchauffement climatique !

M. Pascal Martin, rapporteur. Le bilan fut le suivant : sept cents morts, des ponts dévastés, un quartier rasé et noyé sous la boue. Ce récit du maître du réalisme rappelle à notre bon souvenir les risques inhérents à l’eau, aux phénomènes de crue et d’inondation. Cet événement d’ampleur inédite relaté par l’auteur n’est pas si éloigné de ce que peuvent vivre nos concitoyens encore aujourd’hui. Les pertes humaines ne sont heureusement pas toujours aussi élevées, même si le tragique événement de Valence, en Espagne, en octobre dernier, nous rappelle les dangers de tels épisodes.

J’aurais préféré que ces phénomènes restent cantonnés au domaine du récit et de l’imaginaire, mais nous devons aujourd’hui faire face quasi quotidiennement aux sinistres causés par les inondations. La proposition de loi que nous examinons cet après-midi découle d’un important travail de contrôle réalisé par nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, qui les a conduits à se rendre sur le terrain, les bottes dans l’eau, afin de mesurer les conséquences des inondations survenues dans le Nord et le Pas-de-Calais en 2023 et 2024. Ce travail a donné lieu à un rapport d’information, adopté à l’unanimité le 25 septembre 2024 par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances.

Les inondations constituent aujourd’hui le premier risque naturel en France, avec près de 19 millions d’habitants concernés, et nous constatons l’intensification de ce phénomène ces dernières années. Désormais, il ne se passe pas un mois sans que l’un de nos territoires soit frappé par une crue, des coulées de boue ou des remontées de nappes qui favorisent l’apparition d’inondations. C’est un risque insidieux, discret, mais malheureusement dévastateur.

La survenue d’une inondation ne répond pas toujours à des causes clairement identifiables, mais le mauvais entretien des cours d’eau concourt systématiquement à en favoriser l’apparition.

M. Laurent Duplomb. C’est sûr !

M. Pascal Martin, rapporteur. Les auteurs du texte ont rappelé l’importance de disposer d’un cadre légal et réglementaire clair, lisible et adapté pour faire face à ce phénomène naturel.

Il est apparu nécessaire d’intervenir, d’abord, sur l’entretien des cours d’eau, en commençant par définir les règles applicables à l’entretien dit régulier des cours d’eau non domaniaux, qui incombent aux propriétaires riverains. Cet entretien d’environ un million de kilomètres de berges en France repose sur des milliers de propriétaires, ce qui ne facilite pas la tâche. À cet égard, l’article 1er prévoit de clarifier les règles générales d’intervention pour les propriétaires riverains. Je proposerai tout à l’heure un amendement visant à faire de même pour les autorités gémapiennes, notamment en ce qui concerne les travaux rendus nécessaires par une inondation.

Ensuite, il est proposé d’élargir les opérations qui peuvent être entreprises après la survenue de l’inondation, dans la période dite de crise. Les inondations dans les Hauts-de-France ont donné lieu à une réponse novatrice des services de l’État, avec une interprétation temporelle extensive de la notion « d’urgence » pour des travaux jusqu’alors limités aux cas de « dangers graves et immédiats ».

Le texte apporte une utile précision en indiquant que les opérations d’entretien des cours d’eau sont dispensées de toute procédure administrative préalable pour les travaux visant à remédier à une inondation d’ampleur ou à en éviter la réitération à court terme. Je défendrai toutefois un amendement tendant à compléter ce dispositif, afin que les interventions ne se limitent pas aux cours d’eau : nous devons englober l’ensemble des opérations nécessaires à la suite d’une inondation, qu’il s’agisse de la remise en état de routes, de ponts ou de digues.

En parallèle de ces opérations d’entretien et de ces travaux nécessaires à la gestion des inondations, les auteurs ont utilement inclus dans le périmètre du texte un volet relatif à la prévention. Il s’agit ainsi de promouvoir la culture du risque en simplifiant la réalisation et la mise en œuvre des Papi.

Ces outils, dont l’intérêt est largement salué par les élus locaux, se caractérisent néanmoins par une certaine pesanteur. Jean-François Rapin vient de le rappeler, le délai entre le début du dossier de Papi et sa labellisation par les services de l’État est en moyenne de six ans. Ce délai est bien évidemment trop long, d’autant qu’il est la conséquence de lourdeurs administratives, de doublons et de complexités. Rendez-vous compte, un dossier de Papi peut atteindre 2 000 pages ! Je vous laisse imaginer le temps que cela demande à nos élus…

M. Laurent Duplomb. Personne ne les lit !

M. Pascal Martin, rapporteur. Par conséquent, le texte prévoit que le préfet coordonnateur de bassin désigne un référent Papi qui accompagnera les collectivités dans l’élaboration des programmes, et qu’un guichet unique soit mis en place pour assister les porteurs de projet dans la réalisation des actions inscrites dans le Papi.

Ces deux outils, aussi intéressants soient-ils, apparaissent toutefois insuffisants pour véritablement accélérer la mise en œuvre des Papi. Je vous proposerai donc deux amendements pour améliorer le dispositif.

Le premier vise à simplifier la mise en œuvre des actions Papi, en considérant comme acquises, au stade de la réalisation du projet, les procédures qui auront été validées en amont, au stade de l’élaboration du programme. Cela semble relever du bon sens et d’un principe de bonne administration. Il s’agit de faire appliquer la règle du « dites-le-nous une fois ».

Le second tend à permettre au préfet coordonnateur de bassin de reconnaître, pour les actions labellisées, celles qui relèvent d’une raison impérative d’intérêt public majeur (Riipm), et qui sont dispensées à ce titre de la demande de dérogation « espèces protégées ». Il n’est pas question d’assouplir de façon inconsidérée les critères de dérogation et de consacrer une protection au rabais des espèces protégées : la dérogation sera toujours soumise aux deux autres critères cumulatifs, à savoir l’existence d’une solution de remplacement satisfaisante et la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des espèces présentes.

Ces deux mesures ne révolutionneront certes pas la mise en œuvre des Papi, mais elles l’accéléreront et faciliteront le quotidien des élus.

J’en viens enfin à la dernière mesure phare de ce texte, qui concerne l’instauration d’une réserve d’ingénierie composée d’agents publics territoriaux volontaires afin de soutenir les communes sinistrées. Ce dispositif fera jouer la solidarité territoriale et permettra de mettre à disposition des communes dans le besoin des moyens administratifs et en ingénierie pour favoriser un retour à la vie normale après la survenue d’une inondation. Ce besoin a été exprimé directement par nos élus. Les ressources existent et sont disponibles dans les territoires. Ne nous en privons pas !

Je voudrais terminer mon propos en remerciant les deux auteurs de la proposition de loi, avec lesquels j’ai échangé en bonne intelligence afin d’enrichir le texte. Je remercie également Mme la ministre pour sa disponibilité, son écoute et son soutien sur cette proposition de loi d’initiative sénatoriale, sans oublier les services de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Nous avons bien conscience que ce texte ne résoudra pas toutes les difficultés, mais il est une première pierre à cet édifice fondamental que constitue l’adaptation des territoires au changement climatique. Je suis convaincu que ces mesures seront utiles à nos collectivités territoriales, lesquelles seront mieux outillées pour faire face aux inondations.

J’espère qu’il ne faudra pas attendre la prochaine crue centennale de la Seine pour que nos collègues du Palais-Bourbon, contraints en 1910 de se rendre en barque à la Chambre des députés, se saisissent à leur tour de cette initiative ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi me permet de parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Les trois représentants du Pas-de-Calais, de bords politiques différents, qui se succèdent à cette tribune – je salue le sénateur Rapin, qui m’a précédée, et le sénateur Corbisez qui interviendra après moi –, sont bien placés pour évoquer l’accompagnement fourni par l’État pour renforcer la résilience de nos territoires face aux inondations, un sujet ô combien crucial : nous sommes en effet tous trois élus d’un territoire qui a été particulièrement touché en 2023 et 2024.

Nous avons vu nos concitoyens les pieds dans l’eau, dans leur maison dévastée, à quatre – parfois cinq – reprises, avec ce sentiment d’une journée éternellement recommencée, sans moyens d’agir. Cela nous a collectivement marqués.

L’État, les collectivités locales et l’agence de bassin ont plutôt bien accompagné les habitants, pour les aider à reconstruire leurs maisons, et les entreprises, pour redémarrer leur activité, mais nous savons tous que nous pouvons faire mieux. J’ai évidemment aujourd’hui une pensée pour les blessés et les victimes, pour tous nos concitoyens qui ont été touchés dans leur chair, lors d’épisodes plus anciens.

Ces catastrophes laissent des cicatrices profondes dans nos communes. Et malheureusement, les scientifiques nous disent qu’elles sont appelées à se répéter avec plus de régularité et de gravité. Il est donc crucial, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous préparer à cette réalité, d’atténuer le dérèglement climatique et de s’adapter à ses effets. C’est notre devoir collectif et notre responsabilité de protéger les Françaises et les Français.

À cet effet, je présenterai lundi prochain le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) dans sa version finale, qui fait suite aux nombreuses consultations que nous avons menées. Il s’agit d’un plan préparé de longue date, sur la base de données scientifiques ; un plan très largement concerté avec les acteurs concernés et les autres ministères, et soumis à la consultation de nos concitoyens ; un plan qui porte une ambition forte : préparer notre pays à une France à + 4 degrés d’ici à la fin du siècle, car c’est la trajectoire sur laquelle nous sommes aujourd’hui. Vous le savez, la France se réchauffe plus vite que le reste de la planète.

Pour assurer le bon déploiement du plan, il faut des moyens, ce qui passe notamment par le renforcement du fonds Barnier. C’est ce que nous avons obtenu dans le budget 2025, et nous le devons beaucoup à votre mobilisation. Ainsi, cette année, les crédits dédiés à la gestion des risques et au fonds Barnier s’élèvent à 330 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une augmentation de plus de 100 millions d’euros par rapport à 2024.

En complément, j’ai lancé la mission Adaptation, qui permettra à cent territoires pionniers de bénéficier de la mise en commun de l’ensemble de l’expertise territoriale des opérateurs de l’État – Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), Agence de la transition écologique (Ademe), Météo-France, et j’en passe –, afin de leur apporter une assistance à maîtrise d’ouvrage et de les aider à élaborer leur feuille de route « Adaptation au changement climatique » en tenant compte de leurs spécificités géographiques.

Autre problème majeur en matière de gestion des inondations pour les collectivités locales : le risque assurantiel. Là encore, les inondations survenues dans le Pas-de-Calais ont permis de se rendre compte des difficultés. Je pense à des communes confrontées à des franchises exorbitantes, comme Blendecques, commune de moins de 5 000 habitants pour laquelle l’assureur exigeait 500 000 euros de franchise. J’y insiste, ces situations ne sont pas acceptables et je peux vous assurer de mon engagement total sur ces dossiers.

Nous avons déjà pris la décision de refinancer la Caisse centrale de réassurance en décembre 2023 par un arrêté qui a relevé le taux de surprime à 20 % pour les contrats multirisques habitation et à 9 % pour les contrats automobiles à compter du 1er janvier 2025. Ces taux n’avaient pas été ajustés depuis 2009 et cette révision permettra de renforcer la capacité de couverture du régime des catastrophes naturelles avec une enveloppe supplémentaire de 1,2 milliard d’euros par an.

J’ai par ailleurs réuni les assureurs lundi dernier et nous avons établi ensemble dix priorités pour avancer dans les prochaines semaines. Je sais que le Sénat est particulièrement investi sur le sujet. Vous avez ainsi voté une proposition de loi de Mme Christine Lavarde visant à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. J’en profite pour le redire, je soutiens pleinement ce texte, que je souhaite voir rapidement présenté et adopté à l’Assemblée nationale.

M. Jean-François Rapin. Il faut que ça avance !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Permettre à nos territoires de faire face aux inondations n’est pas qu’une question assurantielle : il faut aussi développer une véritable culture du risque dans notre pays. Il est donc crucial, en complément de ce que j’ai déjà engagé, de continuer à travailler sur la prévention et l’action face aux inondations.

C’est là tout l’intérêt de votre proposition de loi, messieurs les sénateurs, et je vous en remercie. Je tiens également à remercier le président Larcher d’avoir lancé une mission conjointe de contrôle en janvier 2024 afin de dresser un état de lieux de la gestion des inondations survenues en 2023 et début 2024. C’est cette mission qui a permis d’aboutir à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Nous légiférons donc sur du concret, sur du réel, sur du retour de terrain.

La mission a identifié plusieurs difficultés majeures auxquelles sont confrontées nos collectivités, notamment la complexité administrative dans la gestion des cours d’eau et la mise en œuvre d’actions de prévention des inondations. D’autres difficultés ont été mises en évidence : les moyens insuffisants pour la prévision des inondations et la gestion de crise ou la question importante de la solidarité dans le financement de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (Gemapi).

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’articule autour du triptyque Simplifier-accélérer-accompagner. Elle répond à un certain nombre de ces problèmes. Je le répète, j’apporte tout mon soutien à ce texte utile. Pour le rendre véritablement opérationnel, certains ajustements sont néanmoins nécessaires.

À cet égard, je salue le travail de M. le rapporteur, lequel a été en pointe pour faire de nombreuses propositions que nous avons examinées avec grand intérêt. Il est également possible d’envisager d’aller plus loin avec de nouvelles mesures de simplification. Je ne doute pas que l’examen du texte aujourd’hui permettra d’aller dans ce sens. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité engager la procédure accélérée, comme pour la proposition de loi que nous avons examinée juste avant.

Je sais que des modifications ont été apportées en commission et je veux saluer l’esprit constructif qui vous a guidés au long de vos travaux, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les commissaires. L’unanimité réunie en commission en témoigne. J’espère donc que nos débats continueront dans cette même tonalité. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.

M. Jean-Pierre Corbisez. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les catastrophes climatiques nous rappellent de plus en plus régulièrement les risques qui planent. Les dégâts sont d’ores et déjà importants et risquent de s’amplifier. Les Mahoraises et les Mahorais en ont déjà fait les frais, de même que les Réunionnais avec le cyclone Garance.

Entre 2023 et 2024, près de la moitié des départements français ont subi des inondations qui ont causé des dégradations gigantesques. En prenant seulement en compte le département du Nord et celui du Pas-de-Calais, qui est cher aussi à Mme la ministre, les dégâts occasionnés aux biens assurables ont été évalués à 640 millions d’euros.

Ce n’est pas qu’une question matérielle, bien sûr. Je pense aux femmes et aux hommes traumatisés par ces catastrophes, qui ont dû être relogés et qui, une fois revenus dans leur logement restauré, vivent dans la crainte que ces inondations se répètent.

Nous devons agir en amont pour réduire le risque en défendant une véritable transition écologique, avec de véritables moyens. Or, malgré la légère augmentation du budget que vous avez annoncée, madame la ministre, les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux. Je sais malgré tout que vous œuvrez dans le bon sens.

Il s’agit d’anticiper les conséquences du dérèglement climatique en nous protégeant, sans reproduire les erreurs du passé, et en adaptant nos constructions et notre économie.

Nous allons devoir, et c’est l’objet de cette proposition de loi, nous préparer à réagir après des catastrophes pour réparer le plus vite possible, sans nous demander pendant trois ou six mois si l’État remboursera les fonds que nous pourrions engager en urgence. Car, pendant ce temps, l’eau continue à monter. C’est trop de temps perdu !

Face à ces inondations, parmi les acteurs en première ligne, il y a les secouristes, les professionnels et les bénévoles de l’urgence, à qui nous devons beaucoup. En disant cela, je fais référence à l’excellent débat que nous avons eu hier soir sur le bénévolat au sein de la protection civile.

Il y a aussi des collectivités. Je veux ici rendre hommage aux maires, aux fonctionnaires territoriaux, aux prestataires, qui doivent chaque fois faire preuve d’une réactivité et d’un professionnalisme qui les honorent. Nous savons les difficultés que rencontrent les communes, souvent démunies pour rétablir des conditions de vie dignes pour nos concitoyennes et nos concitoyens.

Ce texte prévoit des autorisations simplifiées pour dégager les cours d’eau, la désignation d’un référent unique pour centraliser les autorisations et les demandes de financement, ainsi qu’une réserve d’ingénierie qui permettra d’accélérer les réparations.

Nous regrettons cependant qu’il n’y ait pas davantage de financements tangibles pour les collectivités. Je regrette ainsi que les assureurs ne soient pas mis à contribution à la hauteur de leurs moyens et de leurs profits, et surtout à la hauteur des besoins.

Avec mon collègue Pascal Savoldelli, nous souhaitions, par un amendement qui a été jugé irrecevable, créer une offre destinée aux collectivités pour leur garantir la possibilité d’être assurées avec un modèle financier équilibré. Aujourd’hui, les collectivités ont de plus en plus de mal à trouver des assureurs, particulièrement lorsqu’elles sont exposées à des risques d’inondation. Or ces risques ne vont pas disparaître demain. Le maire de Vesoul, vice-président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), estimait récemment que 1 500 villes étaient aujourd’hui privées d’assurance.

En entendant que ce sujet soit mis à l’ordre du jour, je voudrais remercier mes collègues du groupe RDSE d’avoir inscrit dans leur niche parlementaire cette proposition de loi, que nous voterons. Mes remerciements iront aussi aux deux auteurs du texte, Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, qui se sont beaucoup investis sur le terrain dans le cadre de leur mission de contrôle. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la gestion des inondations est aujourd’hui devenue un enjeu majeur sur tout le territoire national. Des épisodes cévenols aux inondations par cumul de précipitations dans le Pas-de-Calais ou le bassin de Rennes, les évènements aux conséquences dramatiques pour les populations locales se sont multipliés.

Il nous faut donc agir. C’est ce que nous demandent les élus locaux et les citoyens. Le premier mérite de cette proposition de loi est de souligner que le Sénat se mobilise pour répondre à cette attente.

Disons-le d’emblée, la première réponse à apporter concerne évidemment le réchauffement climatique, cause de nombre de ces événements, de l’aggravation du niveau des précipitations et, surtout, de leur imprévisibilité, entre augmentation hivernale, sécheresse estivale et violence des orages.

Sans action forte sur la réduction de nos émissions européennes, permettant ainsi d’entraîner les autres grands pays émetteurs, nous nous condamnons à subir de plus en plus de désastres. Je n’ignore pas le contexte mondial troublé dans lequel s’inscrit cette exigence, mais c’est peut-être aussi l’occasion de rappeler ce qui se joue en Ukraine : en effet, dans la victoire finale, que nous espérons, du droit international sur la force brutale de l’agression, c’est aussi notre capacité de préserver demain des accords de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

En attendant, il nous faut donc nous adapter à ce réchauffement inéluctable. Nous savons depuis le rapport d’information sénatorial de 2019 de Jean-Yves Roux – déjà lui ! (Sourires.) – et de Ronan Dantec que la France a pris beaucoup de retard en la matière.

Je ne dispose que de peu de temps pour revenir sur les mesures prévues par ce texte. Je veux néanmoins insister sur l’importance du renforcement de l’ingénierie d’accompagnement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui ont la compétence Gemapi. Pour beaucoup de ces collectivités, les questions posées et les réponses à apporter sont au-delà des capacités de leurs services : il faut revoir les cotes pour les niveaux de crues, prévoir des préconisations pour les futures constructions, informer et accompagner les propriétaires et les locataires… Tout cela représente un effort considérable.

En ce sens, en permettant de conforter l’ingénierie pour le volet adaptation des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), le fonds territorial climat, voté au Sénat, jouera un rôle précieux pour renforcer l’adaptation des territoires.

Cette proposition de loi ouvre opportunément le débat sur la question de l’accompagnement technique. Toutefois, les témoignages qui nous parviennent des élus locaux soulignent qu’ils sont dans l’attente d’un tel accompagnement et qu’il est nécessaire de prévoir une coordination avec les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), lesquelles manquent de moyens pour répondre à l’ensemble des sollicitations.

Ce texte n’est donc qu’une première étape. Le rapporteur et les auteurs ont été très clairs sur ce point. Les auditions menées par la mission ont souligné les attentes des acteurs concernés et les nombreux enjeux qui sont soulevés.

Je tiens à rappeler l’importance d’une réforme en profondeur du système assurantiel, qui doit absolument continuer à assurer sa fonction de solidarité entre les territoires,…

M. Pascal Martin, rapporteur. Oui !

M. Jacques Fernique. … sans se désengager de ceux qui seraient jugés à risque, et s’investir de plus en plus dans la prévention. Ainsi, le fait que la totalité de la prime CatNat (catastrophes naturelles) prévue à cet effet n’ait pas été affectée au fonds Barnier et à la prévention est un bien mauvais signal, madame la ministre.

De même, nous connaissons le rôle essentiel du sol pour limiter tant les ruissellements que les sécheresses. Aussi, limiter l’artificialisation est une priorité. Par conséquent, remettre en cause les objectifs quantitatifs du « zéro artificialisation nette » (ZAN) revient automatiquement à se condamner à des inondations plus graves.

De même, la préservation des haies est un enjeu majeur pour ralentir l’écoulement de l’eau. Mettre en œuvre rapidement la proposition de loi en faveur de la gestion durable et de la reconquête de la haie de Daniel Salmon tombe donc sous le sens.

Malgré l’absence de réponse sur ces points, nous voterons bien sûr ce texte, qui constitue un premier pas. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que Valence est de nouveau frappée par de fortes précipitations, quelques mois seulement après les inondations dramatiques qui ont coûté la vie de 226 personnes, le gouvernement espagnol a estimé l’impact économique de ces événements à 22 milliards d’euros, le coût de reconstruction étant évalué à 31,4 milliards d’euros.

Ce montant, bien qu’impressionnant, ne fait qu’illustrer la réalité : les inondations sont désormais un enjeu majeur pour nos territoires, et les collectivités, qui sont en première ligne, en prennent la responsabilité.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui vise à soutenir ces collectivités dans leur gestion de la prévention des inondations et à leur fournir des outils plus efficaces et adaptés pour faire face à une menace qui se fait chaque jour plus pressante à Valence, dans le Pas-de-Calais ou encore à Langoiran, en Gironde.

Un chiffre doit retenir notre attention : d’ici à 2050, le nombre d’inondations pourrait augmenter de 6 % à 19 %. Ce constat est alarmant, mais il est aussi un appel à l’action. L’enjeu de cette proposition de loi est de renforcer notre capacité à anticiper ces risques, à mieux protéger nos concitoyens et à mieux accompagner les collectivités qui, au quotidien, se battent pour limiter l’impact des catastrophes naturelles.

Nous savons que les crises climatiques, notamment les inondations, frappent de manière de plus en plus violente. Je citerai une nouvelle fois le rapport d’information remis il y a quelques mois par Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin : près de 53 % des départements ont été touchés par des inondations répétées entre novembre 2023 et juin 2024. Des dégâts considérables ont été enregistrés, représentant 640 millions d’euros dans l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais. Ces événements doivent être un signal d’alarme : nous devons impérativement renforcer nos dispositifs de prévention et d’accompagnement des collectivités locales.

En commission, des ajustements ont été apportés dans un souci d’équilibre, notamment pour les mesures de simplification administrative et les régimes dérogatoires.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’en félicite. Ce travail a ainsi permis de clarifier certaines mesures, en particulier celles relatives à l’entretien des cours d’eau. Les dérogations, loin d’être supprimées, ont été redéfinies pour encadrer plus strictement leur application et éviter toute dérive qui pourrait nuire à la gestion durable des ressources en eau.

L’un des points positifs de cette proposition de loi réside dans la mise en place d’un guichet unique pour l’accompagnement des collectivités sinistrées. Nous espérons que cette mesure permettra de centraliser l’information et de simplifier l’accès aux aides, facilitant ainsi les démarches administratives pour les collectivités, et de soutenir plus efficacement ceux qui en ont besoin, tout en assurant une réactivité accrue.

Évidemment, en matière de prévention des inondations, nous n’avons pas encore abordé l’éléphant dans la pièce : la question du financement.

M. Pascal Martin, rapporteur. Oui !

M. Hervé Gillé. Si cette proposition de loi vise à soutenir les collectivités, elle ne répond qu’en partie à leurs besoins financiers. Les collectivités locales, qui sont en première ligne face au risque d’inondation, sont souvent confrontées à des difficultés majeures pour financer leurs actions de prévention.

Malgré l’implication des collectivités, le financement de la prévention reste insuffisant et sous-dimensionné. La taxe Gemapi, aujourd’hui plafonnée à 40 euros par habitant, montre ses limites face aux besoins croissants des territoires, notamment pour l’entretien des digues.

Le différentiel pour les collectivités entre le coût des travaux de rénovation et le financement qu’elles peuvent percevoir n’est plus tenable. Nous devons réfléchir à des solutions de financement complémentaires et à une mutualisation des ressources à l’échelle des bassins versants pour rendre la prévention plus efficace et plus équitable.

La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation compte poursuivre cette réflexion, aux côtés de Jean-Yves Roux et de Rémy Pointereau. Cette réflexion est indispensable pour permettre aux collectivités de continuer à exercer pleinement leurs compétences et de répondre aux enjeux climatiques de manière durable. Il nous faudra également mieux intégrer la gestion des milieux aquatiques, souvent délaissée au profit de la seule prévention des inondations, dans nos politiques de gestion du risque climatique.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de cette proposition de loi. Cette démarche législative est une première brique et une première étape pour renforcer la résilience des territoires face aux inondations et pour améliorer la mise en œuvre de la compétence Gemapi par les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE.)

M. Pascal Martin, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, d’octobre 2023 à février 2024, le département du Pas-de-Calais a subi un épisode dramatique de crues. Près de 205 communes ont été concernées par un arrêté de catastrophe naturelle. Ces crues ont traumatisé des milliers d’habitants et plongé dans des difficultés terribles tous les acteurs économiques de ces territoires.

Cette proposition de loi vient donc à point nommé. Les inondations constituent, cela a été rappelé, le premier risque climatique dans notre territoire. Près de 18 millions d’habitants et 10,5 millions de logements seraient exposés aux risques de débordements de cours d’eau. Il était temps que le législateur se saisisse de cette problématique. Je salue à ce titre le salutaire travail mené par Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin. Leur rapport d’information, ainsi que les propositions qui devront être déclinées au plus vite dans des textes, apportent des solutions concrètes au plus près des besoins des élus locaux, en rompant avec une logique trop bureaucratique et éloignée des territoires.

Avec l’aggravation du dérèglement climatique, la prévention des inondations et la gestion des cours d’eau constituent un défi fondamental. Le rapport sénatorial d’information l’a parfaitement démontré et je l’ai moi-même expérimenté en visitant les communes concernées et en rencontrant également, à une autre période et à titre de comparaison, des élus du département des Alpes-Maritimes.

L’entretien des cours d’eau est une question majeure. Auparavant, le nécessaire curage était assuré par certains riverains consciencieux, les agriculteurs ou les équipes communales.

L’intercommunalisation de la compétence « eau », l’adoption de la taxe Gemapi et la complexification juridique constante ont entraîné un processus bien connu par les élus locaux : une compétence déconnectée des territoires, la mise en place d’une bureaucratie dantesque et, in fine, l’absence totale d’action réelle sur le terrain.

L’article 1er de cette proposition de loi est donc une avancée bienvenue : il vise à simplifier les procédures pour accompagner les communes et les intercommunalités dans la mise en œuvre de la compétence Gemapi. Comme le souligne le rapport sénatorial, l’augmentation des risques climatiques implique une planification renforcée.

Nous soutiendrons également l’article 2 qui vise à simplifier et à accélérer l’élaboration des Papi, en inscrivant ce dispositif dans la loi et en créant des référents uniques à l’échelon des départements.

L’article 3, dans sa version révisée par la commission, recueille également notre satisfaction. Trop souvent, les communes sont laissées à elles-mêmes en cas d’inondations. La création d’une réserve d’ingénierie, à l’échelon départemental, permettra d’agir avec une célérité accrue afin de limiter les dégâts des inondations.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous apporterons évidemment notre soutien à ce texte. Non seulement il correspond à notre vision territoriale, mais il apporte des réponses adéquates face au grave problème que constituent les inondations dans tous les territoires français.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les inondations sont le premier risque naturel en France.

En 2024, elles ont été dévastatrices en Essonne. Ainsi, au mois d’octobre, soixante et onze communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle après les inondations liées à la tempête Kirk. À la suite d’un nouvel épisode ravageur, quinze nouvelles communes se sont ajoutées à la liste.

Ce phénomène est malheureusement loin d’être anecdotique. La France avait déjà connu, d’octobre 2023 à juin 2024, des pluies diluviennes et des orages violents, provoquant de dramatiques inondations et d’importants dégâts.

Comme l’ont rappelé Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux dans leur rapport d’information, plus de la moitié des départements français ont été reconnus en état de catastrophe naturelle sur l’ensemble de cette période.

Dans les années à venir, face aux transformations désormais irréversibles provoquées par le changement climatique, nous devons agir, et agir vite.

Certes, il faut engager plus rapidement nos transitions, dans une logique d’atténuation, mais il importe aussi de renforcer la prévention et nos capacités d’action, dans une logique d’adaptation.

Les communes sont en première ligne pour agir et prévenir. Toutefois, comme trop souvent, elles font face à de multiples contraintes et lourdeurs administratives entravant une action qui pourrait être, à la fois, plus concrète et plus rapide. Notre mot d’ordre est toujours le même : simplification.

C’est tout l’enjeu de cette proposition de loi, qui prévoit des solutions aux situations complexes signalées par les collectivités locales.

En amont, il convient d’anticiper au mieux afin de se préparer à l’inévitable. Différents outils de prévention sont à la disposition des autorités gémapiennes, mais la lourdeur des dossiers et les importants délais, entre les phases d’étude, de labellisation et de mise en œuvre, obèrent notre capacité à être réellement en situation de prévoir.

Lorsque six années sont nécessaires pour aboutir à un Papi, on peut s’interroger sur l’adéquation de notre action et sa lenteur au regard de la rapidité des changements climatiques.

Il faut accélérer et mettre en place des mesures d’anticipation effectives. Cela passe par un meilleur accompagnement des collectivités territoriales dans l’élaboration et la réalisation des Papi.

C’est pourquoi nous accueillons très favorablement la désignation d’un référent dédié à cette problématique en amont et d’un guichet unique en aval, dans une logique de simplification des demandes d’autorisation et de financement.

Toutefois, si nous pouvons anticiper les tendances à long terme et certains phénomènes météorologiques, nous pouvons difficilement prévoir leur intensité, leur enchaînement et les événements nouveaux.

Nous devons alors mettre en place des mécanismes nous permettant d’agir efficacement face à ce qui n’est pas prévisible. Il faut de la souplesse dans les procédures et, ici aussi, un meilleur accompagnement des collectivités.

Aujourd’hui, pour certains travaux d’entretien des cours d’eau, les communes peuvent déroger aux demandes d’autorisation ou de déclaration prévues s’il y a un danger grave et immédiat.

La proposition de loi ajoute une dérogation pour les interventions visant à remédier à une inondation d’ampleur ou à en éviter la réitération à court terme. C’est bien cette situation que nous avons malheureusement connue en Essonne. Cette mesure est donc nécessaire.

N’oublions pas l’après-crise. Lorsque les conséquences de la catastrophe n’ont pu être anticipées, les communes se trouvent souvent démunies par manque de moyens aussi bien techniques qu’humains.

Pour y faire face, il est prévu la création d’une réserve d’ingénierie, dont l’animation et la coordination seraient confiées aux centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale. Constituée d’agents publics territoriaux, elle fournira un appui technique et administratif aux communes sinistrées par une inondation.

En outre, un guichet unique placé auprès du préfet permettra de centraliser les demandes et d’accompagner les communes pour bénéficier des dispositifs d’aides auxquels elles peuvent prétendre.

Cette solution de proximité offrira un espace de collaboration pour permettre une remise en état la plus rapide possible.

Toutefois, certaines difficultés demeurent : le développement du réseau national Vigicrues et FR-Alert pour les bassins qui ne sont pas pris en compte, l’amélioration du dialogue entre les syndicats de rivières et l’État pour la recherche de solutions toutes les fois où l’urgence impose d’agir en faveur de la restauration de cours d’eau dans certaines zones humides ou sites classés, et la question des moyens financiers.

Reste que cette proposition de loi est une étape qui va dans le sens de la simplification. Nous soutenons avec force toute mesure qui offre souplesse et pragmatisme dans l’action des collectivités territoriales. Il y va de la protection des populations.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra bien évidemment cette initiative législative. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de nos avisés collègues Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux.

Ce texte vise à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations, sujet toujours plus d’actualité dans nos territoires. Je ne saurais oublier d’évoquer particulièrement le département de la Somme, touché entre novembre 2023 et début 2024, comme ses voisins du Pas-de-Calais et du Nord.

Même s’il a été plus marginalement touché, le département au nom éponyme du fleuve reste en vigilance inondation aujourd’hui, compte tenu non seulement des conditions climatiques très pluvieuses persistantes associées aux grandes marées attendues de février et mars,…

M. Pascal Martin, rapporteur. Exact.

M. Laurent Somon. … mais aussi de l’expérience passée, avec les inondations de 1920 et surtout de 2001.

Ainsi, les remontées de nappes phréatiques associées à ces inondations qui ont duré plusieurs mois nous inquiètent. Elles démontrent que, si les pluies centennales étaient, hier, la cause majeure de ces catastrophes, le dérèglement climatique, les risques de submersion amplifiés et les sinistres répétés que nous constatons ne permettent plus de s’appuyer sur le temps long pour prendre les mesures nécessaires pour prévenir les désastres : aménagement des bassins hydrographiques, entretien des exutoires – rivières, fleuves, canaux –, aménagement des territoires, adaptation des activités au risque, et règles d’urbanisme.

C’est ainsi que le département de la Somme sensibilise et agit au travers d’un syndicat de bassins, l’établissement public territorial de bassin (EPTB) Somme-Ameva, et aménage le fleuve et ses affluents depuis 2001. Il a dépensé 70 millions d’euros à cet effet.

Un exemple confirme la nécessité de conforter les moyens législatifs pour mettre en place les aménagements indispensables dans les délais les plus raisonnables et les entretenir. À la suite de ces événements, le rapport de la commission d’enquête sur les inondations de la Somme conduite par le sénateur Deneux, d’octobre 2001, permettait déjà d’établir les causes et les responsabilités de ces crues, d’évaluer les coûts et de prévenir les risques.

En 2013, le Sénat a adopté la proposition de loi relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci de Pierre-Yves Collombat. La situation actuelle nous impose de nouveaux travaux.

La proposition de loi qui nous est soumise traduit quatre recommandations proposées par la mission d’information dans son rapport Le défi de ladaptation des territoires face aux inondations : simplifier laction, renforcer la solidarité, recommandations adoptées à l’unanimité voilà quelques mois par la commission des finances et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Le rapport souligne que la sinistralité liée aux inondations pourrait augmenter de 6 % à 19 % d’ici à 2050, avec une hausse encore plus marquée des submersions marines estimées entre 75 % et 91 % par rapport au climat actuel.

Face à ce constat, les rapporteurs de la mission d’information ont plaidé pour une diffusion renforcée de la culture du risque afin de réduire la vulnérabilité des territoires, d’améliorer la connaissance des risques et des mesures à adopter, et de mettre en place une politique de prévention efficace, solidaire, adaptée à chaque territoire.

Le texte que nous examinons modernise et simplifie l’arsenal juridique prévu à cet effet et renforce les outils et la simplification des procédures – une attente impérative des élus locaux.

Organisée en trois articles, la proposition de loi prévoit d’abord la mise en place d’une cellule technique d’accompagnement des collectivités, précisant en outre la clarification des périmètres d’intervention des autorités, lesquelles sont amenées à intervenir sur les cours d’eau en substitution d’un propriétaire riverain afin de prendre à leur charge l’entretien du linéaire d’eau.

Elle vise ensuite à simplifier l’élaboration de la mise en œuvre des programmes d’action et de prévention des inondations, dont la prépatence est d’environ cinq ans – six, selon M. Rapin – entre le lancement initial de la procédure d’élaboration du Papi et sa labellisation par les services de l’État.

Elle permet enfin la création d’une réserve d’ingénierie fournissant une aide technique et administrative dans la gestion de l’après-crise aux communes sinistrées. Sur l’initiative du rapporteur, la coordination et l’animation de la réserve d’ingénierie, comme cela a déjà été dit, sont confiées au centre de gestion de la fonction publique territoriale à l’échelle des départements pour plus d’efficacité. Cette réserve d’ingénierie est étendue à l’ensemble des agents publics territoriaux, impliquant fonctionnaires et contractuels.

Le Sénat est particulièrement mobilisé sur l’ensemble des problématiques climatiques qui touchent nos collectivités et nos concitoyens. La proposition de loi de Christine Lavarde, que je salue, visant à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, a été adoptée au Sénat à l’unanimité en octobre 2024 : il est urgent de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en engageant la procédure accélérée, madame la ministre.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains avance dans ce sens et votera donc la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte transpartisan déposé par Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, que je salue, vise à répondre à l’enjeu majeur que constituent les risques d’inondations. En France, 18,6 millions d’habitants sont exposés à ce risque, qui est désormais le premier risque naturel.

Cela concerne des territoires très divers, dont bien sûr les territoires littoraux. À cet égard, je salue mes collègues du groupe RDPI Nadège Havet et Marie-Laure Phinera-Horth, très mobilisées sur ces enjeux. Dans les territoires ultramarins, la saison cyclonique occasionne des épisodes de fortes pluies, qui peuvent provoquer des montées d’eaux soudaines et localisées, particulièrement dangereuses.

Je tiens aussi à saluer les travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances, qui ont permis de dresser un état des lieux de la gestion des inondations survenues au début de l’année 2023 et en 2024.

Ce texte vise à traduire quatre des vingt recommandations formulées dans le rapport d’information de Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, dont les conclusions ont été adoptées à l’unanimité.

Nous partageons évidemment la volonté de simplifier les procédures applicables en faveur de la prévention des inondations et d’apporter un soutien renforcé aux communes sinistrées.

Nous sommes aussi favorables au triptyque Simplifier-accélérer-accompagner, qui caractérise ce texte. Oui, il est nécessaire de clarifier les procédures applicables aux opérations d’entretien des cours d’eau, qui constituent un levier essentiel de prévention des inondations.

De nombreuses opérations d’entretien sont aujourd’hui entravées par un surplus de normes. Alors que la simplification est dans l’air du temps, elle est absolument nécessaire lorsque l’on parle de prévention des risques majeurs. Beaucoup d’élus sont réticents à intervenir de peur que leur responsabilité soit engagée. Le bon entretien des cours d’eau est pourtant impératif pour atténuer les dégâts en cas de crue. Nous ne pouvons donc tolérer ces comportements attentistes, qui entravent la prévention des inondations.

Notre groupe partage l’objectif de l’article 1er, qui vise à élargir le périmètre des opérations éligibles à la procédure d’urgence, afin de généraliser et d’ancrer dans la loi une pratique éprouvée dans le Pas-de-Calais et le Nord en 2023 et 2024. En pratique, cela permettra aux collectivités territoriales d’intervenir dans les cours d’eau sans procédure administrative préalable dans un plus grand nombre de cas de figure.

Ce texte prévoit aussi le renforcement de l’accompagnement des collectivités dans l’élaboration et la mise en œuvre des Papi. Cela est nécessaire, car la procédure d’élaboration des Papi est aujourd’hui bien trop complexe, eu égard aux trop nombreuses exigences des services de l’État, ce qui exaspère légitimement les élus locaux.

La mise en place d’un référent Papi est très attendue par les collectivités, qui pourront ainsi bénéficier d’un soutien identifiable au stade de l’élaboration de ce programme. L’instauration d’un guichet unique pour simplifier les demandes d’autorisation et de financement va également dans le bon sens.

Nous soutenons la proposition d’accompagner dès la phase de l’après-crise les collectivités sinistrées en mettant à leur disposition une réserve d’ingénierie qui réponde à un objectif de solidarité territoriale. Cette aide technique et administrative aux communes sinistrées par une inondation sera particulièrement utile.

Devoir, dans un temps contraint, à la fois assurer le relogement des populations, réaliser les démarches administratives pour obtenir des aides, élaborer des dossiers auprès des assurances ou encore engager la reconstruction des infrastructures prioritaires : tout cela dépasse souvent les moyens des communes concernées, surtout des plus petites.

En fournissant aux communes qui en exprimeront le besoin des professionnels aux aptitudes variées, cette réserve d’ingénierie permettra de ne laisser aucune commune sur le bord du chemin. Nous saluons cette proposition qui traduit un objectif de fraternité. Nous soutiendrons l’amendement du rapporteur visant à laisser au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités pratiques de mise en œuvre de cette réserve d’ingénierie.

Vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera sans surprise en faveur de ce texte, très attendu par les élus locaux. Je serai particulièrement attentive – nous serons particulièrement attentifs – à sa bonne mise en œuvre en outre-mer. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui traduit quatre des vingt recommandations formulées dans le rapport d’information dressant un état des lieux des politiques de prévention des inondations et de gestion de crise et d’après-crise.

Ce rapport avait été adopté à l’unanimité. J’espère que ce texte connaîtra le même sort. Je ne dis pas cela parce que j’appartiens au même groupe que l’un de ses auteurs, Jean-Yves Roux,…

M. Henri Cabanel. Un peu quand même ! (Sourires.)

M. Michel Masset. … mais bien parce que cette proposition de loi est nécessaire et attendue par bon nombre d’EPCI ruraux. Je salue également Jean-François Rapin.

Le texte vient moderniser et simplifier notre arsenal juridique en matière d’entretien des cours d’eau et d’élaboration et de mise en œuvre des programmes d’actions de prévention des inondations.

Aussi et surtout, il renforce la solidarité entre les territoires par la création d’une réserve d’ingénierie qui fournira une aide technique et administrative aux communes sinistrées.

Il est important que la gestion de l’après-crise ne soit plus l’angle mort de la lutte contre les inondations.

En effet, les phénomènes liés aux inondations ont mis en évidence un besoin d’accompagnement de la part des services de l’État. Les petites collectivités situées en zone rurale sont souvent démunies et manquent de moyens humains, techniques et financiers.

Le volet financier est éludé par ce texte, de même que les questions de fiscalité ou d’assurance. Une solidarité financière entre EPCI est encore à construire au travers d’une nouvelle articulation de la taxe Gemapi. Pour le moment facultative et plafonnée à 40 euros par habitant, elle n’est pas un instrument à la hauteur des enjeux pour les collectivités.

Élu de Lot-et-Garonne, territoire – s’il en est – de grands cours d’eau, je connais bien, hélas, les dégâts causés par les crues et les difficultés des élus locaux à faire face à celles-ci.

Le transfert de la compétence Gemapi a été trop abrupt, avec des conséquences mal anticipées en termes de gestion pour les collectivités concernées. Je pense notamment à l’ingénierie et à la compensation financière.

Au lendemain du transfert de cette compétence, les EPCI ont été obligées de réaliser une étude de l’existant – à quel prix ! –, alors que l’État, qui en avait auparavant la compétence, ne l’avait pas fait lui-même en son temps.

Par exemple, un EPCI de mon département a dû financer une étude relevant l’état des digues d’un montant de près de 500 000 euros, ce qui correspond à environ deux années de prélèvement de la taxe Gemapi. Ce montant n’inclut évidemment pas le montant des travaux. De mémoire, une brèche de 100 mètres linéaires coûte 400 000 euros.

La communauté d’agglomération Val de Garonne devrait prendre en charge 22 millions d’euros de travaux, ce qui correspond à plusieurs budgets ! Tout cela n’est pas raisonnable.

Une solution doit donc être trouvée pour concilier le potentiel fiscal très prometteur des métropoles situées en aval et bénéficiant de recettes significatives issues de la taxe Gemapi avec la nécessité pour les communes en amont, dont le potentiel fiscal, et donc leur capacité d’investissement, tend à diminuer, de réaliser des travaux majeurs.

Pour conclure, si elle ne règle pas l’ensemble de la problématique, cette excellente proposition de loi envoie un message politique fort en levant les contraintes de procédures administratives trop lourdes pour nos élus. Elle consolide par conséquent notre politique de prévention des inondations.

Ses trois mots d’ordre – simplification, solidarité, accompagnement – doivent nous mener sur le chemin d’une meilleure anticipation de nos territoires au risque d’inondation.

Pour toutes ces raisons, à l’unanimité, le groupe RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations s’inscrit dans une démarche de nécessaire acclimatation, au sens propre du terme, de nos modes de vie aux phénomènes naturels.

Je tiens à saluer le rapporteur, Pascal Martin, et à le remercier pour la qualité du travail qu’il a effectué. Je remercie également les auteurs du texte, Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux. Les mesures qu’ils y proposent résultent directement des travaux de la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024, dont ils furent rapporteurs. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette instance de contrôle qu’ils s’étaient rendus dans les Hautes-Alpes le 14 mai dernier.

Entre 2023 et 2024, cinquante-six collectivités territoriales de mon département ont été reconnues en état de catastrophe naturelle à la suite de crues, soit 38 % du total.

Lors du passage de la tempête Aline en octobre 2023, les télécommunications ont été partiellement interrompues au nord du département ; la principale route nationale était inutilisable et la station de sports d’hiver de Risoul fut coupée du monde pendant plusieurs jours. Certaines communes ont connu des dégâts sans précédent : Guillestre, Vallouise-Pelvoux et Eygliers.

Dans ce contexte, sans revenir sur les différentes dispositions du texte qui ont déjà été explicitées, je souhaite vous faire part du retour d’expérience des élus locaux de mon territoire.

En matière de prévention, il faut simplifier, sur le plan réglementaire, les modalités d’entretien des cours d’eau. Je pense notamment au curage, mais aussi au traitement de l’engravement des terrains de montagne, devenu ingérable. Il est impératif de modifier sans délai la loi concernant la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, ainsi que la taxe Gemapi. La charge financière de la gestion des cours d’eau ne peut pas uniquement reposer sur les collectivités territoriales affectées : elle doit être partagée par l’ensemble du bassin concerné, dans le cadre d’une meilleure coopération entre l’amont et l’aval.

En matière de gestion de crise, force est de constater que la réactivité et l’efficacité des services de l’État, notamment des services de secours, ont été remarquables. Je souligne aussi l’importance et le rôle déterminant des services de restauration des terrains en montagne (RTM)

En matière de suivi, après les inondations, les communes touchées pâtissent d’un réel manque de moyens financiers. Dans les Hautes-Alpes, les dégâts se sont élevés à plus de 38 millions d’euros, alors que la dotation de solidarité en faveur de l’équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSECG) ne suffisait pas à couvrir le coût de reconstruction.

L’État avait initialement prévu d’avoir recours à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) pour financer ces travaux, soit l’équivalent de deux années de concours annuels de ces dotations pour mon seul département. Il a fallu toute la mobilisation des élus locaux et l’appui de la ministre Françoise Gatel pour obtenir des crédits exceptionnels.

Toutefois, ce système de financement, comme la taxe Gemapi, n’est pas soutenable, car les épisodes de crues risquent de se multiplier.

Il reste beaucoup de travail sur ces sujets. À en juger par les interventions des orateurs qui m’ont précédé, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est une première étape législative qui va dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle, vous l’aurez compris, notre groupe la votera à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les inondations constituent aujourd’hui le premier risque naturel en France : 18,6 millions de nos concitoyens y sont exposés. Dans des départements comme le Gard, où la récurrence des crues est une réalité dramatique, ce risque se traduit par des pertes humaines et des destructions considérables.

Nous avons tous en mémoire les inondations meurtrières qui ont frappé le département. Ces événements ont mis en lumière les lourdeurs administratives entravant la prévention et la gestion des inondations. Les élus locaux, en première ligne face à ces catastrophes, m’ont alerté sur ces freins et signalé leur difficulté à agir efficacement.

C’est précisément pour faire face à ces urgences que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été déposée. Son objectif est clair : simplifier, accélérer et accompagner les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations.

Tout d’abord, ce texte vise à faciliter l’entretien des cours d’eau. L’entretien régulier des rivières est un levier majeur pour éviter l’aggravation des crues. Il est aujourd’hui freiné par un cadre réglementaire trop complexe, madame la ministre.

Les élus de nos communes durement frappées par les cours d’eau gardois m’ont souvent fait part de leur frustration face à des procédures administratives trop lourdes, alors même qu’il s’agit d’interventions nécessaires.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Bien sûr !

M. Laurent Burgoa. Puis, la proposition de loi simplifie la mise en œuvre des programmes d’actions de prévention des inondations (Papi). Trop souvent, ces dispositifs sont ralentis par des démarches administratives elles aussi fastidieuses.

Une mission d’information a d’ailleurs mis en lumière une latence de cinq ou six ans entre le lancement initial de la procédure d’élaboration du Papi et sa labélisation par les services de l’État. Il s’agit pourtant d’un outil crucial pour protéger nos concitoyens. De tels délais ne sont pas acceptables.

Enfin, ce texte crée une réserve d’ingénierie au service des communes sinistrées. Lorsque l’eau se retire commence un véritable parcours du combattant pour les maires : il faut sécuriser les infrastructures, accéder aux aides, reconstruire. Cette réserve permettra aux collectivités d’obtenir un appui technique et administratif immédiat, gage d’une gestion de crise plus efficace, mais aussi, je le pense, plus humaine.

Ainsi, mes chers collègues, cette proposition de loi apporte un début de réponse aux défis que nous devrons, malheureusement, relever dans le futur. Voter ce texte, c’est renforcer la solidarité territoriale et donner aux élus plus de moyens d’agir pour protéger nos concitoyens. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette proposition de loi, dont je remercie particulièrement les deux auteurs, Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Sophie Patru. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Anne-Sophie Patru. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, 18,6 millions d’habitants sont exposés aux inondations en France. Celles-ci constituent désormais le premier risque naturel dans notre pays, comme nous l’avons vu récemment dans mon département d’Ille-et-Vilaine. Je souhaite de nouveau saluer l’engagement au quotidien de l’État, des forces de sécurité et de secours, ainsi que des communes dans la gestion de la crise et lors de la reconstruction.

Face à l’intensité et à la récurrence croissante de ce phénomène, une conviction profonde s’affermit : il est crucial de renforcer notre capacité à prévenir et à gérer ces événements. Tel est l’objet de la présente proposition de loi, qui fait suite aux épisodes ravageurs de 2024 dans le Nord-Pas-de-Calais, les Charentes ou les Alpes du Sud.

Ce texte est issu des travaux de nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, que je salue, et a été examiné par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Il repose, à juste titre, sur trois axes principaux : simplifier, accélérer et accompagner.

Pour simplifier, la proposition de loi prévoit de clarifier les procédures applicables aux opérations d’entretien des cours d’eau, un levier essentiel de prévention des inondations. Elle introduit une nouvelle procédure d’autorisation simplifiée pour les travaux d’urgence, permettant aux collectivités territoriales d’intervenir plus rapidement et efficacement, ce qui doit permettre d’adapter notre réaction et répond aux attentes des élus locaux que j’ai rencontrés récemment.

Pour accompagner, le texte prévoit un soutien accru aux collectivités territoriales lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des fameux Papi. Un référent Papi sera désigné pour chaque projet et un guichet unique simplifiera les demandes d’autorisation et de financement.

Pour accélérer, enfin, cette proposition de loi instaure une réserve d’ingénierie pour soutenir les communes sinistrées lors de la reconstruction. Cette réserve, coordonnée par les centres départementaux de gestion de la fonction publique territoriale, permettra de mettre à disposition des fonctionnaires territoriaux pour aider les communes touchées par les inondations.

Aussi le groupe Union Centriste est-il favorable à ce texte. Cette proposition de loi, fruit d’un travail collaboratif de plus d’un an, que le Sénat sait mener, et d’une volonté partagée de mieux protéger nos territoires, représente une avancée significative dans la gestion des risques naturels et doit nous inspirer pour l’adaptation à laquelle nous devons procéder pour faire face au changement climatique et à ses conséquences. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations

Article 1er

Le titre Ier du livre II du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° A (nouveau) L’article L. 211-2 est ainsi modifié :

a) Au I, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « ainsi que les mesures d’entretien régulier des cours d’eau » ;

b) Le II est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° Les conditions dans lesquelles est effectué l’entretien, par le propriétaire riverain chargé de l’entretien régulier du cours d’eau au sens de l’article L. 215-14, afin de favoriser l’écoulement naturel des eaux dans son lit et prévenir la survenue des inondations. » ;

1° Le I bis de l’article L. 211-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les services de l’État dans le département mettent à disposition des communes et des autorités compétentes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations une cellule d’appui technique pour les accompagner dans la mise en œuvre des missions définies aux 1°, 2°, 5° et 8° dudit I. » ;

2° L’article L. 214-3 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du II bis, après le mot : « immédiat », sont insérés les mots : « ainsi que les travaux d’entretien des cours d’eau visant à remédier à une inondation d’ampleur ou à en éviter la réitération à court terme » ;

b) (Supprimé)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, sur l’article.

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n’ai pas pu assister aux débats, mais on m’a rapporté les propos qui ont été tenus : je me félicite du soutien que vous avez annoncé apporter à cette proposition de loi, ainsi qu’au texte que le Sénat a adopté à l’unanimité au mois d’octobre.

Les trois articles dont nous allons discuter aujourd’hui, qui portent tous sur la prévention des risques, auraient trouvé légitimement leur place dans ma proposition de loi visant à assurer l’équilibre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Comme vous pouvez le constater, nous travaillons de manière cohérente, puisque les rapporteurs de ce texte sont, pour l’un, auteur, pour l’autre, rapporteur, de la présente proposition de loi.

C’est l’occasion de nous inviter collectivement à mener un travail de rationalisation dans le cadre de la navette. Vous l’aurez constaté, j’ai accepté d’abandonner mon texte pour qu’il puisse être redéposé à l’Assemblée nationale, afin d’éviter cinq lectures d’un texte qui aurait dû dès le départ faire l’objet d’une procédure accélérée.

Peut-être pourrions-nous gagner du temps en complétant son volet relatif à la prévention avec les trois articles que nous allons adopter de manière certaine ce soir, si l’on en juge par les propos unanimes qui viennent d’être tenus. Cela permettrait d’allier efficacité et clarté pour tous les acteurs concernés par les inondations et, plus largement, par les catastrophes naturelles. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin. Avis favorable !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je partage votre vision, madame la sénatrice, comme vous le savez. Toutefois, la longueur du texte pose problème, car il nous faudra examiner vingt-deux articles dans un temps limité. Pour être honnête, je peine à trouver un créneau.

Peut-être pourrions-nous engager un travail collectif afin de resserrer les choses ? Vous pouvez compter sur moi, car je suis convaincue que nous partageons les mêmes objectifs, madame la sénatrice Lavarde, monsieur le sénateur Rapin.

Après avoir écouté les échanges de tout à l’heure et observé le déroulement de l’examen de votre proposition de loi, madame Lavarde, il apparaît clairement que ce sujet est très largement transpartisan et que nous sommes alignés sur les mêmes positions. Il ne nous reste plus qu’à avancer.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 19, présenté par M. P. Martin, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Rédiger ainsi ces alinéas :

b) Il est ajouté un III ainsi rédigé :

« III. – Les règles générales d’intervention dans les cours d’eau dans le cadre d’opérations au titre du I bis de l’article L. 211-7, notamment celles rendues nécessaires par une inondation, ou dans le cadre de travaux prévus à l’article L. 215-14 sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement vise à compléter et à clarifier les règles existantes applicables à l’entretien régulier des cours d’eau incombant aux propriétaires riverains.

D’une part, cette modification opportune n’abordait pas l’hypothèse de l’intervention des autorités gémapiennes en substitution des propriétaires riverains pour l’entretien régulier des cours d’eau. L’amendement vise donc à les inclure explicitement afin de clarifier les règles générales qui leur sont applicables. En outre, il renvoie au décret la définition des modalités d’intervention des autorités gémapiennes. Cela permettra d’envisager une évolution de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités ayant un impact sur l’eau (Iota) afin d’apporter une plus grande clarté dans l’encadrement des opérations d’entretien des cours d’eau.

D’autre part, cet amendement tend à apporter une précision utile et à indiquer expressément que les travaux rendus nécessaires par une inondation sont inclus dans le cadre des opérations d’entretien régulier, ce qui donnera une portée plus opérationnelle au dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il est très favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 6 et 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement concerne la cellule d’appui technique. Celle-ci a été instaurée par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (Maptam) afin d’accompagner les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de la Gemapi. Il s’agissait avant tout d’un espace d’échange entre l’État et les collectivités territoriales, destiné à anticiper l’instauration d’une nouvelle compétence et à élaborer les outils nécessaires à son appropriation.

Cette cellule s’est réunie sur l’initiative des préfets coordonnateurs de bassin jusqu’en 2020, époque à laquelle il a été reconnu qu’elle n’était plus véritablement utile. Il n’est donc pas opportun de la réinstituer par la loi, d’autant que l’article 3 de la proposition de loi prévoit la création d’une réserve d’ingénierie pour fournir un appui technique et administratif aux communes sinistrées par une inondation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement du Gouvernement vise à supprimer la cellule d’appui technique destinée à assister les intercommunalités et les communes responsables de la compétence Gemapi.

Mme la ministre l’a rappelé, en 2014, l’article 59 de la loi Maptam avait institué auprès de chaque préfet coordonnateur de bassin une mission d’appui technique visant à assister les gémapiens dans l’exercice de leur compétence. Cette mission d’appui avait notamment vocation à réaliser un état des lieux des ouvrages et des installations nécessaires à l’exercice de la compétence Gemapi. Ces cellules ont fonctionné jusqu’en 2020.

En outre, depuis la loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, les conseils départementaux accompagnent les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui ne disposent pas de moyens suffisants pour l’exercice des compétences d’entretien des milieux aquatiques et de prévention des inondations. En conséquence, la cellule d’appui qu’institue l’article 1er risquerait effectivement de faire doublon.

Sur cet amendement, la commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 20, présenté par M. P. Martin, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer les mots :

ainsi que les travaux d’entretien des cours d’eau visant à remédier à une inondation d’ampleur ou à

par les mots :

, notamment les travaux rendus nécessaires par une inondation ou afin d’

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. La proposition de loi complète le dispositif d’intervention en cas d’urgence, prévu à l’article L. 214-3 du code de l’environnement et permettant d’être exempté des procédures d’autorisation et de déclaration au titre de la nomenclature Iota, afin de tenir compte spécialement des inondations d’ampleur et de leur réitération à court terme.

Cet amendement conforte le texte de la commission en élargissant le périmètre des interventions susceptibles de relever de cette procédure d’urgence. Cette dernière, dans la rédaction issue des travaux de la commission, s’applique aux « travaux d’entretien des cours d’eau », ce qui ne permet pas d’inclure certains types d’opérations pourtant stratégiques en cas d’inondations telles que les travaux visant à prévenir des dommages durant l’inondation, comme l’effondrement d’une berge ou d’une route. Par ailleurs, cette procédure ne permet pas, après la survenue d’une inondation, d’entreprendre les réfections extérieures au cours d’eau.

Cet amendement vise donc à apporter une précision utile, qui s’inscrit pleinement dans la continuité des réponses apportées par l’État et les préfets des Hauts-de-France à la suite des inondations survenues fin 2023 et en 2024.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il est très favorable également. Cet amendement se fonde sur les remontées de terrain. Le préfet de la région Hauts-de-France a été remarquable, mais il a pris des risques juridiques. Il est donc nécessaire de bien préciser le cadre pour protéger, avant tout, les habitantes et les habitants.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 21, présenté par M. P. Martin, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 181-23-1 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée de la consultation du public réalisée dans les conditions prévues à l’article L. 181-10-1 est de quarante-cinq jours. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement de coordination vise à adapter les modalités de la procédure d’urgence à caractère civil prévue à l’article L181-23-1 du code de l’environnement pour tenir compte de la nouvelle procédure d’autorisation environnementale introduite par la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, prévoyant des délais d’instruction et de consultation du public réduits.

Cet amendement a pour objet de raccourcir le délai de consultation de trois mois à quarante-cinq jours et, ce faisant, de rendre pleinement opérationnelle la procédure accélérée d’urgence à caractère civil pouvant bénéficier notamment à certains travaux urgents à la suite d’une inondation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui vise à effectuer une coordination utile avec la loi relative à l’industrie verte.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 21.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

L’amendement n° 18 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 215-15 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa :

- le mot : « régulier » est supprimé ;

- après les mots : « plan d’eau », sont insérés les mots : « mises en œuvre notamment en application du 2° du I de l’article L. 211-7 » ;

b) Au deuxième alinéa :

- à la première phrase :

i) Les mots : « les collectivités territoriales, leurs groupements ou les syndicats mixtes créés en application de l’article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales prennent en charge cet entretien groupé en application de l’article L. 211-7 du présent code » sont remplacés par les mots : « cet entretien groupé est mis en œuvre dans le cadre de l’exercice des compétences mentionnées au I bis de l’article L. 211-7 » ;

ii) Les mots : « , dans ce cas, » sont supprimés ;

- à la seconde phrase, après les mots : « d’intérêt général », sont insérés les mots : « , lorsqu’elle est requise en application de l’article L. 151-37 du code rural et de la pêche maritime, ».

2° Le premier alinéa de l’article L. 215-18 est ainsi modifié :

a) Les mots : « aux articles L. 215-15 et L. 215-16 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 215-16 et des travaux, opérations et interventions nécessaires à la mise en œuvre des compétences mentionnées au I bis de l’article L. 211-7 notamment réalisées dans le cadre d’opérations groupées d’entretien prévues à l’article L. 215-15 » ;

b) Sont ajoutés les mots : « du cours d’eau ».

II. – L’article L. 151-36 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « de vue agricole », est inséré le mot : « , environnemental » ;

2° Il est rétabli un 4° ainsi rédigé :

« 4° Travaux nécessaires à l’exercice des compétences listées au I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement ; ».

III. - L’article L. 151-37 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est ainsi modifiée :

- Les mots : « est dispensée d’enquête publique lorsqu’ils sont » sont supprimés ;

- Les mots : « , qu’ils » sont remplacés par les mots : « telles que prévues notamment au III de l’article L.123-2 et au II bis de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, est dispensée d’enquête publique lorsqu’ils » ;

b) La seconde phrase est ainsi modifiée :

- Le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Lorsque l’accord des propriétaires intéressés par les travaux n’est pas acquis ou ne peut pas être acquis, il » ;

- Le mot : « cependant » est supprimé ;

- Sont ajoutés les mots : « selon des modalités déterminées par la voie règlementaire » ;

2° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « couvert par un schéma mentionné à l’article L. 212-3 du code de l’environnement » sont supprimés ;

b) Les mots : « . Il est cependant » sont remplacés par les mots : « qui ont fait l’objet d’une décision de dérogation en application de l’article L. 122-3-4 du code de l’environnement. Pour ces travaux, lorsque l’accord des propriétaires intéressés par les travaux n’est pas acquis ou ne peut pas être acquis, il est » ;

c) Le mot : « précitée » est remplacé par les mots : « selon des modalités déterminées par la voie réglementaire » ;

3° A la première phrase du sixième alinéa, la seconde occurrence du mot : « et » est remplacée par les mots : « des milieux aquatiques tels que prévus aux articles L. 215-14 à L .215-18 du code de l’environnement, ainsi que » ;

4° Après le sixième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Sont également dispensés d’enquête publique, sous réserve qu’ils n’entraînent aucune expropriation et que le maître d’ouvrage ne prévoie pas de demander une participation financière aux personnes intéressées et qu’ils ne soient pas soumis à évaluation environnementale au titre de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, les travaux :

« 1° A réaliser dans la bande de six mètres couverte par la servitude prévue au L. 215-18 du code de l’environnement ;

« 2° A réaliser, sous réserve de l’accord explicite des propriétaires, sur des parcelles situées en dehors de la bande de six mètres mentionnée au 1°. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à effectuer une coordination entre différentes dispositions du code rural et de la pêche maritime et du code de l’environnement. C’est un amendement technique, mais indispensable pour faciliter la bonne compréhension et la bonne application du droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement tend à clarifier et à coordonner plusieurs procédures existantes, afin que celles-ci puissent être directement applicables à l’entretien des cours d’eau et à la prévention des inondations.

La déclaration d’intérêt général (DIG), nécessaire à l’intervention des autorités publiques sur les cours d’eau situés dans des terrains privés, relève aujourd’hui du code rural et de la pêche maritime. L’articulation entre les procédures de ce code et celles du code de l’environnement pose des difficultés, en particulier pour les procédures d’urgence et les interventions d’entretien des cours d’eau.

L’amendement vise donc à clarifier l’existence d’une servitude pour les travaux d’entretien des cours d’eau assurés par les collectivités territoriales sur les terrains privés. En effet, les rapporteurs ont fait état d’une difficulté à intervenir sur certains terrains privés, alors même que la DIG a été obtenue par les collectivités territoriales.

L’amendement vise également à préciser les modalités selon lesquelles les interventions d’urgence sur les terrains privés peuvent être réalisées. Il tend à clarifier la possibilité de recourir à la DIG sans enquête publique pour les travaux d’entretien des cours d’eau.

Enfin, il a pour objet d’introduire une procédure spécifique de DIG simplifiée, sans enquête publique, pour les travaux soumis à déclaration visant à rétablir les fonctionnalités naturelles des cours d’eau.

Cet amendement est dense, je vous l’accorde, mais je le pense véritablement utile, et je suis favorable à son adoption. Nous parlions de clarification, de simplification, de coordination. C’est tout à fait l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre groupe n’est pas favorable à l’adoption de cet amendement du Gouvernement, car la simplification qu’il tend à proposer va trop loin et aurait pour effet, s’il était adopté, d’affaiblir la démocratie environnementale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

Article 2

Le chapitre Ier du titre VI du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le IV de l’article L. 561-3, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV bis. – Le fonds contribue au financement des actions inscrites au programme mentionné au I de l’article L. 561-5 du présent code. » ;

2° L’article L. 561-5 est ainsi rétabli :

« Art. L. 561-5. – I. – Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent élaborer un programme d’actions de prévention des inondations qui répond à un cahier des charges fixé par l’État. Ce programme est labellisé par le préfet coordonnateur de bassin mentionné à l’article L. 213-7.

« II. – Le préfet coordonnateur de bassin désigne pour chaque programme un référent, mis à disposition auprès des collectivités territoriales ou de leurs groupements mentionnés au I du présent article afin de leur fournir un accompagnement technique et réglementaire durant la phase d’élaboration du programme.

« III. – Le préfet coordonnateur de bassin institue un guichet unique, chargé d’instruire les demandes d’autorisation, de financement et d’accompagnement relatives aux actions inscrites aux programmes.

« IV. – Les conditions d’application du présent article, notamment les délais maximaux d’instruction des programmes par le préfet coordonnateur de bassin, sont fixées par voie réglementaire. – (Adopté.)

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 22, présenté par M. P. Martin, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 3 du chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’environnement est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Dispositions particulières aux travaux ou aménagements prévus par un programme d’actions de prévention des inondations

« Art. L. 122-16. – Lorsque le rapport sur les incidences environnementales mentionné à l’article L. 122-6, établi au titre de l’évaluation environnementale d’un programme d’actions de prévention des inondations prévu à l’article L. 561-5, contient des éléments exigés au titre de l’étude d’impact mentionnée à l’article L. 122-1, pour un projet de travaux ou d’aménagements prévu par ce programme, ces éléments sont réputés faire partie du contenu de l’étude d’impact de ce projet. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’apporter une souplesse supplémentaire et une opportune simplification pour accélérer la mise en œuvre des projets relevant du Papi. Il ne faut pas alourdir l’étude d’impact en imposant aux porteurs de projets d’y inscrire les éléments figurant déjà dans le rapport sur les incidences environnementales du programme, conformément au principe « Dites-le nous une fois » - et même, ajouterai-je, « une seule fois ».

L’élaboration d’un Papi comprend de nombreuses étapes, parmi lesquelles la démonstration qu’il n’en résultera pas d’atteintes à l’environnement. La phase d’autorisation des projets inscrits au Papi requiert parfois la même démonstration, ce qui est superfétatoire.

Cet amendement vise donc à réduire le délai d’autorisation des projets inscrits au Papi, sans préjudice de la qualité de l’insertion environnementale des ouvrages réalisés. Ainsi, pour les collectivités territoriales, l’adoption de cet amendement permettrait un gain de temps dans la réalisation de leurs projets et des économies, notamment grâce à la réduction des coûts engendrés par les études préalables.

L’objectif est d’offrir à nos très nombreux concitoyens concernés par le risque d’inondation ou, en zone côtière, de submersion marine une protection renforcée dans un délai raccourci, le but étant potentiellement d’épargner des vies.

Cette disposition supposera cependant une réelle anticipation chez les porteurs de projets, contraints d’intégrer l’ensemble des dimensions et des impacts des projets dès la conception du Papi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 23, présenté par M. P. Martin, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 411-2-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le préfet coordonnateur de bassin mentionné à l’article L. 213-7 peut reconnaître aux travaux ou aménagements dont la réalisation est prévue par un programme d’actions de prévention des inondations mentionné au I de l’article L. 561-5 le caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411-2. »

La parole est à M. Pascal Martin.

M. Pascal Martin. Cet amendement a pour objet d’accélérer la mise en œuvre des Papi en reconnaissant a priori une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), prévue par le code de l’environnement, aux actions inscrites dans un Papi labellisé par l’État, afin de faciliter la délivrance d’une dérogation aux interdictions de destruction des espèces protégées.

Les projets inscrits dans un Papi sont labellisés par l’État au regard de leur pertinence sur le territoire, évaluée sur la base d’analyses socio-économiques. Cette méthode d’évaluation, en amont de la dépense publique, a montré sa pertinence en matière de prévention, puisqu’en moyenne un euro investi par le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, permet d’éviter jusqu’à onze euros – et en moyenne trois euros – de dépense publique. Il s’agit ainsi de prendre en compte le coût du sauvé.

La reconnaissance de la RIIPM ne dispensera pas pour autant les projets concernés de respecter les autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions de destruction des espèces protégées.

Les objectifs visés par les Papi, à savoir la protection des personnes et des biens, mais aussi la préservation de l’environnement, justifient la reconnaissance a priori de RIIPM. Par ailleurs, les analyses socio-économiques et l’évaluation environnementale du programme et des projets apportent des garanties sur leur intérêt public et leur qualité environnementale.

Cette proposition s’inspire de ce qui prévaut dans d’autres secteurs d’activités, comme l’installation d’éoliennes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.

M. Jacques Fernique. On comprend la volonté d’accélérer, mais l’automaticité de la RIIPM nous pose question. Celle-ci peut relever d’une appréciation discrétionnaire de l’administration, qui ne serait pas en mesure, compte tenu du stade précoce de la procédure auquel elle intervient, d’évaluer les incidences concrètes du projet sur l’environnement.

Vous comprendrez donc que notre groupe ne votera pas cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La RIIPM n’empêche pas d’apprécier l’impact sur l’environnement. Nous avons eu plusieurs fois cette discussion à propos d’un certain nombre de projets, notamment sur les énergies renouvelables.

Trois conditions sont nécessaires pour que soit prononcée une dérogation aux interdictions de destruction des espèces protégées. La première est que le projet relève d’une RIIPM, mais les deux autres prennent bien en compte l’impact environnemental.

Attention à ne pas tout confondre : il y a bien une appréciation de l’impact environnemental.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Effectivement, ces projets sont labellisés par l’État à trois conditions. Nous avons évoqué la première, je rappelle les deux autres : l’absence de solutions de substitution satisfaisantes et le fait pour le projet de ne pas nuire au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Brisson, Karoutchi et Reynaud, Mme Romagny, MM. Panunzi et Khalifé, Mmes Micouleau, Guidez et Jacques, M. Michallet, Mme Bellurot, MM. Sido et Bouchet, Mmes Doineau, Joseph, Josende, Belrhiti, Sollogoub et Malet, M. Sol, Mme Gosselin, MM. P. Vidal, Genet, Courtial et Delia et Mme Imbert, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les possibilités de simplification de la procédure d’élaboration d’un programme d’actions de prévention des inondations et de son cahier des charges mentionnés au I de l’article L. 561-5 du code de l’environnement.

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à poursuivre le travail de simplification de la mise en œuvre des Papi, qui sont des dispositifs essentiels pour anticiper et limiter les dégâts liés aux crues et aux inondations à l’échelle des bassins de risque. Il répond à une demande unanime des collectivités territoriales et des acteurs de la prévention des inondations.

Cela a été dit à de nombreuses reprises, l’élaboration des Papi est un véritable parcours du combattant pour les collectivités territoriales et une simplification est attendue.

En 2023, l’intégration d’une obligation d’information environnementale a alourdi de façon significative le montage administratif de ces programmes. Certes, il est indispensable de ne pas négliger les enjeux environnementaux, mais nous ne devons pas perdre de vue, non plus, les réalités de terrain et la complexité croissante que doivent gérer les collectivités locales.

Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement la remise au Parlement dans les douze mois suivant l’adoption de la proposition de loi d’un rapport sur les possibilités de simplification de la procédure d’élaboration d’un Papi et de son cahier des charges. Il s’agit de permettre aux collectivités territoriales de se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire la prévention et l’accompagnement des risques liés aux crues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement, conformément à la jurisprudence du Sénat sur les demandes de rapport !

Le travail sur la simplification est fait de manière continue et nous sommes à votre disposition pour en parler, en commission comme en séance.

Alors que nous nous interrogeons sur la bonne orientation du travail des administrations, que certains estiment trop nombreuses, je préfère qu’elles agissent sur le terrain plutôt que d’élaborer un énième rapport.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

L’amendement n° 13, présenté par M. Gillé, Mmes Bonnefoy et Bélim, MM. Devinaz, Fagnen, Jacquin, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant le bilan du financement de la prévention des inondations, tel qu’assuré par les collectivités et leurs groupements, notamment à travers l’exercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Ce rapport analyse les écarts entre les actions nécessaires, en particulier celles prévues par les établissements publics territoriaux de bassin, les établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux et les programmes d’actions de prévention des inondations, et celles effectivement mises en œuvre.

Le rapport inclut également des propositions visant à améliorer les outils de financement, notamment la taxe GEMAPI, en réponse aux difficultés rencontrées par les collectivités dans la gestion de la prévention des inondations et la prise en charge des dégâts causés par des événements majeurs de plus en plus fréquents.

La parole est à M. Hervé Gillé.

M. Hervé Gillé. Madame la ministre, la jurisprudence que vous évoquez n’est pas totale : il arrive que des demandes de rapport émanant de membres de la majorité sénatoriale soient acceptées ! Et si vous comparez avec ce qui se fait à l’Assemblée nationale, vous constaterez qu’il y a tout de même un très gros écart entre les deux chambres…

Cet amendement vise à demander la remise d’un rapport permettant de dresser un bilan du financement de la prévention des inondations en France. Je pense notamment à l’exercice de la compétence Gemapi.

Pour effectuer leurs travaux, la commission et la délégation aux collectivités territoriales ne disposent pas, à l’heure actuelle, d’un tel reporting. Quel est le véritable niveau de l’engagement financier dans les Papi ? Comment la politique de l’État est-elle mise en œuvre sur le terrain ? Nous n’avons pas les éléments d’information suffisants aujourd’hui. Or la mise en œuvre de ces programmes nous prend beaucoup de temps.

Nous avons donc besoin d’un état des lieux précis, madame la ministre. Refuser une telle demande, c’est refuser toute transparence sur les consommations et les engagements budgétaires concernés.

Dans mon rapport Pour une politique de leau ambitieuse, responsable et durable, je plaidais précisément pour une telle démarche de clarification. Nous avons sollicité des financements complémentaires. Aujourd’hui, on le voit, certains Papi sont dans l’impasse.

Vous le voyez, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le rapport que je sollicite serait très utile !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Cher collègue Hervé Gillé, cet amendement vise à dresser un bilan et à envisager des pistes d’amélioration du financement de la prévention des inondations, notamment s’agissant de la taxe Gemapi. Or la question du financement de la prévention des inondations se situe en marge de la présente proposition de loi.

Ainsi que nous avons été plusieurs à le souligner dans la discussion générale, ce texte en appelle d’autres, par exemple sur le foncier, sur le financement et sur la fiscalité, etc. Mais, à ce stade, il s’agit d’abord d’apporter des solutions pratiques et techniques aux collectivités territoriales, sans aborder les questions de financement, conformément d’ailleurs à la volonté des deux auteurs de la proposition de loi, ici présents.

Mon cher collègue, comme vous l’avez rappelé, vous êtes membre de la mission d’information sur la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations mise en place par la délégation aux collectivités territoriales, dont je fais également partie. Vous aurez, j’en suis persuadé, l’occasion de travailler de manière beaucoup plus approfondie sur le financement de la prévention des inondations dans ce cadre.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. Hervé Gillé. C’est bien dommage !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Toutes les données sont déjà disponibles sur le site de la direction générale des collectivités locales (DGCL), que je vous invite à consulter. On peut y lire que la taxe Gemapi, l’un des outils dont disposent les intercommunalités, « a permis aux collectivités locales de percevoir 274,9 millions d’euros en 2021, soit 7,5 euros par habitant assujetti. Son produit augmente depuis son instauration. Il a été multiplié par 11 entre 2017 et 2021 et a augmenté de 35 % entre 2020 et 2021.

« Pour autant, en 2023, près d’un quart des intercommunalités ne l’avaient pas encore votée. Il s’agit cependant d’un outil de financement puissant, qu’il convient de comparer à la mobilisation déjà très importante du fonds Barnier, qui a permis le versement de près de 200 millions d’euros de subventions dans le cadre des Papi. »

Vous le voyez, les informations sont bien disponibles.

Alors que l’on nous demande de réaliser des économies – je dois moi-même faire des efforts sur le nombre de fonctionnaires qui dépendent de mon administration –, j’invite les membres de la Haute Assemblée à toujours s’assurer que les moyens mobilisés sont bien orientés vers les objectifs adéquats.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement. Mais, vous l’aurez compris, nous restons à votre disposition pour répondre, par exemple, à toute demande d’audition ; c’est notre travail.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article 3

I. – Après l’article L. 566-2 du code de l’environnement, sont insérés des articles L. 566-2-1 et L. 566-2-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 566-2-1. – Les collectivités territoriales et leurs groupements, tels que définis à l’article L. 5210-1-1 A du code général des collectivités territoriales, peuvent instituer une réserve d’ingénierie destinée à fournir un appui technique et administratif aux communes sinistrées par une inondation.

« La réserve d’ingénierie est constituée d’agents publics territoriaux pouvant être mis à disposition dans les conditions prévues à l’article L. 452-44 du code général de la fonction publique. Le recensement des agents publics territoriaux concernés est assuré au sein des collectivités territoriales et de leurs groupements volontaires. Ces derniers transmettent la liste des agents volontaires au centre de gestion de la fonction publique territoriale du ressort territorial compétent, défini à l’article L. 452-1 du même code.

« La coordination et l’animation de cette réserve sont confiées, dans des conditions fixées par voie réglementaire, au centre de gestion de la fonction publique territoriale dans chaque département.

« Art. L. 566-2-2. – Il est institué auprès du représentant de l’État dans le département un guichet unique d’accompagnement des collectivités territoriales sinistrées par une inondation. Ce guichet unique a pour objet de diffuser les informations relatives aux dispositifs d’aides auxquelles elles sont éligibles et de centraliser leurs demandes. »

II (nouveau). – Le 2° de l’article L. 452-44 du code général de la fonction publique est complété par les mots : « , notamment dans le cadre de la réserve d’ingénierie prévue à l’article L. 566-2-1 du code de l’environnement ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 24 rectifié, présenté par M. P. Martin, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer les mots :

à l’article L. 452-44

par les mots :

aux articles L. 512-12 et L. 516-1

2° Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéa 4

1° Remplacer le mot :

confiées,

par le mot :

déterminées

2° Supprimer les mots :

, au centre de gestion de la fonction publique territoriale dans chaque département

III. – Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pascal Martin, rapporteur. Par cet amendement, nous proposons de conserver dans un premier temps la réserve d’ingénierie – à en juger par les déclarations des uns et des autres, je pense que nous y sommes tous favorables – sans renoncer au principe de solidarité territoriale, conformément aux attentes exprimées par les élus locaux entendus par la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l’année 2024, mais en laissant au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités pratiques de mise en œuvre, d’animation et de coordination de cette réserve à l’échelon territorial.

Après des échanges avec le Gouvernement et la direction générale des collectivités locales, ainsi qu’avec les représentants des centres de gestion de la fonction publique territoriale, il est apparu que ces centres n’étaient pas les mieux placés pour remplir une mission d’ingénierie.

En effet, les centres de gestion exercent principalement des missions de ressources humaines : organisation des concours et examens professionnels, publicité des créations et vacances d’emplois, prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d’emploi et assistance juridique statutaire.

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mme Di Folco, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3, troisième phrase

Remplacer les mots :

au centre de gestion de la fonction publique territoriale du ressort territorial compétent défini à l’article L. 452-1 du même code

par les mots :

au représentant de l’État dans le département

II. - Alinéa 4

Remplacer les mots :

au centre de gestion de la fonction publique territoriale dans chaque département

par les mots :

au représentant de l’État dans le département

III. - Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Catherine Di Folco.

Mme Catherine Di Folco. Permettez-moi de reprendre quelques instants mon ancienne casquette de présidente du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône.

La mission qui serait dévolue aux centres de gestion par l’article 3 ne correspond pas du tout à leurs compétences. Si ces derniers peuvent effectivement mettre du personnel à disposition d’une commune, c’est uniquement le personnel qu’ils emploient eux-mêmes, pas celui d’une autre commune !

Au demeurant, leur domaine de compétences, ce sont les ressources humaines. Ce n’est en aucun cas l’ingénierie. Mais je pense que M. le rapporteur a bien compris le problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 10 ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Notre collègue propose de substituer le préfet de département au centre de gestion de la fonction publique territoriale pour animer et coordonner la réserve d’ingénierie.

Or, en vertu du principe à valeur constitutionnelle de libre administration des collectivités territoriales, le représentant de l’État ne détient aucun pouvoir sur des agents publics employés par des collectivités territoriales. Ces dernières s’administrent librement, par des conseils élus.

Pour autant, chère collègue, votre amendement a le mérite d’attirer l’attention sur le fait que les centres de gestion ne sont pas à même d’assurer la fonction d’animation et de coordination de la réserve. En outre, comme vous venez de le préciser, ils ne peuvent pas non plus mettre à disposition des agents publics territoriaux autres que leurs propres agents.

Par conséquent, je sollicite le retrait de votre amendement au profit de celui de la commission, qui vise à supprimer la référence aux centres de gestion. Les conditions d’application concrètes de la réserve seraient donc fixées par voie réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement présenté par la commission et sollicite le retrait de l’amendement n° 10 au profit de ce dernier.

Toutefois, vous avez touché juste, madame Di Folco. La rédaction actuelle de l’article 3 n’est pas satisfaisante. Je pense que l’amendement proposé par M. le rapporteur permet de la rectifier tout en confiant au pouvoir réglementaire le soin de trouver une solution.

M. le président. Madame Di Folco, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?

Mme Catherine Di Folco. Non, je le retire, monsieur le président. Je me réjouis que M. le rapporteur ait bien compris le problème. Je fais confiance à la commission et au Gouvernement pour trouver la bonne solution.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Borchio Fontimp, M. Delia, Mme Demas, M. H. Leroy, Mmes V. Boyer, Garnier et Aeschlimann, M. Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. J.B. Blanc, Bouchet, Daubresse et de Legge, Mme Evren, M. Favreau, Mmes F. Gerbaud, Hybert, Imbert, Josende et Joseph, MM. Khalifé et Klinger, Mmes Lopez et Malet, MM. Michallet, Panunzi, Reichardt, Reynaud, Saury, Savin, Sido et Sol, Mmes Valente Le Hir et Ventalon et M. P. Vidal, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il aide notamment les communes et leurs groupements à évaluer la nature et le coût des dégâts engendrés par une inondation.

La parole est à M. Jean-Marc Delia.

M. Jean-Marc Delia. L’amendement de notre collègue Alexandra Borchio Fontimp vise à combler une lacune bien identifiée par les élus locaux : la difficulté pour de nombreuses communes d’évaluer précisément la nature et le coût des dégâts causés par une inondation.

Aujourd’hui, en pratique, les collectivités doivent fournir elles-mêmes cette évaluation lorsqu’elles demandent une aide via la dotation de solidarité aux collectivités victimes d’événements climatiques ou géologiques.

Or beaucoup de petites communes, souvent les plus vulnérables face aux inondations, ne disposent ni des compétences techniques ni des moyens humains suffisants pour établir de telles estimations dans les délais exigés. Il en résulte des retards, des dossiers incomplets, voire une impossibilité d’accéder aux aides auxquelles ces collectivités ont pourtant droit.

L’article 3 de la présente proposition de loi crée un guichet unique pour accompagner les collectivités sinistrées. Nous souhaitons simplement renforcer son rôle en précisant que celui-ci aidera également les communes et leurs groupements à évaluer la nature et le coût des dégâts.

Cette mesure pragmatique et de bon sens répond aux attentes des élus locaux et permettra un accès plus efficace et équitable aux financements post-crise.

Il s’agit non pas de créer une nouvelle obligation, mais bien d’ajouter un levier essentiel dans l’accompagnement des collectivités face aux catastrophes naturelles. En facilitant cette évaluation, nous leur permettrons de reconstruire plus rapidement et plus sereinement.

C’est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

En effet, il faut distinguer plusieurs cas de figure.

Lorsque le bien est assuré, il appartient à l’expert des assurances, et non à l’État, qui ne saurait le remplacer, de procéder à l’évaluation.

Lorsque le bien n’est pas assurable, il est demandé à la collectivité de réaliser une première estimation. Puis le préfet fait un contrôle de premier niveau. Le cas échéant, il peut, vous le savez, s’appuyer sur l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), qui procède avec ses services d’inspection à un contrôle de second niveau. C’est obligatoire lorsque le montant des dégâts éligibles est supérieur à 1 million d’euros ou revêt un caractère interdépartemental.

Lorsque le montant des dégâts éligibles est supérieur à 6 millions d’euros, la mission est effectuée par l’Igedd et l’inspection générale de l’administration (IGA).

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, votre amendement est déjà satisfait.

Ce que j’entends dans vos propos, c’est que ces processus sont méconnus. Or j’ai pu constater sur le terrain, en Haute-Loire, en Ardèche et dans le Rhône, qu’ils fonctionnaient très bien. Certes, les préfets étaient mobilisés pour faire l’aiguillage entre les différents types de biens. Mais, en l’état actuel du droit, le système marche bien. Encore faut-il évidemment que les plus petites collectivités locales bénéficient d’un appui.

Comme les épisodes climatiques sont malheureusement de plus en plus récurrents, les opérations s’enchaînent aujourd’hui, me semble-t-il, beaucoup plus vite. J’ai pu le constater à la suite des inondations qui ont eu lieu à la mi-octobre dans les territoires que je viens de mentionner.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Corbisez. Voilà quelques mois, notre collègue Christine Lavarde avait déclaré que la surprime « catastrophes naturelles » (Cat Nat) allait augmenter dans nos contrats d’assurance. Et, en effet, celle-ci est passée au 1er janvier de 12 % à 20 %, ce qui ne s’était jamais produit depuis vingt-cinq ans.

En clair, ce sont les Françaises et les Français qui remboursent les compagnies d’assurances des milliards d’euros dépensés pour faire face aux travaux de réparation des inondations dans les territoires sinistrés.

Mon amendement n° 15, qui a été déclaré irrecevable par la commission des finances au titre de l’article 40, visait à placer l’argent supplémentaire touché par les compagnies d’assurances dans un fonds de compensation qui aurait été administré par la Caisse centrale de réassurance (CCR). Cela aurait permis d’absorber les écarts de sinistralité en fonction des zones. Prenez deux salles de gabarit identique destinées à des activités culturelles : si l’une est en zone à risque d’inondation et l’autre non, le coût de l’assurance n’est pas le même !

Et, comme je l’ai indiqué, selon l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), près de 1 500 communes sont sans assurance.

Malheureusement, mon amendement, je l’ai dit, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. En d’autres termes, prendre de l’argent aux compagnies d’assurances privées pour le placer sur un fonds destiné à aider nos collectivités à trouver une assurance, c’est aggraver une charge publique. Avouez que c’est tout de même un peu fort de café !

M. le président. Monsieur Corbisez, ce n’est pas précisément un rappel au règlement. Il eût été de meilleur aloi de demander la parole pour explication de vote sur l’amendement que le Sénat va examiner à présent.

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 562-3 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le préfet soumet ce projet à l’avis des conseils municipaux des communes sur le territoire desquelles il doit s’appliquer et, le cas échéant, des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour l’élaboration des documents d’urbanisme. » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

- à la première phrase, les mots : « et après avis des conseils municipaux des communes sur le territoire desquelles il doit s’appliquer » sont supprimés ;

- la seconde phrase est supprimée ;

2° Au second alinéa de l’article L. 562-4, les mots : « d’un affichage en mairie » sont remplacés par les mots : « d’une publication au recueil des actes administratifs de l’État du département, d’une publication sur le site internet de la préfecture du département » ;

3° L’article L. 562-4-1 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de modification du plan de prévention des risques naturels prévisibles, et lorsque le petit nombre des propriétaires ou le caractère limité des surfaces intéressées le justifie, le préfet peut procéder à la consultation écrite des propriétaires des parcelles impactées par dérogation au premier alinéa du présent II. » ;

b) Il est ajouté un IV ainsi rédigé :

« IV. – Le préfet peut rectifier par arrêté une erreur matérielle constatée dans un plan de prévention des risques naturels prévisibles, sans procéder aux concertations et consultations prévues par l’article L. 562-3 ou par les premier et second alinéas du II. » ;

4° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 562-6, après le mot : « urbanisme », sont insérés les mots : « dans sa rédaction antérieure au décret n° 95-1089 du 5 octobre 1995 relatif aux plans de prévention des risques naturels prévisibles » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le sénateur Corbisez, aujourd’hui, toutes les collectivités locales ont bien une assurance. Et, en cas de tensions lors de la négociation d’un contrat, il existe un système d’intervention au sein de la direction générale du Trésor du ministère de l’économie pour veiller à ce que tout fonctionne.

L’amendement n° 17 vise à simplifier et à accélérer l’élaboration et les évolutions des plans de prévention des risques naturels (PPRN), notamment pour prendre en compte les conséquences du changement climatique.

Tous ceux qui ont été élus locaux et qui ont eu à élaborer un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) savent combien cela peut être long, fastidieux et compliqué.

En plus, tous ces plans devront être ajustés en fonction des nouvelles données sur le climat, qu’il s’agisse des travaux de Météo-France ou des nouvelles modélisations des différents risques climatiques. Il n’est pas question de refaire toute la copie. Il s’agit simplement d’ajuster les plans, sur lesquels beaucoup de travail a déjà été accompli, en fonction des nouvelles données.

Cet amendement vise à faire en sorte que l’opération se passe de manière resserrée et simplifiée, afin d’éviter l’effet tunnel, bien connu de certains élus locaux.

Les PPRI sont des documents essentiels. Ils doivent être utilisés au plus vite, afin, notamment, d’anticiper les futurs aménagements sur nos territoires, dans un objectif, là encore, de protection des habitantes et des habitants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pascal Martin, rapporteur. De prime abord, cet amendement du Gouvernement, qui vise à accélérer l’élaboration des PPRN, pourrait, en théorie, recueillir un avis favorable.

Néanmoins, il est proposé, d’une part, de paralléliser les délais de consultation des conseils municipaux et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés par un projet de PPRN et, d’autre part, de supprimer le délai accordé au maire pour s’exprimer après l’avis du conseil municipal.

Cette dernière mesure me semble être une régression au regard du principe de consultation des élus locaux, auquel nous sommes tous, je pense, particulièrement attachés ici.

L’idée de substituer à l’obligation d’un affichage en mairie du PPRN approuvé une publication au recueil des actes administratifs de l’État dans le département me paraît également inopportune.

Je le rappelle, un PPRN emporte des servitudes d’urbanisme qui sont loin d’être neutres pour les collectivités concernées. Un délai de consultation suffisant des élus locaux me paraît donc indispensable, de même qu’une information simple et accessible des administrés. Par habitude, ces derniers viennent consulter le panneau d’affichage à la porte de la mairie. Il est rare qu’ils aillent consulter le recueil des actes administratifs de la préfecture.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour la bonne compréhension de toutes et tous, je précise que tous les élus locaux sont consultés et disposent de temps pour répondre.

L’amendement vise simplement à paralléliser les procédures, au lieu de les enchaîner les unes après les autres : chacun a toujours du temps pour donner son point de vue sur les évolutions envisagées du PPRI, mais comme tout le monde commence au même moment, c’est le délai global qui est réduit.

C’est le même principe que celui que vous avez retenu dans le cadre de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte.

Vous êtes nombreux à nous demander des simplifications. C’est en une. Bien entendu, cela implique de revenir sur certaines habitudes – je ne dis pas qu’elles sont illégitimes – que nous avons collectivement prises. Si nous voulons réellement avancer dans le sens de la simplification, il faut accepter de paralléliser certaines étapes, en laissant certains acteurs se prononcer en même temps.

Avec cet amendement, les élus locaux auront toujours du temps pour s’exprimer sur l’évolution des plans. Il me semblait important de le préciser.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.

Mme Christine Lavarde. Je rebondis sur les propos de Mme la ministre.

Il est effectivement nécessaire d’aller plus vite dans l’harmonisation des procédures, qu’il s’agisse des PPRI ou des PPRN.

Madame la ministre, vos services ont répondu à l’une de mes questions écrites sur le sujet. J’avais pris un exemple précis. Je m’étonnais qu’il ne soit pas possible d’installer une crèche au rez-de-chaussée d’un immeuble en zone inondable dans les Hauts-de-Seine, alors qu’on peut le faire dans le Doubs. Il m’a été répondu que si les documents réglementaires de ces deux départements ne sont pas les mêmes, c’est parce qu’ils ont été édictés dans des temporalités différentes.

Tout cela crée beaucoup d’incertitude pour les acteurs économiques, qui se retournent contre les maires parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi on leur oppose un refus quand un dossier quasi identique a pu être validé dans un département voisin. Les maires se retrouvent en porte-à-faux, menacés de recours contentieux contre leurs décisions de refus de permis de construire ou de transformation de locaux.

Enfin, je tiens à rassurer M. Corbisez. Contrairement à ce que vous laissez entendre, mon cher collègue, l’augmentation de la surprime Cat Nat ne vient pas enrichir les assureurs.

Si l’assureur a choisi la Caisse centrale de réassurance comme réassureur, la surprime va dans le fonds de réassurance, qui sert précisément à faire de la mutualisation entre tous les assureurs, afin de tenir compte des sinistralités très différentes dans les territoires.

Aujourd’hui, la CCR réassure plus de 95 % des primes d’assurance. Très peu d’assureurs ont un système de réassurance privée.

Certes, vous pouvez considérer que ce n’est pas aux citoyens de couvrir la sinistralité climatique. Mais la surprime Cat Nat permet bien la mutualisation que vous appelez de vos vœux.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Sur la question des PPRN et des PPRI, je dis : « Attention ! » Il y a des classements en zone rouge, en zone bleue, etc. Si vous n’êtes pas suffisamment vigilant – ce sont des documents très lourds –, vous pouvez passer à côté de certains aspects. Cela entraîne beaucoup de contentieux devant les juridictions administratives.

Parfois, les services de l’État classent des relevés de terres en digues, alors qu’il ne s’agit pas de véritables digues. Et bon courage pour revenir ensuite sur un tel classement !

Il me paraît donc absolument nécessaire d’avoir suffisamment de temps pour pouvoir s’approprier les documents et prendre les décisions.

Je suivrai totalement la position de la commission.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur le sénateur, je ne partage pas complètement votre point de vue.

L’inondabilité ou la non-inondabilité d’un territoire, c’est une donnée, basée sur des éléments de fond, ainsi que sur des simulations et des analyses réalisées par les experts.

M. Hervé Gillé. Vous connaissez l’épaisseur du trait, madame la ministre ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La modification que nous proposons n’est pas de nature à créer des contentieux supplémentaires. Il s’agit simplement d’une accélération. On peut tout aussi bien consulter les élus en parallèle que les uns après les autres ; je pense qu’il n’y a aucune difficulté à le reconnaître.

Par ailleurs, M. le rapporteur a évoqué la consultation des affichages en mairie. Nous savons tous que les habitantes et les habitants font rarement le siège de l’hôtel de ville et qu’ils se manifestent peu lors des consultations. Nous le voyons quand nous travaillons sur la simplification. En revanche, beaucoup d’élus nous disent que cet affichage est utilisé pour contester les documents administratifs. Les documents sont attaqués par des moyens non pas de fond, mais de procédure.

Aujourd’hui, quasiment deux tiers de mes équipes passent l’essentiel de leur temps à faire du contentieux, à rédiger des mémoires en défense.

Il faut nous interroger sur les leviers de contentieux que nous donnons. Bien souvent, les recours ne sont pas motivés par des préoccupations de protection de l’environnement ou par la recherche d’un juste équilibre entre les intérêts économiques et ceux des populations ; il s’agirait plutôt du syndrome Not In My BackYard, voire d’arrière-pensées un peu politiques dans des territoires compliqués.

Malheureusement, comme l’a souligné Mme la sénatrice Lavarde, plus personne n’y comprend rien, et plus personne ne croit aux politiques.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de la présente proposition de loi.

Je tiens évidemment à en remercier les auteurs, nos collègues Roux et Rapin, ainsi que M. le rapporteur. Je salue également Mme la ministre, qui a suivi l’élan du Sénat.

Nos travaux ont permis de clarifier un certain nombre de dispositions pour intervenir sur les cours d’eau.

Toutefois, je souhaite insister sur la dimension ex post, c’est-à-dire après la survenue d’une inondation. Je pense aussi qu’il faut informer les élus sur ce qu’ils peuvent faire ex ante ; parfois, il y a une forme d’autocensure à cet égard. Il me paraît donc important de communiquer auprès d’eux, par exemple sur les embâcles.

Nous avons mis en place le référent Papi, qui va dans le bon sens, ainsi que la réserve d’ingénierie.

Néanmoins, comme de nombreux collègues l’ont indiqué, ce texte est, je le pense, un premier pas qui en appelle d’autres.

Pour faire suite aux recommandations de la mission d’information, nous allons devoir, à mon sens, nous pencher sur d’autres enjeux dans les prochaines semaines. Je pense notamment à la question du financement, ainsi qu’à celle de la péréquation Gemapi. Des textes financiers sont évidemment nécessaires, mais commençons déjà par travailler sur la péréquation : dans certaines collectivités rurales, les recettes ne sont véritablement pas à la hauteur des besoins.

Peut-être faut-il aussi réfléchir à une adaptation du fonds Barnier afin de permettre des travaux de prévention individuels face aux inondations.

La question des avances de trésorerie se pose également, très peu d’aides et de subventions étant possibles pour effectuer des travaux, de voirie par exemple, après des inondations.

Tels sont les retours qui me parviennent des élus sur le terrain, notamment des bassins de l’Armançon et du Serein, dans l’Yonne. L’année dernière, nous avons été fortement touchés par des inondations. Il faut que nous puissions continuer à avancer.

Je voterai évidemment la présente proposition de loi. Puissions-nous retrouver la belle unanimité qui s’est exprimée lors des travaux en commission !

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.

Mme Maryse Carrère. Je tiens tout d’abord à remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

J’adresse un salut particulier à nos collègues Jean-Yves Roux et Jean-François Rapin, qui ont su faire appel à leur expérience d’élus locaux et à leur vécu, l’un dans la vallée de l’Ubaye, l’autre dans le Pas-de-Calais. C’est, me semble-t-il, une bonne chose d’avoir des élus qui savent de quoi ils parlent lorsqu’ils déposent des propositions de loi.

Merci également à Mme la ministre d’avoir engagé la procédure accélérée sur ce texte.

La présente proposition de loi prévoit de véritables avancées, très pragmatiques, pour accompagner nos territoires et les acteurs concernés sur le terrain, qui souffrent au quotidien de la complexité des procédures.

Et je sais de quoi je parle ! J’étais présidente d’un syndicat gemapien en 2013, lors de la crue du Gave de Pau, qui a dévasté toute la vallée des Gaves, dans les Hautes-Pyrénées.

J’étais aussi à la manœuvre lorsqu’il a fallu présenter et exécuter un Papi de 15 millions d’euros. J’ai alors dû respecter des procédures complexes et nombreuses, remplir sans fin des déclarations et des demandes d’autorisation conformément aux dispositions de la loi sur l’eau. Ces procédures sont difficiles à effectuer pour les acteurs locaux, alors même qu’il s’agit souvent de sauver, dans l’urgence, les biens et les personnes.

Merci aux deux auteurs de cette proposition de loi de l’avoir inscrite dans la niche du groupe du RDSE. Les acteurs des territoires en seront satisfaits. Comme Jean-Baptiste Lemoyne, je pense que beaucoup reste à faire en la matière, mais avec ce texte, nous avons posé une première pierre à l’édifice. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – M. Hervé Gillé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.

M. Jean-François Rapin. Ce débat est très intéressant, parce que l’on sent bien que l’on pourrait encore ajouter à ce texte des articles et des articles au fil des discussions.

Je veux appuyer les propos de Jean-Baptiste Lemoyne sur le financement des travaux d’urgence pour les très petites communes qui n’ont pas assez d’argent. C’est très compliqué pour elles. À cet égard, permettez-moi de vous soumettre une idée, madame la ministre, dont nous pourrons discuter à l’avenir.

La Caisse des dépôts et consignations a beaucoup d’argent. Or, même si un préfet s’engage à subventionner les travaux à hauteur de 80 %, voire de 100 %, la collectivité concernée doit tout de même être en mesure d’avancer les fonds. Ce n’est pas en allant voir leur banquier que les maires s’en sortent. Peut-être faudrait-il donc un support plus adapté : la Caisse des dépôts me paraissait convenir.

Sans doute la Caisse peut-elle proposer des prêts, mais ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent dans les situations d’urgence, vous le savez très bien, madame la ministre, pour l’avoir vu ou vécu sur le terrain : quand les maires ont besoin d’argent, il le leur faut tout de suite et quasiment sans condition, y compris parfois pour effectuer de menus travaux. Nous devons conduire une réflexion de fond sur ce sujet.

Cela a été souligné, c’est un travail de longue haleine qui commence ; servez-vous d’ailleurs des recommandations que Jean-Yves Roux et moi avons faites, madame la ministre.

Je remercie par ailleurs Maryse Carrère d’avoir rappelé que nous étions des élus de terrain. Dans quelques jours, je célébrerai mes trente ans de vie publique, j’ai été maire dix-sept ans et, en comptant mes années comme adjoint, j’ai passé presque vingt-cinq ans en mairie. Nous savons donc de quoi nous parlons ; nous le faisons avec humilité, mais nous avons aussi eu l’occasion de ressentir de grandes tristesses face à des territoires dévastés.

Je remercie donc le Sénat et le Gouvernement d’apporter leur soutien à ce texte. Nous espérons qu’il sera très vite examiné à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Le groupe Union Centriste tient également à saluer l’initiative des auteurs de ce texte, Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux, ainsi que le travail du rapporteur Pascal Martin et les propositions du Gouvernement.

La Bretagne est, hélas ! le dernier territoire en date à avoir subi des inondations ; les territoires de mes collègues Anne-Sophie Patru, l’Ille-et-Vilaine, et Yves Bleunven, le Morbihan, y ont notamment été confrontés. Grâce justement aux dispositions de ce texte, nous devrions pouvoir apporter à l’avenir de meilleures réponses à ce type de situations.

Je remercie le Gouvernement de proposer de simplifier les procédures ; c’est absolument nécessaire à la réalisation par les collectivités de bon nombre d’actions, souvent dans l’urgence, car il est essentiel dans de telles circonstances de pouvoir agir très vite. Ces simplifications devraient y contribuer.

Par conséquent, poursuivons et étendons à d’autres sujets ce travail de simplification, auquel le groupe Union Centriste est particulièrement attaché. Le Gouvernement pourra toujours compter sur notre soutien, madame la ministre, pour simplifier la vie de nos concitoyens et permettre de résoudre plus aisément les problèmes de notre pays.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.

M. Hervé Gillé. Ce texte va en effet dans le bon sens. C’est une brique qui doit être complétée par d’autres travaux.

La délégation aux collectivités territoriales a lancé une mission pour aller plus loin sur ces sujets et les approfondir, mais il faut avancer pas à pas, être aussi pragmatique et cohérent que possible, afin de répondre dans les meilleures conditions aux besoins des collectivités territoriales.

Ces sujets sont de nature à faire émerger un consensus politique permettant d’avancer de manière pragmatique. Nous souhaitons donc instaurer un dialogue aussi efficace que possible avec le Gouvernement et avancer le plus vite possible.

En effet, les enjeux sont cruciaux, alors que, nous le savons, les événements météorologiques majeurs, comme les sécheresses et les pluviométries intenses, vont se multiplier. Nous devons donc préparer notre réponse aujourd’hui et adapter nos modèles.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je tiens d’abord à remercier tous ceux qui ont contribué à l’adoption de cette proposition de loi : M. le président de la commission, M. le rapporteur et MM. les sénateurs Rapin et Roux.

Vous l’aurez compris au travers des messages que je vous ai adressés, il convient de solliciter mes services sur les bons sujets, qui doivent être priorisés par rapport à d’autres ; c’est une forme d’appel de ma part.

J’appelle également votre attention sur la question du contentieux, qui occasionne une grande souffrance chez les agents de mon ministère : les projets d’accélération du déploiement des énergies renouvelables et d’adaptation au changement climatique font tous l’objet d’un contentieux, ce qui suscite en outre l’incompréhension des porteurs de projet sur le terrain.

Je veux aussi réagir aux propos très justes de M. Jean-Baptiste Lemoyne : ce texte n’est qu’un petit pas sur le long chemin que nous devons parcourir ensemble.

Lundi prochain, je dévoilerai le plan national d’adaptation au changement climatique, point de départ de la mise en œuvre de différentes feuilles de route, sur lesquelles j’appelle chacun à se mobiliser selon les enjeux de son territoire : le trait de côte sur le littoral, la montagne, la forêt ou encore les inondations.

Sur tous ces sujets, il est important d’accélérer et de nourrir notre réflexion, notamment dans la perspective du projet de loi de finances pour 2026. En effet, vous l’avez dit, il reste des angles morts évidents, pour ce qui concerne par exemple le préfinancement des collectivités locales ou le niveau de financement des biens non assurables. En effet, ce n’est pas avec la petite enveloppe de 40 millions d’euros que l’on pourra faire face au niveau de sinistralité qui s’impose malheureusement à nous désormais.

C’est pourquoi je vous invite à vous saisir de ces éléments pour que nous puissions avancer de concert, tant sur le terrain qu’au sein de la Haute Assemblée. Nous devons à présent monter d’un cran et réorienter nettement notre action écologique vers la protection des populations et investir dans la prévention, afin de réaliser des économies assez évidentes dans le futur : 1 euro investi dans la prévention permettra d’éviter une dépense de 8 euros à l’avenir ; et ce ratio va même augmenter au cours des années qui viennent.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à soutenir les collectivités territoriales dans la prévention et la gestion des inondations.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote, présentée par M. Ahmed Laouedj et plusieurs de ses collègues (proposition n° 222, texte de la commission n° 360, rapport n° 359).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Ahmed Laouedj, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la consommation détournée de protoxyde d’azote, souvent désigné sous le nom de « gaz hilarant », est devenue un enjeu majeur de santé publique. Ce phénomène, qui touche particulièrement les jeunes adultes et les mineurs, ne cesse d’augmenter et a des conséquences dramatiques, sur le plan tant sanitaire que social.

Si certaines mesures ont été prises en 2021 pour encadrer cette pratique, nous devons aujourd’hui aller plus loin. C’est dans cette optique que je vous présente aujourd’hui la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre l’usage détourné de ce gaz, afin de mieux protéger nos concitoyens, en particulier les plus jeunes.

Il est désormais évident que la consommation de protoxyde d’azote est non pas une mode passagère, mais un véritable phénomène de société. Bien qu’utilisé dans des contextes légitimes, le protoxyde d’azote est aussi de plus en plus détourné à des fins récréatives, au mépris des dangers qu’il représente.

Cette tendance est particulièrement préoccupante parmi les jeunes, qui, attirés par sa facilité d’accès, en consomment à des fins ludiques, sans prendre réellement la mesure des risques qu’ils prennent. L’augmentation des cas d’intoxications graves, voire de décès, témoigne de l’ampleur du problème. Les chiffres de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sont alarmants et soulignent la nécessité d’une action législative plus forte.

La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui s’inscrit dans cette démarche de prévention et de protection. Si la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote a constitué une première avancée en interdisant la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, elle ne permet pas de lutter efficacement contre l’usage détourné de ce gaz.

En effet, la réglementation actuelle présente de nombreuses lacunes. Les saisies massives réalisées par les forces de l’ordre, comme celle de 31 tonnes à Drancy en avril 2024, témoignent non seulement de la propagation de ce phénomène, mais aussi de la facilité avec laquelle ce produit peut être acquis. Dès 2021, plus de 1 200 cartouches avaient été saisies à Rosny-sous-Bois, illustrant bien la réalité à laquelle nous faisons face.

Face à cette situation, plusieurs maires, y compris dans le département dont je suis élu, la Seine-Saint-Denis, ont pris des mesures locales, en interdisant la vente et la détention de protoxyde d’azote dans leur commune. Ces actions montrent qu’il existe un réel besoin d’une législation nationale plus stricte, qui puisse accompagner les initiatives locales et offrir un cadre de régulation cohérent. C’est pourquoi j’ai déposé le 18 décembre dernier cette proposition de loi, qui introduit plusieurs mesures concrètes.

Je vais vous en détailler les principales dispositions.

Premièrement, nous proposons de sanctionner la consommation détournée de protoxyde d’azote. Il s’agit d’instaurer des sanctions pénales, incluant une amende et une peine d’emprisonnement, et de créer une procédure d’amende forfaitaire pour mieux encadrer cette pratique.

Deuxièmement, nous entendons interdire la détention par les mineurs de cartouches de protoxyde d’azote. Nous souhaitons renforcer les sanctions en cas de vente de ce produit à des mineurs afin de limiter leur accès à ce gaz dangereux.

Troisièmement, nous voulons sensibiliser les consommateurs au danger de la consommation détournée. Chaque contenant de protoxyde d’azote devra désormais comporter un avertissement clair concernant les risques liés à son usage détourné.

Quatrièmement, nous proposons de mettre en œuvre un suivi rigoureux de la vente de protoxyde d’azote. Nous souhaitons instaurer un contrôle plus strict des produits vendus, en particulier en ligne, afin de prévenir leur acquisition par des jeunes.

Cinquièmement, enfin, nous voulons encadrer la vente de protoxyde d’azote : celle-ci sera désormais soumise à une autorisation administrative et la vente nocturne sera interdite pour éviter que des personnes, souvent mineures, ne puissent se procurer ce produit à toute heure.

La commission des affaires sociales est néanmoins revenue sur ce dernier point, craignant qu’il puisse être regardé comme une entrave à la libre circulation des marchandises. Le système d’agrément des vendeurs de protoxyde d’azote a finalement été transformé en un système déclaratif, afin de ne pas pénaliser les circuits de vente légaux de protoxyde d’azote, notamment les acteurs de la grande distribution. De mon point de vue, il fallait aller plus loin, mais je comprends les contraintes qui ont guidé la réflexion de la commission.

En parallèle de ces mesures répressives, il est important de renforcer les actions de prévention et d’éducation. Les jeunes, qui représentent une part importante des consommateurs de protoxyde d’azote, doivent être mieux informés des risques sanitaires associés à cette pratique. Il est donc essentiel d’intégrer des messages de prévention dans les programmes scolaires, via des dispositifs tels que les journées de prévention des conduites addictives organisées dans les collèges et lycées.

Un sondage réalisé par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a révélé qu’une grande partie des jeunes consommateurs ne percevaient pas les dangers neurologiques liés à la consommation de protoxyde d’azote. Ce constat souligne la nécessité d’une campagne de sensibilisation de long terme, visant à changer les perceptions et à renforcer la prise de conscience collective sur les risques de cette pratique.

En outre, l’enjeu environnemental lié à la consommation de protoxyde d’azote ne peut être ignoré. Le dépôt ou l’abandon de cartouches et de bonbonnes de gaz hilarant dans les espaces publics représente un danger supplémentaire. Le hasard de notre ordre du jour montre bien toute l’actualité du sujet, puisque nous venons d’examiner la proposition de loi visant à renforcer la prévention des risques d’accidents lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitement des déchets.

Vous l’aurez compris, l’abandon sur la voie publique de cartouches et de bonbonnes de protoxyde d’azote ne constitue pas seulement un enjeu de santé publique ou une simple pollution visuelle ou matérielle : ces contenants peuvent provoquer de graves explosions lorsqu’ils sont traités dans les usines de recyclage et d’incinération. Des incidents de ce type ont déjà eu lieu, entraînant des pertes financières considérables pour les installations de traitement des déchets, ainsi que des risques pour la sécurité du personnel.

C’est pourquoi cette proposition de loi prévoit également de sanctionner le dépôt ou l’abandon de ces contenants sur la voie publique, afin de prévenir de tels accidents et de protéger nos infrastructures.

Ces nouvelles données renforcent la nécessité d’agir sur le plan législatif. Notre objectif est non pas d’interdire les usages légitimes du protoxyde d’azote, mais de lutter efficacement contre son utilisation détournée. Le but n’est pas de pénaliser les professionnels qui utilisent ce gaz de façon encadrée, il est de prévenir les risques liés à sa consommation récréative. Les jeunes doivent être protégés des dangers de ce produit et la société doit se mobiliser pour prévenir ces dérives.

La situation actuelle est alarmante : le protoxyde d’azote est accessible à des prix très bas, notamment en ligne, ce qui en fait un produit à la portée de tous, y compris des mineurs. Même si la législation actuelle a permis de restreindre l’accès au gaz hilarant pour les moins de 18 ans, il est évident que les jeunes trouvent encore des moyens de contourner cette interdiction. En 2021, près de 11 % des consommateurs de protoxyde d’azote étaient des mineurs, ce qui est beaucoup trop élevé. Nous devons renforcer les mesures législatives pour mettre un terme à cette dérive et protéger nos enfants et nos adolescents des dangers de ce gaz.

Je tiens à remercier la rapporteure, Mme Maryse Carrère, avec qui mes échanges ont été constructifs. Les amendements qu’elle a présentés lors de l’examen du texte en commission me semblent aller dans la bonne direction. Je remercie également mes collègues du groupe du RDSE, qui m’ont permis d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de nos travaux.

Mes chers collègues, il est de notre responsabilité de prendre des mesures concrètes et efficaces pour lutter contre ce fléau. La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui est un pas en avant important dans la protection de la santé publique, mais, pour qu’elle soit pleinement efficace, il est impératif que nous soyons mobilisés.

J’espère que vous adopterez cette proposition de loi, afin de renforcer le cadre législatif de la consommation de protoxyde d’azote et de protéger ainsi les générations futures. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Maryse Carrère, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’usage récréatif du protoxyde d’azote est devenu un véritable problème de santé publique. Voilà trois ans et demi, la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote avait permis de fixer un premier cadre législatif pour réguler les conditions de vente et d’utilisation de ce gaz, qui jouit en France d’un double statut, porteur d’ambiguïté ; j’y reviendrai.

Au cours des dernières années, face à l’accroissement des usages récréatifs en France, les autorités sanitaires ont multiplié les alertes. Celles-ci nous invitent à réagir par des mesures fortes, mais proportionnées.

C’est dans ce contexte que notre collègue Ahmed Laouedj a déposé, au mois de décembre dernier, la présente proposition de loi. Ce texte s’inscrit dans la continuité de la loi du 1er juin 2021 et a la même ambition : circonscrire les détournements d’usage de ce gaz par des mesures d’encadrement strictes, tout en soutenant une politique de prévention active.

Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que, en parallèle de nos travaux, l’Assemblée nationale a adopté, le 29 janvier dernier, une proposition de loi visant à interdire totalement la vente du protoxyde d’azote aux particuliers. Telle n’est pas l’orientation retenue dans la proposition de loi que nous examinons, qui prévoit une stratégie de lutte contre les mésusages seuls et non contre le protoxyde d’azote lui-même.

Je crois d’ailleurs utile de rappeler que le protoxyde d’azote n’est pas un stupéfiant et d’indiquer que les autorités sanitaires ne semblent pas envisager à ce jour, selon les informations recueillies dans le cadre de l’instruction de ce texte, de le classer comme tel.

Je rappelle également que le protoxyde d’azote est à la fois un médicament, utilisé comme adjuvant en anesthésie générale et en analgésie, et un produit de consommation courante.

En tant que médicament, il est soumis à une prescription médicale, réservé à un usage professionnel, et inscrit sur la liste 1 des substances vénéneuses.

En tant que produit de consommation courante, il est utilisé comme additif alimentaire, vendu dans de petites cartouches destinées à la préparation de crème fouettée, et il est employé comme gaz de compression dans l’industrie automobile, l’horlogerie ou la photographie.

Son usage non médical n’est pas pour autant exempt de toute réglementation. À l’échelon européen d’abord, les cartouches à usage alimentaire sont régies par le règlement de 2008 sur les additifs alimentaires et par celui de 2011 relatif à l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. À l’échelon national ensuite, la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote a fixé un cadre visant prioritairement à protéger les mineurs des risques de mésusage.

Néanmoins, le caractère licite du protoxyde d’azote ne facilite pas la perception des risques dont son utilisation peut s’accompagner, lorsque celle-ci relève d’un détournement d’usage ou d’un mésusage.

Malgré une connaissance encore lacunaire de l’évolution et de la prévalence de la consommation récréative du protoxyde d’azote, les données dont nous disposons dessinent un panorama inquiétant.

Si le phénomène reste globalement circonscrit, notamment si on le compare aux données de consommation du tabac ou de l’alcool, l’augmentation des signalements pour intoxication au protoxyde d’azote dans le cadre d’un usage récréatif est spectaculaire : entre 2020 et 2023, le nombre de cas notifiés aux centres d’addictovigilance a été multiplié par presque quatre, passant de 120 à 458. En parallèle, en 2022, près de 14 % des 18-24 ans déclaraient avoir expérimenté le protoxyde d’azote.

D’autres signaux doivent encore nous alarmer.

En premier lieu, je pense aux nouvelles caractéristiques de cette consommation. En raison de la disponibilité de contenants de grand volume, c’est-à-dire de bonbonnes ou de bouteilles, les quantités inhalées par les consommateurs sont de plus en plus importantes, pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de cartouches par jour. Il en résulte une aggravation des symptômes cliniques, caractérisés, dans plus de 80 % des cas, par des complications neurologiques et neuromusculaires, tandis que les troubles psychiatriques et les complications cardiovasculaires de type thrombotique sont en hausse.

En deuxième lieu, l’accessibilité du produit sur internet et la diversification des circuits de distribution ont favorisé l’apparition d’un marché parallèle de revente illicite. L’essentiel des ventes étant réalisé en ligne, parfois sur des sites hébergés hors de France, le contrôle des contenants est à peu près inexistant, bien que seules les cartouches de petit format soient autorisées à la vente depuis le 1er janvier 2024. La saisie de 13 000 bonbonnes de protoxyde d’azote réalisée en Île-de-France l’an dernier illustre ce trafic émergent.

En troisième lieu, les troubles à la tranquillité, à la salubrité et à la sécurité publiques se multiplient, principalement dans les zones urbaines. Nombre de municipalités et de préfectures font usage de leurs pouvoirs de police pour tenter d’endiguer le phénomène, interdisant par exemple la vente de protoxyde d’azote la nuit ou sa consommation dans l’espace public. Tel est le cas, pour ne citer que quelques exemples, à Marseille, à Lyon, à Montpellier, à Paris, à Argenteuil ou à Saint-Ouen. Toutefois, ces mesures sont nécessairement limitées dans le temps et dans l’espace, en vertu du principe de proportionnalité des mesures de police et du respect des libertés publiques.

L’abandon massif de bonbonnes sur les bords de route et les parkings est par ailleurs devenu une problématique aiguë de gestion des déchets pour les communes. Du fait de l’absence de dégazage préalable des contenants, ces déchets dangereux exposent en outre les travailleurs des usines de traitement et d’incinération des déchets à des risques d’explosion. La proposition de loi adoptée en début d’après-midi, qui vise à renforcer la lutte contre le risque d’incendie dans les installations de collecte, traite de cette question via la responsabilité élargie du producteur (REP).

Près de quatre ans après son entrée en vigueur, le bilan que l’on peut tirer de la loi du 1er juin 2021, marquée par la recherche d’un équilibre entre la régulation des conditions de vente du protoxyde d’azote et la sensibilisation aux dangers liés à sa consommation récréative, est en demi-teinte. Si les statistiques des ministères de l’intérieur et de la justice témoignent d’une appropriation progressive de ces dispositions législatives, les autorités de police relatent leurs difficultés à matérialiser certaines infractions et soulignent le caractère peu dissuasif des peines prévues par la loi.

En effet, l’ensemble des infractions à la loi, à l’exception du délit d’incitation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs, ne sont punies que d’une amende de 3 750 euros. Par ailleurs, aucune sanction n’a été prévue en cas de violation des dispositions relatives aux quantités maximales pouvant être vendues aux particuliers.

La commission des affaires sociales a adopté, lors de l’examen de ce texte, divers amendements visant à renforcer et à équilibrer le texte soumis à votre examen. Elle s’est notamment attachée à veiller au respect des principes de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines.

Ainsi, pour dissuader la consommation récréative de protoxyde d’azote et renforcer la portée des contrôles de police, le texte de la commission pénalise l’usage détourné de protoxyde d’azote et aligne diverses sanctions sur celles qui sont prévues en matière d’encadrement des débits de boissons et de lutte contre l’alcoolisme. De plus, il prévoit désormais une sanction en cas de non-respect des dispositions relatives aux quantités maximales de vente de protoxyde d’azote aux particuliers.

Afin de mieux contrôler les circuits de la vente aux particuliers, il instaure également un dispositif de déclaration administrative, permettant de recenser les vendeurs et valant autorisation de vente.

Dans l’objectif de responsabiliser les consommateurs en matière environnementale, le texte prévoit de sanctionner l’abandon ou le dépôt sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d’azote.

Enfin, le texte comporte un volet visant à renforcer les actions de prévention en milieu scolaire, que la commission a souhaité consolider, même si celles-ci relèvent largement d’une impulsion politique encore timide.

Ainsi, malgré le faible recul dont nous disposons sur la mise en œuvre de la loi de 2021, je suis convaincue que, dans la situation actuelle, nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo législatif. Le cadre législatif en vigueur souffre de plusieurs carences, qu’il convient de combler, tout en veillant à la proportionnalité des moyens employés. Telle est l’ambition de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. le président de la commission applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte soumis ce soir à votre examen, de nouveau sur l’initiative du Sénat, s’inscrit dans une dynamique plus générale de renforcement de la législation contre le mésusage du protoxyde d’azote.

Ce n’est pas la première fois que le Sénat se saisit de l’usage détourné de produits du quotidien pour en faire de véritables drogues. Le protoxyde d’azote, aussi appelé « gaz hilarant » ou « proto », souvent utilisé comme anesthésiant en médecine, est emblématique de cette pratique. C’est un sujet dont nous avons également débattu à l’Assemblée nationale il y a quelques semaines.

C’est grâce à une initiative sénatoriale transpartisane, portée par la désormais ministre Valérie Létard, que les pouvoirs publics ont pu réagir dès les premières alertes remontées par l’ANSM ou formulées par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives.

Ainsi, la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote, dite loi Létard, a permis d’interdire la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, quelles que soient les circonstances, mais aussi de manière générale dans certains commerces, comme les débits de tabac et les débits de boissons, de prohiber les dispositifs facilitant les usages détournés, comme les « crackers », et de renforcer les contrôles.

Il était essentiel de poser un cadre de loi ferme et spécifique, car nous assistons depuis plusieurs années à une recrudescence de l’usage détourné du protoxyde d’azote, principalement chez les lycéens, mais également chez les très jeunes collégiens, qui l’utilisent dès l’âge de 10 ou de 11 ans.

Ce gaz n’a malheureusement d’hilarant que le nom, même si l’effet d’euphorie spontanée recherché peut paraître inoffensif, voire bon enfant. Il ne faut absolument pas s’y tromper : les risques pour la santé sont majeurs. La liste est longue, et vous l’avez rappelée, madame la rapporteure : chutes, brûlures, asphyxie, paralysie, troubles neurologiques, hématologiques, cardiaques. Les conséquences peuvent être également psychosociales. La consommation de protoxyde d’azote peut entraîner un isolement et créer une dépendance susceptible de provoquer un phénomène de manque et des troubles psychologiques. Enfin, elle peut malheureusement être à l’origine d’accidents sur la voie publique et de mises en danger d’autrui.

Le protoxyde d’azote présente également des risques pour la sécurité publique et environnementale puisque bon nombre de bonbonnes de « proto » sont à l’origine d’explosions quasi quotidiennes dans les usines d’incinération. Le syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains et assimilés estime ainsi qu’un tiers des installations françaises sont concernées, chaque incident ayant un coût pouvant aller jusqu’à 200 000 euros.

Pour ces raisons, le ministère de la santé n’a cessé de renforcer notre arsenal réglementaire en la matière.

Ainsi, l’arrêté du 19 juillet 2023 limite fortement les volumes de vente aux particuliers. Précisément, il interdit la commercialisation de bouteilles et de bonbonnes et limite la taille des cartouches à 8,6 grammes maximum et les volumes de vente à dix unités par acte d’achat.

En effet, quand on cherche à se procurer des bonbonnes d’un tel format ou bien des cartouches dans de telles quantités, on devine aisément que ce n’est pas forcément pour préparer de la chantilly !

Cet arrêté ne prévoyant toutefois pas de sanctions, je suis bien conscient qu’il s’agissait d’une de ses limites. C’est pourquoi j’ai demandé aux services de mon ministère d’en définir dans un décret qui est en cours d’élaboration et qui sera publié cette année.

Par ailleurs, le décret du 20 décembre 2023 renforce les informations légales et l’obligation d’afficher un message sanitaire sur les emballages mettant en garde contre les risques d’inhalation et d’intoxication.

Je pense que vous le savez tous, l’Europe se mobilise également sur le sujet : des procédures de classement du protoxyde d’azote sont en cours à cet échelon. Celles-ci pourraient mener à des restrictions très importantes, allant jusqu’à l’interdiction du produit. Précisément, en mars 2023, le comité d’experts de l’Agence européenne des produits chimiques a classé le protoxyde d’azote comme produit neurotoxique et reprotoxique. Ce classement doit désormais être confirmé par la Commission et devrait aboutir dans les douze mois.

La proposition de loi que nous examinons s’inscrit donc dans une dynamique nationale et désormais européenne de renforcement continu de notre cadre légal et réglementaire contre le mésusage du protoxyde d’azote. Je souscris tout à fait à cet objectif en tant que ministre de la santé.

J’accueille donc très favorablement cette initiative, madame la rapporteure, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, sous réserve de quelques ajustements dont nous aurons à débattre dans quelques instants.

Il est, en effet, nécessaire de veiller à ce que les dispositions de ce texte soient proportionnées et coordonnées avec toutes les réglementations en vigueur ou en cours d’élaboration. Je pense notamment au travail en cours sur les sanctions pour les contrevenants aux limites de vente, que j’ai déjà évoqué. Il faut également naturellement prendre en compte les notifications et l’alignement avec le droit européen.

Contre les usages détournés du protoxyde d’azote, nous sommes forts d’un arsenal législatif et réglementaire déjà riche et régulièrement renforcé. Le combat doit donc aussi se mener sur le terrain pour que les interdictions soient appliquées, pour que les contrôles soient effectifs et pour renforcer la prévention. Je sais que c’est également un point auquel vous êtes toutes et tous attachés.

C’est probablement sur le terrain de la prévention que nous devons désormais progresser, en allant vers les jeunes, en diffusant largement des ressources accessibles dans les écoles, les collèges et les lycées, et en proposant un accompagnement adapté. Je sais que plusieurs initiatives se développent localement dans un certain nombre de territoires.

Je pense notamment à la campagne de sensibilisation menée par les agences régionales de santé (ARS) des Hauts-de-France et d’Île-de-France : « Le proto, c’est trop risqué d’en rire ». Cette initiative a connu un réel succès auprès du jeune public, notamment grâce à la diffusion des vidéos explicatives et ludiques de Jamy Gourmaud, le présentateur vedette que nous connaissons tous de l’émission Cest pas sorcier. Je vous invite d’ailleurs à les regarder : la présentation physiopathologique des effets du gaz hilarant, qui agit sur une zone préfrontale, est très instructive.

La proposition de loi prévoit également une information sur les dangers des usages détournés du protoxyde d’azote lors des séances de prévention et de sensibilisation aux conduites addictives organisées dans les collèges et les lycées. Je salue d’ailleurs le renforcement du volet du texte relatif à la prévention grâce au travail effectué en commission des affaires sociales.

Je veux m’appuyer sur l’ensemble de ces actions et sur l’engagement des acteurs de terrain pour que nous réussissions collectivement à détourner les jeunes de cette substance, qui n’a rien – je le rappelle encore une fois – d’un divertissement léger et sans conséquence. Il provoque au contraire de graves atteintes à la santé physique et mentale.

Ce travail de fond, qui nécessite une véritable action de proximité et de pédagogie, est indispensable pour modifier le regard que la société porte sur le protoxyde d’azote. C’est seulement ainsi que nous réussirons. Je mènerai ce chantier avec détermination, en sachant pouvoir compter sur le soutien des sénatrices et des sénateurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI et RDSE. – M. le président de la commission et Mme Marion Canalès applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Marion Canalès applaudit également.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1999, nous constatons l’usage détourné du protoxyde d’azote. Employée, d’une part, comme anesthésique et analgésique, d’autre part, comme gaz de pressurisation d’aérosol pour les siphons de chantilly, qui font tant parler cette assemblée, cette substance est détournée pour ses effets hilarants.

Si ce dernier usage a bénéficié d’une visibilité médiatique importante, rappelons qu’il reste un phénomène mineur. En 2022, 4,3 % des adultes déclaraient avoir expérimenté le protoxyde d’azote et 5,4 % des 15-18 ans.

Pour autant, monsieur le ministre, les conséquences sanitaires de cette consommation – brûlures par le froid, asphyxie, pertes de connaissance, risques mortels de fausse route, troubles neurologiques, troubles psychiques – nous invitent à renforcer la lutte contre les usages détournés. Le protoxyde d’azote n’est pas un produit anodin et sans risque, bien au contraire. En outre, vous avez rappelé, monsieur le ministre, l’impact environnemental problématique des bonbonnes et les risques qu’elles font courir aux travailleurs des déchetteries.

Si la loi Létard de 2021 a interdit la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, mais aussi aux majeurs dans certains lieux, ainsi que la vente de tous les produits contenant une faible quantité de ce gaz et ne correspondant pas aux usages traditionnels de ces produits, force est de constater que la consommation n’a pas diminué. Le nombre de cas signalés par le réseau Addictovigilance et de cas graves a été multiplié par quatre entre 2020 et 2023.

Aussi la présente proposition de loi est-elle l’occasion de faire œuvre utile si nous renforçons la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote. Si et seulement si !

En effet, plusieurs mesures – il faut le reconnaître – vont dans le bon sens, comme le renforcement des sanctions en cas de vente aux mineurs et d’incitation à l’usage détourné de protoxyde d’azote par un mineur, lesquelles sont désormais alignées sur la législation relative à la vente d’alcool. Il en est de même du renforcement de la prévention et de la présentation explicite des dangers des usages détournés du protoxyde d’azote lors des séances de sensibilisation aux conduites addictives au collège et au lycée.

Toutefois, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose à la pénalisation de l’usage détourné de protoxyde d’azote. Il ne s’agit évidemment pas de dire que celui-ci doit être encouragé ni qu’il est sans risque. Comme je l’ai indiqué dans l’exposé des motifs de ma proposition de loi relative à la dépénalisation de l’usage de drogues pour mieux soigner les personnes dépendantes et apaiser l’espace public, il faut admettre la réalité : la pénalisation des usages n’a pas d’effet sur la consommation.

Pis, la pénalisation est contre-productive, car elle empêche l’usager d’entrer dans un parcours de soins, concentre l’action publique sur le tout-répressif aux dépens de la prévention et de la santé publique, et, enfin, elle surmobilise les effectifs de police auprès des consommateurs.

Nous l’avons vu à Paris : la police n’arrive à rien du tout en appréhendant les jeunes concernés, en général des mineurs ayant de graves problèmes sociaux que leur arrestation ne permet pas de résoudre. Cette surmobilisation se fait au détriment de la lutte contre les trafics et la vente illégale.

Ainsi, nous proposons – je le répète – de supprimer la pénalisation qui nous est ici proposée.

Le texte qui nous est soumis encadre davantage la vente de protoxyde d’azote au travers d’un régime de déclaration administrative. Cette déclaration vaudrait autorisation de vente pour les commerces. Si nous saluons cette mesure, nous lui préférons une option mieux-disante : il faudrait simplement interdire, monsieur le ministre, la vente de protoxyde d’azote aux particuliers.

En effet, l’usage licite de ce produit dans les siphons à chantilly ne constitue pas, à nos yeux, une nécessité. Préservons donc les usages médicaux et industriels pour la restauration collective et interdisons l’accès des particuliers au protoxyde d’azote.

Surtout, gardons en tête que c’est par l’information sur les risques liés aux conduites addictives que nous parviendrons à prévenir la consommation de drogues, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre. Puisque nous y sommes parvenus pour le tabac, nous pouvons obtenir le même succès avec le protoxyde d’azote. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marion Canalès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l’initiative du groupe du RDSE et de notre collègue Ahmed Laouedj, auteur de la présente proposition de loi, nous sommes appelés à nous pencher sur un fléau qui frappe notre population et notre jeunesse et qui repousse les limites de l’action publique municipale et nationale, à savoir l’usage détourné du protoxyde d’azote pour en faire un stupéfiant.

Les usages détournés ont précédé les usages médicaux. En effet, les premières utilisations du protoxyde d’azote, qui a été découvert en 1799, datent du XIXe siècle. Elles avaient alors des visées euphorisantes.

« Gaz hilarant », « consommation récréative » : derrière ce champ lexical extrêmement joyeux pour qualifier l’usage du protoxyde d’azote se cache un produit dangereux, qui justifie un débat très sérieux d’un point de vue sanitaire et environnemental.

Le protoxyde d’azote a fait l’objet de plusieurs textes, cela a été rappelé : avant la proposition de loi visant à renforcer la prévention des risques d’accident liés aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitement des déchets que nous avons votée tout à l’heure et le texte que nous examinons à présent sur les usages détournés, un texte a été adopté récemment à l’Assemblée nationale, après l’adoption en 2021 de la proposition de loi de Mme Létard tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote.

Ce gaz est loin d’être hilarant : il est dangereux sanitairement, socialement et écologiquement.

D’abord, il n’est pas drôle en termes de santé publique. Ces deux dernières années, les autorités sanitaires ont alerté sur les dangers de l’usage du protoxyde d’azote. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) et la direction générale de la santé ont recensé des dizaines de cas graves, ce gaz provoquant en outre des troubles psychiatriques et cardiaques. Le nombre de patients connaît une hausse exponentielle.

Selon une enquête réalisée en 2023, 6,7 % des 18-64 ans ont consommé du protoxyde d’azote. Initialement cantonné aux milieux festifs alternatifs, le mésusage de ce gaz s’est diversifié. Il est désormais consommé dans l’espace public.

Ensuite, ce gaz hilarant n’est pas drôle non plus pour la sécurité routière. Le protoxyde d’azote altère le discernement et les réflexes. Il est à l’origine de nombreux accidents de la route mortels ou il leur est corrélé, comme ce fut le cas à Échirolles, Nîmes, Toulouse ou Lille, pour ne citer que quelques exemples sans entrer dans les détails.

Enfin, le protoxyde d’azote n’est pas drôle pour l’environnement.

Cela a été rappelé, le protoxyde d’azote est utilisé en médecine. L’interdiction de sa vente aux particuliers, que nous soutenons, n’affecterait pas les professionnels, à qui le protoxyde d’azote resterait accessible. Je souligne toutefois que la Société française d’anesthésie et de réanimation a préconisé en 2022 aux professionnels utilisant ce gaz de se tourner vers les produits de substitution existants, dont le bénéfice clinique est égal, afin de réduire les effets des anesthésiques sur l’environnement.

En effet, le protoxyde d’azote est un gaz à effet de serre ayant un très fort impact sur l’environnement et joue un rôle dans la destruction de la couche d’ozone. Son utilisation en anesthésie représente tout de même 1 % à 3 % des émissions mondiales. J’y insiste : il existe des produits de substitution, y compris dans le secteur médical, développés afin de réduire les impacts des anesthésies.

Par ailleurs, depuis 2017, la vente du protoxyde d’azote s’est intensifiée, mais non pour les usages classiques, nous l’aurons compris, que ce soit en gastronomie ou en médecine. D’abord vendu dans les supermarchés et les commerces de proximité, ce gaz s’est répandu. Il est désormais consommé, par exemple, dans les bars et les boîtes de nuit. Cela a déjà été dit, cela pose des problèmes de ramassage et de traitements des déchets.

Certaines collectivités, comme Montpellier, ont été obligées de passer des marchés publics spécifiques. Chaque incident survenant dans les fours et autres équipements de traitement de ces déchets peut coûter jusqu’à 200 000 euros. Et je ne parle pas des risques de blessure grave pour le personnel.

Ainsi, dans mon territoire, Clermont Auvergne Métropole, environ 300 cartouches et bouteilles sont retrouvées chaque mois. Le surcoût pour le traitement d’une bonbonne vide oscillerait entre 20 et 30 euros dans certains territoires. Sur qui pèse-t-il ? Sur les collectivités !

Les municipalités et les collectivités sont en effet en première ligne depuis de nombreuses années pour gérer les problèmes environnementaux et de santé publique que pose le protoxyde d’azote. Elles doivent être non seulement soutenues et écoutées, mais aussi sécurisées d’un point de vue juridique.

Les collectivités se sont emparées de ce sujet pour le moins explosif, sans mauvais jeu de mots, et font ce qu’elles pouvaient : elles prennent des arrêtés pour interdire la consommation, s’appuient sur le principe d’abandon de déchets sur la voie publique et usent pour certaines de rappels à l’ordre, lorsque des usagers sont interpellés, pour essayer de faire passer des messages de prévention.

En 2019, de premières communes ont interdit le produit aux mineurs, par exemple Clermont-Ferrand ou Cournon. Votre département, monsieur Laouedj, a été très réactif, notamment la commune de Saint-Ouen, dont Mme la rapporteure a auditionné les représentants de la mairie. La loi a suivi ces collectivités, le texte de Mme Létard interdisant la vente aux mineurs du protoxyde d’azote ayant été adopté.

D’autres communes désormais, comme Dijon ou Marseille, interdisent la consommation à tous et non plus seulement aux mineurs ; d’autres encore vont plus loin en interdisant non seulement la consommation, mais aussi la vente. Il faut écouter les collectivités qui prennent des arrêtés. Elles ont besoin d’un cadre juridique, ces interdictions étant nécessaires.

Ce texte prévoit utilement de renforcer la sanction encourue en cas d’incitation à l’usage détourné de protoxyde d’azote par un mineur. J’y suis évidemment extrêmement favorable.

Réserver la vente du protoxyde d’azote aux professionnels permettrait, en outre, de repousser les premières expérimentations par chacun de ce produit.

Comme l’auteur de la proposition de loi, je souhaite que l’on avance sur le cadre légal afin d’endiguer ce fléau. Je le remercie d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour des travaux du Sénat. Je remercie également Mme la rapporteure de son écoute. J’espère que nos travaux cet après-midi nous permettront d’avancer.

Pour conclure, j’évoquerai un point qui nous préoccupe tous : les mesures destinées à prévenir l’usage détourné du protoxyde d’azote.

Monsieur le ministre, vous l’avez indiqué à l’Assemblée nationale : « je souhaite relancer les campagnes d’information et de prévention […]. L’adoption de la proposition de loi [visant à restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées] leur donnerait plus de poids. […] Construisons ensemble un texte susceptible…

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marion Canalès. … d’améliorer la prévention ». Je vous propose, monsieur le ministre, de le faire cet après-midi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter M. Laouedj de cette proposition de loi, ainsi que Mme le rapporteur Maryse Carrère.

Quel produit s’apparentant à un stupéfiant lorsque son usage est détourné est aujourd’hui accessible très simplement en supermarché pour quelques euros ? Le protoxyde d’azote, aussi appelé « gaz hilarant ». Pourtant, ce gaz n’est pas considéré comme un stupéfiant : son usage et sa détention sont licites pour les majeurs.

À l’origine, le protoxyde d’azote était utilisé en médecine pour ses propriétés analgésiques. En outre, il est utilisé comme gaz de compression dans les aérosols. Ce dernier usage, lorsqu’il est détourné pour obtenir un gaz hilarant, peut avoir de graves conséquences.

Cet usage détourné est désormais impressionnant chez les jeunes : ce produit est la troisième substance consommée après l’alcool et le tabac ou, selon certaines sources, après le cannabis et les poppers. Dans tous les cas, il est beaucoup trop consommé !

Malgré l’interdiction de vente aux mineurs instaurée par la loi du 1er juin 2021, sa consommation est en constante augmentation. Cette année-là, justement, le nombre de cas graves déclarés avait été multiplié par trois, passant de 82 à 265. Il a même atteint 314 en 2023 !

Les risques pour la santé sont bien réels et particulièrement nombreux, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre : addiction, lésions neurologiques, vertiges, tétraplégie, troubles psychiatriques ou cardiovasculaires.

De plus, ce produit est hautement addictif. Sa consommation régulière peut avoir des conséquences dramatiques et occasionner des séquelles irréversibles.

La consommation détournée de protoxyde d’azote pose aussi un problème environnemental, car les capsules et les bonbonnes de « proto » s’accumulent dans certains endroits où les consommateurs peuvent les déposer discrètement.

J’ai évoqué précédemment l’enjeu de la gestion de ces déchets, qui est une réelle difficulté et constitue un problème pour les personnels concernés. En 2023, par exemple, la ville de Lyon a collecté sept tonnes de bonbonnes de gaz vides !

De nombreuses municipalités ont donc pris des arrêtés pour interdire la vente, l’usage et la détention de protoxyde d’azote dans l’espace public. Néanmoins, une grande partie des ventes se fait sur internet. Le marché évolue de façon notable et on voit apparaître des formats différents, clairement destinés à un usage détourné.

En l’état, et au vu de l’explosion des chiffres concernant la consommation, la loi du 1er juin 2021 ne paraît donc pas suffisamment efficace pour lutter contre l’usage détourné du protoxyde d’azote. Il semble indispensable de la renforcer pour protéger efficacement les jeunes contre un produit dont l’usage prétendument récréatif peut avoir des répercussions dramatiques sur le reste de leur vie.

La présente proposition de loi prévoit ainsi de renforcer les sanctions. La sanction encourue en cas d’incitation à l’usage détourné de protoxyde d’azote par un mineur sera désormais assortie d’un an d’emprisonnement. Le montant de l’amende prévue en cas d’infraction aux interdictions de vente, tant aux mineurs que dans les débits de boissons et les débits de tabac, sera doublé. Enfin, une sanction est prévue en cas d’abandon de bouteille.

Pour ma part, j’ai déposé un amendement visant à rétablir la nécessité pour les professionnels d’obtenir un agrément pour vendre du protoxyde d’azote. Certes, une telle mesure suppose auparavant l’accord de la Commission européenne, comme cela a été le cas préalablement à l’interdiction des puffs.

Parce qu’en matière d’addiction la répression seule ne sera jamais suffisante, le texte contient un volet sur la prévention. Le protoxyde d’azote sera désormais évoqué au collège et au lycée lors de la sensibilisation aux conduites addictives. Je propose que cette sensibilisation se fasse dès la fin du primaire, même si cela peut paraître précoce, car l’exposition à ce type de produit commence chez certains dès le collège. La prévention doit donc se faire avant.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra, bien entendu, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la rapporteure applaudit également.)

M. Khalifé Khalifé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote. Je tiens tout d’abord à saluer le travail de son auteur, notre collègue Ahmed Laouedj, ainsi que le sérieux avec lequel Mme le rapporteur, Maryse Carrère, a conduit les travaux sur cette proposition de loi et les différentes auditions.

Ce texte s’inscrit dans la continuité de la loi du 1er juin 2021, portée dans notre assemblée par notre ancienne collègue Valérie Létard. Il s’agit de faire face de manière urgente à l’augmentation inquiétante des accidents liés à l’usage détourné du protoxyde d’azote.

Monsieur le ministre, cette augmentation illustre, si besoin était, la nécessité pour le législateur d’évaluer les dispositions qu’il adopte, en particulier sur des sujets aussi sensibles, afin de les adapter aux mutations de notre société.

Ce produit, qu’il soit vendu en magasin ou, désormais, sur des sites internet, est largement accessible au grand public. Le protoxyde d’azote est utilisé comme gaz de conditionnement dans le secteur agroalimentaire ou comme gaz propulseur dans les siphons et autres bombes de crème chantilly. Il est également utilisé dans l’industrie et, depuis un siècle, dans la médecine en tant qu’analgésique. Enfin, s’il sert de gaz hilarant dans les fêtes foraines depuis le XIXe siècle, son usage détourné et les conséquences qui en résultent ont largement cessé de faire rire…

Actuellement, l’usage médical du protoxyde d’azote comme adjuvant d’anesthésie est de plus en plus abandonné. Ce gaz reste néanmoins utilisé pour des anesthésies de courte durée dans les services d’urgence, chez l’adulte et l’enfant.

Le protoxyde d’azote est actuellement la troisième substance la plus consommée par les jeunes, après le cannabis et les poppers. L’âge moyen des consommateurs est de 22 ans. Plus de 5 % des élèves de troisième déclarent en avoir consommé, deux fois plus de garçons que de filles.

D’usage facile, ce gaz est inhalé via un ballon après avoir été extrait de cartouches ou de bonbonnes de plus en plus volumineuses. Son effet, immédiat et éphémère, favorise une consommation répétée, notamment dans les espaces festifs et en groupe, où l’apparence d’un usage contrôlé est souvent une illusion trompeuse.

Nous rappelons de surcroît que les risques liés à cette substance sont loin d’être anodins. La majorité des cas déclarés dans les centres d’addictovigilance et dans les centres antipoison ont trait à des complications neurologiques et neuromusculaires.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’insister sur les effets de cette consommation sur le plan médical : ils peuvent être très graves.

À court terme, si les effets mineurs – vertiges, céphalées, etc. – sont fréquents, les cas sévères donnent lieu à des complications neurologiques qui peuvent aller jusqu’à la paralysie par inactivation de la vitamine B12, laquelle est nécessaire à la viabilité des fibres nerveuses, des troubles respiratoires pouvant provoquer une asphyxie – ce n’est pas rare –, des troubles cardiaques pouvant entraîner un arrêt cardiaque et une mort subite.

À plus long terme – il est très important également de le souligner –, la neurotoxicité du produit et l’hypoxie cérébrale peuvent être à l’origine de troubles cognitifs irréversibles, de paralysies, mais aussi de troubles psychiatriques sévères pouvant aller jusqu’à la paranoïa et aux idées suicidaires.

Ces troubles relèvent du même mécanisme – cela a été scientifiquement démontré – que les effets de l’opium et que ceux de la kétamine, deux stupéfiants puissants, alors que le protoxyde d’azote n’est pas considéré comme tel. Mais les instances européennes devraient prochainement statuer sur la nature de ce produit, aujourd’hui considéré comme neurotoxique.

Au-delà des dangers sanitaires, le protoxyde d’azote est devenu un véritable fléau environnemental ; nous avons passé une bonne partie de l’après-midi à en parler. Sa consommation de masse inquiète énormément les collectivités, qui consacrent énormément de moyens à la combattre. Le recyclage est difficile et reste insuffisant.

Quant au risque d’explosion dans les déchetteries, il est inutile d’y revenir ; nous nous réjouissons du vote cet après-midi de la proposition de loi visant à renforcer la prévention des risques d’accidents liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitements de déchets.

Je tenais également à appeler votre attention sur l’effet de serre extrêmement puissant de ce produit, mais notre collègue Marion Canalès vient de le faire.

Nous aurions souhaité que ce produit soit strictement réservé aux professionnels, mais son usage demeure aujourd’hui utile dans certains secteurs, en particulier l’agroalimentaire. Mme la rapporteure se souvient que j’avais interrogé une personne que nous auditionnions sur la possibilité de remplacer ce produit par un autre, moins hilarant ; cette question était restée sans réponse, ce que je regrette.

Dans la situation actuelle, la prévention sous toutes ses formes doit être renforcée. Il est capital de sensibiliser la population sur les dangers d’un usage intensif et répété de ce produit, en ciblant plus particulièrement les collégiens, les lycéens et les étudiants. Tel est l’objectif de cette proposition de loi.

Il semble également souhaitable que soit imposée une mention explicite, sur les emballages concernés, des risques liés à la consommation détournée de ce produit. Il faut aussi orienter très rapidement les consommateurs réguliers vers des centres d’addictologie, pour une prise en charge précoce. Surtout – cela manque énormément –, il faut articuler la prise en charge par les services de neurologie, qui accueillent ces patients, avec la prévention secondaire, qui relève des centres d’addictologie.

En définitive, mes chers collègues, et en l’absence de solutions techniques permettant de remplacer ce produit et d’en interdire l’usage par le grand public, ce texte constitue une avancée nécessaire que nous soutenons sans réserve. Il faudra bien sûr impérativement assortir sa mise en œuvre d’une campagne de prévention et d’accompagnement des victimes de cette consommation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille.

Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir légiféré sur l’interdiction des dispositifs de vapotage à usage unique, c’est à présent sur un autre fléau de consommation des jeunes que nous nous attardons : les usages détournés du protoxyde d’azote.

Vous le savez, le protoxyde d’azote est à la fois un médicament dont l’utilisation est encadrée et un produit de consommation courante utilisé comme additif alimentaire et comme gaz de compression dans les aérosols, notamment pour préparer notre chère crème chantilly. (Sourires.)

Malheureusement, son usage est de plus en plus détourné par les adolescents et les jeunes adultes, qui l’utilisent à titre récréatif, compte tenu des propriétés hilarantes de ce gaz.

Risquer de mourir de rire à cause de cette pratique, cela n’a rien de drôle : nous devons au contraire nous alarmer des conséquences de cet usage, tant en matière de santé publique qu’eu égard aux nuisances qu’il entraîne dans l’espace public.

La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives avertit que les conséquences sur la santé peuvent être l’asphyxie, la perte de connaissance, des brûlures, mais aussi, en cas d’usage répété et/ou à forte dose, de sévères troubles neurologiques, hématologiques, psychiatriques et cardiaques.

Par ailleurs, les collectivités territoriales et nos élus locaux sont de plus en plus confrontés aux conséquences de cette consommation récréative, qui entraîne trop souvent des attroupements sur la voie publique et provoque des comportements agressifs.

L’abandon de bonbonnes et de bouteilles de protoxyde d’azote sur la voie publique pose aussi désormais un problème aigu de gestion des déchets. S’ensuit d’ailleurs un risque d’incendie dans les installations de collecte, de tri et de recyclage – nous en avons discuté plus tôt cet après-midi. Le protoxyde d’azote semble également avoir une responsabilité dans la survenue d’accidents de la route.

Si de nombreuses municipalités et préfectures ont pris des arrêtés pour interdire l’usage et la détention de protoxyde d’azote dans l’espace public, ces arrêtés se révèlent aujourd’hui insuffisants, car leur portée est limitée dans le temps et dans l’espace.

Dans ce contexte, ce texte de notre collègue Ahmed Laouedj, que je salue, et de ses collègues du RDSE vise à compléter la loi de 2021 pour mieux lutter contre le phénomène dont il est question.

La loi actuelle semble bien insuffisante face à la diversification de l’offre hors des circuits traditionnels, qui est assez difficile à contrôler, et à l’apparition de réseaux illicites structurés, qui complexifient le travail des autorités. Il nous faut donc considérablement renforcer l’arsenal des mesures qui sont à la disposition de ces dernières.

Nous soutenons bien sûr l’encadrement et les sanctions proposées à l’article 1er, qui prévoit la pénalisation de la consommation détournée de protoxyde d’azote. L’encadrement de la vente doit être renforcé via une déclaration administrative et une interdiction de vente la nuit, et il faut naturellement rendre plus dissuasives les peines applicables en cas de vente à un mineur.

Il convient évidemment aussi de sanctionner l’abandon des cartouches ou bonbonnes sur la voie publique, comme le demandent nos élus locaux.

Le texte initial prévoyait l’interdiction de la détention par les mineurs, mais une telle mesure risquait de contrevenir à la justice pénale des mineurs. Aussi soutenons-nous la position de la commission sur ce sujet.

L’article 2 prévoit une sensibilisation aux dangers liés aux usages détournés du protoxyde lors des séances de prévention des conduites addictives organisées dans le secondaire. Ce volet préventif est essentiel pour que nos jeunes soient sensibilisés au plus tôt aux risques encourus : amélioration de l’information quant aux effets immédiats et à long terme d’une consommation de ce produit, conseils formulés pour éviter les dangers, mobilisation de ressources pour un accompagnement médical et spécialisé.

Ces évolutions, recommandées par les professionnels de santé et très attendues par les élus locaux, vont dans le bon sens ; elles devraient faire leurs preuves sur le terrain et améliorer l’efficacité des actions engagées. Se pose néanmoins la question des moyens humains : nos forces de l’ordre sont déjà si sollicitées sur des sujets légitimement jugés plus importants !

En tout état de cause, avec ce texte qui marche sur deux jambes, répression et prévention, les parlementaires que nous sommes jouent leur juste rôle. Nous voterons donc naturellement cette proposition de loi telle qu’elle a été modifiée par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi quau banc des commissions. – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vertiges, chutes, hypoxies, convulsions, brûlures, complications neurologiques et neuromusculaires, complications cardiovasculaires et troubles psychiatriques, voire décès : en sus de sa dangerosité, attestée par la communauté scientifique et que tous les orateurs précédents ont rappelée, le protoxyde d’azote cause de nombreux troubles à l’ordre public, comportements agressifs, accidents, dépôts sauvages ; et c’est sans compter les risques d’explosion dans les usines de traitement ou d’incinération des déchets – nous venons justement d’en débattre.

Toutes ces raisons justifient que le législateur se penche à nouveau sur le sujet, quatre ans après l’adoption de la proposition de loi de Valérie Létard, appliquée tardivement et qui malheureusement ne suffit déjà plus, dans un contexte de forte augmentation de la consommation.

En effet, les centres d’addictovigilance déclarent une multiplication par quatre depuis 2020 des signalements ayant donné lieu à une prise en charge médicale.

Les 18-75 ans étaient 4,3 % à avoir déjà expérimenté ce produit en 2022, l’âge moyen étant de 25 ans, ce qui en dit long sur la jeunesse des consommateurs. La fugacité des effets du protoxyde d’azote, son accessibilité sur internet et son prix modéré en font un produit particulièrement attractif, notamment pour les jeunes. Les vendeurs ne lésinent d’ailleurs pas sur les moyens d’attirer et de fidéliser leurs clients, via de nombreux produits dérivés.

Les contenants jetés sur la voie publique sont également en nette augmentation ; de nombreuses collectivités, d’ailleurs, nous interpellent sur le sujet. Les réseaux d’importation et de revente illicites semblent s’être structurés sur le modèle des trafics de stupéfiants, ce qui laisse entrevoir une progression plus massive encore du phénomène dans les années à venir.

En mars 2023, l’Agence européenne des produits chimiques a classé le protoxyde d’azote comme produit toxique pour le système nerveux et la fertilité. La Commission européenne doit désormais confirmer cet avis et définir de nouvelles restrictions de vente – nous attendons qu’elle se prononce en ce sens.

Notre groupe a jugé nécessaire d’engager dès aujourd’hui la mise en œuvre en France de mesures renforcées : la loi doit devancer et non courir derrière un phénomène déjà difficile à contrôler. Je prends l’exemple de la soumission chimique, que je connais particulièrement bien : il a fallu attendre l’affaire Pelicot pour que les autorités et les laboratoires se mobilisent en vue de limiter le détournement de médicaments à des fins d’agression. N’attendons donc pas une multiplication des drames avant d’agir !

L’Assemblée nationale a fait le même constat d’urgence et adopté au mois de janvier, pour sa part, une proposition de loi visant à interdire totalement la vente aux particuliers ; certains groupes défendront d’ailleurs cette position dans l’hémicycle.

Nous proposons de notre côté des mesures alternatives et de bon sens, à propos desquelles notre rapporteure Maryse Carrère, par ailleurs présidente de notre groupe, a utilement complété le travail de notre collègue Ahmed Laouedj, que je salue pour son initiative.

Sur l’indispensable volet préventif, ce texte renforce la sensibilisation aux usages détournés du protoxyde d’azote dans les collèges et lycées ; c’est un point essentiel.

Pour réduire l’accessibilité à ces produits, nous proposons d’en interdire la vente entre vingt-deux heures et huit heures et d’obliger les commerces et sites de vente en ligne à se déclarer administrativement.

En matière de prévention, enfin, nous renforçons et élargissons les sanctions déjà prévues : création d’une contravention de 450 euros pour usage détourné ; sanction fixée à 7 500 euros d’amende et fermeture administrative du débit de boissons ou de tabac concerné en cas de vente à un mineur ; ajout d’une peine d’un an d’emprisonnement à l’amende de 15 000 euros encourue en cas d’incitation d’un mineur à la consommation ; amende de 100 000 euros pour non-respect des quantités maximales de vente aux particuliers. Les dépôts sauvages ne sont pas oubliés, une amende spécifique de 1 500 euros étant créée en cas de dépôt sur la voie publique de tout contenant de protoxyde d’azote.

Voilà l’objet de ce texte, étant entendu que l’effort de prévention reste essentiel : il s’agit, sans aller jusqu’à un classement comme stupéfiant et à une interdiction totale, de confirmer la dangerosité du protoxyde d’azote et de donner aux forces de l’ordre les moyens de lutter efficacement contre un phénomène de plus en plus inquiétant.

Nous espérons bien sûr le soutien du Sénat et de l’Assemblée nationale en vue d’une adoption définitive rapide ; ainsi remettrons-nous enfin à sa place, c’est-à-dire en cuisine et dans les hôpitaux, ce gaz qui n’a rien d’hilarant. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le protoxyde d’azote, que certains qualifient encore de « gaz hilarant », a cessé de faire rire. Par-delà son apparente innocuité, il est devenu un poison du quotidien, une menace silencieuse pour notre jeunesse.

En quelques années, ce gaz initialement destiné à un usage médical, industriel et alimentaire est devenu une substance récréative et son usage donne désormais lieu à une crise de santé publique.

Il était donc urgent d’agir. Dans la continuité de la loi dont Valérie Létard avait été à l’initiative en 2021, ce texte constitue une nouvelle avancée nécessaire et bienvenue, après l’adoption, ce jour, de la proposition de loi de nos collègues Jean-François Longeot et Cyril Pellevat visant à renforcer la prévention des risques d’accidents liés aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d’azote dans les installations de traitement de déchets.

Si le cadre actuel protège essentiellement les mineurs, il fallait s’attarder plus particulièrement sur le cas des 18-24 ans, qui, en 2022, représentaient 61 % des consommateurs. Aussi, je tiens à remercier Ahmed Laouedj, qui a déposé cette proposition de loi, ainsi que notre rapporteure, Maryse Carrère, dont le travail rigoureux a permis d’affiner le dispositif.

En effet, ce gaz n’est pas anodin, la liste des risques sanitaires liés à son usage détourné étant accablante. En quelques secondes, il provoque une euphorie brève, mais intense, une sensation d’ivresse immédiate qui masque des conséquences potentiellement dramatiques. Le rire d’un instant peut être le prélude à un désastre neurologique et cardiovasculaire et se transformer en souffrance de toute une vie.

Le protoxyde d’azote entraîne des carences en vitamine B12, laquelle est essentielle au bon fonctionnement du système nerveux ; il agit directement sur la moelle épinière et provoque des troubles moteurs sévères, des pertes de sensibilité et, dans les cas extrêmes, une paralysie – mes collègues l’ont déjà rappelé, comme M. le ministre. Il perturbe également le système cardiovasculaire, entraînant arythmies et malaises cardiaques.

Les chiffres sont glaçants : en 2023, 314 cas graves ont été enregistrés, contre 84 en 2020, soit une multiplication par près de quatre en trois ans. En 2021, 80 % des cas graves avaient trait à des complications neurologiques, et 47 % des signalements mentionnaient une consommation quotidienne.

Cette crise sanitaire a un coût pour notre système de santé. Derrière une consommation qui peut sembler anodine, les complications liées à l’usage détourné du protoxyde d’azote mobilisent des ressources médicales : consultations neurologiques, examens spécialisés, prises en charge en rééducation. Un patient souffrant de complications sévères peut nécessiter plusieurs mois de suivi. Cette prise en charge pèse sur l’assurance maladie. Or, comme souvent en matière de santé publique, prévenir coûte moins cher que guérir.

Il est donc impératif d’accompagner ce texte d’un renforcement des actions de prévention, notamment auprès des jeunes, car la consommation de protoxyde d’azote s’est largement diffusée via les réseaux sociaux, YouTube, TikTok, Instagram, autant de plateformes sur lesquelles circulent des vidéos banalisant cette pratique, voire la glorifiant. Des défis, des vidéos virales, des influenceurs irresponsables : l’hyperconnexion des jeunes accélère la diffusion de ces comportements à risque.

Je salue les campagnes de sensibilisation déployées sur les réseaux sociaux, sur le même modèle que celles qui ont été menées contre le tabac ou les drogues dures. L’éducation est notre première arme face à ce fléau.

Mais, au-delà des questions de santé publique, il importe aussi d’observer que ce phénomène a envahi l’espace public. Il suffit de se promener dans certaines grandes villes pour le constater : capsules abandonnées sur les trottoirs, bouteilles entassées dans les parcs, nuisances sonores liées aux attroupements nocturnes. Nous faisons face non seulement à un problème sanitaire, mais aussi à un problème de vivre-ensemble.

Comme souvent, les collectivités sont en première ligne face à cette dérive. En 2023, Saint-Ouen a ramassé plus de 2 000 bouteilles, tandis que la ville de Lyon a collecté 7 tonnes de bonbonnes de gaz. Les maires multiplient les arrêtés pour tenter d’endiguer le phénomène, mais ces mesures restent limitées dans le temps et dans l’espace.

Les collectivités, la police et la justice ont besoin d’un cadre juridique renforcé, car elles peinent aujourd’hui à matérialiser les infractions ; du reste, certaines infractions ne sont sanctionnées d’aucune peine. Le présent texte mettra à leur disposition des outils renforcés pour sanctionner, d’une part, les usages détournés du protoxyde d’azote et, d’autre part, le dépôt ou l’abandon sur la voie publique des contenants.

Ces mesures sont d’autant plus indispensables qu’autour de ces ballons de gaz prospère un véritable marché parallèle. Des réseaux organisés se structurent, orchestrant une distribution de plus en plus massive et lucrative. Il est possible aujourd’hui de commander des bonbonnes de plusieurs litres en quelques clics, sans aucun contrôle. Les importations massives de contenants non réglementaires se font en particulier en provenance des Pays-Bas, de Belgique et de Pologne.

En 2024, 30 tonnes ont été saisies en Île-de-France ; en 2023, 21 tonnes à Vénissieux ; en 2022, 14 tonnes en Seine-et-Marne. Cette proposition de loi vise justement à mettre un coup d’arrêt à cette économie souterraine en renforçant les sanctions encourues en cas de vente illicite et en limitant l’accès à ces produits. Nous ne saurions laisser la santé publique être sacrifiée sur l’autel du profit facile.

Toutefois, nous devons garder à l’esprit un équilibre fondamental : protéger sans interdire abusivement. En effet, si l’interdiction totale peut sembler séduisante, elle a son lot d’effets pervers : je ne citerai que le secteur médical, qui utilise ce gaz pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques.

Doit-on priver de liberté une majorité pour protéger une minorité de ses propres excès ? Doit-on interdire la vente de crème chantilly sous prétexte que certains détournent les recharges de gaz ? Ceux qui prônent une interdiction totale sont les mêmes qui, le mythe d’Icare leur étant conté, voudraient interdire à tous la cire et les plumes pour éviter qu’un seul ne se brûle les ailes !

Aussi ce texte repose-t-il sur une régulation intelligente plutôt que sur une interdiction aveugle et inefficace.

Mes chers collègues, nous avons aujourd’hui l’occasion de voter un texte équilibré, pragmatique et indispensable : un texte, j’y insiste, qui protège sans interdire aveuglément, un texte qui permet d’anticiper au lieu de subir.

C’est pourquoi notre groupe votera cette proposition de loi ; nous le devons à nos jeunes, à nos collectivités, à notre système de santé. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’usage récréatif du protoxyde d’azote remonte au XVIIIe siècle et s’est déployé dans les soirées étudiantes avant de toucher l’espace public, en particulier dans l’agglomération de Lille ; depuis trois ans, il s’est généralisé à l’ensemble du territoire.

Loin de sa réputation inoffensive, le protoxyde d’azote est pour l’organisme humain un gaz toxique, dont nous ne mesurons pas encore l’ensemble des conséquences sur le long terme. Selon l’enquête publiée par Santé publique France au mois d’octobre 2023, plus de 10 % des jeunes de 18 à 24 ans ont déjà consommé du protoxyde d’azote. De plus, la consommation progresse dans notre pays et touche un public parfois très jeune.

De nombreux élus, et en particulier des maires, se sont tournés vers nous et se disent désemparés face à ce véritable fléau. Il importe de les accompagner dans la lutte contre l’usage dangereux du protoxyde d’azote.

La loi de 2021 a été une première étape, mais force est de constater qu’elle n’a pas suffi. Si elle a contribué à la prévention en obligeant les industriels à mentionner les dangers d’un usage détourné du produit, des sites internet continuent de vendre librement des bonbonnes toujours plus grandes et à faire légalement, sur les réseaux sociaux, de la publicité à l’intention des plus jeunes.

La proposition de loi présentée par nos collègues du groupe du RDSE vise donc à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote. Nous saluons cette initiative, mais nous avons des remarques à formuler sur ce texte.

Pour ce qui concerne le choix du véhicule législatif, nos collègues auraient pu utiliser la proposition de loi transpartisane cosignée par une centaine de députés et adoptée le 29 janvier dernier sur le même sujet. Nous aurions ainsi pu prolonger la navette parlementaire et espérer une issue rapide, au lieu de quoi le présent texte ajoute une étape au long parcours des initiatives parlementaires et se révèle peu compatible, de surcroît, avec le texte voté à l’Assemblée nationale.

Sur le fond, je tiens à saluer les modifications apportées par notre collègue rapporteure : elle a en particulier supprimé des dispositions répressives qui n’étaient pas adaptées à l’usage détourné du protoxyde d’azote, ce produit n’étant pas assimilé à un stupéfiant.

Nous regrettons toutefois que le texte maintienne la sanction de l’usage détourné de protoxyde d’azote, qui était puni, dans le texte initial, d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Une telle sanction nous paraît disproportionnée, mais surtout inefficace, pour endiguer un problème dont la résolution passe, selon nous, par une véritable politique de prévention en santé publique et de réduction des risques auprès des jeunes.

L’article 2 y pourvoit, mais trop partiellement. Le Gouvernement devrait s’engager à conduire auprès des jeunes une campagne de prévention nationale sur les risques du protoxyde d’azote, sur le modèle de ce qu’ont fait – vous l’avez noté, monsieur le ministre – les agences régionales de santé des Hauts-de-France et d’Île-de-France en 2023.

Ce gaz hilarant est dangereux et nous devons aller plus loin en interdisant sa vente en ligne aux particuliers.

La lutte contre l’usage détourné du protoxyde d’azote nécessite, je le redis, que soit menée auprès des jeunes une véritable politique de prévention. C’est là l’élément primordial qui manque dans ce texte, ses auteurs ayant choisi de renforcer l’arsenal répressif sans s’attaquer véritablement à la circulation du produit chez les jeunes.

Pour ces raisons, et en l’état du texte, le groupe CRCE-K s’abstiendra sur cette proposition de loi.

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote

Article 1er

I. – La troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :

1° L’article L. 3611-1 est ainsi modifié :

a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’usage détourné de protoxyde d’azote pour en obtenir des effets psychoactifs est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;

b) Après le mot : « puni », sont insérés les mots : « d’un an d’emprisonnement et » ;

2° L’article L. 3611-2 est ainsi modifié :

a) Les mots : « de chaque produit mentionné à l’article L. 3611-1 » sont remplacés par les mots : « de produits pouvant faire l’objet d’un usage détourné pour en obtenir des effets psychoactifs » et les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

b) (Supprimé)

c) (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le non-respect des dispositions prises en application du premier alinéa du présent article est puni de 100 000 euros d’amende. » ;

3° L’article L. 3611-3 est ainsi modifié :

a à d) (Supprimés)

e) Au dernier alinéa, le montant : « 3 750 € » est remplacé par le montant : « 7 500 euros » ;

f) (nouveau) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas de violation de l’interdiction mentionnée au deuxième alinéa du présent article, le débit de boissons ou de tabac peut faire l’objet d’un arrêté de fermeture administrative d’une durée n’excédant pas six mois pris par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police.

« Le fait de ne pas se conformer à une mesure de fermeture ordonnée ou prononcée en application de l’avant-dernier alinéa est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. » ;

3° bis (nouveau) Le chapitre unique du titre Ier du livre VI est complété par un article L. 3611-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3611-3-1. – Tout commerce souhaitant vendre du protoxyde d’azote aux particuliers est tenu de réaliser, quinze jours au moins à l’avance et par écrit, une déclaration administrative auprès de la mairie ou, à Paris, auprès de la préfecture de police. Il en est donné immédiatement récépissé. Dans les trois jours suivant la déclaration, le maire de la commune où elle a été faite en transmet copie intégrale au représentant de l’État dans le département.

« Pour les sites de commerce électronique, la déclaration est réalisée auprès de la préfecture de police de Paris.

« Les mentions figurant sur la déclaration mentionnée au premier alinéa sont définies par décret.

« La déclaration est valable dix ans.

« La vente aux particuliers de protoxyde d’azote est interdite entre 22 heures et 8 heures.

« La vente aux particuliers de protoxyde d’azote sans avoir réalisé la déclaration mentionnée au premier alinéa ou pendant les heures où cette vente est interdite est punie de 3 750 euros d’amende.

« L’article ne s’applique pas à la vente de protoxyde d’azote en tant que médicament. » ;

4° Le même chapitre unique est complété par un article L. 3611-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 3611-4. – Le dépôt ou l’abandon sur la voie publique de cartouches d’aluminium, bonbonnes et bouteilles contenant ou ayant contenu du protoxyde d’azote ou de tout autre récipient sous pression contenant ou ayant contenu du protoxyde d’azote est puni de 1 500 euros d’amende. » ;

5° (nouveau) Le chapitre unique du titre II du livre VI est complété par un article L. 3621-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 3621-2. – Les centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance, qui participent à l’accomplissement des missions mentionnées au 2° de l’article L. 5311-2, contribuent à l’information et à la formation des professionnels de santé concernant les usages détournés et dangereux du protoxyde d’azote. » ;

6° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 3631-1, les deux occurrences de la référence : « L. 3611-3 » sont remplacées par la référence : « L. 3611-4 » ;

7° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 3631-2, les mots : « aux articles L. 3611-2 et L. 3611-3 » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l’article L. 3611-1 et aux articles L. 3611-2 à L. 3611-4 » ;

8° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 3823-6, la référence : « L. 3611-3 » est remplacée par la référence : « L. 3611-4 ».

II (nouveau). – Pour l’application du premier alinéa de l’article L. 3611-3-1 du code de la santé publique, les commerces réalisant des ventes de protoxyde d’azote aux particuliers à la date de publication du décret mentionné au troisième alinéa du même article L. 3611-3-1 sont tenus de réaliser la déclaration dans les six mois suivant la publication de ce décret.

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Je serai claire et concise : nous demandons, par cet amendement, que l’usage du protoxyde d’azote ne soit pas pénalisé.

Pourquoi ?

Premièrement, l’approche répressive ne fonctionne pas. Nous sommes à la fois, en matière d’usage de drogue, le pays le plus répressif d’Europe et le premier consommateur.

Deuxièmement, une telle pénalisation détournerait les forces de police de missions plus cruciales. On l’a vu dans les villes où, parce que des arrêtés ont été pris, les policiers agissent en ce domaine : non seulement ils n’arrivent pas, les pauvres, à endiguer ce phénomène, mais, de surcroît, les actions qu’ils mènent dans ce cadre les empêchent d’être sur d’autres terrains, en particulier celui du trafic.

Troisièmement, la priorité donnée à la prévention et à la réduction des risques produit toujours des réussites de santé publique. On le voit au Portugal ; on le mesure aussi en France, par contraste.

Ce texte relève enfin, à notre sens, d’une approche contradictoire. En 2021, plus de 100 millions de cartouches de protoxyde d’azote ont été vendues en France. Si le danger est avéré, pourquoi maintenir une vente partielle et encadrée plutôt que réserver une telle vente aux professionnels ?

Au total, le dispositif proposé est complexe et inefficace, étant entendu que la loi de 2021 n’a pas fonctionné. C’est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de supprimer la pénalisation de l’usage détourné de protoxyde d’azote, mesure inefficace – j’y insiste – en termes de santé publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Maryse Carrère, rapporteure. L’une des dispositions majeures de ce texte est incontestablement la création d’une infraction spécifique d’usage détourné du protoxyde d’azote.

L’objectif est à la fois d’agir directement auprès des consommateurs, qui doivent être interpellés et responsabilisés quant à ces détournements d’usage, et de faciliter le contrôle de ces mésusages pour mieux les circonscrire.

Pour éviter toute surcharge du système judiciaire et pour permettre un traitement simplifié et accéléré des infractions, la commission a transformé la sanction en contravention – je rappelle que le texte initial prévoyait une peine d’emprisonnement associée à une amende.

Pour autant, il n’est pas juste de dire que, cette infraction étant créée, le texte se situerait dans une optique strictement répressive. Au contraire, le travail de la commission a précisément consisté à équilibrer le texte en adaptant le niveau de sanction, rétrogradé par rapport au texte initial, et en renforçant le volet relatif à la prévention, qui n’a pas été oublié.

L’accompagnement des consommateurs via une offre de soins adaptée est une nécessité et cette offre se structure progressivement. Les associations, de leur côté, accomplissent un important travail de réduction des risques, qui doit être soutenu.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Madame la sénatrice, le Gouvernement est très défavorable à votre amendement : je ne partage en aucune manière les arguments que vous avez évoqués et je souscris aux explications de Mme la rapporteure.

Vous avez dit que, médicalement parlant, ce phénomène n’était pas de toute première importance et nuancé le constat de son développement. Or on recense tout de même près de dix décès par an liés à la consommation de protoxyde d’azote, dont les effets sur la santé sont majeurs.

Ce serait vraiment un mauvais signal envoyé à notre jeunesse que de n’assortir d’aucune sanction l’usage détourné de protoxyde d’azote. Nous nous attelons à la graduation des peines prévues dans le texte de la désormais ministre Valérie Létard. Nous irons peut-être jusqu’à l’interdiction totale de ce produit : je ne sais pas où nous mènera cette réflexion. En tout état de cause, c’est un mauvais signal que nous enverrions en renonçant à cette pénalisation de l’usage détourné.

Je le répète, nous devons être particulièrement attentifs aux messages que nous adressons à notre jeunesse, sans pour autant la stigmatiser.

Le problème se pose de façon assez similaire pour la légalisation du cannabis. Tous les pays qui ont décidé de mettre en œuvre une telle mesure ont constaté qu’elle constituait une voie de passage vers des drogues bien plus dures, des conduites à risque et des formes accrues de dépendance.

La plupart des addictologues le disent, même si certains ont un point de vue différent, bien entendu. De manière générale, les expériences menées outre-Atlantique montrent que la dépénalisation ou la légalisation de ces produits ont donné lieu à une augmentation de la dépendance à ces drogues, ainsi que du nombre de passages vers des drogues dures.

Comme ministre et en tant que médecin, je ne puis qu’être défavorable à une telle mesure.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Mme la rapporteure a fait un pas en acceptant de réduire fortement le montant de la sanction, qui était bien plus important au départ.

Ce dispositif nous interroge plus largement sur la gestion des flux liés aux amendes forfaitaires. Il en est d’ailleurs de même pour le cannabis, que vous avez évoqué, monsieur le ministre.

Cette logique de flux apparaît désormais comme le principal sujet de préoccupation, tandis qu’il n’est plus question des orientations sanitaires et sociales introduites par la circulaire de 1999, des injonctions thérapeutiques ou des travaux d’intérêt général. Pourtant, au-delà des enjeux de santé publique, certains usages problématiques du protoxyde d’azote créent des contraintes pour les collectivités. Il faudrait donc également parler des questions relatives à la responsabilité.

Il manque une réflexion autour de la sanction, prise dans toutes ses dimensions – judiciaire et pénale, certes, mais aussi médico-sociale et sanitaire. D’ailleurs, les maires procèdent à des rappels à l’ordre, accueillent les usagers en mairie et les dirigent vers des associations. Autrement dit, ils font précisément ce que nous avons cessé de faire, par manque de moyens, notamment pour les usagers du cannabis.

Or la réponse qui est proposée ici ne le permettra pas davantage. Nous devrions donc repenser plus globalement la sanction en matière d’usage de drogues ou de produits faisant office de psychotropes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, il nous reste environ une demi-heure pour achever l’examen de ce texte. Je vous invite donc à faire preuve de concision dans vos interventions.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 6, présenté par Mme Canalès, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin et Poumirol, M. Fichet, Mmes Conconne et Féret, M. Jomier, Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 11

Insérer huit alinéas ainsi rédigés :

…) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– Après le mot : « vendre », sont insérés les mots : « , d’importer » ;

– Les mots : « à un mineur » sont supprimés ;

…) La deuxième et la dernière phrase du premier alinéa sont supprimées ;

…) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette interdiction est valable dans l’ensemble des lieux publics, commerces et en ligne. » ;

…) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Par dérogation aux interdictions prévues au premier alinéa, peut être autorisée la vente de protoxyde d’azote à certaines catégories de professionnels énumérées par décret. Ce décret précise également quels sont les circuits de distribution autorisés pour la vente à ces professionnels. Il prévoit des modalités de surveillance et de suivi obligatoires garantissant la traçabilité des volumes de protoxyde d’azote commercialisés dans ce cadre. » ;

II. – Alinéa 15

Remplacer les mots :

débit de boissons ou de tabac

par le mot :

commerce

III. – Alinéas 17 à 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Cet amendement vise à interdire la vente de protoxyde d’azote aux particuliers.

Les intentions des auteurs de cette proposition de loi sont louables, mais le dispositif revu par Mme la rapporteure semble très complexe : il s’agit d’accompagner et d’encadrer la vente, mais aussi de l’interdire entre vingt-deux heures et huit heures du matin, notamment. Or tout cela devra être contrôlé par les polices municipales et nationales, ce qui impliquera notamment l’intervention des collectivités.

Au total, on a complexifié un dispositif qui était au départ assez simple et qui a été voté par une très large majorité à l’Assemblée nationale, sur une base transpartisane, chaque groupe politique s’exprimant en faveur de cette interdiction totale.

L’interdiction pure et simple de vente aux particuliers n’empêcherait pas les usages médicaux et professionnels. Elle serait de nature à simplifier le droit. Enfin, elle ferait écho à tous les arrêtés visant à interdire la consommation et la vente de protoxyde d’azote qui ont été pris par des collectivités, comme Saint-Ouen, Marseille, Montpellier ou encore Dijon.

M. le président. L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mmes Souyris et Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase du premier alinéa, le mot : « mineur » est remplacé par le mot : « particulier » ;

La parole est à Mme Anne Souyris.

Mme Anne Souyris. Cet amendement vise à interdire la vente de protoxyde d’azote aux particuliers.

Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, ce produit soulève un problème de santé publique. Ses effets sont graves et croissants. D’ailleurs, les hôpitaux rapportent une explosion des atteintes neurologiques sévères en 2022. Le protoxyde d’azote serait ainsi à l’origine de 90 % des cas d’intoxication des jeunes de 16 à 24 ans.

Autre constat, l’interdiction actuelle est inefficace – je n’y reviendrai pas. Nous proposons donc une solution simple et utile : l’interdiction de la vente aux particuliers. Cette mesure permettrait de réduire fortement l’accès au produit, alors que, aujourd’hui, plus de 50 % des grandes surfaces et des sites de vente en ligne le proposent toujours.

Cette interdiction contribuerait à améliorer la protection de la santé publique. En limitant l’accès aux professionnels, nous réduirions l’exposition des jeunes et la banalisation du produit.

Vous parliez tout à l’heure de signal, monsieur le ministre. Le signal, c’est que l’Irlande et les Pays-Bas, qui ont récemment adopté cette mesure, ont constaté une baisse de 30 % des intoxications en un an !

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Grand, Rochette et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Wattebled, Capus et Brault, Mmes Bourcier et Lermytte, MM. Malhuret et H. Leroy, Mme Jacquemet, MM. Buis, Sol, Levi et Milon, Mme Belrhiti, M. Maurey, Mme F. Gerbaud, M. Belin, Mme Carrère-Gée, MM. Pillefer et Nougein, Mme Perrot et M. Chatillon, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 12

Rétablir les a à c dans la rédaction suivante :

a) Au début, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« La vente aux particuliers du protoxyde d’azote est réservée aux professionnels disposant d’un agrément délivré conjointement par le ministre de l’intérieur et le ministre en charge de la santé. Peuvent obtenir l’agrément les professionnels ayant suivi avec succès une formation adaptée sur les dangers liés à l’usage détourné du protoxyde d’azote.

« La vente du protoxyde d’azote aux particuliers est interdite entre 22 heures et 5 heures. Le contenant est soumis à un système de consigne et présente des caractéristiques garantissant la traçabilité des ventes. » ;

b) À la dernière phrase du premier alinéa, après le mot : « électronique », sont insérés les mots : « titulaires de l’agrément prévu au premier alinéa » ;

c) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités d’application du présent article, notamment les modalités de délivrance de l’agrément prévu au premier alinéa et les caractéristiques des contenants prévues au deuxième alinéa, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

II. – Alinéas 17 à 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Il s’agit de transformer le système déclaratif appliqué aux professionnels qui vendent le protoxyde d’azote en un système d’agrément, de façon à garantir une meilleure sécurité et une plus grande traçabilité, puisque les vendeurs seraient choisis.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Pillefer et Longeot, Mmes Billon, Jacquemet et Devésa, M. Levi, Mme Saint-Pé, M. Duffourg, Mme Sollogoub, M. P. Martin, Mme Guidez et M. Courtial, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Au troisième alinéa, le mot : « et » est remplacé par le signe : « , » et après le mot : « distribuer », sont insérés les mots : « , de détenir ou de transporter » ;

II. – Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par exception, le fait de détenir ou de transporter tout produit mentionné au troisième alinéa du présent article est puni de 3750 euros d’amende. » ;

La parole est à M. Bernard Pillefer.

M. Bernard Pillefer. Le protoxyde d’azote, initialement utilisé en cuisine, est de plus en plus détourné à des fins psychoactives. Il est extrait de son contenant d’origine avec des crackers, des dispositifs spécialement conçus pour libérer le gaz et en exploiter les effets.

Pour lutter contre cet usage détourné, la loi de 2021 interdit la vente et la production de ces produits.

Madame la rapporteure, en commission, vous avez renforcé la sanction prévue par la loi, en doublant le montant de l’amende. En complément de cette mesure, cet amendement vise à instaurer une nouvelle infraction sanctionnant la détention et le transport de crackers. En effet, nulle personne détenant un cracker ne pourra se défendre qu’elle entend en faire un usage légal.

Je le rappelle, Mme Létard et le groupe Union Centriste avaient déposé une proposition de loi ayant le même objet, qui s’appuyait sur un rehaussement de l’amende. Cet amendement tend à s’inscrire dans cette logique.

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme M. Carrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 18, première phrase

1° Remplacer les mots :

de la mairie

par les mots :

du maire de la commune concernée

2° Remplacer les mots :

de la préfecture

par les mots :

du préfet

II. – Alinéa 23

Remplacer les mots :

pendant les heures où cette vente est interdite

par les mots :

en dehors des heures autorisées

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. L’amendement n° 11 est un amendement rédactionnel.

Les amendements nos 6 et 10 rectifié tendent à s’aligner sur la proposition de loi adoptée le 29 janvier dernier à l’Assemblée nationale. Or l’auteur de la proposition de loi que nous examinons n’a pas fait le choix de l’interdiction de la vente du protoxyde d’azote, pas plus que la commission, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le protoxyde d’azote est un produit de consommation courante, qui est employé non seulement dans le secteur alimentaire, où il est encadré par une réglementation européenne spécifique, mais aussi dans l’industrie automobile, la photographie ou l’horlogerie. Or, pour l’heure, il n’existe pas de substitut pour ces applications, et nous ne pouvons pas nous passer du protoxyde d’azote pour ces usages.

En outre, l’interdiction de vente aux particuliers ne réglera pas le problème des mésusages, qui sont largement alimentés par les marchés parallèles et les trafics émergents. Au contraire, une interdiction totale pourrait même les favoriser davantage. C’est à ces trafics qu’il faut s’attaquer directement, et non à la vente aux particuliers.

Par ailleurs, concernant les ventes de bonbonnes et de bouteilles, qui sont prohibées depuis janvier 2024, nous proposons justement de créer une sanction spécifique en cas de non-respect des formats des contenants, avec une amende d’un montant tout à fait dissuasif de 100 000 euros. Telle est l’orientation que nous avons privilégiée.

Enfin, l’interdiction d’importation serait problématique, puisque nous devons pouvoir nous fournir en protoxyde d’azote pour un usage médical.

C’est pour ces raisons que la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

L’amendement n° 2 rectifié bis vise quant à lui à rétablir les alinéas qui figuraient dans la version initiale du texte et que la commission a supprimés.

Nous avons privilégié un dispositif de déclaration administrative, plutôt qu’un régime d’agrément. En effet, le système d’agrément risquerait de pénaliser les circuits de vente légaux de protoxyde d’azote, notamment les acteurs de la grande distribution. Ceux-ci nous ont avoué qu’ils préféreraient délaisser cette vente, plutôt que de s’engager dans un dispositif d’agrément.

C’est en ce sens que s’est exprimée la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) lors de son audition. Le protoxyde d’azote ne représente en effet qu’une part très marginale de leurs ventes. La mise en œuvre d’un système d’agrément pourrait même se révéler contre-productive et alimenter des trafics illégaux.

L’enjeu porte aujourd’hui principalement sur la capacité des autorités à contrôler les achats et les ventes sur internet. C’est sur ce point qu’il faudrait concentrer nos efforts.

Par ailleurs, le texte de la commission a étendu les horaires d’interdiction de vente la nuit, de vingt-deux heures à huit heures, plutôt que jusqu’à cinq heures, de façon à les aligner sur les interdictions de vente de boisson.

L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 1 rectifié, le développement d’un marché parallèle de vente de protoxyde d’azote s’est accompagné d’une diversification de l’offre, qui ne concerne pas seulement le format des contenants.

Si les bonbonnes et les bouteilles constituent désormais l’essentiel des produits vendus sur internet, il existe également des produits que l’on pourrait qualifier d’accessoires, notamment les crackers. Ces dispositifs permettent de percer les siphons de chantilly pour faciliter l’extraction du gaz qu’ils contiennent et transférer celui-ci dans un ballon.

La vente de ces dispositifs est totalement prohibée depuis 2021, mais on peut encore s’en procurer sur internet ou via des applications comme Snapchat. Compléter la loi pour accompagner l’interdiction de leur vente d’une prohibition de détention et de transport apparaît pertinent. Ce serait, en outre, facile à contrôler.

Sanctionner la détention ou le transport de ces dispositifs d’une amende moindre que la vente ou la distribution me semble également justifié. Le montant est suffisamment dissuasif pour les particuliers qui seraient directement visés par cette amende, alors que l’action de vendre ou de redistribuer vise davantage des réseaux structurés, qui s’exposeraient à une amende d’un montant deux fois plus élevé.

C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Je ne tiens pas à relancer le débat, car le temps de notre discussion est limité. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez cité des études montrant que la légalisation du cannabis n’avait pas entraîné de surconsommation. Mais d’autres études, menées notamment au Canada et dans certains États des États-Unis, ont révélé que, au contraire, l’interdiction s’était accompagnée d’une augmentation de la consommation.

En ce qui concerne ces amendements, je m’efforce d’être cohérent avec les avis que j’ai émis à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à interdire la vente du protoxyde d’azote, à laquelle le Gouvernement était favorable.

Par souci de cohérence, donc, j’émets un avis de sagesse sur les amendements nos 6, 10 rectifié et 2 rectifié bis.

Par ailleurs, je suis favorable à l’amendement n° 1 rectifié, qui vise à interdire la détention et le transport de crackers, ainsi que sur l’amendement n° 11 de coordination de Mme la rapporteure.

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour explication de vote.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir émis un avis de sagesse sur les amendements visant l’interdiction du protoxyde d’azote. Je tiens donc surtout à m’adresser à mes collègues sur la question de la prévention.

Mes chers collègues, comment pouvez-vous imaginer convaincre des jeunes, notamment, que ce produit est dangereux et toxique, s’il est possible de se le procurer très facilement, notamment sur Internet ? Ce n’est évidemment pas dans une supérette, où la vente de ces produits est interdite à partir de minuit, qu’ils cherchent à les acheter ! Ils peuvent tout simplement les commander, et ce à n’importe quelle heure.

L’interdiction est bien plus cohérente. Peut-être cette mesure n’est-elle pas totalement efficace, mais elle est au moins logique. Pour les jeunes, si ce n’est pas interdit, c’est que c’est possible ! Certes, il y a un risque d’amende, mais encore faut-il se faire prendre…

Les élus locaux le disent : c’est un phénomène qu’ils n’arrivent pas à endiguer. C’est pour cette raison que plusieurs d’entre eux ont publié des arrêtés d’interdiction provisoires. Nous devons les soutenir.

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour explication de vote.

M. Ahmed Laouedj. Madame la rapporteure, je vous invite à vous rendre en Seine-Saint-Denis, où beaucoup de jeunes consomment ce gaz hilarant, pour observer comment les choses se passent réellement.

Cette proposition de loi vise également à donner à la police, lorsqu’elle arrête des détenteurs de bonbonnes, les moyens de réagir, car, pour l’heure, il n’est pas possible de les sanctionner par une amende. En effet, contrairement à celle de cannabis ou de cocaïne, la consommation de gaz hilarant ne peut être avérée par un test.

La sanction est donc nécessaire. Bien entendu, je suis favorable de même au renforcement de la prévention. C’est d’ailleurs ce que prévoit également la proposition de loi.

Enfin, l’interdiction d’achat de protoxyde d’azote à tous les particuliers pourrait être mal perçue par ceux qui l’utilisent tout simplement pour faire de la chantilly.

Mme Silvana Silvani. Voyons, ce n’est pas sérieux !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 214 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 98
Contre 243

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme M. Carrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 30

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À l’article L. 3823-4, après les mots « Wallis et Futuna » sont insérés les mots « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote » ;

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1 est adopté.)

Article 2

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° (nouveau) Le 5° du II de l’article L. 121-4-1 est ainsi modifié :

a) La seconde occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : « , » ;

b) Après le mot : « soins », sont insérés les mots : « ou des conduites addictives » ;

2° L’article L. 312-18 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « cannabis », sont insérés les mots : « ainsi que sur les dangers liés aux usages détournés de produits de consommation courante, dont le protoxyde d’azote » ;

b) (nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent être réalisées en coordination avec les services de l’État compétents en matière de lutte contre les drogues et les conduites addictives. »

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mme M. Carrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° La dix-septième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article L. 165-1 est ainsi rédigée :

« 

L. 121-4-1, 1er à 4e alinéas et 6e à 13e alinéas

Résultant de la loi n° … du … visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote

 » ;

II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° La vingt-huitième ligne du tableau du second alinéa du I de l’article L. 375-1 est ainsi rédigée :

« 

L. 312-18

Résultant de la loi n° … du … visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote

 ».

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Maryse Carrère, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique visant à appliquer les nouvelles dispositions aux îles de Wallis-et-Futuna.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Canalès, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin et Poumirol, M. Fichet, Mmes Conconne et Féret, M. Jomier, Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…°Après le premier alinéa de l’article L. 312-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cet enseignement comprend une sensibilisation liée aux risques routiers de l’usage détourné de protoxyde d’azote pour en obtenir des effets psychoactifs. » ;

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Cet amendement a pour objet d’introduire des mesures de sensibilisation dans le cadre de la sécurité routière.

On le sait, un très grand nombre d’accidents de la route sont dus à la consommation de protoxyde d’azote.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Maryse Carrère, rapporteure. Mes chers collègues, si je comprends bien votre intention, je ne serai pas favorable à votre amendement. Vous proposez en effet de compléter l’enseignement du code de la route à l’école par une sensibilisation au risque routier lié à l’usage détourné du protoxyde. Or ces dispositions seraient redondantes avec celle de l’alinéa 6, qui prévoit déjà une sensibilisation générale à ces risques dans les enseignements relatifs aux toxicomanies.

L’insertion de ces dispositions dans le code de l’éducation semble par ailleurs difficilement adaptée. Si la consommation de protoxyde d’azote au volant peut causer des accidents de la route, il faut resituer les enjeux de ce problème, qui demeure très circonscrit, si on le compare à la consommation d’alcool, de cannabis ou d’autres substances psychoactives. Or ces risques ne sont pas évoqués dans l’article visé par votre amendement, puisque tel n’est pas son objet.

Surtout, la sensibilisation à l’ensemble de ces consommations à risque est bien intégrée à la proposition de loi dans le cadre des séances d’éducation et d’information aux risques associés aux conduites addictives, notamment la consommation de protoxyde d’azote. Elle est précisément incluse dans l’article 2, qui précise les enseignements liés à la toxicomanie.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Madame la sénatrice, je vous rejoins sur la nécessité d’une sensibilisation des futurs jeunes conducteurs sur la consommation de protoxyde d’azote, qui pourrait d’ailleurs s’étendre à tous les produits psychoactifs.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour explication de vote.

Mme Marion Canalès. Madame la rapporteure, je vous remercie de votre réponse. Cependant, mon amendement n’est pas redondant. L’alinéa que vous mentionnez concerne la prévention des toxicomanies. Or le protoxyde d’azote n’est actuellement pas considéré comme un stupéfiant. La frontière reste floue.

Il sera en tout cas nécessaire de sensibiliser les jeunes conducteurs.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Grand, Rochette et Chevalier, Mme L. Darcos, MM. A. Marc, Wattebled, Capus et Brault, Mmes Bourcier et Lermytte, MM. Malhuret et H. Leroy, Mme Jacquemet, MM. Buis, Sol, Levi et Milon, Mme Belrhiti, M. Maurey, Mme F. Gerbaud, M. Belin, Mme Carrère-Gée, M. Nougein, Mme Perrot et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) À la première phrase, après le mot : « dans », sont insérés les mots : « les classes de cycle 3 des écoles élémentaires, » ;

La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. L’usage détourné du protoxyde d’azote est en recrudescence chez les collégiens, les lycéens et les étudiants, avec des consommations parfois quotidiennes.

Cet amendement vise à renforcer la prévention relative aux usages détournés et dangereux du protoxyde d’azote dès les classes de CM1 et de CM2.

Il est essentiel d’expliquer de façon pédagogique les dangers associés à l’utilisation du protoxyde d’azote dès le plus jeune âge, de reconnaître les dangers associés à cette consommation et d’éviter de normaliser cette pratique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Maryse Carrère, rapporteure. Il est primordial de renforcer la sensibilisation aux conduites addictives dans les collèges et les lycées, mais aussi d’y intégrer les risques liés au protoxyde d’azote. C’est le sens des dispositions de l’article 2.

Toutefois, promouvoir la sensibilisation à une consommation détournée de protoxyde dans les écoles primaires peut sembler quelque peu précoce. Je le rappelle, selon les données de Santé publique France, la moyenne d’âge des consommateurs est de 22 ans. C’est entre 18 et 34 ans que se fait la majorité des expérimentations.

Si un peu moins de 20 % des expérimentations sont réalisées entre 15 et 18 ans, les moins de 11 ans n’apparaissent pas franchement concernés par ces enjeux. Prévoir une sensibilisation systématique de ces classes d’âge ne me semble donc pas adapté.

La commission émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. La classe d’âge que vous visez me paraît un peu jeune, monsieur le sénateur. Je ne suis pas certain que le public en question ait la maturité suffisante pour être sensible à cette information.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme Canalès, M. Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin et Poumirol, M. Fichet, Mmes Conconne et Féret, M. Jomier, Mme Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au cinquième alinéa de l’article L. 5314-2 du code du travail, après les mots : « à la prévention », sont insérés les mots : « , notamment en matière d’usage détourné de protoxyde d’azote pour en obtenir des effets psychoactifs et des risques liés, ».

La parole est à Mme Marion Canalès.

Mme Marion Canalès. Cet amendement tend à élargir le spectre des lieux de prévention.

Nous avons largement parlé des écoles, des collèges et des lycées, mais certaines jeunes sortent du système scolaire dès 16 ans. Ils sont alors souvent accueillis par les missions locales. Nous le savons bien ici, car nombre d’entre nous président ces structures ou y participent : les missions locales contribuent à la lutte contre les addictions.

Je propose donc de les intégrer parmi les acteurs de la prévention, car nous ne devons pas oublier que certains jeunes quittent le lycée à 16 ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Maryse Carrère, rapporteure. Nous nous entendons sur un principe : il faut renforcer les actions de prévention en direction des jeunes publics pour ce qui concerne les risques associés aux usages détournés.

En revanche, il ne paraît pas suffisamment opportun d’inscrire la sensibilisation dans toutes les dispositions législatives.

Les missions locales ont pour objectif prioritaire de favoriser l’insertion professionnelle et sociale des jeunes. Elles peuvent, à ce titre, participer au repérage des situations.

Cependant, je ne crois ni utile ni pertinent de faire ici un cas particulier du protoxyde d’azote, étant donné que les autres conduites addictives ne sont pas signalées par les missions locales. Les actions de sensibilisation au risque de la consommation récréative sont essentiellement réalisées en dehors du domaine de la loi. Elles relèvent d’une impulsion politique.

Les acteurs agissant dans le champ de la prévention eux-mêmes, qu’il s’agisse de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) ou d’associations telles qu’Addictions France ou l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) considèrent qu’il faut intégrer le protoxyde d’azote dans une politique de prévention globale, sans en faire une priorité, au même titre que le tabac et l’alcool.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Le cadre législatif actuel permet déjà aux missions locales de réaliser des missions de prévention sur différentes addictions, que ce soit la drogue, l’alcool ou le tabac. Cet amendement est donc satisfait.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les usages détournés du protoxyde d’azote.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. À l’issue de l’examen de ce texte, je salue son auteur, M. Ahmed Laouedj, qui a offert au Sénat l’occasion de débattre sur ce sujet. Cette proposition de loi est véritablement celle d’un élu local, qui, confronté à un problème au quotidien, souhaite inscrire dans un texte de loi les outils nécessaires pour apporter des solutions aux acteurs sur le terrain. Un grand bravo, monsieur Louedj !

Je remercie également notre rapporteure, Mme Maryse Carrère, qui a beaucoup travaillé pour parvenir à un texte à peu près équilibré. Certes, la question de la prévention est également importante. Le débat est toujours le même : faut-il proposer un texte de loi bavard ou considérer que certaines mesures sont déjà satisfaites par d’autres dispositions ? Quoi qu’il en soit, l’objectif est globalement atteint.

Je remercie enfin le personnel du Sénat, ainsi que les sénateurs qui sont restés présents jusqu’à vingt heures aujourd’hui. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. Je remercie à mon tour l’auteur de ce texte, dont les dispositions font écho à notre mission de protection de notre jeunesse, ainsi que Mme la rapporteure et M. le président de la commission.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que vous comprenez la position équilibrée que le Gouvernement a adoptée sur ce texte, après avoir émis un avis favorable sur l’interdiction de la vente du protoxyde d’azote à l’Assemblée nationale. Avec la version du Sénat, nous envisageons sous un autre aspect, complémentaire, la pénalisation de la consommation.

Nous verrons comment évoluera ce texte, mais le message que nous devons faire passer est le suivant : nous devons lutter de toutes nos forces pour faire face à toutes les addictions, notamment en prenant des mesures de prévention.

J’ai bien entendu la proposition, formulée sur plusieurs travées, de lancer une nouvelle campagne contre les addictions, notamment à destination de la jeunesse. Tel est bien mon ambition et celle du ministère de la santé pour l’été prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 10 mars 2025 :

À seize heures et le soir :

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (texte de la commission n° 402, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER