M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. L’épandage aérien a été interdit en Guadeloupe et en Martinique en 2014, après quelques hésitations et plusieurs jugements de tribunaux administratifs. Tous les avions ont alors été vendus à Saint-Domingue, qui vend des bananes ici sous le label bio…

Je sais quelque chose de cette interdiction : j’étais alors directeur de la chambre d’agriculture, et on m’a personnellement accusé d’avoir délivré l’autorisation. Je remplaçais, en somme, la commission de toxicologie du ministère de l’agriculture…

Cette expérience m’a rendu extrêmement prudent sur le sujet, d’autant plus que le texte ne permet pas de savoir exactement quels sont les produits naturels et biocontrôlés qui seront épandus – peut-être me démentirez-vous tout à l’heure. Jadis, on utilisait, entre autres, de la bouillie bordelaise ; aujourd’hui, on ne sait pas.

Je soutiens donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je n’avais pas prévu d’intervenir sur ce texte. Cependant, les propos qu’ont tenus tant Victorin Lurel et Daniel Salmon m’incitent à apporter quelques petites précisions pour rappeler ce qui se passe en réalité.

L’interdiction de tout épandage aérien – par drone ou autre – pour les bananes a conduit à demander aux opérateurs de traiter par le dessous, alors que la maladie commence par le dessus.

Oui, la possibilité de recourir à des drones n’arrêterait pas le traitement par le dessous. C’est vrai ! Mais c’est parce qu’on limite les produits pouvant être épandus par les drones. Si l’on avait l’intelligence de donner la possibilité d’utiliser par le dessus les produits que l’on utilise par le dessous, on n’aurait plus besoin d’intervenir par le dessous !

En réalité, l’interdiction des drones a conduit, en France, à une diminution du rendement des bananeraies de 60 tonnes à 30 tonnes à l’hectare, ce qui nous a jetés encore un peu plus dans les bras des importateurs. Et nous importons des bananes qui, pour la plupart, viennent du Costa Rica, où les traitements aériens sont autorisés pour leur culture : il y a, au Costa Rica, 46 molécules, parfois interdites en France, qui sont utilisées par cette voie.

En France, nous pratiquons neuf interventions par le dessous, avec le risque que cela implique pour l’utilisateur. Si nous passions au drone pour l’épandage des produits nécessaires pour traiter la cercosporiose des bananes, nous diminuerions encore l’utilisation des produits phyto à six passages.

Il faudrait ne pas se poser la question de l’utilisation du drone : nous devrions avoir dépassé ce stade depuis bien longtemps. Nous devrions ouvrir cette possibilité non seulement pour les produits de biocontrôle, mais aussi pour ceux que l’on utilise pour traiter les bananes par le dessous.

Ce faisant, nous diminuerions les traitements, nous importerions moins de bananes du Costa Rica, et nous protégerions réellement les utilisateurs, au-delà des seuls effets de manche.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 8 rectifié bis est présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Briquet, Brossel, Canalès et Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel et Marie, Mmes Monier et Narassiguin, MM. Omar Oili et Ouizille, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Temal, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane.

L’amendement n° 10 est présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

des I bis et I ter

par les mots :

du I bis

II. – Alinéas 6 à 13

Supprimer ces alinéas

La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié bis.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement revêt pour nous une importance majeure. Il s’agit de supprimer le droit à l’essai prévu par le I ter de l’article 1er, qui illustre concrètement les risques de dérive que nous dénonçons si la présente proposition de loi venait à être adoptée en l’état.

En effet, ce droit à l’essai reviendrait, concrètement, à réautoriser l’épandage aérien de pesticides en France sur tout le territoire, et ce sans jamais avoir à revenir devant le Parlement pour en débattre.

De fait, le dispositif envisagé concerne toutes les cultures et toutes les parcelles, indépendamment de la présence d’un risque majeur avéré ou de topologie particulière justifiant un tel recours.

Si le texte tente d’apporter certaines garanties en termes d’encadrement, nous savons très bien qu’il reviendra surtout à ouvrir une boîte de Pandore que nous ne pourrons jamais refermer.

Les différents textes que la majorité sénatoriale a portés ces derniers temps ne peuvent que nous donner raison : de la proposition de loi « ferme France » à celle qui vise à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, nous voyons bien que l’objectif est progressivement de supprimer toutes les réglementations, de réautoriser des pesticides interdits, de diminuer le pouvoir des opérateurs de l’État, comme l’Anses ou l’Office français de la biodiversité, et de procéder à un énorme retour en arrière sur le plan environnemental.

Certains nous répondront que seuls certains produits sont, à ce stade, concernés par cette dérogation, ou que ce droit à l’essai ne pourra être pérennisé qu’à l’issue d’une évaluation de l’Anses, ce qui est bien le minimum.

Cependant, nous considérons que le contexte politique actuel de défiance majeure à l’égard du monde scientifique et des agences fera peser bien trop de pression sur l’Anses, qui est déjà largement attaquée par ailleurs.

Nous savons très bien que toutes les filières pourront se réclamer, demain, du droit à l’essai, au gré des crises climatiques, sanitaires ou économiques pouvant les impacter.

Nous considérons également que, si les produits à moindre risque sont aujourd’hui les seuls concernés par cette dérogation, certains tenteront, demain, d’en élargir la liste dès que l’occasion se présentera.

Pour nous, ces alinéas illustrent parfaitement le risque de fuite en avant que susciterait l’adoption de la présente proposition de loi en l’état.

Nous réaffirmons donc, par cet amendement, que le principe de précaution doit primer avant tout et que l’exception ne doit pas devenir la règle.

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 10.

M. Daniel Salmon. Cet amendement a été très bien défendu par mon collègue Jean-Claude Tissot.

Nous décidons une généralisation alors que nous n’avons pas fait de tests sur l’ensemble des cultures. Cette fuite en avant est plus qu’inquiétante.

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par M. Salmon, Mme Guhl, MM. Jadot, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Mellouli et Mmes Ollivier, Poncet Monge, Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 8

1° Remplacer les mots :

avantages manifestes

par le mot :

incidences

2° Supprimer les mots :

du point de vue des incidences

La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Il est assez surprenant que nous menions des expérimentations afin qu’elles nous démontrent les « avantages manifestes » de l’utilisation des drones. Autrement dit, on a déjà une idée de ce que l’on veut in fine, à savoir des conclusions positives.

Quand on mène une expérimentation, il convient de mesurer les « incidences », de déterminer le positif comme le négatif, les avantages et les inconvénients.

Cet amendement vise ainsi à remplacer l’expression « avantages manifestes » par le terme « incidences ».

Cela me semble essentiel pour que la démarche soit objective, scientifique, et non complètement orientée dès le départ en faveur de l’utilisation des drones.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Cabanel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 8 rectifié bis et 10. Je répète, en effet, que l’expérimentation est une bonne méthode, encore plus lorsqu’elle est encadrée et contrôlée, comme dans le cas présent.

Je rappelle que les expérimentations pourront effectivement être menées, mais que, si les évaluations menées par l’Anses ne sont pas concluantes, elles ne seront pas pérennisées pour la culture ou la parcelle en question. Et chacun sait ici que l’Anses produit des analyses solides et indépendantes – en tout cas, je l’affirme !

Enfin, je ne pense pas que chaque nouvelle autorisation sur telle ou telle culture devrait passer par le Parlement. Si le Parlement vote la loi, pose un cadre, c’est au pouvoir réglementaire de s’assurer de l’application de ce cadre ! C’est exactement ce que fait ce texte : il pose un cadre et définit les règles.

L’amendement n° 13 vise à revenir sur la rédaction résultant des deux amendements du groupe écologiste de l’Assemblée nationale, destinés à mettre la rédaction en conformité avec le droit européen : en effet, la rédaction de l’alinéa que votre amendement vise reprend quasiment mot pour mot la condition essentielle à l’usage des drones figurant à l’article 9 de la directive européenne de 2009 sur les produits phytopharmaceutiques. Il n’est donc pas nécessaire de la modifier. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Je suis d’accord avec M. le rapporteur.

Pour ma part, je pense que la méthode par expérimentation successive est la prudence même. De ce point de vue, je comprends mal ces amendements.

Je suis donc défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié bis et 10.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Briquet, Brossel, Canalès et Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel et Marie, Mmes Monier et Narassiguin, MM. Omar Oili et Ouizille, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Temal, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéa 3

1° Remplacer les mots :

Pour lutter contre un

par les mots :

En cas de

2° Après le mot :

phytopharmaceutiques

insérer les mots :

pour lutter contre ce danger

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement a pour objet de revenir à la rédaction actuelle de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime concernant le champ dérogatoire au principe général d’interdiction de la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques.

Pour les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la rédaction retenue dans le cadre de cette proposition de loi pourrait laisser planer une ambiguïté qui semble peu opportune au vu des inquiétudes que suscite par ailleurs la philosophie d’ensemble du texte.

En effet, le code rural prévoit actuellement que le principe de la dérogation à l’interdiction générale d’épandage aérien, d’une part, ne peut se déclencher qu’en cas de danger sanitaire grave et, d’autre part, concerne la pulvérisation de produits destinés à lutter contre ce danger.

Or la rédaction de la proposition de loi n’apporte pas cette dernière précision. Dans l’absolu, elle pourrait donc ouvrir la possibilité de recourir à l’épandage aérien en cas de danger sanitaire grave, même si les produits épandus n’ont pas vocation à spécifiquement lutter contre le danger identifié.

À ce titre, il semble préférable d’en rester à la rédaction actuelle de l’article L. 253-8, en vigueur depuis 2016.

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Briquet, Brossel, Canalès et Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel et Marie, Mmes Monier et Narassiguin, MM. Omar Oili et Ouizille, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Temal, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

phytopharmaceutiques

insérer les mots :

pour lutter contre ce danger

La parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement de repli vise à bien préciser que la dérogation au principe général d’interdiction en cas de danger sanitaire grave ne peut porter que sur la pulvérisation de produits visant à lutter contre ce danger identifié.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Cabanel, rapporteur. L’amendement n° 1 rectifié est en réalité quasi rédactionnel. Étant donné que la commission a fait le choix d’adopter ce texte conforme, vous comprendrez que nous émettions un avis défavorable. Nous ne voulons pas prendre le risque d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale qui serait incertaine, comme je l’ai expliqué dans mon propos liminaire tout à l’heure.

« Pour lutter contre un danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens » : je considère que la rédaction proposée ne souffre aucune ambiguïté et n’appelle pas à lever un quelconque doute.

L’avis sera également défavorable sur l’amendement de repli n° 2 rectifié bis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur : il s’agit presque d’une modification de pure forme. La nouvelle formulation qui est proposée à l’alinéa 3 ne diffère que très légèrement de l’actuelle et ne change absolument rien au fond.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

(M. Xavier Iacovelli remplace M. Loïc Hervé au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Xavier Iacovelli

vice-président

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Briquet, Brossel, Canalès et Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel et Marie, Mmes Monier et Narassiguin, MM. Omar Oili et Ouizille, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Temal, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer le mot :

comportant

par le mot :

présentant

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement vise lui aussi à lever toute forme d’ambiguïté sur les ambitions de la présente proposition de loi. Il s’agit de préciser la rédaction de l’alinéa 4 concernant la prise en compte de la pente pouvant donner lieu à des dérogations.

La rédaction actuelle prévoit que cette autorisation pourrait être donnée, à titre dérogatoire, sur des parcelles agricoles comportant une pente supérieure à 20 %. Or il est apparu que cette rédaction était sujette à interprétation, comme cela a été d’ailleurs le cas au moment des débats à l’Assemblée nationale, sans qu’une réponse très claire soit apportée en retour. En effet, le terme « comporter » pourrait laisser penser qu’une parcelle inclinée à un pourcentage inférieur à 20 %, mais comportant seulement une zone supérieure à 20 %, pourrait en bénéficier.

Nous estimons bien évidemment que ce n’est pas l’esprit de la loi et qu’il s’agit bien de viser les parcelles dont les pentes sont supérieures à un pourcentage donné, qu’il soit, d’ailleurs, de 20 % ou de 30 %. Nous proposons donc d’en rester au terme utilisé actuellement dans la législation, à savoir « présenter », tel que cela a été voté dans le cadre de la loi Égalim 1, qui a servi de base à la mise en œuvre de la première expérimentation.

C’est une petite différence sémantique, mais qui a du sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Cabanel, rapporteur. Le mot « comportant », introduit en séance publique à l’Assemblée nationale, ne pose pas de difficulté de nature à empêcher un vote conforme, lequel évitera de s’engager sur le chemin incertain d’une nouvelle lecture.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Je comprends le sens de votre amendement, monsieur le sénateur Tissot, mais, avec un tel raisonnement, il faudrait traiter les parcelles concernées tantôt par drone, tantôt par chenillard, selon la pente du terrain. Mettez-vous à la place de l’opérateur ! Ce n’est pas sérieux…

Les termes « comportant une pente supérieure ou égale à 20 % » qui figurent dans l’article me semblent plus adaptés à la réalité du travail de l’opérateur. (MM. Jean-Claude Tissot et Christian Redon-Sarrazy protestent.)

L’avis du Gouvernement est donc également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Briquet, Brossel, Canalès et Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel et Marie, Mmes Monier et Narassiguin, MM. Omar Oili et Ouizille, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Temal, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer le pourcentage :

20 %

par le pourcentage :

30 %

La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Cet amendement est important pour le groupe SER : il s’agit d’appliquer le principe de précaution, en n’autorisant aucune dérogation en l’absence d’évaluation ou d’expérimentation menée au préalable.

Concrètement, il vise à modifier le degré minimal de pente à partir duquel une dérogation au principe d’interdiction de pulvérisation aérienne de pesticides est autorisée.

L’expérimentation issue de la loi Égalim 1 portait sur une pente supérieure ou égale à 30 %. Nous l’avons rappelé au cours de nos débats, l’évaluation de cette expérimentation a suscité de nombreuses réserves, et l’Anses a reconnu que les données n’étaient ni suffisantes ni suffisamment pertinentes pour que soit envisagée une quelconque généralisation du dispositif.

Vous venez d’indiquer, monsieur le rapporteur, que les travaux de l’Anses étaient de qualité ; aussi serions-nous bien inspirés d’entendre les réserves dont elle fait état !

Par conséquent, il semble particulièrement disproportionné et précipité de prévoir une autorisation d’épandage aérien dès que la pente est égale à 20 %.

Nous dénonçons ici, une nouvelle fois, le risque de dérive que pourrait induire cette proposition de loi si elle était adoptée en l’état. L’abaissement de ce pourcentage sans aucune étude d’impact l’illustre parfaitement. Les défenseurs de la suppression pure et simple de l’interdiction de l’épandage aérien se saisiront dès qu’ils le pourront d’un nouveau texte pour abaisser encore ce seuil ou pour prévoir d’autres régimes dérogatoires.

Dans ces conditions, il convient d’en rester au régime d’exception.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Henri Cabanel, rapporteur. Le sujet du pourcentage de pente – 20 % ou 30 % – a donné lieu à de longs débats à l’Assemblée nationale.

Ceux qui connaissent l’accidentologie des terrains agricoles le savent, travailler avec un engin motorisé est aussi risqué sur une pente de 20 % que sur une pente de 30 %. En effet, ces pourcentages correspondent à peu près – je le dis pour que vous vous fassiez une idée, mes chers collègues – à la pente de l’escalier d’un logement d’habitation. Si l’on y ajoute des conditions climatiques difficiles, par exemple une forte pluviosité, la situation devient très compliquée.

Pour ma part, je suis soucieux de la sécurité des personnes qui appliquent les produits, un sujet essentiel que l’on n’a pas suffisamment évoqué ici. Or, de ce point de vue, il n’y a pas une grande différence entre une pente de 20 % et une autre de 30 %, surtout lorsqu’il faut passer avec un engin de plusieurs tonnes, dans des parcelles de vigne, par exemple.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Annie Genevard, ministre. Nous avons déjà débattu de ce sujet lors de l’examen de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, de MM. Duplomb et Menonville. Il était ressorti de nos discussions que les zones pentues, que leur pente soit de 20 % ou de 30 %, étaient très accidentogènes pour les applicateurs de produits, lesquels – il faut bien s’en rendre compte ! – effectuent déjà un travail pénible. Les opérateurs portent sur le dos un pulvérisateur de 20 à 30 kilogrammes : c’est cela, la réalité du métier !

Considérant qu’il vaut mieux laisser en l’état le texte adopté par les députés, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Tissot et Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Stanzione et Kanner, Mmes Bélim, Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bourgi, Mmes Briquet, Brossel, Canalès et Carlotti, MM. Chaillou et Chantrel, Mme Conway-Mouret, M. Cozic, Mme Daniel, M. Darras, Mme de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, MM. Fagnen et Féraud, Mme Féret, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel et Marie, Mmes Monier et Narassiguin, MM. Omar Oili et Ouizille, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roiron et Ros, Mme Rossignol et MM. Temal, Uzenat, M. Vallet, Vayssouze-Faure, M. Weber et Ziane, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces dispositions ne s’appliquent pas à moins d’une distance de 20 mètres des zones attenantes aux bâtiments habités ou régulièrement occupés ainsi qu’aux parties non bâties à usage d’agrément ou professionnel contiguës à ces bâtiments.

La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.

M. Christian Redon-Sarrazy. Cet amendement vise à prévoir, dans le cadre de la dérogation introduite à l’alinéa 4 de l’article 1er, l’application d’une zone de non-traitement dans un périmètre de 20 mètres autour des zones d’habitations.

Il convient de rappeler que les risques de dérive lors de l’épandage sont accrus lorsque l’on a recours à une pulvérisation par voie aérienne. Nous avions dénoncé les conséquences de ce phénomène, décrit depuis des décennies, dans le rapport d’information sénatorial de 2012 intitulé Pesticides : vers le risque zéro.

Dans son évaluation de 2022, l’Anses indique ainsi, concernant les drones : « Les conditions d’utilisation ont un impact très important sur le niveau de la dérive. En effet, le vent, le type de buse, la vitesse d’avancement du drone et la hauteur de pulvérisation sont des facteurs ayant un impact important sur la dérive. » À ce titre, il paraît donc nécessaire de prévoir, comme c’est déjà le cas dans la réglementation en vigueur depuis la fin 2019 pour un certain nombre de cas, le respect d’une distance de non-traitement à proximité des habitations.

D’aucuns affirment que ce risque de dérive est diminué lorsque l’on a recours à la technologie des drones plutôt qu’à d’autres supports de pulvérisation par voie aérienne. Cela reste à prouver !

La distance de non-traitement à moins de 20 mètres des zones d’habitation que nous proposons nous semble raisonnable. Rappelons que, à l’Assemblée nationale, la distance prévue était de 250 mètres… Vous le voyez, nous faisons preuve de modération sur ce sujet, pourtant sensible puisqu’il concerne la santé publique.